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Organisation des prochaines élections départementales et régionales
Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’organisation des prochaines élections départementales et régionales.
Cette séance s’organisera en deux temps.
Après la déclaration du Gouvernement, la parole sera donnée à un orateur de chaque groupe.
Ensuite, nous procéderons au vote par scrutin public sur cette déclaration, en application de l’article 39 de notre règlement.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 1er avril dernier, je suis venu présenter devant vous la situation sanitaire de notre pays, marquée, vous le savez, par une troisième vague et, surtout, par le développement d’un nouveau variant prédominant, ainsi que les mesures de lutte contre l’épidémie que l’évolution de cette situation sanitaire rendait précisément nécessaires.
Voilà donc plus de dix jours que ces dispositions sont entrées en vigueur sur l’ensemble du territoire. Elles commencent à produire leurs résultats en termes d’incidence, même si c’est de manière hétérogène selon les régions, mais pas encore en termes de pression hospitalière.
Plus que jamais, la communauté des soignants se mobilise pour faire face à cette pression, avec la compétence et le courage qui lui valent plus que jamais notre reconnaissance et notre soutien.
C’est dans ce contexte très particulier que j’ai évoqué devant la Haute Assemblée le calendrier des prochaines élections départementales et régionales, fixées les 13 et 20 juin prochain, ainsi que les questions soulevées par le conseil scientifique dans le rapport qu’il nous a remis, sur le fondement de l’article 3 de la loi du 22 février 2021, relatif aux conditions de leur organisation.
À cette occasion, je vous avais proposé une orientation, une méthode et un rendez-vous.
Vous connaissez l’orientation : vous m’avez entendu l’exprimer à plusieurs reprises, notamment ici même, au Sénat, le 1er avril dernier.
Elle a toujours été constante et repose sur un principe très simple : celui du maintien – c’est la règle –, parce que l’élection est un moment majeur de la démocratie et, de surcroît, les élections en question ont déjà dû être reportées. Seules des considérations sanitaires – c’est l’exception – pourraient nous conduire à déroger à ce principe ou à en aménager l’organisation, comme l’a démontré, du reste, l’expérience difficile des élections municipales de l’année dernière.
Privilégier l’hypothèse du maintien, c’est aussi identifier clairement et lucidement les difficultés que sa mise en œuvre peut soulever.
Ces difficultés tiennent évidemment aux contraintes et aux incertitudes que la situation sanitaire peut faire peser sur notre vie collective dans les prochains mois.
Elles tiennent plus particulièrement aux recommandations très précises que le conseil scientifique a formulées, qu’il s’agisse des conditions de déroulement de la campagne ou des opérations de vote, et, au-delà de la théorie, si j’ose dire, à notre capacité pratique à les mettre en application dans l’ensemble des communes de France.
Elles tiennent enfin au fait que ces élections cumuleront deux scrutins – cela les distingue des municipales de 2020 –, organisés le même jour, ce qui exige de doubler le nombre de bureaux de vote, donc de mobiliser deux fois plus de présidents et d’assesseurs.
Faut-il rappeler, par ailleurs, qu’après l’avis du conseil scientifique, nous avons renforcé, à compter du 4 avril et pour une période de quatre semaines, les mesures dites « de freinage », et que ceci n’est évidemment pas sans effet sur le sujet qui nous réunit aujourd’hui, s’agissant notamment de la précampagne électorale ?
Après l’orientation, je rappellerai la méthode que nous avons suivie.
Comme je l’avais indiqué, nous avons opté pour la plus large consultation. J’ai saisi les présidents des assemblées, les présidentes et présidents des groupes parlementaires, les responsables des partis politiques représentés au Parlement et les responsables des associations d’élus locaux.
Quelque 39 contributions me sont parvenues. Je tiens à remercier leurs auteurs, en particulier vous, monsieur le président du Sénat, car votre contribution était assortie de nombreuses suggestions opérationnelles.
