M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte qui nous réunit cet après-midi vient inscrire dans la loi le fruit d’un dialogue social de dix-huit mois, mené entre les organisations représentatives des assistantes maternelles et employées du domicile et leurs employeurs.
En dépit de son article unique et de ses dispositions, ce texte de loi n’est pas uniquement un texte technique : c’est une concrétisation politique qui concernera beaucoup de monde, près de 3 millions de nos concitoyennes et concitoyens selon les chiffres de la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem) : 1,3 million de salariées sont concernées, qu’elles travaillent chez elles, comme les assistantes maternelles – j’emploie le féminin, car ce sont à 98 % des femmes – ou au domicile du particulier employeur pour la garde d’enfants ou pour compenser la perte d’autonomie, l’autre champ majeur du soin couvert par ces métiers.
Nous nous intéressons donc ici aux métiers de la « deuxième ligne », qui sont plus souvent évoqués depuis un an. Ces métiers sont appelés à être davantage valorisés si nous voulons répondre à l’aspiration de nombre de Françaises et de Français à vieillir à domicile et si nous voulons développer les places d’accueil pour les jeunes enfants, afin de permettre une meilleure articulation du temps familial et du temps professionnel. Nous devons nous en donner les moyens.
Jusqu’à présent, ces travailleuses et travailleurs relevaient de deux conventions collectives, celle des assistantes maternelles et celle des salariés du particulier employeur. Ces deux conventions vont désormais fusionner.
Les particularités de ce secteur exigent de nous, parlementaires, une grande attention à l’évolution du cadre social issu des négociations. Le secteur est très atomisé, comme cela a été rappelé lors des auditions et tables rondes organisées par le rapporteur, Martin Lévrier, que je salue et remercie. Le nombre d’heures hebdomadaires à chaque domicile est parfois faible, et les salariées doivent cumuler les employeurs et les lieux de travail, jongler avec les emplois du temps et tenir compte des temps de déplacement.
Il est donc de notre responsabilité de législatrices et législateurs de rester fidèles à l’esprit de la négociation sociale, conscients de la nécessité d’entériner rapidement la création de la structure paritaire.
Cette démarche vise à sécuriser les droits des salariés de la nouvelle convention collective, en matière de cotisations sociales, de santé, de prévoyance et de retraites.
Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront cette proposition de loi pour consolider ce paysage de protection sociale, rendu obligatoire pour le respect du droit de la concurrence, mais nous serons lucides et vigilants.
Vigilants, d’abord, sur le coût de gestion du nouveau dispositif : la négociation sociale a retenu le format d’une gestion paritaire, gage pour les organisations de salariés et d’employeurs que les frais de structure resteront modérés et transparents.
Lucides, ensuite, sur les lacunes restant à combler afin de compléter la protection de ces métiers. Les organisations syndicales ont recensé plusieurs attentes, comme l’intégration de la collecte des cotisations de santé au travail – autre chantier qui nous attend – ou la lutte contre les impayés de salaires de fin de contrat. Un mécanisme de garantie est attendu, à l’image de ce que le régime de garantie des salaires permet dans l’emploi salarié privé.
Si ces impayés restent faibles dans leurs montants, du fait des restes à charge réduits permis par le versement en tiers payant de la prestation d’accueil du jeune enfant, ils peuvent néanmoins peser sur le budget des assistantes maternelles. Voilà pourquoi il faut réfléchir à des dispositifs, abondés par des fonds publics, permettant de mutualiser la garantie de ces impayés, sans grever le pouvoir d’achat des familles ayant recours à ce mode d’accueil.
D’autres sujets mériteront l’attention renouvelée des parlementaires que nous sommes.
Je pense notamment à la durée quotidienne du travail. Les journées sont souvent très longues pour les assistantes maternelles, entre l’arrivée du premier enfant et le départ du dernier le soir.
Autre sujet, la désignation auprès de Pôle emploi de « référents métier » pour la garde d’enfants au domicile familial et les assistantes maternelles.
Dernier exemple, la possibilité pour une assistante maternelle d’accueillir un ou une stagiaire, afin de faire mieux connaître le métier et former de nouvelles générations.
