M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à expérimenter l’usage des caméras individuelles pour les gardes champêtres.
M. le président. Le sous-amendement n° 386, présenté par MM. L. Hervé et Daubresse, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 364
1° Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
sont
insérer les mots :
fournies par le service et
2° Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
3° Alinéa 9
Remplacer les mots :
au second alinéa du I et au premier alinéa du II de
par le mot :
à
4° Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les observations des collectivités territoriales et établissements publics participant à l’expérimentation sont annexées au rapport.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 364.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Il s’agit d’un sous-amendement rédactionnel. S’il était adopté, il permettrait à la commission d’émettre un avis favorable sur l’amendement que M. le ministre vient de présenter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 386 ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 21.
L’amendement n° 231, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, le 30 juin 2021, un rapport détaillant l’équipement en aéronefs du ministère de l’intérieur. Ce rapport étaye le choix des fournisseurs et l’origine de fabrication des engins, ainsi que leurs caractéristiques techniques précises.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. le président. L’amendement n° 231 est retiré.
Article 22
Le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord
« Art. L. 242-1. – Les dispositions du présent chapitre déterminent les conditions dans lesquelles les autorités publiques mentionnées aux articles L. 242-5 et L. 242-6 peuvent procéder au traitement d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote.
« Sont prohibés la captation du son depuis ces aéronefs, l’analyse des images issues de leurs caméras au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale, ainsi que les interconnexions, rapprochements ou mises en relation automatisés des données à caractère personnel issues de ces traitements avec d’autres traitements de données à caractère personnel.
« Art. L. 242-2. – Lorsqu’elles sont mises en œuvre sur la voie publique, les opérations mentionnées aux articles L. 242-5 et L. 242-6 sont réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
« Les images captées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.
« Art. L. 242-3. – Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images et de l’autorité responsable, sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis. Une information générale du public sur l’emploi de dispositifs aéroportés de captation d’images est organisée par le ministre de l’intérieur.
« Art. L. 242-4. – La mise en œuvre des traitements prévus aux articles L. 242-5 et L. 242-6 doit être justifiée au regard des circonstances de chaque intervention, pour une durée adaptée auxdites circonstances et qui ne peut être permanente. Elle ne peut donner lieu à la collecte et au traitement que des seules données personnelles strictement nécessaires à l’exercice des missions concernées et s’effectue dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« L’autorité responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la finalité poursuivie, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.
« Les enregistrements peuvent être utilisés à des fins de pédagogie et de formation des agents.
« Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont effacés au bout de trente jours.
« Art. L. 242-5. – I. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent être autorisés à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote dans le cas :
« 1° De crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à cinq ans ;
« 2° D’autres infractions, lorsque des circonstances liées aux lieux de l’opération rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou sont susceptibles d’exposer leurs agents à un danger significatif.
« L’autorisation est délivrée par décision écrite et motivée du procureur de la République territorialement compétent qui s’assure du respect des dispositions du présent chapitre. Elle détermine le périmètre et la période pour lesquels elle est valable, ainsi que les infractions concernées.
« II. – Dans l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de la sécurité publics, les services mentionnés au I peuvent également être autorisés à procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote aux fins d’assurer :
« 1° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou rétablir l’ordre public, lorsque les circonstances font craindre des troubles à l’ordre public d’une particulière gravité, ou lorsque des circonstances liées aux lieux de l’opération rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou sont susceptibles d’exposer leurs agents à un danger significatif ;
« 2° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ;
« 3° La régulation des flux de transport ;
« 4° La surveillance des frontières en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier ;
« 5° Le secours aux personnes.
« L’autorisation est délivrée par décision écrite et motivée du représentant de l’État dans le département et, à Paris, du préfet de police, qui s’assure du respect des dispositions du présent chapitre. Elle détermine le périmètre et la période pour lesquels elle est valable, ainsi que ses finalités.
« III. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, les services de l’État concourant à la défense nationale peuvent procéder à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote dans le but d’assurer la protection des intérêts de la défense nationale et des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense.
« Art. L. 242-6. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours, les personnels des services de l’État et les militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile ou les membres des associations agréées de sécurité civile au sens de l’article L. 725-1 peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras installées sur des aéronefs circulant sans personne à bord et opérés par un télépilote, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images aux fins d’assurer :
« 1° La prévention des risques naturels ou technologiques ;
« 2° Le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie ;
« 3° (Supprimé)
« Art. L. 242-7. – Les modalités d’application du présent chapitre et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 83 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 111 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 296 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 83.