Une assez large majorité de ces contributions – 25, pour être précis – a exprimé une position favorable au maintien des dates prévues, 11 n’ont pas pris position, tandis que 3 étaient favorables au report.
La plupart de ces contributions se sont bornées à énoncer une position de principe, d’autres ont souligné les difficultés qui pouvaient se poser et quelques-unes étaient accompagnées de propositions précises de nature à y remédier.
L’importance du sujet et les conditions précises fixées par le conseil scientifique m’ont par ailleurs convaincu de procéder à une consultation directe des maires. Cette initiative, je l’ai constaté, en a étonné certains. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, si je vous sais très attachés, comme moi, aux maires de la République, je dois vous dire qu’un tel étonnement m’a étonné (Mêmes mouvements), dans la mesure où le principal effort et la responsabilité de l’organisation de ces scrutins pèseront nécessairement sur les maires.
Je tiens d’ailleurs à les remercier devant vous, dans cette assemblée dont ils sont les grands électeurs, d’avoir parfaitement saisi l’importance de l’enjeu, puisque 69 % d’entre eux ont répondu – c’est un des taux de réponse les plus élevés à ce type de concertation – et cela dans des délais très courts. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie Mercier. N’en jetez plus !
M. Jean Castex, Premier ministre. Comme vous le savez, les maires sont disponibles en permanence. (Mêmes mouvements.)
J’ai donc décidé de cette consultation au vu des contributions que m’ont adressé leurs associations représentatives, afin d’en compléter les aspects organisationnels, et je souhaitais disposer de leurs retours, c’est vrai, avant la tenue des débats dont j’ai souhaité l’organisation au Parlement, sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, et dont le premier a été programmé hier à l’Assemblée nationale.
J’exprime donc ma gratitude aux maires pour leur réactivité et la qualité de leurs réponses. Celles-ci ne surprendront personne, tant ces élus montrent depuis le début de cette crise leur disponibilité et leur engagement, en tous points exemplaires, au service de notre pays.
Leurs préconisations, leurs très nombreuses contributions, comme les interrogations qu’ils ont soulevées, enrichissent considérablement l’information tant du Gouvernement que du Parlement, notamment dans le cadre du présent débat. Cela n’a rien de surprenant, puisqu’elles émanent de celles et ceux dont c’est précisément la charge et la mission que d’assurer l’organisation matérielle des opérations de vote.
Les élus municipaux intervenant dans le processus électoral comme agents de l’État, ce dernier manquerait de loyauté à leur endroit s’il ne les associait pas à une décision les concernant au premier chef, et, surtout, au vu de leurs légitimes inquiétudes, s’il ne les accompagnait pas au plus près dans l’organisation de ces opérations dans le contexte très particulier que nous connaissons.
Contrairement à ce que certains commentaires ont parfois laissé entendre, cette consultation – je tiens à l’indiquer de manière très solennelle – n’était dirigée contre personne (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.), et certainement pas contre les associations d’élus, pour lesquelles j’ai le plus grand respect. (Mêmes mouvements.)
Je sais d’ailleurs que le Sénat lui-même a pour habitude, et cela me semble bien normal, de consulter directement les élus locaux, deux consultations de ce type étant en cours. C’est une bonne méthode.
Il s’agissait tout simplement, je le répète, de compléter utilement les réponses des associations, en donnant une dimension très concrète et opérationnelle aux questions de principe soulevées à bon droit par les contributions des grandes associations d’élus.
Vous connaissez le résultat de cette consultation : 56 % des maires se sont prononcés en faveur du maintien, 40 % en faveur du report et 4 % n’ont pas souhaité prendre position.
Ces résultats montrent à eux seuls combien le sujet est complexe – plus complexe que ne le sous-entendent certains commentaires –,…
Mme Laurence Rossignol. Nous sommes capables de comprendre, rassurez-vous !
M. Jean Castex, Premier ministre. … et combien cette consultation était nécessaire pour saisir les ressorts et les motivations des inquiétudes qui se sont exprimées.
