Sommaire
Présidence de M. Pierre Laurent
Secrétaires :
Mme Martine Filleul, M. Jacques Grosperrin.
2. Mise au point au sujet d’un vote
3. Convention fiscale avec l’Argentine. – Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
4. Réforme du courtage. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Discussion générale :
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
5. Justice de proximité et réponse pénale. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Discussion générale :
M. Alain Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
6. Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre. – Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement
M. Jean Castex, Premier ministre
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
M. Jean Castex, Premier ministre
Vote sur la déclaration du Gouvernement
Approbation, par scrutin public n° 100, de la déclaration du Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
7. Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification. – Rejet en nouvelle lecture d’une proposition de loi
Discussion générale :
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
8. Respect des principes de la République. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 492 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté
Amendement n° 443 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 442 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 440 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 410 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 399 rectifié de M. Cédric Vial. – Retrait.
Amendement n° 101 rectifié de M. Jacques-Bernard Magner. – Rejet.
Amendement n° 520 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 411 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 119 rectifié de Mme Hélène Conway-Mouret. – Rejet.
Amendement n° 39 de M. Jean-Michel Arnaud. – Non soutenu.
Amendement n° 94 rectifié de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Retrait.
Amendement n° 634 du Gouvernement. – Retrait.
Amendement n° 659 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 307 de M. Thomas Dossus. – Rejet.
Amendement n° 163 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Retrait.
Amendement n° 133 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 611 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Amendement n° 134 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 607 rectifié bis de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
Demande de réserve du chapitre V du titre Ier et de l’article 19 ter. – M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. – La réserve est ordonnée.
Articles additionnels après l’article 6
Amendement n° 279 rectifié de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Amendement n° 164 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 494 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 147 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 165 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 280 rectifié bis de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Amendement n° 493 de M. Stéphane Ravier. – Rejet.
Amendement n° 102 rectifié de M. Jacques-Bernard Magner. – Rejet.
Amendement n° 521 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 309 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Amendement n° 310 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 345 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 376 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 312 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 346 de M. Sébastien Meurant. – Retrait.
Amendement n° 98 rectifié bis de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Rectification.
Amendement n° 98 rectifié ter de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Réservé.
Amendement n° 178 rectifié de Mme Valérie Boyer. – Rejet.
Amendement n° 613 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 349 de M. Sébastien Meurant. – Retrait.
Amendement n° 311 de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 45 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 135 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 612 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 347 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 636 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 348 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 660 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 98 rectifié ter de Mme Alexandra Borchio Fontimp (précédemment réservé). – Rectification.
Amendement n° 98 rectifié quater de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 8 bis A (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 350 de M. Sébastien Meurant. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 9
Amendement n° 552 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 466 rectifié de Mme Sophie Taillé-Polian. – Retrait.
Amendement n° 467 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 62 rectifié de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 10
Amendement n° 470 de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.
Amendement n° 351 de M. Sébastien Meurant. – Retrait.
Amendement n° 352 de M. Sébastien Meurant. – Retrait.
Amendement n° 99 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 11
Amendement n° 550 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 215 rectifié bis de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 551 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 65 rectifié bis de M. Rémi Féraud. – Rejet.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Laurent
vice-président
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Lors du scrutin n° 99 sur l’amendement n° 290 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 2 bis du projet de loi confortant le respect des principes de la République, mon collègue Bernard Delcros a été enregistré comme s’étant abstenu, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Convention fiscale avec l’Argentine
Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 701 [2019-2020], texte de la commission n° 481, rapport n° 480).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 6 décembre 2019, la France et l’Argentine ont signé un avenant à la convention du 4 avril 1979 en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, déjà modifiée par un avenant en date du 15 août 2001.
Cette convention, qui fut le second instrument signé par la France avec un pays membre du Mercosur, témoigne des relations fluides et solides qu’entretiennent nos deux pays depuis de nombreuses années. Elle fixe les règles de répartition du droit d’imposer entre la France et l’Argentine, dans le but d’éliminer les doubles impositions pouvant résulter de l’application des législations fiscales nationales sur les différentes catégories de revenus qu’elle vise.
Cette convention, ancienne, devait être actualisée afin que puissent être prises en compte certaines spécificités de la législation française et que la France bénéficie de plafonds de retenue à la source inférieurs à ceux qui sont actuellement prévus. La conclusion de cet avenant s’inscrit dans le cadre d’une excellente relation bilatérale, qui investit de nombreux domaines : produits pharmaceutiques, parfumerie, chimie organique de base, agriculture, automobile.
Ainsi, le dialogue politique entre nos deux pays s’est considérablement développé ces dernières années, comme en témoignent les entretiens réguliers entre les ministres des affaires étrangères et la visite du président Fernandez en France, au mois de février 2020. Ce dernier devrait se rendre à nouveau dans notre pays cet été, à l’occasion du Forum Génération Égalité, auquel le Président de la République l’a invité à participer.
Dans les domaines économique et commercial, la présence française en Argentine est très diversifiée, avec 250 entreprises représentant 50 000 emplois, ce qui place la France au rang de dixième fournisseur de l’Argentine et de quatrième parmi les pays européens, derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. En dépit des défis liés à la situation économique et financière actuelle, la France bénéficie d’un potentiel important, que l’avenant à la convention fiscale aujourd’hui proposé à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra encore de développer.
Je souhaite maintenant vous présenter les avancées permises par la conclusion de cet avenant.
Tout d’abord, conformément à l’objectif visé par la France, cet avenant réduit les taux plafonds conventionnels de retenue à la source sur les intérêts, les dividendes et les redevances, et les gains résultant de la cession d’actions. Cette réduction se fera au bénéfice du Trésor public français, à la charge duquel le montant de l’impôt argentin à éliminer sera diminué. Compte tenu de l’asymétrie des flux d’investissement, qui se traduisent par une forte présence des entreprises françaises en Argentine, l’abaissement de ces taux joue mécaniquement en faveur de nos intérêts économiques et sera également profitable à nos entreprises.
De plus, l’avenant intègre une clause de la nation la plus favorisée, de portée large, garantissant à la France le bénéfice automatique des taux plus réduits que l’Argentine serait susceptible de concéder à d’autres partenaires en matière de revenus passifs – intérêts, dividendes, redevances –, de gains en capital et de revenus de professions indépendantes ou d’établissement stable.
Cet avenant permet également de lutter contre les schémas d’évasion fiscale lors de la cession d’immeubles au travers de fiducies ou de trusts. Il précise, en outre, le champ d’application des redevances taxables en Argentine, en y empêchant l’imposition des services ordinaires rendus par les entreprises françaises sans qu’il soit fait recours à un établissement stable sur place.
Enfin, l’avenant ajoute une clause permettant, dans l’État d’exercice de l’activité, l’exonération d’impôt des salaires versés aux volontaires internationaux à l’étranger. Il s’agit là d’un souhait manifesté par la France, conforme à ce qu’elle négocie habituellement dans ses conventions.
En échange de ces avancées, la France a accepté l’insertion d’une clause relative aux établissements stables, c’est-à-dire d’une base taxable, en l’absence de toute installation matérielle, dès lors qu’une entreprise rend des services dans un État pour une durée représentant plus de 183 jours au cours d’une année. Cette clause est présente dans la quasi-totalité des conventions signées par l’Argentine, ainsi que dans de nombreuses conventions fiscales conclues par la France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les principales observations qu’appelle l’avenant à la convention entre la France et l’Argentine du 4 avril 1979, qu’il vous est proposé d’adopter.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la convention fiscale avec l’Argentine a été conclue en 1979 ; elle témoigne de l’ancienneté de nos relations économiques et diplomatiques avec ce pays.
La présence française en Argentine demeure aujourd’hui significative, puisque 15 000 de nos ressortissants y sont établis, notamment près de 1 000 étudiants. La France figure au huitième rang des investisseurs étrangers en Argentine, tandis que de grands groupes français y sont implantés, ainsi que près de 250 entreprises. Les échanges commerciaux demeurent cependant très asymétriques : alors que la France est le dixième fournisseur de l’Argentine, cette dernière n’est que le soixante-dixième fournisseur de notre pays.
Depuis la signature d’un avenant en 2001, les intérêts, les dividendes et les redevances sont en principe imposables dans l’État de résidence du bénéficiaire. Néanmoins, la convention autorise l’État d’où proviennent ces revenus à taxer ces derniers, dans la limite d’un plafond fixé à 15 % pour les dividendes, à 20 % pour les intérêts et à 18 % pour les redevances. Cette retenue à la source ouvre droit, en France, à un crédit d’impôt équivalent, qui ne peut excéder l’impôt dû en France au titre de ces revenus. Les gains en capital, quant à eux, font l’objet d’un traitement différent, puisqu’ils sont exclusivement imposables dans l’État source, sans que cet impôt soit plafonné.
À l’aune de ces éléments, notamment des taux élevés de retenue à la source, il apparaît que la convention franco-argentine se rapproche davantage du modèle de convention de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui vise à octroyer aux pays en développement plus de droits d’imposition sur les revenus générés par les investissements étrangers qui y sont réalisés.
Cette situation, en tant que telle, n’est pas problématique. Cependant, dans la mesure où la France est essentiellement État de résidence dans ses relations avec l’Argentine, ces taux élevés sont préjudiciables à notre pays à deux titres, d’une part, en renchérissant le coût des investissements pour les entreprises françaises, d’autre part, en diminuant les recettes fiscales pour le Trésor public. De plus, rien ne justifie le maintien de ces taux, l’Argentine ayant conclu ces dernières années des conventions fiscales nettement plus avantageuses, qui prévoient des plafonds de retenue à la source inférieurs.
C’est donc essentiellement pour obtenir une réduction de ces taux que la France a souhaité renégocier la convention. Les discussions ont eu lieu au mois de mai 2019 à Buenos Aires ; après un seul tour de négociations, elles ont abouti à la signature de l’avenant le 6 décembre 2019. La France a obtenu une diminution significative des taux de retenue à la source sur les dividendes, les intérêts et les redevances, et sera à l’avenir aussi bien traitée que ses partenaires européens, voire mieux dans certains cas.
Nos négociateurs ont également obtenu l’insertion de plusieurs clauses du modèle France au sein de la convention, ce qui nous permet de continuer à appliquer notre législation interne dans un certain nombre de cas. En contrepartie, la France s’est engagée à reconnaître un établissement stable de services, ce qui n’est pas anodin.
Toutefois, en dépit de cette concession, l’équilibre global de l’avenant demeure favorable à notre pays. Trois avancées significatives ont été obtenues par la France au titre des négociations, à savoir la réduction des taux de retenue à la source, l’insertion de clauses du modèle France et l’élargissement de la clause de la nation la plus favorisée.
L’article 2 prévoit une diminution du taux de retenue à la source sur les dividendes de 15 % à 10 % en cas de participation substantielle du bénéficiaire sur une période de 365 jours. Il s’agit là d’un alignement sur les taux les plus avantageux octroyés par l’Argentine – seules l’Italie et l’Allemagne bénéficient à ce jour de taux inférieurs. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) préconise de fixer le plafond non pas à 10 %, mais à 5 %.
L’article 3 réduit le taux de retenue à la source sur les intérêts de 20 % à 12 %, soit à un niveau plus conforme au modèle de convention de l’OCDE, qui le fixe à 10 %.
Enfin, l’article 4 diminue les taux de retenue à la source en matière de redevances, tout en opérant une différenciation des plafonds applicables en fonction des catégories de revenus. Le taux de retenue à la source passe donc de 18 %, toutes catégories de redevances confondues, à 3 % s’agissant des redevances versées pour l’usage ou la concession de l’usage d’informations internationales, à 5 % pour les redevances versées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur des œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques et à 10 % dans tous les autres cas.
Notre pays a également négocié une clarification du champ des revenus compris dans les redevances. L’article 6 exclut ainsi explicitement des redevances les rémunérations de services « normalisés », c’est-à-dire ceux qui ne font appel qu’au savoir-faire usuel de la profession du prestataire. Cette stipulation est loin d’être anodine, en tant qu’elle acte la renonciation de l’Argentine à taxer les services rendus par une entreprise sans recours à un établissement stable sur le territoire argentin.
J’en viens enfin aux stipulations relatives aux gains en capital. À la demande de la France, l’article 5 plafonne l’imposition dans l’État source sur les gains réalisés lors de la cession du capital d’une société : lorsque le cédant détient une participation supérieure à 25 %, le taux maximum de retenue à la source est fixé à 10 %, tandis qu’il s’élève à 15 % dans les autres cas.
De manière générale, les entreprises françaises procédant à des investissements en Argentine bénéficieront de la réduction de ces différents plafonds, et verront ainsi leur charge fiscale locale diminuée et plafonnée.
Certes, la diminution des taux de retenue à la source n’aura pas d’impact sur la charge fiscale totale des entreprises, puisque le cumul du prélèvement à la source argentin et du reliquat d’impôt français a vocation à égaler le montant de l’impôt que le contribuable aurait payé en France. Si le résultat de l’entreprise est déficitaire, en revanche, seul le prélèvement argentin subsiste. La diminution des plafonds de retenue aura alors un impact direct sur le niveau d’imposition des entreprises.
L’insertion de plusieurs clauses du modèle France au sein de la convention franco-argentine a aussi été décidée. Sans entrer dans le détail de chaque dispositif, je tiens tout de même à souligner que ces différentes stipulations sécurisent le cadre juridique applicable aux relations fiscales franco-argentines, garantissent l’application du droit interne français et rendent conforme la convention de 1979 au modèle de convention de l’OCDE.
Je relève également que la France a négocié la mise en place d’une exonération d’impôt sur le revenu pour les volontaires internationaux, qui devrait concerner une quarantaine de personnes annuellement.
Le troisième type de concession obtenue par la France concerne l’insertion au sein du protocole de la convention d’une clause de la nation la plus favorisée, dont la portée est relativement large. Notre pays disposait déjà d’une telle clause, mais celle-ci se limitait au régime des paiements effectués pour les travaux d’étude ou de recherche de nature scientifique ou technique. La nouvelle clause prévoit que la France, à compter de la signature de l’avenant, bénéficiera automatiquement du traitement plus favorable que l’Argentine serait susceptible d’accorder à un autre État en matière de revenus passifs, de gains en capital et de revenus de professions indépendantes.
Cette clause a donc une portée nettement plus vaste que la précédente. À cet égard, permettez-moi de vous signaler que, si la France avait bénéficié d’une telle clause dès 1979, nous n’aurions pas eu à négocier cet avenant, puisque les taux de retenue à la source pratiqués par l’Argentine auraient été revus progressivement à la baisse.
Il me semble intéressant de préciser également que l’Argentine a conclu ce type de clauses avec de nombreux pays, ce qui a pu limiter nos marges de négociation. En effet, toute concession à l’égard de la France aurait dû automatiquement être accordée à d’autres partenaires.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après vous avoir présenté les principales avancées obtenues par la France, il me faut maintenant vous exposer leur contrepartie, à savoir l’insertion d’une clause portant reconnaissance d’un établissement stable de services.
L’Argentine souhaitait initialement taxer l’ensemble des services rendus par les entreprises françaises sur son territoire, sur une base brute et sans condition de durée, par le biais de l’article sur les redevances. Dans la mesure où cette clause aurait été particulièrement préjudiciable aux entreprises françaises, les négociateurs français ont refusé de l’insérer dans la convention. Les négociations ont finalement abouti à la reconnaissance de l’établissement stable de services en l’absence de toute installation matérielle.
En principe, le siège français d’une entreprise qui ne possède pas de filiales en Argentine dispose du droit exclusif de taxer les bénéfices, sauf si un établissement stable est caractérisé sur place. Il peut s’agir d’un établissement stable traditionnel, c’est-à-dire d’un bureau ou d’un atelier. Cependant, la clause négociée dans l’avenant reconnaît également l’existence d’un établissement stable en l’absence de toute installation matérielle en Argentine, dès lors qu’une entreprise rend des services pour une période cumulée représentant plus de 183 jours au cours d’une année. Si un tel établissement stable est constitué, l’Argentine disposera du droit exclusif de taxer les bénéfices qui s’y rattachent.
Cela étant, l’impact fiscal de cette disposition devrait rester limité, puisqu’elle ne concernerait qu’une trentaine d’entreprises sur les 250 qui exercent une partie de leur activité en Argentine. Les prestataires français qui interviennent plus de 183 jours par an sur un territoire finissent de toute façon par y constituer une installation fixe, donc un établissement stable…
Enfin, d’un point de vue budgétaire, je n’ai malheureusement pas pu obtenir de données chiffrées sur la perte de recettes fiscales pour le Trésor public. L’administration fiscale m’a toutefois indiqué que ces dernières devraient rester très limitées.
Pour conclure, le nouvel équilibre conventionnel résultant de la signature de cet avenant est globalement avantageux pour notre pays. Compte tenu de l’asymétrie de nos échanges économiques avec l’Argentine, la réduction des taux de retenue à la source sera très bénéfique au Trésor public, tout en améliorant la position concurrentielle de nos entreprises sur le territoire argentin. En parallèle, la reconnaissance d’un établissement stable de services ne devrait pas entraîner de préjudice fiscal de grande ampleur.
Enfin, il convient de saluer la clarification opérée dans un certain nombre de cas, conduisant à sécuriser l’application de dispositifs de droit interne.
C’est donc sans modifications que la commission des finances a adopté ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui entend élargir et actualiser dans le domaine fiscal les accords qui prévalent entre la France et l’Argentine depuis la convention du 4 avril 1979, modifiés par un avenant en date du 15 août 2001.
Plus globalement, l’Argentine, membre du G20 et candidate à l’OCDE, a toujours été un partenaire majeur de la France en Amérique latine. La France, quant à elle, a toujours été aux côtés de l’Argentine, en matière tant de développement social et culturel que de développement économique : elle est le dixième fournisseur de l’Argentine et le quatrième parmi les pays européens, derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
Aussi, même si nous nous interrogeons sur les raisons qui ont justifié d’attendre une année avant de signer le décret de présentation de l’avenant devant le Parlement, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement ce projet de loi ; il s’inscrit dans la logique de nos histoires respectives et a pour vertu, et non des moindres, d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.
Plus précisément, cette convention fixe les règles de répartition du droit d’imposer entre la France et l’Argentine en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et tend à rationaliser les doublons d’imposition qu’induirait l’application des législations fiscales nationales sur les différentes catégories de revenus qu’elle vise.
Même si certaines conventions tendant à éviter les doubles impositions, conclues ultérieurement par l’Argentine avec d’autres États partenaires, fixent pour ces mêmes revenus des plafonds de retenue à la source inférieurs à ceux que prévoit la présente convention, force est de constater que le nouvel équilibre conventionnel devrait se révéler globalement favorable aux intérêts économiques français, notamment par l’introduction de la nouvelle clause de la nation la plus favorisée.
En permettant à la France de bénéficier de taux de retenue à la source les plus bas possible, cette disposition paraît bénéfique pour les activités françaises. À l’avenir, notre pays bénéficiera donc automatiquement du traitement plus favorable que l’Argentine serait susceptible d’accorder à un autre État en matière de revenus passifs – intérêts, dividendes et redevances –, de gains en capital, de revenus de professions indépendantes ou d’établissement stable.
L’insertion de cette clause constitue une concession significative, garantissant que la France bénéficiera toujours des taux les plus favorables octroyés par l’Argentine à ses partenaires.
Ce texte est enfin l’occasion de souligner deux points sur lesquels je souhaite appeler votre attention.
En premier lieu, la décision du Conseil d’État du 11 décembre 2020 élargit la notion d’établissement stable à nombre de situations qui visent l’économie numérique, avec des potentialités d’application plus larges. Il s’agit là d’enjeux dont la France doit absolument se saisir, en s’engageant à étendre la notion d’établissement stable aux géants du numérique.
En second lieu, le Parlement argentin vient de voter un impôt exceptionnel sur la fortune pour financer les services publics et les aides sociales face à la crise. Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous envisager que nous en fassions autant ? Nous en formulons le vœu une nouvelle fois !
M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch.
M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé avec justesse les nombreux apports de ce texte et n’ont pas manqué de nous convaincre de son utilité.
Il serait fastidieux que je reprenne à mon tour l’inventaire de ces arguments. Je souhaite, à l’inverse, que nous prenions un peu de recul et que nous mettions ce texte en perspective, notamment au regard de la politique fiscale du Gouvernement.
Depuis 2017, la majorité présidentielle s’est engagée à lutter contre la fraude fiscale et à renforcer le socle d’impositions de la France sur son propre sol et à l’étranger. Le Gouvernement, avec le soutien de notre groupe, a lancé plusieurs réformes d’une ampleur inédite, à savoir la loi relative à la lutte contre la fraude, la taxe sur les services numériques, la signature d’une convention multilatérale avec l’OCDE et le projet d’impôt minimum avec le G20. C’est à tous ces niveaux que nous avons porté nos efforts pour lutter contre la fraude et faire en sorte que tous les impôts dus en France soient acquittés par les contribuables sur le territoire de la République.
Reste que tous ces outils, si précieux soient-ils, ne trouvent leur justification qu’à travers cette brique fondamentale de notre modèle fiscal que sont les conventions fiscales bilatérales. Celles-ci doivent être négociées ou renégociées régulièrement pour suivre les évolutions de nos droits nationaux et pour éviter les doubles impositions qui risquent de se multiplier à mesure que notre droit fiscal se complexifie.
L’avenant que nous examinons ce matin se place dans cette logique. Il permet de mettre à jour la convention fiscale qui lie la France et l’Argentine – pays qui nourrissent depuis des années un étroit partenariat économique – et de la rendre plus favorable à notre nation. C’est pour obtenir une réduction des taux de prélèvement à la source appliqués en Argentine que la France a souhaité renégocier cette convention, entre les mois de mai et décembre 2019.
Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette convention a notamment permis trois avancées considérables pour la France : l’insertion d’une nouvelle clause de la nation la plus favorisée, la réduction des taux de retenue à la source, l’insertion de clauses spécifiques pour que notre pays puisse continuer à optimiser l’application de sa propre législation fiscale dans un certain nombre de cas.
La clause de la nation la plus favorisée est un outil très efficace, grâce auquel la France bénéficiera automatiquement du traitement fiscal le plus favorable accordé par l’Argentine à l’un de ses partenaires, que ce soit pour les gains en capital ou les revenus passifs.
Les taux de retenue à la source pénalisaient les investissements des entreprises françaises et grevaient à long terme les recettes du Trésor public. La diminution de ces taux profitera largement à la France. Elle concernera les dividendes ou les gains en capital, en cas de participation substantielle dans une société, mais également les intérêts qui seront ramenés à un taux proche du modèle de convention de l’OCDE.
Enfin, l’avenant réduira les taux de retenue à la source concernant les redevances, en fonction des biens ou des œuvres concernés. En contrepartie, la France a concédé au Gouvernement argentin une clause reconnaissant l’existence d’un établissement stable pour les entreprises de services intervenant plus de 183 jours en Argentine. Là encore, cette contrepartie sera limitée en ce qu’elle ne concernera qu’une trentaine d’entreprises.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera ce texte, comme nous y invite le rapporteur. Il continuera de soutenir le chantier entrepris par le Gouvernement pour renégocier l’ensemble des conventions fiscales bilatérales.
Avec la convention multilatérale signée avec l’OCDE, qui permet de fixer des règles générales d’imposition, ce texte clarifiera la situation fiscale applicable entre la France et l’Argentine et encouragera cet effort de simplification et d’harmonisation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne m’attarderai pas sur l’examen de ce texte. C’est un fait bien connu : l’Argentine exporte vers l’Europe principalement ses produits agroalimentaires – vin, bœuf, soja… – et ses sportifs. C’est une grande nation, à la fois du football et du rugby, avec des performances de classe mondiale dans les deux sports, le tout sur un air de tango ! (Sourires.)
Cet avenant à la convention fiscale de 1979 devrait renforcer la position des entreprises françaises implantées en Argentine, grâce à la réduction de la taxation des revenus du capital. L’imposition de certains dividendes passera ainsi d’un plafond de 15 % à 10 %, et celle des intérêts de 20 % à 12 %. Les exportateurs français devraient alors être mieux avantagés par rapport aux concurrents internationaux, bénéficiant de conventions plus favorables et, surtout, plus récentes. Les jeunes salariés en volontariat international en entreprise seront quant à eux exonérés d’impôt sur le revenu.
On ne peut que regretter la faiblesse relative des relations commerciales entre nos deux pays. Comme le rappelle l’étude d’impact, la France n’est que le quatrième fournisseur européen de l’Argentine, derrière l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie. Réciproquement, l’Argentine est pour nous un partenaire commercial moins important en Amérique latine que le Brésil, le Mexique ou même le Chili et le Pérou.
L’un des points importants de l’avenant consiste en l’introduction de la clause de la nation la plus favorisée, règle bien connue du commerce multilatéral, popularisée en son temps par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et emblématique du principe d’équité des échanges.
Je rappelle que le groupe du RDSE a défendu, en 2018, une proposition de résolution européenne en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne, d’une part, et le Mercosur, d’autre part, afin de mieux tenir compte des intérêts de notre secteur agricole et de nos standards sociaux, sanitaires et environnementaux. Elle n’est toutefois pas encore entrée en vigueur… Le présent accord est-il concerné par ces négociations à grande échelle ?
Pour terminer sur une note originale, permettez-moi d’évoquer le cas de la truffe argentine, surnommée là-bas le « nouvel or noir ». Sa production est en plein essor. Destinée en grande partie à l’exportation, elle fait l’objet d’une méthode de récolte chronométrée et de conservation sous semi-vide, afin d’être exportée vers l’Europe et l’Amérique du Nord, sans que ses qualités gustatives soient altérées. La truffe du Nouveau Monde entend tirer bénéfice d’une commercialisation en contre-saison. Peut-être cette production contribuera-t-elle à relancer les échanges commerciaux, alors que la pandémie touche durement l’Amérique latine comme l’Europe…
En conclusion, en dépit de sa portée relativement limitée, cet accord comporte des éléments de progrès par rapport à la situation actuelle : le groupe du RDSE est favorable à son approbation.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « gagnant-gagnant », « perdant-perdant », « gagnant-perdant », « perdant-gagnant » : il est parfois difficile, dans un accord international, qui plus est lorsqu’il est question de limiter la double imposition entre deux États, de trouver un gagnant. Ici, il n’y a nulle ambiguïté. Sur dix articles, le score est sans appel : neuf à un, la France semble l’emporter haut la main !
M. Jérôme Bascher. Excellent !
M. Éric Bocquet. Bien qu’il n’y ait pas de contentieux entre les deux États, le gouvernement français a jugé bon de diminuer les ressources fiscales argentines pour en récupérer autant. Certes, les finances publiques françaises sont en difficulté, on le sait, mais une analyse de la situation économique et sociale du peuple argentin aurait peut-être dû nous inspirer plus d’égards. L’Argentine connaît en effet une récession latente depuis trois années, laquelle a atteint 12,1 % en 2020 ; un taux de chômage de 13,1 %, ce qui constitue un triste record depuis 2004 et une inflation massive, qui pourrait atteindre 40 % en 2021. Enfin, la pauvreté devrait toucher six enfants sur dix.
Les premiers bénéficiaires de cet accord seront notamment les grands groupes français qui se trouveront en situation de concurrence significativement avantagée. À cet égard, l’article 7 de l’avenant prévoit que la France bénéficiera automatiquement du traitement le plus favorable que l’Argentine accorderait à autre État. La France a décidément obtenu beaucoup d’un pays qu’elle qualifie de « partenaire ».
La situation est bien résumée dans l’étude d’impact. La France n’a fait qu’une seule concession, en contrepartie de la renonciation par l’Argentine à une imposition plus large des services rendus dans le pays par les entreprises françaises. Elle a consenti à la taxation des établissements stables, mais uniquement de services, seulement sur les bénéfices nets, à partir de 183 jours : c’est aux antipodes de la volonté initiale de nos partenaires argentins !
Pourtant, cette affaire s’est réglée en un seul tour de négociation, et pour cause : les bailleurs privés et la troïka maintiennent une pression constante sur le pays depuis soixante ans. Pour quel résultat ?
Pour la neuvième fois de son histoire, le 22 mai dernier, l’Argentine a encore fait partie des six pays à avoir renégocié sa dette ou à avoir fait défaut en 2020. En conséquence, ses créanciers, dont BlackRock, ont refusé la première offre de restructuration de la dette proposée par le gouvernement argentin. Ils n’ont pas voulu d’une réduction de 5,4 % du principal et de 62 % des intérêts.
L’accord s’est fait sur une réduction du capital trois fois moins importante et sur une baisse du taux d’intérêt moyen de 7 % à 3,07 %. On prêtait à la vingt et unième économie du globe à un taux de 7 % en moyenne ! L’opération n’aura entraîné une atténuation des gains escomptés par les bailleurs que d’environ 11 %.
Si nous ne pouvons nous réjouir de cet accord au rabais, la direction générale du Trésor, elle, a fanfaronné en titrant l’un de ses articles : « Succès de la restructuration de la dette argentine. Et maintenant ? »
Et maintenant, l’Argentine s’apprête à devoir négocier avec le Fonds monétaire international (FMI) le report des échéances de remboursement des 44 milliards de dollars d’un prêt contracté par l’ancien gouvernement libéral de Mauricio Macri auprès de cette même institution.
Ce dernier s’extasiait alors devant l’ex-patronne du FMI en ces termes : « Je dois avouer qu’avec Christine nous avons entamé une grande relation depuis quelques mois, nous espérons que cela marchera et qu’au final l’Argentine tout entière tombera amoureuse de Christine. » L’avenir nous le dira… Je ne sais pas si un Argentin s’est épris de « Christine », mais nul doute que tel n’est pas le cas du nouveau chef du gouvernement, qui doit désormais soustraire son pays au joug du FMI.
Comme d’habitude, l’institution a déclaré avoir pour objectif final d’« aider l’Argentine à renforcer sa croissance et sa stabilité, générer de l’emploi, réduire la pauvreté ». Cette renégociation doit pourtant s’accompagner d’un programme économique. Nul doute que sera une nouvelle fois imposée à l’Argentine une cure d’austérité sous la forme d’un programme d’économies structurelles, peu susceptible de faire redémarrer une économie prise dans une spirale inflationniste, combinée à une récession chronique.
Nous nous abstiendrons donc sur cet accord, qui aurait dû, selon nous, prendre en compte la réalité économique et sociale de l’Argentine et reposer, surtout, sur des principes de solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrice Joly. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France et l’Argentine sont liées depuis 1979 par une convention fiscale qui a été amendée une première fois en 2001. Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État.
Le nouvel avenant qui nous est soumis aujourd’hui, signé en décembre 2019 par le ministre des affaires étrangères, aura pour effet de réduire les retenues à la source sur les dividendes et les intérêts, de même que sur les redevances et les gains en capital.
Pour bien mesurer les enjeux de cet accord, il faut rappeler que la France a longtemps figuré parmi les premiers investisseurs en Argentine, avant que la crise de 2008 ne change la donne.
Aujourd’hui, selon les données de la Banque de France, confirmées par celles de la Banque d’Argentine, l’Argentine est la quatrième bénéficiaire de nos investissements directs en Amérique latine, cependant loin derrière le premier, le Brésil. La France figure ainsi au huitième rang des investisseurs étrangers en Argentine et au quatrième rang des investisseurs européens, mais loin derrière l’Espagne, les Pays-Bas ou encore la Suisse. Quant aux investissements argentins en France, ils restent faibles, cela a été dit. L’Argentine est le soixante-dixième fournisseur de la France.
Dans ce contexte de déséquilibre entre la présence des entreprises françaises en Argentine et une moindre présence argentine en France, l’abaissement des niveaux de fiscalité prévu dans l’avenant jouera en faveur des intérêts économiques français et améliorera la position concurrentielle de nos entreprises sur le territoire argentin.
Selon l’étude d’impact, cet avenant bénéficiera également au Trésor public français, puisque le montant de l’impôt étranger à éliminer sera diminué, augmentant d’autant les rentrées fiscales françaises.
Parmi les dispositions retenues figure la clause de la nation la plus favorisée.
Plus largement, ce texte s’inspire des travaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) visant à harmoniser les systèmes fiscaux internationaux. Engagés par les dirigeants du G20 lors du sommet de Saint-Pétersbourg en septembre 2013, ces travaux répondent à la prise de conscience collective par les États des importantes pertes de recettes qu’entraînent les stratégies d’optimisation fiscale des grands groupes.
Notre groupe politique a toujours été et demeure favorable au double objectif, d’une part, de remise à niveau des normes du système fiscal international, afin de l’adapter au paysage actuel de l’économie mondialisée, et, d’autre part, d’intégration des pays émergents et en voie de développement au sein d’un système fiscal initialement élaboré sans leur participation.
Le 19 avril 2018, nous adoptions le projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion des bases d’imposition et le transfert de bénéfices liés aux stratégies d’optimisation des grands groupes mondiaux tirant parti des différences entre les régimes fiscaux nationaux.
Les pertes de recettes liées à ces optimisations fiscales sont estimées à un montant compris entre 100 milliards et 240 milliards de dollars par an, soit entre 4 % et 10 % des recettes de l’impôt sur le bénéfice des sociétés à l’échelle mondiale.
Si les dispositions de la convention multilatérale visaient principalement à s’assurer que les bénéfices étaient imposés là où s’exerçaient réellement les activités économiques qui les engendraient, en luttant notamment contre l’utilisation abusive des conventions fiscales et le contournement artificiel du statut d’établissement stable, tout en améliorant les modalités de règlement des différends entre États en cas de double imposition, ce texte nous avait conduits cependant à exprimer de nombreuses craintes, qui demeurent d’actualité trois ans plus tard.
En effet, nous déplorions que la question de la fiscalité du secteur de l’économie numérique ne fût à l’époque que peu abordée dans toutes les conventions. La raison est pourtant connue : les divergences entre les États sur la question de la taxation des géants du Net ont empêché des propositions concrètes en la matière. Un rapport sur le sujet a été remis le 16 mars 2018 : les différentes pistes possibles y sont présentées, en même temps qu’il est pris acte de l’absence de consensus à l’échelon international.
Cette absence de consensus montrait que la communauté internationale était loin, voire très loin de mettre en place un dispositif commun. Nos craintes étaient fondées, car, trois ans après, nous avons assisté à la fin des grandes ambitions d’un groupe de travail dénommé task force, coprésidé par la France au sein de l’OCDE et chargé de travailler sur la fiscalité du numérique. La task force s’était donné l’année 2020 comme horizon pour achever ses travaux, lesquels se sont conclus par un échec, compte tenu de l’opposition des États-Unis et du blocage d’un certain nombre de pays européens.
Pour avancer sur ce sujet, il faut que l’Union européenne soit maintenant plus ambitieuse et qu’elle propose une refonte de la notion d’établissement stable, adaptée à l’économie numérique, à l’instar des avancées récentes sur ce sujet de la part de juridictions internationales et, en décembre dernier, du Conseil d’État.
Enfin, l’enjeu de la coopération internationale en matière de fiscalité est bien de régler la contradiction entre une économie qui facilite la mobilité des marchandises, des services et des capitaux et un ensemble de réglementations fiscales segmentées, sur des territoires délimités, permettant tous les évitements des prélèvements.
Or on continue ici à voter des avenants aux conventions fiscales bilatérales à un rythme soutenu, sans que la situation change véritablement à l’échelle internationale, ce qui met en évidence les limites de l’approche actuelle et l’utilité d’une approche multilatérale.
Toutefois, compte tenu des avancées que représente cet avenant, notre groupe votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a rappelé Éric Bocquet, la France et l’Argentine sont deux champions du monde à deux étoiles, mais c’est la France qui est championne du monde, mes chers collègues : championne du monde de la fiscalité ! Avec un score de neuf à un, la France est avantagée par l’avenant à cette convention. Avec le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé du monde, elle est forcément gagnante.
La France est également championne du monde du nombre de conventions fiscales signées. Nous en avions parlé lors de l’examen de la proposition de loi relative aux Français établis hors de France de nos collègues Jacky Deromedi et Christophe-André Frassa.
La France a signé de nombreuses conventions fiscales. La première convention fiscale avec l’Argentine date de 1979 et avait ensuite été modifiée en 2001. Vingt ans plus tard, nous sommes appelés à nous prononcer sur un avenant. Nous faisons donc une loi pour vingt ans, ce dont nous n’avons plus beaucoup l’habitude.
Ce texte, cela a été rappelé par notre excellent rapporteur Vincent Delahaye, vise notamment à soutenir les quelque 250 entreprises françaises présentes en Argentine. Avec 250 entreprises, nous sommes un peu moins champions du monde, un petit effort n’est donc pas malvenu.
Les entreprises de plusieurs autres pays européens présentes en Argentine ont actuellement des taux de retenue à la source sur les dividendes et les intérêts, les redevances et les gains en capital inférieurs aux taux prévus par la convention de 1979, que nous revisitons complètement. Il s’est donc agi pour la France de remettre ses entreprises sur un pied d’égalité – pour une fois !
C’est sur l’initiative de notre pays qu’a été organisée une négociation en mai 2019, laquelle a abouti sept mois plus tard à la signature de l’avenant dont il s’agit aujourd’hui d’autoriser l’approbation. Si nous avons pris cette initiative, nous l’avons expliqué, c’est pour accroître nos recettes fiscales, favoriser nos entreprises et améliorer le solde de notre balance commerciale.
Toutefois, j’espère qu’il n’y a pas de loup, un contrat caché concernant l’agriculture argentine. L’Argentine est perdante dans cette convention fiscale, cela a été dit, mais n’est-ce pas l’agriculture française, derrière, que l’on menace en autorisant l’approbation de tel ou tel accord, dont nous ne voulons pas ici ?
Revenons-en à la fiscalité. Le taux de taxation des dividendes est réduit de 15 % à 10 %. Il est en revanche maintenu à 15 % si le bénéficiaire détient moins de 25 % de la société qui paie les dividendes pendant un an. Quant au taux de taxation des intérêts, il est ramené de 20 % à 12 %. Il est à noter que ces taux demeurent supérieurs à ce que l’OCDE préconise, mais tous les taux en France sont supérieurs aux préconisations de l’OCDE !
Ces mesures vont malgré tout dans le bon sens et vont permettre d’encourager les investissements français en Argentine, ce qui est une très bonne chose pour nos entreprises, pour le rétablissement de notre balance commerciale, mais aussi pour l’économie de ce pays, qui en a besoin.
La pandémie s’est greffée sur une économie argentine déjà exsangue. Notre collègue Bocquet a évoqué les accords prégnants de l’Argentine avec les instances internationales. Ils ne sont pas forcément mauvais, nous le verrons bien à la fin. Trois années de récession, une forte dépréciation du peso argentin et une inflation record de 54 % en 2019 – voilà qui réglerait notre problème de dette ! – et 36,1 % en 2020 ont mis à mal l’économie argentine.
Au premier semestre 2020, au début de la crise sanitaire, la pauvreté touchait plus de 40 % de la population argentine. À titre personnel, mais aussi en tant que membre du groupe d’amitié sénatorial France-Pays du Cône Sud, que préside notre collègue Victorin Lurel, je me réjouis de l’évolution de la convention fiscale qui lie nos deux pays, tout en espérant qu’il n’y ait pas de projet caché.
Par conséquent, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Argentine est très certainement le plus européen des pays d’Amérique latine. Depuis de nombreuses années, la France entretient d’excellentes relations avec ce grand pays, que ce soit sur le plan diplomatique, culturel ou économique.
Qui dit relations économiques dit échanges de biens et de services et autant d’aventures entrepreneuriales de part et d’autre de l’Atlantique. Les questions fiscales posées par ces échanges relèvent d’une convention signée en 1979. Cette convention, déjà amendée en 2001, vise à éviter les doubles impositions et à lever ainsi les freins au développement des relations bilatérales.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit d’autoriser une nouvelle modification de cette convention. L’avenant qui nous est ainsi soumis vise à renforcer les dispositions existantes et prévoit notamment trois mesures : la réduction des taux de retenue à la source ; l’insertion de clauses du modèle France ; la conclusion d’une clause de la nation la plus favorisée.
Je ne m’attarderai pas sur les deux premières mesures, dont les aspects techniques ont déjà été rappelés par le rapporteur. Compte tenu du temps qui m’est imparti, je me contenterai d’évoquer la clause de la nation la plus favorisée.
Cette clause prévoit que la France pourra bénéficier, dans de nombreux domaines, des clauses plus avantageuses que l’Argentine concédera à d’autres pays que le nôtre, sur les revenus passifs ou les revenus des indépendants, par exemple. Il s’agit d’une avancée notable pour la France, qui ne bénéficiait pas, jusqu’à présent, de clauses aussi avantageuses que d’autres pays de l’OCDE, tels que l’Allemagne et l’Italie.
Désormais, toute amélioration dans ces domaines profitera aussi aux 15 000 ressortissants français qui vivent en Argentine, ainsi qu’aux 250 entreprises françaises qui y exercent une part de leurs activités. C’est un choix courageux de la part de l’Argentine, dont la situation économique demeure très fragile.
En effet, face au poison de l’inflation, l’Argentine doit sans cesse résister à ses penchants protectionnistes et isolationnistes. Cette volonté de renforcer les relations avec ses partenaires étrangers prouve qu’une nation peut aussi combattre ses démons par l’ouverture au monde. Elle va à l’encontre d’une vision moribonde et fermée de la souveraineté économique. Ce n’est pas rien pour un pays qui n’a jamais réussi à retrouver la place de premier plan qu’il occupait dans le commerce international il y a plus d’un siècle.
C’est surtout beaucoup pour un pays qui a dû se déclarer en cessation de paiements en 2001 et qui est alors entré dans une crise économique terrible, dont il ne s’est pas encore relevé. Son endettement public s’élevait alors à 60 % de son PIB.
Alors que nous devrons, dans les toutes prochaines années, mettre en œuvre des politiques ambitieuses pour désendetter et pour réindustrialiser notre pays, le cas de l’Argentine peut nous donner matière à réflexion.
En tout état de cause, nous nous réjouissons que nos pays renforcent leurs relations économiques. Notre groupe votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste tient tout d’abord à féliciter le rapporteur Vincent Delahaye de la qualité de son rapport, qui nous a permis de bien appréhender les termes de l’avenant à la convention fiscale qui nous est aujourd’hui soumis.
Quatre décennies après la première convention bilatérale avec l’Argentine, il convenait d’en revoir les termes, comme cela a déjà été fait une première fois. Il est important de pouvoir s’adapter.
Ce type de convention est à notre sens assez important, car il est logique de lutter contre les multiples impositions de l’ensemble des acteurs, mais aussi, et surtout – c’est essentiel pour l’Union Centriste – contre l’évasion fiscale. C’est l’une des principales vertus de ces conventions signées avec les pays avec lesquels nous commerçons.
Cela a été dit, l’Argentine est un partenaire important pour la France, car un certain nombre d’entreprises françaises y sont installées. Les entreprises argentines sont un peu moins nombreuses sur le sol français, mais il convient d’accompagner nos entrepreneurs. Tel est l’objectif de cette convention.
Cette convention prévoit la révision des taux de retenue à la source afin de les rendre un peu plus conformes aux normes que nous avons l’habitude de pratiquer effectivement.
Elle introduit également, à la demande de l’Argentine, une clause permettant la taxation des établissements stables de services. Nous avons tendance à taxer les entreprises sur leurs investissements matériels, or nous assistons à une évolution extrêmement forte des modes d’échanges à travers le monde, les échanges immatériels devenant de plus en plus importants. Dès lors, il n’est pas illogique que l’Argentine ait voulu que ces échanges soient aussi pris en compte dans les bases de taxation. Cela doit être un exemple pour la France, qui affiche la volonté de taxer le commerce en ligne, lequel est souvent en concurrence déséquilibrée avec le commerce sédentaire.
Les formes de travail et d’échanges qui sont de plus en plus pratiquées aujourd’hui par les acteurs économiques doivent conduire les responsables politiques à réadapter les modes de taxation. Sans doute devrions-nous donc introduire la notion d’établissement stable de services dans d’autres conventions fiscales afin que tous les opérateurs qui commercent sur le territoire national sans forcément y effectuer d’investissements extrêmement lourds puissent néanmoins contribuer aux recettes fiscales de notre pays.
Je ne m’étendrai pas plus longtemps, mes chers collègues, sur cette convention, tout ayant été dit avant mon intervention à cette tribune. J’indiquerai simplement que le groupe Union Centriste votera le texte proposé par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république argentine du 4 avril 1979, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un Protocole), signé à Buenos Aires le 6 décembre 2019 et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je vais mettre aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures vingt-huit.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Réforme du courtage
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement (texte de la commission n° 442, rapport n° 441).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, enfin une bonne nouvelle : la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à structurer les professions de courtiers en assurance et en opérations de banque et services de paiement a été conclusive !
Cette proposition de loi vise à structurer les professions de courtiers en assurance et en opérations de banque et services de paiement en s’inspirant du modèle de corégulation en vigueur pour les conseillers en investissements financiers.
Concrètement, elle prévoit la mise en place d’un système d’adhésion obligatoire à des associations professionnelles agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui seront principalement chargées d’accompagner ces professionnels, de fournir un service de médiation et de vérifier certaines conditions d’accès et d’exercice de leur activité.
Lors de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 10 mars dernier, j’ai eu l’occasion de rappeler clairement ma conviction selon laquelle ce dispositif ne permettrait malheureusement pas de révolutionner la régulation de ce secteur, principalement pour deux raisons.
D’une part, il n’apporte pas de solution aux dysfonctionnements de la libre prestation de services. Je rappelle que nous avons connu un certain nombre de scandales dans l’assurance construction, avec des assureurs insolvables ou des courtiers indélicats, qui n’étaient pas, il est vrai, de droit français et qui exerçaient dans le cadre de la libre prestation de services. Ce problème persistera si cette proposition de loi était adoptée.
D’autre part, ce dispositif ne mettra pas fin aux pratiques commerciales déloyales parfois observées dans ce secteur, compte tenu du fait que les associations professionnelles ne seront pas habilitées à exercer un pouvoir de contrôle sur leurs adhérents dans ces domaines.
Ces deux limites ne sont pas dues à la volonté du législateur. Elles s’expliquent par les contraintes du droit de l’Union européenne.
En dépit de ces deux regrets, cette proposition de loi constitue un premier pas, certes insuffisant, mais bienvenu.
En effet, le dispositif est complémentaire des missions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui, compte tenu de la diversité et de l’atomicité du secteur, ne peut pas contrôler l’ensemble des acteurs, soit plusieurs dizaines de milliers d’intermédiaires. Le système proposé permettra de mieux accompagner ces intermédiaires, de vérifier que les conditions d’exercice sont remplies, ou encore d’offrir un service de médiation. Ces missions seront très utiles pour un secteur qui connaît une forte rotation et dans lequel la plupart des acteurs sont des entrepreneurs individuels ou des TPE.
Malgré nos divergences initiales avec nos collègues de l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire a trouvé un compromis. Celui-ci conserve trois apports significatifs du Sénat, en plus de modifications rédactionnelles.
Premier apport : la possibilité pour toute association de notifier à l’ACPR et aux autres associations sa décision de refus d’adhésion. Cette possibilité lui permettra de les alerter dans le cas où un intermédiaire contreviendrait, de manière particulièrement grave, aux conditions d’adhésion.
Deuxième apport : la possibilité offerte aux associations de formuler des recommandations à leurs membres en matière de pratiques commerciales et de prévention des conflits d’intérêts, dans la limite de ce que permet le droit de l’Union européenne. Cette disposition est essentielle pour donner plus de consistance au rôle des associations professionnelles.
Troisième apport : les dispositions visant à mieux encadrer le démarchage téléphonique en matière de distribution de produits d’assurance. Ce dispositif, adopté au Sénat sur l’initiative du Gouvernement et modifié par un sous-amendement, permet une meilleure protection du consommateur, compte tenu des nombreux abus constatés pour certains produits assurantiels – je pense notamment à des contrats d’assurance complémentaire santé ou obsèques – particulièrement complexes et opaques pour les souscripteurs. Nous lutterons ainsi contre un démarchage non sollicité. La rédaction retenue permet cependant aux assureurs qui sont déjà en contact avec un client de poursuivre une relation téléphonique.
En revanche, le texte que nous vous proposons ne retient pas la disposition adoptée par le Sénat consistant à transférer à l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias), plutôt qu’aux associations professionnelles, le contrôle du respect des conditions d’honorabilité des salariés.
Nous avions privilégié ce mécanisme pour des raisons de fiabilité, l’Orias disposant d’un accès informatisé et donc sécurisé au casier judiciaire des dirigeants. Après un échange avec les acteurs concernés, il nous a semblé préférable d’écarter cette piste à l’heure actuelle. Celle-ci doit encore être approfondie par l’Orias pour être opérationnelle et gagnerait à être étendue à l’ensemble des intermédiaires immatriculés, ce qui excède le champ de la présente proposition de loi.
J’attire votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité d’un accès plus fiable aux données du casier judiciaire. Sur internet, je pourrais vous en faire la démonstration, il est possible de se procurer un faux extrait en quelques secondes. L’accès direct par un organisme au casier judiciaire est sans doute le meilleur moyen d’assurer la fiabilité des informations et d’éviter la circulation de faux extraits.
S’agissant du démarchage téléphonique, le texte de compromis prévoit plusieurs ajustements par rapport à la version adoptée par le Sénat en première lecture. Cette nouvelle mouture permet de rapprocher davantage le dispositif de l’avis du Comité consultatif du secteur financier publié en novembre 2019 sur le sujet. Je vous rappelle que l’objectif n’est pas d’interdire le démarchage téléphonique des produits assurantiels, mais de créer un cadre législatif sécurisant pour le consommateur.
Par conséquent, outre des modifications rédactionnelles, le texte prévoit des aménagements sur deux points.
Premièrement, il introduit une distinction entre les appels sollicités et non sollicités. Ainsi, il est prévu que les dispositions encadrant le démarchage téléphonique, notamment l’obligation d’enregistrer les communications, ne s’appliquent pas dès lors que l’adhérent éventuel a sollicité l’appel ou a consenti à être appelé. Nous visons le démarchage abusif, c’est-à-dire non sollicité. Il faut en revanche pouvoir être rappelé lors d’une demande d’information sur un produit par internet, ce qui n’était pas prévu dans le texte initial.
Deuxièmement, les dispositions ne s’appliquent pas non plus lorsque le souscripteur éventuel est lié au distributeur par un contrat en cours. Par exemple, votre assureur automobile peut éventuellement vous proposer, dans le cadre de cette relation, une assurance santé. Cette situation diffère d’un démarchage non sollicité, abusif, de la part d’un interlocuteur inconnu. Il reviendra au distributeur de tenir à la disposition des autorités de contrôle les justificatifs permettant de vérifier le respect de ce cadre.
Ce texte ne bouleversera pas la face du monde, mais il représente une avancée face à une profession très atomisée et permettra de mieux la réguler. Nous déplorons que les abus interviennent essentiellement dans le cadre de la libre prestation de services, parfois avec des conséquences dramatiques, mais ce sujet déborde le texte qui nous occupe ce matin. Je tiens enfin à remercier notre collègue députée Valéria Faure-Muntian, auteure et rapporteure de ce texte, pour nos échanges constructifs ayant permis d’aboutir à cette commission mixte paritaire conclusive. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, quel plaisir de vous retrouver à nouveau sur ce texte en faveur du courtage ! Ce texte, que je suis avec intérêt depuis plusieurs mois, est le reflet de la volonté du législateur de mener à bien une réforme utile pour les courtiers comme pour les consommateurs.
Au terme d’une lecture dans chacune des chambres, je tiens à remercier très sincèrement l’ensemble des membres du Parlement mobilisés, notamment les rapporteurs, Albéric de Montgolfier pour le Sénat et Valéria Faure-Muntian pour l’Assemblée nationale, de leur travail approfondi et suivi sur ce texte. Leurs efforts conjugués ont permis d’aboutir à une proposition commune faisant l’objet d’un large consensus, ce que démontre son adoption par la commission mixte paritaire.
Il m’importe de souligner clairement l’apport significatif de l’amendement adopté au Sénat permettant de renforcer la protection des consommateurs en assurant une régulation effective du démarchage téléphonique en assurances. Entre les schémas d’escroquerie et le démarchage abusif, il existe un ensemble de pratiques très problématiques auxquelles il est nécessaire de mettre fin. Ce sera désormais possible.
Cette nouvelle disposition, inspirée par les travaux du Comité consultatif du secteur financier, renforce l’information des assurés, interdit explicitement les « ventes en un temps » et précise les modalités de recueil du consentement du consommateur. Elle prévoit également une obligation de conservation des enregistrements des appels de vente durant une période de deux années. Cela va permettre à l’ACPR et à la DGCCRF d’assainir le marché en détectant efficacement ceux qui, par leurs pratiques inacceptables, profitent et abusent de la fragilité de certains de nos compatriotes.
Plus globalement, le Gouvernement salue la qualité du travail parlementaire, qui aura permis d’enrichir, de préciser et surtout d’améliorer ce texte. Je pense également aux dispositions ayant renforcé les garanties apportées aux courtiers dans leurs relations avec les associations professionnelles agréées, telles que la possibilité d’un retrait d’adhésion simplifié, l’obligation de motivation de tout refus d’adhésion ou encore l’ouverture d’un droit au recours en cas d’un tel refus. Je souligne en outre la pertinence des nouvelles dispositions renforçant les compétences des futures associations agréées, par exemple la possibilité qui leur est offerte de notifier à l’ACPR et aux autres associations une décision de refus d’adhésion.
Enfin, le Gouvernement approuve la décision prise par la commission mixte paritaire de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale concernant la vérification de l’honorabilité des salariés, dont je me souviens qu’elle a pu faire débat ici. Toutefois, comme j’avais eu l’occasion de vous le dire, le Gouvernement estime que l’Orias n’est pas en mesure d’assurer une telle mission, mais que les futures associations pourront utilement y contribuer en accompagnant les employeurs dans leurs démarches.
D’autres apports de cette proposition de loi doivent être salués. Les futures associations professionnelles agréées permettront à la profession du courtage de s’organiser elle-même dans une logique de responsabilisation. Elles seront encadrées par des règles qui garantiront leur indépendance et leur impartialité. Elles fonctionneront en parfaite conformité avec le droit européen, car elles ne disposeront pas de mission de contrôle et ne constitueront pas des autorités compétentes au sens de la directive sur la distribution d’assurances. Elles auront des missions d’accompagnement. Les règles en matière de protection du consommateur sont pleinement mises en œuvre. Elles permettront également de consolider notre réseau de courtage de proximité, qui compte beaucoup d’entrepreneurs individuels et de très petites entreprises qui contribuent à la vie de nos territoires.
L’enjeu de cette réforme est de soutenir des professionnels qui peuvent parfois se sentir perdus quand il s’agit de se mettre en conformité avec une réglementation exigeante. Je pense par exemple à l’obligation légale de quinze heures de formation par an pour les courtiers d’assurance que nous impose le droit européen, ou encore à l’obligation de proposer un service de médiation pour le consommateur.
Le périmètre de cette réforme, qui ne concerne que les courtiers et leurs mandataires, est un choix assumé de cette proposition de loi, que nous partageons. En effet, l’objectif n’est pas de surréglementer, mais d’agir uniquement lorsque cela est nécessaire. Ainsi, la proposition de loi vise spécifiquement les professionnels qui, à l’heure actuelle, ne bénéficient d’aucun soutien dans l’exercice de leur activité : les courtiers en assurance, les courtiers en opérations de banque et en service de paiement ainsi que leurs mandataires.
L’ensemble des acteurs concernés par la réforme a jusqu’au 1er avril 2022, dans un an exactement, pour mettre en œuvre ses dispositions dans les meilleures conditions possible et avec la plus grande sécurité juridique. Dans ces conditions, le Gouvernement apporte tout son soutien à cette proposition de loi, importante pour l’avenir de notre réseau de courtage ainsi que pour la protection des consommateurs français, et souhaite qu’elle puisse être promulguée dans les meilleurs délais.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les conclusions de la commission mixte paritaire qui nous sont soumises aujourd’hui marquent l’achèvement d’un long processus législatif entamé en février 2019 avec l’adoption de l’amendement de mon groupe au projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit Pacte, mais, comme vous le savez, cette disposition a ensuite été censurée par le Conseil constitutionnel.
Le texte de compromis que nous nous apprêtons à voter définitivement ne constitue certes pas une révolution, le rapporteur l’a souligné. Cependant, il ouvre la voie à une amélioration de l’accompagnement des courtiers, ainsi qu’à un renforcement de la protection des consommateurs. À compter du 1er avril 2022, les courtiers d’assurances et les intermédiaires en opérations de banque et services de paiement auront l’obligation d’adhérer à une association professionnelle agréée par l’ACPR. Ces associations joueront un rôle complémentaire de celui de l’ACPR et de l’Orias. Elles devront accompagner leurs membres, vérifier les conditions d’accès et d’exercice des activités et offrir un service de médiation, ce qui peut être fructueux pour les utilisateurs. Elles pourront par ailleurs refuser l’adhésion d’un courtier s’il ne satisfait pas aux conditions d’exercice de la profession.
Ce dispositif s’inspire de celui qui est applicable aux conseillers en investissements financiers et inscrit dans la loi bancaire. Il est d’autant plus bienvenu que l’activité de courtage connaît une forte croissance, qui s’explique principalement par les nouvelles habitudes de consommation. En effet, dans un contexte de taux d’intérêt bas, nos concitoyens n’hésitent plus à faire jouer la concurrence pour réaliser des économies.
Je me réjouis de l’élargissement des compétences des associations professionnelles, qui pourront non seulement notifier une décision de refus d’adhésion à l’ACPR, mais aussi formuler des recommandations à l’égard de leurs membres.
Certains auraient voulu aller plus loin en attribuant aux associations professionnelles un pouvoir de contrôle à l’égard de leurs membres. Malheureusement, une telle disposition aurait été contraire au droit de l’Union européenne, qui n’autorise pas les associations professionnelles à contrôler leurs membres. Nous savons les dangers que cela peut comporter.
Une autre avancée est l’amélioration de l’encadrement du démarchage téléphonique dans le domaine des assurances, avec le renforcement de l’information des souscripteurs ou adhérents éventuels, l’interdiction explicite des « ventes en un temps », ainsi que l’obligation de conservation des enregistrements des appels de vente.
Pour ce qui concerne les courtiers étrangers qui interviennent sur le marché français au titre de la liberté de prestation de services ou de la liberté d’établissement – pas les Britanniques, bien sûr –, le droit de l’Union européenne nous impose de faire de l’adhésion à une association professionnelle une simple possibilité. Il est un peu paradoxal que les courtiers étrangers ne soient pas soumis aux mêmes règles et obligations par rapport aux associations professionnelles que les courtiers français, mais c’est ainsi ! Pour autant, je suis convaincu que les courtiers étrangers seront nombreux à adhérer à une association professionnelle. Ils y auront tout intérêt, dans la mesure où ils y trouveront des renseignements, un encadrement, des gages de confiance. Je ne serais d’ailleurs pas surpris de voir l’adhésion à une association professionnelle devenir à terme la norme pour tous les professionnels du secteur.
Plusieurs associations professionnelles seraient déjà prêtes à déposer leur demande d’agrément auprès de l’ACPR. Le groupe RDPI souhaite leur adresser un signal positif en votant pour les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’étais déjà intervenu lors de l’examen en première lecture de cette proposition de loi, au mois de février, pour souligner à la fois l’ancienneté et la diversité des activités dites de courtage.
À l’instar de mes collègues, je salue l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur la réforme du courtage en assurance et en opérations de banque. Si ce texte n’est certes pas le plus commenté du moment, les commissions mixtes paritaires conclusives restent suffisamment rares pour mériter d’être saluées.
La commission mixte paritaire a conservé plusieurs modifications adoptées au Sénat : la notification des décisions de refus d’adhésion, les recommandations en matière de bonnes pratiques commerciales et de prévention des conflits d’intérêts, mais aussi l’encadrement du démarchage téléphonique en produits d’assurance, qui reste l’occasion d’abus et de nuisances pour les consommateurs.
Le courtage en assurance reste une activité peu réglementée et difficile à encadrer, car elle concerne des milliers d’acteurs, pas toujours domiciliés en France, face aux capacités de contrôle limitées de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
On peut attendre de l’adoption de cette proposition de loi que les secteurs du courtage en assurance et en opérations de banque s’organisent davantage, du fait de la nécessité d’effectuer des démarches supplémentaires d’agrément. Cela devrait renforcer la protection des consommateurs et le respect des règles de concurrence.
L’obligation d’adhésion à des associations professionnelles agréées par l’ACPR permettra un meilleur contrôle, tout en conservant un système souple et la liberté d’établissement et de service.
Son objectif, rappelons-le, est de mieux lutter contre certains abus, comme dans la vente de contrats d’assurance construction ou automobile, où des clients ont pu être abusés par des sociétés frauduleuses, parfois domiciliées à l’étranger.
L’entrée en vigueur devrait avoir lieu d’ici un an, pour une réforme initialement proposée dans la loi Pacte en 2019. Le groupe RDSE votera donc en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis, après l’accord en commission mixte paritaire, pour traiter du sort des courtiers sans avoir l’assurance de la quelconque utilité des associations créées, ni même d’une quelconque capacité à protéger les consommateurs. Comme nous l’avions indiqué en première lecture, il ne s’agit pas d’installer des intermédiaires. Concurrentes entre elles, ces nouvelles associations ont un rôle flou et nous apparaissent sans réel objet.
La proposition de loi cultive une ambiguïté sur les « recommandations » que pourraient formuler les associations agréées. Il a été reconnu à ce sujet lors de la réunion de la commission mixte paritaire qu’il « en résultera une généralisation des bonnes pratiques commerciales, même en l’absence de vérification ou d’audit organisé par l’association ».
Pourtant, aujourd’hui, l’ACPR réalise des contrôles des bonnes pratiques commerciales. Elle a d’ailleurs mis en garde TCA Assurances pour ses pratiques commerciales « qui portent atteinte aux règles de bonnes pratiques de la profession ». En cause, le fait que ce courtier grossiste, spécialisé dans les structures subissant de plein fouet la crise sanitaire - restaurants, bars, discothèques… -, a « anticipé […] le renouvellement de contrats d’assurance souscrits auprès d’une société d’assurance opérant en France sous le régime de la libre prestation de services et dont il connaissait les graves difficultés financières ».
Cette affaire nous inspire deux réflexions.
Premier point : l’ACPR est une institution précieuse en matière de contrôle dont il aurait fallu renforcer les compétences et les moyens. Dans le même esprit, nous souhaitions accroître les prérogatives de l’Orias sur le contrôle de l’honorabilité. Cet amendement du Sénat a été écarté par la commission mixte paritaire au motif qu’il engendrerait un rallongement de la procédure d’embauche. La durée sera aussi longue si les associations agréées en ont la charge, et des risques sont présents s’il revient aux dirigeants d’attester sur l’honneur de l’honorabilité de leurs courtiers.
Second point : les courtiers en libre prestation de services, ou LPS, dont nous avions fait grand cas lors de la première lecture, sont encore en cause dans cette affaire. Il faut le contrôle attentif de l’ACPR pour mettre au jour leurs dérives. La proposition de loi ne remédiera en rien aux errements de ces acteurs, qui s’évaporent parfois dans les paradis fiscaux, pour la simple raison que leur adhésion n’est pas obligatoire. Cette inégalité entre les acteurs français de l’assurance et les intermédiaires étrangers en LPS constitue à nos yeux un des motifs pouvant fonder une censure du Conseil constitutionnel.
J’aimerais illustrer, à ce stade, grâce à un article de l’hebdomadaire Le Point, la détresse dans laquelle se trouvent les citoyens et les citoyennes tout comme les entreprises de construction de ce pays lorsqu’ils se rendent comptent des malversations de leurs assureurs.
Nous sommes en 2016 à Drusenheim, dans le Bas-Rhin, où trois familles acquièrent, pour plus de 650 000 euros, un lot de trois maisons en vente en état futur d’achèvement. La livraison, prévue plus d’un an plus tard, est compromise deux mois après le début des travaux, lorsque le promoteur Building cesse de payer les maçons. Le chantier s’est arrêté, mais les familles ont continué de payer, car le promoteur avait réalisé de fausses attestations de fin d’étapes de travaux et autres certifications. Résultat, il a été placé en liquidation judiciaire.
Les familles cherchent alors à récupérer leur garantie financière d’achèvement auprès de l’assureur choisi par le promoteur, obligé d’assumer le financement jusqu’à parfait achèvement des travaux. Celui-ci temporise sans envoyer d’expert, prétextant une perte de dossier et les familles doivent assigner les assurances impliquées. Aucun représentant des assurances ne se rendra à la première audience. Après avoir déboursé 10 000 euros de frais d’experts et de procédure, les familles constatent que l’assureur n’indemnise jamais, comme le déplore leur avocat.
M. Claude Kern. Tout à fait !
M. Éric Bocquet. L’histoire se répète. Les mêmes récits, les mêmes déceptions, souvent entre impuissance et abandon. Ce texte, à nos yeux, ne répond pas à ce fléau des intermédiaires étrangers en LPS qui gangrènent le marché français et laissent derrière eux des familles et des entreprises en proie au désespoir. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Union Centriste se félicite de ce que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord, ce qui n’est pas si fréquent. C’est le signe que nos deux assemblées sont capables, par-delà les clivages politiques, de se retrouver sur des positions communes lorsque l’intérêt général l’exige. Le texte final répond au double objectif affiché dans la proposition de loi initiale : protéger les consommateurs et clarifier le cadre réglementaire applicable aux courtiers.
Réjouissons-nous que les améliorations apportées par la Haute Assemblée aient prospéré dans la rédaction proposée par la commission mixte paritaire. Ces améliorations sont significatives – même si elles sont insuffisantes, comme l’a souligné notre collègue Bocquet – concernant au moins trois points.
Le premier d’entre eux réside dans le signal d’alerte envoyé au consommateur en cas d’infraction grave, par un intermédiaire, aux conditions d’adhésion à une association professionnelle. La possibilité pour toute association de notifier à l’ACPR ainsi qu’aux autres associations ses décisions de refus d’adhésion va incontestablement dans le bon sens. Nous nous en félicitons. Plus généralement, nous saluons la garantie apportée aux consommateurs grâce au surcroît d’information que leur offrent les systèmes d’adhésion à une association professionnelle et d’immatriculation auprès de l’Orias.
La deuxième avancée substantielle concerne la mission de recommandation donnée aux associations professionnelles en matière de pratiques commerciales et de prévention des conflits d’intérêts. La formulation de ces recommandations devrait, dans les faits, favoriser une généralisation des bonnes pratiques commerciales. Dans le même sens, à savoir la protection du consommateur et de son intérêt, la validation par l’ACPR des statuts des associations devrait apporter une sécurité bienvenue.
