M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice, le Gouvernement a considérablement relancé le dispositif des emplois aidés, avec le programme « 1 jeune, 1 solution ». (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous avez supprimé les contrats précédents !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. De nombreux emplois aidés peuvent être mis en place. Si vous avez connaissance, dans votre circonscription ou ailleurs sur le territoire, d’associations qui ont envie de s’engager dans ce dispositif et de mettre en œuvre de nouveaux contrats aidés avec des jeunes, c’est avec grand plaisir que je vous accompagnerai.
M. le président. L’amendement n° 345, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase, après les mots : « par décret en conseil des ministres », sont insérés les mots : « ou par vote du Parlement, à la suite d’une saisine de celui-ci par un cinquième des membres du Parlement » ;
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Considérant que la sécurité intérieure est l’affaire de tous, il s’agit de permettre au Parlement de faire appliquer concrètement l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure concernant la suspension ou la dissolution de certains groupements et associations.
Je n’aurais pas pris la parole si je n’avais pas un exemple précis en tête. J’ai en effet saisi depuis plusieurs mois maintenant les services du ministre de l’intérieur d’une demande de dissolution d’une association ouvertement raciste, pourtant dûment enregistrée par les services de l’État dans mon département. Celle-ci délivre des cartes d’identité de sang noir… Ses statuts précisent, à l’article 14, que « toute personne noire doit inscrire ses enfants au sein de l’école noire », à l’article 15, que « toute personne noire doit être cliente uniquement au sein de la banque noire », ou encore que « tout employeur noir a pour obligation d’employer des salariés noirs »…
Il semblerait que les associations puissent déclarer ce qu’elles veulent… Et lorsqu’un parlementaire saisit l’État, plusieurs mois après, il est obligé d’intervenir simplement pour faire appliquer la loi ! Cet amendement vise donc à permettre au Parlement de se saisir d’exemples sur les territoires et d’informer le plus grand nombre sur la célérité de l’action de l’État.
Ces exemples récents posent problème dans le cadre du rappel des principes de la République.
Mme Éliane Assassi. Ça devrait déjà ne pas exister !
M. Sébastien Meurant. Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter cet amendement. (M. Stéphane Le Rudulier applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le recours au Parlement ne semble pas adapté pour une mesure de police administrative. Nous sommes ici pour faire la loi, et non la police. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. L’avis est également défavorable, pour les mêmes raisons.
Je partage toutefois votre constat, monsieur le sénateur : juger des citoyens en fonction de leur couleur de peau, les priver pour cette seule raison d’une partie de leur liberté d’action ou d’expression, c’est évidemment raciste. De tels comportements sont évidemment passibles de poursuites.
Je ne suis pas certaine d’avoir bien entendu, au début de votre intervention, si vous aviez déjà transmis ou non le dossier au ministère de l’intérieur. Si tel est le cas, nous allons l’examiner. Si tel n’est pas le cas, je serais très intéressée par les éléments que vous pourriez me fournir.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. J’ai transmis ce dossier il y a plusieurs mois, madame la ministre. Je pensais croiser M. Darmanin lors des questions d’actualité au Gouvernement, mais ce ne fut pas le cas.
J’entends bien évidemment vos arguments sur la police administrative, madame la rapporteure, mais notre rôle n’est-il pas aussi de contrôler le Gouvernement et la célérité de son action ?
Ce qui m’importe vraiment, c’est de faire cesser ce scandale. Ce genre d’association vient demander des salles aux élus en omettant bien évidemment de se revendiquer d’un quelconque nationalisme noir. Je vous ai lu pourtant certains articles des statuts, ouvertement racistes.
Cela ne devrait pas exister, chère collègue.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Sébastien Meurant. Pourtant, cela existe dans ma petite ville tranquille du Val-d’Oise ! Nous sommes là pour ouvrir les yeux et nous emparer de tous les sujets.
Je vous laisserai ce document récemment tamponné par la préfecture, madame la ministre. J’attends simplement une action rapide de l’État, à qui il arrive de réagir beaucoup plus promptement pour des faits qui sont dans l’air du temps.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le projet de loi !