J’en viens enfin au rendez-vous que je vous avais proposé et qui nous réunit aujourd’hui sous la forme de ce débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution et du vote qui le conclura.
En effet, il faut que, en toute transparence, chacun puisse s’exprimer et s’engager au regard des enjeux qui sont sur la table, puisqu’il s’agit de concilier les deux principes de portée constitutionnelle que sont la liberté du suffrage et la protection sanitaire de nos concitoyens.
Ce débat et ce vote, je vous propose donc de les organiser sur la proposition, confirmant l’orientation dont je vous avais déjà fait part, de maintenir au mois de juin les élections régionales et départementales et d’assortir ce maintien de conditions très précises, tenant à la campagne comme au vote, conditions que je développerai dans un instant.
Cette position est celle qui apparaît au Gouvernement comme prenant le mieux en compte à la fois l’avis du conseil scientifique du 29 mars dernier et le résultat de l’ensemble des consultations que nous avons conduites depuis lors et que je viens de vous rappeler.
S’agissant en premier lieu de la campagne électorale, celle-ci devra donc être adaptée. Comme l’a rappelé le conseil scientifique, c’est elle qui est de nature à entraîner une multiplication des occasions de contacts physiques, donc d’accroître les risques sanitaires. Cette campagne sera donc différente ; du reste, la quasi-totalité des forces politiques consultées en convient.
Ainsi, nous encouragerons l’usage des outils de campagne dématérialisés. Le ministère de l’intérieur mettra en place, comme pour les dernières municipales, un site internet permettant aux électeurs de disposer de l’ensemble des professions de foi des candidats aux deux élections.
Un débat télévisé, également diffusé à la radio, sera organisé entre les candidats aux élections régionales, avant chacun des deux tours de scrutin.
Le Gouvernement, de son côté, lancera une grande campagne de sensibilisation au vote, ainsi qu’une campagne d’information sur les compétences des conseils régionaux et départementaux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le conseil scientifique recommande, en outre, l’interdiction des meetings physiques et des réunions publiques, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Dans la période de restrictions sanitaires que nous connaissons actuellement, une telle règle me paraît justifiée. Je souhaite toutefois qu’elle puisse être réévaluée, dès que l’amélioration de la situation sanitaire nous permettra d’envisager la reprise progressive de certaines activités et l’ouverture de quelques établissements recevant du public.
Dans les prochaines semaines, nous serons amenés à présenter nos différents scénarios sur la sortie des mesures actuellement appliquées. Il est raisonnable de penser que, d’ici au premier tour des élections, la levée de ces restrictions, pour les candidats, se traduira par de nouvelles possibilités de faire campagne. En tout cas, j’en forme le vœu.
Quant aux règles qui encadrent les déplacements au-delà des dix kilomètres autour du domicile, elles constituent évidemment un obstacle à la liberté de déplacement des candidats et des membres de leurs équipes de campagne. Ces règles seront donc aménagées sans délai, afin d’autoriser les déplacements des candidats dans le ressort de la circonscription électorale, ainsi que des militants qui les accompagnent, sur la base d’une attestation du candidat ou, à défaut, de son mandataire financier.
Pour prendre en compte l’allongement de la campagne, nous allons, comme pour les élections municipales de juin 2020, augmenter la durée des prêts accordés par les personnes physiques.
D’autres questions très concrètes se posent sur la distribution des tracts dans les boîtes aux lettres, le collage des affiches et le porte-à-porte, opérations qui appellent des réponses précises s’agissant de l’encadrement strict des conditions lesquelles elles pourront se dérouler. À cet égard, le ministre de l’intérieur publiera une circulaire d’ici à la fin de la semaine.
Concernant le déroulement du scrutin lui-même, il nous appartient de prendre toute disposition utile afin d’assurer la sécurité sanitaire des personnes concourant aux opérations de vote et, plus généralement, de tous les électeurs.
Comme pour le second tour des municipales, en juin dernier, un protocole sanitaire sera défini de façon à garantir le respect des gestes barrières et la sécurité sanitaire dans les bureaux de vote.