Enfin, s’agissant du démarchage téléphonique en matière de distribution de produits d’assurance, la rédaction proposée par la commission mixte paritaire offrira une meilleure protection du consommateur, sans entraver les offres commerciales en cours. Nous pensons en particulier aux offres des comparateurs en ligne, qui sont les bienvenues en ce qu’elles offrent un choix plus large au consommateur. Il apparaissait ainsi utile de les sauvegarder.
Le secteur du courtage étant soumis à un renouvellement très fréquent de ses milliers d’intermédiaires, le transfert à l’Orias du contrôle du casier judiciaire des salariés, que nous avions proposé en première lecture, n’a pas été conservé dans le texte de la commission mixte paritaire. Celui-ci restera donc aux mains des associations professionnelles. Nous en comprenons la raison au regard des échanges qu’ont eus les deux rapporteurs avec les acteurs concernés. Nous en appelons toutefois à la plus grande vigilance sur ce sujet, qui méritera une surveillance accrue compte tenu du nombre de faux documents susceptibles de circuler.
Mes chers collègues, grâce à l’implication constructive de chacun des parlementaires et des deux rapporteurs en particulier, un premier pas est aujourd’hui réalisé. Certes, cela a été signalé à plusieurs reprises, des imperfections demeurent. Elles tiennent essentiellement aux contraintes du droit de l’Union européenne et aux exigences de la libre prestation de services. Ce premier pas conclu en commission mixte paritaire n’en demeure pas moins un pas bénéfique que saluent l’ensemble des membres du groupe Union Centriste. Nous voterons donc résolument en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de réforme du courtage revient devant nous ce jour après une commission mixte paritaire conclusive. Vous connaissez les réserves que j’avais pu formuler devant vous il y a quelques semaines, au nom de mon groupe, réserves que je sais partagées par un certain nombre d’entre vous.
Ce secteur d’activité gagnerait à être mieux encadré, mais l’option choisie, à savoir la création d’associations professionnelles à adhésion obligatoire, ne répond pas pleinement aux objectifs que cette proposition de loi s’était pourtant fixés, particulièrement en matière de protection des consommateurs.
En effet, il convient de constater que la profession du courtage concerne un nombre très important d’acteurs, que les contrôles jusqu’alors exercés sont insuffisants et que les scandales récents ont mis en évidence la nécessité de mieux l’encadrer.
Aujourd’hui, les contrôles opérés émanent de l’Orias, organisme auprès duquel chaque professionnel est tenu de s’enregistrer pour pouvoir exercer, d’une part, et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, chargée de vérifier la véracité des documents transmis à l’Orias et les pratiques des courtiers, d’autre part.
Si j’entends que ces organisations ne peuvent pas effectuer aujourd’hui les contrôles qui seraient nécessaires, rien n’interdisait de renforcer par une simple réforme réglementaire les deux organismes existants, tant en missions qu’en moyens, plutôt que déléguer purement et simplement ces missions à des associations agréées.
En créant un intermédiaire supplémentaire entre professionnels et instances nationales de régulation, cette réforme semble manquer de cohérence à l’heure où l’on supprime en loi de finances des organismes de gestion agréés (OGA) jouant un rôle similaire sur un autre marché.
Par ailleurs, ce texte, annoncé comme renforçant la protection des consommateurs, est loin d’apporter les solutions aux dysfonctionnements constatés, que ce soit en matière de libre prestation de services ou de pratiques commerciales déloyales. Cela a été souligné tout à l’heure par M. le rapporteur.
De même, et j’avais déjà eu l’occasion de le souligner ici devant vous, cette autorégulation par des associations professionnelles favorisant de grosses entités de courtage crée un risque de dérive oligopolistique sur le marché. Et cela – nous le savons bien – n’est jamais bénéfique pour les consommateurs !
Je regrette une nouvelle fois l’absence d’étude d’impact qui aurait pu nous éclairer sur ce texte et nous indiquer en quoi un marché plus concentré pourrait profiter aux consommateurs.
Je déplore également que le seul amendement sénatorial tendant à confier le contrôle de l’honorabilité des intermédiaires à l’Orias n’ait pas survécu à la commission mixte paritaire : malgré notre désaccord sur le fond, il me semblait important que ce point puisse être conservé dans la loi.
De fait, ce texte consacre le recul du rôle de la puissance publique au lieu de lui donner les moyens d’exercer les missions et d’effectuer les contrôles nécessaires aussi bien pour les professionnels du courtage que pour la protection des consommateurs.
Convaincu que d’autres options auraient pu être choisies pour encadrer ce secteur d’activité, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra, comme en première lecture, sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le courtier joue dans l’économie le rôle d’un intermédiaire. Que ce soit dans l’assurance, dans la banque ou dans tout autre secteur, son rôle est double : d’une part, agir comme un tiers de confiance, afin de sécuriser une transaction, pour le client comme pour le fournisseur ; d’autre part, faire jouer la concurrence pour assurer une offre compétitive, tout en se rémunérant sur la bonne mise en relation de l’offre et de la demande.
Son utilité doit donc être appréciée à l’aune de cette double valeur ajoutée. C’est aussi à cette aune que nous devons apprécier la pertinence du texte que nous examinons aujourd’hui.
En effet, la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement manquera sa cible si elle ne permet pas de gagner sur les deux tableaux : la confiance, d’une part ; la compétitivité, d’autre part.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer en première lecture, je crois que le dispositif prévu par cette proposition de loi va dans le bon sens. Les associations professionnelles à adhésion obligatoire, agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, apporteront lisibilité et transparence aux consommateurs.
Je me réjouis donc que la commission mixte paritaire, réunie le 10 mars dernier, soit parvenue à un accord sur le texte.
Cet accord prouve le rôle constructif du Sénat dans la navette parlementaire, d’autant que plusieurs des amendements que nous avions votés ont été conservés dans le texte final. Surtout, il consacre l’aboutissement d’un travail de longue haleine, puisque les dispositions de cette proposition de loi avaient déjà été adoptées lors de l’examen du projet de loi Pacte voilà maintenant plus de deux ans.
J’espère cependant que l’adoption de cette proposition de loi n’augmentera pas les prix. En effet, comme je l’ai déjà évoqué lors de la première lecture, la création des associations professionnelles à adhésion obligatoire entraînera mécaniquement des surcoûts pour les acteurs de la profession.
Le risque existe que ces surcoûts soient ensuite répercutés sur le consommateur final. Mais il est également possible que la clarification des offres disponibles sur le marché renforce les acteurs les plus solides et leur permette donc d’améliorer leurs marges. Ces acteurs pourraient alors absorber les surcoûts en question sans avoir à les répercuter sur les consommateurs en augmentant leurs prix. Le texte atteindrait alors son double objectif.
Malgré ce point de vigilance, le groupe Les Indépendants approuve largement le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à titre préliminaire, je souhaite rappeler que, en dépit des perspectives d’amélioration apportées, notre groupe s’interroge toujours sur la pertinence de la création d’un nouvel étage de contrôle de la profession des courtiers d’assurance.
Il nous paraissait plus simple de s’appuyer sur les outils de régulation qui existent déjà. Ils offrent à toute association la possibilité de notifier à l’ACPR et aux autres associations une décision de refus d’adhésion. Lors de l’examen du texte par notre Haute Assemblée, notre groupe avait soulevé la possibilité de conflits d’intérêts.
Les nouvelles dispositions offrent désormais aux associations la possibilité de formuler des recommandations à leurs membres en matière de pratiques commerciales et de prévention des conflits d’intérêts. Même si cela reste dans la limite de ce que le droit européen autorise, cette amélioration permet de limiter en partie des contre-effets délétères induits par la réforme proposée. Cependant, cette mesure ne nous semble que partielle au regard du fort risque de conflits d’intérêts qui demeure.
La protection du consommateur ne nous semblait aucunement garantie. Le texte encadre désormais mieux le démarchage téléphonique en matière de distribution. De nombreux abus ont été constatés pour certains produits assurantiels.
Cela dit, le spectre reste relativement étroit et assez peu ambitieux en la matière, a fortiori par rapport aux moyens que l’on aurait pu donner à l’Orias ou à l’ACPR pour l’exercice des contrôles nécessaires et une protection réelle des consommateurs.
Si nous sommes conscients des perspectives d’amélioration, nous restons persuadés qu’il n’était nullement besoin de désarmer la puissance publique. Nous sommes également convaincus qu’il n’y avait aucune urgence à légiférer soudainement sur le courtage. C’est un sujet très complexe, dont il est difficile de maîtriser les tenants et les aboutissants. Je vous rappelle d’ailleurs que nous avons été privés d’une étude d’impact. Nous votons donc à l’aveugle une réforme dont il est impossible d’évaluer les effets !
Enfin, rappelons aussi que nous aurions largement préféré discuter de la place que prennent les assurances dans le soutien à la population au regard du contexte que nous connaissons tous.
Pour ces raisons, et parce que les outils que propose ce texte ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux, notre groupe s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire sur la réforme du courtage. La CMP a été conclusive après l’accord trouvé avec l’Assemblée nationale sur le texte.
Permettez-moi tout d’abord de revenir sur mon scepticisme initial quant à cette proposition de loi. J’ai toujours quelques doutes quand on propose de simplifier par un nouveau texte de loi, surtout en créant une nouvelle strate administrative pour les entreprises.
Pour rappel, nous avions supprimé des centres de gestion lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021. Et voici que nous nous apprêtons à mettre en place une nouvelle obligation administrative pour les courtiers en assurances, obligation évidemment doublée d’une charge financière non productive !
En commission des finances, j’avais déposé un amendement de suppression de l’article, considérant que les efforts de simplification n’étaient pas respectés et que l’Orias, organisme existant, pouvait très bien remplir une telle mission.
Mais j’ai aussi pris conscience qu’il y avait un nombre considérable d’inscriptions et de résiliations d’inscriptions des intermédiaires en assurances et de leurs mandataires.
Les courtiers en assurance doivent aussi respecter des obligations de médiation, de formation et de garanties financières. Aujourd’hui, c’est peu suivi. Compte tenu de la taille moyenne des structures, ce n’est pas toujours facile.
En revanche, j’espère voir cette proposition de loi protéger les assurés des courtiers étrangers et des libres prestataires de services ; cela a été longuement souligné par mes collègues. Je fais référence à ces sociétés d’assurances immatriculées dans des pays européens qui exercent aujourd’hui en France et qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations de solvabilité ou de garanties financières que les courtiers français.
La proposition de loi que nous allons adopter prévoit donc que les courtiers en assurances dépendant de l’ACPR et immatriculés à l’Orias dès leur installation – l’adhésion est renouvelée chaque année – soient dorénavant adhérents à une association professionnelle à partir de 2022. Celle-ci assurera la médiation sur les litiges entre courtiers et clients, la formation des courtiers et l’information sur les nouvelles règles législatives ou normatives, ainsi que sur la garantie financière, moyennant une cotisation annuelle d’environ 500 euros.
Le contrôle et la sanction des mauvaises pratiques resteront à la charge de l’ACPR, et c’est tant mieux, et l’Orias continuera sans étendre ses compétences. Ces associations auront la possibilité de prévenir l’ACPR et les autres associations en cas d’irrégularités, mais elles pourront également formuler des recommandations encourageant aux bonnes pratiques et à la prévention des conflits.
Étant donné cette dernière capacité qui leur est offerte, j’espère que de telles recommandations ne se transformeront pas en obligations, contraignant les professionnels du courtage à appliquer de nouvelles normes franco-françaises dans les prochaines années. Car le risque est bien que la libre concurrence et la recherche d’innovations fassent les frais de ce formalisme normatif, comme on peut le voir dans beaucoup de domaines.
Je le répète, j’ai été surpris du dépôt de dernière minute de l’amendement du Gouvernement tendant à imposer à tout intermédiaire, lors du démarchage des assurés, d’enregistrer la conversation téléphonique et de la conserver pendant deux ans. Certes, un tel amendement peut se comprendre pour les courtiers qui ne respectent pas les règles déontologiques. Mais ne faisons pas une loi pour quelques cas, sous peine de détruire le travail des courtiers de proximité, qui, pour le plus grand nombre d’entre eux, sont sérieux. L’amendement a été revu pour en réduire les effets et réguler seulement le démarchage non sollicité. Tant mieux !
En définitive, cette proposition de loi n’atteindra pas, me semble-t-il, tous les objectifs fixés, mais elle permettra aux courtiers d’adhérer à une association professionnelle qui remplira leurs obligations vis-à-vis des assurés. Le groupe Les Républicains votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement
Article unique
I A. – Après l’article L. 112-2-1 du code des assurances, il est inséré un article L. 112-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-2-2. – I. – Lorsqu’un distributeur au sens du III de l’article L. 511-1 contacte par téléphone un souscripteur ou un adhérent éventuel en vue de conclure un contrat d’assurance qui n’entre pas dans le cadre de l’activité commerciale ou professionnelle du souscripteur ou de l’adhérent éventuel :
« 1° Il recueille au début de la conversation, immédiatement après avoir satisfait aux obligations d’information prévues par voie réglementaire, l’accord préalable du souscripteur ou de l’adhérent éventuel à la poursuite de la communication. À défaut d’accord explicite de ce dernier, le distributeur met fin à l’appel sans délai et s’abstient de le contacter à nouveau.
« Après avoir recueilli l’accord préalable et explicite du souscripteur ou de l’adhérent éventuel à la poursuite de la communication, le distributeur demeure tenu à tout moment de mettre fin sans délai à l’appel dès lors que le souscripteur ou l’adhérent éventuel manifeste une absence d’intérêt ou son souhait de ne pas donner suite à la proposition commerciale. Dans un tel cas, le distributeur s’abstient de le contacter à nouveau ;
« 2° Il s’assure que le souscripteur ou l’adhérent éventuel peut résilier son contrat en cours concomitamment à la prise d’effet du contrat proposé si son offre concerne un risque déjà couvert ;
« 3° Il s’assure, avant la conclusion à distance du contrat, de la bonne réception par le souscripteur ou l’adhérent éventuel des documents et informations prévus à l’article L. 112-2, aux I, III et IV de l’article L. 112-2-1, aux articles L. 521-2 à L. 521-4 et L. 522-1 à L. 522-6 du présent code et au premier alinéa de l’article L. 222-6 du code de la consommation.
« Le distributeur est tenu de respecter un délai minimal de vingt-quatre heures entre la réception par le souscripteur ou l’adhérent éventuel des documents et informations mentionnés au 3° du présent I et tout nouveau contact par téléphone fixé après accord exprès du souscripteur ou de l’adhérent éventuel.
« II. – Le souscripteur ou l’adhérent éventuel ne peut consentir au contrat qu’en le signant. Cette signature ne peut être que manuscrite ou électronique. Elle ne peut intervenir au cours d’un appel téléphonique et moins de vingt-quatre heures après la réception des documents et informations mentionnés au 3° du I.
« Dans tous les cas, un distributeur ne peut signer un contrat pour le compte du souscripteur ou de l’adhérent éventuel.
« III. – À la suite de la signature du contrat, le distributeur informe sans délai le souscripteur ou adhérent, par écrit ou sur tout autre support durable, de son engagement, des dates de conclusion et de prise d’effet du contrat, de son éventuel droit de renonciation et des modalités d’exercice de ce droit, notamment l’adresse à laquelle la notification de la renonciation doit être envoyée ainsi que les modalités d’examen des réclamations que le souscripteur peut formuler au sujet du contrat.
« IV. – Afin de permettre à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de contrôler le respect des obligations prévues au présent article, les distributeurs enregistrent, conservent et garantissent la traçabilité de l’intégralité des communications téléphoniques intervenues avant la conclusion du contrat d’assurance, pendant une période de deux années.
« IV bis. – Le présent article n’est pas applicable lorsque le distributeur est lié au souscripteur ou à l’adhérent éventuel par un contrat en cours, ou lorsque le souscripteur ou l’adhérent éventuel a sollicité l’appel ou consenti à être appelé, en engageant de manière claire, libre et sans équivoque une démarche expresse en ce sens.
« Le distributeur tient à la disposition de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes les pièces justificatives permettant de vérifier le respect des conditions prévues au premier alinéa du présent IV bis.
« V. – Les infractions aux dispositions du présent article sont constatées et sanctionnées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III.
« Les infractions constituées par le non-respect par les distributeurs des dispositions relatives au processus de commercialisation, telles que mentionnées aux I à IV bis du présent article, peuvent également être recherchées et constatées par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l’article L. 511-6 du même code.
« Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
I. – Le chapitre III du titre Ier du livre V du code des assurances est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Règles spéciales à certaines catégories d’intermédiaires » ;
2° Sont ajoutés des articles L. 513-3 à L. 513-9 ainsi rédigés :
« Art. L. 513-3. – I. – Aux fins de leur immatriculation au registre mentionné au I de l’article L. 512-1, les courtiers d’assurance ou de réassurance, personnes physiques et sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés pour l’activité de courtage d’assurance, et leurs mandataires, personnes physiques non salariées et personnes morales, adhèrent à une association professionnelle agréée chargée du suivi de l’activité et de l’accompagnement de ses membres. Cette association professionnelle représentative offre à ses membres un service de médiation, vérifie les conditions d’accès et d’exercice de leur activité ainsi que leur respect des exigences professionnelles et organisationnelles et offre un service d’accompagnement et d’observation de l’activité et des pratiques professionnelles, notamment par la collecte de données statistiques.
« Les courtiers ou sociétés de courtage d’assurance ou leurs mandataires exerçant des activités en France au titre de la libre prestation de services ou de la liberté d’établissement peuvent également adhérer à une association professionnelle agréée mentionnée au présent I.
« II. – Ne sont pas soumises à l’obligation d’adhésion à une association professionnelle agréée prévue au I les personnes suivantes, y compris, le cas échéant, lorsqu’elles exercent le courtage d’assurance à titre de mandataire d’intermédiaire d’assurance :
« 1° Les établissements de crédit et sociétés de financement ;
« 2° Les sociétés de gestion de portefeuille ;
« 3° Les entreprises d’investissement ;
« 4° Les agents généraux d’assurance inscrits sous un même numéro au registre mentionné à l’article L. 512-1.
« L’obligation d’adhésion à une association professionnelle agréée prévue au I du présent article n’est pas applicable aux mandataires d’intermédiaires d’assurance agissant en application des mandats délivrés par l’une des personnes mentionnées aux 1° à 3° du présent II.
« Art. L. 513-4. – La demande d’adhésion à l’association professionnelle agréée donne lieu à une réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par l’association d’un dossier complet. Dans le cas où l’association professionnelle agréée refuse une adhésion, elle motive sa décision. La décision de refus d’adhésion peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l’association.
« L’association peut notifier sa décision de refus d’adhésion à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ainsi qu’aux autres associations professionnelles mentionnées au I de l’article L. 513-3.
« Art. L. 513-5. – I. – Les associations professionnelles mentionnées au I de l’article L. 513-3 sont agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui vérifie leur représentativité, la compétence et l’honorabilité de leurs représentants légaux et de leurs administrateurs, l’impartialité de leur gouvernance, appréciée au regard de leurs procédures écrites, ainsi que leur aptitude à assurer l’exercice et la permanence de leurs missions au travers de moyens matériels et humains adaptés.
« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut retirer, selon des modalités prévues par décret, l’agrément d’une association professionnelle mentionnée au même I lorsque celle-ci ne satisfait plus aux conditions auxquelles était subordonné son agrément.
« II. – Les associations mentionnées au I de l’article L. 513-3 établissent par écrit et font approuver par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, lors de leur agrément, les règles qu’elles s’engagent à mettre en œuvre pour l’exercice de leurs missions définies à la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 513-3 ainsi que les sanctions qu’elles sont susceptibles de prononcer à l’encontre des membres. Elles font également approuver par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution toute modification ultérieure de ces règles.
« Elles peuvent formuler à l’intention de leurs membres des recommandations relatives à la fourniture de conseils, aux pratiques de vente et à la prévention des conflits d’intérêts.
« Elles établissent un rapport annuel sur leurs activités ainsi que sur celles de leurs membres sous une forme agrégée, qu’elles adressent à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
« Art. L. 513-6. – I. – Une association mentionnée au I de l’article L. 513-3 peut mettre fin à l’adhésion d’un de ses membres à sa demande. Le retrait de la qualité de membre peut également être décidé d’office par l’association si le courtier, la société de courtage ou le mandataire ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels était subordonnée son adhésion, s’il n’a pas commencé son activité dans un délai de douze mois à compter de son adhésion, s’il n’exerce plus son activité depuis au moins six mois ou s’il a obtenu l’adhésion par de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier.
« Tout retrait de la qualité de membre est notifié à l’organisme qui tient le registre mentionné au I de l’article L. 512-1.
« Lorsqu’il est prononcé d’office, le retrait de l’adhésion est notifié à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et prend effet à l’expiration d’une période dont la durée est déterminée par l’association.
« Lorsque le retrait de la qualité de membre est prononcé d’office, l’association peut également décider d’informer de sa décision les autres associations professionnelles mentionnées au I de l’article L. 513-3.
« La décision de retrait peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l’association.
« II. – L’association professionnelle n’est pas compétente pour sanctionner les manquements de ses membres qui relèvent exclusivement de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution mentionnée à l’article L. 612-1 du code monétaire et financier.
« Art. L. 513-7. – I. – Les représentants légaux, les administrateurs ainsi que les personnels et préposés des associations mentionnées au I de l’article L. 513-3 du présent code sont tenus au secret professionnel dans le cadre des missions mentionnées au même I, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Ce secret ne peut être opposé ni à l’organisme qui tient le registre mentionné au I de l’article L. 512-1 du présent code, ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre soit d’une procédure pénale, soit d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard d’une personne mentionnée à l’article L. 612-2 du code monétaire et financier. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut obtenir de l’association toute information nécessaire à l’exercice de sa mission.
« II. – Par dérogation au I de l’article L. 612-17 du code monétaire et financier, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut communiquer aux associations mentionnées au I du présent article des informations couvertes par le secret professionnel lorsque ces informations sont utiles à l’accomplissement par les associations des missions mentionnées au I de l’article L. 513-3 du présent code ou à l’organisme qui tient le registre mentionné au I de l’article L. 512-1 pour l’accomplissement de ses propres missions.
« Ces informations ne peuvent être utilisées par les associations ou par l’organisme mentionnés au premier alinéa du présent II que pour l’accomplissement de leurs missions et seulement aux fins pour lesquelles elles ont été communiquées. Les informations transmises demeurent couvertes par le secret professionnel.
« Art. L. 513-8. – Les courtiers ou les sociétés de courtage d’assurance ou leurs mandataires informent l’association dont ils sont membres de toute modification des informations les concernant et de tout fait pouvant avoir des conséquences sur leur qualité de membre de l’association. Ils sont tenus d’informer dans les meilleurs délais l’association lorsqu’ils ne respectent pas les conditions ou les engagements auxquels était subordonnée leur adhésion.
« Art. L. 513-9. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application du présent chapitre. »
II. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le chapitre IX du titre Ier du livre V est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« Adhésion et exercice des associations professionnelles des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement
« Art. L. 519-11. – I. – Aux fins de leur immatriculation au registre mentionné au I de l’article L. 546-1, les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement mentionnés à l’article L. 519-1 et leurs mandataires adhèrent à une association professionnelle agréée chargée du suivi de l’activité et de l’accompagnement de ses membres. Cette association professionnelle représentative offre à ses membres un service de médiation, vérifie les conditions d’accès et d’exercice de leur activité ainsi que leur respect des exigences professionnelles et organisationnelles et offre un service d’accompagnement et d’observation de l’activité et des pratiques professionnelles, notamment par la collecte de données statistiques.
« Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement exerçant en France au titre de la libre prestation de services ou de la liberté d’établissement peuvent également adhérer à une association professionnelle agréée mentionnée au présent I.
« II. – L’obligation d’adhérer à une association professionnelle agréée prévue au I du présent article ne s’applique pas :
« 1° Aux mandataires exclusifs en opérations de banque et en services de paiement, qui exercent l’intermédiation en vertu d’un mandat d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’un établissement de paiement, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, d’un intermédiaire en financement participatif, d’une entreprise d’assurance dans le cadre de ses activités de prêts ou d’une société de gestion dans le cadre de ses activités de gestion de fonds d’investissement alternatifs mentionnées à l’article L. 511-6, et qui sont soumis à une obligation contractuelle de travailler exclusivement avec l’une de ces entreprises pour une catégorie déterminée d’opérations de banque ou de services de paiement ; ainsi qu’à leurs mandataires ;
« 2° Aux mandataires en opérations de banque et en services de paiement qui exercent l’intermédiation en vertu d’un ou plusieurs mandats non exclusifs délivrés par un ou plusieurs établissements de crédit, sociétés de financement, établissements de paiement, établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, intermédiaires en financement participatif, entreprises d’assurance dans le cadre de leurs activités de prêts ou sociétés de gestion dans le cadre de leurs activités de gestion de fonds d’investissement alternatifs mentionnées au même article L. 511-6 ; ainsi qu’à leurs mandataires ;
« 3° Aux intermédiaires enregistrés sur le registre d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen pour l’exercice d’activité d’intermédiation en matière de contrats de crédit immobilier au sens de l’article L. 313-1 du code de la consommation.
« Art. L. 519-12. – La demande d’adhésion à l’association professionnelle agréée donne lieu à une réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par l’association d’un dossier complet. Dans le cas où l’association professionnelle agréée refuse une adhésion, elle motive sa décision. La décision de refus d’adhésion peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l’association.
« L’association peut notifier sa décision de refus d’adhésion à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ainsi qu’aux autres associations professionnelles mentionnées au I de l’article L. 519-11.
« Art. L. 519-13. – I. – Les associations professionnelles mentionnées au I de l’article L. 519-11 sont agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui vérifie leur représentativité, la compétence et l’honorabilité de leurs représentants légaux et de leurs administrateurs, l’impartialité de leur gouvernance, appréciée au regard de leurs procédures écrites, ainsi que leur aptitude à assurer l’exercice et la permanence de leurs missions au travers de moyens matériels et humains adaptés.
« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut retirer, selon des modalités prévues par décret, l’agrément d’une association professionnelle mentionnée au même I lorsque celle-ci ne satisfait plus aux conditions auxquelles était subordonné son agrément.
« II. – Les associations mentionnées au I de l’article L. 519-11 établissent par écrit et font approuver par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, lors de leur agrément, les règles qu’elles s’engagent à mettre en œuvre pour l’exercice de leurs missions telles que définies à la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 519-11 ainsi que les sanctions qu’elles sont susceptibles de prononcer à l’encontre de leurs membres. Elles font également approuver par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution toute modification ultérieure de ces règles.
« Elles peuvent formuler à l’intention de leurs membres des recommandations relatives à la fourniture de conseils, aux pratiques de vente et à la prévention des conflits d’intérêts.
« Elles établissent un rapport annuel sur leurs activités ainsi que sur celles de leurs membres sous une forme agrégée, qu’elles adressent à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
« Art. L. 519-14. – I. – Une association mentionnée au I de l’article L. 519-11 peut mettre fin à l’adhésion d’un de ses membres à sa demande. Le retrait de la qualité de membre peut également être décidé d’office par l’association si l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels était subordonnée son adhésion, s’il n’a pas commencé son activité dans un délai de douze mois à compter de son adhésion, s’il n’exerce plus son activité depuis au moins six mois ou s’il a obtenu l’adhésion par de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier.
« Tout retrait de la qualité de membre est notifié à l’organisme qui tient le registre mentionné au I de l’article L. 546-1.
« Lorsqu’il est prononcé d’office, le retrait de la qualité de membre est notifié à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et prend effet à l’expiration d’une période dont la durée est déterminée par l’association.
« Lorsque le retrait de la qualité de membre est prononcé d’office, l’association peut également décider d’informer de sa décision les autres associations professionnelles mentionnées au I de l’article L. 519-11.
« La décision de retrait de la qualité de membre peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l’association.
« II. – L’association professionnelle n’est pas compétente pour sanctionner les manquements de ses membres qui relèvent exclusivement de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution mentionnée à l’article L. 612-1.
« Art. L. 519-15. – I. – Les représentants légaux, les administrateurs ainsi que les personnels et préposés des associations mentionnées au I de l’article L. 519-11 du présent code sont tenus au secret professionnel dans le cadre des missions mentionnées au même I, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Ce secret ne peut être opposé ni à l’organisme qui tient le registre mentionné au I de l’article L. 546-1 du présent code, ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre soit d’une procédure pénale, soit d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard d’une personne mentionnée à l’article L. 612-2. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut obtenir de l’association toute information nécessaire à l’exercice de sa mission.
« II. – Par dérogation au I de l’article L. 612-17, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut communiquer aux associations mentionnées au I du présent article des informations couvertes par le secret professionnel lorsque ces informations sont utiles à l’accomplissement par les associations des missions mentionnées au I de l’article L. 519-11 ou à l’organisme qui tient le registre mentionné au I de l’article L. 546-1 pour l’accomplissement de ses propres missions.
« Ces informations ne peuvent être utilisées par les associations ou par l’organisme précités que pour l’accomplissement de leurs missions et seulement aux fins pour lesquelles elles ont été communiquées. Les informations transmises demeurent couvertes par le secret professionnel.
« Art. L. 519-16. – Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement informent l’association dont ils sont membres de toute modification des informations les concernant et de tout fait pouvant avoir des conséquences sur leur qualité de membre de l’association. Ils sont tenus d’informer dans les meilleurs délais l’association lorsqu’ils ne respectent pas les conditions ou les engagements auxquels était subordonnée leur adhésion.
« Art. L. 519-17. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application de la présente section. » ;
2° Le I de l’article L. 612-2 est ainsi modifié :
a) Après le 13° du A, il est inséré un 14° ainsi rédigé :
« 14° Les associations professionnelles agréées mentionnées au I de l’article L. 519-11. » ;
b) Le B est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Les associations professionnelles agréées mentionnées au I de l’article L. 513-3 du code des assurances. » ;
3° L’article L. 745-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 745-7. – I. – Sous réserve des dispositions d’adaptation prévues aux II et III, sont applicables en Nouvelle-Calédonie les articles mentionnés dans la première colonne du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la seconde colonne du même tableau :
« |
Articles applicables |
Dans leur rédaction résultant de |
L. 519-1 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises |
|
L. 519-1-1 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation |
|
L. 519-2 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-3 et L. 519-3-1 |
la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière |
|
Premier alinéa de l’article L. 519-3-2 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-3-3 |
la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 précitée |
|
L. 519-3-4 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-4 |
l’ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement |
|
L. 519-4-1 et L. 519-4-2 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 précitée |
|
L. 519-5 |
la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires |
|
L. 519-6 |
la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation |
|
L. 519-6-1 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 précitée |
|
L. 519-11, à l’exception du second alinéa du I |
la loi n° … du … relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement |
|
L. 519-12 à L. 519-17 |
la loi n° … du … relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement |
|
L. 571-15 |
la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière |
|
L. 571-16 |
l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs |
« II. – Pour l’application du présent article :
« 1° Les références au code des assurances sont remplacées par les références aux dispositions équivalentes applicables localement ;
« 2° Les dispositions relatives aux associations professionnelles sont remplacées par les dispositions applicables localement ayant le même effet ;
« 3° Les mots : “registre mentionné au I de l’article L. 546-1” sont remplacés par les mots : “registre mentionné à l’article 1er de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance”.
« III. – Pour l’application du présent article :
« 1° À la première phrase du II de l’article L. 519-1, les mots : “ni aux établissements de crédit, aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, aux établissements de paiement et aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement, intervenant en libre prestation de services,” sont supprimés ;
« 2° Le premier alinéa de l’article L. 519-1-1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« “Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement peuvent fournir à leurs clients un service de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit immobilier, à l’exclusion des opérations de regroupement de crédit.
« “Constituent des contrats de crédit immobilier pour l’application du présent article les contrats de crédit garantis par une hypothèque, par une autre sûreté comparable ou par un droit lié à un bien immobilier à usage résidentiel et les contrats de crédit destinés à permettre l’acquisition ou le maintien de droits de propriété sur un terrain ou un immeuble existant ou à construire.” ;
« 3° À la fin de l’article L. 519-5, la référence : “L. 353-5” est remplacée par la référence : “L. 353-4” ;
« 4° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 519-6, la référence à l’article L. 353-5 est remplacée par la référence aux dispositions équivalentes applicables localement ;
« 5° Au II de l’article L. 519-11, le 3° est supprimé ;
« 6° Au dernier alinéa du I de l’article L. 519-14, le mot : “judiciaire” est remplacé par les mots : “de première instance” ;
« 7° À l’article L. 519-15, les références aux procédures de liquidation judiciaire sont remplacées par les références aux procédures équivalentes applicables localement. » ;
4° L’article L. 755-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 755-7. – I. – Sous réserve des dispositions d’adaptation prévues aux II et III, sont applicables en Polynésie française les articles mentionnés dans la première colonne du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la seconde colonne du même tableau :
« |
Articles applicables |
Dans leur rédaction résultant de |
L. 519-1 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises |
|
L. 519-1-1 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation |
|
L. 519-2 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-3 et L. 519-3-1 |
la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière |
|
Premier alinéa de l’article L. 519-3-2 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-3-3 |
la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 précitée |
|
L. 519-3-4 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-4 |
l’ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement |
|
L. 519-4-1 et L. 519-4-2 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 précitée |
|
L. 519-5 |
la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires |
|
L. 519-6 |
la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation |
|
L. 519-6-1 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 précitée |
|
L. 519-11, à l’exception du second alinéa du I |
la loi n° … du … relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement |
|
L. 519-12 à L. 519-17 |
la loi n° … du … relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement |
|
L. 571-15 |
la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière |
|
L. 571-16 |
l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs |
« II. – Pour l’application du présent article :
« 1° Les références au code des assurances sont remplacées par les références aux dispositions équivalentes applicables localement ;
« 2° Les dispositions relatives aux associations professionnelles sont remplacées par les dispositions applicables localement ayant le même effet ;
« 3° Les mots : “registre mentionné au I de l’article L. 546-1” sont remplacés par les mots : “registre mentionné à l’article 1er de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance”.
« III. – Pour l’application du présent article :
« 1° À la première phrase du II de l’article L. 519-1, les mots : “ni aux établissements de crédit, aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, aux établissements de paiement et aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement, intervenant en libre prestation de services,” sont supprimés ;
« 2° Le premier alinéa de l’article L. 519-1-1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« “Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement peuvent fournir à leurs clients un service de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit immobilier, à l’exclusion des opérations de regroupement de crédit.
« “Constituent des contrats de crédit immobilier pour l’application du présent article les contrats de crédit garantis par une hypothèque, par une autre sûreté comparable ou par un droit lié à un bien immobilier à usage résidentiel et les contrats de crédit destinés à permettre l’acquisition ou le maintien de droits de propriété sur un terrain ou un immeuble existant ou à construire.” ;
« 3° À l’article L. 519-5, la référence : “L. 353-5” est remplacée par la référence : “L. 353-4” ;
« 4° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 519-6, la référence à l’article L. 353-5 est remplacée par la référence aux dispositions équivalentes applicables localement ;
« 5° Au II de l’article L. 519-11, le 3° est supprimé ;
« 6° Au dernier alinéa du I de l’article L. 519-14, le mot : “judiciaire” est remplacé par les mots : “de première instance” ;
« 7° À l’article L. 519-15, les références aux procédures de liquidation judiciaire sont remplacées par les références aux procédures équivalentes applicables localement. » ;
5° L’article L. 765-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 765-7. – I. – Sous réserve des dispositions d’adaptation prévues aux II et III, sont applicables dans les îles Wallis et Futuna les articles mentionnés dans la première colonne du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la seconde colonne du même tableau :
« |
Articles applicables |
Dans leur rédaction résultant de |
L. 519-1 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises |
|
L. 519-1-1 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation |
|
L. 519-2 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-3 et L. 519-3-1 |
la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière |
|
Premier alinéa de l’article L. 519-3-2 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-3-3 |
la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 précitée |
|
L. 519-3-4 |
la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée |
|
L. 519-4 |
l’ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement |
|
L. 519-4-1 et L. 519-4-2 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 précitée |
|
L. 519-5 |
la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires |
|
L. 519-6 |
la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation |
|
L. 519-6-1 |
l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 précitée |
|
L. 519-11, à l’exception du second alinéa du I |
la loi n° … du … relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement |
|
L. 519-12 à L. 519-17 |
la loi n° … du … relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement |
|
L. 571-15 |
la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière |
|
L. 571-16 |
l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs |
« II. – Pour l’application du présent article :
« 1° Les dispositions relatives aux associations professionnelles sont remplacées par les dispositions applicables localement ayant le même effet ;
« 2° Les mots : “registre mentionné au I de l’article L. 546-1” sont remplacés par les mots : “registre mentionné à l’article 1er de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance”.
« III. – Pour l’application du présent article :
« 1° À la première phrase du II de l’article L. 519-1, les mots : “ni aux établissements de crédit, aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, aux établissements de paiement et aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement, intervenant en libre prestation de services,” sont supprimés ;
« 2° Le premier alinéa de l’article L. 519-1-1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« “Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement peuvent fournir à leurs clients un service de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit immobilier, à l’exclusion des opérations de regroupement de crédit définies aux articles L. 314-10 et L. 314-13 du code de la consommation.
« “Constituent des contrats de crédit immobilier pour l’application du présent article les contrats de crédit garantis par une hypothèque, par une autre sûreté comparable ou par un droit lié à un bien immobilier à usage résidentiel et les contrats de crédit destinés à permettre l’acquisition ou le maintien de droits de propriété sur un terrain ou un immeuble existant ou à construire.” ;
« 3° À la fin de l’article L. 519-5, la référence : “L. 353-5” est remplacée par la référence : “L. 353-4” ;
« 4° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 519-6, la référence à l’article L. 353-5 est remplacée par la référence aux dispositions équivalentes applicables localement ;
« 5° Au II de l’article L. 519-11, le 3° est supprimé ;
« 6° Au dernier alinéa du I de l’article L. 519-14, le mot : “judiciaire” est remplacé par les mots : “de première instance”. » ;
6° Le I des articles L. 746-2, L. 756-2 et L. 766-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « du A » est remplacée par les références : « des A et B » ;
b) Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’article L. 612-1 est applicable dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2020-1595 du 16 décembre 2020 tirant les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en matière d’assurances, de placements collectifs et de plans d’épargne en actions.
« L’article L. 612-2 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement. »
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er avril 2022.
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Justice de proximité et réponse pénale
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (texte de la commission n° 424, rapport n° 423).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie à l’Assemblée nationale le jeudi 4 mars est parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi, déposée par notre collègue député Dimitri Houbron, améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.
Le texte comportant beaucoup de mesures techniques, l’accord a été obtenu assez rapidement. Pour l’essentiel, la commission mixte paritaire a retenu, sous réserve de quelques améliorations rédactionnelles, la version du texte que le Sénat avait adoptée lors de sa séance du 18 février dernier.
Le principal sujet de débat entre nous a porté sur la répartition des compétences entre le juge de l’application des peines (JAP) et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) en ce qui concerne l’établissement de la liste des travaux d’intérêt général proposés dans le département.
L’Assemblée nationale avait prévu que le directeur du SPIP soit responsable en principe de l’établissement de cette liste, mais que le JAP puisse le cas échéant se substituer à lui, afin de décider d’inscrire ou non sur la liste un employeur qui souhaiterait proposer un travail d’intérêt général.
En accord avec le Gouvernement, le Sénat a fait le choix de simplifier la procédure et de confier entièrement cette responsabilité au directeur du SPIP. Nos collègues députés se sont ralliés à cette solution, qui devrait favoriser une instruction plus rapide des dossiers et alléger les tâches des juges de l’application des peines, ces derniers étant souvent extrêmement sollicités. La mesure témoigne aussi d’une forme de reconnaissance à l’égard des directeurs de SPIP, qui accomplissent un travail considérable, pas toujours apprécié à sa juste valeur, comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte au cours des auditions auxquelles je procède régulièrement en tant que rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire.
L’objectif que nous cherchons à atteindre par cette mesure de simplification est d’encourager le recours aux travaux d’intérêt général, qui constituent souvent une alternative intéressante à une courte peine d’emprisonnement, dans la mesure où ils favorisent la réinsertion du condamné. Les travaux non rémunérés (TNR), proposés par le parquet dans le cadre d’une composition pénale ou par le maire dans le cadre d’une transaction municipale, méritent également d’être développés, afin d’apporter une réponse adaptée à des infractions de faible gravité.
Sur les autres volets du texte, la commission mixte paritaire a retenu les mesures additionnelles que le Sénat avait adoptées.
Sur l’initiative de nos collègues du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), nous avons souhaité que les biens confiés à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) puissent être attribués à des associations reconnues d’utilité publique ou à des organismes concourant à la politique du logement. Dans le même esprit, nous avons prévu que les personnes morales à but non lucratif puissent recevoir, sur décision du procureur de la République, des biens saisis dans le cadre de mesures alternatives aux poursuites.
Ces dispositions permettront de renforcer notre tissu associatif. Elles complètent utilement la mesure, déjà présente dans le texte initial, consistant à créer une contribution citoyenne, qui pourra être versée par l’auteur d’une infraction à une association d’aide aux victimes.
La commission mixte paritaire a conservé les deux mesures que nous avions adoptées concernant les travaux non rémunérés. La première vise à les faire entrer dans le champ de l’expérimentation relative à la mise en œuvre de travaux d’intérêt général par le secteur de l’économie sociale et solidaire. La deuxième tend à affilier à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale les personnes qui effectuent des TNR à la suite d’une transaction municipale.
La commission mixte paritaire n’est pas revenue sur les dispositions consensuelles relatives aux amendes forfaitaires, puisque le Sénat les avait votées conformes.
Enfin, sur le dernier volet du texte, qui consiste en des mesures ponctuelles de simplification de la procédure pénale, le Sénat avait seulement procédé à la correction d’une erreur de référence, correction que la commission mixte paritaire a confirmée sans difficulté.
Au total, le texte donne de nouveaux outils aux magistrats, et notamment aux magistrats du parquet, afin de les aider à apporter une réponse rapide et proportionnée aux petites infractions du quotidien. Dans bien des cas, il est préférable d’imposer immédiatement un travail non rémunéré, une mesure de réparation ou encore une contribution citoyenne, plutôt que de renvoyer l’affaire au tribunal correctionnel, qui rendra souvent sa décision tardivement compte tenu de l’encombrement des juridictions. Une sanction rapide est mieux comprise et plus efficace pour prévenir la récidive qu’une sanction arrivant un an ou deux après les faits.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire tout en soulignant une nouvelle fois que l’entrée en vigueur du texte ne marquera qu’une étape. L’avènement d’une véritable justice de proximité suppose en effet de mettre en œuvre bien d’autres mesures, qui relèvent non pas du domaine législatif, mais plutôt de choix d’organisation et de l’allocation de moyens suffisants pour faire vivre nos juridictions, y compris dans les territoires ruraux, que je connais bien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis mon arrivée au ministère, je me suis fixé un objectif clair : restaurer la confiance entre les citoyens et la justice.
Pour cela, cette dernière doit être plus proche du quotidien des Français et présente au cœur de nos territoires, dans nos villes, dans nos quartiers et dans nos campagnes.
Contrairement aux idées reçues, la délinquance de basse intensité n’épargne pas davantage les petites et moyennes communes que les grandes agglomérations. Elle est présente partout : les tags, les rodéos urbains, les dégradations, les feux de poubelle, les insultes, les petits trafics en tout genre… J’ai répertorié dans une circulaire 350 de ces infractions, qui nourrissent un sentiment d’impunité et alimentent la défiance à l’égard de l’institution judiciaire. À l’évidence, tous ces petits trafics pourrissent littéralement la vie de nos concitoyens.
Nous ne pouvons pas négliger les attentes des Français en termes de sécurité et de protection face à cette petite délinquance du quotidien. Celle-ci doit être mieux appréhendée. Si elle passe parfois inaperçue face aux actes les plus graves, elle pourrit – je choisis le terme à dessein – la vie du plus grand nombre et mine gravement la confiance dans l’institution judiciaire.
Vous l’aurez compris, répondre à cette délinquance est une des priorités de mon action à la tête de ce ministère. Pour cela, il y a deux axes de progression : renforcer la rapidité de la réponse pénale et accroître la visibilité de l’action judiciaire. C’est précisément l’objet de la proposition de loi dont nous discutons ensemble pour la dernière fois.
Au regard de la qualité du travail mené, je me félicite de l’accord qui a pu être trouvé en commission mixte paritaire. Je tiens à souligner ici l’esprit de concorde qui a prévalu à l’examen de ce texte. Je salue à ce titre le travail facilitateur du rapporteur Alain Marc et l’implication du sénateur Thani Mohamed Soilihi. Cette loi pourra ainsi produire les effets escomptés au plus vite pour les justiciables.
La justice de proximité, ce sont d’abord des dispositions pénales plus efficaces qui facilitent l’individualisation de la réponse pénale. Ce texte complète largement les mesures alternatives aux poursuites existantes, qui sont des sanctions rapides et adaptées, à la fois punitives et éducatives.
Le procureur de la République pourra ainsi demander au délinquant de remettre en état les objets ou les lieux dégradés, le contraindre à verser une contribution citoyenne à une association ou encore à donner son scooter à la collectivité. C’est le fameux : « Tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies et tu rembourses la victime. » Et cela se fait dans un temps raccourci pour les justiciables, mais aussi, bien entendu, pour les victimes. Ces sanctions rapides sont les mieux à même de prévenir la récidive s’agissant notamment des primo-délinquants, souvent les plus jeunes.
La simplification des modalités de mise en œuvre du travail d’intérêt général va également largement contribuer à diminuer le délai d’exécution de cette peine.
Nous développons massivement les postes de TIG, notamment grâce à la mobilisation de l’Agence nationale du travail d’intérêt général, à l’action de ses référents, qui prospectent sur l’ensemble du territoire, et à l’utilisation de la plateforme numérique TIG 360°. Déjà plus de 20 000 postes sont disponibles au niveau national, et nous souhaitons atteindre prochainement les 30 000.
Je profite de cette occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, pour dire que nous avons aussi besoin de la mobilisation de toutes les collectivités territoriales pour proposer des TIG à nos juridictions, partout sur le territoire.
Mme Brigitte Lherbier. Bien sûr !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La justice de proximité, c’est ensuite une politique pénale ciblée qui garantit le règlement des petits litiges et la prise en charge de nos concitoyens les plus vulnérables.
J’ai fait en sorte, dès le 1er octobre, puis le 15 décembre 2020, au travers de deux circulaires de politique pénale générale, de renforcer l’activité des juridictions de proximité, l’organisation d’audiences foraines et le développement des « points justice » partout où cela est possible.
J’ai parallèlement demandé aux procureurs de la République de mener une politique volontariste de coordination de l’action judiciaire avec les services préfectoraux, mais également les maires, les élus, les associations et les officiers du ministère public, au plus proche des territoires.
Enfin, nous avons doublé la capacité d’emploi des délégués du procureur, passant de 1 000 à 2 000. Ces derniers effectuent un travail remarquable et apportent une réponse pénale de proximité et de grande qualité. J’ai d’ailleurs demandé aux parquets de veiller à leur mobilisation sur l’ensemble du territoire, afin qu’ils soient plus proches de nos concitoyens, notamment les plus isolés et les plus fragilisés. Le décret du 21 décembre 2020 précise et élargit leurs missions, en leur permettant notamment de tenir des permanences délocalisées.
La justice de proximité, ce sont enfin des moyens renforcés, qui se traduisent notamment par une augmentation massive des recrutements. Sur les 1 100 emplois de contractuels que nous allons recruter, 950 sont déjà en poste et soulagent les juridictions, comme j’ai pu le constater lors de mes derniers déplacements. Une enveloppe de 13 millions d’euros va également permettre de recruter des magistrats honoraires ou à titre temporaire. Les frais de justice bénéficieront d’une augmentation de 127 millions d’euros pour accroître l’intervention des délégués du procureur, créer de nouvelles unités médico-judiciaires ou d’assistance de proximité aux victimes. Enfin, 20 millions d’euros bénéficieront au milieu associatif de la protection judiciaire de la jeunesse pour renforcer la prise en charge rapide des délits du quotidien.
Parce que, comme vous pouvez le voir, cette proposition de loi s’inscrit dans un cadre global d’action du ministère de la justice pour redonner à nos concitoyens le sens d’une justice rapide, efficace et au plus proche de leur quotidien, je vous demande chaleureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les juristes aiment souvent souligner au sujet du procès pénal que, au-delà des peines prononcées, il doit aussi tenir une fonction sociale et culturelle. Comme le souligne, par exemple, l’universitaire et magistrat Denis Salas, « le procès demeure avant tout une cérémonie de reconstitution du lien social ». Procureur, juge, avocats, victime, auteur de l’infraction : chacun de ceux qui y participent tient un rôle préétabli, auquel il est difficile de renoncer.
Dans ces circonstances, la procédure pénale nous place nécessairement devant une forme de dilemme.
D’un côté, le caractère fondamental des tribunaux et des salles d’audience nous pousse à tout faire pour qu’ils demeurent le lieu où la justice se rend.
De l’autre, les impératifs de célérité et d’efficacité nous imposent de réfléchir à des solutions distinctes de celles du procès, en retenant des dispositifs alternatifs.
Chaque réforme doit donc rechercher cet équilibre entre ces deux tendances et, à mon sens, cette proposition de loi y parvient.
Car, si elle vient renforcer les mesures alternatives au procès et aux poursuites, ces dernières restent proportionnées et n’atteignent pas dans ses fondements le procès pénal, qui doit toujours rester la règle.
C’est à l’image de ce qu’ont pensé initialement les auteurs du texte. Il est nécessaire de rendre plus effectives et plus opérationnelles les alternatives aux procès pour que les magistrats puissent disposer d’un spectre élargi de solutions en vue de lutter contre la délinquance quotidienne.
À ce titre, s’agissant des alternatives aux poursuites, la création d’une contribution citoyenne versée par l’auteur des faits en faveur des associations agréées d’aide aux victimes est évidemment la bienvenue. Il faut en dire autant s’agissant du renforcement des mesures prises dans le cadre de la composition pénale, tout comme des dispositions visant à faciliter le recours au travail d’intérêt général en tant que peine.
Dans ce même esprit, nous espérons que les dispositions visant à faciliter le recouvrement des amendes forfaitaires permettront d’obtenir une réduction sensible des contraventions demeurant impayées.
Il faut aussi se réjouir des apports du travail parlementaire sur ce texte, et plus particulièrement de ce qu’a proposé le Sénat. Je pense notamment à la possibilité d’ordonner le dessaisissement d’une chose ayant servi à commettre une infraction au bénéfice d’une association ou de toute personne morale à but non lucratif.
Néanmoins, au terme de nos échanges, il restera tout de même une interrogation : dans l’hypothèse où cette proposition de loi est adoptée, dans quelle mesure atteindra-t-elle son objectif ?
Pour prolonger les remarques que j’avais faites lors de l’examen du texte en première lecture, la lutte contre la délinquance du quotidien ne se fera pas seulement à travers de nouvelles procédures, une réorganisation des compétences ou l’élargissement du panel des sanctions.
Bien évidemment, il faut être ferme et sans complaisance face à cette forme de criminalité, afin de prévenir toute banalisation. Mais il ne faut pas perdre de vue ses origines. Pêle-mêle, je pense à certaines carences de notre système éducatif, à la précarité dont souffrent les services d’aide sociale à l’enfance, ou encore à la faible prise en charge des primo-délinquants.
Ces remarques faites, je me réjouis que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur ce texte, à l’adoption duquel le groupe du RDSE se montrera favorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, bien évidemment, je ne reprendrai pas les débats que nous avons eus lors de la première lecture de ce texte, au mois de février. Je me contenterai de revenir très brièvement sur quelques points.
Tout d’abord, et sans surprise, la commission mixte paritaire confirme que cette proposition de loi vise à renforcer le rôle des procureurs de la République. Nous avions échangé sur ce point à l’époque : cela implique aussi de leur donner les moyens de mettre en œuvre ces nouvelles dispositions. Même si une augmentation des effectifs est prévue, veillons à ne pas trop alourdir la charge des procureurs pour les années à venir dans un certain nombre de procédures.
Ensuite, et c’est sans doute le point le plus important à nos yeux, la question de l’indépendance du parquet reste en suspens. Quel sera le devenir de cette réforme tant attendue par certains, mais repoussée quinquennat après quinquennat, pour diverses raisons ?
Je veux enfin, comme l’a fait le rapporteur, souligner les évolutions permises par le Sénat, et qui demeurent dans le texte de la commission mixte paritaire.
Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je crois, au-delà du simple volet législatif, que nous devons mener une vraie réflexion sur les TIG avec celles et ceux qui peuvent en accueillir. Les problématiques de mobilité sont importantes, de même que le regard porté par notre société sur les femmes et les hommes qui accomplissent ces travaux.
J’insiste sur la nécessité de développer les TIG. Ils représentent aujourd’hui une alternative intéressante pour travailler à la réinsertion et éviter que certaines personnes ne soient entraînées dans un parcours de peines qui ne vont pas simplement réparer leurs fautes aux yeux de la société, mais les détruire petit à petit.
Pour ces différentes raisons, en particulier les réserves que j’ai émises sur l’absence d’indépendance du parquet – ce n’est pas le cas dans d’autres pays européens –, nous nous abstiendrons sur le texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le rapporteur pour son travail.
Madame Cukierman, vous venez à l’instant d’exprimer vos souhaits d’indépendance du parquet, et donc de réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Nous aurons, au mois de mai, un débat sur un projet de loi constitutionnelle et, comme les irrecevabilités de l’article 45 de la Constitution ne s’appliquent pas sur un tel texte, le sujet pourra être abordé par notre assemblée.
Avant d’évoquer le texte lui-même, je voulais vous dire, monsieur le garde des sceaux, en écho à ce que j’ai entendu hier soir, qu’il ne nous appartient pas de porter d’appréciation sur vos anciennes responsabilités ou activités professionnelles, les deux fonctions étant totalement dissociées. (Mme Christine Bonfanti-Dossat approuve.)
Le groupe Union Centriste soutient cette proposition de loi depuis le début, et il en va de même du texte issu de la commission mixte paritaire. Je n’ai donc pas de motif d’allonger à l’excès les débats ce matin pour vous confirmer notre vote favorable.
Le mot « proximité » sert tellement de parapluie aujourd’hui dans notre société qu’il ne nous enthousiasme guère. Il ne saurait constituer un programme en tant que tel. En revanche, les mesures proposées sont de bon aloi, qu’il s’agisse des mesures alternatives, des travaux d’intérêt général, des amendes forfaitaires pour les contraventions de cinquième classe ou encore de la contribution citoyenne, un élément pertinent dont il sera surtout intéressant d’analyser l’évolution dans le temps.
Le monde judiciaire et juridique a besoin d’un délai d’acculturation ; nous verrons si l’appropriation de ces dispositions fonctionne.
En vous renouvelant notre soutien sur ce texte, monsieur le garde des sceaux, je vous indique que le président de la commission des lois souhaiterait vous auditionner avec Mme de Montchalin sur la question du « chantier numérique ».
M. Philippe Bonnecarrère. J’espère que cette audition commune pourra avoir lieu et qu’elle nous permettra d’analyser plus en détail cette clé pour améliorer le fonctionnement du système.
Si l’on veut faire de la justice de proximité, il faut aussi que la machine puisse tourner dans de bonnes conditions. Nous devons notamment soulager nos greffiers et nos magistrats, qui doivent souvent reprendre des documents et des actes dans des conditions qui ne valorisent pas au mieux leurs capacités intellectuelles. On pourrait parler d’accroissement de la productivité, mais le but en réalité serait plutôt d’améliorer la valeur ajoutée du système.
Nous souhaiterions pouvoir organiser cette audition dans les semaines qui viennent, monsieur le garde des sceaux, même si nous savons que l’agenda est chargé.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour prendre acte des conclusions de la commission mixte paritaire au sujet de la proposition de loi visant à améliorer l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.
Lors de la commission mixte paritaire, les échanges furent brefs, à l’image de l’enjeu de cette proposition de loi, qui est modique, pour ne pas dire mineur.
L’accord trouvé entre les deux chambres ne modifie pas l’équilibre du texte tel qu’il avait été voté par le Sénat. La grande majorité des apports de la Haute Assemblée ayant été retenus, j’en profite pour saluer la qualité du travail du rapporteur et les améliorations introduites par le Sénat.
Comme j’avais eu l’occasion de le rappeler et de le regretter en première lecture, la confiance dans notre système judiciaire se délite régulièrement. En effet, dans une enquête d’opinion menée par l’IFOP en 2019, seul un Français sur deux déclare faire confiance à la justice. Plus problématique, 60 % de nos concitoyens consultés considèrent que la justice fonctionne mal. Cette défiance des Français nous interpelle et nous inquiète toutes et tous. Elle témoigne de l’échec des politiques publiques mises en œuvre ces dernières décennies et de la responsabilité partagée de tous les acteurs politiques.
Institution régalienne qui fonde l’État de droit dans tout pays démocratique, la justice est l’outil qui permet de réguler les conflits entre les individus et de pacifier les relations sociales. Rappelons-le, nos juridictions fonctionnent avec en moyenne 11 juges et 3 procureurs pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 22 juges et 12 procureurs. Et je ne parle pas du sous-effectif chronique, et même endémique, dont souffrent les services du greffe dans toutes les juridictions de notre pays.
Immanquablement, cette situation entraîne un engorgement de nos tribunaux et des délais longs, toujours trop longs dans le traitement des affaires. Je n’évoquerai pas non plus les stocks d’affaires en attente d’audiencement.
Dans le même temps, nos procédures sont souvent considérées comme trop lourdes, complexes, fastidieuses. Pour nombre de victimes, chaque étape de l’action judiciaire, du dépôt de plainte jusqu’à la tenue du procès, relève du parcours du combattant. Lorsque la procédure aboutit, il n’est pas rare que la sanction et la réparation soient mises en œuvre de façon aléatoire, renforçant un sentiment d’impunité pour le condamné et un sentiment d’inutilité de la justice pour la victime.
Nous avons accueilli avec un a priori positif cette proposition de loi allant dans le sens d’une amélioration de la réponse pénale. Nous avons vite constaté qu’elle manquait cruellement d’ambition. En effet, son périmètre est tout d’abord trop restreint.
Nous ne pouvons par exemple que regretter que les auteurs de cette proposition de loi aient fait le choix de se concentrer sur le contentieux pénal, alors que celui-ci ne représente que 25 % des affaires traitées par nos juridictions. Beaucoup aurait pu être fait en matière civile et commerciale afin de fluidifier certaines procédures…
M. Hussein Bourgi. Ce n’est que partie remise.
Tout dans ce texte n’est cependant pas négatif. Par exemple, nous approuvons la possibilité de verser une contribution citoyenne à une association d’aide aux victimes. Nous saluons également la volonté des auteurs du texte de donner à la composition pénale, non seulement une vocation répressive, mais aussi des vertus éducatives et dissuasives.
Enfin, notre groupe est pleinement favorable à l’introduction d’un prononcé de stage de responsabilité parentale par le procureur de la République. Nous regrettons cependant que nos amendements visant à introduire d’autres stages, notamment pour lutter contre la haine en ligne ou la dégradation de la nature, aient été rejetés, sur le fondement d’arguments dont la pertinence nous échappe toujours.
Par ailleurs, les avancées mineures obtenues dans cette proposition de loi ne sauraient en occulter la philosophie générale, à savoir la déjudiciarisation. Nous sommes en désaccord profond, total, avec le dessaisissement des juges de l’application des peines de certaines de leurs prérogatives au profit des directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Le but est peut-être de désengorger artificiellement nos tribunaux.
En cohérence avec le vote qu’ils avaient émis en première lecture, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendront sur ce texte.
En conclusion, monsieur le garde des sceaux, c’est avec intérêt que nous attendons votre projet de loi relatif à la confiance dans l’institution judiciaire. Nous ne doutons pas qu’il sera bien plus ambitieux que la présente proposition de loi, et que votre propension à accepter nos éventuels amendements sera plus grande. Il n’est pas interdit d’espérer !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe Les Républicains se réjouit du caractère conclusif de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 mars dernier. Députés et sénateurs sont tombés d’accord sur le fond de ce texte, qui deviendra demain un outil supplémentaire de lutte contre les incivilités et la délinquance quotidienne.
De plus, et cela doit être souligné, l’Assemblée nationale a fait le choix de maintenir l’ensemble des dispositions insérées par le Sénat, moyennant quelques précisions purement rédactionnelles, ce que nous saluons.
Sans revenir sur les détails du texte, l’ambition de cette proposition de loi est de modifier la procédure pénale à travers deux axes principaux : élargir le champ des mesures qui pourront être prononcées au stade des alternatives aux poursuites, d’une part ; faciliter le recours au travail d’intérêt général en tant que peine, d’autre part. Nous pensons en effet qu’il constitue une mesure efficace et utile à la réinsertion des personnes condamnées. Pour l’avoir moi-même très largement expérimenté à Tourcoing quand j’étais chargée de la prévention et de la sécurité, je sais que ça marche.
Le Sénat avait relativement peu modifié le texte en première lecture. Nous avions cependant voté plusieurs dispositions qui lui apportaient une fluidité supplémentaire, comme l’inclusion du travail non rémunéré dans le champ de l’expérimentation prévue par la loi de programmation et de réforme pour la justice. Ce sera l’occasion d’évaluer dans quelle mesure le secteur de l’économie sociale et solidaire est capable de participer à l’accueil des condamnés à une peine de travail d’intérêt général.
Par ailleurs, nous avons également souhaité modifier le code de la sécurité sociale afin que les personnes qui effectuent un travail non rémunéré dans le cadre d’une transaction conclue avec le maire puissent être indemnisées en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Cette précision bienvenue vise à faciliter la vie dans nos communes.
Une disposition adoptée par le Sénat permettra au procureur de la République de proposer à l’auteur d’une infraction de se dessaisir d’un bien au profit d’une personne morale à but non lucratif.
Nous saluons aussi l’autorisation donnée à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués de mettre les biens immobiliers saisis dans le cadre d’une procédure pénale à la disposition d’une association, d’une fondation d’utilité publique ou d’organismes qui participent à la politique du logement. Cette mesure avait été adoptée par les deux assemblées dans le cadre de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, ce qui témoigne, à n’en pas douter, de son caractère hautement consensuel.
Après quelques hésitations, les députés ont entériné la décision du Sénat de retirer de la compétence exclusive du juge de l’application des peines la détermination de la liste des TIG susceptibles d’être réalisés. Il restera néanmoins chargé de rendre un avis sur la liste proposée par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation. À notre sens, cette solution présente l’avantage de la simplicité, en même temps qu’elle permet de revaloriser le rôle du directeur du SPIP. Cette disposition, de la manière dont elle a été complétée par les députés et les sénateurs, facilitera selon nous la tâche des acteurs de justice.
Cependant, monsieur le garde des sceaux, n’oublions pas que la France affiche le plus petit nombre de procureurs en Europe : trois pour 100 000 habitants, contre en moyenne douze chez nos voisins. Il y a tout lieu de croire qu’une amélioration de la réponse pénale à la délinquance du quotidien ne pourra pleinement se concrétiser sans un recrutement supplémentaire de magistrats.
Pour avoir dirigé les études de l’Institut d’études judiciaires de Lille pendant plusieurs années, une formation qui préparait aux concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature, je suis particulièrement favorable à un recrutement de magistrats issus de toutes les régions. La proximité permet en effet de comprendre la mentalité des justiciables et de pouvoir mieux cerner le travail pénal approprié. Les magistrats et les avocats, s’ils sortent des universités régionales, seront davantage concernés par l’impact des décisions de justice. S’ils travaillent avec la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les élus locaux, cette réaction sociale sera encore plus efficace si elle reste ferme, forte, juste et rapide.
Vous avez souligné dans votre introduction que tel était votre objectif, monsieur le garde des sceaux. J’en suis particulièrement satisfaite. L’informatisation de la justice ne doit être qu’un outil à la disposition de cette réponse de proximité.
Celle-ci doit être rapide, mais surtout adaptée – j’insiste sur ce point, monsieur le garde des sceaux. Une analyse précise des statistiques de chaque tribunal judiciaire doit permettre au ministère d’adapter le redéploiement du personnel et de créer une vraie réponse judiciaire de proximité. Je compte sur vous, monsieur le garde des sceaux.
Le groupe Les Républicains tient pour conclure à saluer l’implication et la qualité du travail du rapporteur, Alain Marc. Il se prononcera en faveur du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s’est avérée concluante sur ce texte qui, comme nous l’avions volontiers reconnu en première lecture, s’attelle à une noble tâche.
Nous partageons la volonté affirmée de restaurer une justice de proximité luttant contre les incivilités et la délinquance quotidienne en renforçant l’efficacité des réponses pénales.
En ce sens, la simplification des règles concernant la mise en œuvre du travail d’intérêt général est, au même titre que l’ensemble des mesures alternatives aux poursuites, une solution positive face aux mesures privatives de liberté et au « tout carcéral », qui se situe à l’opposé de la vision d’une justice moderne que mon groupe et moi-même défendons.
Ces mesures permettent notamment une solution pénale rapide, qui a tout son intérêt au vu du manque d’efficacité, souvent critiqué, de notre système pénal.
Cependant, nous l’avions dit en première lecture, certaines des dispositions de ce texte constituent pour nous un frein à son acceptation.
Le relèvement du plafond des heures de travail non rémunérées pour les TIG, de 60 heures à 100 heures, et la suppression du caractère systématique de l’examen médical marque un net recul, problématique, des droits de la personne condamnée.
De même, le transfert au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation de la compétence pour déterminer les modalités d’exécution de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général revient à une déjudiciarisation des TIG au profit du directeur du SPIP, alors que, comme nous l’avions déploré en première lecture, celui-ci peine déjà à assurer toute sa charge de travail.
En outre, nous regrettons que la mesure, qui faisait l’objet de l’un de nos amendements en première lecture, visant à intégrer un stage spécifique de sensibilisation à la protection de l’environnement dans la liste des stages susceptibles d’être mis en œuvre sur le fondement de l’article 41-1 du code de procédure pénale, n’ait pas été retenue. Nous avions observé de telles initiatives autonomes concluantes en matière de sensibilisation à la protection de l’environnement, par exemple en Savoie ou en Charente-Maritime. L’adoption de cet amendement aurait permis d’étendre cette possibilité au niveau national.
