M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour la réplique.
Mme Vivette Lopez. Monsieur le ministre, nous connaissons effectivement fort bien votre combat contre les surtranspositions et votre action pour défendre notre agriculture. Je vous remercie infiniment de l’attention particulière que vous portez à la filière riz.
évolution du protocole vaccinal des broutards et conséquences sur leur mise en vente et leur exportation
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, auteur de la question n° 1517, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, la loi Santé animale européenne impose désormais une évolution du protocole vaccinal aux éleveurs. Pour les broutards, ils disposent d’un délai de soixante jours, contre dix jours jusqu’à présent, entre la date de la dernière injection de vaccin et la date de la vente pour l’exportation.
Pour les animaux dont la vente est programmée en avril 2021, il fallait donc avoir réalisé tout le protocole vaccinal au plus tard le 30 janvier 2021, une date évidemment impossible à tenir. Or près de 6 200 broutards devraient être exportés en avril et en mai pour le seul département de la Haute-Vienne. En l’absence d’une telle opération réalisée dans les temps, ces ventes ne pourront donc pas être conclues, et on mesure aisément la perte pour des producteurs déjà en grande difficulté. Il semblerait que la situation n’ait pu être anticipée, et la légitime demande des éleveurs pour l’obtention d’un temps d’adaptation à ce nouveau règlement européen n’a pas été entendue. Monsieur le ministre, quelle mesure de compensation avez-vous donc prévue pour les dédommager ?
Cette situation est d’autant plus préjudiciable que la filière bovine limousine fait déjà face à une baisse des cours, en raison de fortes perturbations sur les marchés européens liées au contexte sanitaire. Si les exportations de broutards et de jeunes bovins vers l’Italie restent stables, le prix payé au producteur est en baisse : –3 % sur toute la voie mâle, et un écart d’environ 1 euro au kilogramme entre le prix payé au producteur et l’indicateur interprofessionnel de coûts de production. Cette baisse de prix annule tout le gain de revenu potentiel qu’aurait pu procurer la hausse de 40 centimes du kilogramme obtenue sur la voie femelle, entraînant de fait un revenu historiquement bas pour les producteurs en 2020.
La situation des éleveurs haut-viennois est critique, monsieur le ministre, et de très vives inquiétudes sont en train de s’installer. Quelle réponse entendez-vous leur apporter ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, vous avez abordé le problème du prix. Le prix, c’est un combat ! Nous aurons d’ailleurs tout à l’heure un débat sur l’application de la loi Égalim (loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous). Cette dernière concerne les jeunes bovins, mais pas, par définition, les broutards achetés par l’Italie. C’est en tout cas un élément structurant pour toute la filière bovine. Force est de constater que nous cherchons à faire bouger les lignes sur ce sujet.
S’agissant des cours, y compris du jeune bovin et du broutard, il ne vous aura pas échappé que, depuis maintenant plusieurs semaines, ils commencent à raugmenter de manière continue, même si c’est trop lentement à mes yeux. Je le dis clairement, c’est très largement insuffisant, mais c’est un fait. Il faut dire que nous mettons beaucoup de pression « dans le tube », si vous me passez l’expression. Il faut aller encore plus loin, vraiment, parce que nous restons à des niveaux trop bas pour rémunérer nos éleveurs.
Par ailleurs, vous m’interrogez sur la mise en place de cette loi Santé animale. Vous estimez que les inquiétudes n’auraient pas été entendues et que rien n’aurait été fait. Ce n’est absolument pas le cas. Vous pouvez d’ailleurs interroger les représentants de la filière à cet égard.
Le fait est que la France s’est battue au niveau européen pour que cette réglementation n’entre pas en vigueur au 21 avril, mais soit décalée. J’en ai parlé à de nombreuses reprises ; j’ai fait une coalition avec différents États membres ; je m’en suis entretenu avec la commissaire européenne à la santé. Dans un premier temps, l’Europe a décidé de ne pas décaler, mais nous avons fini par obtenir des mesures dérogatoires en ce qui concerne la mise en œuvre. Nous avons réussi à obtenir des protocoles, notamment avec l’Espagne, l’Italie, pour aborder la date du 21 avril de manière sereine, puisqu’il y aura une autre échéance au mois de septembre, avec des protocoles d’accord sur les vaccinations pour les exportations, en particulier vers ces deux pays.