Mes chers collègues, au-delà de l’adoption de cette proposition de loi, c’est par l’attention constante à ces points d’intérêt que nous parviendrons à valoriser les carrières, à favoriser le recrutement et à rendre ces métiers attractifs, comme le souhaitent leurs représentantes.
C’est ainsi que nous répondrons à l’ambition de la mise en place d’une société de l’attention, une société du soin : pour mieux éveiller les plus jeunes et mieux s’occuper des plus âgés, il faut mieux protéger les métiers du domicile. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la profession d’assistant maternel existe depuis longtemps sous des appellations différentes. C’est un métier aux lourdes responsabilités qui s’est professionnalisé au fil du temps.
Utilisé pour la première fois dans la loi du 17 mai 1977, le terme d’assistant maternel désigne le professionnel qui obtient un agrément pour accueillir un ou plusieurs enfants avec l’assurance d’un salaire minimum. La loi du 12 juillet 1992 lui donne un véritable statut professionnel et le décret du 27 novembre 1992 précise la base de la rémunération et les formations inhérentes à ce métier. L’assistant maternel exerce sa profession comme salarié de particuliers employeurs.
Ce secteur présente la particularité de regrouper une multitude d’employeurs, estimés à 3,4 millions, qui engagent 1,4 million de salariés, ce qui engendre une grande instabilité professionnelle, chaque salarié changeant d’employeurs de nombreuses fois au cours de sa carrière selon les besoins des familles, des déménagements et de la scolarisation des enfants.
Le secteur du particulier employeur est composé actuellement de deux branches professionnelles : celle des assistants maternels, dont la convention collective date de 2004, et celle des salariés du particulier employeur avec un accord collectif de 1999.
Les employeurs étant souvent non professionnels, il est nécessaire que le mécanisme de déclaration et de paiement des cotisations sociales soit adapté et simplifié pour assurer la protection sociale des salariés.
Pour cette raison, les Urssaf ont mis en place les dispositifs Pajemploi et CESU qui permettent d’assurer, pour le compte de l’employeur, la déclaration du salarié, l’émission des bulletins de salaire, le calcul et le recouvrement de l’ensemble des cotisations.
Les Urssaf reversent ensuite les prélèvements aux caisses et organismes de protection sociale : le groupe Ircem, organisme de protection sociale complémentaire, désigné par les conventions collectives des deux secteurs, et l’Ircem Retraite, membre de la fédération Agirc-Arrco, qui est l’organisme de complémentaire retraite obligatoire pour les salariés du secteur privé.
Dans une décision du 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a estimé que les clauses de désignation des organismes de protection sociale complémentaire de ces salariés privaient les employeurs du libre choix de l’organisme de prévoyance, portant ainsi atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre. Les clauses de désignation ont alors été remplacées par des clauses de recommandation.
Cette liberté de choisir l’organisme de prévoyance entraîne cependant un risque de fragmentation de la protection sociale des salariés, chaque employeur pouvant potentiellement désigner un organisme différent de celui retenu par les autres.
À l’Assemblée nationale, plusieurs députés, dont Annie Vidal, ont pris acte du fait que les assistants maternels et les salariés des particuliers employeurs sont couverts par deux conventions spécifiques. Ils constatent également qu’une réforme générale de la structuration des branches professionnelles a été lancée en 2015 et que la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels prévoit la fusion des champs d’application de deux branches qui présentent des conditions économiques et sociales similaires. La présente proposition de loi vise à remédier au risque juridique de fragmentation de la protection sociale complémentaire et à réaliser la convergence des deux branches du secteur.
Après dix-huit mois de négociations, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord, le 26 mars dernier, autour d’une convention collective commune, qui prendrait effet le 1er janvier 2022. Pour être en conformité avec les exigences du Conseil constitutionnel, la convention collective ne désigne aucun organisme de prévoyance et confie la gestion du régime de protection sociale à l’association paritaire nationale interbranches (APNI).