Enfin, et surtout, comme je l’avais dit précédemment, malgré une légère augmentation des crédits de la mission « Justice » pour 2021, le maigre budget global, couplé au manque de personnel, est au cœur des difficultés de notre système judiciaire. Si ce texte relève d’une bonne intention, il reste manifestement privé des outils nécessaires à sa réussite. Nous regrettons, une fois de plus, que le rendez-vous avec la modernisation de notre justice de proximité soit reporté.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra, comme en première lecture.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord adresser nos félicitations à Alain Marc, notre rapporteur, pour son excellent travail.
Le texte qui nous rassemble aujourd’hui et qui a obtenu l’accord des deux assemblées en commission mixte paritaire vise à renforcer l’efficacité de la réponse pénale face aux incivilités et à la délinquance du quotidien, celle qui trouble la vie de nos concitoyens et de nos territoires et qui donne parfois un sentiment d’impunité qui ne peut avoir droit de cité.
Le 15 juillet 2020, le Premier ministre présentait, dans sa déclaration de politique générale, l’objectif d’une justice de proximité. Le présent texte contribue à donner une traduction concrète à cette priorité. Il s’inscrit dans la continuité de la loi de finances pour 2021 et de votre circulaire de politique générale, monsieur le garde des sceaux, adressée en décembre 2020.
La justice de proximité, qui n’est pas réductible au présent texte, c’est notamment les 350 infractions de faible et moyenne intensité, comme le tapage nocturne ou les rodéos motorisés, pour lesquelles il est demandé aux procureurs de privilégier l’alternative aux poursuites. C’est aussi l’augmentation substantielle du nombre de délégués du procureur de la République, le renforcement des relations avec les partenaires locaux et le maillage du territoire par plus de 2 000 lieux labellisés « points justice ».
La proposition de loi sur laquelle nous nous prononçons une dernière fois aujourd’hui apporte pour sa part des ajustements, parfois techniques, en tout cas opportuns à plusieurs égards, pour renforcer la justice de proximité. Je pense notamment aux dispositions complétant les alternatives aux poursuites et aux mesures de composition pénale, mais aussi à la simplification du régime du travail d’intérêt général, afin de favoriser le recours à cette peine, et au renforcement de la procédure de l’amende forfaitaire dans l’objectif d’accélérer son recouvrement par l’extension du champ de la minoration.
Ces dispositions répondent à plusieurs nécessités : désengorger les prétoires, mais également renforcer l’efficacité et la rapidité de la réponse pénale et par là même affermir le sens de la peine et son caractère constructif et utile.
Nous nous réjouissons d’autant plus de l’accord trouvé en commission mixte paritaire que les travaux du Parlement ont été conservés dans leur quasi-totalité par le texte adopté. Je pense à l’introduction, à l’Assemblée nationale, de dispositions sur la coopération entre les maires et les procureurs dans la lutte contre la délinquance du quotidien.
Je pense naturellement aux apports du Sénat, notamment ceux de son rapporteur Alain Marc, conservés en commission mixte paritaire, par exemple sur l’affiliation à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale des personnes qui effectuent un travail non rémunéré dans le cadre d’une transaction conclue avec le maire.
Nous nous félicitons à ce titre de ce qu’aient été conservées les dispositions relatives au secteur non lucratif qu’avait adoptées la Haute Assemblée sur l’initiative du groupe RDPI. Désormais, comme le prévoit une autre proposition de loi dont la navette n’a pas encore abouti, des biens immobiliers dont l’État est devenu propriétaire dans le cadre d’une procédure pénale pourront être mis à la disposition d’associations.
De surcroît, dans le cadre d’une mesure alternative aux poursuites et pour des infractions moins graves, le dessaisissement de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction sera également possible au bénéfice d’une personne morale à but non lucratif, des garanties étant prévues afin de ne pas créer d’insécurité juridique quant aux droits sur la chose.
Ce texte est aussi un acte de confiance dans l’institution judiciaire et je remercie ses auteurs, membres du groupe Agir ensemble de l’Assemblée nationale. Le projet de loi qui pourrait nous être prochainement soumis poursuivra le chemin.
Au vu de la confiance accordée par la commission mixte paritaire aux apports de notre Haute Assemblée, le groupe RDPI votera ses conclusions.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous le constatons toutes et tous : les manquements aux règles du comportement en société altèrent la tranquillité publique et détériorent les conditions de vie au quotidien, que ce soit en raison d’insultes, de dégradations, de tags, de nuisances sonores ou encore de petits trafics en tous genres.
Face au développement de ces incivilités, nos concitoyens veulent une justice plus proche d’eux, de leur territoire, de leur quotidien. Ils attendent une réponse pénale à la fois rapide et efficace.
Dans son œuvre majeure, De l’esprit des lois, Montesquieu disait avec sagesse : « Qu’on examine la cause de tous les relâchements, on verra qu’elle vient de l’impunité des crimes, et non pas de la modération des peines. »
Aussi, je me félicite que cette proposition de loi, en facilitant le recours à des mesures alternatives, mette l’accent sur l’effectivité des peines plutôt que sur leur quantum et contribue à lutter grandement contre le sentiment d’impunité qui s’est peu à peu installé.
Ainsi, ce texte vise à améliorer l’efficacité de la justice de proximité par une réponse à la fois plus claire, plus directe et plus lisible pour le délinquant, tout en étant plus compréhensible pour la victime.
Il donne de nouveaux outils aux procureurs dans le cadre des alternatives aux poursuites et de la composition pénale et il cherche à fluidifier la mise en œuvre des peines de travail d’intérêt général et à accélérer le recouvrement des amendes forfaitaires.
Je me réjouis donc que la commission mixte paritaire soit parvenue à une rédaction commune de l’ensemble des dispositions restant en discussion et qu’elle ait maintenu toutes les dispositions insérées par le Sénat, moyennant quelques ajustements rédactionnels.
Toutefois, ne nous y trompons pas : les mesures envisagées par la proposition de loi demeureront insuffisantes pour aboutir à une véritable justice de proximité, si elles ne s’accompagnent pas d’un déploiement massif de ressources adaptées.
En effet, dès lors que nous parlons de la justice, nous devons évoquer les moyens qui lui sont dévolus. Depuis trop longtemps, face à une augmentation continue des besoins de la justice, les moyens ont stagné. Aussi, je suis heureuse que le Gouvernement ait commencé à répondre à cette situation, en ayant proposé d’augmenter significativement les crédits destinés à la justice pour 2021. Parce qu’il est primordial, cet effort budgétaire doit être poursuivi.
Avant de conclure, je voudrais saluer la qualité des travaux de notre rapporteur, Alain Marc, qui a notamment souhaité, face aux incivilités commises sur le territoire de leurs communes, faciliter dans le cadre d’une transaction le recours par les maires au travail non rémunéré. Je pense que cette mesure est très forte pour les élus locaux et je me réjouis de cette avancée qui sera sans doute appréciée par les maires de l’Aube.
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pour répondre à cette demande de proximité de la part de nos concitoyens, la justice a besoin de moyens. Aussi, le groupe Les Indépendants sera particulièrement attentif, à l’occasion des prochains débats budgétaires, aux crédits alloués à la mission « Justice ».
Notre groupe votera à l’unanimité cette proposition de loi qui contribuera, espérons-le, à améliorer l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la justice de proximité
Article 1er
Le livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 41-1 est ainsi modifié :
a) Le 3° est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Cette régularisation peut notamment consister à se dessaisir au profit de l’État de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou qui en était le produit. Le dessaisissement peut également être fait au bénéfice d’une personne morale à but non lucratif désignée par le procureur de la République, lorsqu’il s’agit d’une chose dont l’auteur des faits est propriétaire et sur laquelle aucun tiers n’est susceptible d’avoir des droits ; »
b) Le 4° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette réparation peut notamment consister en une restitution, en une remise en état des lieux ou des choses dégradés ou en un versement pécuniaire au bénéfice de la victime ou de toute personne physique ou morale ayant eu à engager des frais pour remettre en état les lieux ou les choses dégradés ; »
c) Après le 7°, sont insérés des 8° à 11° ainsi rédigés :
« 8° Demander à l’auteur des faits de ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne peut excéder six mois, la ou les victimes de l’infraction désignées par le procureur de la République, directement ou par l’intermédiaire des personnes mentionnées au premier alinéa, ou ne pas entrer en relation avec cette ou ces victimes ;
« 9° Demander à l’auteur des faits de ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne peut excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par le procureur de la République directement ou par l’intermédiaire des personnes mentionnées au même premier alinéa, ou ne pas entrer en relation avec eux ;
« 10° Demander à l’auteur des faits de s’acquitter d’une contribution citoyenne auprès d’une association d’aide aux victimes mentionnée aux articles 10-2 et 41 du présent code du ressort du tribunal judiciaire ou, à défaut, de la cour d’appel. Le montant de cette contribution, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l’article 131-13 du code pénal, est fixé par le procureur de la République en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de l’auteur des faits ;
« 11° Dans les cas prévus à l’article 44-1 du présent code et après avoir recueilli l’avis du maire, demander à l’auteur des faits de répondre à une convocation du maire en vue de conclure une transaction. Si l’auteur des faits ne se présente pas à la convocation ou si aucun accord n’est trouvé, le maire en informe le procureur de la République. » ;
2° Le 11° de l’article 230-19 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « lieux », sont insérés les mots : « ou de rencontrer certaines personnes » ;
b) Les références : « du 7° de l’article 41-1 et du 9° » sont remplacées par les références : « des 7°, 8° ou 9° de l’article 41-1 et des 9°, 10° ou 11° ».
Article 1er bis A
Au 5° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, après le mot : « pénale », sont insérés les mots : « ou d’une transaction proposée par le maire en application de l’article 44-1 du code de procédure pénale ».
Article 1er bis
I. – L’article 41-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 6°, le mot : « soixante » est remplacé par le mot : « cent » ;
2° Après le 17° bis, il est inséré un 17° ter ainsi rédigé :
« 17° ter Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de responsabilité parentale ; »
3° Le vingt-septième alinéa est ainsi modifié :
a) À la quatrième phrase, les mots : « vingt-quatrième à vingt-sixième » sont remplacés par les mots : « vingt-cinquième à vingt-septième » ;
b) À la dernière phrase, après le mot : « lorsque, », sont insérés les mots : « pour une contravention ou ».
II. – À la fin du premier alinéa du XIX de l’article 71 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, les mots : « peut également être effectué » sont remplacés par les mots : « et le travail non rémunéré prévu à l’article 41-2 du code de procédure pénale peuvent également être effectués ».
III. – L’article L. 422-4 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Pour l’exécution des mesures de stages prévues à l’article 41-2 du code de procédure pénale, le procureur de la République fixe, le cas échéant, le montant des frais pouvant être mis à la charge des représentants légaux du mineur. » ;
2° À la seconde phrase du cinquième alinéa, le mot : « vingt-septième » est remplacé par le mot : « vingt-huitième ».
Article 1er ter
Après le huitième alinéa de l’article 706-160 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’agence peut mettre à disposition, le cas échéant à titre gratuit, un bien immobilier dont la gestion lui est confiée en application du 1° du présent article au bénéfice d’associations dont les activités entrent pour leur ensemble dans le champ du b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ainsi que d’associations, de fondations reconnues d’utilité publique et d’organismes bénéficiant de l’agrément prévu à l’article L. 365-2 du code de la construction et de l’habitation. Les modalités de cette mise à disposition sont définies par voie réglementaire. »
Chapitre II
Dispositions de simplification relatives au travail d’intérêt général
Article 2
L’article 131-22 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « La suspension du délai prévu au premier alinéa est décidée par le juge de l’application des peines dans… (le reste sans changement). » ;
2° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation ou son représentant est compétent pour décider des modalités d’exécution de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, sauf si le juge de l’application des peines décide d’exercer cette compétence. Le poste de travail choisi par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, son représentant ou le juge de l’application des peines doit être adapté à la situation de la personne condamnée et de nature à favoriser sa réinsertion sociale et professionnelle. » ;
3° La seconde phrase du dernier alinéa est supprimée.
Article 2 bis
L’article 131-36 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , de même que les cas dans lesquels un examen médical préalable est obligatoire, au regard notamment de la situation du condamné ou de la nature des travaux proposés » ;
2° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation établit, après avis du ministère public et du juge de l’application des peines dans le ressort duquel se situe la structure d’accueil et après consultation de tout organisme public compétent en matière de prévention de la délinquance, la liste des travaux d’intérêt général susceptibles d’être accomplis dans le département ; ».
Article 2 ter A
Après la référence : « 131-8 ; », la fin du 21° de l’article 132-45 du code pénal est supprimée.
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Chapitre III
Dispositions améliorant la procédure de l’amende forfaitaire
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Chapitre IV
Mesures de simplification de la procédure pénale
Article 4
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 380-11 est ainsi rédigé :
« Le désistement d’appel est constaté par ordonnance du premier président de la cour d’appel ou du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, lorsque celle-ci est saisie en application de l’article 380-14, ou par ordonnance du président de la cour d’assises. » ;
1° bis Au premier alinéa de l’article 567-2, après le mot : « instruction », sont insérés les mots : « ou de la chambre correctionnelle de la cour d’appel » ;
2° Le second alinéa de l’article 587 est supprimé ;
3° L’article 588 est ainsi modifié :
a) Les mots : « conseiller rapporteur » sont remplacés par les mots : « président de la chambre » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le président de cette chambre commet un conseiller pour le rapport après le dépôt des mémoires. » ;
4° À l’article 619, les références : « L. 131-2 et L. 131-3 » sont remplacées par les références : « L. 431-6 à L. 431-10 ».
Chapitre V
Application outre-mer
Article 5
I. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
III. – L’article L. 143-1 du code de la route est ainsi rédigé :
« Art. L. 143-1. – I. – Sous réserve des adaptations prévues au II du présent article, les articles du présent code mentionnés dans la colonne de gauche du tableau ci-après sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau :
« |
Dispositions applicables |
Dans leur rédaction résultant de |
Article L. 121-6 |
la loi n° … du …améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale |
|
Article L. 130-9 |
la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités |
« II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 130-9, les mots : “lorsqu’il a récupéré le nombre de points ayant été retirés de son permis de conduire ou” sont supprimés. »
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Mme Brigitte Lherbier applaudit.)
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Évolution de la situation sanitaire et mesures nécessaires pour y répondre
Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Cette séance s’organisera en deux temps.
Après la déclaration du Gouvernement, la parole sera donnée à un orateur de chaque groupe.
Ensuite, nous procéderons au vote par scrutin public sur cette déclaration, en application de l’article 39 de notre règlement.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République s’est exprimé hier pour présenter à la Nation les nouvelles mesures de lutte contre l’épidémie de covid-19 qu’il convient désormais de mettre en place. Une fois encore, vous le savez, la France doit affronter les assauts de cette crise sanitaire, une crise sanitaire qui dure depuis très longtemps, avec un virus qui mute et évolue de manière inquiétante.
Alors, une fois encore, nous devons faire face. Nous devons prendre en toute connaissance de cause les décisions que la situation impose. La gravité de cette troisième vague – d’une certaine façon, c’est une nouvelle épidémie –, l’impact de ces décisions sur nos concitoyens qui font face courageusement, et depuis des mois, à cette pandémie mondiale, tout cela exigeait que les représentants de la Nation puissent en débattre et s’exprimer par un vote solennel dans le cadre fixé par l’article 50-1 de la Constitution.
Je suis venu vous dire cet après-midi que ces mesures nouvelles nous apparaissent maintenant indispensables pour protéger la vie et la santé de beaucoup de nos concitoyens, particulièrement les plus fragiles. Elles sont indispensables…
M. Albéric de Montgolfier. Sauf pour les Anglais !
M. Jean Castex, Premier ministre. … pour permettre à notre pays de franchir ce que nous espérons toutes et tous être une dernière étape, dans la perspective du déploiement massif de la vaccination et donc d’un retour à une vie normale.
La troisième vague déferle et frappe durement. L’épidémie s’emballe depuis la mi-mars : en deux semaines, le nombre de cas a augmenté de 55 % pour s’élever aujourd’hui à environ 38 000 par jour. L’épidémie progresse vite et partout.
Cette forte accélération est, chacun le sait, le résultat de la progression du variant apparu en fin d’année dernière en Grande-Bretagne. Nous savions qu’il était plus contagieux. De récents travaux scientifiques prouvent qu’il est aussi plus dangereux. Comme je le constate à chacune de mes visites dans des établissements de santé, le virus frappe des patients plus jeunes et, en plus grande proportion, des patients sans facteur de risque lié à des comorbidités.
Bien évidemment, ce phénomène n’est pas propre à la France : depuis une quinzaine de jours, le nombre de cas quotidiens a triplé en Allemagne et il a augmenté de 70 % en Belgique et de 40 % aux Pays-Bas.
Cette virulence accrue de l’épidémie est particulièrement préoccupante, car elle survient à un moment où notre système de santé est déjà mis à lourde contribution, et ce depuis longtemps. Avec plus de 5 000 malades de la covid-19 hospitalisés en réanimation, c’est certes moins que le pic de la première vague, mais celui de la deuxième vague est désormais dépassé.
Face à ce nouveau virus, nous avons rapidement réagi, en prenant ces derniers mois et semaines plusieurs mesures fortes : maintien depuis fin octobre de la fermeture de nombre d’activités et établissements recevant du public, couvre-feu national depuis la mi-décembre, mesures renforcées dans près de 20 départements couvrant près d’un tiers de la population, et ce depuis le 20 mars dernier.
Nous l’avons fait en tenant le plus grand compte des différences de situation territoriale – ces différences étaient particulièrement perceptibles en début de vague épidémique. Si j’insiste ici, devant la Haute Assemblée, sur la territorialisation des mesures que nous avons prises, c’est parce que je sais à quel point les membres du Sénat étaient, tout comme moi, attachés à une adaptation de notre politique sanitaire aux réalités du terrain.
La stratégie de réponse territorialisée que nous avons utilisée depuis le mois de janvier jusqu’à aujourd’hui était la bonne, car l’épidémie frappait alors nos territoires de manière très hétérogène ; il n’y avait pas de raison d’appliquer un durcissement des mesures dans les territoires où le virus circulait très peu.
Mais, aujourd’hui, le variant britannique poursuit son accélération dans de telles conditions que nous devons nous aussi accélérer, c’est-à-dire prendre des mesures renforcées, de façon à briser la spirale épidémique enclenchée depuis quelques semaines.
Et ce variant accélère malheureusement sur l’ensemble du territoire métropolitain. Depuis une dizaine de jours, sur 96 départements, 92 connaissent une accélération de la circulation virale avec des rythmes parfois spectaculaires : l’augmentation est supérieure à 20 % sur une semaine dans la moitié des départements et de plus de 40 % dans une vingtaine d’entre eux – c’est par exemple le cas du département des Pyrénées-Orientales, où le taux d’incidence a progressé de 73 % en sept jours.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, sous l’autorité du Président de la République, d’étendre à l’ensemble du territoire métropolitain les mesures qui s’appliquaient déjà dans les 19 départements les plus touchés par l’épidémie. Ces nouvelles mesures entreront en vigueur samedi soir à 19 heures pour être pleinement applicables le dimanche 4 avril, et ce jusqu’au 3 mai, soit pour une durée de quatre semaines.
Face à la situation actuelle, il nous faut agir fortement à l’échelle nationale, selon les mêmes règles et les mêmes calendriers pour tous. En prenant une mesure nationale, nous souhaitons aussi préserver l’offre hospitalière des régions moins durement touchées, qui pourraient fournir des capacités de repli pour les régions davantage en tension.
Il nous faut cependant faire une exception pour les collectivités et départements d’outre-mer, dont la situation sanitaire n’est évidemment pas comparable à celle de la métropole, ni même du reste d’un territoire à l’autre, compte tenu de leur éloignement géographique. Ces territoires continueront donc à observer des règles spécifiques et adaptées aux évolutions épidémiques propres à chacun d’entre eux.
Comme l’a indiqué hier le Président de la République, les règles qui s’appliqueront à compter de samedi soir au territoire métropolitain seront identiques à celles qui ont été mises en place depuis le 20 mars dernier dans les 19 départements soumis à des mesures renforcées.
Le couvre-feu sera maintenu à 19 heures. L’ouverture et la fermeture des commerces obéiront aux mêmes critères et conditions. Le télétravail sera systématisé quatre jours par semaine au minimum pour tous les emplois publics et privés, quand cela est possible. Les motifs de sortie et de déplacement seront encadrés selon les mêmes termes : il restera possible de se déplacer, de se promener, de faire du sport, sans limitation de durée et dans un rayon de dix kilomètres autour de chez soi.
En revanche, les rassemblements ou regroupements de plus de six personnes resteront interdits.
Enfin, une attestation précisant le motif du déplacement sera exigée au-delà des dix kilomètres et, après la fin du prochain week-end prolongé de Pâques, les déplacements interrégionaux seront restreints à quelques motifs impérieux – ces motifs incluront évidemment les déplacements professionnels, mais aussi ceux liés à un motif familial, comme accompagner ou aller chercher un enfant chez un parent, un grand-parent ou un proche.
Nous sommes en effet un gouvernement pragmatique (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) et une certaine souplesse est toujours nécessaire pour permettre aux règles d’être mieux appropriées.
J’observe du reste que l’immense majorité de nos concitoyens respecte spontanément les règles en vigueur, faisant preuve en cela d’un sens des responsabilités et d’un civisme qui les honorent.
Mais je constate aussi avec vous qu’une minorité d’entre eux s’y refuse et je veux condamner devant vous sans réserve l’inconscience et l’irresponsabilité de certains qui se croient sans doute invincibles ou peut-être même immortels (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), alors que les ravages de la maladie nous démontrent chaque jour que personne n’est à l’abri du virus. Ces gestes inconséquents, qu’il s’agisse des rassemblements festifs, du non-respect du couvre-feu ou du refus du port du masque, doivent être prévenus et sanctionnés.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au ministre de l’intérieur d’accroître le nombre de policiers et de gendarmes affectés à cette tâche. (Ah ! sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Philippe Pemezec. Au lieu de s’occuper des voyous !
M. Jean Castex, Premier ministre. Nous veillerons notamment à ce que l’interdiction des rassemblements de plus de six personnes sur la voie publique soit strictement respectée.
La consommation d’alcool dans l’espace public sera interdite.
M. Richard Yung. Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. Sur arrêté préfectoral et en lien étroit avec les maires, l’accès à certains sites propices à des rassemblements en extérieur, comme des quais, des berges ou des places, pourra être interdit en fonction des circonstances locales.
Il sera enfin demandé aux parquets de continuer à poursuivre systématiquement les auteurs de récidives portant sur l’organisation d’événements clandestins susceptibles de mettre en danger la vie d’autrui.
Pour autant, ces comportements ne doivent pas masquer, je l’ai dit et je le répète, la résilience et la haute conscience citoyenne de l’immense majorité des Français, partout sur le territoire, qui sans doute protestent, s’agacent des mesures et des freins mis à leur quotidien et s’interrogent, parfois à raison, mais qui se montrent respectueux des règles, c’est-à-dire finalement respectueux des autres.
Autre décision forte que la situation nous contraint de prendre : fermer les établissements scolaires et les crèches et arrêter les activités périscolaires et extrascolaires.
Tout a été fait, mesdames, messieurs les sénateurs, pour repousser au maximum cette décision. Je sais qu’il existait dans notre pays, comme dans cette assemblée, un très large consensus en faveur du maintien de l’accueil de tous les enfants dans les établissements scolaires.
La France est du reste, vous le savez, le pays d’Europe qui a le moins fermé ses écoles. Rappelons en effet que les écoles sont restées fermées moins de 10 semaines en France depuis le début de la pandémie contre 24 en Allemagne, 26 au Royaume-Uni et 32 en Italie. Je crois que nous pouvons être fiers d’avoir maintenu cette exigence républicaine.
M. François Patriat. Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. C’est la raison pour laquelle nous avons toujours considéré que, si nous devions – je ne m’en suis jamais caché devant vous – utiliser ce levier, il nous faudrait le faire en ultime recours et dans des conditions qui en réduisent le plus possible l’impact. Nous y sommes !
Les écoles, les collèges et les lycées ne sont pas épargnés par l’épidémie, et notamment par ce variant anglais. Depuis deux semaines, le taux d’incidence augmente plus vite chez les enfants et les adolescents que dans la population générale, ce qui a pour conséquence, dans le strict respect de nos propres normes sanitaires, de provoquer des fermetures de classes et d’écoles de plus en plus nombreuses. Nous devions donc reprendre l’initiative, en décidant que les établissements scolaires seront fermés pendant trois semaines, en optimisant, comme beaucoup l’avaient suggéré, la période des vacances de printemps, de sorte que les conséquences sur les enfants soient les moins pénalisantes possible.
Concrètement, la semaine prochaine, où il n’y aura que quatre jours d’école, en raison du lundi de Pâques, tous les établissements scolaires assureront leurs enseignements à distance.
Mme Catherine Procaccia. Et les maternelles ?
M. Jean Castex, Premier ministre. Au cours des deux semaines suivantes, du 12 avril au 25 avril, tous les élèves de toutes les zones académiques seront en vacances dites de printemps, ce qui implique une modification du calendrier des vacances scolaires.
Je mesure tout à fait l’impact de ces décisions sur la vie de nombreuses familles, mais aussi dans l’organisation des entreprises. Cependant, c’est le moyen d’atteindre notre objectif de ralentir la contamination en milieu scolaire, avec l’impact le plus limité possible sur l’année scolaire de nos enfants.
Comme lors du premier confinement, un dispositif d’accueil des enfants des personnels prioritaires sera organisé dès la semaine prochaine, en lien avec l’éducation nationale et les collectivités locales.
Les salariés qui seront conduits à garder leur enfant à domicile, faute d’autre solution, bénéficieront du dispositif d’activité partielle qui s’appliquait déjà lors du premier confinement. Il leur suffira de se signaler auprès de leur employeur, qui mettra en œuvre la procédure de déclaration auprès des services compétents de l’État.
Pour les élèves de l’enseignement supérieur, les règles en vigueur, qui prévoient un enseignement essentiellement en distanciel, seront maintenues, mais sans remettre en cause la possibilité donnée récemment aux étudiants de revenir une journée par semaine en présentiel, dans des conditions strictes.
Je consulterai demain l’ensemble des associations d’élus locaux afin d’évoquer avec elles les modalités concrètes de mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures, s’agissant notamment de la continuité des services publics et, en particulier, de l’accueil des enfants des personnels prioritaires.
Bien évidemment, les dispositifs de soutien et d’accompagnement économique et social, dont le Sénat a bien voulu reconnaître l’intensité, tout en préconisant des améliorations, seront prolongés autant de temps que nécessaire.
D’ores et déjà, certaines mesures ont été complétées, notamment en faveur des commerces fermés depuis février dans les grands centres commerciaux ou de ceux qui ont accumulé des stocks importants du fait des périodes de fermeture.
Je pense également aux entreprises de plus grande taille affectées par de longs mois de crise. C’est le sens de l’aide exceptionnelle pour la prise en charge des coûts fixes, qui a été mise en place depuis hier, 31 mars.
Les mesures que je vous présente cet après-midi sont difficiles, mais elles sont indispensables. Surtout, elles sont éclairées par la perspective de la campagne de vaccination, qui progresse et s’amplifie tous les jours, nous donnant une vraie raison de penser que nous avançons sur la voie d’une sortie de crise. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Plus de 8 millions de nos concitoyens sont désormais vaccinés, dont près de 2,8 millions avec deux doses. L’objectif de mon gouvernement reste le même : 10 millions de vaccinés à la mi-avril, 20 millions à la mi-mai et 30 millions à la mi-juin, en veillant bien sûr à ce que la Commission européenne fasse respecter les obligations des industriels quant au calendrier de livraison des doses. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE et Les Républicains.)
M. Hussein Bourgi. L’espoir fait vivre !
M. Jean Castex, Premier ministre. Nous serons donc au rendez-vous des objectifs que j’avais énoncés devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le 17 décembre dernier, lors du débat organisé dans ce même hémicycle sur la stratégie vaccinale : j’avais alors annoncé la vaccination de 15 millions de personnes d’ici à la fin du premier semestre. Nous y serons très largement.
La mobilisation est totale pour que nous puissions vacciner sans relâche et le rythme ne cesse de s’accélérer, comme vous pouvez le constater avec les chiffres au quotidien. Depuis déjà trois semaines, notre rythme quotidien est plus élevé que celui de nos voisins allemands, italiens ou espagnols.
M. Albéric de Montgolfier. Tout va bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. Surtout, nous sommes clairement les mieux positionnés pour la vaccination des personnes les plus vulnérables face à la maladie. (Protestations sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.) Eh oui !
Je veux saluer toutes les personnes impliquées dans les centres de vaccination mis en place par les mairies, les établissements hospitaliers ou encore des professionnels de ville. Nous en comptons plus de 1 700 aujourd’hui, et d’autres encore doivent ouvrir dans les prochaines semaines.
Je salue également la mobilisation des professionnels de ville : plus de 50 000 médecins et 20 000 officines de pharmacie se sont engagés dans la vaccination. En un mois, ils ont administré près de 1,7 million de doses aux patients éligibles. À compter de la semaine prochaine, 25 000 premiers infirmiers vont se lancer, à leur tour, dans la vaccination. Toujours la semaine prochaine, près de 1,4 million de doses supplémentaires seront utilisables sur le terrain, suivies de 3 millions de doses supplémentaires en avril et 3,6 millions en mai. Par ailleurs, vous le savez, le mois d’avril verra l’arrivée d’un nouveau vaccin, celui de Johnson & Johnson, qui a la particularité de ne nécessiter qu’une seule dose.
M. Rachid Temal. Et Sanofi ?
M. Jean Castex, Premier ministre. Il sera alors possible, dans les prochaines semaines, comme le chef de l’État l’a annoncé hier, d’ouvrir la vaccination à de nouvelles tranches d’âge : le 15 avril pour les personnes âgées de 60 ans à 69 ans ; le 15 mai pour les personnes âgées de 50 ans à 59 ans ; le 15 juin pour tous les autres.
Nous travaillons également, en lien avec tous les secteurs professionnels concernés, à la réouverture prochaine des lieux et activités aujourd’hui fermés. Cette réouverture interviendra lorsque les conditions sanitaires seront réunies. Le moment venu, le Gouvernement présentera cette stratégie devant le Parlement. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il nous faut aussi nous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les conditions d’organisation des élections régionales et départementales (Ah ! sur les travées des groupes CRCE, GEST, SER, UC et Les Républicains.), prévues les 13 juin et 20 juin prochain. Ces élections ont déjà été reportées une première fois en raison de la covid-19.
M. Rachid Temal. Encore un pari perdu !
M. Jean Castex, Premier ministre. Comme je l’ai déjà indiqué, et comme je le redis cet après-midi devant la Haute Assemblée, seules des raisons sanitaires impérieuses, de nature à compromettre l’organisation de la campagne ou du scrutin, pourraient justifier un nouveau report.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vraiment ?
M. Jean Castex, Premier ministre. En application de la loi du 22 février 2021, le conseil scientifique a rendu sur ce sujet un avis lundi dernier.
J’observe avec vous que cet avis, particulièrement balancé (Exclamations amusées.), ne préconise pas explicitement un report des élections. C’est donc clairement le scénario de leur maintien que nous privilégions à ce stade. (Ah ! sur les travées du groupe SER.) J’ajoute que les décisions dont nous débattons cet après-midi, y compris celles relatives à l’accélération de la vaccination, devraient avoir pour effet d’améliorer la situation sanitaire à l’échéance du mois de juin.
M. François Bonhomme. Cela fait beaucoup de conditionnels !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout est dans cet adverbe !
M. Jean Castex, Premier ministre. … le conseil scientifique formule des recommandations précises quant aux conditions de l’organisation et de la tenue de ces élections,…
M. Hussein Bourgi. Sur la plage !
M. Jean Castex, Premier ministre. … tandis que les mesures nouvelles qui entreront en vigueur ce week-end, et pour quatre semaines, pourraient avoir un effet sur le déroulement de la campagne.
Nous avons donc le devoir de nous assurer que l’ensemble des conditions édictées par le conseil scientifique pourront être effectivement satisfaites et que leur mise en œuvre très concrète ne viendra pas altérer l’expression libre et sécurisée du vote de nos concitoyens.
À cet effet, je vais engager sans délai une consultation des partis politiques représentés au Parlement (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), parce qu’ils concourent à l’expression du suffrage, et des associations d’élus locaux, notamment les maires, chargés de l’organisation matérielle des opérations de vote. Un débat fondé sur l’article 50-1 de la Constitution sera ensuite organisé au Parlement, sur l’ensemble de ces éléments. Tel est le sens, monsieur le président Larcher, du rapport que je vous remettrai tout à l’heure, conformément à la loi du 22 février dernier, et dont nous nous sommes déjà entretenus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, des semaines particulièrement difficiles sont encore devant nous.
Plus que jamais, les personnels soignants, dont le dévouement et la bravoure sont admirables depuis quatorze mois, méritent notre soutien et la reconnaissance de la Nation tout entière.
M. François Bonhomme. Oui !
M. Jean Castex, Premier ministre. Je me rends très régulièrement dans les établissements de santé pour leur manifester ce soutien. Je sais, car ils me le disent, ce qu’ils endurent. Je sais combien ils se battent, malgré la fatigue, malgré la lassitude, pour sauver des vies. Notre système hospitalier va tenir le choc, et il va le tenir grâce à eux. Nous les y aiderons en continuant de mobiliser tous les leviers possibles : en déplafonnant les heures supplémentaires dans les établissements de santé ; en mobilisant tous les renforts possibles, en particulier les professionnels de ville, les retraités, les étudiants en santé, les 26 000 professionnels inscrits à la réserve sanitaire civile, mais également la réserve militaire ; en organisant la collaboration entre le public et le privé, qui n’a jamais été aussi fluide, j’y insiste ; en organisant des évacuations sanitaires depuis les régions les plus touchées.
L’activation de l’ensemble de ces leviers doit nous permettre d’armer jusqu’à 10 200 lits de réanimation et d’accueillir tous les malades qui en auront besoin.
Face à cette crise sans précédent et à la part d’incertitude que comporte cette épidémie, mon gouvernement a agi avec cohérence et pragmatisme.
M. Pierre Cuypers. Ça nous avait échappé !
M. Jean Castex, Premier ministre. Gérer une crise sanitaire, c’est conjuguer plusieurs critères dans le seul intérêt du bien commun. Il y a évidemment, d’abord et en premier lieu, les critères épidémiologiques et sanitaires, et donc les avis des scientifiques et des médecins.
Il me faut le dire et le répéter ici devant le Sénat et la Nation tout entière : il n’y a pas d’opposition entre le pouvoir politique et le pouvoir médical. Nous tenons le plus grand compte des avis, des analyses, des modèles et des prévisions des experts, conseils scientifiques et médicaux. Mais, et c’est bien là le rôle du Gouvernement, nous avons également le devoir – je dis bien : le devoir – d’intégrer dans nos prises de décision d’autres considérations, qui relèvent de la dimension sociale, scolaire, psychologique, économique de notre pays et de notre société. Ces critères se modélisent sûrement moins bien et leur impact est sûrement moins immédiat, mais leurs effets sont, un an après le début de la pandémie, beaucoup mieux connus.
C’est dans la combinaison difficile, très difficile, de l’ensemble de ces critères que doit être recherché l’équilibre des décisions qu’il nous appartient de prendre. C’est aussi cet équilibre qui conditionne la temporalité de ces décisions.
Néanmoins, en fin de compte, et le moment dans lequel nous nous trouvons l’illustre parfaitement, la mère des priorités, le premier des critères qui finira toujours par s’imposer, c’est la protection sanitaire de nos concitoyens.
Comme toujours, c’est dans l’unité et le recours aux valeurs de solidarité et de responsabilité que nous trouverons les ressources pour faire face à ce choc grave, inédit et complexe. C’est la caractéristique profonde de cette crise : elle fait appel au sens des responsabilités de tous et de chacun. C’est cette responsabilité que je viens partager avec vous cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Nous en venons aux orateurs des groupes politiques.
Dans le débat, la parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Parlement est de nouveau saisi au titre de l’article 50-1 de la Constitution pour débattre des nouvelles mesures sanitaires annoncées hier soir par M. le Président de la République.
Ces mesures, que vous relayez cet après-midi, monsieur le Premier ministre, pourraient être très largement commentées – je ne vais pas me lancer dans cet exercice. Elles étaient indispensables en raison de l’évolution de la pandémie. Nous partageons l’idée qu’il ne fallait pas revenir à un confinement dur, du type de celui que nous avons connu en mars 2020.
Il nous paraît évident qu’un tel confinement ne serait plus accepté de la même manière par nos concitoyens. La peur et la sidération ont laissé place à l’inquiétude, la lassitude, et même parfois à une certaine colère.
Cependant, l’évolution des indicateurs sanitaires imposait de nouvelles mesures. Je suis persuadé, ou du moins je veux le croire, que celles qui ont été proposées hier ont été mûrement pesées et réfléchies, à l’aune des indicateurs dont vous disposez.
Vous venez de le dire à l’instant, vous avez opéré une synthèse entre la raison sanitaire et la prise en compte nécessaire des intérêts économiques, psychologiques et sociaux du pays. Pour autant, ces mesures suscitent des interrogations que nous souhaiterions voir levées.
D’abord, le passage d’une capacité de 7 000 lits à 10 000 lits en réanimation nous a valablement surpris. Alors que nous en parlons depuis des mois, comment cela est-il devenu réalisable ? On parlait d’« argent magique » ; aujourd’hui, nous avons des « lits magiques ». D’où sortent ces lits et pourquoi n’a-t-il pas été possible de les mobiliser avant ?
Encore plus problématique est la question du personnel qui permettra de les faire fonctionner. Le Président de la République a bien précisé que tout le potentiel de la réserve sanitaire serait mobilisé, mais cela permettra-t-il de rendre effective l’utilisation de ces nouveaux lits ?
J’en viens à la stratégie vaccinale.
Jusqu’ici, outre les seniors, seuls les soignants étaient prioritaires pour se faire vacciner. À notre sens, l’ouverture de cette priorité à de nouvelles catégories, à savoir les enseignants, les policiers ou les pompiers, si elle positive, risque de brouiller la lisibilité de la stratégie et, surtout, de donner lieu à des demandes reconventionnelles. Par exemple, pourquoi les enseignants et pas les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), qui sont pourtant eux aussi au contact des enfants au quotidien dans nos communes ? De même, pourquoi pas les chauffeurs de bus ou les caissières de supermarché, dont on a tant parlé voilà quelques mois ? N’y a-t-il pas là un risque de revendications tous azimuts et d’incompréhension de la part d’un certain nombre de professions exposées ?
Toujours au sujet des vaccins, mais cette fois en amont, au niveau de la production et de la fourniture des doses, les annonces présidentielles sont très volontaristes et optimistes.
Vous avez dit que nous allions accélérer les achats. On ne peut qu’être d’accord, mais tout un chacun sait bien que les doses manquent. Aujourd’hui encore, on constate qu’AstraZeneca a livré 30 millions de doses au lieu des 120 millions de doses promises. Comment allons-nous accélérer les achats ?
De même, le Président de la République affirme que « nous allons devenir le premier continent au monde en termes de production de vaccins ». On ne peut que s’en réjouir, mais comment cela va-t-il se passer ? Où seront les usines de production des vaccins ? Comment cela va-t-il être organisé ?
Parmi les annonces d’hier, la fermeture des écoles est sans nul doute la plus forte. Vous avez annoncé des consultations avec les associations d’élus. C’est une bonne chose, car beaucoup s’inquiètent, notamment en ce qui concerne les activités périscolaires. Fermer les écoles suppose que les familles s’organisent, de même que les écoles et les collectivités.
Le chef de l’État n’a pas parlé des autotests, alors qu’ils sont très utilisés en Grande-Bretagne et en Allemagne. Pourquoi faisons-nous l’impasse en France ? Pourquoi avons-nous été moins réactifs que nos voisins européens pour nous en équiper ?
Autre grand absent du discours présidentiel, le pass sanitaire. C’est pourtant un sujet majeur, aux niveaux tant communautaire que national. Toutes les restrictions sanitaires seront-elles levées une fois que les publics à risque auront été vaccinés ?
Enfin, on peut se demander s’il n’aurait pas été possible de conserver au moins un peu de différenciation locale, s’il n’aurait pas été envisageable de jouer la carte de la déconcentration et de plus inciter les praticiens hospitaliers à innover.
Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre, il s’agit là d’interrogations.
Elles ne remettent pas en cause l’idée que nous nous faisons de votre action. Il ne s’agit pas d’exprimer une forme de défiance ni de mettre en doute la bonne foi du Gouvernement, pas plus que de contester l’idée que vous défendez la protection sanitaire des Français tout en ménageant autant que possible les autres intérêts de la Nation.
Vous avez parlé des aides économiques. Chacun ici peut constater que le Gouvernement, l’État, a fait beaucoup ces derniers mois pour aider les entreprises, les commerçants.
Cependant, nous ne voterons pas cet après-midi, monsieur le Premier ministre, car, une fois de plus, nous débattons de mesures déjà prises. Notre groupe ne prendra pas part à un vote qui nous semble relever davantage de l’exercice de style platonique et cosmétique.
Nous, les parlementaires, avons compris que notre principal outil de travail était le poste de télévision. (Très bien ! et applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.)
Au-delà de cette ironie, le présent débat révèle un problème institutionnel, monsieur le Premier ministre. C’est de cela que nous voulons vous parler aujourd’hui.
Les mesures sanitaires vont dans le bon sens, mais on prend des mesures qui touchent aux libertés publiques. Vous avez dit ce matin que votre action se faisait naturellement dans un cadre constitutionnel, mais surtout à travers des mesures administratives et réglementaires. C’est vrai, mais quand on touche à la liberté d’aller et de venir, à la liberté du commerce, quand on empêche les déplacements d’un département à un autre, d’une région à une autre, c’est certainement nécessaire, et nous approuvons ces mesures, mais il s’agit de l’exercice de libertés publiques, qui va au-delà de l’exercice du pouvoir réglementaire et administratif normal. Aussi, il ne serait pas anormal que le Parlement puisse apprécier la proportionnalité des mesures ainsi prises. (Bravo ! et applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.)
Il n’y a rien d’offensant, monsieur le Premier ministre, ni pour le Président de la République ni pour votre gouvernement, à ce que les parlementaires puissent émettre a priori une opinion ou formuler des recommandations.
Il n’est pas normal à nos yeux qu’un homme seul,…
M. Jean-François Husson. Très seul !
M. Hervé Marseille. … fût-il Président de la République, et quelle que soit sa qualité, puisse décider seul, en s’appuyant sur un conseil de défense, et prendre des mesures que nous sommes amenés à constater semaine après semaine.
J’ai écouté ce matin la réponse de M. le ministre Olivier Véran et la vôtre, monsieur le Premier ministre, à l’Assemblée nationale. Vous avez notamment dit : la démocratie, c’est la transparence ! Croyez-vous franchement que le conseil de défense soit un exemple de transparence ? (Applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.)
Quelle place a-t-il réellement dans nos institutions aujourd’hui ? S’il est devenu un corps central, indispensable dans l’action qui est menée aujourd’hui, le Parlement, lui, a disparu de la prise de décision. On va même jusqu’à créer des « machins » – le général de Gaulle les aurait appelés ainsi –, avec un certain nombre de citoyens tirés au sort pour savoir ce qu’ils pensent des difficultés vaccinales. Aujourd’hui, d’ailleurs, on ne les entend plus…
Le Président de la République a décidé de parler directement à l’opinion. Je pense que c’est un exercice très dangereux, comme on a pu en faire l’expérience avec l’épisode des « gilets jaunes ». Cela paraît déjà très loin, mais c’est finalement très récent. Quand on joue avec l’opinion, il faut s’attendre à ce qu’un jour cela finisse au Capitole,…
M. Gérard Longuet. Ou à la roche Tarpéienne !
M. Hervé Marseille. … ou, chez nous, sur les Champs-Élysées, avec des milliers de CRS pour protéger nos institutions.
Il y a une Constitution ; il y a des institutions. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, je veux vous parler de cette alerte. Nous ne pouvons pas être ainsi relégués, réduits à attendre des directives, des annonces que nous découvrons sur les écrans. Cela ne peut plus durer !
Si, demain, d’autres arrivaient au plus haut niveau de l’État – les sondages sont de nature à inquiéter –, ou s’il y avait une cohabitation, comment fonctionnerait notre pays, avec de tels pouvoirs concentrés entre les mêmes mains ?
M. Bernard Jomier. Eh oui !
M. Hervé Marseille. La question est très grave. C’est un sujet qui doit nous mobiliser. Cela n’est pas encore inquiétant, mais nous devons être en alerte.
Monsieur le Premier ministre, vous avez aussi parlé à l’instant même des élections, qui doivent donner lieu à un débat dans les prochains jours. Je vous en remercie. Vous aviez précédemment déclaré que vous vous appuieriez sur les conclusions du conseil scientifique. Je reconnais, comme vous, que celles-ci sont « balancées ». Le conseil scientifique s’est appuyé sur le principe de Chevallier et Laspalès, célèbres humoristes : « C’est vous qui voyez ! » (Rires.)
Évidemment, monsieur le Premier ministre, il va falloir trouver d’autres éléments. Pour notre part, nous considérons qu’il y a des dates électorales, des modes de scrutin, et que, sauf événement extrêmement important, il n’y a pas lieu de modifier le processus.
Mon dernier point, monsieur le Premier ministre, porte sur l’Europe. Beaucoup des sujets dont nous parlons relèvent de l’action européenne. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler ici, notamment au moment des questions d’actualité au Gouvernement. Le plan de relance nous inquiète, parce qu’il y aura aussi un après, et nous devons nous y préparer. Nous sommes inquiets, je le répète, de ce qui se passe en Allemagne, avec la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, car 750 milliards d’euros sont en jeu. Nous sommes inquiets du problème des frontières ; nous sommes inquiets, évidemment, des problèmes de vaccins, et c’est en Europe que tout cela se passe.
En Italie, on a fait un gouvernement d’union, qui va de M. Salvini à la gauche italienne. On voit les efforts de Mme Merkel avec les Länder. Tout est très compliqué et c’est un énorme travail. Nous vous faisons confiance, monsieur le Premier ministre, mais, de grâce, adoptez une autre pratique institutionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SER, GEST et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, le 29 octobre dernier, vous veniez déjà devant nous pour annoncer des mesures nécessaires au vu de l’évolution de la situation sanitaire. J’avais souligné la difficulté de votre tâche, ainsi que la responsabilité qui était la vôtre devant les Français. Malgré les errements, malgré les fautes, malgré la trop grande verticalité de votre gestion de crise, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait voté en faveur de votre déclaration.
Notre vote ne valait pas soutien à l’action de votre gouvernement. Notre vote ne valait pas quitus pour votre gestion de la crise. Nous avions voté en faveur des Français et de leur santé.
Cinq mois plus tard, la situation a changé, ou, plutôt, elle n’a pas changé. Vous n’avez pas tiré les enseignements des précédentes séquences. La gestion de l’épidémie s’est dégradée. La concentration du pouvoir s’est renforcée.
Cinq mois plus tard, vous êtes devant nous et nous ne savons pas pourquoi, monsieur le Premier ministre. En déclinant les propos de l’oracle présidentiel, vous ne nous associez pas. Le vote du Parlement serait unanimement défavorable que cela ne changerait rien !
M. Vincent Segouin. Exactement !
M. Patrick Kanner. Cela fait des mois que nous vous demandons plus de transparence, plus de clarté, plus de démocratie sanitaire. Cela fait des mois que vous balayez d’un revers de main nos nombreuses propositions. Cela fait des mois que vous prenez les chambres parlementaires pour un paillasson au service de la doxa élyséenne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le Parlement vote… Oui, il vote, quand il a discuté un texte, un texte qu’il a travaillé, un texte qu’il a amendé. Là, on ne discute de rien ; on n’amende rien. On acclame ou on conspue. C’est toujours le même schéma : le bunker du conseil de défense suffit ; la parole du président suffit ; le Premier ministre répète et le Parlement enregistre.
M. François Bonhomme. Bravo !
M. Patrick Kanner. Vous me pardonnerez donc, monsieur le Premier ministre, que mon intervention se fonde sur l’intervention du Président de la République plutôt que sur la vôtre.
Le Président de la République, hier soir, a tenu à justifier son action pour éviter tout mea culpa. Si certaines erreurs ont été confessées du bout des lèvres, aucun mot n’a été prononcé pour les morts de la pandémie, ou si peu. Pour combler ce manque, je tiens à avoir une pensée pour nos compatriotes qui ont été touchés par ce virus, avec parfois des conséquences sur le long terme, pour ceux qui ont perdu des proches, pour ceux qui se battent actuellement contre cette maladie. Bientôt, plus de 100 000 des nôtres ne seront plus à nos côtés – probablement davantage, si l’on compte les effets des nombreuses déprogrammations dans nos hôpitaux.
Nous payons aujourd’hui les conséquences des choix du Président de la République. Il faut le dire ! Il décide seul, il doit assumer seul.
Il dit avoir gagné du temps de liberté pour les Français, mais de quelle liberté parlons-nous ? Depuis la fin de janvier, chaque semaine, les Français sont en alerte devant les rumeurs d’une intervention présidentielle. Chaque semaine ou presque, de nouveaux territoires sont touchés par des restrictions.
L’exécutif s’est félicité pendant de longs mois, déraisonnablement, de ne pas avoir écouté les scientifiques, qui préconisaient des mesures de freinage plus fortes dès la fin de janvier en raison de l’apparition des variants. Pourtant, la flambée annoncée a bien eu lieu : nous sommes en plein dedans !
Ainsi, sans y associer le Parlement ou les Français, votre gouvernement applique la décision du Président de la République en laissant le virus circuler à un niveau élevé depuis deux mois. Pourtant, le conseil scientifique avait indiqué à la fin de janvier : « Si nous ne réussissons pas à endiguer la progression du virus avec des mesures fortes, nous risquons d’être confrontés à des pics épidémiques similaires à ceux observés en mars-avril et novembre 2020, voire plus élevés. »
Vous-même, monsieur le Premier ministre, le 28 janvier, lors d’un fameux comité de liaison parlementaire, alors que le variant anglais ne représentait que 10 % des infections, vous nous affichiez des projections qui montraient un emballement inévitable de l’épidémie. (M. le Premier ministre fait un geste de dénégation.) Ces projections plaidaient clairement pour de nouvelles mesures. Vous-même, tout comme votre ministre de la santé, en sembliez convaincu. J’ai mes notes, j’ai les expressions que vous-même et M. Véran aviez employées à l’époque !
Nous soutenions de telles mesures, d’ailleurs, car nous les savions nécessaires. Les Français étaient prêts pour ces nouveaux sacrifices. Mais non, l’épidémiologiste en chef, celui pour qui aucun sujet n’est inaccessible au vu de son intelligence hors du commun, en a décidé autrement !
Le pari du « trou de souris » du Président de la République est perdu. Qu’il le dise, qu’il l’assume, qu’il s’excuse, car cela aurait pu être évité ! Lui qui voulait écarter la perspective d’une dictature sanitaire a provoqué une débâcle.
Le résultat de cette débâcle est un nouveau confinement et le tri des patients. Voilà deux termes que l’on n’entend pas, encore aujourd’hui, dans la bouche des membres de l’exécutif : « confinement » et « tri ». Mais ce n’est pas parce que l’on ne nomme pas les choses qu’elles n’existent pas.
Quand on restreint la liberté de circulation, quand on ferme les écoles, quand on ferme les commerces, on confine !
Quand on déprogramme massivement des opérations, on trie !
M. Julien Bargeton. Non !
M. Patrick Kanner. Cette politique résulte du choix fait par un homme, dans une démarche de concentration excessive de ses prérogatives constitutionnelles. Je le rappelle à cette tribune : la politique de santé ne fait pas partie du domaine réservé du Président de la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Et si le Gouvernement peut restreindre les libertés par décret, comme vous l’avez rappelé ce matin, monsieur le Premier ministre, c’est bien parce que le Parlement lui a délégué cette possibilité par ordonnance.
M. Patrick Kanner. Nous connaissons la complexité d’une telle crise, nous ne nions pas les difficultés de gestion qu’elle entraîne et nous sommes toujours prêts à agir à vos côtés, mais il faut nous en donner la possibilité.
Dès cet automne, nous vous avons interrogé sur l’organisation de la stratégie vaccinale, notre seul espoir pour sortir de cette crise sanitaire. Nous appelions le Gouvernement à mettre en place rapidement un plan clair, net et précis de vaccination. Ce n’était pas de la polémique, mais un appel à la prise en compte de l’urgence absolue par l’exécutif.
Vous étiez rassurant, vous nous affirmiez que vous étiez dans l’action, alors que quelques semaines plus tard vous n’avez été que dans la réaction ! C’est le dos au mur que vous réagissez, comme d’habitude, comme aujourd’hui.
Ce retard a un coût économique, social et humain important. Ce manque d’anticipation, associé à une stratégie assumée de la lenteur, à laquelle vous avez heureusement renoncé, doit s’effacer au profit d’une mobilisation générale que vous annoncez, mais qui ne se traduit pas encore dans les chiffres. Voici le résultat : en France, seule 13 % de la population a reçu au moins une dose de vaccin. Nous sommes au-delà de la vingtième place des pays qui vaccinent le plus.
M. Patrick Kanner. Je connais votre argument, monsieur le Premier ministre : notre situation n’est pas pire qu’ailleurs.
M. Patrick Kanner. Votre position me fait penser à cet adage québécois bien connu : « Quand on se regarde, on se désole ; quand on se compare, on se console. »
Monsieur le Premier ministre, nous ne voulons pas être consolés ; nous voulons être les plus performants et tout faire pour que l’Europe ne soit pas le bouc émissaire de ces difficultés.
Le 3 décembre dernier, vous nous annonciez que 15 millions de personnes seraient vaccinées avant le printemps, soit la fin du mois de mars.
M. Patrick Kanner. Nous y sommes : 8 millions de personnes ont reçu une dose, soit la moitié de ce que vous aviez annoncé. Les retards de livraison n’expliquent pas tout. Quid de la désorganisation ? Quid des volte-face sur les vaccinodromes ?
Hier soir, le Président de la République a annoncé de nouvelles arrivées de vaccins, ainsi que la production de vaccins en France. Tant mieux, mais donnez-nous des chiffres, montrez-les-nous, expliquez-nous comment vous allez réaliser cela. C’est ainsi qu’on associe à son travail le Parlement et les Français.
Hier soir, le Président de la République a annoncé un plan de sortie de crise. Il aurait pu parler de déconfinement, comme au printemps dernier. Sur ce sujet, je ferai les mêmes requêtes : donnez-nous des chiffres, montrez-les-nous, expliquez-nous ! Comment vous croire, alors que le Président de la République ou le porte-parole du Gouvernement, dans un savant mélange de Madame Irma et de Pinocchio (Rires.), annonçaient un retour à la vie normale à la mi-avril et que nous discutons aujourd’hui d’un confinement auquel vous êtes maintenant acculé, pour ne pas avoir su l’anticiper ?
Hier soir, le Président de la République a annoncé de nouveaux lits de réanimation. Comment monter à 10 000, alors qu’il y a moins d’un an vous en promettiez beaucoup plus et que vous n’avez pas pu tenir vos promesses ?
M. Patrick Kanner. Comment vous faire confiance aujourd’hui quand les soignants sont à bout et que le Ségur de la santé a changé si peu de choses ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Ce n’est pas vrai !
M. Patrick Kanner. Les mesures que vous prenez aujourd’hui sont nécessaires, mais nous regrettons qu’elles arrivent trop tard et que votre procrastination sanitaire empêche de continuer une politique territorialisée que vous avez mis bien du temps à mettre en place, malgré les demandes des élus locaux.
Avoir laissé les écoles ouvertes est effectivement une fierté pour notre pays. Nous regrettons qu’il faille les fermer aujourd’hui, sans que les tests salivaires aient été livrés ou que la continuité pédagogique ait pu être facilitée par des investissements qui auraient permis de surmonter la précarité numérique de nombreux élèves. Nous l’avions proposé ; vous ne l’avez pas fait. Aujourd’hui, il faut, avant le 26 avril pour certains, ou le 3 mai pour d’autres, vacciner 1,2 million de personnes : les enseignants et encadrants dans les écoles, collèges et lycées de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE.)
Par ailleurs, le ruissellement de la dette publique sert d’amortisseur économique et social. Nous avons soutenu vos décisions, mais nous voulons savoir comment aller plus loin, alors que la crise révèle et exacerbe les inégalités, mais que vous n’entendez pas nos propositions dans tous ces domaines : statut des travailleurs précaires, fracture numérique et éducative, aide alimentaire, situation des étudiants les plus fragiles.
Nous avons demandé que l’on prévienne le risque d’accroissement des situations de précarité et de pauvreté. Le RSA pour les moins de 25 ans : rejeté ; le débat sur le statut des travailleurs des plateformes : rejeté !
Pour éviter d’accroître encore la précarité et les inégalités, nous avons proposé des solidarités fiscales nouvelles, des fonds de soutien, des orientations ciblées pour le plan de relance en faveur des ménages les plus fragilisés. Quand nous proposons une réévaluation des aides au logement et la suppression de la réforme de ces mêmes aides, qui pénalise les jeunes qui entrent sur le marché du travail, vous répondez par la relance de la réforme de l’assurance chômage.
Nous avons fait des propositions visant à préserver l’activité locale de proximité, en demandant un traitement différencié et une meilleure concertation avec les élus locaux pour pallier le manque de confiance des commerçants dans les aides de l’État ; rien n’a changé ! L’économie de proximité doit être mieux identifiée comme une priorité de la relance ; rien n’a été retenu par votre gouvernement.
Pour ne pas confiner la démocratie, monsieur le Premier ministre – vous avez évoqué ce sujet à la fin de votre discours –, nous avons également proposé, à de multiples reprises, des mesures qui permettent la tenue des scrutins départementaux et régionaux dans les meilleures conditions, mesures d’ailleurs recommandées dans le rapport du conseil scientifique. Vous n’avez pas voulu les reprendre ; je le regrette.
En conclusion, monsieur le Premier ministre, vous avez voulu freiner, mais ça n’a fait qu’accélérer. Vous avez voulu freiner pour ne pas enfermer, mais vous devez maintenant enfermer pour freiner, alors que le train de la covid-19 est lancé à pleine vitesse : 40 000 à 50 000 cas par jour !
Votre gestion de la crise est un jour sans fin pour la France. Les Français ne sont pas résilients, monsieur le Premier ministre : aujourd’hui, ils sont résignés. Ils attendent autre chose. L’annonce de la lumière au bout du tunnel, tellement invoquée, nous amène à nous interroger sur la crédibilité de votre stratégie et, peut-être plus encore, sur celle de votre stratège.
Vous avez accepté que nous vivions avec le virus, alors que nous aurions dû nous donner comme objectif de l’éradiquer au plus vite.
Face à cette parodie politique, face à cette mascarade de démocratie, face à ce simulacre de concertation, nous avons décidé de ne pas être les faire-valoir de l’exécutif. Le Sénat ne disposant pas du pouvoir de censure, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne participera pas au vote sur cette déclaration. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, hier soir, le président Macron a confessé ce que les Français savaient déjà depuis longtemps, pour en avoir subi les conséquences graves : il a confessé qu’il avait « commis des erreurs ».
Voyez-vous, monsieur le Premier ministre, le problème est que vous en commettez encore et que leurs conséquences ne seront pas moins importantes que celles des précédentes, notamment en matière de promesses non tenues sur la création de lits en réanimation.
Nous avons également entendu dire hier soir que « l’irresponsabilité de quelques-uns ne doit pas miner les efforts de tous ». Les Français seraient-ils encore montrés du doigt, ou le Président parlait-il tout simplement de votre gouvernement ?
Face à l’offensive du variant anglais, toutes ces nouvelles mesures liberticides sont les conséquences directes du Waterloo de la vaccination, qui marque la déroute de votre gouvernement. En effet, alors que nous attendons votre intervention salvatrice, à l’image de Grouchy, vous êtes désespérément aux fraises, monsieur le Premier ministre !
Au moins, à Waterloo, les chefs étaient en première ligne. Vous, vous êtes en retrait, en retard, et chaque jour la bataille de la vie est perdue pour des dizaines, voire des centaines de nos compatriotes.
Vous n’avez qu’un horizon à offrir à notre peuple : promettre des lendemains qui enferment !
Vos annonces condamnent les étudiants et les plus jeunes à la détresse, les ouvriers à rester exposés, les indépendants et les commerces de proximité, dont il est scientifiquement reconnu qu’ils ne constituent nullement un lieu de contamination, à fermer définitivement.
Quant à la mère ou au père qui va pouvoir télétravailler, il devra « en même temps » faire la classe à son enfant, voire à ses enfants. On lui souhaite beaucoup de courage et d’abnégation !
La dette est si abyssale qu’elle va se transformer en trou noir, car votre confinement coûte à la France, selon Bercy, 365 millions d’euros par jour !
Nos compatriotes sont condamnés à être tributaires d’un calendrier de la vaccination très incertain en raison, entre autres choses, de votre « poutinophobie », qui vous pousse encore à refuser le vaccin russe que les Allemands et les Italiens ne se privent pas de commander par millions.
Et que dire de l’absence totale, voire du rejet de tout traitement qui permettrait de contenir la flambée d’hospitalisations ! Je pense au traitement du professeur Raoult, à Marseille, traitement qui avait pour seul tort non pas d’être dangereux, mais de soigner quasiment gratuitement : un véritable cauchemar, un virus, un empêcheur de se goinfrer en rond pour les grands laboratoires ! Le professeur Raoult a été banni en même temps que son traitement, dont nombre d’élus marseillais et personnalités de haut rang ont pu bénéficier !
Tout cela est-il le résultat de votre incompétence, monsieur le Premier ministre, ou d’une véritable stratégie ? On en vient à croire que ces décisions vous conviennent.
Le confinement comme l’état d’urgence sont une solution de facilité pour ne pas régler les problèmes structurels de l’hôpital, de la recherche, de l’industrie et de la souveraineté, gage de la liberté de décision.
En ces temps d’enfermement tous azimuts, la vérité nous rend libres. Or, à la vérité, le retour – la résurrection, si j’ose dire – de nos libertés n’est annoncé ni pour dimanche, ni pour lundi, ni pour les semaines à venir.
Quant à moi, je ne saurais cautionner cet enfer économique, social et autoritaire dans lequel vous souhaitez enfermer le pays un mois de plus. (M. Alain Duffourg applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, une fois de plus, la vague est montée ; une fois de plus, l’hôpital est submergé ; une fois de plus, le Président a parlé ; une fois de plus, le Parlement est pris en otage ; une fois de plus – la troisième –, la France est confinée.
Monsieur le Premier ministre, dans quelques instants, vous allez nous demander de voter, mais ce sera un vote pour rien, parce que c’est un vote sur rien. Vous allez nous demander de voter sur des annonces qui ont déjà été faites ; vous allez nous demander de voter sur des mesures à prendre qui ont déjà été prises !
M. Bruno Retailleau. Hervé Marseille a raison : nous avons l’électricité et la télévision, nous avons regardé hier les annonces faites par le Président à la télévision.
À quoi bon voter, si tout est décidé ? Il y a là un paradoxe : c’est trop facile de vouloir nous faire voter quand tout est décidé et, lorsque nous aimerions avoir des votes, de nous les refuser.
Souvenez-vous : au moment de l’un des débats sur la reconduction de l’état d’urgence, le Parlement, ou plus précisément le Sénat a proposé qu’un vote soit organisé lorsque le confinement devrait être prorogé d’un mois. C’était normal, c’était un contrôle démocratique, mais vous nous aviez refusé ce vote, monsieur le Premier ministre. Votre ministre de la santé nous l’avait refusé, à l’en croire, pour notre bien ; il nous avait dit que c’était pour empêcher l’embolie des chambres. Merci pour une telle sollicitude ! (Rires.) C’est là qu’un vote aurait pu être utile.
En réalité, si j’ai employé les mots de « prise d’otages », c’est parce que, me semble-t-il, vous souhaitez que le Parlement – cet après-midi, le Sénat – soit une sorte de faire-valoir. Eh bien, le Sénat, mes chers collègues, n’est pas le faire-valoir de l’exécutif ou du Président de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)
Nous ne sommes pas, à l’évidence, des greffiers appliqués du verdict de Jupiter ! La Ve République, ce n’est pas ceci : le Président parle à la télévision et, le jour suivant, le Parlement s’exécute dans l’hémicycle. Ce n’est pas cela, la Ve République ! (Mêmes mouvements.)
Je voudrais partager avec vous, monsieur le Premier ministre, ce que de nombreux collègues, parmi lesquels les présidents d’autres groupes, et moi-même avons sur le cœur. Vous disposez, avec votre gouvernement, de pouvoirs extrêmement étendus. La contrepartie de ces pouvoirs immenses serait de veiller au contrôle démocratique et notamment parlementaire. Pour autant, vous vous ingéniez méticuleusement à marginaliser le Parlement. Vous avez recours aux ordonnances : depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, 298 ordonnances ont été prises.
Vous me rétorquerez que c’est plus rapide ainsi. Non : c’est plus long !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Bruno Retailleau. Nous avons démontré ici qu’il faut en moyenne 336 jours pour une ordonnance, contre 235 pour une loi. La loi est plus rapide ! Mais la différence essentielle, ce n’est pas la vitesse, c’est le contrôle du Parlement.
Ajoutons-y, bien sûr, le recours aux conseils de défense, et à leur opacité, ainsi que le recours à des procédures législatives expéditives : tous les textes, sauf le projet de loi relatif à la bioéthique, sont examinés selon la procédure accélérée, parce que, encore une fois, le temps du Parlement serait un temps perdu !
Ajoutons-y, enfin, la floraison des comités Théodule.
On ne peut pas s’en réjouir, même au sein de l’exécutif, monsieur le Premier ministre. Je vous mets en garde, parce que la démocratie, ce sont aussi des contre-pouvoirs. Ce serait pour le Président de la République céder à une illusion dangereuse que de conforter les Français dans la croyance naïve en un homme seul qui serait capable de tout, capable de tout prendre en charge.
En effet, quand il y a défaillance dans la prise en charge et que, parallèlement, les mécanismes démocratiques parlementaires ne sont plus au rendez-vous, que se passe-t-il ? La nature a horreur du vide ! On met en place un face-à-face, on ubérise la politique, on supprime tous les intermédiaires, jusqu’au Parlement, et que se passe-t-il ? Comme la nature a horreur du vide, d’autres mécanismes se mettent en place.