M. Sébastien Meurant. Pour terminer, je voudrais vous expliquer comment ce problème a surgi, mes chers collègues. Une personne a mis le feu à son appartement et à son immeuble. On s’est demandé si elle ne fabriquait pas des explosifs ou autre chose, et la population a été évacuée.
Mme Éliane Assassi. Nous discutons d’un projet de loi !
M. Philippe Pemezec. Et alors ?
M. Sébastien Meurant. Considérez-vous que ce n’est pas un sujet pour les habitants du voisinage ?
Finalement, cette personne a pu réintégrer les lieux,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bon, allez, ça suffit !
M. Sébastien Meurant. … ce qui pose un vrai problème au regard des principes de la République, témoignant d’une impuissance de l’État et d’une impuissance collective.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vérifie en direct avec le cabinet et les services du ministère de l’intérieur. Je vous confirme que nous n’avons pas reçu de dossier.
Gérald Darmanin et moi-même nous répartissons les présences lors des questions au Gouvernement. S’il n’est pas là, je le suis assurément, et je peux recevoir votre dossier, ainsi que les membres de mon cabinet.
Dès lors que vous me communiquerez les informations, nos services les examineront.
M. Pascal Savoldelli. Comme ça, on verra si c’est vrai !
M. le président. L’amendement n° 376 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Savary, Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. A. Marc, Mme Gruny, MM. Menonville et Regnard, Mmes Micouleau, Goy-Chavent et Thomas, MM. Le Rudulier, Bonne, Bouchet et Klinger, Mmes Imbert et Herzog, MM. Longeot, Hingray, Wattebled et Saury, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Bonfanti-Dossat et Dumont, MM. Laménie, Tabarot, Panunzi, Burgoa et Levi, Mme Belrhiti et M. Rapin, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Supprimer les mots :
par la force
2° Compléter cet alinéa par les mots :
ou aux principes de la démocratie et de la souveraineté nationale
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Je défends cet amendement de M. Leroy.
Depuis le début de nos débats sur ce projet de loi, nous avons dénoncé une forme d’entrisme des partis communautaristes dans notre système politique, leur principal objectif étant de combattre nos valeurs et nos principes républicains en substituant des lois religieuses aux lois de la République. Cet amendement vise à mettre un coup d’arrêt à ces ennemis de la République, en permettant la dissolution des partis qui se donnent pour but d’attenter à la forme républicaine du Gouvernement, sans qu’il soit besoin de subordonner cette dissolution à une démonstration de force.
Je le rappelle, la Constitution exige que les partis politiques respectent les fondements de notre démocratie et la souveraineté nationale, qu’ils commettent ou non des actes de violence.
En d’autres termes, pourraient être dissous les associations ou groupements ayant pour but, sans que cela se manifeste nécessairement par la force, « d’attenter à la forme républicaine du Gouvernement ou aux principes de la démocratie ou de la souveraineté nationale ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement tend à modifier le motif de dissolution figurant au 3° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure afin de viser les associations qui se donnent pour objet d’attenter aux principes de la démocratie et de la souveraineté nationale, et non plus celles qui attentent par la force à la forme républicaine du Gouvernement.
Je comprends votre intention, mon cher collègue, mais cette évolution ne me paraît pas souhaitable. Supprimer les mots « attenter par la force » risque de rendre la dissolution disproportionnée. La forme républicaine du Gouvernement est une notion connue, issue de la Constitution, qui renvoie aussi aux principes démocratiques que vous évoquez. Elle est utilisée par le juge et a démontré son efficacité.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Rudulier, l’amendement n° 376 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Le Rudulier. Oui, je le maintiens.
Le fondement juridique pour dissoudre ce genre de parti politique est quand même assez faible.
Une formation politique dont l’ossature idéologique repose sur le postulat que les normes religieuses sont au-dessus des lois de la République, c’est tout de même gênant.
Le Conseil constitutionnel, il y a près de dix-sept ans, dans le considérant 18 de sa décision du 19 décembre 2004, a jugé, dans le cadre de la relation entre l’État, les collectivités territoriales et les particuliers, que la France était une République laïque qui interdisait « à quiconque de se prévaloir de ses croyances pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre l’État et les particuliers ». Nous n’en sommes pas si loin malheureusement…
M. le président. L’amendement n° 312, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
, de leur identité de genre
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Lors de l’examen du texte en commission des lois, celle-ci a supprimé la mention d’identité de genre parmi les motifs permettant de dissoudre une association. Les auteurs de cet amendement ne comprennent pas les motivations de la commission, alors que le sexe et l’orientation sexuelle figurent parmi les motifs permettant de dissoudre une association.