Cette association, après avoir lancé une procédure d’appel d’offres respectueuse du droit de la concurrence, désignera l’organisme de protection sociale complémentaire des secteurs d’activité. La présente proposition de loi missionne l’APNI pour recueillir les produits des cotisations sociales, avant de les reverser à l’organisme de prévoyance qu’elle aura désigné.
Dans ce cadre, l’article unique de ce texte modifie le code de la sécurité sociale afin d’unifier explicitement, dans la loi, le recouvrement, déjà unifié dans les faits, des cotisations des deux secteurs professionnels considérés, de désigner l’APNI comme destinataire des cotisations sociales recouvrées par l’Urssaf et d’intégrer ce nouveau circuit aux dispositifs Pajemploi et CESU, qui resteront le guichet unique des employeurs.
Ainsi, cette proposition de loi permet aux salariés des deux secteurs professionnels de conserver un opérateur unique, l’APNI, chargé de collecter les cotisations de prévoyance et de les reverser aux organismes assureurs en respectant les exigences du Conseil d’État, tout en préservant la simplicité des démarches pour les employeurs. Dans l’attente du projet de loi Grand Âge et autonomie, elle sécurise et rend plus attractifs ces emplois d’aide à la personne, qui souffrent actuellement d’un réel déficit.
Le groupe Les Républicains votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le secteur du service à la personne ne connaît pas la crise.
Les assistants maternels constituent encore le premier mode de garde en France et les demandes d’accompagnement des seniors connaissent une hausse de 25 % depuis l’année dernière. En effet, de plus en plus de familles privilégient, pour prendre en charge la perte d’autonomie d’un proche, le maintien à domicile plutôt que le séjour en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les particuliers employant des aides ménagères et des gardes d’enfant sont également de plus en plus nombreux.
Toutefois, faute d’attractivité, le secteur connaît des difficultés structurelles de recrutement et reste particulièrement touché par le travail dissimulé. Aussi, cette proposition de loi comporte des avancées concrètes pour renforcer l’accès aux droits de ce secteur à fort enjeu social et économique, appelé à se développer dans les années à venir.
Le recouvrement des cotisations sociales des assistants maternels et des salariés employés par des particuliers est centralisé par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) ou la Mutualité sociale agricole (MSA). Les cotisations de protection sociale complémentaire sont ensuite reversées à l’Ircem.
La mise en place de Pajemploi, en 2004, et du chèque emploi service universel, en 2006, a permis de faciliter les démarches administratives et de limiter les risques de fraude. Ces deux dispositifs ont été renforcés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, afin de faciliter encore la gestion des rémunérations et des cotisations sociales des salariés et d’intégrer le prélèvement à la source.
Le circuit de recouvrement des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs repose actuellement sur deux conventions collectives distinctes, stipulant, pour chacune des branches, les droits et obligations des parties et les modalités relatives au contrat de travail, aux droits supplémentaires au titre de la prévoyance et à la formation.
Une réforme générale des branches professionnelles est engagée en France depuis 2015 pour optimiser l’organisation et le fonctionnement de celles-ci, jugés trop hétérogènes. Il s’agit de passer, au moyen d’un effort de convergence, de plus de 900 branches à 200 branches, afin de renforcer le pouvoir de négociation des salariés et de mutualiser les moyens des branches.
Dans ce cadre, des discussions ont été engagées dès 2018 pour fusionner les branches des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs. À cette fin, il est nécessaire d’harmoniser le cadre juridique organisant les modes de recouvrement des prestations sociales de ces deux branches, en intégrant au circuit de recouvrement la nouvelle association paritaire nationale interbranches pour la mise en œuvre des garanties sociales des salariés.
C’est précisément ce que fait cette proposition de loi.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte, qui sécurisera les droits sociaux de plus de 1,4 million de salariés et facilitera les démarches de 3,4 millions d’employeurs.
Cela dit, pour améliorer efficacement l’attractivité du secteur et faciliter les recrutements, nous devons aller plus loin, en augmentant les salaires et en renforçant l’accès à la formation des métiers du lien et de l’accompagnement.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi se présente d’abord comme un texte d’ajustement technique ; il s’agit, dans le contexte de la convergence vers une convention unique des deux champs conventionnels des assistantes et assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs, de faire droit à l’interdiction des clauses de désignation des organismes de prévoyance par les branches.
La nouvelle convention collective, qui s’appliquera à partir du 1er janvier 2022, devait respecter le droit à la concurrence et ouvrir le choix de l’assureur destinataire des cotisations prévoyance ; à charge ensuite, pour l’organisme retenu, d’assurer les niveaux de garantie arrêtés par la branche envers les salariés, par la mutualisation des risques.
Toutefois, les caractéristiques de ce secteur rendaient inapplicables les droits des salariés en matière de prévoyance, si chaque employeur particulier recourait à un organisme de son choix. Ces caractéristiques font d’ailleurs de ces salariés d’employeurs particuliers des salariés eux-mêmes très « particuliers », qui sont exclus d’une grande partie des droits individuels et collectifs du code du travail.
Chaque salarié de particulier employeur a en moyenne 2,7 employeurs, avec un fort turnover. Dès lors, l’accès à des droits comme la formation professionnelle a été fortement limité.
Aussi, la branche a créé un outil, géré paritairement, destiné à attacher des droits non aux contrats de travail multiples et changeants du salarié, mais au salarié lui-même ; l’APNI a été créée pour cela en décembre 2018. C’est cette association qui organisera, pour le compte des 3,4 millions d’employeurs particuliers – lesquels lui en donnent mandat via le CESU ou Pajemploi –, une mise en concurrence au travers d’un appel d’offres, afin de proposer, dans le cadre d’une clause de recommandation, un organisme de prévoyance.
L’ouverture à la concurrence est donc assurée selon une modalité qui reste particulière, pour ne pas dire « dérogatoire », seule à même de garantir l’effectivité des droits des salariés à la prévoyance.
Dans la mesure où quelques mois nous séparent maintenant de l’entrée en application de la nouvelle convention collective, l’intégration de l’APNI dans le circuit de recouvrement des cotisations sociales complémentaires, objet de la présente proposition de loi, est urgente. Par conséquent, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur du texte, sans déposer d’amendement, afin d’obtenir un vote conforme.
Néanmoins, nous aurions aimé soutenir un amendement tendant à insérer le terme « assistantes » dans le texte, afin de ne pas limiter l’appellation du métier à « assistants maternels ». Est-il encore acceptable que l’intitulé du texte ne mentionne que les assistants maternels et non les assistantes et assistants maternels, s’agissant d’une profession exercée à 97 % ou à 98 % par des femmes ?
Par ailleurs, nous avons entendu l’attente d’autres avancées législatives de la part des organisations syndicales ; cela aurait pu faire l’objet d’amendements. Est ainsi notamment attendue du législateur la création d’un fonds de garantie des salaires comportant un superprivilège pour les créances salariales.
En effet, si, grâce à l’APNI, des droits comme la formation professionnelle, hier, et la médecine du travail, demain, vont être enfin effectifs, si émergent des droits nouveaux, comme la prime de départ à la retraite attachée au salarié sur toute sa carrière et non à son dernier contrat, le retard pris, du point de vue des conditions de travail et de rémunération, est encore manifeste dans ce secteur d’activité, malgré le dialogue social constructif qui a accompagné la négociation de la nouvelle convention. Or ces métiers du « prendre soin », essentiellement féminins, doivent être reconnus à l’aune de leur utilité sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui concerne deux professions qui relèvent de deux branches professionnelles distinctes.
Ces deux secteurs représentent, pour l’un, 320 000 assistantes maternelles pour plus de 1 million d’employeurs et, pour l’autre, près de 1,4 million de salariés à domicile pour 3,4 millions d’employeurs. Ces personnes assurent des missions variées, telles que la garde d’enfants, l’accompagnement d’adultes dépendants ou en situation de handicap, l’entretien du domicile ou encore la dispense de cours particuliers.
Leur action, essentielle au maintien du lien social dans nos territoires, s’impose par ailleurs comme un levier incontournable de la prévention et du maintien à domicile, dans un contexte de vieillissement d’une population qui souhaite rester à domicile.