La démocratie consiste à rendre des comptes. Aux heures les plus graves de notre histoire, pendant la Première Guerre mondiale – relisez votre histoire ! –, cette démocratie n’a pas été un obstacle à la gestion d’une crise énorme : elle a été une ressource. (M. Roger Karoutchi renchérit.)
Or quels sont ces mécanismes qui se mettent en place ? Ce sont les réseaux sociaux, où chacun peut, l’espace d’un temps, s’efforcer de devenir un procureur, un Fouquier-Tinville. Vous le savez bien ! Voilà ce que l’on risque quand on veut le face-à-face avec le peuple, comme le rappelait l’un des orateurs qui m’ont précédé.
Quel est l’autre mécanisme qui se met en place, puisque la responsabilité démocratique devant le Parlement est insuffisante ? On appelle les ministres à la barre. Je désapprouve cette judiciarisation, comme j’ai désapprouvé les perquisitions menées, à six heures du matin, chez un ministre de la santé qui a évidemment autre chose à faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vous rends ainsi un peu de cette sollicitude dont vous aviez fait preuve en nous protégeant de l’embolie, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Bruno Retailleau. Mais si, monsieur le Premier ministre, on est là au cœur du mécanisme ! Écoutez-moi donc un instant, car c’est important, au moment où notre démocratie en est.
Cette judiciarisation encourage la bureaucratisation parce que, quand on fait un protocole, tous les niveaux de responsabilité gèrent le risque pénal et ouvrent le parapluie. La judiciarisation équivaut à toujours plus de bureaucratisation ! (M. Philippe Pemezec applaudit.)
Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le Premier ministre, et il est important que vous l’entendiez.
Vous avez eu, parce que nous vous les avons confiés, des pouvoirs très étendus.
M. Bruno Retailleau. Mais qu’en avez-vous fait ? Quel en a été le résultat ? Je voudrais pour y répondre prendre deux exemples, que d’autres orateurs ont déjà évoqués : les lits de réanimation, dont l’importance tient à ce qu’ils permettent de piloter les mesures de freinage de l’épidémie, et la vaccination.
Qu’avez-vous fait de ces pouvoirs énormes en matière des lits de réanimation ? J’ai écouté, comme tant d’autres, le Président de la République. Le 28 octobre dernier, avant le deuxième confinement, il évoquait le chiffre de 10 000 lits. Il a promis le même chiffre hier !
Il y a un problème : soit la promesse du 28 octobre était une tromperie, soit l’engagement pris n’a pas réalisé, puisqu’on continue de promettre ces 10 000 lits, que l’on n’a pas ! Vous savez très bien que les lits supplémentaires disponibles aujourd’hui résultent de déprogrammations : ce sont autant de pertes de chances pour ceux qui devaient être opérés et ne le seront pas.
Je discutais ces derniers jours avec plusieurs chefs de service de grands hôpitaux parisiens…
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Le professeur Juvin !
M. Bruno Retailleau. Tous m’ont dit qu’il fallait pratiquement le personnel de deux blocs opératoires pour créer un lit de réanimation. C’est énorme !
M. Bruno Retailleau. Certains affirment même que, quand on soigne pour une quinzaine de jours un patient atteint du covid-19, ce sont environ 150 patients qui verront leur opération reportée. Ce sont des pertes de chances !
Alors, pourquoi n’a-t-on rien fait ? J’avais entendu le Président de la République évoquer le nombre de 7 000 soignants formés : infirmiers, infirmières et médecins. Mais où sont-ils ? Où est la réserve sanitaire ? Sur le terrain, dans les départements et les régions que l’on connaît, on ne la voit pas. Alors, pourquoi en parler ? Cela fait un an qu’on en parle, mais qu’avez-vous fait des pouvoirs énormes qui vous ont été confiés ?
J’en viens à la vaccination. Moi aussi, monsieur le Premier ministre, je vous ai entendu au mois de décembre évoquer un chiffre : à la mi-mars, 14 millions de personnes, si je ne me trompe, devaient être vaccinées. Désormais, on parle plutôt de 10 millions à la mi-avril !
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, il y a une valse des chiffres et une valse du calendrier ! Je vous assure qu’il n’y a pas un Français qui s’y retrouve, tellement il y a eu de changements de pied !
Alors, vous allez me répondre que c’est de la responsabilité de l’Europe. Eh bien, il y a quinze jours, j’ai entendu un haut responsable européen – allemand, d’ailleurs – me répondre que mieux vaut vacciner lentement, mais dans un cadre européen. Voilà l’idéologie ! Voilà ce que nos compatriotes ne sauraient entendre. C’est vous, monsieur le Premier ministre, qui êtes chargé de la protection des Français, de la nation française ; aucun commissaire européen ne fera pour le peuple français ce qu’un élu du peuple peut faire pour protéger les Français. Cela me paraît une évidence.
Le pouvoir que nous vous avons confié, vous l’avez exercé, mais pour de maigres résultats. J’entendais rappeler tout à l’heure la fameuse phrase : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console. » Mais non, mes chers collègues : aujourd’hui, quand on se compare, on se désole ! Nous sommes en matière de vaccination au cinquante et unième rang : nous faisons moins bien que le Chili, le Maroc, la Serbie, la Hongrie et tant d’autres pays encore !
L’Allemagne a subi un peu plus de 75 000 morts pour 82 millions d’habitants, quand nous allons atteindre 100 000 morts. Chacun d’entre nous a une pensée pour ceux qui ne sont plus là et pour leurs familles qui souffrent toujours. Voilà les résultats ! C’est à cela que l’on doit juger une politique, même si je sais – je veux le répéter aujourd’hui à cette tribune – que les circonstances sont difficiles.
Voilà ce que nous attendons : plus d’efficacité. Et on ne peut pas, en la matière, toujours pointer du doigt la responsabilité de la bureaucratie.
En effet, dès le départ, il y a eu un manque de volonté au plus haut niveau de l’État. Il me faut évoquer M. Trump : en mai 2020, il se disait confiant : il y aurait un vaccin avant la fin de l’année. Quelques jours plus tard, le Président de la République française répondait que personne de sérieux ne lui disait que nous disposerions d’un vaccin à la fin de l’année. Or, dans notre organisation hyperprésidentialisée, hypercentralisée, quand la tête ne croit pas en la possibilité de disposer de vaccins, elle ne met pas en tension la chaîne de commandement. Alors, il ne faut pas s’étonner par la suite qu’il y ait des loupés ! La vérité est là : c’est d’abord un manque de volonté politique et un manque de stratégie ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Il y a eu deux stratégies gagnantes dans le monde. La première est celle des démocraties asiatiques, le « zéro covid ». On n’a pas pu la suivre, par manque d’efficacité du traçage et de l’isolement. Dans ces pays, on compte moins de 20 000 morts ! La seconde, qu’ont suivie des pays qui avaient loupé la première marche dans la gestion de l’épidémie – le Royaume-Uni, les États-Unis et d’autres encore –, est la vaccination rapide et massive.
Or nous n’avons eu ni l’une ni l’autre de ces deux stratégies. La bureaucratie parisienne est venue s’ajouter à la technocratie bruxelloise et le « trou de souris » d’Emmanuel Macron s’est transformé pour beaucoup de Français en souricière !
Aujourd’hui, ce que veulent les Français, c’est qu’on puisse leur donner des preuves de l’efficacité de notre stratégie ; ainsi, on reconstituera l’antidote qu’est la confiance, ce qui ne pourra être fait qu’à trois conditions.
La première condition de la confiance, c’est l’efficacité, que j’évoquais il y a quelques instants. S’il faut commander des vaccins en dehors de la procédure européenne, faites-le ! L’ambassadeur d’Allemagne a confirmé au Sénat – c’est dans un compte rendu ! – que 30 millions de doses du vaccin Pfizer avaient été commandées en dehors du cadre européen. Ce n’est pas interdit, alors faisons-le ! Pourquoi ne le ferions-nous pas ? Arrêtons de considérer que chaque vague est la dernière et anticipons, en matière de formation de soignants et de lits de réanimation !
La deuxième condition de la confiance est l’humanité, comme je l’ai déjà souligné l’autre jour. Vous avez sans doute vu comme moi des personnalités artistiques et culturelles se faire les porte-voix des témoignages de familles qui ont écrit de très belles lettres. Attention à ne pas laisser mourir dans la solitude, derrière les portes closes d’Ehpad, mais aussi d’hôpitaux ! Cela se fait peut-être de moins en moins, mais nous en recevons de nouveaux témoignages chaque semaine. Cet aspect humain est déterminant.
Enfin, la troisième condition de la confiance est la lucidité. Il faut avoir la lucidité de reconnaître ses limites. Chacun d’entre nous, monsieur le Premier ministre, a ses limites ! (M. le Premier ministre renchérit ironiquement.)
Dans une crise, le pire, la limite qui ne doit pas être franchie est justement le fait de ne pas reconnaître ses limites. J’estime qu’un Président de la République, fût-il Jupiter, fût-il un expert universel, fût-il un épidémiologiste en même temps qu’un philosophe, eût-il été doté de la plus belle intelligence et d’une pensée complexe, ne peut rien seul ! C’est une évidence absolue.
Je crois donc que les institutions représentatives de notre démocratie doivent être respectées. Ne faites pas du Sénat ou de l’Assemblée nationale un théâtre d’ombres, monsieur le Premier ministre, n’en faites pas le lieu d’une fausse concertation, d’un simulacre de décision !
Comme d’autres groupes, nous ne participerons pas à ce vote. Ce geste politique n’est pas un mouvement de mauvaise humeur ou un caprice, mais tout simplement un message : la démocratie représentative, c’est l’assurance pour tous les Français, quels qu’ils soient et quels que soient leurs sentiments politiques, que le sort de tous ne repose pas dans les mains d’un seul ! Voilà ce qu’est la démocratie, voilà pourquoi elle a été inventée.
Alors, oui, monsieur le Premier ministre, il nous faut reconstruire ensemble la confiance, et nous sommes disponibles pour ce faire. Mais ce doit être la confiance par la preuve et par l’efficacité.
J’ose espérer que cette nuit sans fin aura une aube nouvelle et que, comme l’a déclaré le Président de la République, ce sera une jolie aube du mois de mai. Vous n’en avez pas parlé, contrairement à lui, mais j’espère que vous croyez à cette promesse présidentielle. D’ailleurs, si vous croyez que, en mai, les choses iront mieux, iront assez bien pour que les bars et les restaurants rouvrent, pourquoi alors ne voterions-nous pas en juin ? S’il n’y avait plus d’élections, ce serait l’échec de la promesse faite par le Président de la République hier soir.
En tout cas, nous voulons une nouvelle espérance. C’est en abandonnant les vieux démons, me semble-t-il, mais surtout en écoutant le Parlement et en redonnant confiance aux Français que vous y parviendrez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis l’annonce inespérée de la découverte de vaccins en quelques mois seulement par des chercheurs que nous ne remercierons jamais assez, la course est lancée entre l’acquisition de l’immunité collective qui nous sauvera de la pandémie et la dissémination des nouveaux variants du virus qui signerait notre défaite.
Cette équation à deux inconnues est une ordalie pour le Gouvernement comme pour les Français, parce qu’elle se complique de deux paramètres qui en font l’effroyable complexité.
Le premier est le retentissement immédiat de toute mesure sanitaire sur l’économie du pays qui, dans le cas extrême d’un confinement total, s’écroule aussitôt, nous l’avons vécu.
Le second est le désastre psychique causé par une crise interminable pour tous nos concitoyens, dont beaucoup sont désormais au bord de l’effondrement, ou tout au moins de l’épuisement. Jamais la situation n’a été aussi tendue ; c’est pourquoi, même si nous entrevoyons la lumière au bout du tunnel, nous sentons tous que les semaines qui viennent seront cruciales.
C’est sans doute la raison pour laquelle la décision du Président de la République de ne pas reconfiner en janvier dernier, mais de prendre des mesures graduelles, s’exemptant pour la première fois des injonctions scientifiques, a été très majoritairement approuvée par les Français, malgré ceux qui ont souligné les risques, les insuffisances ou l’aspect hasardeux de ce pari.
Je le dis clairement : je fais partie, avec beaucoup d’autres ici, de ceux qui ont approuvé cette stratégie et je ne peux donc aujourd’hui critiquer le Président de la République en me demandant s’il n’aurait pas dû prendre il y a deux mois les décisions qu’il prend ce jour, voire des décisions plus radicales encore. Ce serait oublier aussi que, depuis des mois, les enfants sont allés à l’école, que les entreprises ont tourné et que la plupart des Français on put mener une vie presque normale…
M. François Patriat. Très bien !
M. Claude Malhuret. Ce serait oublier encore que, en raison des nouveaux variants, la certitude d’une efficacité absolue d’un confinement n’était pas acquise, contrairement à l’année dernière.
Avec des mesures plus radicales que les nôtres depuis deux mois, l’Allemagne est aujourd’hui quasiment au même nombre de décès quotidiens que nous, l’Italie en a presque le double.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Claude Malhuret. Le même dilemme se pose aujourd’hui avec une intensité décuplée par des courbes qui remontent, par des critiques qui fusent de nouveau et, enfin et peut-être surtout, par les pressions pour des mesures radicales d’une partie du corps médical, peut-être déçue que l’on ne suive plus ses prescriptions à la lettre.
Loin de moi la prétention de nier les difficultés extrêmes, et qui s’aggraveront dans les jours qui viennent, que connaissent les services de soins intensifs, loin de moi l’idée de minimiser le dévouement inlassable des soignants, dont beaucoup sont, eux aussi, au bord de l’épuisement, mais il faut rendre à César ce qui est à César et au politique ses prérogatives.
La première d’entre elles est la responsabilité de juger des moyens de tenir dans l’adversité, en prenant en compte les préoccupations, les possibilités, les capacités de résistance ou les cauchemars de tous les Français, en ayant à l’esprit que le choix est rarement entre une bonne et une mauvaise solution, mais, plus souvent, entre une mauvaise solution et une autre, pire encore.
Ce choix est d’autant plus difficile que les médecins eux-mêmes sont partagés, il suffit de regarder les plateaux de télévision, de jour comme de nuit, pour s’en convaincre.
Ces derniers jours, quarante et un médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont affirmé, dans une tribune du journal Le Monde, que nous n’avions jamais connu une telle situation, même durant les pires attentats de ces dernières années ; le président de l’Association des médecins urgentistes de France répondait le lendemain que, pour l’instant, ce n’était pas la Bérézina et qu’il était totalement faux de faire croire que l’on allait sélectionner et trier les malades ; un patron de la Pitié-Salpêtrière appelait avant-hier à la fermeture immédiate des écoles ; la Société française de pédiatrie lui répondait le lendemain qu’il fallait tout faire pour éviter de fermer des écoles.
C’est dans ce contexte que le Président de la République a dû prendre une décision que j’imagine déchirante. Camper sur des mesures dont il apparaît désormais qu’elles ne suffisent plus à réduire l’épidémie, c’était la certitude de perdre la course de vitesse contre le virus ; reconfiner totalement, c’était une capitulation, c’était prendre aussi le risque d’une révolte d’une partie de nos concitoyens, nous le voyons tous dans nos départements.
L’exécutif a choisi l’accentuation des mesures de freinage plutôt que le retour à un confinement strict : étendre à l’ensemble du territoire métropolitain les mesures qui prévalaient déjà dans les territoires les plus touchés et prolonger les vacances scolaires de quinze jours tout en laissant ouvertes les crèches et les écoles primaires.
Ces mesures seront sans doute douloureusement ressenties dans des régions qui pouvaient se sentir à l’abri, mais qui, en réalité, et chaque jour nous le démontre un peu plus, ne le sont pas, par des commerçants déjà durement éprouvés et par des parents épuisés, se demandant comment ils pourront concilier profession et garde des enfants ; elles seront en réalité ressenties douloureusement partout, mais je ne vois guère d’alternative.
La clé de notre avenir, ce sont désormais les vaccins et, surtout, la campagne pour les délivrer. Le début de cette campagne a donné lieu à beaucoup de critiques, sur sa lenteur, sur la décision de s’en remettre à l’Europe, sur la crainte d’un rejet par les Français. Je les partage pour une part. Vous vous souvenez sans doute qu’ici même, l’an dernier, alors que l’on prétendait que les Français étaient vaccinosceptiques, j’ai dit à plusieurs reprises qu’il fallait aller plus vite, que le principe de précaution ruine parfois ceux qu’il prétend défendre et que ma crainte n’était pas que les vaccins restent dans les congélateurs, mais, au contraire, qu’il n’y en ait pas assez.
Le Président de la République, dans son discours d’hier, a pris la mesure de cet enjeu crucial. L’accélération est impérative, nous devons nous donner les moyens d’y parvenir. Le Gouvernement n’a désormais d’autre choix que de réussir. Le succès de la vaccination est entre les mains de l’exécutif, tenu à une obligation de résultat. Il sait qu’il peut compter sur l’ensemble des élus locaux, qui ne cessent de faire la preuve de leur dévouement et de leur efficacité.
Plusieurs groupes de notre assemblée ont annoncé leur intention de ne pas participer au vote qui conclura ce débat. Je comprends leur agacement et, pour certains, leur irritation. La Ve République n’est pas tendre pour le Parlement et ce n’est pas la première fois que nous nous plaignons de la façon dont nous sommes traités par l’exécutif.
Toutefois, la question qui nous est posée aujourd’hui est d’une telle importance pour l’avenir de nos concitoyens, pour les mois et, peut-être, pour les années à venir, pour notre santé, pour notre économie, pour notre futur en un mot, qu’il ne nous paraît pas possible, en plein milieu de la pire crise sanitaire depuis des années, de ne pas prendre nos responsabilités. Les Français ont le droit de connaître l’opinion de leurs élus lorsque l’essentiel est en jeu. C’est la raison pour laquelle nous participerons à ce scrutin. (M. François Patriat applaudit.)
C’est toujours lorsque l’on est sur le point de réussir que la tentation de renoncer est la plus forte ; c’est toujours le dernier effort qui est le plus douloureux ; c’est celui qui nous est demandé aujourd’hui. Pour la première fois, il est accompagné d’un message d’espoir crédible qui permet de fixer des échéances précises et annoncées.
Cette crise est une épreuve, mais ce n’est qu’une épreuve et l’humanité en a surmonté de bien plus graves. Dans quelques mois, grâce aux vaccins, grâce à notre respect des règles, grâce à notre solidarité, 2021 sera l’année où nous surmonterons à notre tour l’épreuve qui nous est assignée. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – M. Gérard Longuet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, un an de pandémie et bientôt 100 000 morts en France, près de 3 millions dans le monde ; un an de pandémie et 4,6 millions de malades ; un an de pandémie et un personnel soignant à bout de souffle ; un an de pandémie et des inégalités sociales qui explosent ; un an de pandémie et plus de 10 millions de pauvres dans notre pays ; un an de pandémie et une entreprise sur trois menacée de faillite, malgré les aides gouvernementales ; un an de pandémie et de détresse psychologique ; un an de pandémie et une jeunesse aux abois ; un an de pandémie et une vie sociale et culturelle sous cloche ; un an de pandémie et des perspectives toujours aussi incertaines.
Le bilan sanitaire, social et économique du covid-19 est dramatique et ses conséquences se feront ressentir pendant des années. Ce bilan n’est toutefois pas celui du Gouvernement. Vous avez agi, le plus souvent, du mieux que vous pouviez, monsieur le Premier ministre, et il serait prétentieux et malvenu d’expliquer que nous aurions fait beaucoup mieux, mais il n’est pas non plus possible de vous exonérer de votre responsabilité, et en particulier d’exonérer le Président de la République de la sienne.
Monsieur le Premier ministre, je relisais les propos que j’ai tenus lors du débat organisé dans de pareilles circonstances le 29 octobre dernier et cette lecture m’a désespéré : rien n’a changé depuis un an, rien n’a changé depuis cinq mois.
Jupiter l’épidémiologiste, Jupiter le roi thaumaturge, Jupiter le maître des horloges décide de tout, tout seul, et vous venez ensuite faire le service après-vente devant nous. La pertinence de cet exercice pose question.
Puisque nous sommes là, vous ne m’en voudrez pas de reprendre quelques propos de mon intervention du 29 octobre, je déplore toujours, voire davantage, qu’ils soient encore d’une vibrante actualité.
Vous n’avez pas su construire l’union nationale, indispensable à la période. Rien n’a changé et le Président de la République continue vainement de l’invoquer comme on crie dans le vent.
Il aurait été opportun et intelligent d’associer la représentation nationale aux décisions permettant de faire face à la situation sanitaire, économique et sociale, tout en protégeant les libertés individuelles. C’est comme cela que fonctionne une démocratie normale. Si l’on avait encore un doute quant au fait que la Ve République n’est pas une démocratie normale, celui-ci est levé depuis un an !
Le Parlement aurait dû retrouver toute sa place, il était dans votre intérêt, dans notre intérêt collectif, d’associer réellement l’opposition aux prises de décisions. Encore moins que d’habitude, l’exécutif ne peut avoir raison tout seul.
La complexité du défi auquel nous faisons face aurait nécessité, et nécessite toujours de s’appuyer sur l’intelligence et sur la responsabilité collective des élus du peuple plutôt que sur l’intelligence d’un seul homme – aussi supérieure soit-elle –, qui n’est responsable devant personne, selon notre bancale Constitution.
En la matière, vous auriez également dû associer beaucoup plus étroitement les élus locaux. Hélas, la consultation des territoires au préalable de décisions d’ampleur nationale comme celles que vous présentez aujourd’hui est toujours inexistante.
Quand les élus sont responsables et de bonne composition à votre endroit, je pense par exemple au maire de Lyon, vos ministres les récompensent par des accusations fallacieuses et des polémiques médiocres, au lieu de consacrer leur temps et leur énergie à la résolution de la crise.
La gouvernance demeure solitaire et erratique. Ce manque total de visibilité affaiblit chaque jour davantage l’acceptabilité des mesures qui sont prises et leur efficacité. C’est un cercle vicieux qui nous dessert toutes et tous collectivement.
En un an, vous n’avez jamais été capables de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français. Certes, la situation est instable et difficilement prévisible, mais d’autres pays ont fait beaucoup mieux, je pense notamment à l’Afrique du Sud, pourtant très durement touchée par le virus, qui a pris le temps d’élaborer un mode de gouvernance intéressant.
En lien avec le parlement, le gouvernement y a mis en place un barème à cinq niveaux d’alerte, à la manière de notre barème Vigipirate. À chaque niveau correspond progressivement un certain nombre de mesures de distanciation et de restriction de la liberté de mouvement et d’activité. Le changement de niveau est activé par le gouvernement, sur la base de critères objectifs : circulation du virus, nombre de décès, niveau d’occupation des hôpitaux.
Monsieur le Premier ministre, qu’est-ce qui empêche le Gouvernement de mettre en place un tel dispositif, qui permettrait de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français, aux élus locaux et aux entreprises, de renforcer l’acceptabilité des mesures et de soulager notre démocratie ?
Enfin, qu’est-ce qui empêche également de demander à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), comme l’ont d’ailleurs fait aussi l’Afrique du Sud et l’Inde, la levée des brevets sur les vaccins, car pour vacciner, il faut des vaccins et il faut en produire.
Ce constat longuement posé, c’est désabusé et sans grand espoir que vous entendiez mon message que je vais néanmoins formuler quelques demandes pour accompagner les mesures que vous présentez cet après-midi et dont je ne conteste pas, faute d’alternative, le bien-fondé.
Il faut, d’abord, renforcer les moyens de l’hôpital. Le Ségur de la santé est insuffisant, les soignants sont exsangues, on peine à recruter des infirmières et des infirmiers. Il faut les récompenser davantage pour les efforts de la période et revaloriser leurs salaires de manière pérenne et significative.
Il faut aussi renforcer les moyens matériels et humains. Le Président de la République promettait jusqu’à 12 000 lits de réanimation en octobre, nous en sommes, selon ses dires, à 7 000. À Lyon, à Bordeaux, les hôpitaux militaires ferment alors qu’ils auraient pu accueillir des malades.
Monsieur le ministre, entendez enfin la lassitude et l’exaspération des soignants sans lesquels le bilan de la pandémie serait catastrophique. Comment cette crise n’a-t-elle pas encore débouché sur un plan Marshall pour l’hôpital public ?
D’autre part, il est plus que temps de prendre des mesures d’urgence sociale dignes de ce nom. Nous avons déjà des mois de retard : 10 millions de pauvres, des étudiants qui vont à la soupe populaire, votre dogmatisme néo-libéral est incompréhensible. Il faut abroger la réforme de l’assurance chômage, augmenter les minimas sociaux et automatiser leurs versements, élargir le RSA aux moins de 25 ans, rétablir les contrats aidés, aider les associations et tendre, demain, vers un revenu universel.
Nous vous demandons également une vigilance accrue envers tous les publics exposés par le confinement : les personnes seules, les personnes psychologiquement fragiles, les victimes de violences conjugales, tout particulièrement les femmes.
Vous fermez les écoles un mois, le temps des vacances de Pâques. Nous vous faisions cette proposition la semaine dernière, lors des questions au Gouvernement…
M. Guillaume Gontard. Nous sommes aujourd’hui soulagés que l’évidence ait fini par s’imposer.
Le retard de la vaccination explique, en partie, cette situation et les personnels scolaires doivent devenir un public prioritaire, car le manque de moyens, notamment humains, et les difficultés à trouver des remplaçants en sont aussi responsables.
Hier, le Président de la République évoquait le « combat du siècle » à propos du décrochage scolaire et des retards d’apprentissage de notre jeunesse. Espérons que, pour une fois, il ne s’agisse pas de ces propos incantatoires dont il a tant l’habitude, car il faut des moyens considérables pour notre école, pour dédoubler les classes, pour recruter et pour revaloriser les traitements des enseignants.
Pour financer cet effort national sans précédent, les hauts revenus doivent être mis à contribution. Enfermé dans votre idéologie, vous vous y refusez depuis le printemps dernier, pourtant, c’est indispensable d’un point de vue financier comme d’un point de vue moral pour garantir l’unité du pays.
Il faut mettre en place une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus dont la richesse s’accroît encore malgré la crise. Il en faut une autre sur toutes les entreprises qui ont fait des bénéfices grâce à la crise, notamment les géants de la vente en ligne et les grandes surfaces.
Monsieur le Premier ministre, les écologistes n’ont cessé d’être constructifs durant cette crise qui nous engage toutes et tous. Nous continuerons à l’être, quand vous voudrez bien nous consulter en amont. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, je le regrette, et vous comprendrez que nous ne prenions pas part, non plus, à cette mascarade démocratique. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au-delà des talents d’orateur qu’ont déployés ceux qui m’ont précédé, la dureté de certains propos, la véhémence de certaines attaques, les sarcasmes faciles, les procès sans appel m’ont conduit à interroger certains d’entre vous, qui m’ont répondu : « C’est le jeu ! » (Protestations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Croyez-vous, mes chers collègues, que le moment que nous vivons soit un moment de jeu ?
Mme Dominique Estrosi Sassone. Personne ne l’a dit !
M. François Patriat. Cela fait un an que l’inquiétude du covid-19 frappe l’ensemble des pays du monde, bouleversant les échanges, endeuillant les familles, transformant nos vies. Chacun d’entre nous a vécu dans sa ville, dans son entourage, dans son intimité, le doute, l’éloignement, la solitude et parfois le décès.
Un an pour mieux comprendre ce virus nouveau, c’est désormais le cas ; un an pour s’armer face à lui, pour lutter, chacun, mois par mois, contre l’évolution de la maladie, avec, en perspective, la vaccination en première ligne ; un an durant lequel nous avons tous dû prendre, en conscience, des décisions cruciales avec pour objectif d’agir en responsabilité et, pour nous tous, de tenir ensemble.
La question qui nous est posée aujourd’hui, après l’Assemblée nationale, est d’apporter ou non notre adhésion aux mesures prises par le chef de l’État et par le Gouvernement. J’entends parler de fausse concertation, de mise en demeure. Je peux vous dire que j’ai participé à tous les comités de liaison et que je n’ai jamais entendu de propositions de la part de présidents de groupe de cette assemblée. Jamais ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains. – M. Bernard Jomier s’exclame.)
On ne peut prétendre aujourd’hui qu’il n’y a pas eu de consultations, les décisions prises par le Gouvernement hier l’ont été après de nombreuses consultations, monsieur Jomier, je vous le dis ! Hier encore, vous évoquiez un homme seul au pouvoir ; vous tombez dans une irresponsabilité qui vous déshonore quelque peu. (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
Il y aura eu bien des anathèmes, bien des mises en demeure, bien des caricatures, beaucoup de « y’a qu’à, faut qu’on ». Il est facile, sur un plateau, de réclamer la fermeture des écoles, puis de dire, le même jour, qu’il serait inhumain de confiner les Français. Derrière ces mots, pourtant, il existe une multitude de réalités, des parents débordés, des enfants seuls face à leurs difficultés, d’autres, entourés par des tuteurs.
En laissant les écoles ouvertes, monsieur le ministre de l’éducation nationale, pendant 42 semaines, le choix a été fait de pallier ces inégalités, ce qui nous préserve aujourd’hui du drame éducatif que relève l’Unesco. Plutôt que de critiquer la France tous les jours, vous feriez mieux, parfois, d’en saluer les bienfaits !
M. Bernard Jomier. Ce n’est pas la France que nous critiquons !
M. François Patriat. Aujourd’hui, plus encore qu’il y a un an, l’humilité me semble essentielle. (Rires et applaudissements ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.) Merci, mes chers collègues, ces applaudissements me font chaud au cœur !
Pourrions-nous enfin sortir du jeu politique et des postures binaires qui, trop souvent, dénaturent notre débat ? Notre rôle impose que chacun de nos mots soit choisi avec responsabilité, dans ce climat où il est si facile de les user comme des leçons, des reproches ou des menaces.
J’entends qu’il y aurait d’un côté, ici ou là, ceux qui critiquent, qui savent, qui prédisent, qui écoutent et qui ne décident jamais et, de l’autre, ceux qui ignorent, qui sont arrogants, qui ne consultent pas, qui n’entendent pas, qui décident et dont les décisions sont toujours contestées. Non, ce jeu-là ne fait pas avancer notre pays, non plus que la lutte contre le virus.
Nous pouvons en sortir, parce que l’expérience de cette année de drame épidémiologique nous a apporté un certain nombre d’enseignements. Quels sont-ils ? Tout d’abord, l’évolution de l’épidémie a toujours été une suite d’aléas, de mauvaises surprises, d’événements venant contredire ce qui était, la veille encore, perçu comme une vérité. Chaque mesure nouvelle est un choix difficile, mais nécessaire.
Nos décisions, si nous les regardons rétrospectivement, ont montré leurs effets. J’ai à l’esprit, par exemple, la décision prise par le chef de l’État, il y a un an, en avril 2020, de rouvrir la vie au mois de mai. Celle-ci avait été contestée, y compris sur ces travées, qualifiée de prématurée et de dangereuse, mais elle s’est révélée efficace, juste et adaptée. Elle a été saluée à l’époque comme un modèle de déconfinement, que vous avez conduit, monsieur le Premier ministre.
On nous a reproché ensuite, au mois d’octobre, d’avoir pris la décision de confiner sans concertation, alors que nous étions, je vous le rappelle, à 50 000 contaminations par jour. À cette époque, au mois de novembre, j’ai un jour entendu, dans cet hémicycle, durant les questions d’actualité, sept questions demandant de rouvrir les commerces, les librairies, les discothèques, les salles de gym, etc. (Oui ! sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Vincent Éblé. Avec des masques, avec des vaccins !
M. François Patriat. J’ai entendu cela, alors que, dans le même temps, nous peinions à diminuer le nombre de contaminations, qui était de 50 000, et que nous sommes malgré tout arrivés à 20 000. Pendant ce temps, vous demandiez des mesures de liberté et vous accusiez le Gouvernement d’être liberticide.
Depuis trois mois, j’ai entendu tellement d’avis contraires ! Certains indiquaient qu’il fallait confiner, préventivement. Monsieur Retailleau, c’est pourtant une méthode qui n’a réussi dans aucun des pays où elle a été mise en œuvre. Le confinement préventif, cela n’existe pas, ce n’est utile que quand le virus est là. Ainsi, cela n’a pas empêché l’Allemagne d’avoir une forte contamination. Confiner préventivement n’est donc pas la bonne solution.
Il y a ceux qui auraient voulu, au contraire, laisser la France sans coercition, sans obstacle, dans une irresponsabilité que nous retrouvons parfois dans certains comportements. Ce qui s’est passé le week-end dernier dans telle ou telle ville que je ne citerai pas, ce que je vois au quotidien dans les métropoles, ne m’incite pas à affirmer sans réserve que la responsabilité irait de soi.
Certains s’adonnent à des comparaisons hasardeuses avec d’autres pays, les bonnes mesures étant apparemment souvent prises ailleurs. La fascination pour l’étranger qui sévit aujourd’hui me surprendra toujours ! Probablement oublient-ils de mentionner le nombre de morts aux États-Unis, où le covid-19 est la troisième cause de mortalité en 2020, où le taux de chômage atteint 14 % en avril, ou de préciser que le déconfinement réussi au Royaume-Uni se résume à la possibilité de se retrouver dans un parc à six personnes ?
Non, le Gouvernement ne prend pas de demi-mesures, il prend des mesures appropriées, graduées, pour faire face à l’explosion virale actuelle, et qui permettront de passer le pic dans quelques jours puis, dans quelques semaines, de revenir, grâce à la vaccination, à une vie presque normale.
Cette vaccination, certains n’en voulaient pas, au Rassemblement national, par exemple. J’ai ainsi entendu Mme Le Pen indiquer qu’elle ne se ferait jamais vacciner. M. Mélenchon et des membres de la France insoumise ont tenu les mêmes propos sur les plateaux (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.), je les ai encore entendus hier.
M. Jacques Grosperrin. Ce sont les mêmes !
M. François Patriat. Tel sénateur ici présent recommandait à tous les Français de se faire soigner à la chloroquine et disait, début janvier, dans un tweet, qu’on ne pouvait pas le prendre pour un cobaye ! Il se reconnaîtra.
Je rappelle que début janvier, 60 % des Français ne voulaient pas se faire vacciner. Pourtant, le Gouvernement a tenu. Il avait anticipé, il avait choisi de produire et d’acheter des vaccins dans le cadre européen. Heureusement que ce cadre a été respecté, sinon, je ne sais dans quelle guerre d’achat de vaccins nous nous trouverions aujourd’hui.
M. Jacques Grosperrin. Trop, c’est trop !
M. François Patriat. Le rythme des vaccinations, que certains ont contesté, a été tenu ! (Exclamations.) Vous avez douté de nous voir atteindre un million de personnes vaccinées en janvier, nous avons dépassé ce chiffre ! Vous avez douté de nous voir atteindre 4 millions de personnes vaccinées en février, nous avons dépassé ce chiffre ! Vous doutez que nous parvenions à 10 millions au mois d’avril et nous les dépasserons encore.
M. Vincent Segouin. C’est fini !
M. François Patriat. Vous doutez des 30 millions fin juin et nous y arriverons, et vous doutez encore que les Français puissent être vaccinés à l’été, c’est votre responsabilité !
Au moment de prendre une décision, aujourd’hui, on peut toujours contester toutes les mesures et, si j’en crois ce que disait ce matin un leader de l’opposition, il ne faut fermer ni les écoles ni les commerces. Mais alors, que faut-il faire face à cette situation explosive ?
Les mesures que propose le Gouvernement me semblent sages, elles pourront nous permettre de passer les trois ou quatre semaines difficiles qui précèdent l’embellie, sous l’effet de la vaccination. C’est la raison pour laquelle nous apporterons notre soutien aux décisions prises.
J’ai beaucoup entendu parler de Jupiter aujourd’hui, mais, en ce jour particulier et en vous entendant refuser de voter, c’est à Ponce Pilate que je pense et nous ne ferons pas partie de ce camp-là ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Huées sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, à l’écoute de votre déclaration, j’ai – soyez sûr que je le regrette ! – la sensation d’un déjà-vu. Vos propos sont dans la droite ligne des annonces du Président de la République, sans surprise. Depuis maintenant une année que ces déclarations se suivent, avec les prorogations de l’état d’urgence sanitaire, deux impressions sont devenues des certitudes.
Tout d’abord, celle d’un Président de la République qui décide, comme si la Ve République avait atteint son plafond de verre en ces instants dramatiques ; celle, ensuite, d’un exécutif qui parle des « choix collectifs que nous avons faits ». Je vous le demande : quel choix collectif a été fait ? Le confinement, le déconfinement, le reconfinement, le confinement limité, la fermeture des commerces, le couvre-feu à dix-huit heures, à dix-neuf heures, le rayon de vingt kilomètres, puis de dix kilomètres, le conseil de défense ?
Je crains, monsieur le Premier ministre, que nous n’ayons pas la même définition de ce qu’est un choix collectif dans une démocratie parlementaire. (M. Max Brisson applaudit.)
Une république moderne, comme la réclamait Pierre Mendès France en son temps, aurait nécessité que le débat parlementaire ait lieu avant l’allocution du Président de la République et que l’ensemble du corps législatif soit étroitement associé à toutes les décisions prises depuis maintenant un an.
Depuis un an, c’est – hélas ! – le même schéma qui se reproduit sans qu’aucune leçon ait été retenue. Je constate que le Président de la République a demandé aux soignants un effort pour augmenter nos capacités de réanimation, mais ce qui est nécessaire, avant tout, c’est de disposer de plus de main-d’œuvre et de moyens.
Le Président s’est voulu rassurant, mais le constat est tout autre : l’épidémie a bondi, la vaccination, si elle est effective, est encore trop lente et nous payons tous le pari d’avoir privilégié temporairement l’économie, au risque d’un rebond fulgurant de la contamination.
Je le dis sans ambiguïté : il n’y a aucune intention pour notre part de soulever des polémiques inutiles, mais nous avons l’impression, avec regret, que l’ensemble des mesures prononcées hier auraient pu, et auraient dû, être prises en amont et que nous avons perdu un temps précieux.
Sur ces mesures, je crois que nous pouvons tous partager l’objectif initial qui était de maintenir les écoles ouvertes. Maintenir ce lien entre l’école de la République et ses enfants était nécessaire, car on connaît les conséquences désastreuses d’un éloignement prolongé de l’école pour les élèves, notamment pour les plus défavorisés d’entre eux.
Toutefois, si le virus ne circule pas plus à l’école qu’ailleurs, il n’y circule pas moins non plus, aussi, la fermeture annoncée était devenue inévitable. Face à cela, la simple annonce d’un calendrier de réouverture est insuffisante.
Oui, vous avez annoncé le droit au chômage partiel pour l’ensemble des Français qui ne pourraient pas télétravailler, et ils sont nombreux, notamment dans les territoires ruraux. Pensez-vous pour autant qu’il soit aisé de télétravailler avec des enfants à la maison ? Il faut aller plus loin en proposant des alternatives de garde, en prenant plus largement en compte les 8 millions de familles monoparentales de notre pays.
Il faut, enfin, se servir de ces trois semaines de fermeture pour vacciner prioritairement les professeurs et les encadrants, ce qui permettra de concilier une réouverture rapide des classes et la protection sanitaire que nous devons à nos équipes éducatives.
Sur la vaccination, toujours, on ne peut que souscrire au « Vacciner, vacciner, vacciner » et à la volonté de voir l’ensemble de la population vaccinée au plus tôt.
Pour autant, là encore, on ne peut que regretter les atermoiements concernant la stratégie vaccinale.
Atermoiements, d’abord, sur la commande européenne, plus que timide.
Atermoiements, ensuite, sur le rythme de vaccination des plus âgés et des patients à risque.
Atermoiements, enfin, quant à l’utilisation du vaccin AstraZeneca ou sa suppression temporaire, alors même que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a demandé la poursuite de sa prescription, ce qui a créé la défiance et nourri les scepticismes.
Résultat, l’OMS – encore elle – a jugé que le rythme de vaccination en Europe est « inacceptable ».
À ce titre, même si nous sommes des Européens convaincus, il nous faut militer pour la levée des brevets concernant les vaccins et adapter notre appareil productif afin d’avoir la maîtrise de notre destin vaccinal. En somme, il nous faut agir plutôt que réagir pour atteindre nos objectifs de sortie de crise.
Concernant l’extension des mesures sanitaires à l’ensemble du territoire métropolitain et les règles des dix et des trente kilomètres, je crains que leur application ne soit matériellement difficile.
D’abord, dans les zones rurales, nombre de commerces et de services publics ou même de santé ne se situent pas dans un tel cercle, ce qui mettra automatiquement nombre de nos concitoyens hors la loi.
Ensuite, comment vérifier une adresse lorsque celle-ci n’est pas la même que celle du papier d’identité ? Et lorsque l’adresse est la bonne, comment être sûr que le cercle des dix kilomètres est bien respecté ? Les agents de police et les gendarmes ne sont pas dotés de décamètres !
Vous le savez, ce rayon de dix kilomètres sera tout aussi difficile à respecter dans les zones urbaines : si les services essentiels y sont sans doute plus proches, le besoin de s’aérer n’en est pas moins plus grand, d’autant que tout le monde n’a pas la chance d’avoir une résidence secondaire ou un pied-à-terre à la mer, à la montagne ou la campagne.
Enfin, si l’on a appris une chose de ce virus, c’est bien qu’il est imprévisible. Aussi, bien que nous le souhaitions et l’appelions de nos vœux, il nous paraît prématuré de parler de réouvertures diverses pour la mi-mai.
Monsieur le Premier ministre, un an après la mise en place de politiques diverses pour tester, tracer et isoler, que nous avons votées – ou non d’ailleurs – dans cet hémicycle, ce sont là autant d’éléments sur lesquels nous ne disposons pas d’évaluations, ce qui nous porte à douter de leur efficacité.
Un an après, des millions de Français ont toujours autant d’incertitudes : ils ne savent pas s’ils pourront un jour se soigner, travailler, étudier, aller au cinéma, au restaurant ou au café, bref, reprendre une vie normale et décente.
Au final, ce qui a manqué, c’est un débat préalable au Parlement, car c’est bien notre rôle de voter la loi et de contrôler votre action, conformément à l’article 24 de notre Constitution.
Ce qui a manqué aussi, c’est la confiance dans les élus locaux, qui, souvent, sont les plus à même de prendre des décisions pour leur territoire. Mettons-nous à la place du maire de Cahors, de Tarbes ou de Mende, qui voient les décisions arriver d’en haut et subissent du jour au lendemain la fermeture de leurs commerces non essentiels sans avoir été consultés.
Ce qui manque, au fond, c’est la confiance de nos concitoyens, des élus des territoires et de la majorité des membres du RDSE, dont vous connaissez pourtant l’attachement à nos institutions et la volonté de placer l’intérêt du pays au-delà de toute querelle partisane.
L’unité aurait été de mise, ainsi que l’image d’une nation rassemblée face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Hélas, monsieur le Premier ministre, l’unité nationale ne se décrète pas : elle se construit. Aussi, vous comprendrez que notre groupe, non pas à l’unanimité, mais dans sa très grande majorité, ne prendra pas part au vote. (Applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, si la vie de milliers de nos compatriotes ne tenait pas aujourd’hui à un fil, si la vie sociale et économique du pays n’était pas bouleversée, le débat auquel vous nous convoquez aujourd’hui s’apparenterait à une mauvaise blague.
Une nouvelle fois, le Président de la République a présenté seul, hier, des mesures pour lutter contre la pandémie, dont il a décidé seul, accompagné par le seul Conseil de défense. Le Parlement est donc définitivement perçu comme une chambre d’enregistrement, écartée progressivement depuis le début de la crise, et aujourd’hui, définitivement mise sur la touche.
M. Yves Bouloux. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. Nous sommes donc convoqués aujourd’hui pour vous écouter nous expliquer les décisions présidentielles, au cas où nous n’aurions pas bien compris. De surcroît, vous nous demandez de voter sur des propositions, d’une part, qui n’ont absolument pas été débattues préalablement, et, d’autre part, dont nous ignorons les motivations. En clair, nous ne savons pas pourquoi Emmanuel Macron a décidé certaines mesures qu’il rejetait quelques jours plus tôt, et pourquoi il en a écarté d’autres.
Dès le début de la crise, le 19 mars 2020, nous avons alerté, ici même, au Sénat, sur le risque de dérive autoritaire que comportait l’état d’urgence sanitaire. Depuis des mois, nous demandons de renoncer à cet état d’exception qui met le couvercle sur la démocratie. Rappelez-vous, mes chers collègues, de la dernière prorogation : nous avons rappelé que l’état d’urgence n’était plus une justification et que la gravité de la situation exigeait de rendre au Parlement sa capacité permanente de décision.
La représentation nationale, c’est la représentation du peuple, monsieur le Premier ministre. Le Parlement, c’est cela, et non un aréopage de gens inutiles, comme au temps du Conseil des Cinq-Cents. M. Macron et vous-même renvoyez à l’opinion publique cette conception qui serait la vôtre du Parlement.
Le mépris du Parlement est patent, et nous tenons à exprimer solennellement notre désaccord profond avec cette pratique institutionnelle. C’est même de la colère, monsieur le Premier ministre, car nous constatons la mise en pratique de la volonté jupitérienne d’écarter le Parlement de sa route, alors que la révision constitutionnelle préparée par le chef de l’État n’a pu être imposée ni ici ni au pays.
Cette dérive autocratique que beaucoup ont soulignée et dénoncée dès les premières heures du quinquennat prend une dimension inquiétante aujourd’hui, le Président de la République écartant tout de son chemin : Parlement, Conseil des ministres, puisque le Conseil de défense, détourné de son objet initial fixé par l’article 15 de la Constitution relatif au rôle de chef des armées du Président le supplée, et même le Conseil scientifique, puisque Emmanuel Macron, si l’on en croit les éloges de M. Blanquer, détient la connaissance, voire la science infuse en matière épidémiologique.
L’exercice solitaire du pouvoir n’est jamais une bonne chose pour la démocratie ; en temps de crise, cela peut générer des drames. La reprise en main par le Parlement, par le collectif, par la démocratie devient une nécessité absolue.
Hier soir, M. Macron nous a donc présenté ses choix : nouveau changement de pied avec la fermeture, brève pour l’instant, des établissements scolaires et l’abandon de la stratégie territoriale. On aura d’ailleurs noté cette étonnante initiative, au nom de la « respiration », d’autoriser la circulation dans tout le pays jusqu’au 5 avril, pour permettre sans doute aux propriétaires de résidences secondaires en particulier, de passer trois semaines ou le mois à venir au vert.
Ces évolutions, manifestes pour l’école, alors qu’au cours des jours qui ont précédé les ministres MM. Véran et Blanquer expliquaient que la situation était maîtrisée, sont justifiées par la nouvelle donne qu’impose le variant anglais.
Monsieur le Premier ministre, le 29 janvier, lorsqu’a été prise la décision de ne pas reconfiner et de préférer des mesures de freinage, qui ont échoué, vous saviez que le variant anglais pouvait avoir des effets dévastateurs dans notre pays.
Mme Éliane Assassi. Le 19 janvier, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a mis en ligne une modélisation estimant que le variant anglais « deviendrait dominant entre fin février et mi-mars ». L’Inserm avait également annoncé le niveau d’hospitalisation auquel nous allons parvenir dans les jours à venir.
Nous avons noté le scepticisme, au sein même du Gouvernement, concernant les annonces de Boris Johnson le 22 janvier sur un variant potentiellement plus mortel. Le 10 mars, une étude incontestée affirmait que ce variant anglais était « 64 % plus mortel ». M. Macron le savait, vous saviez ; pourtant, vous avez attendu d’être dos au mur, celui de la saturation des services de réanimation, pour agir. L’avenir nous dira si ces décisions sont suffisantes.
Nous ne détenons pas la vérité sur cette épidémie, ou du moins, pas plus que vous, monsieur le Premier ministre.
Mme Éliane Assassi. Les rebondissements dramatiques invitent, me semble-t-il, à l’humilité. Mais il y a une vérité que M. Macron a dissimulée hier en demandant encore plus d’efforts aux soignants : c’est cette saturation et les tris déjà engagés, puisque, ne jouons pas sur les mots, déprogrammer des opérations, c’est bien trier des malades et les mettre en danger. Vous savez très bien que la question du tri des malades de la covid se posera très vite.
M. Macron a annoncé, par un retour de la pensée magique, que 10 000 lits de réanimation allaient être ouverts rapidement, sans plus de précisions, de délai. Monsieur le Premier ministre, je vous ai interrogé ici même, au Sénat, il y a quinze jours sur la promesse non tenue depuis un an d’ouverture de ces lits de réanimation. Vous avez indiqué que de tels lits ne pouvaient se commander chez Ikea ni être créés en un claquement de doigts.
Vous ne pouviez pas ; M. Macron l’a fait. Qu’en pensez-vous ? Le Président cherche-t-il à faire oublier qu’avec vous il poursuit, contrairement à ses dires depuis un an, la fermeture des lits ?
Ce qui a été annoncé hier, c’est l’absence totale d’anticipation, soulignée par la Cour des comptes, en matière de réanimation. Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le Premier ministre, mais votre gouvernement est resté les deux pieds dans le même sabot en la matière, engoncé dans le dogme libéral d’économie de la dépense publique. Les conséquences sont aujourd’hui dramatiques. Le « quoi qu’il en coûte » n’a pas été appliqué pour l’hôpital.
Monsieur le Premier ministre, l’espoir, c’est le vaccin. Là aussi, vous avez failli et, avec vous, le système tout entier, cette fameuse loi du marché que dénonçait Emmanuel Macron dans son discours du 12 mars 2020. Le retard mortifère pris en matière de vaccination trouve son origine dans le fléau de la concurrence, du profit, des gains réalisés grâce à la maladie.
Les petits mensonges et autres travestissements de la vérité, les vaccinodromes que l’on moque puis que l’on convoque en urgence, les élus municipaux que l’on critique, que l’on bride mais qui sauvent la situation : tout cela n’aurait pas eu lieu si le vaccin avait été promu comme un bien commun, sorti des logiques capitalistes pour servir l’intérêt général, sans autre profit que la protection de l’humanité.
Pourquoi la France n’agit-elle pas pour la levée des brevets ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.) Pouvez-vous nous répondre, monsieur le Premier ministre ? Quelle est la boussole du Président : la santé de nos compatriotes ou le sauvetage d’une économie mondialisée en crise profonde ? La question mérite d’être posée.
J’en viens, enfin, à l’école.
Oui, maintenir les écoles ouvertes est un souhait largement partagé, et nous le partageons ; mais à quel prix ? Donnez-nous les éléments : combien de vies ont-elles été perdues ? Chacun ici a un proche ou un ami malade ou décédé du fait du retard pris pour limiter l’expansion du variant anglais. Les jours et les semaines à venir apporteront cette réponse.
Monsieur le Premier ministre, ce débat – je l’ai dit d’emblée – ne respecte pas le Parlement. Nous devrions débattre des mesures à prendre, mais elles sont déjà prises. C’est la confiance que vous devriez aujourd’hui demander au Parlement et, croyez-moi, nous ne vous l’aurions pas accordée tant la gestion de cette épidémie est contraire aux intérêts de notre pays, de notre peuple.
C’est pourquoi aujourd’hui, avec la quasi-totalité des groupes politiques du Parlement, nous avons décidé, en toute responsabilité, de ne pas participer au vote sur votre déclaration, car cette consultation n’est pas respectueuse de la Constitution et, qui plus est, elle est marquée, monsieur le Premier ministre, d’une certaine hypocrisie. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à vous remercier pour la qualité de ce débat. À l’écoute de vos interventions, j’ai compris que peu de groupes se prononceront. C’est votre choix de voter ou de ne pas voter.
En revanche, madame la présidente Assassi, le fait de provoquer un débat suivi d’un vote comme celui qui nous réunit est bien conforme à la Constitution. Si ce n’était pas le cas, vous seriez comme nous occupée à d’autres affaires.
Sur le fond, un certain nombre de questions ont été posées. Monsieur le président Marseille, vous nous avez tout d’abord interpellés sur la priorisation de la vaccination, notamment à destination des enseignants.
Comme vous le savez, depuis le début nous avons vacciné de manière prioritaire les publics les plus fragiles par tranche d’âge. À ce jour, 92 % des résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont protégés. La vaccination a ensuite progressé chez les plus de 75 ans, puis chez les plus de 70 ans, et elle sera bientôt ouverte aux plus de 60 ans.
À un moment donné, nous aurons suffisamment protégé les publics les plus vulnérables, celles et ceux qui vont en réanimation et qui décèdent des formes graves du covid. Nous observons déjà – et c’est heureux – que la vaccination permet d’enregistrer une baisse de la mortalité par rapport à l’intensité de l’épidémie. Nous pourrons ensuite vacciner des publics prioritaires.
Vous posez une question très légitime : qui est considéré comme appartenant à un public prioritaire et qui ne l’est pas ? Le Président de la République a souhaité que les enseignants, eu égard au fait que les classes sont restées ouvertes beaucoup plus longtemps que dans les pays qui nous entourent, puissent être vaccinés rapidement. Il a également évoqué les forces de l’ordre, qui peuvent être amenées à intervenir, y compris physiquement, auprès de personnes potentiellement contagieuses sans pouvoir forcément garantir le respect des distances.
Jean-Michel Blanquer, qui se mobilise à juste titre depuis des semaines en faveur de la vaccination des enseignants, a proposé – je trouve l’idée très bonne – de commencer par vacciner les enseignants au contact des enfants en situation de handicap. Chacun, dans cet hémicycle, pourra, me semble-t-il, reconnaître que c’est une proposition aussi juste que pragmatique. Je souhaite que nous puissions la concrétiser très rapidement.
Plusieurs questions ont ensuite été posées sur les autotests.
Je précise d’abord que, si vous voulez comparer la France et l’Allemagne en termes de nombre de tests réalisés – c’est votre droit –, il faut aller au bout de la comparaison. La France réalise 3 millions de tests par semaine, dont un tiers, soit 1 million, sont des tests antigéniques, qui sont réalisés en laboratoire, en pharmacie, par des médecins de ville, par des infirmiers et par tous types de soignants. Ces tests sont gratuits et sans ordonnance.
Outre-Rhin, les tests antigéniques ont été introduits en population générale il y a à peu près un mois, à raison d’une livraison de 40 000 tests remboursés, le reste faisant appel à du reste à charge pour les populations. L’Allemagne disposera désormais de tests PCR et d’autotests, alors que nous disposons pour notre part de tests PCR et de tests antigéniques depuis des mois et des mois, et que nous allons introduire des autotests.
Je dis bien des autotests, et non pas les autotests, car il faut distinguer les autotests de bonne qualité qui n’ont pas encore de marquage CE mais que nous allons autoriser en fast track afin de les rendre disponibles le plus vite possible, et des autotests de mauvaise qualité, dont la sensibilité est telle que, si vous jetez une pièce en l’air, vous avez plus de chance de tomber sur un bon résultat. Si nous mettions de tels autotests à disposition des Français, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne manqueriez pas de nous en faire reproche d’ici à quelques semaines, considérant que nous aurions joué avec la santé des Français.
Depuis le début de cette crise, le leitmotiv est qu’il faut aller vite – vous avez raison –, qu’il faut aller fort, qu’il faut refuser tous les blocages, tous les obstacles quand ils sont inutiles, mais qu’il ne faut pas faire n’importe quoi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si certaines des propositions qui ont émané du Sénat étaient de bonnes propositions, d’autres, qui s’apparentaient à des formes de saine pression, ne se sont pas avérées gagnantes. Monsieur le président Retailleau, je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler les débats que nous avons eus sur un médicament dont on sait aujourd’hui qu’il ne fonctionne pas.
M. François Patriat. Très bien !
M. Olivier Véran, ministre. J’ai même été rendu coupable de ne pas vouloir le prescrire comme des bonbons à tous les Français.
Après avoir distribué ce médicament dans des sachets en plastique à des dizaines de milliers de personnes, le président du Brésil, Jair Bolsonaro – que je ne cite pas souvent –, a indiqué que, s’il ne fonctionnait pas, ce médicament n’avait sans doute tué personne…
Monsieur le sénateur, je n’ai pas à rougir d’avoir tenu tête à des discours, qui, bien que futiles, furent parfois assez virulents et qui, dans la bouche de certains de vos collègues – pas dans la vôtre, bien sûr –, confinaient parfois à la démagogie.
J’en viens aux lits de réanimation.
Nous avons évoqué ce sujet ensemble il y a plusieurs mois de cela, monsieur Retailleau, et vous avez bien compris la situation car vous savez comment fonctionne la montée de lits de réanimation : vous savez qu’on mobilise les équipes et qu’on les transfère d’une unité de soins vers des unités de réanimation éphémères ou durables pour soigner les malades.
Des unités durables ont été ouvertes, par exemple à Paris ; 150 lits de réanimation ont été créés à l’hôpital Henri-Mondor l’année dernière et 60 seront encore créés cette année. Nous augmentons donc nos capacités durablement.
Parallèlement, nous transformons également des blocs opératoires et des salles de réveil pour augmenter ponctuellement nos capacités. Cela suppose de mobiliser du personnel – nous recrutons les étudiants, les retraités, la réserve sanitaire, les libéraux, les salariés, et toutes ces personnes traversent le pays quand il le faut pour venir en aide à leurs collègues –, mais cela nécessite aussi des déprogrammations. Il y a un an, nous sommes ainsi montés à 10 400 lits, mais nous n’avons pu le faire qu’au prix d’une déprogrammation intense.
Il y a un an, j’avais demandé l’activation du plan blanc dans tous les hôpitaux, en exigeant la déprogrammation de tous les actes dans toute la France pour que nous soyons prêts, parce que nous ne savions pas à quelle vitesse monterait la vague. Aujourd’hui, nous savons à quelle vitesse monte la vague : entre 50 et 100 patients sont admis en réanimation chaque jour. Nous déployons donc entre 50 et 100 lits de réanimation supplémentaires chaque jour.
Si je demandais aux établissements publics et privés de déprogrammer tous les soins pour monter d’un seul coup à 10 000 lits, créant ainsi 3 000 lits de réanimation vacants dans l’attente de patients qui ne seraient pas encore malades, vous ne manqueriez pas de me demander si je n’aurais pas perdu la boule et de pointer que tous les patients qui n’auraient pas été opérés pendant des semaines auraient pu l’être si j’avais procédé à la montée des lits de réa au dernier moment.
Mesdames, messieurs les sénateurs, faites confiance à nos soignants !
Eux sont en permanence au contact des malades. Ils savent quand ça devient chaud et qu’il faut ouvrir de nouveaux lits ou de nouvelles unités. Ils sont accompagnés au quotidien, jour et nuit, dans les plans de déprogrammation qui nous permettent d’augmenter nos capacités d’accueil.
Vous nous avez également interrogés sur le pass sanitaire.
Notre pays a une passion de l’égalité, à raison d’ailleurs. Un débat démocratique doit avoir lieu, notamment au sein des chambres parlementaires ; mais ma conviction personnelle est que, le jour où l’on pourra rouvrir des lieux pour le public, ils devront rouvrir pour tous. Je considère qu’on ne peut pas permettre à des Français qui seraient vaccinés d’aller manger au restaurant et l’interdire à ceux qui ne le sont pas. J’ai peut-être tort. Je n’en prends pas le pari, je vous livre simplement une opinion qui n’a pas de conséquence à l’heure à laquelle je vous parle. Nous menons actuellement des travaux préparatoires à la fois juridiques, sanitaires, scientifiques et légistiques. À leur issue, nous pourrons avoir ce débat crucial pour l’avenir de notre pays.
M. Bruno Retailleau. Il faut d’abord vacciner !
M. Olivier Véran, ministre. Enfin, vous avez, non pas posé la question, mais affirmé qu’il était trop tard pour confiner et qu’il aurait été préférable de le faire plus tôt.
Je vais vous dire très exactement ce que nous nous serions dit si le pays avait été confiné le 29 janvier : nous serions aujourd’hui en train de parler du confinement, car confiner le 29 janvier n’aurait pas suffi à empêcher le variant de monter. Le confinement n’a empêché le variant de monter ni en Allemagne, ni en Italie, ni dans les autres pays qui ont confiné pendant des semaines et des mois.
Aujourd’hui, nous pouvons constater que nous avons gagné du temps, du temps de liberté, certes sous contrainte et avec un couvre-feu, mais du temps de liberté quand même. Les commerces et les écoles sont restés ouverts en France beaucoup plus longtemps qu’à l’étranger.
Monsieur Retailleau, vous nous avez demandé si le risque juridique qui pouvait peser sur nos épaules était susceptible de nous freiner dans certaines décisions. Permettez-moi de vous répondre par une métaphore tirée d’un vieux film, Bienvenue à Gattaca, que j’apprécie beaucoup parce qu’il m’effraie autant que je le trouve esthétique.
M. Julien Bargeton. Excellent film !
M. Olivier Véran, ministre. Une nuit, deux frères s’affrontent à la nage en mer. L’un, qui souffre pourtant d’un handicap, parvient à aller plus loin que son grand frère en pleine forme. Ce dernier lui demande : « Comment as-tu fait ? » Son petit frère lui répond : « Je n’ai jamais économisé mes forces pour le retour. »
Quand on gère une crise sanitaire comme nous le faisons depuis treize mois, monsieur le sénateur, on ne peut économiser ni ses forces ni son énergie. Nous faisons ce que nous pensons être bon, car l’enjeu est de protéger les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, je tiens à indiquer d’emblée en réponse à certains propos que j’ai entendus que, si avec beaucoup de ministres de mon Gouvernement, je suis ici, devant vous, cet après-midi, c’est précisément parce que je respecte beaucoup le Parlement et le Sénat. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Tout au long des sessions, nous en administrons d’ailleurs la preuve.
Ne pas respecter le Parlement, donc le Sénat, ce serait le priver des droits et des prérogatives qu’il tient de notre Constitution et des institutions de la Ve République. Libre à certains – ils ne s’en privent pas, et c’est leur droit – de critiquer cette Constitution et ces institutions, mais on ne peut tout de même pas reprocher au Gouvernement de la République d’appliquer la Constitution de la République.
En application de l’article 34 de la Constitution, tout ce qui dans la gestion de cette crise sanitaire relève du Parlement est soumis au Parlement. Comme je l’ai dit ce matin devant l’Assemblée nationale, je vous demande aujourd’hui de vous prononcer – car la démocratie, c’est la clarté et la responsabilité – sur des prérogatives du pouvoir exécutif.
De vous à moi, je ne suis pas certain que le général de Gaulle, auquel je voue un immense respect, n’aurait pas trouvé iconoclaste qu’un gouvernement vînt demander au Parlement l’approbation de dispositions relevant de son autorité. C’est pourtant ce que nous faisons. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
De la même façon, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis, la gestion de cette crise est extrêmement transparente. (Mêmes mouvements.) Jamais les données – toutes les données, ce qu’on appelle l’open data –, tant sanitaires, économiques qu’épidémiologiques, n’ont été autant mises en ligne. Elles sont ainsi à la disposition non seulement – cela va sans dire – de la représentation nationale, mais de l’ensemble de nos concitoyens. Vous avez sans doute observé comme moi qu’ils ne se privent pas de s’en saisir pour commenter et critiquer – c’est leur droit élémentaire en démocratie – l’action des pouvoirs publics et du Gouvernement.
Chaque fois que le Parlement nous pose des questions, nous répondons.
Chaque fois que le Parlement, dans le cadre des pouvoirs légitimes de contrôle qui sont les siens, nous interroge, nous répondons.
Telle est d’ailleurs l’instruction que je donne quotidiennement aux ministres.
En ce sens, nous appliquons cette procédure : ce n’est pas moi qui l’ai inventée, ce n’est pas vous, et nous savons tous qui l’a inventée. Nous l’appliquons parce que la gestion d’une crise suppose toujours des prérogatives spécifiques pour le pouvoir exécutif, en France comme ailleurs, et que le moment est grave.
Ce n’est pas la première fois que j’applique cette procédure : je l’ai fait au moment du deuxième confinement, je l’ai fait pour venir vous présenter la stratégie vaccinale – ou plutôt, je me suis fait représenter car, étant cas contact, je n’ai pu venir moi-même –, et je le fais aujourd’hui.
Dans ces moments graves, en considération de la représentation nationale, je viens expliquer les tenants, les motivations et le contenu des mesures difficiles que le Gouvernement s’apprête à prendre en vertu des pouvoirs que la Constitution démocratique de notre pays lui a attribués. Rien de plus, mais rien de moins.
Je vous le dis sans le commenter, car c’est votre choix : prendre part à ce vote, dans le sens qu’en votre âme et conscience vous auriez souhaité lui donner, aurait été un exercice de clarification et de responsabilité, qui, pour autant – je n’en espérais pas tant – ne vous aurait pas rendus coresponsables de l’action des pouvoirs publics.
Cette action – vous le savez – est très difficile. Sur le fond, mesdames, messieurs les sénateurs, derrière les grands principes, je note d’ailleurs finalement beaucoup d’interventions mesurées de votre part (Murmures prononcés sur de nombreuses travées.), reconnaissant que la situation n’est pas simple, admettant, du fait du recul que nous avons maintenant, que ce qui se passe à l’étranger permet peut-être de tempérer les commentaires catégoriques ou expéditifs.
M. Bruno Retailleau. Nous sommes au Sénat !
M. Jean Castex, Premier ministre. L’épidémie s’accélère, elle est plus dangereuse et elle va, ici comme ailleurs, plus vite que la vaccination. Elle nous oblige à prendre des mesures complémentaires sur lesquelles je suis venu vous rendre des comptes.
Mais soyons clairs ! Le président Kanner, que j’écoute toujours attentivement comme j’écoute attentivement chacun d’entre vous, a indiqué que le résultat de tout cela, c’est-à-dire de l’action du Président de la République et de son gouvernement, était un « nouveau confinement ».
M. Patrick Kanner. Eh oui !
M. Jean Castex, Premier ministre. Vous aviez l’air de vous en désoler, cher président, mais dans le même temps, vous nous reprochez de ne pas l’avoir fait plus tôt.
Comprenne qui pourra !
M. Bernard Jomier. Mais si !
M. Jean Castex, Premier ministre. Quand j’interroge les uns et les autres, on m’enjoint souvent de prendre des mesures plus difficiles. Mais comme le président Retailleau l’a souligné, tout est dans l’art d’exécution. Or qu’est-ce qu’un confinement ? Allons-nous fermer les commerces ? « Surtout pas, monsieur le Premier ministre ! » Allons-nous fermer les écoles ? « Mais c’est le dernier rempart ! » « D’ailleurs, vous seriez peut-être inspiré de rouvrir des établissements publics culturels, des universités, des pistes de ski… »
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Jean Castex, Premier ministre. J’ai même entendu : « des discothèques » ! (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Toutes et tous ici vous saisissez à quoi je fais allusion, je vous respecte trop pour l’ignorer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’objectif du Gouvernement, c’est de prendre des mesures toujours proportionnées, qui reposent d’abord, j’y insiste, sur des critères sanitaires, mais pas seulement, car c’est le rôle des politiques de considérer aussi des critères autres que sanitaires.