Le recours au vote par procuration sera de nouveau facilité : la loi du 22 février 2021 offre à chaque électeur la possibilité de disposer de deux procurations. Le dispositif « maprocuration.gouv.fr », créé par le décret du 11 mars dernier, conformément à vos vœux, mesdames, messieurs les sénateurs, permet d’établir une procuration de façon presque totalement dématérialisée.
Le conseil scientifique recommande également la vaccination ou, à défaut, le dépistage de l’ensemble des membres des bureaux de vote.
De nombreux maires nous l’ont fait savoir : cette préconisation peut paraître difficile à mettre en œuvre, notamment dans les petites communes, où, bien souvent, les membres des bureaux de vote ne sont identifiés que quelques jours, voire quelques heures avant le scrutin.
Je rappelle que, à la mi-juin, environ 30 millions de Français, soit une large partie de nos concitoyens électeurs et électrices, auront bénéficié au moins d’une première injection. Certes, tous n’auront pas eu leur rappel et tous n’auront pas forcément été vaccinés depuis dix jours, délai indiqué pour que le vaccin soit protecteur. Mais plus de la moitié des personnes majeures aura été protégée, et nous espérons faire mieux !
C’est pourquoi le Gouvernement propose de mettre en place un dispositif spécifique : trois semaines avant le premier tour, les communes seront invitées à faire connaître la liste des personnes non vaccinées, membres des bureaux de vote, et des fonctionnaires mobilisés le jour du scrutin, afin qu’une vaccination puisse leur être proposée.
Le conseil scientifique prévoit que, à défaut de vaccin, les membres des bureaux de vote devront réaliser un test. Il pourra s’agir d’un test PCR ou d’un test antigénique réalisé dans les quarante-huit heures précédentes.
Il pourra également être procédé à un autre test juste avant : à cette fin, l’État dotera les communes de lots d’autotests leur permettant de tester, le jour du scrutin, tous les participants aux opérations de vote qui n’auraient pas eu d’autres solutions.
Afin de limiter les concentrations de flux d’électeurs, et comme de nombreuses forces politiques l’ont proposé, les préfets seront invités à étendre les horaires des bureaux de vote de huit heures à vingt heures, dans toutes les communes où, après échange avec les maires, cela semblera pertinent.
Dans les nombreuses communes où deux bureaux de vote, chacun étant dédié aux deux scrutins, sont disposés dans une même salle, des mesures seront prises pour préciser les textes relatifs à la mutualisation des équipements et de certaines fonctions des membres des bureaux de vote.
Afin de limiter le nombre de personnes mobilisées par les opérations de dépouillement, ces dernières pourront avoir lieu soit simultanément, mais dans deux salles distinctes, soit dans une salle suffisamment grande, permettant un respect optimal des règles de sécurité sanitaire.
Les dépouillements pourront aussi se dérouler l’un après l’autre, dans une même salle, avec les mêmes personnes. Nous autoriserons d’ailleurs les membres des bureaux de vote et les assesseurs à participer au dépouillement, si c’était nécessaire. Vous savez tous que les mesures que je viens de décrire ne sont pas autorisées par la législation en vigueur.
De même, comme le recommande le conseil scientifique, nous examinerons la possibilité d’autoriser que ces opérations se déroulent à l’extérieur – nous serons au mois de juin ! –, sous certaines conditions, par exemple dans la cour ou sous le préau des écoles. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER.)
Les maires des communes de taille modeste ont exprimé de nombreuses inquiétudes – on peut évidemment les comprendre. C’est pourquoi les préfets et les sous-préfets seront chargés de les accompagner de manière individualisée, dans la préparation et l’organisation des scrutins.