Nous ne ferons pas de procès d’intention, mais cette suppression nous interpelle. La société évolue, et nous nous devons d’accepter de faire évoluer les normes.
Les questions de genre existent, et nous ne pouvons pas ostraciser plus encore certaines Françaises et certains Français au motif que les plus réfractaires d’entre nous voudraient éviter le débat sur ce sujet.
Le présent amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise donc à rétablir l’alinéa 9 de l’article 8 dans sa rédaction initiale. Nous estimons en effet que la prise en compte de l’identité de genre est aussi importante que celle des autres motifs précités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Défavorable.
L’ajout des nouveaux motifs du sexe et de l’orientation sexuelle nous semble suffisamment large pour viser notamment les associations qui justifient la lapidation des femmes ou la mise à mort des personnes homosexuelles. Le texte s’est d’ailleurs inspiré sur ce point d’un rapport sénatorial. La notion d’identité de genre me semble davantage liée à des études sociales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Une fois n’est pas coutume, l’avis est favorable sur cet amendement de la sénatrice Esther Benbassa.
La notion d’identité de genre est reconnue dans le droit français, bornée et délimitée. C’est notamment un motif de discrimination sanctionné par l’article 225-1 du code pénal.
Nous pensons que cet ajout permettra de dissoudre des associations ou groupements de fait dont les agissements seraient constitutifs de telles discriminations – je pense notamment à des activités transphobes.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Je soutiendrai l’amendement de notre collègue Esther Benbassa.
Malgré tout le respect que je vous dois, madame la rapporteure, l’identité de genre n’est pas une construction sociale : c’est bien une notion juridique, reconnue à l’article 225-1 du code pénal comme un motif prohibé de discrimination. Il ne nous appartient pas ici de hiérarchiser les discriminations.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 346, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes est l’encouragement, la promotion, l’incitation, à commettre des faits, des actes ou des gestes portant atteinte à la vie, l’intégrité physique ou des biens d’une personne ou d’un groupe de personnes. » ;
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. L’amendement est retiré.
M. le président. L’amendement n° 346 est retiré.
L’amendement n° 98 rectifié bis, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mme Garnier, MM. Genet, Bascher, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Drexler et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Saury et Savin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 7°, il est inséré par un alinéa ainsi rédigé :
« … Ou qui organisent des réunions, syndicales ou publiques, contraires aux principes républicains. Aucune participation à une réunion ne peut être interdite à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. » ;
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Récemment, a été relatée l’organisation par l’UNEF de journées non mixtes, interdites aux Blancs, ce qui a malheureusement remis ce syndicat étudiant au centre des attentions. N’en étant pas à son coup d’essai, cette organisation pense de nouveau pouvoir passer entre les mailles d’un filet législatif un peu trop permissif à l’égard de tels agissements qui encouragent la fracture de notre société.
Cette affaire a mis en exergue la complexité des conditions de dissolution d’une association syndicale dans notre droit positif, les motifs limitativement énumérés par le code de la sécurité intérieure s’appliquant parfois difficilement aux faits reprochés. Cet amendement vise à combler ce vide juridique en donnant la possibilité au Gouvernement de prononcer la dissolution de toute association qui organise des réunions contraires aux principes fondamentaux que ce projet de loi entend conforter.
L’interdiction explicite faite à un individu ou à un groupe d’individus de participer à une réunion, y compris syndicale, à raison de sa couleur de peau est une entrave à nos libertés fondamentales face à laquelle nous ne pouvons rester sans réponse, au risque de voir se multiplier ces dérives racialistes. (M. Philippe Bas applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. On comprend bien que vous faites référence à un sujet d’actualité.