Je peux vous dire que nous nous sommes pleinement engagés sur ce dossier, parce que, dès lors que ce texte fonctionnerait mal dans un pays européen – je n’ai pas d’inquiétude pour la France –, c’est toute la chaîne des transports qui serait bloquée. Mon combat, au niveau européen, c’était de donner de la visibilité à ce sujet pour qu’il n’y ait de problèmes de flux dans aucun État membre, avec une attention particulière portée à l’Italie et à l’Espagne. Bref, au 21 avril, nous sommes sereins, la question étant renvoyée au mois de septembre, mais nous sommes en train de nous y préparer avec la filière.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, j’entends bien e que vous dites, mais la conséquence sur la trésorerie des agriculteurs est inévitable, d’autant que, depuis 2018, le revenu des éleveurs bovins « viande » a baissé de 30 %. Les ventes de viande bovine, elles, ont progressé en 2020, mais le problème est bien que la loi Égalim n’est pas appliquée et n’a pas produit les effets positifs attendus.
Les plans d’aide d’urgence successifs, tels que celui qui a été annoncé début mars, ne suffisent plus à répondre à cette situation. Il faut garantir aux éleveurs un prix qui couvre véritablement leurs coûts de production. La nouvelle PAC ne doit pas sacrifier l’élevage allaitant, sous peine de porter gravement atteinte aux équilibres territoriaux et à notre autonomie alimentaire.
application de la loi égalim du 30 octobre 2018
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 1519, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre, début mars ont eu lieu les négociations commerciales entre les producteurs agricoles et les distributeurs. Un profond désaccord entre les parties s’est traduit par des manifestations d’agriculteurs partout en France, ces derniers dénonçant la teneur de ces négociations et demandant une application de la loi Égalim beaucoup plus juste. Le problème est bien là !
Rappelons que cette loi d’octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous avait notamment pour objectif de « payer le juste prix aux producteurs, pour leur permettre de vivre dignement de leur travail ». Aujourd’hui, il n’en n’est rien, et les espoirs des agriculteurs nés avec cette loi sont déçus.
Dans mon département de la Somme, les jeunes agriculteurs et la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) m’ont fait part de leur frustration devant cette non-application de la loi. Ils ont le sentiment que la grande distribution est peu réceptive aux tarifs proposés par les fournisseurs et que la hausse des coûts de production à l’amont n’est absolument pas prise en compte. D’ailleurs, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ne dit pas autre chose quand il affirme que, dans de très nombreuses filières, les prix payés aux producteurs n’intègrent pas suffisamment les coûts de production.
Monsieur le ministre, la crise sanitaire a mis en avant l’importance stratégique de préserver notre souveraineté alimentaire.
Cela passe, vous le savez, par une juste rémunération de nos agriculteurs, leur permettant de répondre aux exigences sociétales et environnementales de plus en plus contraignantes. Il s’agit aussi de pouvoir donner envie aux nouvelles générations de s’installer, car il faut savoir que 46 % de la population agricole peut prétendre à la retraite dans les cinq ans à venir. Notre souveraineté alimentaire passe donc mécaniquement par des installations en nombre.
Allez-vous vous saisir du rapport de Serge Papin pour mieux rémunérer les agriculteurs ? Plus globalement, quelles mesures comptez-vous prendre pour que la rémunération des agriculteurs reflète réellement leur travail ?
Enfin, la situation de l’agriculture française dépend non seulement de l’application de la loi Égalim, mais aussi, bien sûr, de la politique agricole commune (PAC) et de sa fameuse déclinaison française. Pour les exploitations agricoles des Hauts-de-France, la réforme de la PAC, telle qu’elle est envisagée à l’heure actuelle, équivaudrait à près de 180 millions d’euros par an d’aides en moins. C’est colossal et, vous le comprendrez, inacceptable. Nos agriculteurs ont plusieurs propositions à vous faire sur le plan stratégique national, en cours d’élaboration. Je vous demande, monsieur le ministre, de les écouter. Nous ne devons pas avoir honte de soutenir notre agriculture.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Demilly, je vous remercie d’abord de votre soutien constant au monde agricole.
Je vais commencer par la seconde partie de votre question, puis je terminerai en vous répondant sur Égalim.
Vous me dites que la nouvelle PAC va coûter 180 millions d’euros à la région Hauts-de-France. C’est absolument faux ! Ce chiffre est totalement erroné. C’est avec grand plaisir que j’en discuterai avec vous, mais ce n’est ni de près ni de loin la réalité de ce qui va se passer, bien au contraire.
Les deux questions qui viennent de m’être posées sont assez révélatrices des débats en cours : d’un côté, on me dit qu’il faut mettre plus ici ; de l’autre, qu’il faut mettre plus là.
La position que j’ai adoptée, c’est justement de mettre fin à ces transferts massifs. Par exemple, les régions en zones intermédiaires de céréales, qui ont profondément subi ces mouvements lors des différentes PAC passées, ont aujourd’hui des niveaux de rémunération extrêmement faibles. D’aucuns préconisent les transferts inverses, mais on mettrait alors à bas tout le monde de l’élevage. Il faut stabiliser, c’est-à-dire arrêter ces transferts massifs de certaines régions vers d’autres, comme vous l’avez rappelé. Ma position est très claire à cet égard. C’est une politique affirmée et assumée, ce qui n’avait jamais été fait lors des précédentes négociations sur la politique agricole commune.
Le second point de votre question porte sur la loi Égalim.
Oui, mille fois oui, il faut se saisir des recommandations de Serge Papin, que j’ai d’ailleurs réclamées avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher.
Pourquoi ?
Dans les négociations qui viennent de se terminer, nous avons vu que la seule solution pour faire bouger des lignes était d’entrer dans un rapport de force. Nous y sommes allés franchement, réalisant l’équivalent de six mois de contrôles en six semaines. Nous avons mis beaucoup de pression dans le tube, mais les relations commerciales ne peuvent constamment se définir ainsi, avec un rapport de force systématique engagé avec l’État. Je le ferai autant que de besoin, mais il nous faudrait trouver un système pérenne en allant plus loin qu’avec la loi Égalim. En gros, celle-ci elle a permis d’effectuer une marche en avant considérable en définissant une méthode, mais elle n’a pas, me semble-t-il, suffisamment sanctuarisé les indicateurs et les prix.
C’est cela qu’il nous faut travailler maintenant, et nous aurons l’occasion d’en débattre cet après-midi au Sénat. En tout cas, monsieur le sénateur, soyez assuré de mon engagement.
défense de l’élevage en plein air face aux maladies
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 1529, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, la propagation de la grippe porcine et de l’influenza aviaire sont sources de grandes difficultés pour l’élevage de plein air.
Malgré les très nombreuses interpellations et propositions des syndicats agricoles depuis deux ans, les mesures de biosécurité déployées pour protéger les élevages des maladies ont essentiellement été envisagées pour des élevages intensifs et paraissent largement inadaptées à la réalité des élevages extensifs. C’est encore plus le cas dans les territoires de montagne comme le mien. Depuis le 1er janvier, les éleveurs porcins attendent des dérogations, notamment sur la question des clôtures.
Les systèmes de clôture pour les parcs à cochons ne sont pas adaptés et peuvent conduire à l’arrêt de l’élevage porcin extensif, particulièrement en zone boisée ou pentue. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a enfin été saisie et doit se prononcer sur la possibilité de déployer des clôtures mobiles, beaucoup plus adaptées à l’élevage de plein air. Monsieur le ministre, savez-vous quand l’Anses rendra son rapport ?
Cette situation est d’autant plus mal vécue par les fermes de plein air qu’aucune nouvelle réglementation sanitaire ne s’impose aux chasseurs, hors zones réglementées, bien sûr, concernant la gestion des sangliers, qui sont pourtant les principaux vecteurs du développement de la peste porcine africaine. Pourtant, monsieur le ministre, comme vous aimez le répéter, nous dépendons des agriculteurs pour nous nourrir. Une coopération renforcée entre chasseurs et éleveurs est indispensable. Y travaillez-vous ?
S’agissant de la grippe aviaire, à la suite de la pétition de cet hiver, vous avez réuni depuis mars les acteurs pour élaborer un protocole adapté à tous les types d’élevage. Nous attendons de voir le résultat, mais, enfin, claustrer les volailles pour les protéger de la grippe aviaire dans des bâtiments construits avec les subsides du plan de relance ne me semble pas être une solution pour l’élevage de plein air. Je m’étonne de devoir le préciser.
Plus largement, monsieur le ministre, que prévoyez-vous pour protéger et développer l’élevage de plein air plébiscité par nos concitoyennes et nos concitoyens ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Gontard, vous évoquez plusieurs sujets : d’abord la peste porcine africaine (PPA) ; ensuite, l’influenza aviaire ; enfin, plus largement, le support aux élevages de plein air.
Très clairement, je suis favorable à l’élevage de plein air. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire au moment de la gestion de cette crise de l’influenza aviaire.
Sur la PPA, vous le savez très bien, on a mis en place un certain nombre de groupes de travail non seulement avec les professionnels, mais également avec les chasseurs, pour répondre plus précisément à votre interpellation. Il s’agit de groupes de suivi, que je pilote de manière régulière, avec des initiatives lancées par la profession en appui du Gouvernement, pour faire des audits d’évaluation des mesures de biosécurité à l’échelle de chacun des élevages, et pour pouvoir bénéficier de financements, octroyés notamment dans le cadre du plan de relance, afin de mettre à niveau les élevages qui le nécessiteraient.
Par ailleurs, je vous le confirme, nous attendons toujours l’avis de l’Anses, mais soyez sûr qu’elle est très impliquée sur ces questions de biosécurité.
Sur l’influenza aviaire, je le redis, il y a un débat qui s’est ouvert, certains en attribuant la cause aux modes d’élevage. Je n’y crois pas du tout. Elle arrive par les oiseaux migrateurs.
Pourtant, je le répète, je suis tout à fait pour les élevages de plein air, notamment des gallinacées, et je ne milite pas pour une remise en cause des modes d’élevage. Cela étant, quand le virus influenza aviaire arrive, comment réagit-on ? On a vu lors de la crise de cette année, où le virus était incroyablement virulent, que les mesures de claustration, avec des exemptions données, par exemple jusqu’à 3 200 canards, laissaient quand même beaucoup d’oiseaux dehors.
La question qui nous est posée est la suivante : est-on capable de claustrer au moment où la vague arrive et combien d’oiseaux peut-on laisser dehors ? C’est tout l’enjeu des consultations en cours avec les professionnels. À titre personnel, je pense qu’il faut être courageux : quand le virus arrive, on doit être en mesure de claustrer, sans remettre en cause d’aucune manière que ce soit l’élevage de plein air. Telle est ma position, que je ferai valoir lorsqu’il faudra prendra des arbitrages dans le cadre des consultations.
Monsieur le président, pardon d’avoir été trop long. Je conclus : dans le plan de relance, il y a effectivement une ligne de financement de 115 millions d’euros pour investir dans les élevages sur les mesures de biosécurité, en lien avec les collectivités locales, notamment les régions.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Merci, monsieur le ministre.
Je suis d’abord satisfait d’entendre que vous êtes très favorable à l’élevage de plein air. Maintenant, effectivement, il faut que les politiques suivent, puisque cet élevage de plein air a souvent été délaissé, constituant un angle mort des politiques agricoles.
C’est bien dommage, car nous le voyons avec ces épisodes sanitaires, quel que soit le type de virus, l’élevage de plein air est celui qui est le plus résilient. C’est aussi vrai pour des questions de transport, car ce type d’élevage induit une organisation en circuits courts. Or l’on sait que les transports, qui influent aussi sur le bien-être animal, sont à l’origine de la propagation de ces virus.
Monsieur le ministre, je vous encourage à mettre le paquet sur l’élevage de plein air !
soutien à la filière de la laine
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 1535, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Patricia Demas. Monsieur le ministre, ma question porte sur les conséquences de l’arrêt des exportations de laine française à la suite de la crise sanitaire, ainsi que sur les perspectives de renaissance de la filière de production et de valorisation de la laine sur notre territoire.
La France possède un cheptel de près de 5 millions de brebis, qui produisent un peu plus de 6 000 tonnes de laine par an. Depuis des décennies, la filière de production de la laine tricolore a chuté. On élève surtout les ovins pour la viande ou le lait.
La vente des tontes suffit à peine à en payer l’acte actuellement. C’est pourtant malheureusement un passage obligatoire pour le confort de l’animal et pour lutter contre la myiase.
Notre production de laine s’exporte à hauteur de 80 %, principalement vers l’Asie. Or, depuis la crise de la covid-19, la Chine a coupé court à ses importations et les stocks s’accumulent de manière alarmante dans les hangars de nos éleveurs.
Cette chute des ventes est catastrophique, certes, sur le plan commercial, mais, le plus grave, ce sont les volumes que les coopératives ne collectent plus, et pour cause. On ne peut écarter des conséquences sur le plan sanitaire, sachant que la laine est imputrescible et qu’elle brûle très mal.
Que faire de ces stocks invendus qui s’accumulent dans les bergeries, tels des encombrants dont la qualité périclite dans un laps de temps assez court ? S’ils demeurent en l’état, il faudra trouver une solution pour s’en débarrasser. Sans accompagnement, et en l’absence de règles et de contrôles, les éleveurs seront contraints de faire le travail de destruction eux-mêmes, avec toutes les conséquences économiques et sanitaires que cela suppose.
Cette situation prête à réflexion, monsieur le ministre : ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de profiter de cette crise pour redonner un élan à la filière de la laine française, qui pourrait retrouver ses lettres de noblesse dans une logique vertueuse de développement durable et économique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Demas, je pense que la réponse est dans votre question. On est dans une situation compliquée, pour des raisons conjoncturelles et non pas structurelles. C’est le cas dans d’autres secteurs d’exportation de ce que l’on appelle les coproduits animaux, dont la laine fait partie, ou d’autres types de productions animales.
Évidemment, on suit cette situation de près, notamment par l’intermédiaire de FranceAgriMer, qui a développé un process de suivi de ces coproduits animaux dans une structure dédiée.
Tout d’abord, je pense qu’il faut non pas repenser la filière – le terme est présomptueux –, mais l’accompagner en tirant les leçons de la crise. À cet égard, je tiens à dire que le plan de filière a déjà beaucoup travaillé sur cette question de la valorisation de la laine.
Pour ma part, j’ai décidé, dans le cadre de France Relance, de mettre des financements importants, à hauteur de 50 millions d’euros, pour la structuration des filières. En l’occurrence, la filière laine pourrait s’en saisir pour faire ce travail et valoriser ses produits.
Ensuite, il y a la question des débouchés. Tout l’appareil d’État est mobilisé, notamment à l’international, pour aider les acteurs économiques dans cette démarche. C’est d’ailleurs un métier que j’ai eu l’occasion d’exercer voilà quelques années en Égypte. On sait à quel point c’est important, y compris dans le domaine agricole, de pouvoir bénéficier du soutien diplomatique de l’appareil d’État, que ce soit de Business France ou des conseillers agricoles.
Enfin, au-delà de la filière et de ses débouchés, je crois beaucoup aux initiatives locales, telles que celles que vous avez mentionnées. C’est exactement la même approche que pour la valorisation des circuits courts dans le cadre des projets alimentaires territoriaux. Ces valorisations locales sont, à mes yeux, extrêmement importantes. Vous avez cité plusieurs initiatives, et il faut les soutenir. En résumé, filières, débouchés et initiatives locales : il me semble que c’est la bonne ligne de conduite, dans une situation incroyablement difficile en ce moment.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, pour la réplique.
Mme Patricia Demas. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir répondu de manière encourageante pour cette filière, qui a besoin de se restructurer, de redynamiser ses outils de production pour pouvoir valoriser la laine, et non pas seulement la traiter en tant que déchet. Aujourd’hui, c’est un peu ce qui se passe avec les exportations vers l’Asie. Il y a très peu de filières de production structurées.
L’autre objet de ma question reste néanmoins sans réponse. D’énormes stocks de laine ne sont pas traités aujourd’hui en France, ce qui représente un véritable problème sanitaire.
prise en compte des spécificités montagnardes dans le futur plan stratégique national
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 1542, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur trois points.
Tout d’abord, il y a la prise en compte de la différence « montagne » dans le futur plan stratégique national.
Nous constatons que l’éligibilité des surfaces pastorales sera subordonnée à une méthode de déclaration et de contrôle qui reste en débat. L’actuelle repose sur l’expertise de l’agriculteur, qui applique une classe de prorata aux surfaces qu’il déclare. Cette méthode a fait ses preuves en France, mais elle est aujourd’hui en évolution, et je crois savoir que vous expérimentez à ce jour un dispositif de télédétection en vigueur chez nos voisins espagnols et dénommé le Lidar. Il s’agit d’une technique de mesure à distance capable d’identifier le couvert végétal en place.
Certes, ce système paraît simple, mais son utilisation est limitée, car il exclut systématiquement toute surface en pente ou toute ressource fourragère sous couvert arboré. L’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), notamment, a manifesté son opposition à cette nouvelle méthode. Comment allez-vous prendre en compte les spécificités géographiques des surfaces agricoles montagnardes ? Ne pensez-vous pas qu’une dérogation soit nécessaire pour les territoires de montagne ?
Ensuite, en cette période d’actualité singulière, avec les gels sévères que connaît le territoire national, j’ai pris acte avec beaucoup de satisfaction de la prise en compte rapide des calamités agricoles. Cela étant, je souhaiterais connaître les dispositions que vous envisagez de prendre pour faire face immédiatement aux besoins de trésorerie auxquels seront confrontés les exploitants arboricoles dès le mois d’octobre, après que les premières recettes des saisons précédentes auront été effectivement liquidées. J’aimerais également savoir quelles mesures vous envisagez pour accompagner, au-delà de la prise en compte des calamités agricoles, la filière tout entière, c’est-à-dire y compris la filière industrielle – je pense aux stations de conditionnement et aux emplois saisonniers adossés –, particulièrement touchée par cette crise de l’arboriculture.
Enfin, j’appelle votre attention sur la nécessité de travailler dare-dare, si vous me permettez l’expression, sur les réserves collinaires pour faire en sorte, notamment, que les mesures administratives permettant les autorisations soient allégées, à l’instar de ce qui se passe pour les éoliennes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Arnaud, je vais commencer par la question sur les réserves collinaires, en saluant ma collègue chargée de la biodiversité, la secrétaire d’État Bérangère Abba, avec qui nous échangeons très régulièrement sur le sujet.
Soyez convaincu de notre approche pragmatique, notamment sur ces autorisations de prélèvement. Vous le savez, un important travail a été fait par nos services, à la demande des parlementaires, d’ailleurs, pour pouvoir finaliser ce fameux décret sur les débits d’usage de l’eau, une fois que les réserves ont été faites. Cela répond précisément à votre interrogation. En fait, la situation n’était pas acceptable. Même quand le projet avait été bien mené, avec toutes les concertations requises, le préfet prenait son arrêté de prélèvement sur une base juridique tellement fragile que, neuf fois sur dix, l’acte tombait quand il était attaqué. C’était désespérant pour tout le monde.
Courageusement, nos ministères, à la demande des parlementaires, je le répète, ont enfin rédigé ce décret, qui est aujourd’hui au Conseil d’État et qui pourra donc être signé dans les prochaines semaines. Cela sera une véritable avancée, attendue depuis à peu près dix ans par les acteurs de terrain. J’en profite de nouveau pour remercier ma collègue Bérengère Abba.
S’agissant des soutiens à l’arboriculture, la question est d’arriver au moment où la perte de revenus sera ressentie, c’est-à-dire surtout à partir de la mi-juin, avec un pic cet été. Pour la viticulture, en revanche, c’est dans un an. Aussi, les dispositions que nous sommes en train de mettre en place doivent prendre en compte cette réalité.
Il n’en reste pas moins que, d’ici là, il y a des sujets à traiter, comme vous l’avez très bien dit, et nous sommes en train de le faire. Ce sont notamment les mesures de chômage partiel ou autres pour accompagner celles et ceux qui en ont besoin.
Évidemment, nous avons bien en tête que l’impact est non seulement sur la production, mais aussi sur l’aval. Vous avez parlé des installations de conditionnement. J’y insiste, nous sommes en train d’y travailler, et je vous laisse imaginer le défi que cela représente, ainsi que les montants en jeu. Face à ce drame, nos outils habituels, faute d’être gréés, ne fonctionnent pas ; donc il nous faut tout réinventer. Nous essayons de le faire le plus rapidement possible, mais, si nous voulons être efficaces, il faut prendre le temps de la concertation.
Enfin, sur le Lidar, je vous rassure, c’est une expérimentation dont nous tirerons les conclusions, le moment venu, pour voir comment améliorer le système. Qu’est-ce qui est faisable ? Où cela peut-il être appliqué ? Nous le ferons avec méthode et pragmatisme. Je pense avoir démontré que c’était le type d’approche que je privilégiais.