L’État ne laissera pas les maires des petites communes livrés à eux-mêmes : dès lors, l’accompagnement préfectoral commencera très prochainement, en vue d’identifier le plus précocement possible les difficultés prévisibles et d’y apporter des solutions adaptées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs des mesures que je viens de vous présenter relèvent de la loi. Les dispositions correspondantes seront intégrées à un projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, qui sera présenté d’ici à la fin du mois d’avril en conseil des ministres.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà le cadre général que je soumets à votre approbation. Sa déclinaison opérationnelle supposera l’adoption d’actes juridiques et matériels nombreux et importants. Certains d’entre eux devront être adoptés dans des délais très rapprochés – c’est un défi !
Nous devrons être en mesure de répondre à de nombreuses conditions, d’adopter de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, de déployer des moyens d’information novateurs et inédits, d’accompagner les mairies dans l’organisation matérielle du scrutin.
En outre, et c’est essentiel, nous devrons compter sur le bon avancement de la campagne de vaccination. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Les semaines qui nous séparent du scrutin ne seront pas de trop pour relever ce défi collectif.
C’est pourquoi, pour nous donner le temps utile, nous avons décidé de décaler d’une semaine la date des élections. En effet, une semaine de plus, cela représente deux à trois millions d’électeurs vaccinés supplémentaires. Hier, encore, la France a vacciné plus de 450 000 personnes : ce n’est pas négligeable, et il faut nous en réjouir !
Dans le respect de la loi en vigueur, un décret en conseil des ministres sera pris, dès la semaine prochaine, pour fixer les élections aux 20 et 27 juin prochain, au lieu des 13 et 20 juin.
Je viens cette après-midi solliciter l’approbation de la Haute Assemblée sur la stratégie que je viens de décrire, ainsi que sur ses modalités opératoires. Je viens aussi vous proposer, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous associer au plus près à sa mise en œuvre, d’ici à la tenue des scrutins. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
À cet effet, un comité de suivi permanent, présidé par Jean-Denis Combrexelle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État, et animé par le ministère de l’intérieur, sera constitué.
Il associera les membres des partis politiques représentés au Parlement, les groupes parlementaires et les associations d’élus. Il examinera, au fil de l’eau, si vous me permettez cette expression, toutes les questions juridiques et organisationnelles de la campagne et du scrutin.
J’ajoute, pour votre complète information, qu’un préfet sera désigné pour piloter les sujets à caractère logistique, afin de soutenir les maires dans l’organisation du scrutin, y compris au regard des enjeux liés au dépistage et à la vaccination.
Le ministre de l’intérieur, dont je veux saluer l’implication à mes côtés, sera chargé, au nom du Gouvernement, de mettre en œuvre l’ensemble des orientations que je viens de vous exposer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous demander d’en débattre, avant de bien vouloir vous déterminer sur leur bien-fondé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. le président. Nous en venons aux orateurs des groupes politiques.
Dans le débat, la parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, il y a un an, notre pays entrait dans une crise sanitaire sans précédent.
Cette crise n’est naturellement pas terminée, nous ne le savons que trop. Elle a provoqué des drames dans les familles ; elle nous a obligés à organiser nos vies au gré des circonstances sanitaires, parfois des contraintes, à tout le moins des difficultés, desquelles nous ne sommes pas encore sortis.
Il y a un an, notre pays était surpris. Nous n’avions aucune connaissance précise de la pandémie. Nous étions dans le doute. Ce doute fut d’ailleurs confirmé par les hésitations autour du port du masque, qui, dans le débat public, créèrent les premières polémiques et un début de discussion.
Au même moment, devaient se tenir les élections municipales. Au mois de mars 2020, nous votions la loi prévoyant leur report et, compte tenu des circonstances, le Gouvernement prit la décision de les décaler jusqu’à la fin du mois de juin 2020.
De son côté, le Conseil constitutionnel déclara qu’un report encore plus lointain, pourtant souhaité par certains, n’était pas envisageable.
Puis vint l’été. Un petit relâchement – il fut grand, en réalité ! – se fit sentir ; quelques espoirs nouveaux jaillirent çà et là… Mais, à l’automne, le reconfinement arriva, avec son lot d’incertitudes. Cette fois, les masques n’étaient plus en cause : c’étaient les tests ! Allions-nous, en effet, pouvoir tester tous les Français pour savoir s’ils étaient contaminés ou non par le virus ? Tel était le doute qui nous traversait. Depuis lors, il n’a cessé de grandir.