Rappelons que les associations peuvent déjà être dissoutes quand elles provoquent à la discrimination, la haine ou la violence envers un groupe de personnes ou une personne à raison de sa prétendue race, sur le fondement du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
À titre personnel, cet amendement me semble donc satisfait. Je souhaiterais toutefois recueillir l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Cet amendement vise à créer un nouveau motif de dissolution relatif à l’organisation de réunions « contraires aux principes républicains », c’est-à-dire interdites à certaines personnes en raison de leur origine et pour d’autres motifs qui ont été détaillés à l’instant.
Je veux redire ici très clairement mon opposition personnelle et celle du Gouvernement à ce type de réunion. Il est évidemment inadmissible de demander à des personnes de sortir d’une réunion, de se taire ou de les discriminer en raison de leur couleur de peau. C’est évidemment contraire aux principes républicains.
Toutefois, d’un point de vue purement juridique, je rappelle en premier lieu que la protection constitutionnelle de la liberté d’association exige que la dissolution administrative d’une association ou d’un groupement de fait, dont les effets sont immédiats et définitifs, ne puisse reposer que sur des motifs d’ordre public précisément et restrictivement délimités. L’ajout d’un motif particulièrement large comme celui dont nous débattons conduirait à étendre de manière importante la portée de cette disposition, sans nécessairement se rattacher à des notions juridiques suffisamment précises ou circonscrites. À notre humble avis, cet amendement présente donc un risque constitutionnel majeur.
En second lieu, les fondements actuels permettent déjà d’envisager la dissolution d’une association qui organiserait de telles réunions. Mme la rapporteure l’a très clairement rappelé : une association dont les agissements entraîneraient des troubles graves à l’ordre public, par exemple en raison de l’organisation de réunions au cours desquelles des propos incitant à la discrimination, la haine ou la violence seraient tenus, pourrait être dissoute sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI). De la même manière, une association qui provoquerait de tels troubles en raison d’une interdiction de participation à une réunion à raison de la couleur de peau, de l’origine ou de l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation ou une religion pourrait être considérée comme propageant des idées tendant à encourager cette discrimination et tomber sous le coup du même article L. 212-1 du CSI.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je veux appeler l’attention, non pas sur un point juridique, mais sur un aspect de la vie en société.
J’entends depuis maintenant plusieurs jours des collègues qui s’élèvent contre l’UNEF, mais il me semble qu’ils confondent plusieurs choses.
Je crois que nous partageons tous ici l’idée qu’il faut condamner un syndicat ou une organisation politique qui tiendrait des propos racistes. Mais faire l’amalgame avec l’organisation de groupes de parole, c’est méconnaître une forme de la vie des associations qui existe depuis toujours.
Je suis, comme certains dans cet hémicycle, une féministe convaincue. Par expérience, je sais que les groupes de parole ont permis aux femmes de s’exprimer à certains moments particuliers. Elles ont pu raconter les violences et même les viols qu’elles avaient subis. Elles ne l’auraient pas fait dans un autre contexte.
Ce que l’UNEF a organisé, cela s’appelle des groupes de parole. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mes chers collègues, mais j’ai le droit de vous faire réfléchir, comme je réfléchis moi-même lorsque vous vous exprimez.
Je n’ai plus 20 ans, je ne suis pas noire, et je ne subis donc pas de contrôles au faciès, par exemple. Je ne peux donc pas connaître les conditions que vivent un certain nombre de jeunes. Je peux comprendre que, à un moment donné, ils aient besoin de s’exprimer dans le cadre de groupes de parole. Ces groupes ne visent nullement à m’exclure, mais ils permettent de libérer la parole.
Vous devriez réfléchir à la parole qui se libère aujourd’hui avec le mouvement MeToo et d’autres groupes qui rassemblent des personnes victimes de discriminations, notamment en raison de leur orientation sexuelle.
Il est parfois nécessaire de se retrouver entre personnes qui vivent les mêmes choses pour construire une pensée commune.
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas comparable !
M. Julien Bargeton. Rien à voir !
Mme Laurence Cohen. À vouloir tout amalgamer, vous suscitez la confusion et la haine entre les individus. C’est très grave !
M. Julien Bargeton. C’est vous qui amalgamez !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Durant ces échanges, je regardais – bêtement, me direz-vous ! – notre Constitution. Selon son article premier, « la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
J’ai interrogé la semaine dernière le Gouvernement sur les actions qu’il comptait mener pour mettre fin à ces réunions racialisées organisées par l’UNEF à plusieurs reprises et contraires à la Constitution. Par parenthèses, j’entends notre collègue Jean-Pierre Sueur nous répéter qu’il n’y a pas besoin de texte particulier, puisque la Constitution répond au problème. Or ce n’est pas le cas, monsieur Sueur ! La Constitution ne suffit pas, et nous devons aider le Gouvernement à la faire respecter.
M. Julien Bargeton. CQFD !
M. Jérôme Bascher. J’ai compris dans la réponse, un peu molle, qui m’avait été faite qu’il n’était pas facile de dissoudre une association, parce qu’il pouvait manquer des éléments au Gouvernement pour le faire. J’ai bien compris aussi qu’il n’était pas facile de ne pas verser une subvention, mais j’ai également compris qu’il n’était guère compliqué, en revanche, de nommer certaines personnes au Conseil économique, social et environnemental… J’ai surtout compris que le Gouvernement était très embarrassé par sa politique du « en même temps » : « Je condamne et, en même temps, je promeus » !
Nous allons vous aider à être cohérente, madame la ministre. Nous allons vous aider à faire respecter l’article premier de la Constitution. C’est pour cela que je soutiens résolument cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je suis heureux, madame la ministre, que vous désapprouviez personnellement le comportement inacceptable d’un certain nombre de dirigeants de l’UNEF, et je ne partage pas l’avis de notre collègue, Mme Cohen, quant aux excuses rétrospectives qu’on avance maintenant pour justifier de tels comportements : le racisme à rebours ne vaut pas mieux que le racisme tout court ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Très bien !
M. Philippe Bas. Notre débat est également juridique, ce qui est tout naturel, puisque nous faisons la loi. À cet égard, je voudrais dire que la discussion sur le point de savoir si l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure est applicable ou non pour sanctionner les dérives de l’UNEF ne me paraît pas tout à fait décisive. En effet, compte tenu de la position de fond que vous avez exprimée – je ne doute pas qu’elle exprime également celle de l’ensemble du Gouvernement –, si cet article était suffisant, j’imagine que vous auriez engagé la dissolution de l’UNEF.
Cet article n’est donc pas suffisant. Comme il ne l’est pas, il faut voter l’amendement de nos collègues, qui, lui, est très clair. Je ne crois pas qu’on puisse dire de cet amendement qu’il est vague et général, puisqu’il s’agit de viser des réunions qui interdiraient à une personne ou un groupe de personnes d’y participer « à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». C’est clair, net et précis ! Il me semble que cette écriture juridique est juste.
En tout état de cause, nous avons encore du temps pour débattre de cette disposition avec les députés au sein de la commission mixte paritaire, si nous devions l’adopter ce soir.
M. Max Brisson. Je comprends que les liens historiques qui existent entre l’UNEF et le parti communiste puissent gêner Mme Cohen, avec laquelle je travaille par ailleurs très bien au sein de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Pour autant, reconnaître que les dirigeants de l’UNEF ont commis une faute grave ne déshonorerait personne dans cet hémicycle, bien au contraire.
Je n’ai pas signé la demande de dissolution de l’UNEF, mais je suis en accord avec le président de mon groupe pour demander au minimum que des poursuites soient lancées contre ses dirigeants, qui sont engagés sur une voie extrêmement dangereuse, pas contre la structure elle-même.
En ce qui concerne l’amendement d’Alexandra Borchio Fontimp présenté par Stéphane Le Rudulier, j’ai écouté vos arguments, madame la ministre. J’ai l’impression que, si ses auteurs le modifiaient pour enlever l’expression « contraires aux principes républicains », ils lèveraient le problème constitutionnel, tout en satisfaisant l’objectif d’interdire la tenue de réunions syndicales ou publiques dans lesquelles serait interdite toute personne ou tout groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Il me semble que vous pourriez être d’accord avec une telle rédaction, madame la ministre, et nous pourrions alors adopter largement cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. On assiste à un moment extraordinaire : on inverse la culpabilité, on fait ici le procès des victimes ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Eh oui !
Le fait que des jeunes ressentent le besoin de se réunir pour parler de leur vécu, qui est visiblement douloureux, ça ne vous pose pas question ?