Se pose néanmoins la question de l’attractivité de leurs tâches. Celles-ci sont trop souvent déconsidérées et ces salariés sont plus touchés par la précarité.
Ainsi, en permettant de sécuriser les droits sociaux de ces derniers, la présente proposition de loi exprime la reconnaissance que nous devons à toutes celles et à tous ceux qui exercent ces métiers et qui contribuent à la cohésion sociale dans notre pays.
Actuellement, les assistants maternels et les salariés de particuliers employeurs sont couverts par deux conventions collectives spécifiques. Cette situation, qui paraît aujourd’hui obsolète, sera bientôt révolue, à l’occasion de la fusion de deux textes au sein d’un nouveau dispositif conventionnel. Une telle convergence permettra de niveler par le haut les droits des salariés de ces secteurs.
Les enjeux économiques et sociaux de ces secteurs d’activité, qui représentent chaque année 9 milliards d’euros de salaires, appellent en effet une adaptation du circuit de recouvrement des cotisations sociales, afin de garantir l’effectivité des droits des salariés.
La présente proposition de loi vise donc à accompagner cette restructuration, en centralisant et en simplifiant la collecte des droits sociaux auprès d’un opérateur unique.
En effet, les assistants maternels et les salariés des particuliers employeurs se trouvent actuellement confrontés à un risque de fragmentation de leur protection sociale complémentaire. Ces clauses de recommandation fragilisent la garantie des droits des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs.
C’est pourquoi le texte d’aujourd’hui confie la gestion du régime de protection sociale complémentaire des assurés à la nouvelle association paritaire nationale interbranches, chargée de recueillir le produit des cotisations sociales complémentaires collectées, en son nom, par les organismes de recouvrement.
Cette proposition de loi conservera utilement le circuit de recouvrement des cotisations sociales complémentaires le mieux adapté à l’exigence de simplicité liée à l’atomicité et à la précarité des acteurs du secteur.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE se prononcera favorablement sur cette proposition de loi.
Néanmoins, face au futur défi démographique, le projet de loi, très attendu, sur le grand âge et l’autonomie devra répondre aux attentes de ce secteur. Si le statut d’indépendant est à valoriser, l’information sur les formations dont peuvent bénéficier ces salariés ainsi que sur les mutuelles santé auxquelles ils ont droit doit être rendue effectivement accessible.
De même, le maintien du revenu en fin de mission auprès des personnes âgées ou des familles doit être assuré à ces « intermittents du social ».
Au-delà, c’est le glissement d’un système bismarckien vers un système beveridgien qui est attendu, afin d’alléger les charges pesant sur le travail en les transférant à l’ensemble des revenus. Donc, encore un petit effort, mesdames, messieurs du Gouvernement… (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pandémie a mis en lumière la situation particulière des salariés du travail à domicile, qui jouent un rôle primordial dans la vie quotidienne de nos concitoyens.
Les assistants et les assistantes maternels, ainsi que les salariés à domicile, connaissent une très grande précarité. Quant au secteur de l’aide à domicile, les salaires y sont très faibles, puisque 17 % des aides à domicile, majoritairement des femmes, vivent sous le seuil de pauvreté. Ils connaissent généralement une accumulation de petits contrats de travail, en horaires fractionnés, et de sous-traitance en cascade, qui ont de lourds impacts sur la santé et sur la vie familiale.
La présente proposition de loi tire les conséquences de la fusion de la branche professionnelle des assistants maternels et de celle des salariés de particuliers employeurs, branches couvrant 1,4 million de personnes, principalement des femmes, je viens de le souligner. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que l’intitulé de la proposition de loi, tout comme l’exposé des motifs, contribue toujours à l’« invisibilisation » des femmes, en mentionnant les « assistants maternels », alors que les femmes représentent plus de 98 % des effectifs de cette profession.
Le texte centralise et simplifie la collecte des cotisations pour les droits sociaux des assistantes et assistants maternels et des salariés de particuliers employeurs, ce que les organisations syndicales et patronales soutiennent.