Vous le savez bien, et l’exemple qu’a donné le président Malhuret, parmi d’autres, est extrêmement illustratif. Certains médecins expliquent qu’il faut fermer les écoles, quand leurs collègues pédiatres et non moins médecins, me semble-t-il, recommandent l’inverse.
Rien ne nous permet d’être catégoriques ; tout nous invite à être mesurés, progressifs et proportionnés. Face à la gravité de la situation, nous devons prendre des mesures plus lourdes ; c’est ce que nous faisons. Nous en mesurons, croyez-le bien, l’impact pour nos concitoyens, et vous avez souligné qu’il était considérable.
En particulier, je le dis devant tous les groupes et devant M. le ministre de l’éducation nationale, il y a un consensus : fermer les écoles, c’est la dernière extrémité. Nous avons été, quasiment dans le monde entier, parmi les derniers pays à recourir à cette extrémité. Par conséquent, si nous le faisons, c’est que malheureusement la situation l’exige.
En outre, pardonnez-moi de vous le dire, mais le faire à la veille des vacances n’a pas tout à fait les mêmes incidences scolaires que si nous l’avions fait il y a quinze jours. Dire le contraire ne serait pas vrai ! La mesure a quand même été calculée.
Il va falloir nous serrer les coudes. Je ne le dis pas forcément à titre politique, car je ne suis pas naïf. Je le dis pour notre pays, pour faire face à cette nouvelle épreuve. Je vous trouve toutes et tous, et je vous le dis tel que je le pense, particulièrement sévères.
C’est votre droit.
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. Jean Castex, Premier ministre. Mais acceptez que de mon côté j’aie le droit de vous faire part de ma pensée.
Au sujet de la vaccination, ne faisons pas croire à nos compatriotes qu’on pourrait trouver des doses n’importe où ! Monsieur le président Retailleau, l’ambassadeur d’Allemagne, avez-vous dit, et je connais bien le sujet, vous a affirmé qu’on pouvait commander des doses unilatéralement. L’Allemagne l’a-t-elle fait ? Vous savez bien que non ! Pourquoi ? Parce que, parallèlement, l’Europe a commandé beaucoup plus de doses. C’était je crois le vaccin Pfizer, je parle sous le contrôle des ministres compétents. Cet exemple est très illustratif. (M Vincent Segouin proteste.) Ne dites pas non, car c’est la vérité !
M. Bruno Retailleau. Et les États-Unis ?
M. Jean Castex, Premier ministre. Vous savez bien ce qui arriverait si tous les États, comme quelques rares d’entre eux l’ont fait, commandaient chacun de leur côté des doses de vaccin. Le résultat serait non pas qu’on en produirait plus, mais que les prix monteraient. C’est une évidence ! (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Laisser accroire à nos concitoyens…
M. Bruno Retailleau. Les faits sont là !
M. Jean Castex, Premier ministre. Oui, les faits sont là !
… qu’on pourrait trouver plus de doses qu’il n’y en a, cela n’est ni raisonnable ni responsable.
Notre devoir, en revanche, c’est de vacciner autant que possible dès que toutes les doses seront là. Le devoir de l’Europe, c’est de faire respecter les contrats qu’ont souscrits les industriels et les laboratoires. Croyez bien que nous nous y employons avec la dernière énergie !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le système de santé est très éprouvé. Je le redis à ceux qui se sont exprimés : là non plus, ne faisons pas croire qu’on peut créer des lits de réanimation en un an ; ce n’est pas possible. (Vives protestations à droite comme à gauche.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce sont pourtant les annonces du Président de la République !
M. Jean Castex, Premier ministre. Ne faites pas semblant de ne pas avoir compris ! On peut reconvertir des forces au service de la réanimation, mais on ne peut pas former un anesthésiste-réanimateur en un an, ni même une infirmière-anesthésiste. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Vous le savez très bien, madame Assassi !
Tout cela vient de loin, et je dois le redire au président Kanner qui nous reproche de fermer encore des lits. Je suis obligé de rappeler devant le Sénat ce que j’ai dit ce matin à l’Assemblée nationale : les moyens à l’hôpital ont un nom, il s’agit de l’Ondam hospitalier exécuté.
Je voudrais vous en redonner les chiffres, monsieur Kanner : en 2012, 2,6 % ; en 2013, 2,1 % ; en 2014, 1,7 % ; en 2016, 1,5 %. (Protestations sur les travées du groupe SER.) À la fin de l’année 2009, 8,9 % ; et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, 10,2 % !
Soyons donc tous raisonnables et humbles ! Les difficultés de l’hôpital ne datent pas d’aujourd’hui, nous le savons toutes et tous.
M. Alain Milon. Et sous Sarkozy ?
M. Jean Castex, Premier ministre. L’Ondam était encore supérieur à ce moment-là, cher sénateur Milon, je peux vous donner tous les chiffres.
Ne laissons pas accroire que ces difficultés viennent d’aujourd’hui et, surtout, que, s’agissant de postes aussi techniques que ceux d’anesthésistes-réanimateurs, on va pouvoir recruter et former du personnel dans un délai aussi court ! Ce n’est pas vrai.
M. Jean-François Husson. Promesses non tenues !
M. Jean Castex, Premier ministre. En revanche, comme vous l’a très bien expliqué et répété M. le ministre de la santé et des solidarités, nous faisons tout pour renforcer ces postes, pour les reconvertir, pour les redéployer, et pour faire appel à des réserves afin que ceux qui les tiennent puissent continuer de faire face, comme ils le font si admirablement depuis maintenant quatorze mois. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
Vote sur la déclaration du Gouvernement
M. le président. À la demande du Gouvernement, le Sénat est appelé à se prononcer par un vote sur la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre.
Conformément à l’article 39, alinéa 6 de notre règlement, il va donc être procédé à un scrutin public ordinaire dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement ; aucune explication de vote n’est admise.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :
Nombre de votants | 45 |
Nombre de suffrages exprimés | 41 |
Pour l’adoption | 39 |
Contre | 2 |
Le Sénat a approuvé la déclaration du Gouvernement relative à l’évolution de la situation sanitaire et aux mesures nécessaires pour y répondre. (Rires moqueurs. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification
Rejet en nouvelle lecture d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (proposition n° 461, résultat des travaux de la commission n° 477, rapport n° 476).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui en nouvelle lecture d’un texte majeur, pour concrétiser les engagements du Ségur de la santé dans un contexte sanitaire particulier.
Si nous voulons accroître les capacités de prise en charge des soignants, qui sont particulièrement mobilisés dans les établissements de santé, nous devons leur accorder encore plus qu’auparavant la confiance et les marges de manœuvre sur lesquelles nous nous étions engagés dans le cadre du Ségur de la santé.
Le Ségur de la santé, ce sont des sommes d’un montant sans précédent qui ont été mises sur la table, des revalorisations ambitieuses depuis septembre et des investissements pour l’ensemble du système de santé, dans les secteurs sanitaire, médico-social et numérique. À cet égard, avec le Premier ministre, nous avons lancé un premier projet, le 9 mars dernier.
Ces revalorisations ont été signées le 13 juillet dernier à Matignon, et elles profitent à l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux de l’hôpital et des Ehpad publics. Elles ont été étendues aux personnels des établissements et des services sociaux et médico-sociaux rattachés aux hôpitaux publics par un accord, le 16 février dernier. Des négociations se poursuivent pour rendre ces métiers du public plus attractifs. Il n’y aura pas d’oubliés du Ségur !
Au-delà de ces revalorisations salariales, attendues depuis longtemps, par-delà les âges et les alternances, le Ségur de la santé a permis de partager un diagnostic d’ampleur. Qu’il s’agisse d’investissements pour regarder l’avenir avec confiance, qu’il s’agisse de gouvernance pour assurer une juste participation de ceux qui soignent, qu’il s’agisse de l’élargissement des compétences des professionnels de santé, nous n’avons éludé aucun sujet.
Certaines des avancées introduites par la Haute Assemblée ont été conservées par l’Assemblée nationale. Cependant, au cours des travaux parlementaires, nous avons tenu à maintenir un équilibre avec ceux qui ont été réalisés pour l’ordonnance prévue à l’article 37 de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Cette ordonnance relative aux groupements hospitaliers de territoires (GHT) et à la médicalisation des décisions de l’hôpital a été présentée en conseil des ministres le 17 mars dernier. Les commissions médicales de groupements seront demain des instances décisionnelles dans la vie de ces établissements.
Par conséquent, les missions des commissions médicales d’établissement et de groupement, et leur président sont ainsi revus, conformément aux recommandations du rapport du professeur Claris, qui ont fixé le cap que nous suivons.
Par ailleurs, le Ségur a préconisé la réhabilitation « du rôle et de la place du service au sein de l’hôpital », en reprenant notamment une préconisation du rapport Claris.
Cette proposition de loi répond également, vous le savez, à la revendication ancienne des acteurs locaux, qui souhaitent disposer d’une plus grande liberté d’organisation interne, s’agissant par exemple des établissements de santé.
La crise a montré, et nous démontre encore, que les collectifs de soins savent s’adapter, s’organiser et surmonter des situations extrêmement sensibles, sans attendre pour cela un accord, une validation ou un feu vert venu d’en haut.
Si, dans un hôpital, les communautés sont d’accord pour adapter l’organisation médicale et pour avoir une gouvernance un peu différente de l’établissement d’à côté, comment justifier qu’on les en empêche ? L’enjeu est la confiance et le Gouvernement nourrit une grande confiance à l’égard des acteurs de terrain.
Nous devons continuer de progresser en matière de démocratie hospitalière. Ce texte propose justement de faire siéger au directoire des établissements publics hospitaliers un représentant des personnels non médicaux, un représentant des étudiants en santé et un représentant des usagers dont nous avons à apprendre. C’est une liberté donnée aux acteurs et nous y tenons, car c’est encore un gage de confiance.
Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé fortement dans la lutte contre le mercenariat de l’intérim médical, qui désorganise l’offre de soins dans nos territoires et met à mal les finances de nos hôpitaux. Vous aviez eu un débat intéressant, en première lecture, qui a démontré les limites des dispositions actuelles et la nécessité d’aller plus loin dans le contrôle de l’intérim pour mettre fin aux dérives.
Le texte ainsi rédigé permet une bonne fois pour toutes de rendre effectif le plafond réglementaire de l’intérim médical en obligeant le comptable public à rejeter tout paiement au-delà de ce plafond.
Cette proposition de loi renforce également un certain nombre de mouvements nés cet été avec le Ségur de la santé. L’un de ces mouvements est l’extension du champ de compétences de certaines professions. Je pense en particulier aux sages-femmes, aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes et aux ergothérapeutes.
Ouvrir le champ des actes ouverts à ces professions, c’est faire le choix de la confiance et de l’efficacité. Nous faisons le pari que notre système de santé ne sera en mesure de relever les défis auxquels il fait face qu’en rompant avec les querelles de chapelles et les prés carrés dans lesquels certains souhaiteraient nous enfermer.
De la même manière, nous avons élargi l’étendue du rapport sur les protocoles de coopération et pratiques avancées à la question spécifique de l’accès à des pratiques avancées aux infirmiers spécialisés, notamment aux infirmiers anesthésistes, afin de reconnaître leurs compétences.
J’ai tenu à revenir sur les principaux axes de cette proposition de loi, car ils constituent autant d’évolutions attendues par les acteurs et pour notre système de santé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de voir ce texte, qui traduit les recommandations du Ségur de la santé, revenir dans cet hémicycle. J’ai hâte que nos débats deviennent des réalités concrètes sur le terrain. Je tiens à saluer le travail de toutes celles et tous ceux qui ont enrichi ce texte et contribueront à lui donner la force d’une promesse tenue.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis chargée de vous présenter les principales observations de la commission des affaires sociales en remplacement de notre rapporteur Alain Milon, qui ne peut être présent du fait du bouleversement de l’ordre du jour de cet après-midi.
Nous entamons l’examen en nouvelle lecture d’une proposition de loi sans ligne directrice forte, texte dont nous avions pour beaucoup sur ces travées regretté le manque d’ambition et le caractère décousu.
Alors que notre système de santé est soumis à une pression inédite, le texte, à ce moment de nos discussions, laisse un goût d’inachevé : sans vraiment tirer les enseignements de la crise, il peine à répondre aux vives attentes exprimées lors du Ségur de la santé comme aux promesses de son intitulé – faire confiance et simplifier.
En raison d’un trop grand nombre de divergences entre l’approche du Sénat et celle de l’Assemblée nationale, à l’origine de cette initiative, la commission mixte paritaire réunie le 2 mars dernier n’est pas parvenue à établir un texte commun.
La poursuite de la navette a confirmé certains apports de la Haute Assemblée : l’élargissement de la vaccination aux biologistes, la prescription d’aides techniques par les ergothérapeutes, la désignation d’une sage-femme référente dans le parcours de grossesse ou celle de référents handicap dans les hôpitaux.
Nous avons aussi convergé pour rejeter le bénévolat individuel dans le contexte sensible des établissements de santé ou pour autoriser les professionnels hospitaliers des établissements de santé privés à intérêt collectif (Espic) à maintenir des dépassements d’honoraires sans menacer l’accès aux soins.
De même, sur la gouvernance hospitalière, les députés ont retenu la clarification opérée par le Sénat entre la fonction de chef de service et celle de chef de pôle, ainsi que la mesure favorisant une meilleure association de la commission des soins infirmiers à la conception du projet d’établissement.
Cependant, si nous saluons ces convergences ponctuelles, trop de dispositions formant le cœur de ce texte nous opposent, sans que la navette ait permis à ce stade de faire émerger des sujets de compromis.
Plus qu’à des désaccords de fond, madame la ministre, c’est à la publication voilà seulement quinze jours de deux des onze ordonnances promises par la loi Santé sur les GHT et sur l’attractivité des carrières hospitalières que nous devons le rejet systématique, et quelque peu contraint, par l’Assemblée nationale des dispositions que nous avions introduites en première lecture. C’est là une curieuse façon de légiférer, qui fait d’un projet d’ordonnance encore en gestation le censeur politique a priori de nos amendements sur des dispositions connexes.
Tel a donc été le sort de nos articles, qui prévoyaient un maillage plus pertinent et mieux intégré de l’offre de soins, en rendant notamment obligatoire l’élaboration du projet territorial de santé, afin que la structuration de l’offre suive une trajectoire réellement ascendante.
De la même façon, et malgré la volonté revendiquée dans le texte initial de traduire par voie législative les recommandations issues des concertations du Ségur de la santé, la demande exprimée par les personnels paramédicaux d’une participation accrue à la direction de l’établissement et d’une plus grande représentativité du président de la commission des soins infirmiers, que nous avions satisfaite en première lecture, n’a pas été acceptée par l’Assemblée nationale.
Nous avons en revanche été davantage surpris que l’Assemblée nationale, en ressuscitant l’article 8 bis, que nous avions préalablement supprimé, charge la commission des affaires sociales du Sénat de désigner, à partir de critères non définis, la sénatrice ou le sénateur qui aura qualité pour siéger au conseil de surveillance de l’établissement principal des établissements publics de santé. Cette disposition nous semble inapplicable en l’état et, sur la forme, assez discourtoise. Nous aurons à cœur de la supprimer dès que possible.
Enfin, madame la ministre, je veux rappeler solennellement devant vous notre position au sujet de la lutte contre l’intérim médical. Animés de la même intention que vous, nous avions néanmoins tenté de vous alerter sur les faux espoirs que suscite l’idée, juridiquement bancale, d’un contrôle de légalité de la dépense d’intérim par le comptable public opéré à l’issue de l’engagement de cette dernière.
Le circuit de la dépense publique, qui oblige ses ordonnateurs à l’égard des prestataires qu’ils sollicitent, ne permet pas que le contrôle d’opportunité de la dépense intervienne au moment de son paiement. Les intérimaires ayant signé, le plus souvent avec des directeurs d’hôpitaux contraints, des conventions de prestations parfaitement légales contesteraient ce défaut de paiement devant les tribunaux administratifs et remporteraient leur contentieux.
L’Assemblée nationale a considéré que le recours aux instruments budgétaires ordinaires de l’hôpital, dont on déplore souvent l’excès de détails, n’était pour l’occasion pas assez précis pour détecter en amont un recours abusif à l’intérim. Notre commission l’a contredite : elle a bel et bien proposé de faire figurer ces dépenses individuelles facturées par intérimaire au compte financier de l’établissement, pour que l’ARS empêche une dépense irrégulière, dès le stade de l’engagement, et neutralise le risque de contentieux ultérieur. L’avenir seul dira si nos craintes étaient justifiées et si la solution que vous proposez est opérante.
Permettez-moi, mes chers collègues, de conclure ce propos par un sujet qui, bien que ne figurant pas explicitement dans la proposition de loi, ne peut être passé sous silence, alors que nous débattons de l’avenir de l’hôpital public. Je veux évoquer les craintes nombreuses et légitimes qu’expriment en ce moment, à l’approche des épreuves de sélection pour l’entrée en deuxième année, les étudiants en santé de première année, qui achèvent cette première étape de leur parcours en faisant face, pour un nombre de places identique, aux anciens étudiants de la Paces de l’an dernier admis au redoublement.
Le prédécesseur de l’actuel ministre de la santé avait fort bien anticipé ce problème, en promettant lors du vote de la loi Santé que, pour cette seule année, un pourcentage supplémentaire d’étudiants admis en deuxième année soit spécifiquement dédié à la gestion de ces redoublants, afin de ne pas créer d’inégalités au détriment des étudiants primants.
Les chiffres progressivement arrêtés par les différentes universités, dont la transparence s’est malheureusement dégradée depuis la mise en place du numerus apertus, confirment que cet engagement ne sera malheureusement pas respecté. De très nombreux parlementaires ont tenté de saisir de cette question, et par tous les moyens, votre collègue Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, laquelle n’a pour l’heure fourni que des réponses évasives à la représentation nationale. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous partager sur ce sujet des éléments susceptibles de nous rassurer.
Pour l’heure, alors que le Sénat se prononce en nouvelle lecture sur ce texte, la commission des affaires sociales a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable et vous demandera, mes chers collègues, de l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hier, mercredi, le Président de la République a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre la pandémie de covid-19. Aujourd’hui, le Sénat débute l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à améliorer notre système de santé. Or nous savons toutes et tous que notre système de santé souffre, plus que jamais avec cette pandémie, d’un manque de lits, de personnels et de services surchargés. Nous savons pertinemment que les personnels soignants, qui sont en première ligne, sont épuisés.
La tension est tellement forte que bon nombre de médecins nous alertent sur le risque d’un tri des patients dans les services de réanimation, mais également sur les déprogrammations d’interventions chirurgicales, entraînant des pertes de chance. D’ailleurs, les nouvelles restrictions annoncées par le Président de la République sont en partie liées à l’insuffisance de nos capacités hospitalières, ce qu’il n’a pas caché. Notre groupe ne cesse de dénoncer les politiques menées depuis plus de vingt ans, qui, de coupes budgétaires en coupes budgétaires, sont responsables de l’état de nos hôpitaux publics et de l’affaiblissement de notre système de santé.
Cette proposition de loi n’est pas à la hauteur des enjeux : elle est déconnectée de la réalité des hôpitaux et n’est pas de nature à redresser la barre. Pis, certaines mesures vont encore aggraver la situation.
Ainsi, en renforçant l’autonomie des hôpitaux et des groupements hospitaliers de territoire, ce texte affaiblit encore davantage le service public national de santé. On le voit déjà dans les projets en cours. Pour ne prendre qu’un exemple, la création programmée à Saint-Ouen d’un hôpital-cathédrale pour remplacer les hôpitaux Bichat et Beaujon va entraîner la suppression de près de 400 lits et de 1 200 emplois. Comment justifier que la modernisation indispensable de ces hôpitaux provoque une réduction des capacités d’hospitalisation dans une zone qui souffre déjà d’un manque de structures hospitalières ?
Ce que demande la coordination composée de personnels, de syndicalistes, d’élus, de patients, d’habitantes et d’habitants du secteur, c’est non seulement de moderniser Bichat et Beaujon, mais également de construire un nouvel hôpital. J’étais encore à leurs côtés ce matin devant l’hôpital Bichat pour faire entendre leurs exigences.
Outre ces raisons structurelles, permettez-moi de m’arrêter sur trois questions traitées dans le cadre de cette proposition de loi.
Premièrement, nous nous opposons à l’élargissement des missions des psychologues de l’éducation nationale. Aujourd’hui, à l’école, on observe une pénurie de médecins et de psychologues scolaires. Il faut donc embaucher, revaloriser ces professions et non modifier leurs missions.
Deuxièmement, concernant la demande ancienne des orthophonistes visant à autoriser l’accès direct aux soins orthophoniques, afin de mieux orienter un certain nombre de patients et de fluidifier leur parcours de soins, nous regrettons les reculs du Gouvernement face à la pression de certaines corporations, qui a entraîné la suppression de l’amendement adopté par le Sénat dans un très large consensus. Madame la ministre, je vous alerte sur ce point.
Troisièmement, je veux redire ici qu’il y a urgence à inclure dans les objectifs du projet social des hôpitaux la lutte contre les comportements sexistes, racistes et homophobes. Je vous renvoie, madame la ministre, mes chers collègues, à une enquête de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), publiée 18 mars 2021, selon laquelle un tiers des étudiants et étudiantes en médecine ont déjà été victimes de harcèlement sexuel lors de leur stage et selon laquelle, dans neuf cas sur dix, le harceleur était un supérieur.
Beaucoup de manques, des propositions qui confortent les politiques menées jusqu’à présent : autant de raisons pour nous opposer à cette proposition de loi en nouvelle lecture comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Madame la ministre, j’aurais aimé partager votre satisfaction, mais, lors de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 2 mars dernier, j’étais avant tout mal à l’aise face à la proposition de loi de Mme la députée Stéphanie Rist. Si je salue évidemment l’intention et la mise en place du Ségur de la santé, avouons-le, il reste de trop nombreux oubliés.
Nous étions en conférence avec un certain nombre de professionnels de santé du département de la Mayenne, et je peux vous assurer qu’il ne se passe pas une semaine sans que mes collègues et moi-même soyons interpellés sur le sujet. Il n’est pas tout à fait logique que certains professionnels ne bénéficient pas de la même rémunération ou, en tout cas, de la même revalorisation salariale que les autres. Des personnels de Ssiad m’ont même indiqué que, cette année, ils auront du mal à remplacer les infirmiers pendant les vacances.
Le texte issu de l’Assemblée nationale a donc suscité beaucoup d’interpellations émanant de toutes les professions de santé. En première lecture, le texte de la rapporteure a subi de nombreuses transformations à l’Assemblée nationale, ce qui était déjà une alerte en soi.
D’autres modifications sont intervenues au Sénat. Jusqu’aux dernières heures précédant la réunion de la commission mixte paritaire, nous recevions encore, les uns et les autres, quantité de demandes au sujet de ce texte.
Je suis donc très ennuyée par une proposition de loi dont la rédaction ne semble pas convenir à de nombreuses professions. C’est particulièrement problématique.
Avec les membres de mon groupe, nous avions approuvé et salué les mesures budgétaires du Ségur, tout en soulignant que certains professionnels avaient été oubliés. Aujourd’hui, cette proposition de loi, qui se voulait la traduction des mesures non budgétaires du Ségur de la santé, n’atteint que très partiellement cet objectif.
Je retiens néanmoins de ce texte les avancées bienvenues concernant la profession de sage-femme. Le chapitre II lui est majoritairement consacré. Il prévoit notamment la possibilité pour la patiente de désigner une sage-femme référente, afin de favoriser la coordination des soins en lien avec le médecin.
Il sera aussi désormais possible pour une sage-femme d’adresser ses patientes à un médecin spécialiste, sans pénaliser ces dernières pour ce qui est du remboursement des soins par l’assurance maladie. Il s’agit d’une mesure de simplification du parcours de santé là encore bienvenue. Tel est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi.
Je rappelle enfin le point de vigilance que j’avais soulevé en première lecture : nous ne pouvons étendre indéfiniment le champ d’intervention des professionnels sans améliorer leur statut, qui est actuellement hybride, puisqu’il est médical devant la loi, mais souvent paramédical pour l’administration. Une réflexion devrait être menée pour faire converger statut et compétences.
Quatre journées de mobilisation se sont déjà tenues depuis le début de l’année : le 26 janvier, les 10 et 24 février et, dernièrement, le 8 mars. Les sages-femmes sont à bout : l’heure est aux mesures concrètes. Elles demandent notamment une augmentation des effectifs, la reconnaissance de leur statut de profession médicale à l’hôpital, un alignement des salaires sur les autres professionnels de santé, ainsi que l’ouverture de négociations conventionnelles dans le cadre du rapport des 1 000 premiers jours.
Je souhaite que la mission de l’IGAS, qui devrait remettre ses conclusions d’ici à l’été, puisse aboutir à des mesures à la hauteur des enjeux lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je ne m’étendrai pas davantage sur le fond du texte. Je vous redis mon malaise et ma perplexité, après toutes les auditions et le travail mené sur cette proposition de loi. Je regrette que le Sénat et l’Assemblée nationale n’aient pu s’entendre. De nombreux points de divergence nous séparent. Aussi, je ne vois pas ce qui peut nous réunir au-delà de quelques articles consensuels que le Sénat a améliorés.
Je partage l’analyse de notre rapporteur Alain Milon : « sur le cœur des dispositions, l’Assemblée nationale a rétabli, pour l’essentiel, son texte de première lecture », notamment en matière de gouvernance hospitalière, alors que le Sénat avait adopté des propositions constructives sur des points concrets de cette évolution.
Dans ces conditions, poursuivre le débat n’aurait pas tellement de sens et risquerait en définitive de créer de faux espoirs chez les professionnels de santé. Aussi, les sénateurs du groupe Union Centriste prennent acte de l’échec de la commission mixte paritaire et voteront la motion tendant à opposer la question préalable.
Je veux rappeler combien les collègues de mon groupe sont très attentifs à ce que vous puissiez améliorer la situation de l’ensemble des professionnels concernés par le Ségur de la santé, notamment sur un plan budgétaire.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
Mme Élisabeth Doineau. Aujourd’hui, M. Laforcade, qui a été missionné sur le sujet, a rendu ses conclusions. Nous aimerions connaître les résultats de ce rapport.
Pour ce qui est des mesures non budgétaires, on a le sentiment que certaines professions restent frustrées, si l’on en juge par tous les mails et les appels que nous recevons.
Les membres du groupe Union Centriste ne peuvent cautionner ce texte : cela signifierait qu’ils acceptent qu’il y ait des oubliés et des frustrés du Ségur de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons à nouveau pour étudier cette proposition de loi dans un contexte marqué par la crise que nous connaissons.
Il y a un an, les Françaises et les Français applaudissaient spontanément le personnel soignant. Après une année très difficile, un dévouement sans précédent de ces personnels, le décès de beaucoup d’entre eux, tous avaient imaginé une prise de conscience collective et un appui ferme et unanime des pouvoirs publics. Ils auront entendu le chef de l’État hier soir leur demander de nouveaux efforts.
En contrepartie, pour répondre à leurs demandes, le Gouvernement propose un texte largement insuffisant, d’ailleurs marqué par des rétropédalages et des ajouts de dernière minute, un texte qui ne répond qu’à une infime part des demandes, et qui n’y répond du reste pas toujours bien.
Cette proposition de loi apparaît plus que jamais en décalage avec les besoins matériels et humains dont notre système de soins a besoin. C’est la raison pour laquelle l’écrasante majorité des syndicats et des associations de professionnels de santé s’est positionnée contre son adoption.
Vous avez fait le choix de légiférer dans une certaine forme de précipitation. Malgré d’importantes contributions du Sénat, l’Assemblée nationale a, pour l’essentiel, rétabli in fine son texte.
La proposition de loi avait pour ambition de réaffirmer le rôle des services et du chef de service dans la gouvernance de l’hôpital. Nous pensons en effet qu’ils constituent une unité pertinente dans la prise de décision, dans l’organisation et la mise en œuvre de l’offre de soins, et que les réformes successives de l’hôpital les ont trop éloignés des instances décisionnelles.
Mais, au fond, ce texte ne procède ni à un réel changement de cap ni à une nouvelle répartition des compétences entre les pôles d’activité et les services qu’attendent pourtant les personnels hospitaliers. Avec cette loi, la gouvernance de l’hôpital ne répondra toujours pas au besoin de reconnaissance des soignants, pas plus qu’elle ne tirera vraiment les leçons de la crise. Par exemple, vous n’avez pas tiré les enseignements du printemps dernier lorsque l’hôpital, malgré la surcharge extrême, fonctionnait mieux, car l’administration était au service des soignants, et non dans la complication et la limitation permanente de leur action.
« Confiance et simplification », dites-vous, quand le 17 mars dernier, à l’issue du conseil des ministres, le Président de la République a signé deux ordonnances déclinant les dispositions de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. L’une de ces ordonnances est « relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l’hôpital », quand l’autre vise « à favoriser l’attractivité des carrières médicales hospitalières ».
Sur la forme, vous ne respectez pas le principe de l’ordonnance. En juillet 2019, le Parlement vous donnait sa confiance pour légiférer de la sorte, afin de vous donner le temps d’un travail rigoureux associant l’ensemble des représentants des professions concernées. À l’arrivée, comment pouvez-vous estimer que les concertations ont été menées dans de bonnes conditions, alors qu’il en résulte un rejet massif des organisations syndicales ?
Un collectif regroupant un grand nombre de médecins a dénoncé dans un récent communiqué des ordonnances « écrites à marche forcée ces derniers mois, aboutissant lors du Conseil supérieur des personnels médicaux, pour la première, à un vote unanimement défavorable de l’ensemble des représentants des praticiens et, pour la seconde, à un vote majoritairement défavorable de cette représentation ». Voilà comment les premiers concernés jugent cette loi.
Sur le fond, ces deux ordonnances reprennent les thématiques de la proposition de loi que nous examinons actuellement. Quelle crédibilité accordez-vous au Parlement pour le traiter ainsi ? C’est entre autres pour cette raison que, en première lecture, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a proposé une motion tendant au renvoi du texte en commission.
Ce n’est pas surprenant : les leçons de la pandémie ne sont toujours pas tirées. En vérité, soignants comme parlementaires, nous attendons une loi Santé à la hauteur de l’engagement de nos professionnels de santé, des transformations nécessaires du système de soins. Nous en sommes tellement loin que la poursuite de ce débat ne nous semble pas utile. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons en nouvelle lecture prévoit un ensemble de mesures non budgétaires issues des conclusions du Ségur de la santé. Je regrette, comme beaucoup d’entre nous, l’échec de la commission mixte paritaire le 2 mars dernier et la suppression par l’Assemblée nationale de la plupart des mesures adoptées par le Sénat.
Les désaccords portent essentiellement sur trois points : les protocoles de coopération et la création d’une profession médicale intermédiaire, les moyens de lutter contre les dérives de l’intérim médical et la gouvernance hospitalière.
L’amendement de notre collègue Alain Marc visant à étendre le dispositif d’exercice en pratique avancée aux infirmiers anesthésistes a été supprimé en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. La disposition proposée par Franck Menonville tendant à renforcer le rôle des élus au sein du conseil de surveillance des établissements de santé a également été supprimée.
D’autres mesures importantes ont connu un sort similaire. Je pense notamment à l’autorisation de primoprescription et à la délivrance du traitement de prévention du VIH par les médecins de ville et les pharmaciens, que le Gouvernement a jugé prématurées. Lorsqu’il est question de la santé de nos concitoyens, je pense qu’il n’est jamais trop tôt pour agir.
La navette parlementaire a néanmoins contribué à enrichir le texte. La possibilité de désigner une sage-femme référente a été maintenue, ainsi que l’extension de l’acte de vaccination aux pharmaciens et aux biologistes. Les orthophonistes, les masseurs-kinésithérapeutes et les ergothérapeutes auront bientôt la possibilité d’adapter des prescriptions médicales. Ces mesures concrètes contribueront à faciliter le parcours de soins des patients.
Je partage la réflexion de notre rapporteur, Alain Milon, sur l’article 1er instituant une nouvelle profession médicale. L’exercice en pratique avancée répond précisément à l’objectif d’ajouter un maillon supplémentaire dans l’offre de soins, sans pour autant la rendre plus complexe et, donc, moins accessible.
En revanche, je suis favorable à certaines avancées plus volontaristes de l’Assemblée nationale en matière d’accès à la santé : le renouvellement des arrêts de travail de plus de quinze jours par l’ensemble des sages-femmes, la prescription de traitements des IST aux partenaires, ainsi que leur autorisation à orienter leurs patientes vers la médecine spécialisée.
En outre, la création de la plateforme numérique d’accès au droit pour les personnes en situation de handicap est une disposition importante de cette proposition de loi. Mon collègue Daniel Chasseing avait proposé en séance publique d’étendre le bénéfice de cette plateforme aux personnes âgées dépendantes. L’examen du projet de loi Grand Âge sera l’occasion de réexaminer cette mesure.
Le texte contient des avancées intéressantes. Conformément aux usages de notre groupe, nous avons choisi de ne pas voter la motion déposée par la commission, car nous souhaitons poursuivre les discussions et l’examen des amendements que nous avons déposés.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture, nous avions relevé la déception et les inquiétudes de la majorité des acteurs de santé quant à cette proposition de loi : le texte marquait une véritable incapacité à se saisir des enseignements de la crise sanitaire pointés lors du Ségur de la santé.
Sur le versant financier, malgré un début de rattrapage du décrochage des rémunérations, le Gouvernement n’en poursuit pas moins aujourd’hui les projets de fermeture de lits. De même, le versant dit « non financier » du Ségur témoigne d’un rendez-vous en grande partie manqué.
Aujourd’hui même – ce n’est pas un poisson d’avril ! –, l’hôpital militaire Desgenettes de Lyon ferme ses urgences alors que son service de médecine, sous-employé, pouvait accueillir les patients covid ne nécessitant pas ou plus de réanimation, à deux pas de l’hôpital public Édouard-Herriot désormais saturé. La casse continue.
Comme les acteurs de santé, nous avons apporté notre contribution pour que cette crise ouvre sur une rénovation profonde de notre système de santé.
Au Sénat, le travail parlementaire avait permis de supprimer les articles unanimement contestés lors des auditions. Le groupe écologiste avait ainsi salué quelques avancées. Je pense bien sûr à la possibilité pour la femme enceinte de désigner une sage-femme référente et à l’accès direct aux soins d’orthophonie, défendu largement sur nos travées.
La majorité des articles les plus contestés ont été rétablis par l’Assemblée nationale, notamment l’article relatif à la compétence de recrutement donnée à l’établissement support du GHT pour le compte des établissements parties. Ce rétablissement valide l’analyse et les craintes des acteurs locaux de santé. Ces derniers redoutent une intégration principalement au service d’une logique d’économies et non, malheureusement, pour construire une offre hospitalière efficiente maillant l’ensemble du territoire.
Le bilan de la réforme de la gouvernance hospitalière reste bien pauvre. Ainsi, l’Assemblée nationale valide la suppression de la concertation interne préalable à la nomination du chef de service, demandée par la majorité sénatoriale, mais elle n’a pas l’audace d’expérimenter l’élection de ce même chef de service par ses pairs.
L’article qui renforce la lutte contre le recours abusif à l’intérim, objectif qui fait l’unanimité, ne s’attaque nullement aux causes de ce phénomène. La pénurie dans certaines spécialités médicales, aggravée par le décrochage des rémunérations des praticiens hospitaliers – au point que certains préfèrent l’exercice en clinique privée –, explique le recours aux dépassements d’honoraires jusqu’au mode le plus dégradé, l’intérim, avec les abus qu’il implique.
Les injonctions paradoxales faites aux directeurs – continuité du service, refus du chantage ou fermeture des services – ne sauraient constituer la seule réponse, pour ne pas dire la défausse du Gouvernement.
Enfin, le comble a été atteint au sujet de l’accès direct aux soins en orthophonie. Cette disposition avait reçu le soutien des deux commissions des affaires sociales, de la rapporteure de l’Assemblée nationale et de la majorité du Sénat. Non seulement elle a été supprimée par un amendement de dernière minute du Gouvernement, mais l’autonomie de la profession a subi une régression inédite quant au diagnostic orthophonique et à l’élaboration du traitement.
Une telle impéritie, un tel passage en force nous conduisent à condamner la méthode en plus du fond : nous ne voyons plus, nous non plus, l’intérêt de poursuivre l’examen de ce texte. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en conséquence la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Bernard Jomier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, « les plus grands artistes sont ceux qui possèdent le don de simplification à l’usage des autres », a écrit Claude Lelouch. C’est également vrai des décisions en matière de politiques publiques.
La confiance mutuelle des acteurs de la santé est le préalable nécessaire à toute simplification dans ce domaine. La simplification, elle, est devenue un enjeu majeur pour permettre à chaque soignant d’effectuer sa mission au mieux et à chaque patient d’être soigné et remboursé efficacement.
Pendant cette crise sanitaire, cette simplification a prouvé sa nécessité absolue : d’une part, pour désengorger les urgences ; d’autre part, pour permettre la continuité des soins habituels. À ce titre, l’élargissement de la télémédecine remboursée pour tous, quel que soit le département du médecin, a permis d’assurer l’accès aux soins, notamment dans les zones sous-dotées, comme mon département de l’Eure. J’ai d’ailleurs écrit il y a quelques jours à M. le ministre des solidarités et de la santé pour lui demander la pérennisation de cette simplification au-delà de la crise sanitaire.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui constitue la traduction législative des mesures issues des conclusions du Ségur de la santé, pour la partie non budgétaire.
Le texte a été enrichi lors de sa première lecture au Sénat, et je souhaite souligner le travail du rapporteur, Alain Milon, et de la commission des affaires sociales. Certaines des mesures introduites par le Sénat ont été conservées par l’Assemblée nationale. Je pense à l’ouverture du droit de vaccination aux pharmaciens et biologistes ou encore aux dépassements d’honoraires des professionnels libéraux en Espic.
En outre, deux articles provenant d’amendements défendus par le groupe RDPI ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux chambres, et nous nous en félicitons : l’article 7 bis B, visant à assurer l’interopérabilité du système d’information au sein des groupements hospitaliers de territoire ; et l’article 14 bis A, permettant la mise en place d’un référent handicap au sein de chaque établissement de santé.
L’Assemblée nationale a rétabli les dispositions supprimées par le Sénat, notamment certaines mesures soutenues par notre groupe en première lecture, qu’il s’agisse du rapport sur la création d’une profession intermédiaire, de la lutte contre les dérives de l’intérim médical ou encore du projet managérial.
Face à ces modifications, une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée. Or il serait regrettable d’arrêter ici les échanges : ce texte contient des mesures essentielles, demandées par les soignants depuis des années. D’autres méritent sans doute encore un travail d’amélioration, mais elles ne justifient pas un tel rejet en bloc.
Les demandes des professionnels de santé ont été entendues, avec notamment 754 millions d’euros supplémentaires engagés en faveur des urgences pour la période 2019-2022. Le rapport Claris et le Ségur de la santé ont permis de préciser ces demandes.
Cette proposition de loi représente ainsi plusieurs avancées concrètes : l’élargissement des protocoles locaux de coopération ; l’évolution du rôle des sages-femmes, qui pourront notamment prescrire des arrêts maladie et les prolonger ; l’élargissement du droit de prescription pour elles et les masseurs-kinésithérapeutes ; la réinstallation de la fonction de chef de service ; la lutte contre les dérives de l’intérim médical ; ou encore la prise en compte des étudiants en santé dans l’élaboration du projet social.
Pour défendre toutes ces avancées, et parce que nous croyons profondément en la valeur des débats dans cet hémicycle, nous sommes favorables à ce texte : le groupe RDPI votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici une nouvelle fois réunis pour examiner la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.
Après l’échec de la réunion de la commission mixte paritaire du 2 mars dernier, l’Assemblée nationale a rétabli son texte, pour l’essentiel, en le complétant.
Concernant le statut des sages-femmes, l’Assemblée nationale a décidé de déroger quelque peu au respect du parcours de soins centré sur le médecin traitant, qui, pour nous, devait demeurer le principe.
En matière de gouvernance hospitalière, le Sénat avait exclu la présence d’étudiants au sein des directoires des établissements publics de santé. Cette possibilité a été rétablie par l’Assemblée nationale, et nous nous en réjouissons. Elle permettra de faire connaître la vision et les attentes des jeunes. C’est un signal positif que nous leur adressons.
Pour lutter contre les dérives de l’intérim, l’Assemblée nationale a rétabli le dispositif permettant aux directeurs généraux des ARS de déférer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers tout en donnant des pouvoirs au comptable public. Certains considèrent qu’un tel dispositif peut mettre les directeurs d’établissement en difficulté. Nous pensons au contraire qu’il leur enlève une responsabilité et les protège. Un bilan d’étape sera nécessaire sur ce point, qu’il faudra évaluer avec prudence et pragmatisme.
A également été rétablie l’intégration d’un projet managérial au projet d’établissement des établissements publics de santé ; nous sommes convaincus de son utilité. On ne saurait réduire la maîtrise des techniques managériales à des enjeux de rentabilité. Bien au contraire, elles permettent d’améliorer le fonctionnement des équipes et des services.
Je salue le maintien par l’Assemblée nationale de plusieurs de nos propositions. Je pense notamment à l’extension des compétences des professions paramédicales : l’idée était d’étendre le champ de leurs prérogatives. Ainsi, les ergothérapeutes, les orthophonistes et les masseurs-kinésithérapeutes ont vu leurs droits de prescription étendus. Je pense également à la possibilité donnée aux pharmacies à usage intérieur et aux laboratoires d’analyses de biologie médicale d’effectuer certains actes de vaccination, propositions que le groupe du RDSE avait introduites.
Néanmoins, nous déplorons la suppression de certains apports du Sénat, comme le déploiement de l’exercice en pratique avancée des infirmiers anesthésistes, que notre groupe a défendu.
Nous aurions souhaité faire plus pour l’attractivité des métiers, parvenir à une équité entre secteurs public et privé d’intérêt collectif. Nous avions proposé à ce titre de permettre aux praticiens salariés d’un Espic de pratiquer des dépassements d’honoraires, dans la limite des dispositifs prévus par la convention médicale. À notre regret, cette possibilité n’a été retenue que pour les professionnels les pratiquant déjà au 24 juillet 2019, date de promulgation de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Ce choix risque d’avoir pour effet de créer une nouvelle inégalité, au sein des Espic cette fois-ci.
À l’issue du Ségur, qui avait suscité beaucoup d’espoirs, force est de constater que le présent texte répond insuffisamment aux ambitions. Il vient tout de même compléter des mesures qui étaient attendues – il ne faut pas le nier – et contribue à la remédicalisation de la direction de l’hôpital. Il est évident que nous pourrions encore l’améliorer. Voilà pourquoi la grande majorité du groupe du RDSE s’abstiendra de voter contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour la nouvelle lecture, en séance publique, de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Cette lecture devrait être assez rapide – sans préjuger, bien sûr, le résultat du vote de la motion tendant à opposer la question préalable.
Après une commission mixte paritaire elle-même rapide, témoignant ainsi des profondes divergences qui opposent la chambre haute et la chambre basse, nous avions toutefois secrètement l’espoir que la majorité gouvernementale daigne conserver certains apports votés au Sénat. Dire que nous avons été déçus est un euphémisme, mais cela n’est rien à côté de la déception des professionnels de santé ; déception d’autant plus grande que leur engagement au service des patients est sans faille depuis le début de la pandémie.
Le présent texte partait pourtant d’une bonne intention. Nous ne pouvions que souscrire à l’idée de traduire dans la loi les conclusions du Ségur de la santé, même si, par sa composition, ce dernier annonçait un texte hospitalo-centré.
Madame la ministre, y a-t-il un sujet plus transversal et consensuel que la santé ? Pourtant, vous avez réussi à fédérer l’ensemble des groupes d’opposition des deux assemblées contre ce texte, pas toujours pour les mêmes raisons, mais avec un constat partagé : cette proposition de loi ne résout pas l’essentiel.
Face au mécontentement croissant des professionnels de santé, il était devenu impératif d’agir avec détermination afin de répondre à cette détresse, révélée au grand jour par la pandémie de la covid-19. Un calendrier particulièrement serré ne vous a pas laissé le temps de préparation nécessaire à l’élaboration d’un texte complet et abouti. Toutefois, la méthode employée par le Gouvernement et la majorité présidentielle lors du second passage de ce texte à l’Assemblée nationale n’est pas excusable.
Le Sénat avait voté un certain nombre de dispositions visant à améliorer notre système de santé, pour reprendre la terminologie de l’intitulé de cette proposition de loi. Or, avec une méthode quasi binaire, vous avez alterné rétablissement de la version votée en première lecture par l’Assemblée nationale et suppression des articles additionnels votés par le Sénat. Je pourrais concevoir de telles manières de faire sur des sujets très clivants, mais, sur un sujet qui doit nous rassembler et faire consensus, je ne peux me résoudre à comprendre cette méthode, qui remet directement en cause les vertus de notre système bicaméral.
Certes, quelques points de convergence demeurent, mais de manière ponctuelle. À titre personnel, je me réjouis tout de même que la vaccination par les biologistes et les pharmaciens hospitaliers ait été conservée dans la version votée par l’Assemblée nationale.
Cela étant, le cheminement de ces amendements est assez symptomatique de l’impréparation et des hésitations de l’exécutif face à cette crise sanitaire. L’amendement visant à permettre aux biologistes de vacciner a été voté en séance publique au Sénat. Par la suite, il a été supprimé par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, avant de revoir le jour en séance publique avec une forme de bienveillance de la part du Gouvernement. Même si je suis satisfaite du résultat, ces péripéties m’interrogent sur la capacité du Gouvernement à déterminer un cap clair et précis et, surtout, à s’y tenir.
M. René-Paul Savary. Eh oui !
Mme Corinne Imbert. De la même manière, je m’interroge quant au cheminement de l’amendement tendant à permettre une prise de rendez-vous directement chez les orthophonistes. Cette disposition, votée par la Haute Assemblée, répondait à un principe de réalité – notre collègue vient de le rappeler. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait conservé cet apport de bon sens. Pourtant, le Gouvernement est revenu sur le consensus obtenu en modifiant cette disposition en séance publique.
Madame la ministre, je regrette ce type de méthode, qui ne respecte pas le travail des commissions concernées.
Les difficultés structurelles de notre système de santé ne sont en rien résolues : on reporte inlassablement ces sujets vers des textes futurs et hypothétiques, dont les titres sont vecteurs d’espoir et les contenus parfois créateurs de désespoir. J’en veux pour preuve une question que vous connaissez bien, celle du bien vieillir : à force d’attendre le projet de loi Grand Âge et autonomie, il sera bientôt trop tard pour les personnes concernées. Et qu’en est-il de la différenciation territoriale en matière d’accès aux soins ? On évoque un projet de loi 4D, dont l’intitulé futuriste cache votre capacité à résorber les difficultés du quotidien.
Vous l’aurez compris, cette méthode ne nous satisfait pas ; ce texte ne nous satisfait pas. Pis encore qu’une divergence idéologique profonde qui justifierait une opposition frontale de notre part, cette proposition de loi n’est tout simplement pas à la hauteur. Plus qu’un rendez-vous raté, c’est un rendez-vous manqué.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Milon, au nom de la commission, d’une motion n° 18.
Cette motion est ainsi rédigée :
Considérant, d’une part, que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur plusieurs articles de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, des points de désaccord importants subsistent sur des aspects aussi décisifs que le refus par l’Assemblée nationale d’une territorialisation de l’offre de soins hospitaliers plus attentive à l’expression des besoins directs des acteurs locaux de santé ou encore sa réticence à reconnaître à la commission des soins infirmiers la qualité d’organe représentatif des personnels paramédicaux de l’hôpital ;
Considérant, d’autre part, les problèmes réels que soulève l’article 8 bis introduit en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, qui charge la commission des affaires sociales du Sénat d’une mission difficilement réalisable de recensement exhaustif de l’ensemble des établissements publics de santé et de désignation, sur des critères non définis, du sénateur qui pourra siéger au conseil de surveillance de leur établissement principal, cette dernière notion ne renvoyant par ailleurs à aucune réalité juridique déterminée ;
Considérant également qu’aucune disposition du droit en vigueur ne s’opposant à ce qu’un parlementaire sollicite du président du conseil de surveillance de n’importe quel établissement public de santé sis dans sa circonscription le droit de siéger ponctuellement ou non audit conseil de surveillance, le Sénat s’engage à proposer la suppression du présent article 8 bis à la faveur d’un prochain véhicule législatif ;
Considérant enfin les doutes que continuent d’inspirer au Sénat, malgré son intention louable, l’article 10 sur la lutte contre le recours abusif à l’intérim médical et les risques élevés de contentieux que suppose un transfert au comptable public d’un contrôle de légalité d’une dépense d’intérim déjà engagée par l’établissement ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme la présidente de la commission, pour la motion.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. En application de l’article 44, alinéa 3, de notre règlement, la commission des affaires sociales a déposé sur ce texte une motion tendant à lui opposer la question préalable, afin de manifester l’opposition du Sénat à l’ensemble de ses dispositions. Bien entendu, il ne s’agit pas pour la Haute Assemblée de rejeter le détail de toutes les mesures contenues dans la proposition de loi – certaines d’entre elles sont d’ailleurs le fruit de réflexions que nous avons conduites –, mais de prendre acte de l’incompatibilité des positions de nos deux assemblées et, ainsi, de l’inutilité de poursuivre plus avant nos débats.
La discussion générale a montré en termes éloquents que les espoirs initialement soulevés par ce texte, gros de la belle unanimité sortie des accords du Ségur, ont été cruellement déçus par la modestie de ses dispositions.
Je considère pour ma part que la nette aggravation de la situation sanitaire, dont nous venons de débattre devant le Gouvernement, oblige désormais à adapter nos discussions à la gravité des enjeux. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cette question préalable, dont les considérants figurent dans le document qui vous a été remis.
M. le président. Personne ne demande la parole contre la motion ?…
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je regrette évidemment le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable, dont l’adoption nous empêcherait de poursuivre nos riches débats, qui – les orateurs l’ont rappelé – ont permis d’améliorer le texte sur certains aspects en première lecture. Je pense notamment aux ouvertures de compétences à certains professionnels.
Par souci de concision, je ne fournirai que quelques éléments complémentaires.
S’agissant de la territorialisation de l’offre de soins hospitaliers, nous maintenons que nous souhaitons faire confiance aux professionnels et leur laisser le temps de mettre en place dans les territoires les organisations que nous avons déjà votées. Nous pensons également aux hôpitaux de proximité, qui représentent une réelle avancée pour la structuration des soins hospitaliers : ils répondent à la demande des acteurs de terrain, que vous-mêmes relayez régulièrement.
S’agissant de la lutte contre l’intérim médical, menée à travers l’article 10, je tiens à rappeler une nouvelle fois la position du Gouvernement : les dérives de l’intérim médical sont aujourd’hui un fléau, et vous le savez. Aussi, nous vous proposons avec ce texte de contrôler cet intérim a priori, par le contrôle d’un comptable public sur le montant de la rémunération engagée par l’ordonnateur.
Nous ne pouvons laisser peser cette responsabilité sur le seul directeur d’établissement, comme c’est le cas aujourd’hui : dans certaines situations, celui-ci n’a d’autre choix que de répondre à la demande du professionnel pour maintenir une activité. Il pourra désormais rappeler que le plafond réglementaire s’applique avec un contrôle a priori par le comptable public et qu’il n’y a aucune dérogation possible. C’est un dispositif puissant, qui répond à un engagement fort.
Enfin, s’agissant des compétences professionnelles, les deux chambres ont permis des avancées concrètes pour plusieurs professions. Je pense en particulier aux sages-femmes, citées par Mme Doineau, qu’il s’agisse de la prescription d’arrêts de travail sans limitation de durée, de l’actualisation de la liste des médicaments dont la prescription leur est ouverte, de l’adressage par la sage-femme à un médecin spécialiste ou encore de la déclaration d’une sage-femme référente. Je pense également aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes : le renouvellement de l’accès à ces professionnels dans l’année qui suit la prescription est rendu possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, cette proposition de loi comporte de nombreuses avancées pour les professionnels et pour le système de santé. Ces dernières sont particulièrement attendues. C’est pourquoi je suis défavorable à cette question préalable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. En première lecture, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste avait déposé une motion tendant à opposer la question préalable. Vous ne l’aviez malheureusement pas votée, mes chers collègues. La suite du cheminement de cette proposition de loi montre pourtant que nous avions raison.
Une autre motion est aujourd’hui présentée par la majorité de droite de la commission des affaires sociales. Elle contient un certain nombre de considérants avec lesquels nous ne sommes absolument pas en désaccord.
Je tiens simplement à appeler votre attention sur un point que j’ai mentionné lors de la discussion générale : pour des raisons fondamentales et structurelles, cette proposition de loi va dans le sens d’un affaiblissement du système de santé ; cet affaiblissement provient en partie des budgets qui nous sont proposés au titre des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Or notre groupe vote toujours contre ces budgets de restriction et d’austérité, qui mettent à genoux notre système de santé : ils ont conduit à la situation que connaissent aujourd’hui nos hôpitaux. C’est important de le souligner une fois de plus, car certains ont parfois la mémoire courte : les protestations ponctuelles ne suffisent pas, il faut avoir de la suite dans les idées !
Les politiques d’austérité menées depuis vingt ans sont responsables de l’affaiblissement de notre système de santé. C’était vrai avec Mme Bachelot ; c’était vrai avec Mme Touraine ; c’était vrai avec Mme Buzyn ; et c’est vrai aujourd’hui avec M. Véran !
Tout en continuant à dénoncer ces politiques de restriction budgétaire, de quelque travée qu’elles viennent, parce qu’elles nuisent gravement à la santé publique, nous allons voter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Certains points soulevés par notre collègue Laurence Cohen m’ont paru pertinents. Son groupe avait effectivement proposé de voter d’emblée une question préalable. Pour notre part, au sein de la commission, nous avions fait le choix d’une stratégie : la discussion. En voyant comment notre travail a été traité, nous sommes en droit de nous interroger et d’avoir des regrets.
Nous avons été considérablement déçus, et nous n’avons pas été les seuls. Ce texte porte un titre extraordinaire – confiance et simplification –, qui nous a fait rêver, au point que nous avons peut-être été piégés. On est forcément tenté de voir de près ce qui se trouve derrière un tel intitulé. Mais, je le répète, nous avons été vite déçus.
J’ai participé à un certain nombre d’auditions. J’ai vu aussitôt que les partenaires doutaient de cette proposition de loi. Toutes les organisations que nous avons reçues se sont aperçues que la confiance n’était pas tout à fait au rendez-vous ; quant à la simplification, on a eu du mal à la trouver. Nous avons fait des propositions qui auraient pu la favoriser, mais le Gouvernement ne les a pas retenues. C’est donc sans état d’âme que nous voterons cette question préalable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 18, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Respect des principes de la République
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (projet n° 369, texte de la commission n° 455 rectifié, rapport n° 454, avis nos 448 et 450).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre II du titre Ier, l’examen de l’article 6.
TITRE Ier (suite)
GARANTIR LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE ET DES EXIGENCES MINIMALES DE LA VIE EN SOCIÉTÉ
Chapitre II (suite)
Dispositions relatives aux associations, fondations et fonds de dotation
Article 6 (suite)
Après l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. – Toute association ou fondation qui sollicite l’octroi d’une subvention au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :
« 1° À respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;
« 2° À ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
« 3° À s’abstenir de toute action de nature à constituer une menace pour l’ordre public.
« Cette obligation est réputée satisfaite par les associations agréées au titre de l’article 25-1 ainsi que par les associations et fondations reconnues d’utilité publique.
« L’association ou la fondation qui s’engage à respecter les principes résultant du contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit en informe ses membres par tout moyen.
« Lorsque l’objet que poursuit l’association sollicitant l’octroi d’une subvention ou que son activité est illicite, ou que les activités ou modalités selon lesquelles l’association ou la fondation les conduit sont incompatibles avec le contrat d’engagement républicain souscrit, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la subvention demandée.
« S’il est établi que l’association bénéficiaire d’une subvention poursuit un objet ou exerce une activité illicite, ou que les activités ou modalités selon lesquelles l’association ou la fondation les conduit sont incompatibles avec le contrat d’engagement républicain souscrit, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède au retrait de cette subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, et enjoint au bénéficiaire de lui restituer, dans un délai ne pouvant excéder trois mois à compter de la décision de retrait, les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.
« L’autorité ou l’organisme mentionnés au premier alinéa du présent article qui procède au retrait d’une subvention dans les conditions définies au huitième alinéa communique sa décision au représentant de l’État dans le département du siège de l’association ou de la fondation. Celui-ci en informe, le cas échéant, les autres autorités ou organismes concourant, à sa connaissance, à son financement.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 492, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. – Lorsque l’objet que poursuit une association ou une fondation sollicitant l’octroi d’une subvention, au sens de l’article 9-1 auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial, ou que son activité est illicite, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la subvention demandée.
« S’il est établi qu’une association ou une fondation, bénéficiaire d’une subvention, poursuit un objet ou exerce une activité illicite, ou de nature à troubler l’ordre et la paix publics en provoquant des tensions et divisions au sein de la communauté nationale, en incitant des personnes ou des groupes à s’en séparer ou à s’affranchir des règles communes édictées par la loi, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède au retrait de cette subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, et enjoint au bénéficiaire de lui restituer, dans un délai ne pouvant excéder trois mois à compter de la décision de retrait, les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.
« Lorsque l’association ou la fondation bénéficiaire d’une subvention est enjointe de restituer les sommes versées au titre d’une subvention, l’autorité judiciaire compétente peut y assortir une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros.
« L’autorité ou l’organisme, mentionné au premier alinéa du présent article, qui procède au retrait d’une subvention dans les conditions définies au deuxième alinéa, communique sa décision au représentant de l’État dans le département du siège de l’association ou de la fondation. Celui-ci en informe, le cas échéant, les autres autorités ou organismes concourant, à sa connaissance, à son financement. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement vise à réécrire complètement l’article 6 et, ainsi, à supprimer le contrat d’engagement républicain pour les associations et les fondations.
Le terme « contrat » est profondément mal employé. Il laisse entendre qu’une association pourrait exister sans respecter nos principes et lois communes. En outre, cette charte n’empêchera nullement un élu local d’islamo-clientélisme – elle pourrait même le couvrir. De même, elle n’aura aucune contrainte réelle sur les agissements d’une association séparatiste ou islamiste qui l’aurait signée en pratiquant une stratégie de taqîya, c’est-à-dire de dissimulation. Il existe déjà beaucoup trop de chartes non appliquées : n’en rajoutons pas ! Notre peuple n’a jamais vaincu ses ennemis en leur faisant signer une charte, mais en établissant un plan de guerre et de résistance !
Par ailleurs, cet amendement tend à renforcer la législation afin d’autoriser le retrait de subventions aux associations et aux fondations qui favorisent notamment le communautarisme islamiste ou qui sont inspirées par des idéologies de nature à troubler l’ordre et la paix publics en provoquant des tensions et divisions au sein de la communauté nationale, en incitant des personnes ou des groupes à s’en séparer ou à s’affranchir des règles communes édictées par la loi. De plus, il convient de donner le pouvoir à l’autorité judiciaire d’assortir tout retrait de subvention effectué auprès d’une association d’une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros, notamment s’il s’agit d’une association islamiste qui aurait obtenu une subvention en usant d’un objet trompeur. Cette mesure financière punitive est bien plus dissuasive que le contrat d’engagement républicain prévu par cet article.
Nous devons en finir avec la dilapidation de l’argent public auprès d’associations qui participent au délitement de notre nation et nourrissent nos ennemis. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter mon amendement, qui se veut réaliste, réactif, pragmatique et efficace. Je le résumerai par ces quelques mots : moins de chartes, plus de charters ! (Exclamations scandalisées sur les travées du GEST.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. M. Ravier propose de réécrire complètement l’article 6, alors que la commission souhaite le conserver, même si elle y a apporté quelques modifications. La réécriture suggérée retirerait toute référence aux principes républicains que nous soutenons aujourd’hui. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 492.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Organisation des travaux
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je rappelle que la séance de demain est ouverte. Étant donné que nos travaux avancent désormais relativement bien, je suggère que nous ne siégions que le matin et l’après-midi, jusqu’à dix-neuf heures, et pas le soir.
M. Jean-Pierre Sueur. Bonne idée !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Si nous conservons un rythme soutenu, sans renoncer au débat, qui est bien évidemment nécessaire, nous pourrions achever la discussion de ce texte jeudi prochain, le soir ou la nuit. À défaut, nous devrions ouvrir la séance de vendredi prochain.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le Gouvernement est en phase avec ce que propose le président de la commission des lois, y compris pour ce qui concerne l’ouverture éventuelle de la séance du vendredi 9 avril.
M. le président. Mes chers collègues, à la demande de la commission et en accord avec le Gouvernement, nous pourrions donc poursuivre la discussion de ce texte demain jusqu’à dix-neuf heures, sans siéger le soir.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Comme tout le monde semble d’accord et que, je le rappelle, il reste juste 500 amendements à examiner, je ne doute pas que vous ferez tous preuve de synthèse…
Article 6 (suite)
M. le président. Je suis saisi de vingt et un amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 443 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche, Leconte et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 11
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. 10-1. – Les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial peuvent conditionner l’octroi de subventions à des associations à la signature de la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités locales du 14 février 2014.
« Lorsque l’objet que poursuit l’association dont émane la demande est manifestement illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les conduit ne sont manifestement pas compatibles avec la charte précitée, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la subvention demandée.
« S’il est manifeste que l’association bénéficiaire d’une subvention poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec la charte mentionnée à l’alinéa premier du présent article, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède, par une décision motivée et après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, au retrait de cette décision et enjoint au bénéficiaire de lui restituer les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.
« Le texte de la charte précitée est annexé à la présente loi.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne sommes pas favorables au contrat d’engagement républicain. Il existe déjà une charte des engagements réciproques, qui a été très minutieusement et laborieusement élaborée en 2001, à l’occasion du centenaire de la loi de 1901. Elle a ensuite été réactualisée en 2014.
La charte, contrairement au dispositif prévu à l’article 6, a été élaborée de manière véritablement concertée avec le monde associatif. Il est essentiel de s’appuyer sur cette charte, d’autant qu’elle ne comporte aucun élément stigmatisant à l’égard des associations, lesquelles doivent bien entendu affronter toutes les conséquences attendues lorsque leurs activités sont contraires aux objectifs fixés par la loi.
Dans la mesure où nous soutenons tant la liberté d’association que la liberté des collectivités territoriales, nous estimons que la charte des engagements réciproques constitue la réponse intelligente à la question posée. Nous sommes de fervents défenseurs des associations – Jean-Pierre Sueur a eu l’occasion de le rappeler hier soir. Nous disons donc oui à la charte des engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités locales et non au contrat d’engagement républicain !
M. le président. L’amendement n° 442 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 9
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 10-1. – Toute personne morale qui sollicite l’octroi d’une subvention, d’un prêt ou d’une garantie de prêt auprès d’une autorité administrative ou d’un organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial s’engage à respecter les principes de liberté, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de non-discrimination, de fraternité et de respect de la dignité de la personne humaine.
« Lorsque l’objet que poursuit la personne morale dont émane la demande est illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les conduit ne sont pas compatibles avec les principes de la République, l’autorité ou l’organisme sollicité refuse la demande.
« S’il est manifeste que la personne morale bénéficiaire d’un avantage défini au premier alinéa poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec les principes républicains, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention procède, par une décision motivée et après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations, au retrait de cette décision et enjoint au bénéficiaire de lui restituer les sommes versées ou, en cas de subvention en nature, sa valeur monétaire.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement de repli vise à étendre le champ de l’application du dispositif prévu à l’article 6.
Il n’y a aucune raison de limiter l’engagement à respecter les principes de la République aux seules associations, alors qu’elles concourent, au quotidien, à leur mise en œuvre. Aussi proposons-nous d’étendre ce dispositif à l’ensemble des personnes morales sollicitant une subvention, un prêt ou une garantie de prêt auprès d’une autorité publique. Les entreprises qui bénéficient de subventions, de prêts ou de garanties de prêts publics devraient également s’engager à respecter ces principes. Il s’agit d’une mesure d’équité vis-à-vis des associations et des fondations, que celles-ci ont réclamée.
Les associations sont déjà tenues à des obligations comptables et fiscales très lourdes par rapport aux sociétés de droit commun. Elles doivent notamment faire appel à un commissaire aux comptes dès lors qu’elles bénéficient de subventions publiques supérieures à 153 000 euros par an. Il n’est pas opportun d’accentuer ces différences de régime, en soumettant les associations, et elles seules, à de nouvelles obligations relatives au respect de principes républicains lorsqu’elles demandent l’octroi de subventions publiques.
M. le président. L’amendement n° 440 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche, Leconte et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Supprimer les mots :
ou fondation
2° Remplacer les mots :
s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain :
par les mots :
prend l’engagement de respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de respect de la dignité humaine.
3° Alinéas 3 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai déjà rappelé la nuit dernière cette évidence : les principes républicains s’appliquent à tous les citoyens et, donc, à toutes les associations en vertu de la Constitution de la République française. Si ma proposition avait été adoptée, nous aurions gagné beaucoup de temps dans nos débats. Il ne serait pas non plus nécessaire de demander au 1,3 million d’associations que compte ce pays de signer un contrat pour appliquer ce qui est tout simplement exigé à chacune et chacun d’entre nous par la Constitution.
Cet amendement, il faut le dire, est inspiré par une proposition de la Fédération protestante de France. Il vise à supprimer la notion de « contrat d’engagement républicain » et à indiquer que les associations s’engagent à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de respect de la dignité humaine.
Le fait d’enserrer les associations dans un contrat d’engagement est totalement inutile. Je m’étonne d’ailleurs de ne pas avoir encore entendu d’argument en sa faveur. (Mme la ministre déléguée s’esclaffe.)
