M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés de particuliers employeurs a été adoptée à l’unanimité, le 18 mars dernier, à l’Assemblée nationale.

Ce texte de la députée Annie Vidal s’inscrit dans le cadre de la réforme générale de la structuration des branches professionnelles lancée en 2015 et des efforts de simplification et de convergence entre les deux branches du secteur des particuliers employeurs.

Le 26 mars dernier, les organisations syndicales et la Fédération des particuliers employeurs de France ont conclu un nouvel accord collectif, qui s’appliquera le 1er janvier 2022 ; l’article unique de cette proposition de loi en découle.

Il vise à unifier et à adapter au droit de la concurrence le circuit de recouvrement des cotisations complémentaires, prenant ainsi acte de la décision du Conseil constitutionnel de juin 2013 et des difficultés que ferait planer sur le bon fonctionnement de ce système l’existence, pour les salariés de particuliers employeurs et les assistants maternels, de plusieurs organismes complémentaires.

Rappelons-le, à ce stade, 56 % des salariés de particuliers employeurs ont au moins deux employeurs. Vous avez, monsieur le rapporteur Lévrier, très bien décrit cela précédemment, je n’y reviendrai donc pas.

Pour préserver la simplicité des démarches, la proposition de loi consacre un nouveau circuit de collecte des cotisations sociales au titre de la protection complémentaire, en ajoutant, à l’article L. 133-7 du code de la sécurité sociale, la mention des assistants maternels, dans les conditions dans lesquelles sont recouvrées les cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées aux salariés de particuliers employeurs.

L’article L. 133-5-7 précisera que le CESU ou Pajemploi peuvent être utilisés pour déclarer et payer les cotisations collectées par l’APNI, afin de sécuriser le dispositif et son intégration dans le circuit de recouvrement.

Ce texte, quoique court et technique, n’en demeure pas moins d’une importance réelle pour les 300 000 assistantes et assistants maternels et les 900 000 salariés de particuliers employeurs dont il s’agit de sécuriser les droits à protection sociale.

Important, ce texte l’est également pour notre pays.

En premier lieu, sur dix enfants de moins de trois ans, six sont gardés par des assistants maternels, le plus souvent à leur domicile, ce qui en fait de loin le premier mode de garde de jeunes enfants en France.

En second lieu, les salariés de particuliers employeurs travaillent principalement au service de personnes âgées et de personnes en perte ou en manque d’autonomie et l’on mesure chaque année un peu plus le rôle croissant que ce secteur occupera dans les années à venir, en raison du vieillissement de la population, notamment dans les outre-mer.

En troisième lieu, enfin, 90 % des salariés de particuliers employeurs et 97 % des assistants maternels sont des femmes et l’on sait la précarité qui touche souvent ces dernières.

Consciente de la qualité du dispositif retenu, grâce notamment au travail de la députée Annie Vidal et de l’accueil très favorable qui lui a été réservé par les acteurs de ce secteur, la commission des affaires sociales du Sénat, suivant l’avis du rapporteur Martin Lévrier, a adopté ce texte conforme.

Le groupe RDPI votera donc sans surprise cette proposition de loi, qui garantit un peu plus les droits des assistants maternels et des salariés de particuliers employeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs.

Les missions de ces derniers sont variées : la garde d’enfants, l’accompagnement d’adultes dépendants ou en situation de handicap ou encore l’entretien du domicile.

Ce texte, assez technique, vise à garantir les droits à la protection sociale de ces professions encore insuffisamment valorisées et mal rémunérées.

Pourtant, le service de ces personnes est irremplaçable – nous l’avons vu pendant la crise sanitaire sur notre territoire, auprès des personnes âgées, mais aussi des familles et enfants. Je rappelle que l’accueil individualisé dans un cadre familial est le mode de garde préféré des parents.