Je profite de l’examen de cette proposition de loi pour souligner que, si la crise sanitaire a rappelé l’utilité sociale de ces métiers, qui ont été en première ligne durant les confinements, il est urgent de mieux rémunérer leurs activités à forte valeur sociale ajoutée. Chaque jour, les aides à domicile se lèvent tôt et parcourent des dizaines de kilomètres pour nourrir, soigner, laver et approvisionner nos aînés qui souhaitent vieillir chez eux.
Ces salariés sont d’autant plus nécessaires et essentiels que, dans dix ans, la France comptera 21 millions de personnes de plus de 60 ans, soit 3 millions de plus qu’aujourd’hui, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Pourtant, la profession d’aide à domicile reste très largement déconsidérée, avec un salaire moyen de 900 euros nets.
Pour y remédier, la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie, Brigitte Bourguignon, avait annoncé, le 1er avril dernier, une revalorisation salariale de 13 % à 15 %, soit d’environ 300 euros nets par mois, dès le mois d’octobre 2021. Nous nous en réjouissons, mais, en réalité, cette annonce ne concerne que les personnels de secteur associatif, soit la moitié des 300 000 professionnels du secteur ; les 160 000 salariés des secteurs privé et public s’estiment donc oubliés et discriminés.
Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement doit intervenir, d’une part, pour trouver un accord avec le secteur privé de l’aide à domicile, afin de revaloriser les salaires et d’améliorer les conditions de travail et, d’autre part, pour revaloriser l’indice du personnel public de l’aide à domicile. Cette hausse des salaires des aides à domicile devra se faire sans considération du statut de l’employeur ; le saupoudrage de primes exceptionnelles, au bon vouloir des employeurs, ne saurait être une réponse satisfaisante.
Je n’oublie pas les assistantes et assistants maternels ; l’exercice de leur métier est devenu, avec les impératifs sanitaires, un casse-tête, d’autant que le Gouvernement a publié, le 19 mai dernier, une ordonnance sur les services aux familles, qui, en particulier, révise la gouvernance des politiques locales d’accueil du jeune enfant et le cadre du métier d’assistant maternel.
L’expérimentation, par les collectivités locales et les caisses d’allocations familiales, de guichets uniques des services aux familles doit s’accompagner d’un renforcement des moyens alloués aux départements et à la branche famille de la sécurité sociale. Par conséquent, nous avons hâte, monsieur le secrétaire d’État, d’examiner le prochain budget de la sécurité sociale, afin de retrouver le financement de ces différentes mesures.
En attendant, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 26 mars dernier, à la suite d’un riche dialogue social, que nous pouvons saluer, les partenaires sociaux de la branche des salariés de particuliers employeurs et de la branche des assistants et assistantes maternels ont signé la mise en place d’une convention collective nationale unique. Cette convention a été signée par cinq organisations syndicales représentatives sur six et elle entrera en vigueur le 1er janvier 2022.
Cette nouvelle convention collective couvre 3,4 millions de particuliers employeurs et 1,4 million de salariés, dont 304 000 assistantes maternelles. En Mayenne, cela concerne plus de 18 000 particuliers employant 6 150 salariés. Précisons enfin que 90 % des salariés de particuliers employeurs et 97 % des assistants maternels sont des femmes. On pourrait donc écrire ce texte au féminin !
À la suite de cette fusion, la présente proposition de loi vise, d’une part, à sécuriser la collecte des cotisations de protection sociale complémentaire et, d’autre part, à simplifier les démarches administratives des employeurs, tout en garantissant l’effectivité des droits pour les salariés.
Si le sujet peut paraître, à première vue, technique, le replacer dans son contexte permet de mieux en saisir les enjeux. Je veux d’ailleurs remercier notre rapporteur d’y avoir contribué, au cours des auditions.
En sécurisant les droits sociaux de ces salariés, la présente proposition de loi fait un premier pas vers la reconnaissance que nous devons à celles et à ceux qui exercent ces métiers du lien et de l’accompagnement des personnes. En effet, nous parlons ici de professions trop souvent déconsidérées, la crise sanitaire l’a révélé cruellement.
Lors du dernier confinement, les assistants et assistantes maternels ont été traités de manière quelque peu désinvolte, avouez-le. Devaient-ils maintenir leur activité ou non ? Ils sont restés pendant quelques jours dans le flou total, car la réponse n’est pas venue tout de suite, c’est le moins que l’on puisse dire…
Durant l’année écoulée, ils ont travaillé la peur au ventre, avec le risque de contaminer ou d’être contaminés, une incompréhension grandissante face aux règles sanitaires à appliquer et en l’absence de reconnaissance de leur fonction essentielle, alors qu’ils étaient en première ligne. Près de six enfants sur dix – faut-il le rappeler ? – sont aujourd’hui accueillis par des assistantes maternelles, dont la mobilisation a été essentielle pour la garde des enfants des professionnels prioritaires.
Rappelons également le rôle pivot que jouent les salariés de particuliers employeurs dans la prévention et dans le maintien à domicile de personnes âgées, dans un contexte de vieillissement de la population. Pourtant, ces professionnels subissent trop souvent des emplois à temps partiel, avec des salaires souvent inférieurs au SMIC – le salaire moyen a été indiqué précédemment par notre collègue Laurence Cohen –, et des temps d’intervention de plus en plus millimétrés, auxquels il faut ajouter des risques supérieurs d’accident ou de maladie professionnels ou encore la fragilité économique de certains de leurs employeurs.
Selon le rapport El Khomri de 2019, les besoins d’accompagnement à domicile vont considérablement augmenter : en 2025, nous compterons 1 million de personnes âgées supplémentaires, dont 100 000 de plus en situation de perte d’autonomie. Quelque 93 000 postes supplémentaires devront être créés entre 2020 et 2024 pour y faire face et, pour pourvoir les postes vacants, 260 000 professionnels devront être formés sur la même période. Ces chiffres nous ont donné le vertige !
Or la rapporteure de la présente proposition de loi à l’Assemblée nationale, Mme Annie Vidal, que j’ai pu rencontrer, comme certains d’entre vous, le rappelle : « Le nombre des salariés diminue de 1 % chaque année et leur moyenne d’âge est de 46 ans contre 41 ans pour ensemble de la population active. Ainsi, le secteur devra faire face à 700 000 départs à la retraite ici à 2030. »
L’examen du projet de loi Grand Âge et autonomie – il vient d’être débaptisé, on l’a vu dans la presse, puisqu’il va s’intituler « projet de loi pour les générations solidaires » – ne peut plus être repoussé, monsieur le secrétaire d’État. Je remercie Mme la ministre Brigitte Bourguignon d’avoir montré cette volonté, lors de son audition devant la commission des affaires sociales.
Je souhaite maintenant dire quelques mots sur le dialogue social qui s’est tenu depuis plus d’un an.
L’accord du 19 décembre 2019 entre les deux branches a conduit à la création d’une nouvelle association paritaire nationale interbranches, l’APNI. Cette association paritaire, qui agit au nom des employeurs, renforce l’accès à la formation pour les salariés concernés. Cela est particulièrement bienvenu dans une logique d’acquisition des compétences et de construction à terme de parcours professionnels plus dynamiques.
La nouvelle convention collective acte l’instauration d’une prime de départ à la retraite et l’accès à des activités sociales et culturelles. Cela contribue à relancer l’attractivité du secteur.
Enfin, afin de remédier à l’isolement des salariés, le droit syndical en ressort consolidé.
Je dirai pour conclure que, même si elle ne révolutionne pas le secteur des métiers du domicile, nous pouvons reconnaître certains mérites à cette proposition de loi. Ultime étape d’un dialogue social riche, elle a su s’inspirer de ce qu’ont déjà mis en place les partenaires sociaux. Elle sécurise la collecte des cotisations sociales complémentaires, préserve la simplicité pour les employeurs et garantit l’effectivité des droits pour les salariés.
Ainsi, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte, tout en renouvelant son appel à rendre possible l’examen, d’ici à la fin du quinquennat, du projet de loi Grand Âge et autonomie ; les métiers du domicile méritent une loi à la hauteur de leur engagement ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE.)