J’ai beaucoup réfléchi à ce que vous avez dit hier soir, tard, madame la ministre. Vous avez affirmé que le contrat d’engagement républicain constituait une garantie, car, si une association manque à l’appliquer, elle se verra privée de subvention. Or si une association est peu respectueuse des principes d’honnêteté, si elle s’écarte de ce que la loi républicaine impose, les élus peuvent déjà la priver de subvention. Aucun élu n’est obligé de verser des subventions ! Elle aura eu beau signer tous les papiers que vous voulez, cela n’y changera rien.
M. le président. L’amendement n° 410 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Chasseing, Médevielle, Guerriau, Lagourgue et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et MM. Wattebled, Verzelen et Capus, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la référence :
9-1
insérer les mots :
ou toute forme d’aide en nature
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Cet amendement, déposé par mon collègue Franck Menonville, a pour objet d’intégrer à la notion de « subvention » toutes les formes d’aides en nature, comme le prêt de matériels ou de salles.
M. le président. L’amendement n° 399 rectifié, présenté par M. C. Vial, Mmes Deroche, Boulay-Espéronnier et Borchio Fontimp, MM. Somon, Tabarot, Charon et Laménie, Mme Joseph, MM. Le Rudulier et Savary, Mmes Drexler, Belrhiti et Gruny, MM. Bascher et H. Leroy, Mme Lassarade, M. Chatillon, Mme Ventalon, MM. Darnaud, Boré et Bonhomme et Mmes Dumont et Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après le mot :
public
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
s’engage, par un contrat d’engagement républicain, à respecter les prescriptions des articles 1er et 2 de la Constitution.
II. – Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. L’alinéa 2 de l’article 6 gagnerait en sobriété, gage de clarté, en renvoyant aux articles 1er et 2 de la Constitution, qui énoncent mieux qu’on ne saurait le faire les principes fondamentaux auxquels la France est attachée. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié, présenté par M. Magner, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Kanner et Sueur, Mme Harribey, MM. Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Féraud et Marie, Mme Meunier, MM. Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
s’engage, par la souscription d’un contrat d’engagement républicain
par les mots :
signe avec la personne auprès de laquelle elle requiert la subvention, la charte des engagements réciproques qui engage les deux parties à respecter les principes de liberté, de fraternité, de laïcité et de respect de la dignité de la personne humaine et les symboles fondamentaux de la République
II. – Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
du contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit
par les mots :
de la charte des engagements réciproques qu’elle a signée
IV. – Alinéa 9
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention constate que l’association ou la fondation bénéficiaire poursuit un objet illicite ou que ses activités ou les modalités selon lesquelles elle les poursuit ne sont pas compatibles avec la charte des engagements réciproques, elle informe celle-ci du manquement constaté et la met en demeure d’y remédier dans un délai de quinze jours. L’association ou la fondation peut présenter ses observations dans les conditions prévues. À l’issue de ce délai, si le manquement persiste, l’autorité ou l’organisme ayant attribué la subvention notifie à l’association ou à la fondation sa décision de procéder au retrait de la subvention par une décision motivée, après que le bénéficiaire a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration.
« L’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial qui a procédé au retrait de la subvention, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent peut demander au juge administratif de prononcer la restitution de tout ou partie des subventions attribuées.
V. – Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret fixe le montant minimal annuel de subvention en deçà duquel une association ou une fondation n’est pas tenue de signer la charte des engagements réciproques.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Il s’agit de nouveau d’un amendement de repli.
Depuis une vingtaine d’années, les associations qui demandent une subvention à caractère public doivent souscrire à la charte des engagements réciproques, signée entre l’État, les associations d’élus et le mouvement associatif en 2001 et rénovée en février 2014. Elle est ainsi jointe au formulaire Cerfa de demande de subvention.
Cette charte porte déjà l’engagement de promouvoir et de faire respecter toutes les valeurs de la République, ainsi que d’ouvrir à tous les actions financées sans distinction d’origine, de religion ou de sexe. Tout manquement à ces principes peut conduire à la dénonciation de la subvention et à son reversement au Trésor public. L’intérêt de la mise en place d’un contrat d’engagement républicain pose donc légitimement question.
En vertu des engagements liés à cette charte, du code pénal, du code des relations entre le public et l’administration, ainsi que de la loi de 2000, les collectivités constatant qu’il est fait mauvaise utilisation de leurs subventions ou de leurs locaux peuvent demander à l’association bénéficiaire d’y remédier, voire supprimer cette subvention. Il peut s’agir d’une subvention de toute nature, qui est donc susceptible d’être octroyée sous forme de mise à disposition de locaux.
Le problème est que les élus ne savent souvent pas comment faire appliquer les règles existantes, ou ne le souhaitent pas pour des motifs divers. Il ne sert donc à rien de créer un contrat d’engagement républicain : il ne changera rien aux problèmes rencontrés par les élus ! Loin de constituer une solution miracle, il aura pour effet de stigmatiser une certaine catégorie d’administrés et d’obliger toutes les associations souhaitant obtenir une subvention publique à compléter leur objet pour coller aux termes de ce contrat.
Nous préférons conférer une base légale à la charte des engagements réciproques. Nous proposons d’aménager une procédure plus respectueuse du droit des associations et des fondations subventionnées, dans le cas où l’autorité publique entend supprimer l’octroi de la subvention en raison de la méconnaissance des engagements par l’association ou la fondation concernée, les préservant ainsi davantage de l’arbitraire.
Enfin, il est spécifié que le décret précisant les modalités d’application de l’article fixera un seuil de montant de la subvention en deçà duquel l’adhésion à la charte ne sera pas requise. Il est inadmissible d’entamer la liberté d’association au point de mettre des bâtons dans les roues de très petites structures associatives, qui ne disposent que de peu de moyens et de temps pour remplir de la paperasse.
M. le président. L’amendement n° 520, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
d’un contrat d’engagement républicain :
par les mots :
de la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales.
II. – Alinéas 3 à 5
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 7
Remplacer les mots :
du contrat d’engagement républicain qu’elle a souscrit
par les mots :
de la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales qu’elle a souscrite
IV. – Alinéas 8 et 9
Remplacer les mots :
le contrat d’engagement républicain souscrit
par les mots :
la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales souscrite
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Au-delà des questions constitutionnelles soulevées par l’article 6, nous devons nous demander en quoi le contrat d’engagement républicain apporte une garantie supplémentaire à l’État et aux collectivités territoriales.
Premièrement, comme le dit l’avis du Conseil d’État, le contrat d’engagement républicain n’a de contrat que le nom, en ce qu’il ne s’accompagne d’aucune garantie contractuelle. Étant unilatéral, il n’est ni négocié ni exécuté de bonne foi, contrairement à ce que prescrit le code civil. Le contrat reste une faculté, mais inverse la logique d’obligation puisque ce n’est pas l’émetteur qui s’engage.
Deuxièmement, en lien avec l’absence de négociation, ce contrat n’est aucunement plus protecteur que la charte des engagements réciproques signée entre l’État, les collectivités territoriales et les associations. Pourtant, cette dernière, qui a au moins le mérite d’exister et de faire l’objet d’un consensus, inscrit, elle aussi, la question des valeurs républicaines en son cœur.
Troisièmement, la jurisprudence en matière de subventionnement des associations prévoit déjà largement l’obligation du respect des valeurs fondamentales. Ainsi, les collectivités publiques ne peuvent légalement subventionner que des activités présentant un intérêt public. Cette condition n’est pas satisfaite si l’action de l’association s’avère incompatible avec les principes fondamentaux de l’ordre juridique ou des valeurs essentielles de la société. Les collectivités ont même le pouvoir de retirer une subvention en s’appuyant notamment sur des conventions d’objectifs et de moyens, bornées par la loi.
Je concède que la commission du Sénat a légèrement amélioré le texte en définissant le contrat d’engagement républicain – le décret prévu après examen du texte à l’Assemblée nationale était largement insatisfaisant. Demeure toutefois la question délicate de la condition vis-à-vis de l’ordre public.
Si ce contrat avait existé en 2006, la Cimade ou l’association Les Enfants de Don Quichotte auraient-ils pu le signer ? Pourtant, c’est leur mobilisation qui a abouti à l’adoption de la loi instaurant le droit au logement opposable. De même, que penser des associations qui, dans leur mode d’action, peuvent troubler l’ordre public – je pense notamment au DAL –, alors qu’elles cherchent, justement, à faire appliquer la loi ? Considérons-nous comme antirépublicaines des associations comme Anticor exigeant une application stricte de la loi ?
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 411 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Chasseing et Médevielle, Mme Mélot, MM. Wattebled, Lagourgue et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Capus, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire peut à tout moment se déplacer sur les lieux des associations présentes sur le territoire de sa commune afin de contrôler le respect du contrat d’engagement républicain signé par ces dernières. Au cours de sa visite, il peut demander au président de l’association ou à son représentant légal de lui fournir toutes les informations et tous les documents qu’il juge utiles afin de procéder au contrôle. Il peut être accompagné d’un représentant de l’État dans le département ainsi qu’un de ses adjoints. Il peut autoriser l’un de ses adjoints à procéder en son nom au déplacement au sein de l’association. En cas de refus par le président ou le représentant légal de l’association de procéder à la visite des locaux ou de présenter les documents et les informations demandés par le maire, ce dernier avertit sans délai le représentant de l’État dans le département.
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Cet amendement, déposé par notre collègue Menonville, vise à autoriser le maire ou l’un de ses adjoints à procéder à des visites inopinées au sein des associations présentes sur le territoire de sa commune, afin de contrôler le respect du contrat d’engagement républicain.
M. le président. L’amendement n° 119 rectifié, présenté par Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, M. Assouline, Mme S. Robert, M. Sueur, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, MM. Féraud et Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Après les mots :
d’égalité,
insérer les mots :
notamment entre les hommes et les femmes,
2° Après le mot :
fraternité,
insérer les mots :
de laïcité
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement de repli tend à clarifier et à préciser les obligations contenues dans le contrat d’engagement républicain.
En premier lieu, nous souhaitons rétablir la rédaction initiale du Gouvernement qui visait le principe d’égalité entre les femmes et les hommes – je sais qu’il vous est très cher madame la ministre ; plusieurs d’entre nous y sont aussi attachés –, qui a été supprimée par un amendement adopté à l’Assemblée nationale pour s’en tenir à un engagement générique d’égalité.
En second lieu, nous proposons d’introduire le principe de laïcité, après celui de fraternité, parmi ceux que les associations subventionnées doivent respecter. Comme l’a souligné l’Association des maires de France dans un communiqué du 8 février dernier, « dans un texte principalement destiné à conforter la laïcité, il serait paradoxal que celle-ci ne soit pas explicitement incluse dans la charte d’engagement qui s’imposerait à toutes les associations percevant des subventions publiques ».
À cet égard, on ne saurait objecter que des associations ayant une orientation religieuse ne pourraient respecter le principe de laïcité. Cette dernière vise, avec la séparation entre l’État et les cultes, à garantir le respect absolu de la liberté de conscience.
On ne peut exonérer de ce respect une association signataire du contrat d’engagement républicain, quelle que soit la philosophie qui l’inspire. On peut même souhaiter qu’une association subventionnée par une autorité administrative, peu importe son orientation philosophique, soit expressément tenue de respecter la liberté de conscience dans l’exercice de sa mission.
M. le président. L’amendement n° 39 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 94 rectifié, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, MM. H. Leroy et Bascher, Mme Garnier, MM. Genet, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré, Bouchet, Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes de Cidrac et Dumont, M. Favreau, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie et Mandelli, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et M. Saury, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
fraternité
insérer les mots :
, de laïcité sauf lorsque ces associations ont exclusivement comme objet l’exercice d’un culte,
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Le ministre de l’intérieur s’est exprimé à de nombreuses reprises sur ce fléau qu’est le séparatisme, au premier rang duquel figure le séparatisme islamiste. Selon les mots qu’il a employés, ce dernier « gangrène notre unité nationale ». Il a ajouté qu’il fallait savoir « nommer la maladie ». Dès lors, je vous propose un médicament : la laïcité. L’examen de ce projet de loi doit être l’occasion d’affirmer et d’expliciter cette notion.
La liberté, l’égalité et la fraternité sont des principes qui sont d’ores et déjà consacrés ; il devrait en être de même de la laïcité. C’est pourquoi cet amendement vise à l’adjoindre au respect de ces trois principes fondamentaux comme condition à l’octroi de subventions au sens de l’article 9-1 de la loi du 12 avril 2000, sauf lorsque l’objet de l’association est exclusivement porté sur l’exercice public d’un culte.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 306 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 444 rectifié est présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Kanner, Assouline, Féraud, Magner et Marie, Mmes Meunier, Monier et S. Robert, MM. Durain, Kerrouche, Leconte et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Bourgi, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 306.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement de repli tend à supprimer l’un des engagements prévu par le contrat d’engagement républicain : « s’abstenir de toute action de nature à constituer une menace pour l’ordre public ».
S’il est légitime d’attendre des associations qu’elles s’abstiennent de commettre des infractions pénales, leur demander de s’engager de manière explicite sur des principes qui, rappelons-le, découlent de prérogatives de puissance publique, du maintien de l’ordre public en l’espèce, est tout de même déconcertant. Je pose donc la question suivante à la Haute Assemblée : la puissance publique française s’est-elle affaiblie au point d’être contrainte de solliciter le concours de nos associations pour mener à bien sa mission première ? Je me permets humblement d’en douter.
En outre, l’appréciation de la notion d’ordre public et les restrictions qui en découlent ne peuvent se faire que sous le strict contrôle du juge et du Conseil d’État.
Les associations lanceuses d’alerte, les associations militantes de défense de l’environnement et de la condition animale, ainsi que les associations d’aide aux migrants seront mises en péril par l’établissement d’un tel contrat, dont les appréciations subjectives de menace à l’ordre public pourraient leur être opposées. Les associations sont des tiers essentiels à la vitalité de notre démocratie. Nous devons préserver leur liberté d’action et leur capacité de plaidoyer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 444 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 634, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° À respecter l’ordre public.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le respect de l’ordre public est légitimement inclus dans les principes du contrat d’engagement républicain. Il n’est pas envisageable que des crédits publics puissent financer une association qui porterait atteinte à la sécurité, par exemple. Toutefois, nous estimons que la formulation retenue par la commission des lois va au-delà de cette obligation de respect de l’ordre public.
C’est un sujet qui a été longuement débattu lors des nombreuses consultations que nous avons menées avec les associations. Il en ressort qu’une « menace » peut être qualifiée préventivement à un trouble effectif à l’ordre public. Les termes « de nature à » nous semblent renforcer encore ce caractère hypothétique.
Cette formulation est susceptible de porter une atteinte excessive à la liberté associative. Nous proposons donc de la remplacer par la notion plus clairement délimitée de « respect de l’ordre public », répondant ainsi aux interpellations de plusieurs d’entre vous.
M. le président. L’amendement n° 659, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
de nature à constituer une menace pour
par les mots :
portant atteinte à
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Après discussion avec le Gouvernement, nous proposons, par cet amendement, une formulation qui semble mieux correspondre à l’objectif recherché.
M. le président. L’amendement n° 307, présenté par M. Dossus, Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … À œuvrer pour la préservation et l’amélioration de l’environnement et à s’assurer du respect du principe de précaution, tels que définis par la Charte de l’environnement du 24 juin 2004.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous l’avez compris, nous ne sommes pas adeptes du contrat d’engagement républicain.
Dans tous les articles de ce projet de loi et à travers la majorité des amendements déposés, il n’est quasiment fait mention que d’un seul principe : la laïcité, qui plus est avec une conception assez étriquée, voire un détournement de son objet. Nous, écologistes, défendons une République écologique, capable de faire face aux défis du siècle.
Le Gouvernement souhaite ajouter à l’article 1er de la Constitution que la République garantit la préservation de l’environnement et la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. Ces principes existent déjà dans la Charte de l’environnement, ajouté au préambule de la Constitution en 2005. Ces principes nous obligent collectivement, dans leur ensemble. Conforter l’un ou l’autre des principes, en oubliant les autres, n’est que le reflet d’obsessions. Les six heures de débat sur le voile n’ont fait qu’affermir une vision stigmatisante de la République.
Si nous sommes opposés au principe même du contrat d’engagement républicain, nous souhaitons qu’il soit tout de même enrichi. Nous proposons d’inscrire dans les obligations des signataires du contrat la nécessité de respecter la Charte de l’environnement. Les dérèglements du climat et l’effondrement de la biodiversité vont aussi fragiliser et mettre en tension notre République. La préservation de nos biens communs doit devenir un principe républicain unanimement partagé.
Si aucun euro d’argent public ne doit aller à des structures qui remettent en cause la laïcité, aucun euro d’argent public ne doit non plus aller à celles et ceux qui s’attaquent à des espèces protégées ou qui saccagent notre environnement. Voilà un principe républicain à même de rassembler notre nation autour d’un but commun, plutôt que de la diviser, comme on le fait aujourd’hui !
M. le président. L’amendement n° 163 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, de Legge et Meurant, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler et MM. Genet, Savary, H. Leroy, Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat d’engagement républicain ne saurait étendre l’application du principe de laïcité au-delà de l’administration et des services publics. Les associations d’inspiration confessionnelle peuvent obtenir et utiliser des subventions pour leurs activités d’intérêt général dans le cadre d’un tel contrat.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Nous le répétons sur toutes les travées de cet hémicycle depuis plusieurs jours : nous sommes pour la promotion de la laïcité. Celle-ci ne saurait être affirmée contre les religions, dès lors que ces dernières respectent les règles de vie commune.
Il convient de garantir expressément aux associations à vocation confessionnelle qui défendent des projets d’intérêt général leur liberté d’exprimer les fondements religieux de leurs actions. La question dépasse très largement les associations qui ont une activité cultuelle accessoire. Elle concerne aussi des associations telles que Les Petits Frères des pauvres, Emmaüs, le Secours catholique, le Centre d’action sociale protestant et bien d’autres. Leurs statuts font référence à des valeurs spirituelles alors que leur pratique est avant tout sociale et culturelle.
Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le caractère propre de l’enseignement privé, les associations qui ont une aspiration spirituelle et qui s’expriment publiquement à ce titre doivent pouvoir continuer à le faire.
M. le président. L’amendement n° 133 rectifié, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Bilhac, Requier, Cabanel, Fialaire et Guiol, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dirigeants de l’association qui s’engage à respecter les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain sont tenus de participer à une formation à la laïcité et au respect des principes républicains.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, déposé par Mme Delattre, vise à instituer une formation à la laïcité pour tous les dirigeants d’une association, afin de lutter contre l’entrisme.
Contrairement à plusieurs ministres, qui ont jugé lors des débats à l’Assemblée nationale qu’il s’agissait là d’une obligation qui ferait peser des contraintes trop lourdes, nous considérons que cette formation est nécessaire. Il y a lieu de mettre en place une formation gratuite en ligne, à l’image de ce que fait le CNFPT, pour les dirigeants d’association qui s’engagent à respecter les principes contenus dans le contrat d’engagement républicain.
M. le président. L’amendement n° 611, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
ou la fondation
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Cet amendement vise à supprimer l’obligation pour les fondations d’informer leurs membres de leur engagement à respecter les principes républicains résultant du contrat d’engagement républicain, introduite lors de l’examen du texte en commission. En effet, les fondations correspondant à un rassemblement de biens, elles ne possèdent pas de « membres » à proprement parler, contrairement aux associations, qui, elles, constituent un rassemblement de personnes. La coordination à laquelle il a été procédé ne semble donc pas opportune.
M. le président. L’amendement n° 134 rectifié, présenté par Mme N. Delattre et MM. Artano, Bilhac, Requier, Cabanel, Guiol et Fialaire, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle forme ses dirigeants aux principes mentionnés au présent article, à la laïcité et à la prévention de la radicalisation.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’amendement vise à rendre obligatoire le suivi d’une formation sur la laïcité et les principes républicains par tout dirigeant associatif demandant l’octroi d’une subvention publique.
M. le président. L’amendement n° 607 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 8 et 9
Après la première occurrence du mot :
association
insérer les mots :
ou la fondation
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Si vous le voulez bien, je regrouperai les avis par thèmes.
Je commencerai par évoquer une première série d’amendements, qui a pour objet de remplacer le contrat d’engagement républicain par la charte des engagements réciproques. Il s’agit des amendements nos 443 rectifié de M. Sueur, 101 rectifié de M. Magner et 520 de Mme Assassi.
L’amendement n° 443 rectifié de M. Sueur vise à rendre facultatif le respect de cette charte et à l’annexer à la loi, tandis que l’amendement n° 101 rectifié de M. Magner ne la rend obligatoire que pour les associations percevant des subventions excédant un seuil fixé par décret.
Nous nous sommes interrogés : pourquoi un contrat et non pas une charte ? En fait, l’avantage du contrat, c’est qu’il permet clairement de caractériser le manquement le cas échéant. Dès lors qu’on touche une subvention publique, on signe un contrat réel. Si on ne respecte pas le contrat, non seulement on ne perçoit plus de subvention publique, mais on peut aussi se voir réclamer par la collectivité la restitution de ladite subvention, le contrat ayant été rompu. Voilà ce qui explique la nécessité du contrat.
Nous émettons donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
Une deuxième série d’amendements vise à supprimer le contrat d’engagement républicain et à affaiblir la portée juridique du dispositif. L’amendement n° 440 rectifié de M. Sueur vise à imposer le respect de certains principes républicains, sans toutefois prévoir de sanctions. Cela ne nous paraît pas répondre à la problématique. En revanche, l’amendement n° 442 rectifié du même auteur vise à étendre le respect des principes républicains à toute personne morale subventionnée. Je salue votre ouverture d’esprit et votre volonté à la fois de réduire et d’étendre…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la dialectique, madame la rapporteure !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous émettons un avis défavorable sur ces deux amendements, car vous placez sur le même plan les subventions aux associations et les aides publiques attribuées aux entreprises, alors que ces dernières sont très encadrées et interviennent dans un autre contexte.
Une troisième série d’amendements porte sur le principe de laïcité. L’amendement n° 119 rectifié de Mme Conway-Mouret tend à préciser dans le contrat d’engagement républicain que le principe d’égalité s’applique « notamment entre les hommes et les femmes ». Surtout, il vise à étendre le respect du principe de laïcité aux associations et fondations, comme l’amendement n° 94 rectifié de Mme Borchio Fontimp.
Je comprends l’intention des auteurs de ces amendements, car nous nous sommes posé les mêmes questions concernant la laïcité.
Sur l’égalité entre les hommes et les femmes, nous considérons que le terme « égalité » est beaucoup plus large et plus complet employé seul que suivi d’un « notamment ». Au demeurant, le Sénat n’est pas très friand de cet adverbe.
Concernant la laïcité, l’amendement est satisfait par le texte, car la laïcité s’impose à l’État et lui impose notamment la neutralité. En revanche, elle ne s’impose pas à nous, qui pouvons avoir nos propres opinions en tant que personnes et qui disposons d’une liberté de conscience et de la liberté de choisir notre religion.
Pour autant, effectivement, la République est laïque. C’est pourquoi nous proposons, pour que la laïcité apparaisse malgré tout dans ce texte, d’imposer aux associations de ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République, sans leur imposer évidemment d’être laïques elles-mêmes. Cette disposition devrait satisfaire l’amendement n° 163 rectifié de Mme Boyer. Les associations d’inspiration confessionnelle peuvent tout à fait porter des projets d’intérêt général et être subventionnées pour la partie non cultuelle de leurs activités.
Nous demandons donc le retrait des amendements n° 119 rectifié, 94 rectifié et 163 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 399 rectifié de M. Vial tend à prévoir le respect des articles 1er et 2 de la Constitution. Or ces articles ne comprennent pas tous les principes républicains inclus aujourd’hui dans le contrat d’engagement républicain. Nous trouvons que le projet de loi est plus complet. Nous demandons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Les amendements nos 133 rectifié et 134 rectifié de Mme Delattre tendent à imposer aux dirigeants d’association une formation à la laïcité et au respect des principes républicains, ainsi qu’à la prévention de la radicalisation. L’intention est louable, on la comprend, mais il n’est pas certain que les 1,5 million d’associations existantes soient toutes concernées par ces sujets. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.
Une quatrième série d’amendements concerne l’ordre public. Les amendements identiques n° 306 de Mme Benbassa et 444 rectifié de M. Sueur tendent à supprimer l’obligation faite aux associations subventionnées de ne pas contrevenir à l’ordre public.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui, cela va de soi !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Peut-être la rédaction actuelle de l’article ne vous convient-elle pas et préféreriez-vous que l’on indique « de s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public », comme tend à le prévoir l’amendement de la commission. Cela étant, objectivement, des associations dont l’objectif et l’action viseraient à porter atteinte à l’ordre public ne sauraient être financées par de l’argent public, on ne le comprendrait pas. Nous émettons donc un avis défavorable sur ces amendements.
L’amendement n° 659 de la commission tend justement à réécrire l’alinéa 5 de l’article et à préciser que toute association s’engage « à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ». Nous espérons que cette rédaction sera de nature à répondre aux inquiétudes formulées par le Gouvernement dans son amendement n° 634, dont nous souhaitons le retrait au profit du nôtre.
J’en viens à la dernière série d’amendements.
L’amendement n° 307 de M. Dossus tend à intégrer dans le contrat d’engagement républicain l’obligation pour les associations d’œuvrer pour la protection de l’environnement et, surtout, de s’assurer du respect du principe de précaution. Je rappelle qu’il existe 1,5 million d’associations et qu’il n’est pas certain qu’elles puissent toutes s’assurer du respect du principe de précaution, de manière générale et absolue. La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 410 rectifié bis de M. Menonville vise à intégrer les aides en nature dans les subventions. En fait, cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, car sont en réalité considérés comme des subventions tant les transferts financiers que les apports en nature. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 411 rectifié bis, de M. Menonville également, tend à permettre aux maires de contrôler la bonne utilisation des subventions en effectuant des visites inopinées. Cher collègue, je ne suis pas sûre que les maires le demandent, mais le fait est qu’ils peuvent déjà le faire. Cet amendement est satisfait, l’article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales précisant que « toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention peut être soumise au contrôle des délégués de la collectivité qui l’a accordée ». Le maire peut faire appel à un professionnel ou à la chambre régionale des comptes en vue de vérifier les comptes de gestion de l’association. Je ne pense pas qu’il les contrôlera lui-même. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Enfin, j’en viens aux deux amendements de Thani Mohamed Soilihi, qui tendent à apporter deux précisions utiles. L’amendement n° 611 a pour objet de supprimer l’information des membres d’une fondation. Les fondations n’ayant effectivement pas de membres, la commission est évidemment favorable à cet amendement, de même qu’à l’amendement de coordination n° 607 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. J’indique d’emblée que le Gouvernement retire son amendement n° 634 au profit de l’amendement n° 659 de Mmes les rapporteures, qui est plus clair, nous en convenons.
Je vais donner l’avis du Gouvernement de manière aussi groupée que possible, si cela vous convient.
Je m’étonne que différents amendements émanant du même groupe visent à la fois à supprimer et à étendre le contrat d’engagement républicain, j’y vois là une marque d’intérêt. Je me réjouis par ailleurs que des amendements visent à enrichir et à améliorer ce contrat.
Je ne reviendrai pas sur les argumentaires que j’ai développés cette nuit, d’abord pour ne pas allonger les débats, ensuite parce que ceux qui se sont exprimés cet après-midi étaient déjà là hier soir.
Monsieur le sénateur Sueur, pardonnez-moi, mais je ne peux pas vous croire lorsque vous me dites que vous n’avez pas entendu un seul argument en faveur de ce contrat d’engagement républicain. Peut-être qu’ils ne vous convainquent pas, c’est une possibilité – je l’entends, et c’est votre droit le plus strict –, mais il me semble avoir défendu ce contrat jusqu’à tard cette nuit, avec les arguments qui sont les miens, que je trouve convaincants, comme certains manifestement. Ce n’est pas votre cas, je le déplore.
Je rappellerai simplement que, initialement, ce contrat répondait à une demande des élus. Pour ma part, j’agrée la charte des engagements réciproques. Je ne dis pas du tout qu’il faille la bannir, je pense que les deux dispositifs peuvent coexister. Cela étant, si la charte des engagements réciproques était suffisante, Mme la présidente de la région Île-de-France aurait réussi à imposer une charte de la laïcité dans sa région. Si elle était suffisante, M. le maire Michaël Delafosse de Montpellier ne serait pas en ce moment même traîné devant les tribunaux pour avoir créé une charte de la laïcité. Si elle était suffisante, M. Éric Piolle à Grenoble pourrait se faire rembourser l’argent qu’il a donné au CCIF. Ce contrat d’engagement républicain, outre le fait qu’il aura une valeur juridique, sera véritablement concret pour les maires.
Par ailleurs, il a été dit de nouveau que ce contrat n’avait pas fait l’objet de concertation. Rien n’est plus faux ! Ce sont les consultations qui ont conduit au dépôt de plusieurs amendements, à la fois du Gouvernement, mais aussi de parlementaires, afin d’améliorer ce contrat. Ce sont les consultations qui ont permis aux associations agréées de ne pas avoir à s’engager de nouveau avec ce contrat.
Certaines associations nous ont dit que ce contrat entraînerait trop de paperasse, d’autres considèrent qu’il faudra juste cocher une case. La vérité est peut-être entre les deux. En tout état de cause, il sera assez simple pour une association, lorsqu’elle demandera une subvention, d’adhérer à ce contrat. Ce contrat sera simple également pour les élus, au regard des bénéfices qu’il leur apportera.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 443 rectifié, 520, 101 rectifié, ainsi que sur les amendements n° 440 rectifié et 442 rectifié.
Je ne veux pas non plus laisser dire que ce contrat d’engagement républicain serait stigmatisant, comme je l’ai entendu. Quand tout est stigmatisant, plus rien ne l’est. Il ne me semble pas que ce soit injurieux ou stigmatisant de dire à des associations : « Nous allons ensemble nous engager. » Nous demandons, en contrepartie de subventions publiques, le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes. Si c’est stigmatisant de dire à des associations « d’accord, on vous donne des subventions, mais on attend de vous que vous respectiez l’égalité entre les femmes et les hommes et les grands principes de la laïcité », alors les mots n’ont plus de valeur et rien n’est stigmatisant !
Sur la question de la liberté d’association, idem : j’ai répondu hier. Je ne vous relis pas l’avis du Conseil d’État, je rappelle simplement que le Conseil d’État lui-même considère que nous n’entravons pas la liberté d’association avec ce contrat d’engagement républicain. Il ne s’agit pas de dissoudre des associations ou d’empêcher la création d’associations ; il s’agit simplement de contrôler l’usage de l’argent public et de lutter contre le faux nez de l’islamisme qui crée de fausses associations prétendument sportives ou d’aide aux devoirs, comme l’ont démontré de nombreuses enquêtes journalistiques, des rapports parlementaires, mais aussi différents retours de terrain. Ces associations existent : certaines ont été financées avec de l’argent public, certaines le sont probablement encore, et nous voulons effectivement mettre fin à de telles situations.
Sur la Cimade, j’ai répondu hier à une question de Mme la sénatrice Benbassa. Bien évidemment, nous souhaitons pouvoir continuer à financer des organisations qui défendent les droits des migrants et des organisations d’activistes. Je l’ai dit hier lorsqu’on m’a demandé s’il ne serait plus possible de subventionner des associations qui ne sont pas d’accord avec le Gouvernement : il sera bien évidemment possible de le faire. Chacun fera des choix. J’espère que mes réponses à cet égard ont été claires.
Nous considérons que l’amendement n° 410 rectifié bis, qui vise à inclure dans les subventions les aides en nature, est satisfait. À cet égard, nous avons beaucoup parlé lors de différentes auditions des prêts de salles à des associations. C’est un point fondamental.
J’en viens à l’amendement n° 119 rectifié de Mme la sénatrice Conway-Mouret. Je suis très favorable, madame la sénatrice, à la partie de votre amendement qui porte sur l’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, je suis réservée sur l’ajout du respect de la laïcité dans le contrat d’engagement républicain. Nous craignons que cela ne provoque des dommages collatéraux. Nous voulons pouvoir continuer à subventionner des scouts, le Secours catholique ou d’autres organisations. Si c’était possible, j’émettrais un avis favorable sur la première partie de votre amendement et je m’en remettrais à la sagesse du Sénat sur la seconde, mais je pense que cela ne l’est pas.
M. le président. Non, c’est déjà assez compliqué comme ça ! (Sourires.)
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 94 rectifié.
De même, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 133 rectifié et 134 rectifié sur la formation obligatoire, non pas parce que nous considérons qu’il ne faille pas de formation – il en faut, bien sûr –, mais parce que nous pensons que la liberté d’association implique la liberté de définir son objet. On ne va pas imposer une formation sur les questions de laïcité ou de lutte contre l’islamisme à une association de joueurs d’échecs ou à une association de femmes enceintes.
L’amendement n° 307 tend à prévoir que les associations bénéficiant de subventions doivent œuvrer pour la préservation et l’amélioration de l’environnement et s’assurer du respect du principe de précaution défini dans la Charte de l’environnement. Nous sommes bien évidemment favorables à tous ces principes. Nous émettons toutefois une réserve sur le fait qu’un contrat renvoie à une charte, qui en renvoie à une autre, ce qui provoque des mises en abyme en cascade. Nous craignons par ailleurs que cette proposition ne soit inadaptée pour les mêmes raisons que celles que je viens d’évoquer : je ne suis pas certaine que l’on doive imposer une telle démarche à une association de joueurs d’échecs ou de parents d’élèves. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement, pour ne pas émettre un avis défavorable sur le principe de la défense de l’environnement, mais ce n’est pas un avis favorable pour autant.
Nous considérons que l’amendement n° 411 rectifié bis, qui tend à prévoir des visites inopinées par le maire, est déjà satisfait. Nous demandons donc son rejet.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement qui a été défendu par M. le sénateur Julien Bargeton visant à supprimer l’obligation pour les fondations d’informer leurs membres de leur engagement à respecter le contrat d’engagement républicain. Il est en revanche défavorable à l’amendement n° 607 rectifié bis.
Enfin, si je n’ai pas émis d’avis sur certains amendements, c’est parce que je partage celui de Mme la rapporteure.
M. le président. Je remercie la rapporteure et la ministre de ne pas avoir suivi l’ordre de discussion des amendements et de nous plonger ainsi dans le manque de clarté le plus total ! (Rires.) Ce n’est pas grave, l’essentiel est que chacun y retrouve ses petits…
L’amendement n° 634 est retiré.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je veux revenir sur une question que j’ai déjà posée hier (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), parce que la ministre n’y a pas répondu précisément.
On ne sait pas ce que prévoira le contrat d’engagement républicain. Que prévoira le décret ? Franchement, on ne le sait toujours pas !
Vous parlez toujours de respect de l’égalité entre les femmes et les hommes. Qu’entendez-vous par là ? Est-ce la parité ? J’aimerais bien le savoir. Il me semble qu’il vaut mieux demander la parité.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Je ferai une remarque sur un argument que j’ai souvent entendu, notamment de la part de M. Jean-Pierre Sueur, selon lequel la Constitution se suffirait à elle-même. Si la Constitution se suffisait à elle-même tout le temps, cela se saurait ! Par définition, les lois doivent y être conformes, sinon elles sont censurées par le Conseil constitutionnel, y compris a posteriori si une question prioritaire de constitutionnalité est posée.
Par définition, les lois que nous votons viennent appliquer la Constitution, dans de nombreux domaines, pas uniquement régaliens. C’est le cas des lois sur la laïcité, mais aussi des grandes lois sur les libertés publiques, des lois en matière de sécurité. Je ne vais pas toutes les détailler.
Si la Constitution suffisait, un bon nombre de lois dont nous débattons ici – pas toutes, mais un certain nombre – n’auraient plus d’objet. Il me semble que cet argument pourrait être utilisé quasiment chaque fois. Il suffirait de dire : « C’est dans la Constitution ! » pour considérer qu’une loi n’est pas nécessaire.
Il s’agit ici de dire la façon dont on travaille avec les associations : elles doivent respecter un certain nombre de principes de la République, que l’on détaille et que l’on inscrit dans un contrat. Cela me semble être une avancée, laquelle, je le redis, était attendue, depuis un certain temps d’ailleurs.
Telle est ma position sur cet argument qui est souvent employé.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Madame la ministre, pour moi, c’est très clair : je soutiens M. Sueur,…
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Quelle surprise !
M. Patrick Kanner. … ainsi que M. Magner et Mme Conway-Mouret, bien évidemment.
Vous faites partie d’un gouvernement qui, de manière régulière, systématique, essaie de cornaquer les libertés qui ont été durement acquises au cours des siècles précédents. Je vous le dis très simplement.
Le monde associatif représente 1,5 million d’associations, 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés. Ces salariés sont d’ailleurs souvent qualifiés, occupent des emplois pérennes et non délocalisables. C’est une force et une richesse pour notre pays.
Aujourd’hui, vous êtes dans une logique de défiance à l’égard de ce monde,…
M. Patrick Kanner. … qui s’est construit lentement, à partir d’une loi exceptionnelle de liberté, celle de 1901, enrichie par la charte des engagements réciproques, durement négociée avec le monde associatif en 2001, puis enrichie en 2014.
Je ne doute pas un seul instant que vous puissiez penser que le monde associatif abrite quelques millions de djihadistes potentiels, mais vous apportez systématiquement la même réponse à tout le monde, quel que soit le contexte.
La charte des engagements réciproques, que j’ai portée lorsque j’occupais d’autres responsabilités dans un précédent gouvernement, a suscité un consensus parfait au sein du monde associatif. Je vous poserai donc une question simple : votre projet a-t-il le soutien du monde associatif ? La réponse est non, mais vous voulez avoir raison contre tout le monde. C’est un peu là aussi la marque de fabrique du gouvernement auquel vous appartenez. Il a raison tout seul contre tout le monde !
Je vous le dis, si vous vous entêtez en la matière, non seulement le monde associatif montera au front, ce qui serait tout à fait dommageable pour notre démocratie, mais surtout vous n’empêcherez pas ceux qui ont des mauvaises intentions à l’égard de la République de signer ce contrat, simplement pour se planquer. Arrêtons de corseter le monde associatif ! Essayez pour une fois de travailler dans la confiance et non pas dans une logique de défiance.
M. le président. Sans vouloir empêcher qui que ce soit de s’exprimer, j’indique que cinq ou six orateurs souhaitent encore prendre la parole. Mes chers collègues, si vous souhaitez que les amendements soient mis aux voix avant la suspension à vingt heures, je vous invite à faire preuve de concision.
La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Pour répondre à votre invitation, monsieur le président, j’interviendrai une seule fois sur l’ensemble de ces amendements, sur lesquels je m’en remets à la sagesse de notre rapporteure. J’ajouterai toutefois une chose qui me paraît importante.
Je veux bien laisser passer cet article 6, mais je ne veux pas en être dupe. Je considère que cet article est une illusion, un coup d’épée dans l’eau.
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. Philippe Bas. Il contribue à me faire penser que l’ensemble de ce texte est un tigre de papier. Tout le monde signera le contrat d’engagement républicain.
Je tiens à préciser, compte tenu du fait que nos débats servent à l’interprétation des textes – c’est ce qu’on appelle les travaux préparatoires –, que toutes les associations de France, qu’elles signent ce contrat ou qu’elles ne le signent pas, parce qu’elles n’ont pas besoin de subventions, soit l’écrasante majorité des associations de ce pays, doivent respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République, au sens de l’article 2 de la Constitution. Toutes les associations de France doivent s’abstenir de remettre en cause le caractère laïque de la République. Toutes les associations de France doivent s’abstenir de toute action de nature à constituer une menace pour l’ordre public.
Si seules celles qui signent le contrat d’engagement étaient assujetties à ces obligations, qui s’imposent à tout citoyen français à vrai dire, alors la République serait sens dessus dessous. Ce serait très grave ! Je ne voudrais pas que notre texte puisse avoir une implication si dangereuse.
Alors, oui, laissons passer cet article 6. Donnons sa chance au Gouvernement. Il va arrêter la déferlante de l’islamisme radical grâce aux employés de bureau des préfectures qui vérifieront le contrat d’engagement. Les Français peuvent être rassurés, moi pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE et GEST.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis tout à fait d’accord avec M. Bas !
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Après le plaidoyer de notre collègue Philippe Bas, je m’en voudrais d’en rajouter. Je partage bien évidemment en tout point ce qui vient d’être dit, et j’ai les mêmes inquiétudes sur l’intérêt de cet article.
Je m’interroge aussi sur la subdélégation. On va certes contrôler l’association qui aura signé le contrat d’engagement et qui percevra la subvention, mais un certain nombre d’associations ont la possibilité de reverser une partie de leur subvention à des associations qui, elles, n’auront pas signé le contrat d’engagement.
Par ailleurs, contrairement à ce qu’a dit M. Bargeton, la loi n’applique pas la Constitution. La Constitution est le cadre dans lequel nous exerçons le pouvoir législatif. Nous avons besoin de ce cadre et des principes constitutionnels. L’un des objectifs de ce projet de loi est d’ailleurs le respect de la Constitution.
L’article 1er et l’article 2 de la Constitution sont assez clairs sur les valeurs que nous souhaitons défendre, alors que ce contrat, et je rejoins Mme Benbassa, l’est un peu moins. Surtout, il est beaucoup plus facilement modifiable que la Constitution. Il nous semble donc que les valeurs que l’on veut défendre et que les engagements que l’on demande aux associations de prendre auraient plus de sens et une plus grande portée si l’on se référait à la Constitution.
Je m’en remets moi aussi à la sagesse de la commission, à regret, et je retire l’amendement n° 399 rectifié, que M. Laménie, et je l’en remercie, a défendu précédemment.
M. le président. L’amendement n° 399 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lorsqu’elle a donné l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements, Mme la rapporteure a argué que l’intérêt du contrat par rapport à la charte était, en résumé, sa nature contractuelle. Il permettra à l’autorité administrative, du fait de sa valeur juridique, de contester la subvention, voire, éventuellement, d’en demander la restitution. C’est ainsi que j’ai compris le propos.
Je rappellerai simplement, mais chacun d’entre vous, je pense, s’en souvient pour avoir souvent été à la tête d’un exécutif, que la loi de 2000 prévoit qu’une convention doit être signée entre la collectivité qui accorde une subvention et la structure qui en bénéficie. Le décret de 2001 – ces dispositions ont été prises par décret – prévoit que cette obligation s’applique à compter du seuil de 23 000 euros, au motif, sans doute, que, en dessous, la signature d’une convention est ridicule et infaisable. Si j’ai précisé que ces dispositions ont été prises par décret, c’est pour rappeler que rien n’empêche de modifier le seuil.
Après l’enterrement de première classe de l’article 6 et du contrat d’engagement républicain par Philippe Bas, j’en reviens à la charte.
Alors qu’une charte existe, dont le président Kanner a rappelé l’existence et la puissance dès lors qu’elle a été négociée avec le monde associatif, alors que la loi de 2000 et le décret rendent obligatoire la signature d’une convention et la restitution de la subvention en cas de non-respect par l’association de ses obligations, pourquoi vouloir inventer autre chose ? Cela m’intrigue. Si c’est incomplet, renégociez la charte pour la compléter avec le monde associatif, mais ne repartez pas de zéro !
Je ne comprends pas que nous acceptions finalement l’article 6 en l’état après avoir entendu les propos qui viennent d’être tenus. Je pense, c’était notre proposition à l’amendement n° 101 rectifié, que des points évoqués seraient de nature à être intégrés. Ne soyez pas caricaturaux, pour ceux qui soutiennent le Gouvernement : nous ne sommes pas contre la laïcité, ou avez-vous vu cela ? Le président Bas a bien rappelé que, au-delà de tout, il y a des principes de la République.
Appuyez-vous sur la charte, complétez-la si vous l’estimez insuffisante, mais ne recommencez pas en partant de zéro un travail considérable avec le monde associatif qui, à cette heure, ne vous soutient pas.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Mon explication de vote concerne l’amendement n° 659 de la commission des lois. Comme Philippe Bas, je fais confiance aux rapporteures.
L’article 6 parle de la vie associative, qui est aussi une richesse morale, intellectuelle. Les chiffres concernant les associations, les bénévoles, les salariés également pour les grosses structures, ont été rappelés. Philippe Bas a évoqué le lien avec les services de l’État.
Les assemblées générales sont une obligation pour les associations, quelle que soit leur taille, mais certaines n’envoient pas forcément à leurs membres la composition du nouveau conseil d’administration, du bureau ou les statuts modifiés, etc. La situation est d’autant plus complexe, dans ce contexte sanitaire, que tout le monde ne peut plus accéder à une préfecture ou à une sous-préfecture. Tout est dématérialisé, ce qui pose problème.
J’ai été maire d’un village et, à l’occasion de l’organisation de fêtes patronales, pour préserver l’ordre public ou la sécurité, je signais une charte de confiance avec le président de l’association et le représentant de l’État. La notion de confiance est importante.
Bien entendu, je soutiendrai l’amendement n° 659 concernant l’atteinte à l’ordre public. C’est aussi un principe figurant aux articles 1er et 2 de la Constitution, comme l’a rappelé notre collègue Cédric Vial.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour explication de vote.
M. Stéphane Le Rudulier. Je serai bref : au regard des arguments avancés par Mme la rapporteure, nous retirons l’amendement n° 94 rectifié de Mme Borchio Fontimp.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je souhaite répondre brièvement aux questions qui m’ont été posées.
Madame la sénatrice Benbassa, vous le savez, la parité et l’égalité femmes-hommes sont deux choses différentes. Nous n’imposerons évidemment pas la parité, c’est-à-dire un nombre égal de femmes et d’hommes aux associations. Il serait absurde, par exemple, de demander à une association de femmes enceintes d’être composée pour moitié d’hommes. Le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes est différent : il s’agit de traiter les femmes comme les hommes, avec leurs droits et leurs devoirs de citoyens ou de citoyennes, de respecter la dignité de la personne, etc. La mixité est encore un autre concept, mais n’ouvrons peut-être pas ce débat.
M. le sénateur Kanner vient de m’expliquer ce que sont les associations, et je l’en remercie très chaleureusement. J’en ai présidé plusieurs, dont une pendant dix ans, j’ai été élue locale, j’ai la charge des associations en tant que ministre déléguée à la citoyenneté, j’ai géré pendant trois ans et demi 1 600 associations dans le champ de l’égalité entre les femmes et les hommes,…
M. Patrick Kanner. Moi, j’ai été ministre de la vie associative, madame la ministre !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … je vois donc à peu près ce qu’est une association, mais je vous remercie pour votre petit brief.
M. Patrick Kanner. Soyez correcte !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Vous m’interpellez avec un ton très méprisant, ce qui est d’ailleurs votre habitude, je vous réponds…
M. Patrick Kanner. Pas avec ironie !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. J’ai le droit de manier l’ironie ! Vous me parlez avec mépris, je vous réponds avec ironie.
M. le président. On se calme…
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Vous nous accusez par ailleurs de choses fausses. Vous affirmez que les associations sont contre nous, mais, « les associations », cela n’existe pas.
M. Patrick Kanner. Le mouvement associatif !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Il n’existe pas un bloc monolithique formé par les associations de ce pays qui seraient toutes d’accord entre elles. Il est vrai que certaines sont sceptiques sur le contrat d’engagement républicain, mais il est vrai aussi qu’une grande majorité le soutient.
Le CER a été voté à l’Assemblée nationale, et la montée au front des associations que vous invoquez ne s’est pas produite. Au contraire, nous avons poursuivi, avec Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement, notre travail de consultation des représentants des associations pour arriver à ce contrat d’engagement républicain avec toutes celles qui s’engagent dans le cadre des valeurs de la République.
N’essayons pas, je le répète, de monter un front opposant, d’un côté, les associations et, de l’autre, les responsables politiques. Certains souhaitent peut-être que les associations se liguent et montent au front, comme vous dites, contre le Gouvernement, mais ce n’est pas la réalité. L’AMF a plébiscité ce contrat d’engagement républicain, dont les élus qu’elle représente ont besoin.
Je veux rappeler que l’État verse 6,5 milliards d’euros par an de subventions aux associations, ce qui est bien normal, et jamais suffisant, car elles mènent un travail difficile, souvent avec peu de moyens et souvent sur la base du bénévolat, dont une majorité de femmes, nous disent d’ailleurs les études de France bénévolat. Ce montant mérite d’être souligné ; ainsi, 60 % des associations de ce pays reçoivent des fonds de l’État.
Enfin, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, la charte n’a pas de valeur contraignante. Le contenu du contrat d’engagement républicain est public, nous l’avons adressé aux présidents des groupes parlementaires et il a été largement repris dans la presse. Le projet est justement en phase de concertation avec les élus et les associations. Le contrat n’est pas finalisé, sinon les débats parlementaires n’auraient pas d’utilité. La version finale du contrat d’engagement républicain sera prise par décret en Conseil d’État en fonction de ce que le Parlement aura décidé. In fine, vous voterez, et c’est sur cette base que le Conseil d’État statuera.
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour explication de vote.
M. Jérémy Bacchi. Je serai synthétique, rassurez-vous, d’autant que notre collègue Philippe Bas a déjà formulé dans son intervention des arguments que je partage. Bien sûr, toutes les associations pourront signer le CER, mais le respecteront-elles et sous quelles modalités ?
En cette période de crise sanitaire, sociale et économique, le signal envoyé aux associations est profondément regrettable. Là où le Gouvernement et la Nation tout entière devraient s’appuyer sur les associations pour relever collectivement le défi de la crise, on instaure une suspicion à leur égard qui est de notre point de vue extrêmement préjudiciable.
En revanche, madame la ministre, je me réjouis que vous trouviez insupportable de donner de l’argent public à des associations qui ne respecteraient pas l’égalité femmes-hommes. Je me demande cependant pourquoi le Gouvernement n’a pas la même exigence quant à l’égalité salariale et l’égal accès aux postes à responsabilités dans les entreprises.
Mme Michelle Gréaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour explication de vote.
M. Pierre-Jean Verzelen. Nous suivons l’avis de la commission et retirons les amendements nos 410 rectifié bis et 411 rectifié bis de M. Menonville.
M. le président. Les amendements nos 410 rectifié bis et 411 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 443 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 306 et 444 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Madame Boyer, l’amendement n° 163 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Boyer. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 163 rectifié est retiré.
Monsieur Requier, l’amendement n° 133 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 133 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 611.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 134 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 134 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 607 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article.
M. Gérard Longuet. Je voudrais être certain que l’article 6, une fois voté, me permettra de continuer à financer des associations, la France n’existant pas seulement depuis 1792, qui évoquent des personnages de la fondation. Ainsi, Vaucouleurs, qui a armé Jeanne d’Arc, a l’habitude de célébrer la mémoire de cette héroïne nationale, qui n’est ni laïque, puisqu’elle est une sainte pour certains Français, ni républicaine, puisqu’elle s’est justement mobilisée pour obtenir le sacre du roi à Reims. Cela fera-t-il l’objet d’une interdiction ou acceptera-t-on une tolérance ? (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Demande de réserve
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je demande la réserve de l’examen du chapitre V du titre Ier et de l’article 19 ter jusqu’à mardi, quatorze heures trente.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Très bien !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Les sujets abordés concernent la commission de la culture et de l’éducation. S’il advenait que nous parvenions à ces articles demain en fin d’après-midi, nous aurions un débat tronqué.
M. le président. Aux termes de l’article 44 du règlement du Sénat, la réserve est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande formulée par la commission ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Le Gouvernement y est favorable, sous réserve que nous ayons pu examiner le reste du texte.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. le président. L’amendement n° 279 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le II de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – En cas d’atteinte grave aux principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de dignité de la personne humaine, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I. Il peut être rendu public. »
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Que peuvent faire nos concitoyens lorsqu’ils font face à une atteinte grave aux principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de dignité de la personne humaine ? Parmi les nombreuses solutions possibles, il apparaît essentiel que le statut de lanceur d’alerte puisse leur être octroyé afin de mieux les protéger.
Cette possibilité permettrait de mieux prévenir les dérives pouvant être observées dans les services publics ou dans les associations et les fondations qui ont, par exemple, signé un contrat d’engagement républicain. Aussi, une telle possibilité doit être expressément indiquée dans la loi afin d’éviter que les personnes constatant ces atteintes ne soient exposées aux représailles de ceux qui porteraient atteinte aux principes républicains.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le statut de lanceur d’alerte est conféré aux personnes qui signalent un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général. Il semble disproportionné de l’étendre aux signalements de manquements au contrat d’engagement républicain, qui ne constituent d’ailleurs pas forcément des infractions pénales. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Artano. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 279 rectifié est retiré.
L’amendement n° 164 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher et Meurant, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mmes Bourrat et de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’est fait le constat qu’une association, bénéficiaire d’avantages ou de subventions versés par une commune, accomplit des actes portant atteintes aux valeurs fondamentales de la République, le maire doit cesser l’octroi desdits avantages et subventions et en exiger, par mise en demeure dans un délai raisonnable, la restitution à l’association bénéficiaire. Le défaut de restitution dans un délai de trois mois est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ainsi que d’une peine complémentaire de confiscation des avantages et ressources concernés. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à faire cesser le versement de subventions municipales à des associations dites « loi 1901 » qui exerceraient une activité ne respectant pas les valeurs constituant le socle de notre pacte républicain. Je pense aux exigences minimales de la vie en société, telles que le respect de la dignité, l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, le respect du droit ou encore la condamnation de tout discours de haine à l’encontre de toute personne ou tout groupe de personnes.
De telles subventions ne peuvent être acceptées. Pour cela, il faut demander aux maires, représentants de la puissance publique au cœur de la vie quotidienne de nos concitoyens, de mettre fin à tous les avantages ou subventions quels qu’ils soient et d’en exiger la restitution, à défaut de quoi de lourdes sanctions dissuasives devront être prononcées. Je rappelle que la mairie de Strasbourg a pris la décision de subventionner la construction de la mosquée Eyyûb Sultan à hauteur de 2,5 millions d’euros.
Madame la ministre, je vous ai entendue à l’Assemblée nationale. Moi, je n’ai pas besoin de mémo pour savoir que l’organisation turque Millî Görüs est particulièrement curieuse.
Je partage vos propos : nous ne pouvons cautionner que la mairie verte de Strasbourg subventionne une mosquée soutenue par une association qui ne condamne ni l’islam politique ni l’apostasie. Je rappelle que l’organisation Millî Görüs (CIMG) a été créée à la fin des années 1960 en Allemagne par Necmettin Erbakan, ancien Premier ministre turc, et s’est installée progressivement en Europe occidentale, sous l’impulsion de membres de la diaspora turque présente outre-Rhin. La CIMG est aujourd’hui présente dans soixante-dix lieux de culte en France. Un autre groupe turc, le Comité de coordination des musulmans turcs de France, pilote 270 des quelque 2 500 mosquées présentes sur le territoire. Ainsi, 14 % des mosquées de notre pays sont liées à la Turquie.
Je voudrais vous citer Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble - une ville malheureusement célèbre ces derniers temps pour des événements peu républicains - et spécialiste de la Turquie contemporaine, qui revenait sur les motivations du groupe : « Ils ont le même projet que les Frères musulmans : faire de l’islam politique. »
Mes chers collègues, même si cet amendement pourrait être sous-amendé, nous nous devons d’agir. Ce projet de loi permettra-t-il d’interdire efficacement le financement par des pays qui ne respectent pas un certain nombre de libertés, parviendra-t-il réellement à empêcher l’entrisme des pays étrangers ? (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Madame Boyer, vous souhaitez créer une infraction spécifique pour les seules subventions communales, ce qui ne nous semble pas forcément opportun. En outre, punir d’un an de prison la non-restitution de la subvention dans les trois mois semble disproportionné.
Le droit en vigueur punit déjà du délit d’abus de confiance un organisme privé qui aurait utilisé une subvention pour un autre usage que celui prévu ou, désormais, celui qui ne l’aurait pas remboursée si elle lui a été indûment versée. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Je sais que les peines proposées par cet amendement sont sévères, mais elles sont proportionnées aux dérives de certaines associations. Si la loi n’est pas là pour rappeler combien nous condamnons ce type de pratiques, comment faire ? La situation actuelle n’est pas une vue de l’esprit, elle est extrêmement concrète. J’ai pris l’exemple de Strasbourg avec l’association soutenue par Millî Görüs, mais il existe bien d’autres difficultés de ce type en France.
Alors que les maires sont au centre de tous les dispositifs, y compris pour sortir de la crise sanitaire, et sont considérés, à juste titre, comme les piliers de la République, il serait inopportun de ne pas les lier aux difficultés rencontrées avec ce type d’association et le respect des principes de la République. Nous devons aller plus loin et sanctionner au niveau communal les associations qui ont abusé, parfois avec la complicité de certaines mairies. C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Le remboursement est une vraie question, qui va poser de nombreuses difficultés. Une fois l’infraction constatée, le remboursement, les auditions l’ont montré, sera un casse-tête chinois, notamment en cas de subvention intercommunale.
Je ne voterai pas cet amendement, mais j’en soutiens l’esprit, en tout cas le problème de la restitution qui nous sera posé ultérieurement.
M. le président. L’amendement n° 494, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 29° de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … De mettre à disposition, à titre gracieux ou moyennant finance, des locaux de la commune. Le maire peut refuser en cas de soupçons de radicalisme de la part du ou des personnes morales ou physiques qui sollicitent ce local. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Par cet amendement, je voudrais que nous inscrivions dans le code général des collectivités territoriales un soutien clair aux maires et à la libre administration des communes en leur permettant de refuser, en cas de soupçons de radicalisme, de mettre à disposition d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une association un local communal.
Aujourd’hui, les pouvoirs du maire sont limités par le principe d’égalité et la liberté de réunion. Il ne peut empêcher une réunion communautariste qui ne menace pas clairement l’ordre public. Cet amendement affirme au contraire que, par sa fonction, le maire peut réunir un faisceau d’indices suffisant pour refuser la mise à disposition d’un local communal en cas de soupçons de radicalisme.
Le maire dispose d’une place primordiale, à portée des coups à prendre, mais également à portée des coups à donner. La loi doit lui permettre d’empêcher concrètement la propagation conquérante des idéologies islamistes dans les limites de sa commune.
Vous êtes nombreux à avoir été élus locaux, mes chers collègues, et à savoir combien cette problématique est prégnante. Je vous invite par conséquent à voter cet amendement pragmatique pour lutter contre l’islamisme, redonnant toute sa place à la subsidiarité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le fait de refuser de louer une salle pour « soupçons de radicalisme » paraît un peu flou.
Par ailleurs, le droit en vigueur permet déjà aux maires de fixer par règlement intérieur les conditions d’usage des locaux compte tenu de la nécessité du maintien de l’ordre public. Laissons donc les collectivités gérer.
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 147 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Requier, Roux, Fialaire et Gold, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 1311-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les locaux communaux, à l’exception des édifices du culte, ne peuvent pas faire l’objet d’un tel bail afin qu’ils puissent servir de lieu de culte. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 2144-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’usage de ces locaux ne peut pas avoir pour objet de servir de lieu de culte. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Nos collectivités territoriales ont leur liberté d’administration, mais la laïcité en est une limite : la liberté locale ne doit jamais bénéficier à tel ou tel culte.
Il s’agit d’interdire le fait qu’une commune permette par la location, le prêt à titre gracieux, voire le bail emphytéotique qu’une salle municipale devienne un lieu de culte. Il n’est question ni de temps ni de lieu, mais véritablement de principe : une collectivité locale ne doit en aucun cas se détacher de la neutralité dans ses rapports avec les cultes.
M. le président. L’amendement n° 165 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon et Longuet, Mme Lassarade, M. Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mmes Bourrat et de Cidrac et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le maire peut refuser la location d’une salle municipale à un individu ou une association organisant un événement aux motifs religieux. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Il est dommage que mon amendement précédent n’ait pas été adopté, le cas échéant sous-amendé pour être élargi aux intercommunalités, car il faudra bien que ce texte traite de la restitution des sommes indûment perçues.
Le présent amendement vise à permettre à un maire de refuser de louer ou de mettre à disposition une salle municipale à un individu ou à une association organisant un événement religieux, ou en cas de dérive extrémiste attendue ou supposée. Aujourd’hui, le maire doit motiver ce refus par la nécessité de l’administration des propriétés communales, par celle du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre.
Le Conseil d’État a jugé qu’en refusant de mettre à disposition d’une association communautaire une salle municipale, la maire de Saint-Gratien, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, a porté « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés de réunion et de culte ». Le présent amendement vise donc à créer un cadre juridique permettant aux élus locaux de s’opposer à la location d’une salle municipale pour des motifs religieux. En effet, le seul motif d’atteinte à l’ordre public et de menaces en la matière ne saurait suffire.
Même si un règlement d’occupation des salles peut être porté par le maire, il convient d’inscrire cette possibilité dans la loi, comme nous l’avons fait hier pour les drapeaux. Un socle juridique protège le maire.
Si j’ai fait allusion à ce qui est arrivé à notre collègue, c’est parce que nous avons tous, me semble-t-il, été confrontés à des difficultés similaires dans l’exercice de nos fonctions. C’est pourquoi je souhaite que l’amendement n° 165 rectifié puisse être adopté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 147 rectifié bis vise à interdire le recours aux baux emphytéotiques administratifs pour les lieux de culte, ce qui serait une vraie restriction par rapport au droit existant. Sachant que le présent projet de loi a pour objet de permettre aux cultes de s’organiser sans avoir besoin de financements en provenance de l’étranger, une telle mesure me paraîtrait contre-productive. L’avis est donc défavorable.
Madame Boyer, comme je l’ai indiqué à M. Ravier, le maire peut décider d’un règlement communal fixant les conditions de location des salles et les publics concernés. Je laisserai à l’ancienne maire de Saint-Gratien le soin de vous répondre sur son cas particulier. Mais elle-même nous a indiqué en commission que, depuis la mise en place d’un règlement communal de location des salles, le problème apparu en 2011 ne se posait plus. L’adoption d’un tel règlement peut donc être une solution, et j’invite les élus locaux à s’engager dans cette voie. L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 165 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Même avis que la commission sur l’amendement n° 147 rectifié bis.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 165 rectifié. Pour nous, la décision d’autoriser l’utilisation de salles municipales et la détermination des conditions dans lesquelles cela s’effectue appartiennent au maire, qui dispose de la compétence exclusive en application de l’article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales. En principe, le maire est libre de refuser ou d’accepter la mise à disposition d’une salle. Néanmoins, sa décision est soumise au principe de neutralité à l’égard des cultes et d’égalité.
Permettez-moi de vous rappeler ce qui ressort de la jurisprudence du Conseil d’État à cet égard.
D’une part, le maire ne peut pas décider qu’un local municipal appartenant à la commune serait laissé de manière exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte, car cela constituerait un édifice cultuel. Les conditions financières de la mise à disposition au bénéfice d’un culte ne doivent pas conduire à caractériser une libéralité, en raison de la prohibition par l’article 2 de la loi de 1905, que chacun ici connaît.
D’autre part, le maire ne peut pas davantage interdire la location d’une salle au seul motif que l’objet de l’événement serait religieux sans porter atteinte au principe d’égalité et à la liberté d’association, notamment lorsqu’il s’agit d’un événement ponctuel.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je suis navrée d’insister, mais, précisément, la jurisprudence du Conseil d’État que vous avez évoquée va dans mon sens : le maire est obligé de faire un règlement intérieur ou une charte pour ne pas être confronté à ce type de problèmes.
Il me semble important de donner un socle législatif, à l’instar de ce que nous avons fait hier s’agissant des drapeaux, pour permettre au maire de refuser la location d’une salle municipale à un individu ou à une association organisant un événement pour un motif religieux sans que sa décision soit attaquée. Je ne souhaite pas l’obliger à refuser une telle demande ; je souhaite simplement lui en laisser la possibilité. Cela permettrait de répondre aux difficultés auxquelles les maires sont confrontés aujourd’hui. D’ailleurs, c’est bien ce que confirme la jurisprudence du Conseil d’État.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 147 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 400 rectifié, présenté par M. Marseille, Mmes Loisier et Vermeillet, MM. Louault, J.M. Arnaud, Henno, Cadic et Laugier, Mme Guidez, M. Le Nay, Mmes Férat et de La Provôté, MM. Moga, Lafon, Kern et S. Demilly, Mme Saint-Pé, MM. Levi et Chauvet, Mme Herzog, M. Détraigne, Mme Doineau, M. Longeot, Mme Perrot, M. Capo-Canellas, Mme Dindar, M. P. Martin, Mmes Billon et Jacquemet, MM. Hingray, Duffourg et Folliot et Mmes Morin-Desailly et Gatel, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du service national est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 120-30 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ils ont l’obligation de souscrire le contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Les organismes qui n’ont pas respecté ce contrat ne peuvent être agréés ou bénéficier des dispositions de l’article L. 120-32 pendant une durée de cinq ans à compter de la constatation du manquement. » ;
2° L’article L. 120-31 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « à l’accueil », sont insérés les mots « , la formation » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’Agence du service civique enjoint, par une décision motivée et après que l’organisme a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues à l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, la restitution des aides versées aux organismes dont l’agrément a fait l’objet d’une décision de retrait pour un motif tiré du non-respect du contrat d’engagement républicain. »
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Depuis sa création en 2010, le service civique mobilise annuellement un nombre de jeunes de plus en plus important. En 2021, le dispositif doit permettre à 245 000 jeunes de s’engager dans le cadre d’une mission d’intérêt général.
Le service civique a pour objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale. Il offre à toute personne volontaire l’occasion de servir les valeurs de la République et de s’engager en faveur d’un projet collectif en effectuant une mission d’intérêt général.
Au regard des objectifs assignés aux dispositifs et du nombre de jeunes engagés dans ce cadre, les organismes agréés au titre du service civique se doivent de respecter les valeurs de la République. Aussi, le présent amendement, déposé par Hervé Marseille, vise à soumettre la délivrance de l’agrément de service civique à l’engagement des organismes demandeurs de respecter le contrat d’engagement républicain mentionné dans la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Les conséquences tirées du non-respect de ce contrat, c’est-à-dire le retrait de l’agrément, seront fixées par voie réglementaire.
La majorité des jeunes qui s’engagent en mission de service civique sont accueillis par des organismes sans but lucratif. Ceux-ci bénéficient d’un aide pour l’accompagnement des jeunes pendant leur mission, mais également d’une aide destinée à financer la formation civique et citoyenne des jeunes. Notre amendement vise donc à ce que ces aides, dans le respect du principe du contradictoire, soient restituées par l’organisme sans but lucratif n’ayant pas respecté le contrat d’engagement républicain auquel il a souscrit lors de sa demande d’agrément de service civique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’extension du dispositif du contrat d’engagement républicain aux organismes agréés par l’Agence de service civique est effectivement utile au regard de la mission d’intérêt général qui leur est confiée et des aides publiques qui leur sont accordées. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. L’avis est également favorable : le fait de soumettre la délivrance de l’agrément de service civique à l’engagement des organismes demandeurs de respecter le contrat d’engagement républicain nous semble un ajout très bienvenu.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 6.