Le secteur de l’emploi à domicile comprend 1,3 million de salariés et assistants maternels – 900 000 salariés de particuliers employeurs et 300 000 assistants maternels – auprès de 3,4 millions d’employeurs. Économiquement, ces métiers représentent 9 milliards d’euros de salaires nets versés et 3 milliards d’euros de cotisations en 2019.

Cette proposition de loi tire les conséquences de la restructuration des branches professionnelles des salariés de particuliers employeurs et des assistantes maternelles. Ces branches professionnelles doivent fusionner leurs champs conventionnels au premier trimestre de cette année.

Ce texte sécurise le circuit de recouvrement des cotisations pour le financement des garanties de protection sociale complémentaire prévoyance. L’association paritaire nationale interbranches (APNI), créée en 2018 pour la formation, en deviendra le collecteur unique.

Il est ainsi prévu un reversement par le CESU et par Pajemploi des cotisations collectées au titre de la prévoyance à l’APNI, charge à celle-ci de reverser ces cotisations aux organismes assureurs. La branche devra sélectionner, le cas échéant, le ou les organismes assureurs.

Du fait du vieillissement de la population, les besoins d’accompagnement des personnes à domicile vont augmenter considérablement dans les dix prochaines années. Or le nombre de salariés diminue de 1 % chaque année et leur moyenne d’âge est de 46 ans contre 41 ans pour l’ensemble de la population active.

Ainsi, le secteur devra faire face à 700 000 départs à la retraite d’ici à 2030. Un rapport récent – il date de 2019 – sur le plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge 2020-2024 soulignait les besoins en recrutement dans ces métiers. Quelles seront les conséquences pour toutes ces familles et personnes dépendantes ?

Cet enjeu nous amène à nous poser la question de la place que nous voulons leur donner dans notre société, notamment lorsque nous mesurons les chiffres très préoccupants de la baisse de la natalité, soulignée récemment dans un rapport sur l’avenir de la population française.

La dégradation de la natalité peut être liée au démantèlement de la politique familiale par François Hollande, notamment par l’affront infligé aux bénéficiaires du quotient familial.

Nous devons donc refonder une politique familiale ambitieuse et pragmatique. Relevons le plafond du quotient familial, créons des structures pour l’accueil des plus petits, et sortons de la précarité les assistantes maternelles dont le travail est indispensable pour faciliter au quotidien l’accueil de l’enfant dans notre société ! Permettez-moi de rappeler, par ailleurs, qu’en temps de crise, la famille, cellule de base de notre société, est le meilleur des boucliers.

Pour revenir au texte d’aujourd’hui, l’article unique de cette proposition de loi modifie le circuit de recouvrement des cotisations sociales complémentaires des salariés des particuliers employeurs et des assistants maternels, en y intégrant une association paritaire chargée de la collecte, de la centralisation et de la gestion des cotisations au titre de la protection sociale complémentaire, afin de sécuriser les droits de ces salariés.

Lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, la nécessité d’agir sur l’attractivité de ces métiers a été exprimée sur tous les bancs. Ce texte n’y répond que très partiellement, mais c’est un premier pas. Par conséquent, le groupe Les Républicains votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs
Article unique (Texte non modifié par la commission) (fin)

Article unique

(Non modifié)

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 1° de l’article L. 133-5-7 est complété par les mots : « et les cotisations collectées pour le compte de l’association paritaire mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 133-7 » ;

2° L’article L. 133-7 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « ou à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « institutions mentionnées au livre IX » sont remplacés par les mots : « organismes de retraite complémentaire des salariés mentionnés à l’article L. 921-4 du présent code et l’association paritaire chargée, par convention ou accord collectif étendu, de la collecte des cotisations dues aux organismes assureurs au titre du financement des garanties mentionnées à l’article L. 2221-3 du code du travail » ;

– les mots : « qui leur sont dues » sont supprimés.

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2022.

Le 1° du I s’applique aux adhésions aux dispositifs simplifiés de déclaration et de recouvrement mentionnés à l’article L. 133-5-6 du code de la sécurité sociale en cours à cette même date.

M. le président. Je vais mettre aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)

Article unique (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé
Discussion générale (suite)

Accès à certaines professions des personnes atteintes de maladies chroniques

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer l’accès à certaines professions des personnes atteintes de maladies chroniques (proposition n° 291 [2019-2020], texte de la commission n° 613, rapport n° 612).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre du travail, de lemploi et de linsertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, « Aucune personne ne peut […] faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, […] en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap […]. »

Ce principe, le code du travail le garantit expressément et donne une traduction concrète à l’égalité et au droit à l’emploi tels que les consacre notre Constitution. Pourtant, une partie de nos concitoyens ressentent ou vivent encore des discriminations sur le marché du travail en raison de leur état de santé.

Selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) datant de 2017, 1 million à 2 millions de salariés seraient concernés par un risque de désinsertion professionnelle en raison d’une maladie chronique – ce qui représente de 5 % à 10 % des salariés de notre pays.

Ce chiffre pourrait augmenter à l’avenir, dans un pays où le nombre de personnes atteintes de maladies chroniques devrait passer de 15 % de la population active aujourd’hui, à 25 % en 2025. Au-delà de ces chiffres, il y a aussi et surtout des expériences et des vécus confrontés aux obstacles professionnels, qui viennent s’ajouter à l’épreuve de la maladie.

Ces obstacles sont multiples et concernent tout aussi bien l’accès à l’emploi – avec des refus d’embauche consécutifs à l’annonce de la maladie – que le maintien en emploi, avec des refus de mettre en place des aménagements raisonnables. Ils peuvent intervenir à la fois dans l’emploi traditionnel, mais aussi lors d’une recherche de stage ou de formation.

Il en résulte parfois une sortie anticipée du marché du travail, qui ajoute aux problèmes de santé des difficultés économiques, sociales et financières. Ainsi, près d’un tiers des personnes atteintes d’un cancer ont perdu ou quitteront leur emploi dans les deux ans qui suivent le diagnostic.

Le sentiment d’épreuve ou de discrimination intervient particulièrement pour les personnes diabétiques. En effet, comme vous le savez, celles-ci représentent plus de 3,3 millions de nos concitoyens. Face à cette situation, il nous appartient de faire appliquer l’égalité des droits le plus strictement possible, le cas échéant en adaptant notre cadre juridique.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui apporte une première réponse, en enclenchant une dynamique d’évaluation de l’ensemble des textes qui encadrent l’accès au marché du travail.

Cette évaluation est indispensable pour identifier les restrictions d’accès qui n’ont plus de justification aujourd’hui, par exemple grâce aux progrès thérapeutiques, et les distinguer de celles qui doivent être maintenues au regard des risques et des exigences associés à un poste de travail.

Plusieurs statuts particuliers de la fonction publique imposent aujourd’hui des conditions spécifiques d’aptitude physique – je pense notamment aux militaires et policiers, aux sapeurs-pompiers, aux douaniers et aux surveillants pénitentiaires. D’autres restrictions sont également prévues dans le domaine des transports, concernant notamment le personnel navigant, le contrôle aérien, la sécurité ferroviaire ou l’aviation civile.

Dans plusieurs situations, ces restrictions découlent directement du droit européen et s’imposent donc en l’état. Pour d’autres, c’est notre droit national qui a défini des conditions d’aptitude en lien avec les exigences ou dangers associés à certaines fonctions.

Le Gouvernement apporte donc son soutien à la démarche engagée par les auteurs de cette proposition de loi, qui permettra d’actualiser l’état de nos connaissances et de notre droit pour chaque restriction. Certaines restrictions conserveront leur justification et n’auront pas vocation à disparaître. D’autres apparaîtront comme obsolètes et justifieront l’adaptation des textes.

Ce soutien du Gouvernement fut d’ores et déjà exprimé lors de l’examen de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, en janvier 2020, sur l’initiative du groupe AGIR. Je saisis l’occasion pour saluer le travail de la rapporteure de l’Assemblée nationale, Mme Agnès Firmin Le Bodo et adresser un salut amical à Muriel Pénicaud, qui exprima alors le soutien du Gouvernement.

Nos discussions se poursuivent désormais dans cet hémicycle, dans la continuité des débats menés la semaine dernière en commission des affaires sociales.

Plusieurs modifications ont été apportées sur l’initiative de votre rapporteur, M. Xavier Iacovelli, dont je salue l’engagement et l’investissement sur ce texte important pour le groupe RDPI.

Nous nous rejoignons d’ailleurs sur l’essentiel : encadrer la durée de vie du comité d’évaluation, garantie d’efficacité s’agissant d’une mission précise et de la gestion d’un stock plutôt que d’un flux ; assurer la parité de ce comité ; revoir le cadre du rapport qui devra être transmis au Parlement par ce comité, et non plus par le Gouvernement, comme gage d’indépendance ; supprimer le renvoi à une campagne de communication, qui a évidemment des justifications, mais ne relève pas du domaine de la loi.

De manière plus structurante, le Gouvernement soutient l’élargissement de l’approche proposée par le rapporteur, afin de viser l’ensemble des personnes concernées par des conditions de santé particulières. Il ne s’agit évidemment pas de méconnaître la spécificité des maladies chroniques ni, en leur sein, du diabète, mais bien de couvrir l’ensemble des situations marquées par des problèmes de santé qui ont une répercussion sur la vie professionnelle.

L’Assemblée nationale avait procédé à une première extension du périmètre du texte en passant des seules personnes atteintes de diabète à l’ensemble des personnes atteintes de maladies chroniques.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement soutiendra la démarche du rapporteur, qui élargit de nouveau ce périmètre en incluant l’ensemble des personnes marquées par des problèmes de santé.

Nous devrons néanmoins garder une attention renforcée pour certains publics, en particulier les personnes diabétiques et leurs associations, qui ont exprimé de fortes attentes – je sais qu’elles ont été aussi entendues sur ces travées.

L’article 2, enfin, est celui qui a été le plus substantiellement modifié. Je souhaite ici apporter une précision sur la portée de la nouvelle rédaction issue des travaux de la commission. Elle cible le critère de proportionnalité entre les restrictions d’accès à une profession et l’état de santé du travailleur. Or le droit européen et notre code du travail renvoient à davantage de critères pour ces différences de traitement, qui doivent être objectives, nécessaires et appropriées. Ces différents critères ne s’effaceront pas et continueront bien à s’appliquer : aucune ambiguïté ne doit subsister sur ce point.

Au-delà de ces éléments plus ponctuels, je suis certain que nous saurons tous nous retrouver, Gouvernement et Parlement, sur un objectif clair : lutter contre les discriminations en garantissant l’accès de tous au marché du travail.

C’est à ce titre que le Gouvernement soutiendra, comme il l’a fait à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi. (Mme Colette Mélot applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « Comment imaginer, en 2021, que je représente un risque en étant cuisinier dans l’armée ? Comment accepter que je ne puisse pas être médecin dans la police, alors que j’ai des amis médecins diabétiques qui travaillent dans les hôpitaux ?

« Comment accepter que je ne puisse pas être moniteur d’équitation, linguiste, secrétaire, brancardier, agent de restauration, géographe, mécanicien, maître-chien, magasinier ou contrôleur de train ?

« Qui est cet expert fou qui a pu imaginer que la couleur d’un uniforme pouvait augmenter les risques liés à nos pathologies ? »

Ces mots sont ceux du jeune Hakaroa Vallée, 16 ans, lors de son audition par la commission des affaires sociales, le 11 mai dernier. Ce jeune homme, diabétique de type 1, a mené un combat formidable contre les discriminations à l’embauche depuis près de trois ans. À 13 ans, il a traversé la France à vélo et à pied et s’apprête, le 24 juin prochain, à réitérer cet exploit pour prouver que ces discriminations sont aujourd’hui absurdes et nécessitent que notre droit évolue.

Il est aujourd’hui parmi nous, en tribune, accompagné de ses parents, et je souhaite lui rendre hommage au nom de notre assemblée, car c’est en grande partie grâce à lui que nous examinons ce texte.

Hakaroa n’est pas le seul à subir ces discriminations. Ils sont en réalité 20 millions à les subir. Ils sont 20 millions de Français à ne pas pouvoir accéder à tous les métiers, à subir une double peine, et dont les rêves ne peuvent être réalisés.

Rappelons, à cet égard, qu’en l’Irlande, au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les malades atteints de diabète peuvent être pilotes de ligne. Chez nos voisins espagnols, le diabète a même été supprimé de la liste des maladies empêchant de postuler à un emploi public.

La proposition de loi que nous examinons porte sur l’accès à certaines professions de personnes atteintes de maladies chroniques. Elle a été étudiée par l’Assemblée nationale et transmise au Sénat en janvier 2020. Je remercie mon groupe, le Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, d’avoir demandé son inscription à l’ordre du jour et de permettre de débattre aujourd’hui de ce texte.

Comme de nombreux collègues le mentionneront certainement, nous sommes nombreux, élus locaux et sénateurs, à être sollicités par des habitants de nos territoires, ou plus souvent encore par des associations, sur des discriminations fondées sur l’état de santé. Nous ne pouvons ignorer ces cas qui sonnent comme autant d’injustices et d’espoirs professionnels qui ne peuvent se concrétiser.

Notre expérience collective de terrain est confirmée par les nombreuses saisines de la Défenseure des droits. En 2020, près de 11 000 saisines étaient motivées par une discrimination fondée sur l’état de santé. Parmi ces nombreuses situations, reviennent souvent les restrictions constatées dans l’accès à certains emplois et certaines formations pour les personnes atteintes de maladies chroniques.

Un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) estimait, en 2019, que 25 % de la population sera atteinte d’une maladie chronique à l’horizon de 2025. L’inclusion des personnes atteintes de maladies chroniques n’est donc pas un sujet marginal, mais bien un enjeu incontournable du monde du travail dans notre pays.

Or l’accès à certains emplois est subordonné à la satisfaction de critères de santé particuliers qui, de fait, excluent nombre de personnes atteintes de pathologies chroniques. Ces restrictions sont constatées dans certains secteurs d’activité, comme les transports avec des conditions particulières d’aptitude dans l’aviation ou la sûreté ferroviaire.

Elles sont aussi présentes dans certains emplois publics, comme la police nationale, et particulièrement signalées dans les armées. Ces conditions requises sont liées à des impératifs particuliers de sécurité et de santé, mais force est de constater que celles-ci ne sont pas toujours justifiées.

Les associations se battent pour que l’accès à ces emplois soit plus ouvert, en tenant compte de l’état réel de la personne et des traitements possibles pour compenser les éventuelles conséquences des pathologies chroniques. Je pense, par exemple, aux pompes à insuline de nouvelle génération qui permettent d’anticiper les crises d’hypoglycémie, et donc d’éviter les malaises.

Je souhaite saluer ici l’engagement des associations de malades, notamment la Fédération française des diabétiques, qui agissent au quotidien sur ce sujet et remercier notre collègue députée Agnès Firmin Le Bodo, dont je connais l’engagement, d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi.

En tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, j’ai souhaité renforcer la portée normative de ce texte, pour augmenter son impact. Il s’agit de faire avancer le droit là où cela est possible et de contraindre les employeurs publics et privés à se poser régulièrement la question de la pertinence et de la justification des restrictions éventuelles.

Concernant l’article 1er, qui crée un comité d’évaluation des textes réglementant l’accès à certaines professions, la commission a émis des réserves, car une telle disposition ne relève pas du domaine de la loi. J’estime néanmoins que ce comité pourra produire un travail utile de recensement des textes applicables et d’évaluation de leur pertinence au regard des fonctions exercées et traitements possibles.

La commission a adopté cinq amendements. Elle a notamment voulu limiter l’action de ce comité à trois ans pour le contraindre à agir rapidement et efficacement : le comité doit pouvoir formuler des recommandations et évaluer les suites qui y seront données dans les meilleurs délais.

Nous avons également, suivant la doctrine du Sénat en matière de présence des parlementaires dans des comités extra-parlementaires, supprimé leur présence au sein de ce comité.

L’article 2 est le cœur de la proposition de loi. La rédaction transmise comprenait un I qui portait un principe de non-discrimination repris du code du travail, appliqué aux maladies chroniques et un I bis concédant immédiatement la possibilité de restrictions.

La conjugaison des deux donnait un schéma peu opérant se bornant, selon moi, au droit existant. La commission a ainsi choisi de récrire cet article. La nouvelle rédaction permet de mieux encadrer les restrictions éventuellement admises en rappelant le principe de proportionnalité consacré par la jurisprudence.

Elle insiste surtout sur le fondement que ces restrictions doivent nécessairement satisfaire : les conditions de santé particulières exigées doivent être justifiées par la santé et la sécurité de la personne ou des tiers. Il s’agit d’apprécier les fonctions accessibles et les sujétions éventuellement liées aux postes.

Nous avons également choisi de retenir la notion de « conditions de santé particulières requises » et non de viser les maladies chroniques, juridiquement insuffisamment définies.

Enfin, nous avons souhaité inscrire la prise en compte des traitements possibles et les moyens de compensation du handicap dans l’appréciation de l’état de la personne.

Concernant les textes réglementaires, plutôt qu’une grande révision d’ici à deux ans, la commission a préféré inscrire un principe d’actualisations régulières selon l’évolution de la science et des réalités opérationnelles des emplois. Cette nouvelle rédaction me semble de nature à satisfaire l’intention des auteurs de ce texte, tout en rendant cet article opérationnel et juridiquement plus sûr.

Tenant compte de la rédaction nouvelle de l’article 1er, la commission a supprimé la demande de rapport au Gouvernement à l’article 3.

Enfin, la commission a choisi de ne pas adopter l’article 4 prévoyant une campagne d’information. Je n’étais personnellement pas favorable à cette suppression, mais je sais que nous y reviendrons au cours de ce débat.

Le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet qui touche près de 20 millions de nos concitoyens. Ainsi, une mission de l’inspection générale des affaires sociales, sous la double tutelle du ministère de la santé et du ministère du travail a été lancée en avril dernier. Des engagements clairs doivent être pris et l’examen de cette proposition de loi en est l’occasion.

Elle permettra, je l’espère, d’accélérer le processus qui est aujourd’hui mis en œuvre, afin de combattre efficacement les discriminations qui pèsent sur nos concitoyens en raison de leur état de santé.

C’est de notre pacte social, chers collègues, qu’il est aujourd’hui question. Il nous revient d’envoyer un message fort à nos concitoyens victimes de ces discriminations, aux associations qui œuvrent chaque jour à leurs côtés, aux jeunes qui, comme Hakaroa, rêvent de pouvoir choisir leur futur métier sans limite inopportune. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Klinger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité » disait l’écrivain et aviateur Antoine de Saint-Exupéry.

Malheureusement, en France, ce qui empêche parfois les rêves d’enfants de se réaliser, ce sont des réglementations obsolètes et dénuées de tout bon sens. Comme nombre d’entre vous, j’ai été interpellé sur les difficultés que rencontrent dans leur vie professionnelle les personnes atteintes de maladies chroniques, notamment de diabète.

J’ai notamment reçu une sollicitation d’un jeune homme de ma circonscription, Justin, âgé de 23 ans, depuis toujours fasciné par le milieu de l’aviation. Son rêve, depuis le collège, est de devenir contrôleur aérien. Après un parcours exemplaire et la réussite au concours de l’École nationale de l’aviation civile de Toulouse, il touchait au but et allait être diplômé en juillet 2021.

Hélas, la maladie et l’application d’une réglementation obsolète viennent briser ce rêve. Justin a été diagnostiqué, du jour au lendemain, diabétique de type 1 et a été déclaré inapte par son école, en application des réglementations en vigueur. Il a perdu le certificat médical de classe 3, nécessaire pour exercer le métier de contrôleur aérien. C’est la double peine : en plus de la maladie, il doit affronter cette injustice qui remet en cause l’ensemble de son projet professionnel.

J’ai fait part de cette situation à la direction générale de l’aviation civile (DGAC) en demandant une évaluation médicale spécifique du cas de ce jeune homme.

Quatre mois plus tard – c’est le délai de réponse –, la DGAC m’a répondu que le métier de contrôleur aérien était régi par un décret datant de 1990, qui dispose dans son article 17 que la perte de cette aptitude médicale de classe 3 empêche la titularisation dans le corps des contrôleurs aériens.

Justin ne peut même pas poursuivre la formation normalement, en salle de contrôle, avec ses camarades ; il doit effectuer le reste de la formation sur simulateur !

Dans la France de 2021, nous gérons donc ces situations particulières avec un décret et des réglementations qui datent de 1990. C’est kafkaïen et c’est « l’Absurdistan » dans toute splendeur, monsieur le secrétaire d’État ! On a brisé le rêve d’enfant de Justin et c’est totalement injuste et infondé aujourd’hui.

En effet, en trente ans, beaucoup de choses ont changé pour les diabétiques et les personnes atteintes de maladies chroniques. Grâce à la pompe à insuline, à l’autosurveillance glycémique et à diverses innovations médicales, il est possible de gérer convenablement le diabète. La médecine a progressé, la réglementation doit donc aussi évoluer et s’adapter aux innovations médicales !

Il faut évidemment un encadrement et un traitement spécifique pour l’exercice des métiers particuliers. Certaines restrictions restent légitimes. Pour la plupart, cependant, ces métiers sont compatibles aujourd’hui avec une maladie comme le diabète, pour peu que l’on mette en place un protocole et un encadrement adapté.

Autour de nous, beaucoup de pays ont évolué sur cette question. Les États-Unis, le Canada, l’Irlande ou le Royaume-Uni acceptent, par exemple, les pilotes de ligne diabétiques. Qu’attendons-nous pour faire évoluer les choses ? La France, patrie des libertés et de l’égalité, ne peut pas se résoudre à être le dernier de la classe sur ce sujet.

Il faut aller vite sur cette question, monsieur le secrétaire d’État, car il y a un réel enjeu. Quelque 20 millions de personnes en France sont atteintes de maladies chroniques et 25 % de la population sera touchée en 2025. Rien que pour le diabète, cette maladie touche près de 3,3 millions de personnes, soit 5 % de la population.

Je salue cette proposition de loi qui permet de mettre le sujet sur la table et de mettre fin à l’attentisme qui prévalait. Je remercie chaleureusement la députée Firmin Le Bodo de son initiative, ainsi que l’ensemble des collègues parlementaires et M. le rapporteur de leurs apports à cette proposition de loi qui constitue un premier pas important.

Nous soutenons donc ce texte et en attendons beaucoup, car il est temps de passer aux travaux pratiques et de mettre fin à ces absurdités qui brisent des rêves et des projets professionnels.

Nous serons très attentifs, monsieur le secrétaire d’État, à l’application de cette loi et aux décisions concrètes qui seront prises par votre ministère et votre administration.

Nous devons collectivement ce travail aux personnes atteintes de maladies chroniques qui, en plus de leur maladie, font face à des discriminations professionnelles aujourd’hui totalement injustifiées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)