Des discussions furent ouvertes sur le plan sanitaire. Mais l’échéance du mois de mars approchait ! Le Gouvernement demanda donc à Jean-Louis Debré de rédiger un rapport sur un éventuel report des élections départementales et régionales.
L’ancien président du Conseil constitutionnel s’exécuta et vint d’ailleurs témoigner devant la commission des lois du Sénat. Il déclara que l’élection pouvait être reportée au mois de juin, éventuellement à l’automne, mais certainement pas plus loin. Élément révélateur, il nous dit également que l’on aimerait – je ne sais où, mais l’on peut l’imaginer – prolonger le report jusqu’après l’élection présidentielle. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Mais oui ! Pourquoi pas ?
M. François-Noël Buffet. Voilà un nouveau doute, venant s’ajouter à celui qui était lié au risque sanitaire.
À la veille des fêtes de Noël, les conditions n’avaient pas beaucoup changé et vous aviez pris à juste titre, monsieur le Premier ministre, des mesures assez fortes.
Néanmoins, on commençait alors à parler du vaccin et, au début du mois de janvier, revenait dans le débat la question des élections. La vaccination n’étant pas encore certaine – elle n’est, en tout cas, pas facile à mettre en place, comme nous le constatons encore en ce moment –, le report des élections était décidé, sur la foi du rapport de M. Debré.
Le Parlement, singulièrement le Sénat, en accepta le principe. Vous recueillîtes, monsieur le Premier ministre, l’avis favorable de toutes les organisations d’élus locaux, et nous décidâmes ensemble, en février dernier, que ces élections auraient lieu en juin. Le choix du Parlement était clair : ce serait au mois de juin, et pas plus tard. L’avis du comité scientifique serait évidemment pris.
Le temps passa, les questions de vaccination se compliquèrent et le doute revint. Il portait, cette fois, sur la qualité de certains vaccins et sur l’arrivée de certains variants. Je ne vous en fais pas grief, monsieur le Premier ministre, ni à personne : vous n’y étiez pour rien.
M. François-Noël Buffet. Néanmoins, le doute était présent. Revint la question du maintien des élections. Le débat s’ouvrit de nouveau : serait-ce à l’automne, ou dans un an ? Tous les bruits circulaient.
Le conseil scientifique se prononça non pas sur la date des élections – elle était acquise pour lui, de par la loi de février –, mais sur les conditions sanitaires de cette élection. Le doute allait-il être levé ? Eh bien non, parce que certaines questions se posaient encore.
En particulier, vous communiquiez, monsieur le Premier ministre, sur l’idée que, au mois de mai, les choses iraient mieux. Le conseil scientifique envisageait lui-même quelque 20 millions de vaccinés à la mi-mai et 30 millions à la mi-juin ; tout cela figure dans son avis et a de quoi rassurer. Il envisageait également, à la une des télévisions, une possible réouverture de certains restaurants et lieux culturels. L’espoir revenait, et les interrogations semblaient levées.
Dans les faits, néanmoins un doute circulait encore. Pour tenter de le dissiper, le Gouvernement décida, vendredi dernier à dix-sept heures, de consulter les maires. Légitime consultation ! Mais qu’espérait-on du résultat ? Que les maires ne soient pas d’accord sur le maintien des élections ou, au contraire, qu’ils en confirment la tenue ? De nouveau, le doute s’instaurait.
Pourquoi cette consultation ? N’y avait-il pas là les germes d’un nouveau report vers une date bien plus lointaine ? Eh bien non, les maires répondirent et libérèrent le Gouvernement, en affirmant massivement qu’ils voulaient ces élections, quand bien même les associations avaient déjà donné un avis positif.
Je vous accorde, monsieur le Premier ministre, que la majorité n’est pas extrêmement large, mais elle est tout de même suffisamment nette pour considérer que ces élections puissent avoir lieu. Et vous avez décidé, à juste raison, de maintenir les élections et de venir devant nous le confirmer.
M. Laurent Duplomb. Il aurait pu faire l’inverse ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Nous voterons, tout à l’heure, et c’est parfait. Mais ce ne sera pas forcément un nouveau vote d’approbation, puisque nous avons déjà adopté la loi de février 2021, qui prévoit les élections au mois de juin. Ce texte nous engage, et nous n’avons pas changé.
En revanche, vous avez sollicité le Parlement, et nous vous en remercions, sur les conditions dans lesquelles cette élection pourrait se dérouler.
Cette consultation a permis à la commission des lois, que j’ai l’honneur de présider, de débattre la semaine dernière et de formuler un certain nombre de propositions, que nous avons transmises au président du Sénat. Il vous les a lui-même adressées le 8 avril dernier.
Je note avec plaisir que la quasi-totalité de nos propositions figure dans vos engagements d’hier, renouvelés cette après-midi. C’est la preuve que le débat et le travail parlementaires ont été utiles.
Le doute est donc levé. Néanmoins, permettez-moi de le répéter, il est dommage qu’il ait perduré si longtemps. Il est dommage qu’il ait été nourri, à différentes occasions, de rumeurs ou de vérités venues perturber notre confiance dans l’idée que puisse se tenir ce rendez-vous démocratique absolument nécessaire.
C’est d’autant plus vrai que le rendez-vous du mois de juin 2020 s’est déroulé dans des conditions bien moins favorables que celles de juin prochain. Nous avons heureusement progressé collectivement, à la faveur du vaccin, de la connaissance médicale, mais aussi des capacités de protection.
Nous ne pouvions être privés de ce rythme démocratique. La République ne pouvait en être privée. Il est absolument nécessaire et, sur le plan électoral, nous avons besoin, quoi qu’il en coûte – si vous me permettez cette expression –, que les Français se mobilisent de façon importante. Ils l’ont d’ailleurs fait dans le Gard, le week-end dernier, et dans quelques autres départements où, convoqués aux urnes, ils sont allés voter de façon importante.
Gageons que, au mois de juin, cette mobilisation se maintiendra. Parce que le temps nous est désormais compté, elle dépendra de notre capacité à aller vite dans ces mesures de nature majoritairement réglementaire que nous vous avions proposées et que vous avez reprises. Une décision rapide permettra de rassurer les Français et de se mettre en campagne. Nous sommes en effet, aujourd’hui, à deux mois de ces élections.
Vous avez décidé, monsieur le Premier ministre, d’en changer la date, et c’est votre liberté. Les 13 et 20 juin, pour des raisons de mobilisation des uns ou des autres, nous paraissaient plus adaptés pour aller voter. Je ne porte pas de jugement de valeur sur ce décalage d’une semaine. J’espère simplement que cette semaine supplémentaire nous apportera le bénéfice d’une plus grande participation.
Je vous livre deux observations sur les propositions que vous nous avez faites, monsieur le Premier ministre.
D’une part, s’agissant de la mesure de mutualisation des bureaux de vote, qui, en fait, relève du décret du 4 février 2021, donc est à la main des maires, peut-être conviendra-t-il de sensibiliser ces derniers sur ces sujets. Il s’agit de questions importantes, comme celle de la vaccination des membres des bureaux.
D’autre part, la commission des lois du Sénat a proposé que l’État, au travers de son représentant, définisse dans les départements la manière dont ces élections doivent s’organiser et en fixe les conditions sanitaires. Pour permettre la participation à ce rendez-vous électoral, il est nécessaire de rassurer le plus grand nombre d’entre nous.
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui aura peut-être la vertu, si ce n’est de changer notre conviction en faveur d’un vote au mois de juin, du moins de lever les doutes.
Les conditions que vous nous avez présentées et celles que nous vous proposons en complément, par leur caractère pratique et immédiat, devraient nous permettre, nous l’espérons, de lever tous les doutes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Patrick Kanner et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)