L’amendement n° 280 rectifié bis, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 3 ter du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section …
« Du comportement sectaire
« Art. …. – Est un comportement sectaire le fait de poursuivre des activités dans le but de porter atteinte aux principes fondamentaux de la République de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, aux symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution, ainsi que de remettre en cause le caractère laïque de la République.
« Tout comportement sectaire est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Comme nous l’avons déjà largement souligné, nous assistons depuis plusieurs décennies à une montée en puissance des courants extrémistes en rupture avec notre société. Naturellement, les gouvernements cherchent comment combattre et endiguer un tel phénomène. Ce projet de loi pourra indéniablement apporter des réponses et des solutions.
Par cet amendement, nous cherchons à ouvrir une nouvelle voie, celle de la création d’une qualification juridique de « comportement sectaire » qui serait répréhensible. En effet, les notions de « secte » et de « comportement sectaire » permettraient d’isoler et de réprimer certaines pratiques extrémistes, tout en les distinguant des pratiques religieuses, qui, le plus souvent, ne posent pas de problème et demeurent pacifiques et respectueuses de l’ordre républicain.
L’introduction d’une telle qualification pénale permettrait donc de condamner certains courants et certaines pratiques hostiles à la République, à la laïcité et à ses principes sans les associer pour autant à une pratique religieuse.
Sachant que les personnes pratiquant leur religion le font dans la majorité des cas dans le respect des principes républicains, il est important de rechercher des solutions pour éviter de les stigmatiser sans renoncer à pouvoir condamner ceux qui enfreignent notre pacte social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement vise à créer une nouvelle infraction pénale pour « comportement sectaire », défini comme un manquement aux principes de la République, et tend à assimiler volonté de séparatisme et dérives sectaires.
Certes, nous le reconnaissons, le problème se pose. C’est la raison pour laquelle la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires a déjà puni plus sévèrement de telles activités et permis de mieux lutter contre les dérives sectaires.
La demande nous paraît donc satisfaite par le droit en vigueur. C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement ; faute de quoi, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je partage l’objectif de cet amendement : mieux sanctionner pénalement les comportements sectaires. C’est pourquoi nous avons renforcé l’action de la Miviludes, comme je l’ai exposé longuement hier. Nous avons lancé un certain nombre d’actions, notamment la mise en place d’un conseil d’orientation de la lutte contre les dérives sectaires.
Reste que, à ce stade, il n’y a pas de définition juridique de la secte, pas plus qu’il n’y a de définition juridique de la religion. Le législateur est respectueux de toutes les croyances et fidèle au principe de la laïcité. Dans tous les débats, nous avons toujours refusé de définir dans la loi ce que serait une religion ou une secte, afin de ne pas heurter les libertés de conscience, d’opinion, de religion, qui sont garanties par les différents textes fondamentaux.
Je voudrais tout de même rappeler que la lutte contre les dérives sectaires est une priorité de notre action. Celles-ci sont réprimées par l’article 223-15-2 du code pénal, qui sanctionne de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse […] d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire […] cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ».
Le droit actuel nous semble donc apporter des réponses face aux dérives sectaires, qui constituent une menace importante et, de surcroît, croissante en ces temps de pandémie.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean-Claude Requier. L’amendement est retiré !
M. le président. L’amendement n° 280 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 493, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le paragraphe 5 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre IV du code pénal, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« Paragraphe …
« Du clientélisme électoral auprès des ennemis de la République
« Art. …. – Est puni d’une peine de dix ans d’inéligibilité, d’un an de prison et de 75 000 euros d’amende, le fait, par une personne investie d’un mandat électif public, de soutenir sans droit, à tout moment, directement ou indirectement une association, une personne ou un groupe de personnes identifiées comme engagées dans une démarche de séparatisme contraire à la cohésion nationale et partageant une idéologie caractérisée par l’un au moins des traits suivants :
« 1° L’incompatibilité radicale avec les droits, libertés et principes reconnus ou consacrés par la Constitution et notamment la dignité de la personne humaine ou la liberté de conscience et d’expression ;
« 2° Le refus de respecter la laïcité de l’État, les procédures démocratiques, les institutions et de respecter la primauté de la loi commune ;
« 3° Les facteurs de scission majeurs qu’elle induit ou les menaces graves qu’elle porte pour l’unité de la Nation, le maintien de sa souveraineté et de son indépendance, comme pour l’intégrité de son territoire ;
« 4° Les liens qu’elle révèle avec des autorités, organisations ou puissances étrangères, dès lors que ces liens sont de nature à faire naître les doutes les plus sérieux sur la loyauté envers la France et la soumission à ses lois de ceux qui la professent ;
« 5° Le soutien, la minoration ou la banalisation qu’elle exprime à l’égard des crimes contre l’humanité, de l’asservissement, des assassinats, des actes de tortures ou de barbarie, des crimes de masse commis au nom d’une de ces idéologies, des viols ou des agressions sexuelles ou encore les crimes ou délits commis contre les intérêts de la France ou ses ressortissants, ou de leurs auteurs et complices, ou qu’elle exprime à l’égard de ceux qui appellent à la haine, à la violence et la discrimination envers la France et ses ressortissants, comme pour ceux qui font l’apologie de ces actes ou les diffusent dans un but de propagande ;
« 6° Toute manifestation tendant à contraindre physiquement ou psychologiquement une personne à adhérer ou à renoncer à une religion. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Imaginons un instant Renaud Muselier, président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, envoyer l’une de ses élues, Nora Preziosi en l’occurrence, le représenter lors d’une réunion de l’UOIF, branche française des Frères musulmans. Imaginons Christian Estrosi, maire de Nice, considérer qu’un imam islamiste est un relais social important. Imaginons Samia Ghali, ancienne collègue et toujours troisième adjointe à la mairie de Marseille, se rendre aux grands événements organisés par une mosquée qui diffuse des textes appelant au djihad et au meurtre des apostats. Imaginons enfin la maire de Strasbourg vouloir subventionner une mosquée islamiste affiliée au pouvoir du dictateur Erdogan. Effrayant, non ?
Pourtant, toutes ces histoires sont vraies et très récentes ! La liste, notamment à Marseille, n’est pas exhaustive, mais, par charité chrétienne (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.), par charité républicaine et par rondeur sénatoriale, comme dirait l’ancien maire de Marseille et vice-président du Sénat, je m’arrête là.
Vous seriez tous d’accord, mes chers collègues, pour dénoncer ces agissements moralement et politiquement condamnables. Et vous auriez raison ! Mais cela ne va pas assez loin : année après année, les mêmes cas se répètent. Ces idiots utiles, qui ressemblent à s’y méprendre à des complices des islamistes, doivent pouvoir comparaître devant la justice et, le cas échéant, être condamnés.
Les complaisances avec les islamistes, les subventions, le soutien de responsables politiques ne doivent plus rester sans réponse. En politique, on ne pactise pas avec le diable ; on ne mange pas à sa table, même avec une longue cuillère,…
Mme Éliane Assassi. Un peu de modération quand même !
M. Stéphane Ravier. … surtout quand il a l’intention de vous égorger à la première occasion !
Mme Éliane Assassi. Il n’y a des choses qu’on ne peut pas entendre ici !
M. Stéphane Ravier. Ceux qui ont tendu la main aux islamistes pendant des décennies l’ont fait non pas par conviction ou bienveillance – je veux bien le croire –, mais simplement pour se créer une petite clientèle électorale permettant de passer de 49 % à 51 % des voix.
Le clientélisme à Marseille a fait couler beaucoup d’encre. On parlait du « système G » : Gaston Defferre, Jean-Claude Gaudin, Jean-Noël Guérini. Mais, dans toute la France, se crée un « système S » : salles de prière, subventions, suffrages ! Non seulement ce système affaiblit notre démocratie, mais il légitime et renforce les islamistes dans les quartiers. Il faut purger notre système politique de tous ceux qui alimentent ce système et laissent pourrir la République !
Refuser cet amendement n’aurait qu’une seule signification : faire de vous, à votre tour, des complices, certes indirects, mais complices quand même, de ce système islamo-clientéliste ! (Marques d’impatience sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Le temps !
M. Stéphane Ravier. Mes chers collègues, l’heure est trop grave pour vous laisser imposer un vote partisan. Libérez-vous, chers collègues de droite,…
Mme Éliane Assassi. Le temps !
M. le président. Il faut conclure !
M. Stéphane Ravier. … de toute discipline et donc de toute contrainte de parti et n’obéissez qu’à un seul devoir : abattre l’hydre islamiste !
Mme Laurence Cohen. Le temps !
M. Stéphane Ravier. Cet amendement vous y aidera.
Mme Éliane Assassi. Il faut faire respecter le temps de parole, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement vise à créer un nouveau délit de « clientélisme électoral auprès des ennemis de la République » au périmètre très large, puisque cela consisterait à « soutenir sans droit, à tout moment, directement ou indirectement une association, une personne ou un groupe de personnes ». C’est relativement flou.
On voit bien ce qui est visé. Effectivement, je ne peux pas dire que le problème ne se pose pas dans certains endroits. Pour autant, je ne pense pas qu’un tel amendement permette de le résoudre. C’est aux élus de se saisir à bras-le-corps du sujet.
Mme Éliane Assassi. Vous ne pouvez pas dire ça !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je ne peux pas dire quoi ? Qu’il y a du clientélisme dans certaines communes ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est pourtant la réalité !
Mme Éliane Assassi. Vous lui donnez raison !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il faut être conscient qu’il peut y avoir du clientélisme dans certains endroits.
M. Philippe Pemezec. C’est la vérité !
M. Stéphane Ravier. Merci, madame la rapporteure !
Mme Éliane Assassi. M. Ravier vous remercie…
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Pour autant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Les termes qu’emploie M. Ravier dans la rédaction de son amendement ne sont pas dignes de la Haute Assemblée. En tant que sénatrice, même si je ne le suis peut-être pas depuis très longtemps, croyez-moi, j’ai honte !
M. Philippe Pemezec. Gardez vos leçons ! Ce ne sont pas les communistes qui vont nous apprendre la vie !
Mme Esther Benbassa. Comment vais-je pouvoir raconter demain ou après-demain ce que j’ai entendu ici ? Dans cet espace démocratique, nous devons raison garder.
Il existe peut-être ici ou là de l’islamo-clientélisme, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut attaquer ainsi, stigmatiser et utiliser des termes impropres qui ne sont pas à la hauteur des travaux de notre assemblée. Nous débattons toujours dans la diversité, souvent dans l’opposition et, parfois, dans le rapprochement des points de vue, comme cela a pu être le cas aujourd’hui.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 493.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6 bis
(Supprimé)
Article 7
I. – L’article 25-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « trois » est supprimé ;
2° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Respecter les principes du contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la présente loi. » ;
3° À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « trois critères » sont remplacés par le mot : « conditions ».
II (nouveau). – L’article 10 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La reconnaissance d’utilité publique n’est accordée que si l’association respecte les principes du contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. »
III (nouveau). – Après le troisième alinéa de l’article 18 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La reconnaissance d’utilité publique n’est accordée que si la fondation respecte les principes du contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 308 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 344 est présenté par M. Meurant.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 308.
Mme Esther Benbassa. Par cohérence avec notre amendement précédent, nous nous opposons au fait que la signature d’un contrat d’engagement républicain conditionne la reconnaissance de l’utilité publique d’une association ou d’une fondation. Il y a déjà des conditions claires et fixes pour qu’une association ou une fondation soit reconnue d’utilité publique : œuvrer dans l’intérêt général, posséder un budget d’un certain montant et agir sur le plan national.
Par ailleurs, ces associations et fondations sont déjà régies par un ensemble de contrats préexistants, qu’elles doivent notamment signer au moment de l’obtention d’une subvention.
L’ajout fait par la commission des lois, c’est-à-dire la signature d’un contrat d’engagement républicain comme condition de reconnaissance de l’utilité publique d’une association ou d’une fondation, est absolument inutile et redondant. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en demande donc la suppression.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour présenter l’amendement n° 344.
M. Sébastien Meurant. Il est retiré.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Avis défavorable : nous considérons qu’une association et une fondation reconnue d’utilité publique devraient par définition respecter le contrat d’engagement républicain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 102 rectifié, présenté par M. Magner, Mmes S. Robert et de La Gontrie, MM. Kanner et Sueur, Mme Harribey, MM. Antiste et Assouline, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe, MM. Féraud et Marie, Mme Meunier, MM. Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne et Conway-Mouret, MM. Gillé et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Lurel, Mérillou, Redon-Sarrazy, Temal, Tissot, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
les principes du contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la présente loi
par les mots :
la charte des engagements réciproques
II. – Alinéas 7 et 9
Remplacer les mots :
les principes du contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
par les mots :
la charte des engagements réciproques
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement de cohérence a pour objet d’ajouter aux actuelles conditions requises pour l’octroi par l’État d’un agrément aux associations loi 1901 et aux associations régies par le droit d’Alsace-Moselle et à la reconnaissance d’utilité publique des associations et fondations le respect de la charte des engagements réciproques – nous l’avons déjà évoquée –, et non celui des principes du contrat d’engagement républicain.
M. le président. L’amendement n° 521, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Alinéas 4, 7 et 9
Remplacer les mots :
les principes du contrat d’engagement républicain mentionné
par les mots :
les engagements et les principes inscrits dans la charte d’engagements réciproques entre l’État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales mentionnée
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Notre groupe est déjà intervenu sur le contrat d’engagement républicain et sur les problèmes que ce dispositif crée. Nous avons évoqué les aspects constitutionnels, les situations ubuesques dans lesquelles nous pourrions nous retrouver et l’inutilité d’une telle mesure au regard du cadre juridique actuel, mais je voudrais insister sur un point.
Le Gouvernement et la majorité souhaitent qu’aucun denier public ne soit attribué à des associations antirépublicaines. Cet objectif me semble faire consensus parmi nous. Toutefois, n’est-ce pas au final juste reporter le problème ? Ces associations ou groupements de fait trouveront leur financement ailleurs, notamment par le biais de dons probablement non déclarés. Là, ils passeront directement sous les radars de la puissance publique.
En d’autres termes, au lieu de nous donner les moyens de lutter contre des phénomènes effectivement dangereux, nous allons laisser le soin aux élus locaux d’identifier et de gérer des problèmes qui pourront se faire jour chez eux. D’ailleurs, avons-nous ne serait-ce qu’une estimation des associations visées qui perçoivent ces subventions ? Il faut le rappeler, avoir des aides publiques, c’est s’inscrire dans le cadre de tout un arsenal réglementaire et de contrôle.
Au final, comme le disait le secrétaire général de l’Association pour la formation des cadres de l’animation et des loisirs, Marc Guidoni, nous avons l’impression que le Gouvernement et sa majorité ont « pris un bazooka pour tirer sur une souris, qu’ils risquent de rater en plus ».
M. le président. L’amendement n° 309, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous avons déjà répondu sur la charte des engagements réciproques, ainsi que sur les associations et les fondations reconnues d’utilité publique : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 635, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
IV. – L’association, fédération ou union d’associations qui a bénéficié de l’agrément prévu à l’article 8 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel antérieurement à la date de publication de la présente loi dépose au plus tard à l’expiration d’un délai de trente-six mois à compter de cette date un nouveau dossier de demande d’agrément satisfaisant aux conditions prévues à l’article 25-1 de la loi n° 2000-321 précitée.
V. – À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 8 de la loi n° 2001-624 précitée, après le mot : « agrément », sont insérés les mots : « délivré pour une durée de cinq ans ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Cet amendement a été élaboré avec ma collègue Sarah El Haïry.
Comme en matière sportive, il est important d’encadrer le délai de mise en application de l’article 7 et la conséquence sur les agréments jeunesse-éducation populaire en cours, afin que la loi soit claire pour ces acteurs associatifs importants. Or les associations doivent se mettre en conformité avec le tronc commun d’agrément qui est complété par le projet de loi au plus tard le 9 mai 2022, en application du décret n° 2017-908 du 6 mai 2017.
En matière sportive, le choix est fait d’encadrer l’application dans le temps de manière plus longue, compte tenu des jeux Olympiques de 2024, notamment.
Pour les autres associations agréées par l’État de jeunesse et d’éducation populaire, qui sont un grand nombre, il nous semble indispensable de pouvoir redéfinir avec précision la mise en œuvre de l’article 7 plutôt que de dépendre d’un décret d’application ancien.
En outre, l’article 7 implique un nouveau système d’information pour la gestion interministérielle des agréments, afin que l’État et l’ensemble des autorités administratives intéressées puissent à la fois enregistrer et avoir accès à l’information sur la souscription du contrat d’engagement républicain. Une modification importante du compte association est dès lors indispensable.
Les associations, fédérations et unions qui n’auront pas adressé une nouvelle demande d’agrément avant la fin du délai légal ne pourront plus prétendre au bénéfice de l’agrément de jeunesse et d’éducation populaire, ni du tronc commun d’agrément et, par voie de conséquence, notamment de subventions de l’État spécifiques.
Il nous semble important d’encadrer dans le temps les décisions d’agrément pour en permettre la vérification dans le cadre du renouvellement de la décision. Ce délai doit être assez long pour ne pas entraver l’exercice de la liberté d’association, à laquelle le Gouvernement est très attaché, et apporter suffisamment de garanties d’exercice aux associations.
En matière de jeunesse et d’éducation populaire, depuis la loi du 17 juillet 2001, aucune condition de durée n’était prévue. Cela complexifiait la gestion des agréments des associations, qui doivent par ailleurs toutes satisfaire aux conditions du tronc commun d’agrément, d’une durée de cinq ans.
Comme cela est déjà prévu pour les associations éducatives complémentaires de l’enseignement public, l’uniformisation des durées sur cinq ans entre l’agrément de jeunesse et d’éducation populaire et le tronc commun d’agrément simplifierait la gestion pour les administrations chargées de cet agrément, tout en conférant des garanties d’exercice sur le long terme pour les associations.
M. le président. Le sous-amendement n° 678, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 635, alinéa 2
Remplacer les mots :
trente-six
par les mots :
vingt-quatre
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le Gouvernement propose de laisser trois ans aux associations œuvrant dans le domaine de l’éducation populaire et de la jeunesse pour se mettre en conformité quand les autres associations ne disposent que de deux ans. Notre sous-amendement tend donc à aligner le régime applicable à ces associations sur celui des autres associations ; elles disposeraient ainsi de vingt-quatre mois pour se mettre en conformité. L’agrément valant pendant cinq ans, une durée de trois ans ne se justifie pas.
La commission est favorable à l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 678 ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. En commission, notre groupe avait trouvé normal de procéder à un alignement de la durée du délai prévu. Toutefois, les explications de Mme la ministre nous laissent perplexes. Il est bien indiqué dans l’objet de l’amendement, qu’elle nous a lu et que nous avons sous les yeux, que les nouvelles formalités à accomplir seront redéfinies par décret. C’est bien parce qu’un temps est nécessaire à l’élaboration du décret que le Gouvernement prône une durée de trois ans. C’est, du moins, ce que je pense avoir compris de l’amendement n° 635.
Au vu de la longueur de la procédure d’élaboration des décrets, on comprend bien le problème… Je pense qu’il faut laisser un délai suffisant, faute de quoi les associations d’éducation populaire et de jeunesse qui ne pourront pas demander l’agrément vont se retrouver coincées. Par conséquent, je me demande s’il ne faudrait pas repousser le sous-amendement de la commission tendant à réduire le délai, indépendamment de tout jugement porté par ailleurs sur le process global.
M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
I. – Le chapitre II du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Les divisions et les intitulés des sections 1 et 2 sont supprimés ;
2° L’article L. 212-1 est ainsi modifié :
a) À la fin du 1°, les mots : « dans la rue » sont remplacés par les mots : « ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens » ;
b) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Ou dont l’objet ou l’action tend à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ; »
c) Le 6° est ainsi modifié :
– après le mot : « provoquent », sont insérés les mots : « ou contribuent par leurs agissements » ;
– après le mot : « origine », sont insérés les mots : « , de leur sexe, de leur orientation sexuelle » ;
– après le mot : « non-appartenance », sont insérés les mots : « , vraie ou supposée, » ;
– après l’avant-dernière occurrence du mot : « une », il est inséré le mot : « prétendue » ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous en application du présent article ou l’organisation de cette reconstitution sur le fondement d’une loi étrangère sont réprimées des mêmes peines dès lors que l’association ou le groupement maintient son activité sur le territoire de la République. » ;
3° Après le même article L. 212-1, sont insérés des articles L. 212-1-1 et L. 212-1-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 212-1-1. – Pour l’application de l’article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres, soit agissant en cette qualité, soit lorsque leurs agissements sont directement liés aux activités de l’association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient.
« Art. L. 212-1-2. – En cas d’urgence, la suspension de tout ou partie des activités des associations ou groupements de fait qui font l’objet d’une procédure de dissolution sur le fondement de l’article L. 212-1 peut être prononcée, à titre conservatoire et pour une durée qui ne peut excéder trois mois, sur arrêté motivé du ministre de l’intérieur.
« La violation d’une mesure conservatoire de suspension prononcée en application du premier alinéa du présent article est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »
II (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 431-15 du code pénal, la référence : « de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées » est remplacée par la référence : « de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure ».
III (nouveau). – Après le 1° de l’article 431-18 du code pénal, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis L’interdiction de diriger ou administrer une association pendant une durée de trois ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ; ».
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Même si nous n’avons pas déposé d’amendement sur l’article 8, celui-ci nous semble soulever de graves difficultés. En effet, il modifie le régime de dissolution des associations, portant ainsi une atteinte à nos yeux disproportionnée à la liberté associative. Il est déjà possible, nous le savons, de dissoudre des associations en conseil des ministres.
Surtout, l’alinéa 15 prévoit la possibilité de rendre « imputables à une association ou à un groupement de fait » les agissements « commis par un ou plusieurs de leurs membres ». Faire porter à une association la responsabilité collective du comportement de l’un de ses membres nous paraît très préoccupant. D’ailleurs, le Haut Conseil à la vie associative s’est prononcé dans le même sens que nous.
Étant très attachés aux principes cardinaux du droit pénal – proportionnalité, individualisation de la sanction, jugement non pas sur une intention mais sur des faits clairs, circonstanciés et objectifs –, nous considérons cet article très problématique. Nous nous y opposerons.
M. le président. L’amendement n° 310, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 8 vient réformer le régime juridique de la dissolution des associations en conseil des ministres. Il en élargit les motifs, en permettant d’imputer à l’association « des agissements commis par ses membres ».
Cette disposition, vivement critiquée, porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’association. Dans un avis, le Haut Conseil à la vie associative estime que la rédaction actuelle de cet article crée une présomption de responsabilité du fait d’autrui susceptible d’entraîner la dissolution d’une structure en raison du comportement de ses membres, ce qui va à l’encontre de l’article 121-2 du code pénal, qui dispose qu’une personne morale est responsable pénalement des seules infractions commises par ses organes ou représentants.
Peut-on légitimement estimer qu’une association a les moyens de contrôler l’action de ses membres ? Cette disposition crée une situation d’insécurité juridique pour les associations, qui pourraient subir les conséquences d’opérations de déstabilisation menées par des individus mal intentionnés. Elle apparaît contraire à la Constitution en raison de son caractère disproportionné, qui empêche de protéger la liberté d’association en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Avis défavorable : l’article 8 est important et ses dispositions sont proportionnées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous ne répondez pas sur le fond !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous allons soutenir cet amendement en raison de la grande confusion qu’induit, dans sa rédaction actuelle, l’article 8.
Comme Mmes Benbassa et de La Gontrie l’ont excellemment dit, il faut distinguer la responsabilité collective de la responsabilité individuelle. La même question se posera d’ailleurs par rapport aux cultes.
Si une personne membre d’une association se livre à des comportements ou tient des propos contraires à la loi, la responsabilité de l’association dans son ensemble est-elle pour autant engagée ? Présupposer cela, comme le fait cet article en dépit de quelques précautions, c’est s’engager, comme l’a dit le Haut Conseil à la vie associative, dans le sens d’une présomption de responsabilité du fait d’autrui.
Il est essentiel, dans tout notre édifice juridique, de distinguer la responsabilité personnelle de la responsabilité d’une entité telle qu’une association. Ce serait un amalgame que d’imputer la responsabilité des actes d’un seul à la collectivité, sauf bien entendu si l’on peut apporter la preuve que celle-ci a souscrit dans son ensemble aux propos ou actes délictueux.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je n’ai certes pas les compétences de nos collègues commissaires aux lois Marie-Pierre de La Gontrie, Esther Benbassa ou Jean-Pierre Sueur sur ces questions, mais je remarque, en tant que simple citoyenne, la difficulté pour nos associations de trouver des bénévoles et des dirigeants. Voilà plusieurs années qu’elles sont fragilisées par les politiques de ce gouvernement – je pense notamment à la disparition des contrats aidés –, alors qu’elles sont aujourd’hui fortement mobilisées dans la crise.
Nous fragilisons un tissu de 1,5 million d’associations, dont les dirigeants, en première ligne, donnent de leur temps pour la République et le lien social. Au-delà des problématiques purement juridiques, c’est principalement pour cette raison que cet article n’est pas acceptable en l’état. Nous devons entendre les inquiétudes du mouvement associatif.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice, le Gouvernement a considérablement relancé le dispositif des emplois aidés, avec le programme « 1 jeune, 1 solution ». (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous avez supprimé les contrats précédents !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. De nombreux emplois aidés peuvent être mis en place. Si vous avez connaissance, dans votre circonscription ou ailleurs sur le territoire, d’associations qui ont envie de s’engager dans ce dispositif et de mettre en œuvre de nouveaux contrats aidés avec des jeunes, c’est avec grand plaisir que je vous accompagnerai.
M. le président. L’amendement n° 345, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase, après les mots : « par décret en conseil des ministres », sont insérés les mots : « ou par vote du Parlement, à la suite d’une saisine de celui-ci par un cinquième des membres du Parlement » ;
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Considérant que la sécurité intérieure est l’affaire de tous, il s’agit de permettre au Parlement de faire appliquer concrètement l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure concernant la suspension ou la dissolution de certains groupements et associations.
Je n’aurais pas pris la parole si je n’avais pas un exemple précis en tête. J’ai en effet saisi depuis plusieurs mois maintenant les services du ministre de l’intérieur d’une demande de dissolution d’une association ouvertement raciste, pourtant dûment enregistrée par les services de l’État dans mon département. Celle-ci délivre des cartes d’identité de sang noir… Ses statuts précisent, à l’article 14, que « toute personne noire doit inscrire ses enfants au sein de l’école noire », à l’article 15, que « toute personne noire doit être cliente uniquement au sein de la banque noire », ou encore que « tout employeur noir a pour obligation d’employer des salariés noirs »…
Il semblerait que les associations puissent déclarer ce qu’elles veulent… Et lorsqu’un parlementaire saisit l’État, plusieurs mois après, il est obligé d’intervenir simplement pour faire appliquer la loi ! Cet amendement vise donc à permettre au Parlement de se saisir d’exemples sur les territoires et d’informer le plus grand nombre sur la célérité de l’action de l’État.
Ces exemples récents posent problème dans le cadre du rappel des principes de la République.
Mme Éliane Assassi. Ça devrait déjà ne pas exister !
M. Sébastien Meurant. Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter cet amendement. (M. Stéphane Le Rudulier applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le recours au Parlement ne semble pas adapté pour une mesure de police administrative. Nous sommes ici pour faire la loi, et non la police. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. L’avis est également défavorable, pour les mêmes raisons.
Je partage toutefois votre constat, monsieur le sénateur : juger des citoyens en fonction de leur couleur de peau, les priver pour cette seule raison d’une partie de leur liberté d’action ou d’expression, c’est évidemment raciste. De tels comportements sont évidemment passibles de poursuites.
Je ne suis pas certaine d’avoir bien entendu, au début de votre intervention, si vous aviez déjà transmis ou non le dossier au ministère de l’intérieur. Si tel est le cas, nous allons l’examiner. Si tel n’est pas le cas, je serais très intéressée par les éléments que vous pourriez me fournir.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. J’ai transmis ce dossier il y a plusieurs mois, madame la ministre. Je pensais croiser M. Darmanin lors des questions d’actualité au Gouvernement, mais ce ne fut pas le cas.
J’entends bien évidemment vos arguments sur la police administrative, madame la rapporteure, mais notre rôle n’est-il pas aussi de contrôler le Gouvernement et la célérité de son action ?
Ce qui m’importe vraiment, c’est de faire cesser ce scandale. Ce genre d’association vient demander des salles aux élus en omettant bien évidemment de se revendiquer d’un quelconque nationalisme noir. Je vous ai lu pourtant certains articles des statuts, ouvertement racistes.
Cela ne devrait pas exister, chère collègue.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Sébastien Meurant. Pourtant, cela existe dans ma petite ville tranquille du Val-d’Oise ! Nous sommes là pour ouvrir les yeux et nous emparer de tous les sujets.
Je vous laisserai ce document récemment tamponné par la préfecture, madame la ministre. J’attends simplement une action rapide de l’État, à qui il arrive de réagir beaucoup plus promptement pour des faits qui sont dans l’air du temps.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le projet de loi !
M. Sébastien Meurant. Pour terminer, je voudrais vous expliquer comment ce problème a surgi, mes chers collègues. Une personne a mis le feu à son appartement et à son immeuble. On s’est demandé si elle ne fabriquait pas des explosifs ou autre chose, et la population a été évacuée.
Mme Éliane Assassi. Nous discutons d’un projet de loi !
M. Philippe Pemezec. Et alors ?
M. Sébastien Meurant. Considérez-vous que ce n’est pas un sujet pour les habitants du voisinage ?
Finalement, cette personne a pu réintégrer les lieux,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bon, allez, ça suffit !
M. Sébastien Meurant. … ce qui pose un vrai problème au regard des principes de la République, témoignant d’une impuissance de l’État et d’une impuissance collective.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vérifie en direct avec le cabinet et les services du ministère de l’intérieur. Je vous confirme que nous n’avons pas reçu de dossier.
Gérald Darmanin et moi-même nous répartissons les présences lors des questions au Gouvernement. S’il n’est pas là, je le suis assurément, et je peux recevoir votre dossier, ainsi que les membres de mon cabinet.
Dès lors que vous me communiquerez les informations, nos services les examineront.
M. Pascal Savoldelli. Comme ça, on verra si c’est vrai !
M. le président. L’amendement n° 376 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Savary, Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. A. Marc, Mme Gruny, MM. Menonville et Regnard, Mmes Micouleau, Goy-Chavent et Thomas, MM. Le Rudulier, Bonne, Bouchet et Klinger, Mmes Imbert et Herzog, MM. Longeot, Hingray, Wattebled et Saury, Mme Berthet, M. Meurant, Mmes Bonfanti-Dossat et Dumont, MM. Laménie, Tabarot, Panunzi, Burgoa et Levi, Mme Belrhiti et M. Rapin, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Supprimer les mots :
par la force
2° Compléter cet alinéa par les mots :
ou aux principes de la démocratie et de la souveraineté nationale
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Je défends cet amendement de M. Leroy.
Depuis le début de nos débats sur ce projet de loi, nous avons dénoncé une forme d’entrisme des partis communautaristes dans notre système politique, leur principal objectif étant de combattre nos valeurs et nos principes républicains en substituant des lois religieuses aux lois de la République. Cet amendement vise à mettre un coup d’arrêt à ces ennemis de la République, en permettant la dissolution des partis qui se donnent pour but d’attenter à la forme républicaine du Gouvernement, sans qu’il soit besoin de subordonner cette dissolution à une démonstration de force.
Je le rappelle, la Constitution exige que les partis politiques respectent les fondements de notre démocratie et la souveraineté nationale, qu’ils commettent ou non des actes de violence.
En d’autres termes, pourraient être dissous les associations ou groupements ayant pour but, sans que cela se manifeste nécessairement par la force, « d’attenter à la forme républicaine du Gouvernement ou aux principes de la démocratie ou de la souveraineté nationale ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement tend à modifier le motif de dissolution figurant au 3° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure afin de viser les associations qui se donnent pour objet d’attenter aux principes de la démocratie et de la souveraineté nationale, et non plus celles qui attentent par la force à la forme républicaine du Gouvernement.
Je comprends votre intention, mon cher collègue, mais cette évolution ne me paraît pas souhaitable. Supprimer les mots « attenter par la force » risque de rendre la dissolution disproportionnée. La forme républicaine du Gouvernement est une notion connue, issue de la Constitution, qui renvoie aussi aux principes démocratiques que vous évoquez. Elle est utilisée par le juge et a démontré son efficacité.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Le Rudulier, l’amendement n° 376 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Le Rudulier. Oui, je le maintiens.
Le fondement juridique pour dissoudre ce genre de parti politique est quand même assez faible.
Une formation politique dont l’ossature idéologique repose sur le postulat que les normes religieuses sont au-dessus des lois de la République, c’est tout de même gênant.
Le Conseil constitutionnel, il y a près de dix-sept ans, dans le considérant 18 de sa décision du 19 décembre 2004, a jugé, dans le cadre de la relation entre l’État, les collectivités territoriales et les particuliers, que la France était une République laïque qui interdisait « à quiconque de se prévaloir de ses croyances pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre l’État et les particuliers ». Nous n’en sommes pas si loin malheureusement…
M. le président. L’amendement n° 312, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
, de leur identité de genre
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Lors de l’examen du texte en commission des lois, celle-ci a supprimé la mention d’identité de genre parmi les motifs permettant de dissoudre une association. Les auteurs de cet amendement ne comprennent pas les motivations de la commission, alors que le sexe et l’orientation sexuelle figurent parmi les motifs permettant de dissoudre une association.
Nous ne ferons pas de procès d’intention, mais cette suppression nous interpelle. La société évolue, et nous nous devons d’accepter de faire évoluer les normes.
Les questions de genre existent, et nous ne pouvons pas ostraciser plus encore certaines Françaises et certains Français au motif que les plus réfractaires d’entre nous voudraient éviter le débat sur ce sujet.
Le présent amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise donc à rétablir l’alinéa 9 de l’article 8 dans sa rédaction initiale. Nous estimons en effet que la prise en compte de l’identité de genre est aussi importante que celle des autres motifs précités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Défavorable.
L’ajout des nouveaux motifs du sexe et de l’orientation sexuelle nous semble suffisamment large pour viser notamment les associations qui justifient la lapidation des femmes ou la mise à mort des personnes homosexuelles. Le texte s’est d’ailleurs inspiré sur ce point d’un rapport sénatorial. La notion d’identité de genre me semble davantage liée à des études sociales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Une fois n’est pas coutume, l’avis est favorable sur cet amendement de la sénatrice Esther Benbassa.
La notion d’identité de genre est reconnue dans le droit français, bornée et délimitée. C’est notamment un motif de discrimination sanctionné par l’article 225-1 du code pénal.
Nous pensons que cet ajout permettra de dissoudre des associations ou groupements de fait dont les agissements seraient constitutifs de telles discriminations – je pense notamment à des activités transphobes.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Je soutiendrai l’amendement de notre collègue Esther Benbassa.
Malgré tout le respect que je vous dois, madame la rapporteure, l’identité de genre n’est pas une construction sociale : c’est bien une notion juridique, reconnue à l’article 225-1 du code pénal comme un motif prohibé de discrimination. Il ne nous appartient pas ici de hiérarchiser les discriminations.
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 346, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes est l’encouragement, la promotion, l’incitation, à commettre des faits, des actes ou des gestes portant atteinte à la vie, l’intégrité physique ou des biens d’une personne ou d’un groupe de personnes. » ;
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. L’amendement est retiré.
M. le président. L’amendement n° 346 est retiré.
L’amendement n° 98 rectifié bis, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mme Garnier, MM. Genet, Bascher, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Drexler et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Saury et Savin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 7°, il est inséré par un alinéa ainsi rédigé :
« … Ou qui organisent des réunions, syndicales ou publiques, contraires aux principes républicains. Aucune participation à une réunion ne peut être interdite à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. » ;
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Récemment, a été relatée l’organisation par l’UNEF de journées non mixtes, interdites aux Blancs, ce qui a malheureusement remis ce syndicat étudiant au centre des attentions. N’en étant pas à son coup d’essai, cette organisation pense de nouveau pouvoir passer entre les mailles d’un filet législatif un peu trop permissif à l’égard de tels agissements qui encouragent la fracture de notre société.
Cette affaire a mis en exergue la complexité des conditions de dissolution d’une association syndicale dans notre droit positif, les motifs limitativement énumérés par le code de la sécurité intérieure s’appliquant parfois difficilement aux faits reprochés. Cet amendement vise à combler ce vide juridique en donnant la possibilité au Gouvernement de prononcer la dissolution de toute association qui organise des réunions contraires aux principes fondamentaux que ce projet de loi entend conforter.
L’interdiction explicite faite à un individu ou à un groupe d’individus de participer à une réunion, y compris syndicale, à raison de sa couleur de peau est une entrave à nos libertés fondamentales face à laquelle nous ne pouvons rester sans réponse, au risque de voir se multiplier ces dérives racialistes. (M. Philippe Bas applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. On comprend bien que vous faites référence à un sujet d’actualité.
Rappelons que les associations peuvent déjà être dissoutes quand elles provoquent à la discrimination, la haine ou la violence envers un groupe de personnes ou une personne à raison de sa prétendue race, sur le fondement du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
À titre personnel, cet amendement me semble donc satisfait. Je souhaiterais toutefois recueillir l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Cet amendement vise à créer un nouveau motif de dissolution relatif à l’organisation de réunions « contraires aux principes républicains », c’est-à-dire interdites à certaines personnes en raison de leur origine et pour d’autres motifs qui ont été détaillés à l’instant.
Je veux redire ici très clairement mon opposition personnelle et celle du Gouvernement à ce type de réunion. Il est évidemment inadmissible de demander à des personnes de sortir d’une réunion, de se taire ou de les discriminer en raison de leur couleur de peau. C’est évidemment contraire aux principes républicains.
Toutefois, d’un point de vue purement juridique, je rappelle en premier lieu que la protection constitutionnelle de la liberté d’association exige que la dissolution administrative d’une association ou d’un groupement de fait, dont les effets sont immédiats et définitifs, ne puisse reposer que sur des motifs d’ordre public précisément et restrictivement délimités. L’ajout d’un motif particulièrement large comme celui dont nous débattons conduirait à étendre de manière importante la portée de cette disposition, sans nécessairement se rattacher à des notions juridiques suffisamment précises ou circonscrites. À notre humble avis, cet amendement présente donc un risque constitutionnel majeur.
En second lieu, les fondements actuels permettent déjà d’envisager la dissolution d’une association qui organiserait de telles réunions. Mme la rapporteure l’a très clairement rappelé : une association dont les agissements entraîneraient des troubles graves à l’ordre public, par exemple en raison de l’organisation de réunions au cours desquelles des propos incitant à la discrimination, la haine ou la violence seraient tenus, pourrait être dissoute sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI). De la même manière, une association qui provoquerait de tels troubles en raison d’une interdiction de participation à une réunion à raison de la couleur de peau, de l’origine ou de l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation ou une religion pourrait être considérée comme propageant des idées tendant à encourager cette discrimination et tomber sous le coup du même article L. 212-1 du CSI.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je veux appeler l’attention, non pas sur un point juridique, mais sur un aspect de la vie en société.
J’entends depuis maintenant plusieurs jours des collègues qui s’élèvent contre l’UNEF, mais il me semble qu’ils confondent plusieurs choses.
Je crois que nous partageons tous ici l’idée qu’il faut condamner un syndicat ou une organisation politique qui tiendrait des propos racistes. Mais faire l’amalgame avec l’organisation de groupes de parole, c’est méconnaître une forme de la vie des associations qui existe depuis toujours.
Je suis, comme certains dans cet hémicycle, une féministe convaincue. Par expérience, je sais que les groupes de parole ont permis aux femmes de s’exprimer à certains moments particuliers. Elles ont pu raconter les violences et même les viols qu’elles avaient subis. Elles ne l’auraient pas fait dans un autre contexte.
Ce que l’UNEF a organisé, cela s’appelle des groupes de parole. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mes chers collègues, mais j’ai le droit de vous faire réfléchir, comme je réfléchis moi-même lorsque vous vous exprimez.
Je n’ai plus 20 ans, je ne suis pas noire, et je ne subis donc pas de contrôles au faciès, par exemple. Je ne peux donc pas connaître les conditions que vivent un certain nombre de jeunes. Je peux comprendre que, à un moment donné, ils aient besoin de s’exprimer dans le cadre de groupes de parole. Ces groupes ne visent nullement à m’exclure, mais ils permettent de libérer la parole.
Vous devriez réfléchir à la parole qui se libère aujourd’hui avec le mouvement MeToo et d’autres groupes qui rassemblent des personnes victimes de discriminations, notamment en raison de leur orientation sexuelle.
Il est parfois nécessaire de se retrouver entre personnes qui vivent les mêmes choses pour construire une pensée commune.
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas comparable !
M. Julien Bargeton. Rien à voir !
Mme Laurence Cohen. À vouloir tout amalgamer, vous suscitez la confusion et la haine entre les individus. C’est très grave !
M. Julien Bargeton. C’est vous qui amalgamez !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Durant ces échanges, je regardais – bêtement, me direz-vous ! – notre Constitution. Selon son article premier, « la France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
J’ai interrogé la semaine dernière le Gouvernement sur les actions qu’il comptait mener pour mettre fin à ces réunions racialisées organisées par l’UNEF à plusieurs reprises et contraires à la Constitution. Par parenthèses, j’entends notre collègue Jean-Pierre Sueur nous répéter qu’il n’y a pas besoin de texte particulier, puisque la Constitution répond au problème. Or ce n’est pas le cas, monsieur Sueur ! La Constitution ne suffit pas, et nous devons aider le Gouvernement à la faire respecter.
M. Julien Bargeton. CQFD !
M. Jérôme Bascher. J’ai compris dans la réponse, un peu molle, qui m’avait été faite qu’il n’était pas facile de dissoudre une association, parce qu’il pouvait manquer des éléments au Gouvernement pour le faire. J’ai bien compris aussi qu’il n’était pas facile de ne pas verser une subvention, mais j’ai également compris qu’il n’était guère compliqué, en revanche, de nommer certaines personnes au Conseil économique, social et environnemental… J’ai surtout compris que le Gouvernement était très embarrassé par sa politique du « en même temps » : « Je condamne et, en même temps, je promeus » !
Nous allons vous aider à être cohérente, madame la ministre. Nous allons vous aider à faire respecter l’article premier de la Constitution. C’est pour cela que je soutiens résolument cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je suis heureux, madame la ministre, que vous désapprouviez personnellement le comportement inacceptable d’un certain nombre de dirigeants de l’UNEF, et je ne partage pas l’avis de notre collègue, Mme Cohen, quant aux excuses rétrospectives qu’on avance maintenant pour justifier de tels comportements : le racisme à rebours ne vaut pas mieux que le racisme tout court ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Très bien !
M. Philippe Bas. Notre débat est également juridique, ce qui est tout naturel, puisque nous faisons la loi. À cet égard, je voudrais dire que la discussion sur le point de savoir si l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure est applicable ou non pour sanctionner les dérives de l’UNEF ne me paraît pas tout à fait décisive. En effet, compte tenu de la position de fond que vous avez exprimée – je ne doute pas qu’elle exprime également celle de l’ensemble du Gouvernement –, si cet article était suffisant, j’imagine que vous auriez engagé la dissolution de l’UNEF.
Cet article n’est donc pas suffisant. Comme il ne l’est pas, il faut voter l’amendement de nos collègues, qui, lui, est très clair. Je ne crois pas qu’on puisse dire de cet amendement qu’il est vague et général, puisqu’il s’agit de viser des réunions qui interdiraient à une personne ou un groupe de personnes d’y participer « à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». C’est clair, net et précis ! Il me semble que cette écriture juridique est juste.
En tout état de cause, nous avons encore du temps pour débattre de cette disposition avec les députés au sein de la commission mixte paritaire, si nous devions l’adopter ce soir.
M. Max Brisson. Je comprends que les liens historiques qui existent entre l’UNEF et le parti communiste puissent gêner Mme Cohen, avec laquelle je travaille par ailleurs très bien au sein de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Pour autant, reconnaître que les dirigeants de l’UNEF ont commis une faute grave ne déshonorerait personne dans cet hémicycle, bien au contraire.
Je n’ai pas signé la demande de dissolution de l’UNEF, mais je suis en accord avec le président de mon groupe pour demander au minimum que des poursuites soient lancées contre ses dirigeants, qui sont engagés sur une voie extrêmement dangereuse, pas contre la structure elle-même.
En ce qui concerne l’amendement d’Alexandra Borchio Fontimp présenté par Stéphane Le Rudulier, j’ai écouté vos arguments, madame la ministre. J’ai l’impression que, si ses auteurs le modifiaient pour enlever l’expression « contraires aux principes républicains », ils lèveraient le problème constitutionnel, tout en satisfaisant l’objectif d’interdire la tenue de réunions syndicales ou publiques dans lesquelles serait interdite toute personne ou tout groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Il me semble que vous pourriez être d’accord avec une telle rédaction, madame la ministre, et nous pourrions alors adopter largement cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. On assiste à un moment extraordinaire : on inverse la culpabilité, on fait ici le procès des victimes ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Eh oui !
Le fait que des jeunes ressentent le besoin de se réunir pour parler de leur vécu, qui est visiblement douloureux, ça ne vous pose pas question ?
Mme Françoise Gatel. C’est de la discrimination à l’envers !
Mme Sophie Taillé-Polian. Vous ne vous dites pas qu’il y a peut-être un problème ?
M. Max Brisson. Oui, il y a un problème !
Mme Sophie Taillé-Polian. Moi, je vais vous dire : il y a un problème de discrimination dans notre pays !
M. Max Brisson. On n’est pas aux États-Unis !
Mme Sophie Taillé-Polian. Même le Président de la République l’a reconnu, puisqu’il a annoncé une plateforme et un numéro vert, ce qui ne réglera évidemment rien.
Mes chers collègues, nous devrions plutôt nous poser la question suivante : comment faire en sorte que ces réunions n’aient plus besoin d’exister ? Je suis totalement d’accord avec Mme Cohen : ces réunions sont des groupes de parole qui permettent de partager un vécu.
M. Max Brisson. C’est antirépublicain !
Mme Sophie Taillé-Polian. La lutte contre les discriminations, ça, ce serait la vraie République !
M. Stéphane Ravier. Une république racialiste !
Mme Sophie Taillé-Polian. C’est cette lutte qui permettrait de renouer les liens distendus dans notre société. Et je pense aussi aux discriminations sociales que nous voyons partout dans nos quartiers et auxquelles ce projet de loi ne répond aucunement !
Alors, arrêtons d’inverser la culpabilité !
M. Max Brisson. C’est honteux !
Mme Sophie Taillé-Polian. La parole doit se libérer, et nous devons agir pour lutter enfin contre les discriminations que vivent des centaines de milliers de personnes dans notre pays. C’est ça la réalité ! (Exclamations indignées sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je voudrais me joindre aux propos de Mme Cohen et ajouter que le MLF, mouvement féministe, est né durant les années 1970 dans des groupes de parole de femmes.
Surtout, je voudrais poser une question : faut-il aussi dissoudre les loges féminines du Grand Orient, qui ne sont ouvertes qu’aux femmes ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Oh ! Quelle comparaison !
Mme Esther Benbassa. Je ne vais pas vous faire un cours d’histoire pour première année, mais rappelons-nous que ces loges sont nées parce que les hommes n’acceptaient pas les femmes dans les loges maçonniques.
Il faudrait tout de même regarder ce qui se passe autour de nous : les discriminations existent ! Et les femmes ne peuvent pas parler de certaines choses de la même manière si des hommes sont présents. C’est la même chose pour les Noirs, par exemple.
Vouloir se réunir de temps à autre entre soi ne porte pas atteinte à la République, au contraire. La République, c’est la diversité !
Mme Françoise Gatel. Rien à voir !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour explication de vote.
M. Stéphane Le Rudulier. Je pensais que cet événement avait choqué l’ensemble de mes collègues et de l’opinion publique, mais, apparemment, cela n’est pas le cas.
Je vous retourne la question, madame Benbassa, et je la pose d’ailleurs à tous mes collègues : que se serait-il passé si des réunions non mixtes avaient été interdites aux Noirs, aux juifs, aux musulmans ou aux Asiatiques ? J’espère que la réaction aurait été tout aussi digne.
On peut aussi se demander légitimement si les réactions critiques qu’on peut entendre ici ou là, même si elles sont publiques, voire médiatiques, sont suffisantes, puisqu’elles ne sont suivies ni d’effet ni de sanction.
L’absence de réponse juridique est un symptôme du séparatisme et de « l’apartheid » politique – je mets des guillemets –, qui, faute d’être contrecarrés, contaminent notre société et la République tout entière. Je trouve cela dommageable. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon intervention sera courte. Je tiens à dire que toute séparation, toute discrimination, toute ségrégation liée à la couleur de la peau, quelle qu’en soit la circonstance, est inacceptable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je voudrais d’abord dire que nous estimons que la rédaction de cet amendement, qui vise à ajouter un motif très large permettant de dissoudre une association, présente un risque constitutionnel majeur.
Je voudrais surtout répondre sur le fond à certains arguments que j’ai entendus, le débat ayant quelque peu glissé…
M. Bascher a estimé qu’une réponse qui lui avait été faite sur la question de l’UNEF avait été « molle ». Je ne suis pas particulièrement réputée pour être molle sur ces questions. Je ne sais pas si cela faisait allusion à l’une de mes réponses…
M. Jérôme Bascher. Ce n’était pas vous, madame la ministre !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Par ailleurs, je trouve que les féministes ont bon dos. Quand on veut justifier l’exclusion de personnes de réunions en raison de leur couleur de peau, on se réfère au MLF et aux années 1970. Or la lutte du MLF n’a jamais entraîné l’identification des gens en fonction de la couleur de leur peau. En outre, des hommes participaient à des groupes qui étaient liés au MLF.
Mme Françoise Gatel. C’est très vrai !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Ils s’engageaient aussi pour les droits des femmes, comme c’est encore le cas aujourd’hui, fort heureusement.
Je crois qu’il y a une certaine confusion sur les réunions non mixtes. Je peux comprendre une telle confusion de la part de responsables d’un syndicat lycéen ou étudiant, parce qu’ils sont en train de forger leur doctrine, mais j’ai davantage de mal à la comprendre de la part de dirigeants politiques.
On nous dit que ce sont des groupes de parole. Je comprends tout à fait que des victimes de violences sexuelles, par exemple, veuillent se réunir pour parler de leur expérience, mais un tel groupe est fondé sur leur vécu, pas sur leur identité.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Stéphane Le Rudulier. Très bien !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Or on ne peut pas exclure des gens d’une réunion politique ou syndicale simplement en raison de ce qu’ils sont. La politique n’est pas un groupe de parole géant ; elle n’a pas d’objectif thérapeutique !
Pour conclure, je voudrais partager avec vous un témoignage qui a été posté sur les réseaux sociaux par Nadir Dendoune, qui n’est absolument pas un soutien du Gouvernement. C’est un écrivain, un cinéaste et un journaliste au Courrier de l’Atlas.
Il a écrit ces mots : « C’était au début des années 2010, et, avec un ami blanc, on était allé à Paris à une réunion d’un collectif pour parler des discriminations que subissent les habitants des quartiers populaires. La réunion était ouverte à tous. À un moment, mon ami, blanc, a demandé à s’exprimer. Je ne sais plus trop exactement ce qu’il a dit, mais son intervention n’a pas plu aux organisateurs. Mon pote n’était pas un grand orateur, il n’avait pas l’habitude de parler en public, mais, en aucun cas, il n’avait été insultant. Au lieu de débattre avec lui sur le fond, l’un des responsables lui a dit : “Toi, t’es Blanc, t’es pas légitime pour venir ici et nous faire la morale”. Pourtant, mon poto avait grandi avec nous à la cité. C’était un frérot. Ses parents savaient à peine lire et écrire. Il avait quitté l’école à l’âge de 16 ans et, lui, était un vrai prolo. Il avait subi des discriminations sociales. J’ai dit à mon pote “Viens, on s’barre”, parce que j’ai vu qu’il commençait à être vénère. Et, en face, ça se voyait que ça ne se bagarrait pas. Mon pote avait été très blessé par cette remarque. Vraiment ! Et je me souviens de lui avoir dit : “T’en fais pas, frérot, cette réunion, c’est une réunion de mythos. La plupart, ils ont fait de longues études, ils n’ont jamais connu de discrimination. Ne te fie pas à la couleur de leur peau !” »
Ce sont les paroles de Nadir Dendoune, et je me permets de les partager, puisque certains estiment qu’il faut juger la véracité ou la validité des témoignages en fonction d’où ils proviennent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il me semble vraiment que la rédaction actuelle de cet amendement pose un problème de constitutionnalité. Comme j’ai l’impression que ce n’est pas ce qui vous arrêtera, mes chers collègues, je propose à ses auteurs de scinder le paragraphe qu’ils proposent en deux alinéas afin de le rendre plus clair.
Le premier alinéa viserait les réunions, syndicales ou politiques, qui sont contraires aux principes républicains, le second celles où serait interdit une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Ainsi rectifié, l’amendement recevra un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. La rédaction proposée par cet amendement pose effectivement une difficulté, parce qu’elle fait coexister deux phrases dans un seul alinéa. On comprend la première phrase, mais pas la seconde. La phrase « Ou qui organisent des réunions, syndicales ou publiques, contraires aux principes républicains » est cohérente avec l’article. En revanche, ajouter « Aucune participation à une réunion ne peut être interdite à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », ce n’est pas suffisamment clair.
M. Philippe Bas. C’est vrai !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. C’est pourquoi nous proposons aux auteurs de l’amendement de créer deux alinéas.
Le premier serait ainsi rédigé : « Ou qui organisent des réunions, syndicales ou politiques, contraires aux principes de la République ». Le second : « Ou qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion ».
Il nous semble que les choses seraient ainsi plus claires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Ce sujet est très important. C’est pourquoi nous souhaiterions avoir la rédaction de l’amendement sous les yeux avant de nous prononcer.
M. le président. L’amendement n° 98 rectifié ter va vous être distribué. Dans cette attente, le vote est réservé.
L’amendement n° 178 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Le Rudulier et Boré, Mme Goy-Chavent, MM. Bascher, Meurant, Charon, Longuet et Bouchet, Mme Drexler, MM. Genet, Savary et H. Leroy, Mme Bourrat et MM. Segouin et Tabarot, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 7°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« … Ou dont l’objet ou l’action porte atteinte, ou incite à porter atteinte, aux exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique, telles que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, la protection de l’enfance et des personnes en situation de faiblesse, l’égalité entre les femmes et les hommes, le respect de l’ordre public et le respect de la liberté de conscience ;
« … Ou qui exercent des pressions psychologiques ou physiques sur des personnes ou les soumettent à des techniques propres à altérer leur jugement dans le but d’obtenir d’elles des actes ou des abstentions qui leur sont gravement préjudiciables. » ;
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement aborde le même sujet, mais sa rédaction est différente.
La mesure de dissolution doit pouvoir s’appliquer aux associations ou groupements de fait dont l’objet ou l’action porte atteinte, ou incite à porter atteinte, aux exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique, telles que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, la protection de l’enfance et des personnes en situation de faiblesse, l’égalité entre les femmes et les hommes, le respect de l’ordre public et le respect de la liberté de conscience. La mesure de dissolution doit également pouvoir s’appliquer lorsque sont exercées des pressions psychologiques ou physiques sur des personnes ou que celles-ci sont soumises à des techniques propres à altérer leur jugement dans le but d’obtenir d’elles des actes ou des abstentions qui leur sont gravement préjudiciables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ce n’est pas tout à fait la même chose qu’auparavant. Il s’agit d’ajouter deux nouveaux motifs de dissolution administrative, en visant les associations qui portent atteinte ou incitent à porter atteinte aux exigences minimales de la vie en société ou qui exercent des pressions psychologiques sur des personnes vulnérables.
La liberté d’association est un droit constitutionnel, et le Conseil d’État a écarté ces deux motifs, considérés comme trop flous, dans son avis sur le projet de loi en raison du risque sérieux de méconnaissance de la liberté d’association. Je rappelle qu’il ne s’agit pas ici du financement des associations, mais de leur dissolution.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 613, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Le présent amendement est cohérent avec le droit en vigueur.
La commission des lois a introduit au sein de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure une disposition visant à réprimer la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous qui interviendrait sur le fondement d’une loi étrangère. Or il apparaît que la disposition est satisfaite par le droit pénal en vigueur lorsque l’on combine le principe de territorialité de la loi pénale et l’article 431-15 du code pénal, qui fait partie de la section du code pénal à laquelle renvoie précisément l’article L. 212-1 précité pour les modalités de répression de la reconstitution d’une association ou d’un groupement dissous.
Au terme de ce principe, la reconstitution d’une association dissoute sur ce fondement pourra en effet être réputée commise sur le territoire français, dès lors que l’un des faits constitutifs aura lieu sur le territoire. Les mêmes peines seront en outre encourues.
Nous proposons de supprimer la disposition introduite par la commission afin de ne pas complexifier l’articulation des dispositions en vigueur, qui la rendent superfétatoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’avis est défavorable, parce que cet amendement tend à supprimer l’infraction pénale de reconstitution ou de maintien de la structure dissoute sur le fondement d’une loi étrangère.
Si l’article 113-2 du code pénal régit les principes généraux de la territorialité de l’application de la loi française, la spécificité des dissolutions d’associations nous paraît justifier une disposition ad hoc.
Ainsi, ce renforcement de la loi pénale nous paraît utile pour garantir la répression des associations ou groupements dissous en France, comme le CCIF, qui se reconstituent le lendemain de la publication du décret de dissolution sur le fondement d’une loi étrangère, réduisant à néant les efforts des pouvoirs publics. D’ailleurs, madame la ministre, des poursuites ont-elles été engagées à l’encontre du CCIF « belge » ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 349, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dissolutions prises par décret en conseil des ministres des associations ou groupements de fait, peuvent, à la suite d’une saisine d’un cinquième des membres du Parlement, faire l’objet d’une motion de censure. Cette motion de censure doit être adoptée par la majorité absolue des membres de l’Assemblée. » ;
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Pressentant l’avis de la commission et du Gouvernement, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 349 est retiré.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 495 est présenté par M. Ravier.
L’amendement n° 523 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent et Savoldelli et Mme Varaillas.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 14 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 495.
M. Stéphane Ravier. Le principe de responsabilité collective est clairement étranger à notre droit. Or les alinéas 14 à 17 de cet article créent une responsabilité collective, voire une responsabilité du dirigeant d’une association, en cas d’infraction à la loi commise par un ou plusieurs de ses membres. Il convient de supprimer ces alinéas, car il faut empêcher une telle dérive.
Imaginons, par exemple, qu’une personne membre d’un club de boules parle en de mauvais termes de son voisin ou d’un autre membre du club et indique qu’il veut s’en débarrasser. Si un jour il tue son voisin, doit-on dissoudre l’association et poursuivre ses membres ? Non, sans quoi plus personne ne s’inscrirait dans une association ou y partagerait des discussions avec les autres !
Ce projet de loi, n’exprimant pas son intention claire et initiale de vouloir lutter contre l’islamisme, perd la tête et en vient à amputer des libertés, droits et principes pourtant garantis à tous les citoyens. On ne peut étouffer les ennemis de la liberté avec des mesures législatives entravant les libertés de tous, sinon c’est déjà leur victoire. On touche ici du doigt les conséquences directes du refus de désigner et de cibler l’ennemi.
Des citoyens et des associations vont se retrouver la cible de la loi, parce que celle-ci n’a pas voulu nommer et cibler précisément l’islamisme pour l’éradiquer. C’est pourquoi je demande aux membres de cette noble assemblée, qui ne partagent pas toujours mes idées, ce qui est étonnant, et ne sont pas tenus pour responsables de mes propos, de voter cet amendement et de refuser l’instauration d’un principe de responsabilité collective, étranger à l’esprit de notre droit.
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 523.
M. Jérémy Bacchi. Une nouvelle fois, cet article pose un certain nombre de questions, notamment en matière de responsabilité des associations. Ainsi, le Gouvernement entend imputer plus clairement à une association les agissements de l’un de ses membres, tout en permettant de s’exonérer de la voie judiciaire pour procéder à une dissolution.
Il est vrai que, depuis la première version du texte, les parlementaires de la majorité et le Gouvernement ont mis de l’eau dans leur vin, le Conseil d’État lui-même considérant le texte initial comme méconnaissant sérieusement la liberté d’association. Il n’en demeure pas moins que tout cela reste difficilement compréhensible, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, il est déjà possible de mettre en œuvre juridiquement cette responsabilité collective. C’est ce qui ressort de la jurisprudence et des avis du Conseil d’État dans le cas de différents groupes ou associations : les Boulogne Boys en 2008, Envie de rêver en 2014 ou encore BarakaCity au mois de novembre dernier. La rédaction actuelle du texte tend à généraliser cette responsabilité collective ; pourtant, les dispositions actuelles sont amplement suffisantes.
Deuxièmement, il faut s’interroger sur la portée des termes utilisés. À quoi fait précisément référence un membre d’une association « agissant en cette qualité » ou durant l’activité de celle-ci ? Comme le relevait la juriste Stéphanie Hennette-Vauchez, un appel à la haine lancé sur Twitter par un individu se réclamant du Secours populaire ou de SOS Chrétiens d’Orient pourra-t-il engager la responsabilité de l’ensemble de l’organisation ?
Troisièmement, cet article implique qu’un président d’association ait une prise sur ses adhérents et militants. Cela est le cas échéant possible pour une petite association de quartier, mais comment faire lorsqu’il s’agit d’une association qui regroupe plusieurs centaines, voire milliers de membres à travers tout le pays et qui est composée de fédérations ou de subdivisions ?
M. le président. L’amendement n° 311, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Dans la logique du précédent amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, celui-ci vise à supprimer spécifiquement la disposition contenue à l’alinéa 15 de cet article.
Les risques qui pèsent sur la responsabilité des dirigeants bénévoles et qui conduisent à décourager la prise de fonction ont été pointés dans le cadre d’une proposition de loi relative à l’engagement associatif, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.
La disposition de l’alinéa 15, couplée à celle de l’alinéa 20, fait peser ce même risque sur la prise de responsabilité bénévole, en ce que les dirigeants bénévoles deviennent responsables des agissements des membres de l’association, à condition qu’ils en aient été « informés ». Comment pourraient-ils prouver qu’ils n’avaient pas connaissance des agissements visés ?
En outre, cette notion d’information, très floue, inflige une double peine pour le dirigeant bénévole, qui se trouve également dans une posture de dénonciation potentielle envers l’un des membres de son association.
Le présent amendement vise à supprimer le nouveau risque juridique pour le dirigeant bénévole créé par cette disposition.
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 15
1° Supprimer les mots :
ou à un groupement de fait
2° Remplacer les mots :
de leurs membres, soit agissant en cette qualité, soit lorsque leurs agissements sont directement liés aux activités de l’association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants,
par les mots :
membres figurant dans les statuts de ladite association, dès lors que les autres membres y figurant,
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement concerne le même sujet, mais il propose une autre solution.
Comme Marie-Pierre de La Gontrie l’a dit précédemment, cet article introduit un système de responsabilité collective qui me semble complexe à mettre en place.
En l’état, l’alinéa 15, qui organise ce régime de responsabilité collective, met en danger tous les membres d’une association. Pourtant, des dispositions existent, comme on l’a vu avec les exemples du CCIF ou de BarakaCity. C’est pourquoi je propose de remplacer la notion de groupement de fait et la phrase qui suit par une référence aux membres figurant dans les statuts de l’association, dès lors qu’ils ont eu connaissance des actes en question. Cette réécriture vise à éviter ce problème de responsabilité collective qui semble tout à fait exorbitante du droit.
M. le président. L’amendement n° 135 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Après le mot :
par
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
l’association, le groupement ou les dirigeants au nom de l’association ou du groupement.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La rédaction actuelle de l’article prévoit d’imputer aux associations les infractions commises par leurs membres. Cette disposition paraît disproportionnée. Bien souvent, en effet, les dirigeants associatifs ne disposent pas des moyens techniques et des autorisations nécessaires pour contrôler les faits de leurs membres. Cet amendement vise à prévoir de n’imputer à l’association que les agissements de l’association elle-même ou ceux commis par ses dirigeants au nom de l’association.
M. le président. L’amendement n° 612 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Richard, Mme Havet, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 15
1° Après le mot :
membres
supprimer les mots :
, soit
2° Remplacer les mots :
, soit lorsque leurs agissements sont
par le mot :
ou
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Défendu.
M. le président. L’amendement n° 347, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après la référence :
L. 212-1
insérer les mots :
dans le cadre de la lutte contre l’entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Défendu.
M. le président. L’amendement n° 636, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer les mots :
qui ne peut excéder trois mois, sur arrêté motivé du
par les mots :
maximale de trois mois, renouvelable une fois, par le
La parole est à Mme la ministre déléguée.
M. le président. L’amendement n° 348, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le cadre de la lutte contre l’entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Les amendements nos 495 de M. Ravier, 523 de Mme Assassi et 311 de Mme Benbassa visent à supprimer l’imputation des agissements individuels des membres de l’association, tandis que les amendements nos 45 de Mme Goulet et 135 rectifié de Mme Delattre visent à la réduire.
Ces modifications réduiraient l’efficacité opérationnelle du dispositif, alors que des garanties sont prévues pour assurer sa proportionnalité. Les agissements doivent avoir été réalisés en qualité de membre de l’association ou doivent être directement liés à ses activités. Monsieur Ravier, je ne suis pas sûre que votre membre de l’association de boulistes, qui a tué son voisin, l’ait fait en tant que membre de l’association ou que son acte soit directement lié à son activité.
Les dirigeants doivent avoir été informés des agissements individuels en cause et l’obligation de faire cesser les agissements reposant sur eux est une obligation de moyens, et non pas de résultat. Il nous semble que c’est relativement encadré pour ne pas être aussi liberticide que vous semblez le croire.
Les amendements identiques nos 495 et 523 visent également à supprimer la procédure de suspension.
L’avis est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Les amendements nos 347 et 348 de M. Meurant tendent à ajouter deux alinéas, qui nous semblent inutiles, voire restrictifs. Donc avis défavorable.