M. Pascal Savoldelli. Cet article ouvre un cadre juridique à l’emploi des drones. Il encadre l’usage des caméras disposées sur les drones afin de veiller au respect de l’ordre public et de soutenir l’action des forces de l’ordre en opération. La collecte d’images par des drones serait autorisée, y compris - est-ce l’objectif ? - lors de manifestations sur la voie publique.
Bien que l’article ait été réécrit en partie par la commission, qui a effectué un travail de vigilance et d’alerte, il reste selon nous dangereux.
Ainsi, il prévoit que les personnes surveillées par drone en seront informées. Si vous nous garantissez vraiment, monsieur le ministre, que toutes celles et tous ceux qui seront ainsi surveillés en seront informés, nous pourrions peut-être retirer notre amendement… (Sourires.)
Vous êtes un fin technicien de l’image et de la communication et vous nous expliquez que les drones circulant au-dessus des manifestations informeront quasi mécaniquement ceux qui seront visionnés – cela devrait m’arriver assez souvent, soit dit en passant… Je vous avoue qu’à mon avis l’argument ne tient pas trop la route !
La Quadrature du Net, dans son analyse de la proposition de loi, estime que les personnes surveillées par drone ou caméra mobile ne pourront pas véritablement être informées. Or il s’agit d’une exigence constitutionnelle, monsieur le ministre, mais c’est aussi, pour ajouter une couche au millefeuille, une exigence du droit européen.
Nous vous demandons donc de faire œuvre de sagesse et de responsabilité, en acceptant la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 111.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° 296 rectifié bis.
M. Thierry Cozic. L’article 22 prend l’apparence d’une disposition utile, puisqu’il vient combler un vide juridique, en proposant de définir le cadre légal d’utilisation des caméras aéroportées.
La nécessité d’inscrire dans notre droit un régime dédié à l’utilisation de cette technologie s’imposait d’autant plus que le Conseil d’État avait pointé une atteinte « grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée » à l’occasion de son utilisation par les forces de sécurité.
Néanmoins, en dépit des modifications apportées par la commission des lois, comme l’interdiction de la captation des sons, de la reconnaissance faciale et des interconnexions automatisées de données, les garanties censées assurer le respect de la vie privée sont insuffisantes et inappropriées.
En effet, l’article 22 ne précise pas comment il sera possible de rendre compatible l’usage des drones avec la condition impérative de ne pas visualiser les images de l’intérieur des domiciles et de leurs entrées.
De plus, les modalités de l’information du public ne sont pas précisées, sauf à se satisfaire de la formulation « par tout moyen approprié ».
En outre, ces protections sont aléatoires, car elles se trouvent conditionnées par des réserves qui les rendront le plus souvent inapplicables.
D’ailleurs, sur ce sujet, la commission des lois n’a pas apporté de réponse. Il n’est pas acceptable que le Parlement ne se prononce pas sur cette condition minimale, en se déchargeant sur le pouvoir réglementaire par un renvoi à un décret d’application.
Le périmètre servant de support est trop lâche en raison de la multiplicité et de la diversité des motifs susceptibles d’être invoqués pour justifier le recours aux drones à des fins de captation et d’enregistrement. À cet égard, la mobilisation de caméras aéroportées, notamment pour l’encadrement des manifestations, ne va pas sans soulever de fortes craintes sur le risque d’atteinte au droit de manifester.
Enfin, l’on ne saurait traiter ce sujet dans le cadre d’une simple proposition de loi.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Thierry Cozic. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 22.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous pourrions finalement décider d’en rester au droit actuel et de ne pas créer, alors que la CNIL et le Conseil d’État l’exigent, une base juridique pour l’utilisation des drones par les forces de sécurité intérieure et les services de secours, autrement dit interdire leur usage.
Mme Sophie Taillé-Polian. Exactement !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Les appareils déjà acquis seront revendus sur eBay (Sourires.) ou sur une autre plateforme au choix ; ils ne seront plus utilisés pour les secours en montagne et dans les très nombreuses situations où il est utile de mettre la technologie au service de la sécurité des forces, mais aussi des citoyens.
Ce n’est pas la vision retenue par la commission. Nous pensons, comme nos collègues députés, qu’il faut donner un cadre juridique robuste à l’utilisation des drones, encadrer aussi les évolutions technologiques qui ne manqueront pas de se produire dans les années à venir et les mettre au service de nos forces.
Le progrès technique est aussi là pour rendre plus faciles, plus simples un certain nombre de missions, y compris de service public.
Par conséquent, je ne puis rendre qu’un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 22. Je vous invite plutôt à compléter le travail de la commission des lois, ce que certains d’entre vous n’ont pas manqué de faire, puisque nous nous apprêtons à examiner leurs amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne reviendrai pas sur les excellents arguments de M. le rapporteur et sur la nécessité de légiférer.
Pour répondre au défi de M. Savoldelli, quand une manifestation est déclarée, son parcours est connu : il est donc tout à fait envisageable d’informer les participants via des panneaux que cette manifestation est surveillée par drones, comme cela se passe dans les communes équipées de dispositifs de vidéoprotection – dans ces communes, des panneaux vous expliquent même comment récupérer les vidéos et faire valoir votre droit à l’image.
Par ailleurs, les manifestations ont lieu dans une commune ou un département donné. Une information pourrait tout à fait figurer sur le site internet de la préfecture du lieu concerné. Par exemple, le site de la ville de Tourcoing ou celui de la préfecture du Nord pourrait annoncer : « Manifestation du Parti communiste français à Tourcoing : cette manifestation autorisée sera vidéoprotégée par drones. » Il existe de nombreuses façons d’informer la personne concernée. (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Je ne vois pas en quoi c’est incompatible, bien au contraire !
Enfin, il faut savoir que tous les pays occidentaux emploient des drones, sans cadre légal pour certains, comme l’a relevé M. le rapporteur. Certains pays utilisent même l’information vocale, par exemple au début, au milieu et à la fin de la manifestation.
Il y a donc plusieurs moyens, monsieur Savoldelli, d’informer les personnes vidéosurveillées ou vidéoprotégées par drones : vous pouvez donc tenir votre pari et retirer votre amendement ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Si l’on veut protéger les manifestants et défendre leurs libertés constitutionnelles, il faut pouvoir repérer ceux qui viennent pour provoquer des débordements. Les équipements modernes le permettent. Par conséquent, autorisons leur utilisation dans un cadre contrôlé : ce serait sans doute une erreur de ne pas légiférer, comme vient de nous le rappeler Loïc Hervé. Il s’agit de protéger les personnes qui viennent manifester pacifiquement.
Rappelez-vous, lors de manifestations dites des gilets jaunes, combien de fois l’Assemblée nationale et le Sénat ont été attaqués. Nous avons été confinés un samedi, alors que nous examinions un projet de loi de finances. Souvenez-vous aussi des Black Blocs ! Ceux qui veulent casser la démocratie utilisent les avancées de la technologie ; utilisons des moyens modernes pour la défendre.
Nous, gardiens des libertés, légiférons convenablement, comme nous y invitent le rapporteur et le ministre.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je ne suis pas un spécialiste des drones, mais le rapport de la commission des lois est éclairant sur cet article 22.
Les caméras embarquées sur les drones peuvent être utilisées pour des usages variés et indispensables : reconstitution d’accidents graves, lutte contre les catastrophes naturelles, sécurité des biens et des personnes, etc. Dans le cadre de manifestations ou du maintien de l’ordre public, il y va de l’intérêt général : ne voyons pas le mal partout et faisons confiance pour essayer de progresser.
J’irai donc dans le sens de la commission des lois.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Au début de cette discussion, monsieur le ministre, vous disiez qu’on reprochait au Gouvernement de se rapprocher d’Orwell, alors qu’il serait plutôt du côté des libéraux ou de Tocqueville. Mais aujourd’hui, le libéralisme peine à assumer sa facette « libertés individuelles » et se restreint de plus en plus aux libertés économiques. Ce système économique conduit à tellement d’inégalités, de souffrances et d’injustices qu’il est contesté et provoque des mouvements sociaux.
Le nouveau monde qu’on nous fait miroiter depuis 2017 reflète justement ce libéralisme étriqué, réduit au libéralisme économique, et une certaine vision orwellienne.
Nous le voyons bien avec cette proposition de loi, avec les restrictions des libertés, avec le recours aux drones dans les manifestations, mais aussi avec l’usage de la novlangue dont parlait Orwell. Quand j’entends que les manifestations seront « vidéoprotégées », j’en rirais, si je ne me sentais pas de moins en moins protégée dans les manifestations en raison de l’usage des gaz lacrymogènes à tous les coins de rue ou du système de la nasse, de laquelle on ne peut plus sortir !
Avec ces pratiques, le droit de manifester est battu en brèche. Beaucoup de Françaises et de Français hésitent à manifester, parce qu’ils ont peur, non seulement en raison de la présence de Black Blocs – je ne nie pas qu’ils sont parfois présents –, mais aussi en raison de l’escalade dans la façon dont le maintien de l’ordre est mis en œuvre, qui s’apparente malheureusement plus à une escalade de désordre.
Donc oui, ces propositions d’utilisation de drones vont à l’encontre de la liberté de manifester, cela a été dénoncé notamment par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), et il faut s’y opposer fermement !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je ne prendrai pas le même point de départ que ma collègue Sophie Taillé-Polian ; il n’en reste pas moins que la disposition relative aux drones fait l’objet de nombreuses réserves, de la part notamment de la CNCDH, du Conseil d’État et de la Défenseure des droits.
Pour tout dire, il existe deux usages des drones : le maintien de l’ordre, et tout le reste. L’essentiel des arguments développés ce soir concerne le maintien de l’ordre. Or je ne suis pas persuadé, monsieur le ministre, que l’obligation d’information soit si facile à mettre en œuvre – j’aurais pu lancer le même pari que mon collègue Savoldelli… Hélas, je ne pense pas que cela soit possible.
L’Union syndicale des magistrats (USM) a souligné en audition la très grande latitude laissée aux forces de sécurité intérieure dans l’usage des drones. Le saut technologique, les capacités de captation, la facilité d’utilisation des drones changent tout de même le paradigme des images dans le maintien de l’ordre.
Si nous avions été rassurés par des garanties sérieuses, solides et robustes, nous aurions peut-être abordé cet article 22 avec une autre perspective.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je formulerai trois observations.
Première observation : oui, monsieur le ministre, telle organisation politique, syndicale ou associative déclarant en préfecture une manifestation a la responsabilité de celle-ci, mais la question soulevée par les drones est celle des libertés individuelles. (M. Jean-Pierre Grand proteste.) Tout individu peut participer à une manifestation sans s’identifier auprès de ses organisateurs – ce n’est jamais la manif du PCF, des Républicains, des Verts, du PS, etc. La majorité des Français ne se réclame d’aucune étiquette politique ou syndicale, mais ils ont le droit de conserver leurs libertés !
Deuxième observation : pour avoir participé à de nombreuses manifestations, notamment sur la loi El Khomri, et d’autres que moi l’ont vérifié, ne nous vendez pas les drones en nous parlant des Blacks Blocs, monsieur le ministre, car j’ai observé du laxisme. Nul besoin de drones pour identifier des pratiques, des identités vestimentaires et comportementales situées hors du champ de l’intérêt de la manifestation. Le problème était d’isoler ceux qui n’avaient rien à faire avec cette manifestation. Ce n’est pas une question de drones, mais de volonté politique ! (M. le ministre lève les yeux au ciel.) Ce que je vous dis ne vous plaît peut-être pas, mais c’est mon expérience ! (Marques d’approbation sur des travées du groupe GEST.)
Troisième observation : la CNIL a indiqué à la commission des lois du Sénat que l’usage de drones était dangereux, sur un critère autre que celui des libertés. Cela vaut tout de même le coup d’être examiné et de ne pas balayer d’un revers de main tous les arguments qui sont avancés dans l’hémicycle ! Par exemple, la CNIL s’inquiète de la miniaturisation et des capacités techniques des drones. Réfléchissons-y plutôt que de balayer l’argument avec des histoires d’organisation de manifestation à tel endroit ou à tel moment.
Nous sommes en train d’organiser la société : c’est un sujet sérieux !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Nous sommes en train de vivre un moment assez exceptionnel.
Tout d’abord, je me réjouis d’entendre notre collègue regretter l’époque où le parti communiste était suffisamment puissant pour organiser et encadrer des manifestations dans les conditions que nous connaissions. Nous pouvons nous rejoindre sur ce point.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean-Pierre Grand. Mais ce que vous voudriez aujourd’hui, mes chers collègues, ce sont des manifestations sans policiers, sans drones, sans caméras. Or ce n’est plus possible ! Les manifestations ont changé de nature. Les militants qui défilent sont violents, et les Black Blocs qui se joignent aux cortèges le sont encore plus. La République et la démocratie doivent répondre à cette violence !
Les drones servent à faire de la régulation et à donner des indications sur les événements en cours. Je ne vois pas en quoi ce serait attentatoire à la démocratie. D’ailleurs, toutes les démocraties européennes font de même, car ceux qui cassent ne sont ni des démocrates ni des républicains.
M. Jérôme Bascher. Exactement !
M. Jean-Pierre Grand. Or nous sommes ici pour défendre la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je suis désolée, mais certains des excès de langage, auxquels nous assistons encore ce soir, sont inadmissibles. Je ne peux pas accepter d’entendre certains collègues amalgamer Black Blocs et militants qui défilent dans la rue pour défendre leurs droits !
M. Jean-Pierre Grand. Des militants communistes, il n’y en a plus !
Mme Éliane Assassi. Faisons attention à ce qui se dit ce soir dans l’hémicycle ! Un tel amalgame est honteux !
Monsieur Grand, je ne suis pas une Black Bloc ! Je suis une républicaine, et je manifeste avec d’autres pour défendre mes droits.
M. Jean-Pierre Grand. Je n’ai jamais dit le contraire !
Mme Éliane Assassi. Si ! Vous relirez le compte rendu de nos débats !