L’amendement n° 612 rectifié de M. Mohamed Soilihi tend à opérer une modification rédactionnelle qui ne nous paraît pas nécessaire. Avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 636 du Gouvernement a pour objet de revenir sur l’encadrement du nouveau pouvoir de suspension conféré au ministre de l’intérieur. Dans le texte originel, la durée était de trois mois, puis l’Assemblée nationale a prévu trois mois renouvelables. Nous avons supprimé le caractère renouvelable pour revenir au texte initial du Gouvernement. Nous sommes donc étonnés de cet amendement, qui vise à retenir la solution proposée par l’Assemblée nationale et à prolonger le délai, alors qu’il nous semblait justement que la période de trois mois permettait d’assurer ce fameux équilibre entre la liberté d’association et les contraintes qui pouvaient être imposées au travers d’une suspension.
Je comprends que cette durée peut paraître courte, mais il faut bien voir que, en règle générale, avant que la suspension ne soit décidée, des éléments ont déjà été réunis pour venir nourrir l’enquête. Cette durée de trois mois nous apparaît plus conforme au respect de la liberté d’association. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Globalement, mêmes avis que Mme la rapporteure. En ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, il vise, comme cela a été rappelé, à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale tendant à rendre renouvelable la mesure de suspension des activités d’une association ou d’un groupement de fait, dès lors qu’elle ou il fait l’objet d’une procédure de dissolution.
Quels sont nos arguments ?
Cette mesure de suspension doit répondre à une condition d’urgence. Elle ne peut intervenir, je le répète, que pour les associations ou groupements de fait qui font l’objet d’une procédure de dissolution. Elle peut concerner tout ou partie des activités de l’association. Enfin, la mesure est nécessairement motivée, à l’instar de toute décision individuelle défavorable, en vertu du code des relations entre le public et l’administration. Compte tenu de tous ces éléments, le Gouvernement souhaite rétablir cette possibilité de renouvellement de la mesure de suspension des activités d’une association.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 495 et 523.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 660, présenté par Mmes Eustache-Brinio et Vérien, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
II. – L’article 431-15 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées » est remplacée par la référence : « l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure » ;
2° Au second alinéa, après la référence : « 431-14 », sont insérés les mots : « du présent code ».
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous revenons à l’amendement n° 98 rectifie ter, qui vous a été distribué. Celui-ci, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mme Garnier, MM. Genet, Bascher, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Drexler et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Saury et Savin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 7°, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Ou qui organisent des réunions, syndicales ou publiques, contraires aux principes républicains ;
« …° Ou qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion. » ;
La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.
M. Stéphane Le Rudulier. Pour essayer de simplifier la rédaction de l’amendement, je suggère de supprimer le premier alinéa à insérer après le 7°, étant donné qu’avec le second alinéa, il me semble que l’on atteint l’objectif visé dans l’exposé des motifs. En fait, cela revient à supprimer « ou qui organisent des réunions, syndicales ou publiques, contraires aux principes républicains », pour s’en tenir, je le répète, au second alinéa.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 98 rectifié quater, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mme Garnier, MM. Genet, Bascher, Le Rudulier, Babary et Bacci, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme, Boré et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Charon et Cuypers, Mmes Drexler et Dumont, MM. Favreau et B. Fournier, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Joseph, MM. Laménie, Mandelli et Meurant, Mmes Micouleau et Raimond-Pavero et MM. Saury et Savin, ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Ou qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion. » ;
La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je crois que nous arrivons, non pas à un compromis, mais à un très bon accord potentiel, sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée, avec cette décision prise par l’auteur de l’amendement de supprimer le premier alinéa, lequel nous posait vraiment problème. En effet, nous estimons que les textes en vigueur, notamment la Constitution, permettent de régler la préoccupation initiale de l’auteur de l’amendement, d’autant que la question de la contrariété avec les principes républicains est traitée par ailleurs.
Nous sommes favorables à la rédaction du second alinéa à laquelle nous avons abouti, grâce, et je le dis avec beaucoup de plaisir, à l’aide efficace du président de la commission des lois, M. François-Noël Buffet.
En revanche, naturellement, ne comptez pas sur notre soutien à l’exposé des motifs, qui ne nous convient pas, vous l’aurez compris. Cependant, nous votons non pas un exposé motifs, mais un amendement. En tous cas, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain le votera. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Comme quoi, du débat jaillit la lumière ! Je suis ravie, parce que, en entendant Mme la ministre, j’ai compris que, malgré toutes les polémiques, nous étions d’accord : c’est logique et normal d’avoir des groupes de parole où l’on peut parler de son vécu. C’est tout ce qu’a dit la présidente de l’UNEF et des représentants d’autres associations après. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Ce n’est pas vrai !
Mme Sophie Taillé-Polian. Si des associations organisent d’autres types de réunion, nous n’y sommes pas favorables.
Pour conclure, étant donné les modifications apportées à l’amendement, nous le voterons, mais nous nous désolidarisons totalement, j’y insiste, de son exposé des motifs, car nous considérons que ce qui était en vigueur dans l’organisation citée ne correspond pas à ce qui y est décrit.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je vais m’exprimer sur ce sujet en des termes pas tout à fait sénatoriaux : cette rectification permet de se « raccrocher aux branches » ! C’est heureux, car avec le texte qui nous était proposé, certains voulaient nous faire dire que des associations – l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure parle strictement des associations – ne devaient pas organiser des réunions syndicales ou politiques. Je vous laisse imaginer la suite.
Effectivement, c’est bien que cette disposition ait été retirée, mais cela en dit long sur la manière dont est venu cet amendement.
Pour ma part, je suis prête à avoir un débat sur ce qui s’est passé à l’UNEF. Ma culture politique me fait dire que le racisme se combat tous ensemble. La lutte contre le sexisme doit être portée par les hommes et par les femmes. Je suis de cette culture-là.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Mathieu Darnaud. Nous aussi !
Mme Céline Brulin. Je constate aussi, et ce n’est malheureusement pas l’apanage de l’UNEF, que les organisations, y compris politiques, se rabougrissent, se resserrent, se dévitalisent. La communiste que je suis le dit en toute humilité.
La politique, aujourd’hui décriée, accusée d’être coupée des citoyens, nous conduit quasiment tous aujourd’hui à avoir des attitudes de plus en plus repliées. Prenons-y garde, car je ne crois pas que c’est ainsi que l’on combat les séparatismes de tout ordre et de tout poil. C’est au contraire en assumant avec grandeur la République que nous voulons faire que nous les combattrons.
Je voterai l’amendement, parce que je pense que, dans un pays comme la France, aucune réunion ne peut s’organiser sur des bases racistes. Je proposerai d’ailleurs que l’on enlève le mot « race », même si je ne sais pas par quelle méthode…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Céline Brulin. Je conclus : nous devons enlever la référence à la race si l’on veut vraiment que cet amendement soit commun. En effet, nous ne pouvons pas dire qu’en France il y a des races.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous allons aussi voter cet amendement en souhaitant qu’il ait une portée générale et qu’il ne vise pas spécifiquement l’UNEF. Nous faisons la loi pour tout le monde. L’exposé des motifs est finalement secondaire par rapport au dispositif.
Je voudrais attirer votre attention, monsieur le vice- président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les questeurs, mesdames, messieurs les présidents de groupe, pour vous dire à quel point la séance publique est primordiale.
Je saisis l’occasion qui nous est offerte ce soir pour montrer que légiférer est un travail important. Monsieur Delahaye, vous qui présidez si bien, vous vous rendez bien compte que la séance publique ne doit pas être raccourcie, rabougrie au motif de l’urgence. C’est quand même extrêmement important que l’on puisse avoir le temps de débattre, d’amender, de sous-amender en séance, parce que c’est notre droit constitutionnel de le faire.
En travaillant dans des conditions satisfaisantes, ce soir, sur un sujet très sensible, on arrive à ce résultat, qui va être voté à la quasi-unanimité, je le crois.
Par conséquent, toutes les réformes du travail parlementaire qui sont en train d’être fomentées, ici ou là, et visant à raccourcir les délais, à aller plus vite, sans s’attarder sur les détails, à légiférer en commission, vont à contresens de ce que doit être le travail parlementaire. Évidemment, le groupe Union Centriste votera cet amendement, tout en rappelant, monsieur le président, messieurs les questeurs, mesdames, messieurs les présidents de groupe, à quel point le travail de séance est important. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Ce projet de loi vise à renforcer, à conforter, à améliorer le respect des principes de la République face à au séparatisme et au communautarisme, un terme que, pour ma part, j’utilise encore.
Est-ce que cet amendement, tel qu’il est désormais rédigé après tous nos efforts tendant à trouver un équilibre, y contribue ? Je le crois.
M. Stéphane Le Rudulier. Très bien !
M. Julien Bargeton. Je pense effectivement qu’il participe de l’objet du texte. Comme je soutiens le texte du Gouvernement et ses objectifs, en cohérence, je voterai l’amendement.
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je pense que la République ne peut accepter aucune racialisation. Aucune ! Ni dans la société ni dans l’organisation publique. C’est une tentation qui est gravissime, et il faut évidemment, et clairement, réaffirmer qu’elle est contraire à nos principes communs. Je voterai donc cet amendement, même si je considère que l’exposé des motifs et les attaques ad hominem, ou plutôt contre les organisations, me paraissent moins procéder de la volonté d’unir la Nation autour de ce refus de toute racialisation. Enfin, l’essentiel, c’est le texte de loi, et je l’approuve.
Je veux aussi vous faire prendre conscience qu’il y a les textes, mais aussi les pratiques. À cet égard, il faut que la République soit convaincante. Or la lutte contre les discriminations dans notre pays, notamment au regard de l’origine, de la race et la religion, ne me semble pas suffisamment offensive pour convaincre les jeunes générations que l’on a besoin de les entraîner avec nous afin de défendre ces principes.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je voudrais remercier le président Sueur, qui, par son intervention, a ramené cette partie de l’hémicycle (L’orateur désigne la partie gauche de l’hémicycle.) à des traditions que nous avons en commun et qui sont républicaines. Il l’a rappelé avec force, et j’en suis très heureux. Je remercie aussi le président Kanner de son intervention.
Finalement, ce travail parlementaire que nous venons de faire montre que nous avons bien la République en partage. On vient de la retrouver ensemble, après des moments un peu difficiles, mais, après tout, c’est la vie parlementaire.
Je remercie enfin Stéphane Le Rudulier d’avoir retiré le premier alinéa de l’amendement, qui me posait problème, parce que je ne souhaite pas, comme on l’a dit lors du débat hier, que l’on restreigne l’expression des citoyens. Le rôle de notre République, de notre démocratie, c’est au contraire de lui permettre de s’épanouir dans le cadre des principes républicains que le second alinéa pose avec clarté. Je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Si je choisis d’intervenir à ce moment, alors que je ne l’avais pas forcément prévu, c’est parce que tout le monde s’écoute. Ce sujet est d’importance. En ce qui me concerne, j’ai un principe : l’universalisme républicain. Pour moi, la France, c’est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, et il n’y a pas de place pour la race. Si vous enlevez cette référence à la race, je voterai l’amendement. Si elle n’est pas retirée, je ne le voterai pas.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faudrait retirer le mot de la Constitution !
M. le président. Madame la ministre, maintenez-vous un avis défavorable après ces rectifications ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je donne un avis de sagesse. J’ai toujours des réserves d’ordre juridique. À mon humble avis, que j’ai forgé après quelques échanges, cette disposition ne me semble pas conforme à la Constitution, pour dire les choses simplement. Cependant, j’ai bien écouté les débats menés en toute sagesse et je constate qu’un certain consensus est en train de se dessiner après les modifications apportées. Je tiens à redire de façon très claire que je partage l’objectif visé par les auteurs de l’amendement. Je le répète, c’est un avis de sagesse, avec une réserve sur la constitutionnalité du dispositif.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.) – (Bravo ! et applaudissements sur la plupart des travées.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 8 bis A (nouveau)
L’article 3 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association est ainsi modifié :
1° La première occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;
2° Après le mot : « objet », sont insérés les mots : « ou ayant une activité ». – (Adopté.)
Article 8 bis
(Supprimé)
Article 9
L’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie est ainsi modifié :
1° Après le V, il est inséré un V bis ainsi rédigé :
« V bis. – Le fonds de dotation établit chaque année un rapport d’activité, transmis à l’autorité administrative chargée de son contrôle dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice. » ;
2° Le premier alinéa du VI est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, les mots : « au plus tard dans un délai de six mois suivant l’expiration de l’exercice » sont remplacés par les mots : « et transmis à l’autorité administrative chargée de son contrôle dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice » ;
b) (nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le rapport du commissaire aux comptes est transmis à l’autorité administrative dans un délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice. » ;
3° Le VII est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « L’autorité administrative s’assure de la conformité de l’objet du fonds de dotation aux dispositions du I et de la régularité de son fonctionnement. » ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« À défaut de transmission, dans les délais mentionnés au présent article, du rapport d’activité prévu au V bis, des comptes annuels prévus au VI ou du rapport du commissaire aux comptes lorsque celui-ci est exigé dans les conditions fixées au même VI, l’autorité administrative peut, après mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de deux mois, suspendre, par décision motivée, l’activité du fonds de dotation jusqu’à leur transmission effective. Les décisions de suspension et de levée de suspension font l’objet d’une publication au Journal officiel dans un délai d’un mois. » ;
b bis) (nouveau) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En l’absence de toute transmission dans un délai de douze mois à compter de la décision de suspension prononcée en application du deuxième alinéa du présent VII, et après une nouvelle mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de deux mois, l’autorité administrative saisit l’autorité judiciaire aux fins de dissolution du fonds de dotation. » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Si l’autorité administrative constate que l’objet du fonds de dotation méconnaît les dispositions du I, que des dysfonctionnements affectent la réalisation de son objet, que son activité est incompatible avec une mission d’intérêt général, ou qu’il méconnaît les obligations prévues aux deux premiers alinéas du VI, elle peut, après mise en demeure non suivie d’effet dans un délai de deux mois, suspendre, par décision motivée, l’activité du fonds pendant une durée pouvant aller jusqu’à six mois, renouvelable une fois, et, le cas échéant, saisir l’autorité judiciaire aux fins de sa dissolution. Les décisions de suspension et de levée de suspension font l’objet d’une publication au Journal officiel dans un délai d’un mois. »
M. le président. L’amendement n° 350, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Cet amendement fait suite à l’avis du Haut Conseil à la vie associative, qui considère que l’administration dispose déjà de documents suffisants pour contrôler les fonds de dotation. Cet article n’apporterait donc rien.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. La commission est défavorable à la suppression de cet article. Nous avons eu une audition spécifique avec les représentants des fonds de dotation et nous avons apporté à ce texte les quelques modifications qu’ils souhaitaient obtenir. Ils n’étaient pas particulièrement contre cet article.
M. Sébastien Meurant. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 350 est retiré.
Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 9
M. le président. L’amendement n° 552 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ayant pour objet d’appréhender l’opportunité des dépenses fiscales à destination des fonds de dotation au regard d’éventuelles dérives et d’une utilité sociale limitée de ces institutions.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Voilà deux ans, en novembre 2018, la Cour des comptes nous alertait sur le fait que les 900 millions d’euros de dépenses fiscales finançant les bonnes œuvres des entreprises se trouvaient consentis en dépit de limites méthodologiques qui ne permettent pas de rendre compte du coût réel des mesures pour l’État.
On ne sait ni vraiment ce que coûte à l’État la réduction d’impôt sur les sociétés de 60 % du montant du don ni quelle est l’efficience de la dépense fiscale et son potentiel de bénéfices pour l’intérêt général.
L’intérêt général est en effet contestable pour bien des fonds de dotation, reconnaît une nouvelle fois la Cour. Cela s’explique par les critères, certes cumulatifs, mais très lâches, rendant possibles des abus, notamment sur la gestion des intéressés, même si, selon une étude 2016 par le cabinet EY, 40 % des répondants déclaraient une rémunération brute des dirigeants des fondations ou des fonds de dotation supérieure à 70 000 euros par an. Sans être désintéressée, cette rémunération ne dépasse pas trois fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 10 284 euros par mois.
Le caractère extensif de la notion d’intérêt général est aggravé par le fait que l’État peine à assurer sa mission de surveillance et de contrôle. Les organismes bénéficiaires du mécénat n’ont pas à justifier d’une habilitation ou d’un agrément préalable de l’administration pour recevoir des dons ouvrant droit à la réduction d’impôt, ce qui singularise la législation française en Europe.
Comme le souligne la Cour, le mécénat est une niche fiscale qui demeure aussi fortement concentrée sur les très grandes entreprises, les vingt-quatre premières bénéficiaires de l’avantage fiscal représentant à elles seules près de la moitié du montant de la créance fiscale en 2016.
Les dérives découlent également de la politique accommodante du Gouvernement, résumée par la vision de la secrétaire d’État chargée des associations, Sarah El Haïry, qui déclarait en 2019 qu’il fallait arrêter d’assimiler le mécénat d’entreprise a une niche fiscale, considérant que cette réduction d’impôt accordée aux fondations constituait non pas une dépense pour l’État, mais un investissement d’avenir.
Actons un désaccord politique profond entre nous : pour notre part, nous pensons que ces 900 millions d’euros d’argent public doivent être évalués et faire l’objet, sinon d’un document budgétaire dédié, a minima d’un rapport. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Demande de rapport, donc avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 466 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et MM. Salmon et Gontard, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ayant pour objet de dresser un état des lieux des fonds de dotation en France et de leurs dérives, d’évaluer leur utilité publique au regard de la dépense fiscale et de l’opacité qu’ils engendrent et de préciser leur rôle dans les circuits d’optimisation et de fraude fiscales.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le Gouvernement s’inquiète de potentielles dérives des fonds de dotation, mais l’article 9 ne comprend pour autant pas de mesures significatives. Pourtant, la dérive était prévisible dès la création de ce type de structure. Ces fonds de dotation sont des véritables niches fiscales. Ce régime est à questionner, puisque seulement 38 % des fonds concernent des associations, le reste étant le fait de particuliers, d’entreprises, et la Cour des comptes alertes sur les dérives qu’ils permettent.
Alors, madame la rapporteure, vous allez m’objecter que c’est une demande de rapport, donc qu’il faut voter contre, mais je pense quand même qu’il serait intelligent, intéressant de faire la lumière sur l’utilisation de ces fonds au regard de l’optimisation, de l’évasion et de la fraude fiscales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Malheureusement, vous l’avez dit, c’est encore une demande de rapport. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. C’est un sujet que nous avons un peu regardé. Je veux vous dire que le rapport existe dans le cadre d’un jaune budgétaire sur l’effort financier de l’État en faveur des associations. Il détaille très précisément le montant des dégrèvements, des déductions d’impôt pour les dons, notamment ceux faits par les entreprises à des œuvres ou des organismes d’intérêt général. Bref, il y en a deux pages et demie très détaillées, donc je ne vais pas passer la soirée là-dessus. Pour résumer, le montant des avantages fiscaux multiples, comme l’exonération au bénéfice du donataire des dons ouvrant droit pour le donateur à une réduction d’impôt sur la fortune immobilière, et j’en passe, c’est 3,7 milliards d’euros pour 2019, 2,7 milliards d’euros et des poussières pour 2020, et 2,713 milliards d’euros pour 2021. Le document existe bel et bien. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas l’amendement, mais je communiquerai le rapport à mes collègues.
M. le président. Madame Taillé-Polian, l’amendement n° 466 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sophie Taillé-Polian. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 466 rectifié est retiré.
Article 10
I. – Le 3° de la section I du chapitre Ier du titre II du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 14 A est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L’administration contrôle sur place, en suivant les règles prévues au présent livre, la régularité de la délivrance des reçus, attestations ou tous autres documents par lesquels les organismes bénéficiaires de dons et versements indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier des réductions d’impôt prévues aux articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts. » ;
b) (Supprimé)
c) La seconde phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée : « Toutefois, sont applicables à la procédure prévue au présent article les garanties mentionnées à l’article L. 14 B. » ;
2° Il est ajouté un article L. 14 B ainsi rédigé :
« Art. L. 14 B. – I. – Le contrôle prévu à l’article L. 14 A ne peut être engagé sans que l’organisme bénéficiaire des dons et versements en ait été informé par l’envoi d’un avis l’informant du contrôle.
« Cet avis précise les années soumises au contrôle et mentionne expressément, sous peine de nullité de la procédure, que l’organisme a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix.
« II. – Le contrôle prévu à l’article L. 14 A ne peut s’étendre sur une durée supérieure à six mois à compter de la présentation de l’ensemble des documents et pièces de toute nature mentionnés à l’article L. 102 E, sous peine de nullité de la procédure. Dans ce même délai, l’administration fiscale informe l’organisme bénéficiaire des dons et versements, par un document motivé de manière à lui permettre de formuler ses observations, des résultats du contrôle prévu à l’article L. 14 A et, le cas échéant, de sa proposition d’appliquer la sanction prévue à l’article 1740 A du code général des impôts.
« En cas de désaccord, l’organisme bénéficiaire des dons et versements peut présenter un recours hiérarchique dans un délai de trente jours à compter de la notification du document motivé mentionné au premier alinéa du présent II.
« La sanction prévue à l’article 1740 A du code général des impôts ne peut être prononcée avant l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la notification de ce même document.
« III. – Lorsque le contrôle prévu à l’article L. 14 A, pour une période déterminée, est achevé, l’administration ne peut pas procéder à ce même contrôle pour la même période. »
II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022.
M. le président. L’amendement n° 467, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Comme quoi c’était utile, puisque j’aurai ainsi le rapport que je n’avais pas trouvé !
L’amendement n° 467 vise à supprimer l’article 10, parce qu’il engage la création d’un nouveau contrôle fiscal sans moyens supplémentaires alloués. J’aurais peut-être dû demander un rapport pour m’enquérir auprès du Gouvernement des moyens qu’il comptait mettre en place pour assurer ce nouveau contrôle, alors que la DGFiP a subi des milliers de suppressions de postes ces dernières années. Dans un premier temps, je vais commencer par demander la suppression de l’article. Pourquoi ? Comme ce dispositif va concerner toutes les associations, c’est donc très lourd, sachant qu’aujourd’hui les agents qui s’occupent du contrôle fiscal sont en nombre nettement insuffisant. Le taux de couverture dans notre pays, c’est-à-dire la probabilité d’avoir un contrôle fiscal quand on est une structure, une entreprise, un particulier est extrêmement faible. Les chiffres sont disponibles.
Aussi, je m’interroge très fortement sur l’intérêt et, surtout, sur la crédibilité de cette proposition. Voilà une dizaine de jours, M. Darmanin nous rappelait que ses relations avec les organisations syndicales du ministère de l’intérieur étaient formidables. En revanche, elles étaient beaucoup moins positives avec les organisations syndicales de la direction générale des impôts et de la direction générale des finances publiques.
Je crois qu’il y a là un véritable enjeu : si l’on veut ajouter des procédures de contrôle, il faut prévoir les personnels correspondants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. C’est un avis défavorable, puisque la commission juge que l’article 10, qui institue un contrôle de régularité de la délivrance des reçus fiscaux, est légitime, compte tenu de l’importance de la dépense fiscale en cause. Effectivement, comme sur tous les textes, nous nous demandons aussi quels sont les moyens qui sont dévolus à l’exercice de ces contrôles. Néanmoins, l’obligation de déclaration annuelle prévue par l’article 11 vise justement à concentrer les contrôles sur les entités les plus pertinentes, qui auraient particulièrement attiré l’attention des services fiscaux. Cela permettra d’avoir moins de contrôles, mais des contrôles ciblés.
Par ailleurs, la commission a proposé de décaler l’entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2022, afin de permettre aux associations de faire des demandes de rescrit mécénat. Pour nous, cet article est très utile, et nous sommes hostiles à sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Féraud, Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme S. Robert, M. Sueur, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, M. Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach et Kanner, Mme Briquet, MM. Cozic, Jeansannetas, P. Joly et Éblé, Mme Espagnac, MM. Lurel, Raynal, Bourgi, Durain, Kerrouche, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Conconne, Conway-Mouret et Jasmin, MM. Gillé, Mérillou, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi :
« L’organisme vérifié dispose d’un délai de trente jours pour adresser ses observations au service vérificateur.
« À réception de la réponse aux observations de l’administration fiscale et si le désaccord persiste, l’organisme vérifié dispose d’un délai de trente jours pour présenter un recours auprès du supérieur hiérarchique du vérificateur.
« Si le désaccord persiste, l’organisme vérifié peut saisir le collège mentionné au troisième alinéa de l’article L. 80 CB du présent livre. Ce dernier peut saisir le Haut Conseil de la vie associative qui rend alors dans un délai de trente jours un avis consultatif sur les éléments permettant de déterminer si l’activité de l’organisme contrôlé est d’intérêt général.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Sans remettre en cause la logique de l’article, on peut s’interroger sur son rapport avec l’objet même du texte. Pour autant, il va dans le sens d’un meilleur contrôle de dépenses fiscales d’un montant de plus de 2 milliards d’euros par an. Ce contrôle, nous y avons toujours été favorables, et c’est toujours le cas dans le cadre de ce projet de loi.
Cependant, je pense que nous avons tous été saisis par le monde associatif de ses inquiétudes au regard de procédures qui n’offrent pas toutes les garanties nécessaires, et en particulier des garanties sur le caractère contradictoire de la procédure de contrôle.
Aussi, nous présentons cet amendement tendant à améliorer cette procédure en rendant possible un recours hiérarchique dans les trente jours après la réponse aux observations de l’administration fiscale, lorsqu’un désaccord persiste. Après ce recours resté sans effet, nous prévoyons la possibilité pour l’organisme vérifié de saisir le collège mentionné au troisième alinéa de l’article L. 80 CB du livre des procédures fiscales, ainsi que le Haut Conseil à la vie associative, afin que les associations soient en mesure de faire valoir leurs droits lorsqu’elles sont en désaccord avec l’appréciation de l’administration fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il est défavorable. En effet, cet amendement tend à donner à l’organisme un délai de trente jours, suivi d’un autre, de durée équivalente, pour former un recours hiérarchique. Il tend ensuite à permettre de saisir pour avis le Haut Conseil à la vie associative.
Pour notre part, nous avons estimé suffisantes les garanties mises en place autour de ce contrôle fiscal ; le temps laissé à l’organisme nous paraît également suffisant. Le contrôle est une simple vérification de comptabilité. Je rappellerai par ailleurs qu’il n’aboutirait pas à un rappel d’impôt, qui pourrait faire l’objet de discussions, mais à un constat de l’éligibilité, ou non, d’un organisme au régime du mécénat.
Il n’est donc pas nécessaire d’allonger particulièrement ces délais, d’autant qu’une association pourrait plutôt avoir intérêt à saisir rapidement le juge administratif pour voir sa situation tranchée si jamais son éligibilité à cette défiscalisation devait être remise en cause.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, d’autant qu’elle a reporté d’un an l’entrée en vigueur de ce contrôle afin de permettre aux associations d’user de la possibilité du rescrit fiscal, ce qui leur éviterait bien des soucis en aval.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 63 rectifié est présenté par M. Féraud, Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme S. Robert, M. Sueur, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, M. Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach et Kanner, Mme Briquet, MM. Cozic, Jeansannetas, P. Joly et Éblé, Mme Espagnac, MM. Lurel, Raynal, Bourgi, Durain, Kerrouche, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Conconne, Conway-Mouret et Jasmin, MM. Gillé, Mérillou, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 468 est présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Lorsqu’à la suite du contrôle, l’administration remet en cause le bien-fondé de l’émission de reçus, attestations ou tout autre document par lequel un organisme bénéficiaire de dons qui ont donné lieu à des réductions d’impôts prévus aux articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts, elle procède à la publication de sa décision anonymisée dans un rapport annuel qui est rendu public. »
La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.
M. Rémi Féraud. Dans la continuité de l’amendement précédent, celui-ci vise à permettre l’élaboration de pratiques concordantes, stables et connues par l’ensemble des acteurs associatifs. Pour ce faire, nous proposons que les décisions de remise en cause du bien-fondé de l’émission d’attestations ou de reçus fiscaux prises par l’administration fiscale à la suite du contrôle soient rendues publiques dans un rapport annuel. Nous avons besoin d’harmonisation des pratiques, de transparence et d’information.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° 468.
Mme Sophie Taillé-Polian. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. On comprend bien l’objectif des auteurs de ces amendements : que les associations comprennent mieux dans quel cadre elles peuvent délivrer des reçus fiscaux et quand elles ne peuvent pas le faire.
Pour autant, publier un rapport présentant l’ensemble des organismes qui seraient retenus risquerait plus de créer de la confusion que d’apporter de la clarté aux associations. En effet, encore faut-il comprendre les décisions qui ont été prises : les justifications de l’administration fiscale ne sont pas toujours extraordinairement claires dans les rapports qu’elle publie.
Il convient cependant de remarquer que la Cour des comptes a demandé que soient plutôt actualisées les fiches thématiques sectorielles du Bulletin officiel des finances publiques : ce sont elles qui clarifieraient exactement à quelles conditions on est éligible, ou non, à ce régime.
L’avis de la commission sur ces amendements est donc défavorable, mais nous souhaitons interpeller le Gouvernement pour obtenir que ces fiches sectorielles soient réellement actualisées par l’administration fiscale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Il est défavorable, mais j’ai bien pris note de la demande de Mme la rapporteure.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances. La commission des finances s’est saisie pour avis de l’article 10 de ce texte. Comme Rémi Féraud l’a rappelé, cet article va très au-delà de la simple question des associations cultuelles, puisque c’est l’ensemble du monde associatif, soit 1,5 million d’associations, d’organismes sans but lucratif, ou de fondations, qui est concerné par cet article et les suivants.
Ces acteurs, dans leur ensemble, ne sont pas soumis aujourd’hui à un contrôle préalable du régime d’éligibilité au mécénat. Or ce régime est complexe, puisque son bénéfice est soumis à des critères cumulatifs : il faut avoir un but désintéressé et un objet humanitaire, social, ou encore éducatif, mais aussi ne pas fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes. Ce sont autant de cas d’espèce qu’il faut apprécier.
Certes, il existe la procédure du rescrit fiscal, c’est-à-dire la possibilité de demander à l’administration par avance si l’on est éligible au régime du mécénat. Néanmoins, il faut savoir qu’il est seulement délivré un peu plus de 5 000 rescrits par an pour 1,5 million d’associations. On peut craindre – cela a été exprimé par Mme la rapporteure à l’instant – que, si l’on instaure demain le contrôle prévu à cet article, le nombre d’associations qui demanderont des rescrits n’augmente.
Cela pose deux problèmes, qu’ont relevés les auteurs de ces amendements et sur lesquels j’aimerais que le Gouvernement s’exprime un peu plus en détail.
Le premier problème concerne la capacité de l’administration fiscale à délivrer des rescrits dans un temps limité : au vu du risque d’explosion des demandes, on peut en douter.
Le second problème porte sur la nécessaire clarification d’un droit qui reste assez obscur. Cela mériterait que la doctrine fiscale soit adaptée et mise à jour, ce qui n’est pas le cas actuellement : il demeure aujourd’hui beaucoup de trous et de cas d’espèce. La réponse du Gouvernement sur ce point a été un peu trop brève : il a simplement dit que ce serait fait.
Ces problèmes ont motivé l’adoption en commission des lois de l’amendement de la commission des finances visant à donner un an de plus aux associations avant la mise en œuvre de ce contrôle. Ce délai est nécessaire, je ne sais pas s’il sera suffisant ; en tout cas, il est indispensable pour permettre, d’une part, une clarification de la doctrine fiscale avant que ces dispositions n’affectent les associations et, d’autre part, une adaptation de l’administration fiscale de manière qu’elle puisse délivrer ces rescrits dans des délais plus rapides. Peut-être conviendrait-il que le Gouvernement prenne des engagements plus précis à ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. M. le rapporteur pour avis m’a ôté les mots de la bouche. Lors de nos auditions, nous avons entendu des responsables du ministère de l’économie et des finances nous expliquer qu’ils étaient déjà complètement débordés. Ils ne peuvent évidemment pas procéder à des contrôles a priori ; quant au contrôle a posteriori, ils ne peuvent pas le pratiquer non plus !
On se trouve donc dans une situation où la raquette est pleine de trous, avec des conséquences très importantes pour le budget de l’État. Le contrôle des associations est également compliqué. Le problème est donc absolu. Le présent article s’applique à toutes les associations, et non pas seulement aux associations cultuelles ; on risque donc une disproportion énorme entre associations.
Je relève que plusieurs des amendements qui suivent visent à demander au Gouvernement des rapports, notamment sur l’application de l’article L. 14 du livre des procédures fiscales ; il s’agit de savoir combien de contrôles ont eu lieu en réalité. C’est à l’occasion de leur examen, puis à l’article 11, que nous pourrons discuter d’un certain nombre de modalités de ce contrôle. En effet, comme je l’ai rappelé dans la discussion générale, d’après ce que nous ont fait savoir les services des impôts eux-mêmes, les cas où cet article trouverait à s’appliquer seraient proches de zéro. Il faudra quand même se saisir de ce problème !
On a beaucoup parlé de l’opérabilité de ce texte, mais on s’apprête à adopter un certain nombre de mesures qui ne pourront pas être appliquées, soit parce qu’elles ne sont pas les bonnes, soit parce qu’on ne disposera pas des éléments nécessaires pour le contrôle. En matière fiscale, nous allons avoir l’occasion de regarder d’un peu plus près ces mesures pour tenter d’affiner quelque peu les dispositifs prévus.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je voudrais rappeler que le meilleur moyen d’assurer la transparence et la sécurité juridique des associations est le rescrit fiscal ; il y a accord sur ce point. Cette procédure permet à chaque organisme de saisir l’administration afin de savoir s’il peut valablement délivrer des reçus fiscaux à ses donateurs. Il s’agit de décisions individuelles, qui résultent d’une analyse propre à la situation de chaque organisme. Un tiers des rescrits rendus chaque année par la DGFiP portent d’ailleurs sur le mécénat.
En outre, certaines de ces décisions peuvent apporter un éclairage sur un point de droit et présenter un intérêt doctrinal. Ces interprétations doivent évidemment être publiées au Bulletin officiel des finances publiques pour en assurer l’application homogène et les faire connaître à tous les organismes concernés. J’espère, monsieur le rapporteur pour avis, que cette réponse saura vous convenir.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il me semble qu’à cet article aussi un débat très intéressant se noue. On a bien entendu M. le rapporteur pour avis de la commission des finances exprimer un certain doute sur la possibilité réelle que ce contrôle soit mis en place, voire sur sa justification s’il doit être appliqué à toutes les associations.
Le rapport demandé dans ces amendements aurait au moins pour qualité de faire en sorte que les associations puissent obtenir les informations nécessaires à la source. Mme la rapporteure a répondu que cela risquait d’être compliqué. D’où sa suggestion, que nous avions déjà évoquée en commission, de mettre à jour les fiches thématiques sectorielles du Bulletin officiel des finances publiques. Sur ce point, j’aurais aimé que le Gouvernement s’engage de manière un peu plus encourageante. Vous êtes certainement bien meilleure spécialiste que moi, madame la ministre, mais à vous écouter, on sent l’impasse !
En effet, vous invitez les associations à demander des rescrits fiscaux, mais encore faudrait-il qu’elles sachent qu’elles peuvent le faire ! On parle de cette procédure comme si elle appartenait à la vie courante de tout le monde, mais il s’agit quand même d’une technique assez particulière. En outre, l’administration ne pourra pas faire face à autant de demandes.
En revanche, des fiches thématiques actualisées permettraient d’obtenir des informations de manière plus simple. Cela rendrait le travail moins lourd pour tous, y compris pour l’administration fiscale. C’est pourquoi je me permets de demander des précisions à Mme la ministre, en espérant qu’elle puisse le faire, même si cela n’entre pas totalement dans le champ de ses attributions.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. J’ai déjà répondu sur ce point à l’interpellation de Mme la rapporteure, mais je le refais volontiers : nous allons bien évidemment engager la DGFiP dans ce travail. Simplement, tout l’objet de ce texte est de donner à cette direction générale davantage d’outils juridiques. Je ne peux donc pas vous expliquer avant que les votes n’aient lieu ce qui sera mis en place ou non. Dès lors que les sénateurs auront voté, puis que la loi aura été promulguée, la DGFiP disposera évidemment de nouveaux outils et s’organisera en conséquence pour mettre en œuvre ce qui aura été voté. À ce stade, en amont des votes, je ne peux pas m’engager davantage.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est indépendant de la promulgation !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié et 468.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Articles additionnels après l’article 10
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 64 rectifié est présenté par M. Féraud, Mme de La Gontrie, M. Assouline, Mme S. Robert, M. Sueur, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, M. Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach et Kanner, Mme Briquet, MM. Cozic, Jeansannetas, P. Joly et Éblé, Mme Espagnac, MM. Lurel, Raynal, Bourgi, Durain, Kerrouche, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Conconne, Conway-Mouret et Jasmin, MM. Gillé, Mérillou, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 469 est présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur les contrôles sur place de la régularité de la délivrance des reçus par les organismes bénéficiaires de dons mentionnés à l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales.
Il indique le nombre d’organismes contrôlés, ainsi que le nombre d’organismes qui se sont vus retirer la capacité d’émettre des reçus fiscaux en raison de l’exercice d’une activité qui n’était pas considérée comme étant d’intérêt général.
La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié.
M. Rémi Féraud. Dans la suite du débat que nous venons d’avoir, je ne sais si ces questions ont un rapport avec le séparatisme, mais – M. le rapporteur pour avis le confirmait – elles sont très importantes dans un pays où la vie associative joue un rôle majeur et où la question des dons et des réductions fiscales y afférentes est elle aussi cruciale, dans la mesure où ils concourent à l’intérêt général.
Par cet amendement, nous demandons un rapport. Je sais que ce n’est pas dans l’usage du Sénat, qui n’apprécie pas toujours de telles demandes, mais il nous a semblé important de déposer un amendement en ce sens.
En effet, d’une part, comme l’expliquait Nathalie Goulet, l’article 10 peut très vite devenir un vœu pieux si l’administration fiscale n’a pas les moyens de le mettre en œuvre. Je tiens à ce propos à noter que, si Mme la ministre nous a expliqué que des garanties seraient données après la promulgation de ce texte pour sa mise en œuvre, la réalité est tout de même que, depuis 2017, l’administration fiscale est l’une de celles qui ont connu le plus de réductions de postes.
D’autre part, nous avons également besoin qu’on nous garantisse véritablement que l’article 10 ne sera pas détourné de son objet pour affaiblir la vie associative ou supprimer des réductions fiscales qui paraissent tout à fait légitimes et importantes pour l’intérêt général.
Tel est le sens de cette demande de rapport au Parlement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° 469.
Mme Sophie Taillé-Polian. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il est défavorable, monsieur le président. Cet avis ne se justifie pas seulement par l’hostilité du Sénat envers les demandes de rapport, mais aussi par le fait que la DGFiP publie déjà chaque année un rapport contenant des statistiques détaillées sur le nombre de contrôles et leurs résultats. Les données que vous demandez, mes chers collègues, devraient plutôt figurer dans ce rapport annuel. Celui-ci mériterait peut-être d’être un peu plus détaillé, mais un rapport supplémentaire ne serait pas pertinent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai d’autant plus volontiers ces amendements que j’en ai déposé un à l’article 31 dont l’objet est absolument identique. Je l’ai fait pour une raison très simple : les services du ministère de l’économie et des finances nous ont indiqué dans l’oreillette qu’ils n’avaient aucun moyen !
La meilleure façon de constater qu’on est en train d’installer une usine à gaz est de reconnaître que ces services sont déjà absolument incapables de procéder à des contrôles suivant les modalités existantes. Entre les contrôles généraux accomplis envers tout un ensemble d’acteurs et l’application exacte de l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales, il y a une énorme différence. Nous traitons ici d’un problème bien précis.
Je comprends bien, madame la ministre, que vous ne vouliez pas de ce rapport, mais il faudra tout de même avoir que nous ayons un chiffre d’ici à l’examen du prochain projet de loi de finances, parce que c’est un sujet qui compte. À un moment ou à un autre dans la suite de nos débats, il faudra s’en assurer, qu’on le mette dans le « jaune budgétaire » ou qu’on accède à une demande que je présenterai un peu plus tard, en publiant un « orange budgétaire » qui nous permettrait de disposer d’un document de politique transversale sur tout ce qui concerne les associations ; dans tous les cas, il faut que l’on dispose, d’une façon ou d’une autre, du nombre exact de contrôles accomplis, par exemple, ces quatre dernières années sur ce point bien précis, de façon à pouvoir évaluer la charge de travail supplémentaire qu’engendreront les articles sur lesquels nous nous prononçons maintenant. Quand on déplume des services, on a forcément moins de possibilités de contrôle !
Je voterai donc ces amendements, pour la simple et bonne raison que j’en ai déposé un qui a exactement le même objet.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Mon explication de vote vaudra également défense de l’amendement n° 470.
La vraie question consiste à déterminer comment rendre ces mesures opérationnelles et comment faire en sorte de ne pas alourdir la vie des associations, dont on a déjà rappelé l’importance ; on a d’ailleurs aussi reconnu que l’on arrosait très large pour chercher quelques associations aux agissements contraires aux lois de la République.
Il se pose un autre problème de faisabilité : si ces associations sont contrôlées, en nombre ou non, il y aura alors forcément, par ricochet, moins de contrôles ailleurs. Or on observe déjà une diminution des moyens de contrôle sur le terrain, dans les départements. Dans la situation actuelle, le contrôle fiscal est déjà en difficulté. On nous a parlé de data mining et de bien d’autres choses ; il n’empêche que, quand on discute avec des agents de la DGFiP, on apprend que bien des personnes qui, il y a quelques années encore, étaient contrôlées de temps en temps ne le sont plus du tout. Cela pose une réelle difficulté, auquel ce projet de loi doit répondre, puisqu’on a choisi d’y poser ce problème.
Il faut aussi entendre que, si l’on veut que les dispositifs mis en place soient efficaces, il faut y mettre les moyens correspondants, surtout si l’on ne veut pas déplumer des services qui sont déjà en difficulté ; on sait combien d’heures de débat nous avons déjà eues ici sur les problématiques de la lutte contre la fraude fiscale.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Le contrôle fiscal a effectivement beaucoup changé. Il n’est plus systématique, et bien heureusement ! Ce pays manque-t-il de contrôleurs ? Je n’en suis pas sûr.
Mme Sophie Taillé-Polian. Il n’en manque pas à la Caisse d’allocations familiales !
M. Jérôme Bascher. Il manque peut-être de contrôleurs fiscaux, mais assurément pas de contrôleurs en général. L’administration passe aujourd’hui son temps à édicter des normes pour se donner du travail et pouvoir les contrôler derrière. On ne manque pas de contrôles et de normes : ce pays en souffre !
En vérité, il ne s’agit pas ici de cela, mais de pouvoir contrôler proprement les associations de caractère séparatiste, examiner ce qui s’y passe aussi du point de vue fiscal. Ce projet de loi n’a pas pour but de révolutionner le contrôle fiscal ; ce serait s’éloigner de son objet de manière quelque peu extraordinaire !
Ces amendements ne me paraissent donc pas totalement opportuns, puisqu’il n’est question que d’une possibilité. Quant aux moyens, on en discutera à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 rectifié et 469.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 470, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport ayant pour objet d’évaluer les besoins de la direction générale des finances publiques et de préciser les moyens nécessaires à la réalisation des contrôles qu’elle effectue.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il s’agit d’un amendement d’appel ; l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 470.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 11
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après l’article 222, il est inséré un article 222 bis ainsi rédigé :
« Art. 222 bis. – À l’exception de ceux mentionnés au 3 de l’article 200, les organismes qui délivrent des reçus, attestations ou tous autres documents par lesquels ils indiquent à un contribuable qu’il est en droit de bénéficier des réductions d’impôt prévues aux articles 200, 238 bis et 978 sont tenus de déclarer chaque année à l’administration fiscale, dans les délais prévus à l’article 223, le montant global des dons et versements mentionnés sur ces documents et perçus au cours de l’année civile précédente ou au cours du dernier exercice clos s’il ne coïncide pas avec l’année civile ainsi que le nombre de documents délivrés au cours de cette période ou de cet exercice.
« Le modèle de cette déclaration est fixé par l’administration. » ;
2° Après le 5 de l’article 238 bis, il est inséré un 5 bis ainsi rédigé :
« 5 bis. Le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné à la condition que le contribuable soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives, répondant à un modèle fixé par l’administration, attestant la réalité des dons et versements. » ;
3° Le second alinéa du 1 de l’article 1729 B est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est également portée à 1 500 € en cas d’infraction pour la deuxième année consécutive à l’obligation de dépôt de la déclaration prévue à l’article 222 bis. »
II. – A. – L’article 222 bis du code général des impôts est applicable aux documents délivrés relatifs aux dons et versements reçus à compter du 1er janvier 2022 ou au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022.
B. – Le 5 bis de l’article 238 bis du même code est applicable aux dons et versements effectués à compter du 1er janvier 2022.
M. le président. L’amendement n° 351, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. J’ai déposé cet amendement à la suite de l’avis du Haut Conseil à la vie associative, qui est opposé à cet article, sauf éclairage que Mme la rapporteure pourrait m’apporter. Il considère en effet que ces dispositions sont superflues et vont pénaliser, une fois de plus, les plus petites associations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il est défavorable, car cet amendement vise à supprimer l’article 11, qui instaure la déclaration annuelle des organismes délivrant des reçus fiscaux.
Il nous semble important, si l’on veut déterminer qui délivre de tels reçus, que ces déclarations puissent être faites. Cela permettra justement à l’administration fiscale de cibler plus précisément les organismes devant faire l’objet de contrôles.
En revanche, pour faciliter la vie des associations, la commission a adopté un amendement de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances visant à décaler d’un an l’entrée en vigueur de cette obligation déclarative, de manière à s’assurer que les associations bénéficieront d’un portail de déclaration par internet qui soit facile d’emploi.
Je rappellerai enfin que ces déclarations porteront simplement sur le nombre de reçus émis et le montant global des dons reçus ; on n’impose donc pas un travail administratif détaillé reçu par reçu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Meurant. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 351 est retiré.
L’amendement n° 352, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
À l’exception de ceux mentionnés au 3 de l’article 200,
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Afin de garantir le respect des principes de la République, les associations de financement électorales ou mandataires financiers doivent répondre aux mêmes conditions que les autres associations délivrant des reçus fiscaux. Cela permettrait un axe de contrôle de toute volonté de politique électoraliste séparatiste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Les mandataires financiers des partis ou groupements politiques sont déjà soumis à un contrôle financier distinct qui dépend, non de l’administration fiscale, mais de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). À ce titre, ils sont déjà soumis, en application de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, à l’obligation de communiquer chaque année à la CNCCFP la liste des personnes ayant consenti à leur verser un ou plusieurs dons ou cotisations, ainsi que le montant de ceux-ci. Ce contrôle est donc bien plus drastique que ce qui est demandé aux associations dans ce texte.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Meurant. Je retire également celui-ci, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 352 est retiré.
L’amendement n° 99, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le représentant de l’État dans le département peut interdire à une association soumise aux dispositions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ou mentionnée au deuxième alinéa de l’article 4 de loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes de délivrer, pendant une durée maximale de deux ans, les documents mentionnés au premier alinéa de l’article 222 bis du code général des impôts, en cas de manquement à une ou plusieurs des obligations prévues au même alinéa ainsi qu’au troisième alinéa de l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et les premier et quatrième alinéas de l’article 21 de la même loi du 9 décembre 1905.
Cette interdiction peut être prononcée après une mise en demeure de se conformer à la ou aux obligations concernées restée sans effet à l’issue d’un délai d’un mois.
Cette interdiction peut également être prononcée lorsqu’une association mentionnée au premier alinéa n’a pas procédé à la présentation des documents prévue par le troisième alinéa de l’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 précitée dans les trente jours suivant la demande qui lui en a été faite par le représentant de l’État dans le département.
Le représentant de l’État qui envisage de prononcer une interdiction en application du présent paragraphe invite au préalable l’association à lui présenter ses observations dans un délai qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures.
Le fait, pour le dirigeant ou l’administrateur d’une association, de procéder ou faire procéder à la délivrance de documents mentionnés au premier alinéa de l’article 222 bis du code général des impôts malgré une interdiction prononcée en application du présent paragraphe est passible de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. En cas de récidive, les peines encourues sont portées à trois mois d’emprisonnement et 3 750 € d’amende.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. En dépit de l’heure tardive, je voudrais prendre une minute pour présenter cet amendement, quoique je n’aie pas le moindre doute quant au fait qu’il sera retoqué…
On fait face à un problème extrêmement important : on n’effectue jamais de contrôle a priori des documents émis par les associations cultuelles pour faire bénéficier leurs donateurs de déductions d’impôt.
Je voudrais citer à ce propos un cas que j’évoque régulièrement, tellement il est emblématique. Une association cultuelle de Seine-Saint-Denis y a organisé un dîner caritatif, indiquant dans un document que les dons faits pour ce dîner seront évidemment déductibles d’impôt. Seulement, ces dons ont en réalité pour destination une école coranique de Mauritanie ! Des dons déductibles d’impôt vont donc aller à une école coranique de Mauritanie, sans qu’il y ait aucun contrôle a priori ni que le préfet puisse empêcher cette association de publier ce type de documents.
Le présent amendement vise donc à permettre au représentant de l’État dans le département de mener une action contre ce type de documents. Certes, il y a beaucoup d’associations cultuelles et c’est compliqué, mais il s’agit là d’une opération absolument pratique : des associations cultuelles émettent des documents alléchants, promettant une déduction d’impôt, pour des objets absolument contraires à l’ordre public français.
Le ministère de l’économie et des finances nous a expliqué qu’il n’avait pas les moyens de suivre de tels dossiers et qu’il revenait au ministère de l’intérieur, chargé des cultes, de faire diligence ; c’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement. Dans tous les cas, madame la ministre, un problème pratique se pose.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Comme vous le supposiez, madame Goulet, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable, et ce pour plusieurs raisons.
Les premières sont purement techniques : d’une part, votre amendement ne tend pas à modifier certaines dispositions de la loi de 1905 avec lesquelles son dispositif est incompatible ; d’autre part, les peines prévues sont disproportionnées.
Par ailleurs, vous souhaitez transférer ce contrôle au préfet, arguant que l’administration fiscale aura du mal à le faire. Nous avons déjà eu ce débat. Cependant, je ne peux en vérité que m’associer à vos interrogations sur les moyens donnés à l’administration, d’autant que l’on s’apprête à demander aux associations cultuelles de se déclarer auprès des préfets : de quels moyens disposeront-ils pour vérifier ces déclarations ? On s’interroge sur les moyens de façon générale.
Je comprends donc le principe qui vous anime, ma chère collègue, mais je considérerai, si vous le voulez bien, que vous avez présenté là un amendement d’appel. La commission ne peut de toute manière que lui être défavorable pour les raisons techniques que j’ai exposées.
En revanche, je tiens à interpeller le Gouvernement sur les moyens qui seront mis en œuvre pour l’application de ces dispositions et notamment – nous y reviendrons à l’article 27 – pour le contrôle des associations cultuelles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Une vraie question est posée : celle de l’application de loi, qui est extrêmement intéressante. Cela dit, il n’appartient pas au préfet de prononcer des sanctions fiscales ; on ne peut pas, simplement parce qu’une administration affirme qu’elle n’a pas les moyens de faire quelque chose, le demander derechef à une autre administration. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement sur cet amendement est défavorable.
Cette question fondamentale pourra faire l’objet d’un débat à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de finances ; il me semble que ce serait le bon vecteur. Pour autant, je partage l’avis de chacune et chacun sur ces travées quant à la nécessité d’appliquer la loi et d’en donner les moyens à l’administration.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet article, à son tour, va très au-delà de l’objet principal de ce projet de loi, qui porte essentiellement sur les cultes. En effet, il vise l’ensemble du secteur associatif et des organismes sans but lucratif.
La commission des finances s’est saisie pour avis de cet article. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, elle a proposé d’en reporter l’application. En effet, il existe en France – je le répète ! – 1,5 million d’associations. Certaines ont des services juridiques et des conseils, mais d’autres sont de toutes petites associations animées par quelques bénévoles. Or voici qu’on leur impose une nouvelle obligation ! Certes, elle est relativement légère – indiquer le montant annuel des dons reçus ainsi que le nombre de donateurs –, mais il leur faut un temps d’adaptation.
Ce temps d’adaptation est tout aussi nécessaire pour l’administration fiscale. À ce propos, madame la ministre, je suis un peu inquiet de l’audition préalable que nous avons eue sur l’article 10 de ce texte : on nous y a déclaré que l’administration mettrait « progressivement » en place un portail internet. On impose une nouvelle obligation à des associations qui sont parfois toutes petites et animées seulement par des bénévoles, sans garantir que l’administration se donne les moyens d’offrir un portail internet permettant de faire cette déclaration de manière simple. Va-t-on encore imposer aux associations de la paperasse ?
Alors, accordons-nous un petit délai, pour que cette nouvelle obligation soit remplie de la manière la plus simple possible. Encore une fois, ce ne sont pas simplement quelques associations cultuelles ou quelques gros organismes que l’on vise, mais bien l’ensemble de ce secteur sans but lucratif, qui est si important en France.
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 550 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le e du 1 de l’article 200 du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Nous demandons la suppression de la déduction d’impôt pour les dons aux associations cultuelles.
En effet, l’article 2 de la loi de 1905 dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. » Or la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat a véritablement atténué la portée de ce principe fondamental de notre République.
Comme le souligne le juriste Jean Rivero, « Les textes législatifs, les rapports parlementaires qui les commentent, les circulaires qui ont accompagné leur mise en application ont toujours entendu la laïcité en un seul et même sens, celui de la neutralité religieuse de l’État. »
Fabrice Bin, auteur d’une thèse de doctorat sur la pensée religieuse et l’impôt, affirme sans ambiguïté que, du point de vue fiscal, « cette neutralité présente la forme de l’absence de prise en compte de la confession du contribuable dans le traitement de ses dettes fiscales ».
Il est impératif de renouer avec la laïcité fiscale, en mettant fin au financement indirect des cultes, car la réduction d’impôt pour les dons s’apparente bien à une prise en charge par l’État de la dépense du contribuable.
Pour prendre un exemple concret, quand un ou une fidèle souhaite donner 100 euros à un culte, il fait assumer un coût de 66 euros à l’ensemble de la collectivité. L’instauration d’un plafond de revenu imposable concerne l’ensemble des dons relevant de l’article 200 du code général des impôts et constitue donc une mise en concurrence entre les différentes causes bénéficiant d’une réduction fiscale.
Ainsi, comme le souligne l’auteur précité, les contribuables peuvent arbitrer entre plusieurs affectations, les unes relevant de l’intérêt général – les organismes ayant un caractère éducatif, social, humanitaire ou encore sportif – et les associations cultuelles, c’est-à-dire privées, car les activités religieuses sont considérées comme relevant de la sphère privée.
Enfin, on peut souligner le caractère doublement inégalitaire de la fiscalité des dons aux associations cultuelles. D’une part, celle-ci ne concerne que les contribuables imposables au titre de l’impôt sur le revenu, les croyants qui font partie de la moitié la plus pauvre de la population étant priés de payer leurs dons eux-mêmes ; d’autre part, la subvention publique est d’autant plus élevée que le croyant a les moyens de faire un don important, jusqu’à 20 % de son revenu.
Il convient donc de faire cesser immédiatement cette interposition de l’État entre un culte et ses fidèles.
M. le président. L’amendement n° 215 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sauf accord préalable de l’administration fiscale, les dispositions de l’article 200 du code général des impôts ne s’appliquent pas si les œuvres ou organismes bénéficiaires de versements prévus au premier alinéa du même article 200 ont pour objet l’exercice public d’un culte.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est un peu moins radical que celui qui vient de vous être présenté. Il vise à imposer un accord préalable de l’administration fiscale avant l’application de l’article 200 du code général des impôts.
La réalité, c’est que cette disposition donne lieu à beaucoup d’abus ; je pourrais en citer, mais il est fort tard.
Cet amendement avait été déposé à l’occasion du dernier projet de loi de finances, mais votre collègue Olivier Dussopt m’avait opposé qu’il ne s’agissait alors ni du bon texte, ni du bon jour, ni de la bonne heure (Sourires.), et m’avait indiqué que le texte sur le séparatisme – tel était son intitulé à l’époque – allait arriver en discussion et que j’aurais le loisir de défendre cet amendement à cette occasion.
C’est ce que je fais aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 550 rectifié bis tend à revenir sur la réduction d’impôt attachée aux dons faits aux associations cultuelles. À notre sens, ce serait revenir sur l’équilibre qui a été trouvé. En outre, supprimer ces avantages fiscaux à un moment où l’on souhaite que les associations cultuelles n’aillent pas chercher leur financement ailleurs qu’en France parmi leurs fidèles serait contre-productif.
L’avis est donc défavorable.
Avec l’amendement n° 215 rectifié bis, on en revient à la discussion précédente. La mesure proposée, un contrôle a priori, me semble de bon sens, mais disproportionnée et difficile à obtenir. Demandons déjà que le contrôle a posteriori soit effectué sur certaines associations ciblées à partir des déclarations faites.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Madame la rapporteure, je n’ai pas bien compris votre argumentation à propos de l’équilibre qui aurait été obtenu.
Si l’on considère que, quand un fidèle, quelle que soit sa croyance, verse 100 euros, la collectivité publique en assume 66 euros, vous m’expliquerez la nature de l’équilibre !
En outre trouve-t-on juste que ceux qui sont imposés sur le revenu et qui font ce type de dons puissent être défiscalisés jusqu’à 20 % de la somme, quand ceux qui sont moins fortunés, qui ont moins de revenus, mais qui souhaitent participer au financement d’un culte, n’ont pas ce droit ?
J’avoue avoir du mal à comprendre l’équilibre dont il serait question ici.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 550 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 215 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 551 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 10° de l’article 795 du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Dans le prolongement de l’amendement précédent défendu par mon collègue Pascal Savoldelli, cet amendement tend à supprimer l’exonération sur les dons et les legs.
Selon une étude de la Fondation de France en 2015, le total de la générosité reçue par l’Église catholique à travers les paroisses et les diocèses s’élève à 630 millions d’euros en 2015, dont environ 40 % font potentiellement l’objet de déductions fiscales. L’État se serait donc privé de 252 millions d’euros pour cette seule année, au profit d’un culte.
Les dons et legs représentent 100 millions d’euros de cette somme. Là encore, à l’instar des dons, ce financement indirect des cultes donne lieu à une concurrence entre différentes institutions et nuit, notamment, aux libéralités à destination des organismes publics.
Ainsi, les libéralités consenties à l’Église en 2015 sont, pour la même nature, vingt fois supérieures à la somme perçue par l’État, presque deux fois supérieures à l’intégralité des dons et legs reçus par ses opérateurs et deux fois supérieures à ce que perçoivent les collectivités territoriales. En résumé, la seule Église catholique recueille autant de dons et de legs que tous les acteurs publics confondus.
Si vous estimez que l’État, ses opérateurs et les collectivités territoriales sont suffisamment bien dotés et que les dons et legs ne doivent pas financer des acteurs publics pour être pleinement efficients, je vous indique que les donations et legs reçus par les fondations privées à l’Institut Curie sont quatre fois inférieurs à ceux que reçoit l’Église catholique.
Pourtant l’utilité de cet organisme n’est pas à démontrer : je rappelle qu’il s’agit du premier centre de lutte contre le cancer, qui a accueilli près de 12 000 patients pendant l’année 2019.
Au-delà de 30 euros versés chaque année pour les associations cultuelles par chacun des 50 millions d’adultes résidant en France, il est impératif de revenir à un modèle de financement sans exonération fiscale sur les donations et legs pour que l’État et le Gouvernement sortent enfin de cette ambiguïté coupable quant au financement des cultes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je reste défavorable à cette mesure. Je précise que l’idée est que les cultes parviennent à se financer sans aller chercher des ressources que nous ne souhaitons pas voir arriver.
De plus, nous voulons amener des associations qui sont aujourd’hui sous le régime de la loi de 1901 vers celui de la loi de 1905. Or l’un des intérêts de ce dernier statut est justement d’autoriser la délivrance de reçus fiscaux et de permettre aux donateurs de défiscaliser leurs dons.
Conservons ces avantages issus de la loi de 1905 afin d’encourager les associations loi 1901 qui s’occupent de culte à migrer vers cette forme, laquelle nous permettra également d’exercer un contrôle plus important sur elles.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 551 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12
I. – Le II de l’article 1378 octies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« II. – Lorsqu’un organisme, qui peut être contrôlé en application des articles L. 111-9 et L. 111-10 du code des juridictions financières, est définitivement condamné en application des articles 223-1-1, 313-2, 314-1, 321-1, 324-1, 421-1 à 421-2-6 ou 433-3-1 du code pénal, l’administration fiscale lui notifie dans les quinze jours la perte de sa capacité à faire bénéficier les dons, legs et versements effectués à son profit d’un avantage fiscal. »
II. – (Non modifié) Au V de l’article 1378 octies du code général des impôts, les mots : « visé à l’article L. 111-8 » sont remplacés par les mots : « mentionné aux articles L. 111-9 ou L. 111-10 ».
III. – (Non modifié) Le I est applicable aux actes commis à compter du lendemain de la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Cet article concerne la suspension des avantages fiscaux dont bénéficient les organismes sans but lucratif en cas de condamnation pénale.
Une modification effectuée par la commission des lois du Sénat a spécifiquement attiré mon attention : la suppression de la mention du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la liste des sanctions visant les avantages fiscaux des associations.
En effet, depuis 1993, la loi sanctionne les actions empêchant l’accès à l’information sur l’interruption volontaire de grossesse, en ôtant à certains organismes sans but lucratif leurs avantages fiscaux.
Devons-nous rappeler à cette assemblée que l’accès à l’information sur l’IVG est une nécessité de santé publique ? La question de l’avortement concerne évidemment toutes les classes sociales, mais ce sont particulièrement les femmes les plus précarisées financièrement qui ont recours à cette pratique, comme le montrent les chiffres du planning familial.
Or on sait très bien que la précarité des femmes dans notre société est actuellement grande, particulièrement en cette période marquée par le covid et par le chômage. L’accès à l’information apparaît d’autant plus essentiel.
J’exhorte mes collègues de la droite sénatoriale, par ailleurs majoritairement masculins, à faire preuve de mesure. Nous savons le grand tracas que vous cause le sujet de l’IVG, mais ne contribuez pas à la mise en danger de ces femmes.
M. le président. L’amendement n° 65 rectifié bis, présenté par M. Féraud, Mmes de La Gontrie et Rossignol, M. Assouline, Mme S. Robert, M. Sueur, Mmes Monier et Meunier, MM. Marie et Magner, Mme Lepage, M. Leconte, Mme Harribey, MM. Lozach et Kanner, Mme Briquet, MM. Cozic, Jeansannetas, P. Joly et Éblé, Mme Espagnac, MM. Lurel, Raynal, Bourgi, Durain, Kerrouche, Redon-Sarrazy, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Conconne, Conway-Mouret et Jasmin, MM. Gillé, Mérillou, Temal, Tissot, Jacquin, Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
pénal
insérer les mots :
ou de l’article L. 2223-2 du code de la santé publique
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Cet amendement traduit la prise de position de notre collègue, Esther Benbassa.
Ce serait un drôle de symbole, et un mauvais signe, que nous amputions de cette disposition le texte voté à l’Assemblée nationale. Je n’ai d’ailleurs pas été convaincu par les arguments qui ont conduit à opérer cette modification.
Aujourd’hui, la liste des infractions susceptibles d’entraîner la suspension des avantages fiscaux prévus par le texte initial de l’article 12 ne comprend que des manquements de nature économique ou faisant peser une menace grave sur la société : terrorisme apologie du terrorisme, etc.
On considère donc que le délit d’entrave à l’IVG ne pourrait pas s’inscrire dans cette logique, notamment parce qu’il n’a jamais constitué l’objet même d’une association ou d’un organisme sans but lucratif. Pourtant, l’apologie du terrorisme non plus n’apparaît jamais dans l’objet officiel d’un organisme ! Cet argument ne me semble donc pas pertinent. On sait que ce genre d’objectif se cache derrière d’autres objets officiels.
Ensuite, l’entrave à l’IVG ne fait-elle pas peser une menace grave sur la société ? Nous considérons que c’est bien le cas. Si cette mesure a été votée à l’Assemblée nationale, sans avoir recueilli, me semble-t-il, un avis favorable du Gouvernement,…
M. Rémi Féraud. … c’est bien qu’il y a un sujet.
Nous aurions tort de revenir en arrière, parce qu’il y a des difficultés d’accès à l’IVG dans notre pays, nous le savons bien, parce que des gens veulent remettre en cause ce droit fondamental, qui concerne la moitié de nos concitoyens, les Françaises, alors qu’il est au cœur de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce sujet a bien à voir avec le séparatisme et avec le fondamentalisme, et nous sommes déterminés à permettre à chacune et à chacun d’exercer ses droits fondamentaux.
M. le président. Il faut conclure.
M. Rémi Féraud. Même si l’on peut estimer que cette rédaction serait juridiquement superfétatoire, il me semble qu’il est utile de la défendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Soyons clairs : évidemment, nous ne cautionnons pas l’entrave à l’IVG. En opérant cette modification, nous n’avons touché en aucun cas à sa pénalisation. Je ne me serais jamais permis de faire une chose pareille.
En l’occurrence, il s’agit de reçus fiscaux concernant des associations dont l’objectif serait de faire entrave à l’IVG. Une telle association, si elle avait cet objet et qu’elle menait cette action, puisque l’on permet de pénaliser des associations selon ces deux dimensions, n’aurait de toute façon pas la possibilité d’être éligible au régime fiscal du mécénat.
Nous avons donc retiré cette mention parce qu’elle nous semblait déjà présente dans le droit actuel et que, par ailleurs, nous avons considéré qu’elle n’avait pas de lien direct avec ce texte.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mme la rapporteure a raison, cette mesure est déjà présente dans le droit existant. Une lecture purement appuyée sur le droit me conduirait donc à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Pourtant, l’avis est favorable, par souci de cohérence avec la position adoptée à l’Assemblée nationale. En effet, contrairement à ce qui vient d’être dit, le Gouvernement avait alors émis un avis favorable, de même que le rapporteur.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 73 amendements au cours de la journée ; il en reste 427.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 2 avril 2021 :
À neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, confortant le respect des principes de la République (texte de la commission n° 455 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 2 avril 2021, à zéro heure trente.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER