Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Vous visez au travers de cet amendement une compétence constitutionnelle confiée au président du Sénat, qui a seul le pouvoir d’exercer un recours.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 43.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE IV
MIEUX UTILISER LE TEMPS DE SÉANCE PUBLIQUE
Article additionnel avant l’article 9
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 5 de l’article 29 bis du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation à l’article 32, alinéa 3, la durée globale du temps dont disposent les groupes d’opposition et groupes minoritaires est calculée selon le principe suivant : un jour de séance équivaut à la somme des heures correspondant aux séances du matin, de l’après-midi et du soir. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Lors de nos débats en commission, M. le rapporteur a présenté cet amendement de manière tout à fait spécieuse.
Je rappelle que la Constitution prévoit qu’un jour de séance par mois est réservé à l’initiative des groupes d’opposition ainsi qu’à celle des groupes minoritaires. Cet amendement pose finalement une question simple : que signifie de ce point de vue « un jour de séance » ? Dans l’état actuel des choses, le Sénat considère que cela correspond à un matin et à un après-midi.
Cet amendement vise à prendre aussi en considération la séance du soir. Cela ne signifie pas qu’une niche parlementaire durera une journée ; cela veut simplement dire que le calcul du temps de l’espace réservé aux groupes d’opposition et minoritaires prendra en compte une enveloppe globale plus importante, puisqu’il intégrera la séance du soir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à modifier de façon importante le fonctionnement actuel de notre institution en ce qui concerne le temps consacré aux espaces réservés aux groupes d’opposition ou minoritaires.
Aujourd’hui, nous fonctionnons sur un quota représentant un volume de quatre heures. M. Kerrouche propose de changer cette règle, en comptabilisant dans le jour de séance l’éventuelle séance du soir, ce qui laisserait plus de quatre heures pour examiner les points inscrits à l’ordre du jour.
Sans porter de jugement de fond sur cette proposition, je constate simplement qu’elle constitue un changement profond de notre fonctionnement, qui mériterait une concertation plus large des groupes politiques et un travail préparatoire de la part du bureau du Sénat. Je ne crois pas qu’un tel changement puisse être adopté à l’occasion de nos débats de cet après-midi.
C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement, ce qui me paraît le plus raisonnable. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je comprends bien, monsieur le rapporteur, qu’il faille prendre le temps de réfléchir, mais c’est un sujet important.
En effet, il arrive souvent qu’un texte occupe quasiment toute une niche – nous l’avons constaté récemment à propos d’une proposition de loi sur l’élevage –, ce qui désespère les auteurs du texte inscrit ensuite, parce qu’on ne réussit pas à terminer son examen dans les temps impartis – c’est très injuste pour leur travail !
Avec un temps si limité, les niches parlementaires ne sont qu’une fausse démocratie. Il serait donc très utile de revoir leur format en termes d’horaires. Cela éviterait que des textes importants se télescopent et que des parlementaires qui veulent intervenir sur un texte poussent leurs collègues intervenant sur celui qui est inscrit avant à aller plus vite. Chacun sait bien comment les choses se passent !
Nous devons réfléchir à cette question de manière sérieuse et je trouve la proposition qui nous est faite tout à fait intéressante.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Notre groupe a fait cette proposition au sein du groupe de travail – elle lui a même été adressée par écrit.
Alors, on ne va pas se voiler la face : si on veut limiter les droits de l’opposition et l’initiative sénatoriale, il faut évidemment conserver le système actuel, dont les effets pervers viennent d’être développés fort à propos par Mme Goulet.
En ce qui nous concerne, nous proposons un autre mode de calcul qui ne change pas substantiellement la façon de faire. Accessoirement, ce nouveau mode de calcul nous permettrait de respecter la Constitution à la lettre.
Le système actuel limite nécessairement la capacité d’initiative des parlementaires. Si c’est ce que vous souhaitez, autant le dire !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Franchement, on ne peut pas laisser dire cela !
M. Éric Kerrouche. Mais si !
M. Roger Karoutchi. Vous avez évidemment le droit de dire ce que vous voulez, mais il faut quand même savoir que les règles qu’applique le Sénat en matière de temps laissé aux groupes d’opposition ou minoritaires sont beaucoup plus favorables pour ces groupes que celles de l’Assemblée nationale.
Qui plus est, il arrive fréquemment que les présidents de séance – cela m’est arrivé – accordent quelques minutes supplémentaires pour pouvoir finir l’examen d’un texte. Nous le faisons bien volontiers.
En revanche, modifier complètement le mode de calcul nécessite autre chose qu’un simple amendement, parce que cela signifierait que les groupes d’opposition et minoritaires récupéreraient tellement de temps que les groupes de la majorité auraient en fait intérêt à se déclarer d’opposition ou minoritaires… (M. Éric Kerrouche le conteste.) Mais si, mon cher collègue : faites le calcul !
En réalité, les groupes majoritaires, quant à eux, ne disposent pas de temps, alors qu’ils représentent la majorité des électeurs – et vous ne pouvez pas supprimer par amendement les électeurs… (Sourires sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
La règle est simple et il faut la respecter. Les groupes d’opposition et minoritaires déclarés comme tels disposent d’un temps calculé d’une certaine façon et les choses se passent en pratique de manière souple – nous ne sommes pas à cinq ou dix minutes près.
Changer complètement le système serait totalement disproportionné par rapport à ce qui se fait à l’Assemblée nationale et nécessiterait une réflexion au sein de chaque groupe, parce que cela modifierait notre équilibre démocratique.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9
L’article 29 ter du Règlement est ainsi modifié :
1° L’alinéa 7 est abrogé ;
2° Après le mot : « dans », la fin de l’alinéa 8 est ainsi rédigée : « l’ordre du tirage au sort prévu à l’alinéa 9. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 9 est présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 29 est présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
L’amendement n° 45 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Éric Kerrouche. M. Karoutchi vient de nous dire combien l’opposition est respectée au Sénat, ce dont nous nous félicitons. Mon cher collègue, nous sommes parfaitement conscients du rapport de force et des résultats électoraux – nous savons compter !
En ce qui concerne la mesure prévue à l’article 9 de cette proposition de résolution, c’est-à-dire la suppression du report, en fin de tourniquet, de l’orateur appartenant au même groupe que les représentants des commissions, je peux vous dire que ce n’est pas la mesure la plus subtile en termes de droits de l’opposition…
Cette proposition revient sur une attitude constante du Sénat depuis fort longtemps : le mieux à faire serait de ne pas l’adopter !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Claude Malhuret. À la différence de la plupart des mesures envisagées dans ce texte, qui sont consensuelles, celle qui est prévue à l’article 9 a cristallisé une opposition nette de six des groupes de notre assemblée lors des débats au sein du groupe de travail.
Ce n’est pas étonnant, puisque cette mesure et, encore plus, la proposition n° 30 du groupe de travail qui sera étudiée en conférence des présidents et qui consiste à remplacer le tirage au sort actuellement utilisé pour fixer l’ordre des interventions en discussion générale par l’importance numérique des groupes, ce qui relèguera systématiquement les groupes les moins nombreux en fin de discussion, aboutiront à ce que les interventions de ces groupes seront désormais pénalisées et, j’allais dire, marginalisées.
La règle actuelle du tourniquet est beaucoup plus démocratique. Elle permet de faire en sorte que l’ordre des interventions n’obéisse pas à la loi du plus grand nombre. C’est le système qui est en vigueur à l’Assemblée nationale, mais il l’est également dans la plupart des parlements des pays démocratiques.
Ces propositions, qui ne figuraient pas dans les propositions de notre rapporteur, ont été introduites lors de la dernière séance du groupe de travail par le groupe Les Républicains. Aux six présidents de groupe qui s’y opposaient, le président du groupe Les Républicains a répondu qu’il s’agissait de l’application du fait majoritaire – c’est d’ailleurs ce qu’on vient de nous répéter aujourd’hui – et, donc, de la démocratie.
Il y a deux conceptions de la démocratie : celle, traditionnelle, qui donne tout le pouvoir à la majorité et celle, plus actuelle, qui consiste à protéger les droits des minoritaires, comme l’a expliqué tout à l’heure Vanina Paoli-Gagin en citant Albert Camus. C’est cette dernière conception qui règne aujourd’hui au Sénat et qui donne à celui-ci une ambiance particulière, tenant notamment au respect et à l’attention accordés aux petits groupes et aux groupes d’opposition.
Bien entendu, comme notre collègue Kerrouche vient de le dire, ce gentleman’s agreement ne remet pas en cause le fait majoritaire ; il traduit simplement l’écoute que nous portons aux sénateurs de tous les groupes, quelle que soit leur taille.
C’est un peu de cet esprit d’ouverture et de tolérance qui s’en va avec ces deux propositions, un peu de l’esprit du Sénat. C’est la raison pour laquelle six groupes sur huit s’y sont opposés.
Je demande à mes collègues des deux groupes majoritaires de préserver cet esprit d’ouverture et de tolérance et de se joindre à nous pour supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 45.
Mme Éliane Assassi. Consacré par le règlement du Sénat depuis 1971, le dispositif du tourniquet permet l’alternance des prises de parole entre les groupes politiques.
La réforme du règlement du Sénat de 2009 a introduit une exception au tourniquet, en prévoyant que les premiers orateurs désignés par les groupes appelés à intervenir après les représentants des commissions sont issus de groupes différents de ceux auxquels appartiennent ces derniers.
En pratique, cela renvoie en fin de tourniquet l’orateur issu du même groupe politique que le ou les rapporteurs d’un texte ou le président de commission. Dans les faits, cela permet une alternance des prises de parole après les longues interventions des rapporteurs, qui sont en général issus des groupes majoritaires.
Or l’article 9 de la proposition de résolution propose de mettre fin à ce système d’exception, en revenant à l’ordre classique pour tous les orateurs sans qu’aucune raison rationnelle soit avancée pour expliquer ce choix.
Pour notre part, nous voyons deux raisons de maintenir cette exception.
D’une part, l’alternance des prises de parole bénéficie au pluralisme des idées et aux groupes d’opposition, puisqu’elle permet d’entendre les orateurs desdits groupes à un stade peu avancé de la discussion générale, les orateurs intervenant en fin de discussion ne recueillant pas toujours une attention aussi assidue que les premiers.
D’autre part, cette exception peut également être favorable aux groupes majoritaires, puisqu’elle permet à leurs représentants d’intervenir à plusieurs moments de la discussion générale, parfois même en réponse à d’autres groupes qui se sont déjà exprimés. Cela semble préférable à l’option d’un discours monochrome dès le début de la discussion générale, après les dix minutes accordées au rapporteur.
Aucune logique ne vient justifier cette modification du règlement et ce retour en arrière, si ce n’est le renforcement du fait majoritaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Selon le principe actuel, le premier orateur inscrit dans la discussion générale ne peut pas appartenir au même groupe que le rapporteur du texte. La modification proposée à cet article 9 ne porte que là-dessus.
Si nous votons cet article, le principe du tirage au sort continuera de s’appliquer, si bien que le premier orateur qui s’exprimera après le rapporteur appartiendra parfois au même groupe que ce dernier, mais ce ne sera pas toujours le cas – le hasard fera son œuvre !
Rappelons, par ailleurs, qu’un rapporteur s’exprime au nom de la commission, pas au nom du groupe auquel il appartient. J’y insiste, le rapporteur représente la commission. Quelle que soit l’appartenance politique du rapporteur, on constate en pratique qu’il respecte parfaitement la position de celle-ci et que sa présentation est rarement de nature partisane.
La commission des lois a donc considéré que la modification contenue à l’article 9 était tout à fait acceptable et elle a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Il m’est arrivé, dans des temps anciens, d’assister à des débats durant lesquels deux ou trois ministres s’exprimaient, suivis de deux ou trois rapporteurs et d’un premier orateur, tous émanant de la même tendance politique. Il fallait attendre le cinquième, le sixième ou le septième discours pour entendre un son quelque peu dissonant… C’était particulièrement monotone, pour ne pas dire mortel, quelle que soit d’ailleurs la qualité desdits orateurs.
Le règlement actuel permet donc une forme d’élégance et je tiens à souligner que cela n’enlève pas une minute, pas une seconde, de temps de parole aux groupes majoritaires, puisqu’il ne s’agit que de l’ordre de passage.
Par ailleurs, comme l’a dit Mme Assassi, il n’est pas forcément plus mal de parler à la fin, parce que vous pouvez répondre à ceux qui ont parlé avant.
Je trouve la fin de l’objet de l’amendement de M. Kerrouche particulièrement intéressante – elle rejoint d’ailleurs les propos de M. Malhuret : « les groupes majoritaires s’honoreraient en décidant, après réflexion, de s’opposer » à cet article 9.
Très franchement, cet article a été proposé, à la fin d’un travail qui a été mené en bonne intelligence, par un ou deux groupes – je ne sais pas exactement… – contre l’avis de six autres groupes. Mes chers collègues, je suis sûr que vous serez sensibles à cela et que, par souci d’élégance, vous maintiendrez le règlement en son état actuel. Naturellement, je vous parle avec le cœur !
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. François-Noël Buffet l’a indiqué, un rapporteur s’exprime au nom de la commission, tandis que l’orateur d’un groupe s’exprime au nom de celui-ci. Je vous rappelle d’ailleurs qu’il arrive que ces deux interventions soient d’une tonalité différente – pensez au projet de loi relatif à la bioéthique…
Ce n’est pas parce que six groupes sur huit s’opposent à une mesure qu’ils représentent la majorité du Sénat. En outre, comme dans les autres groupes j’imagine, tout le monde ne pense pas toujours la même chose au sein du groupe Les Républicains (Sourires ironiques à gauche.) et il arrive souvent que certains s’étonnent de toujours passer en dernier. Il n’est pas facile de leur en expliquer les raisons.
Je peux vous assurer qu’il est assez désagréable de toujours passer en dernier. (On feint de s’en désoler à gauche.) En tout cas, le tirage au sort persistera et le premier orateur ne sera pas toujours du même groupe. Chacun conservera son droit de prendre la parole.
Enfin, j’ai envie de dire au charmant président Malhuret : revenez dans le groupe majoritaire, vous y êtes le bienvenu et vous n’aurez plus de souci ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Éliane Assassi s’exclame.) Voilà mon message de cœur ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Si je peux comprendre les questions d’élégance et de qualité des débats du Sénat, il serait tout de même étrange que notre nouvel adage soit : la division fait la force ! Plus il y aurait de petits groupes, plus nous serions divisés, plus la parole serait forte ? (Mme Cathy Apourceau-Poly s’exclame.) Un tel fonctionnement serait quelque peu étonnant, d’autant que de multiples divisions permettent simplement, parfois, d’entendre plusieurs fois la même chose… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est sûr, vous êtes moins divisés !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. Je voudrais répondre deux choses à Mme Gruny.
Je la remercie de me proposer de retourner au sein du groupe majoritaire, mais, très franchement, ce n’est pas avec ce type de proposition, qui consiste à pénaliser et à marginaliser les groupes minoritaires, que vous me donnerez l’envie de retourner dans un groupe qui se durcit ! (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.) C’est exactement ainsi que nous interprétons tous cette proposition.
J’ai appartenu pendant plusieurs années à ce groupe majoritaire et je n’ai jamais entendu personne parler de ce sujet : très franchement, personne, sauf peut-être quelques exceptions, ne s’offusquait de parler en dernier, d’autant que les présidents de commission et les rapporteurs, souvent issus de ce même groupe, s’expriment en premier.
Quant au rapporteur, je voudrais lui dire que ses arguments sont très intéressants, mais qu’ils ne reflètent qu’une partie de la réalité. L’article 9 de la proposition de résolution reprend en effet la proposition n° 29 du groupe de travail, mais ce n’est pas celle qui pénalise le plus les groupes minoritaires et elle doit s’articuler avec la proposition n° 30, qui, elle, vise à supprimer complètement le principe du tourniquet, ce qui relèguerait les groupes minoritaires ou d’opposition, je l’ai dit, à la fin des discussions générales. Pour des raisons d’ordre juridique, cette proposition relève de la compétence de la conférence des présidents, nous n’en discuterons donc pas en séance publique, alors même que ces deux mesures prises ensemble forment un dispositif global extrêmement pénalisant pour les groupes minoritaires ou d’opposition.
Je souhaite dire de nouveau à mes collègues du groupe majoritaire que ce dispositif global constitue un grave problème pour notre assemblée et qu’il est mal ressenti par l’ensemble des autres groupes. Comme le disait un orateur précédent, nous nous honorerions à garder le fonctionnement actuel, qui est très démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 29 et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
L’article 29 ter du Règlement est complété par un alinéa 10 ainsi rédigé :
« 10. – Pour l’examen d’un texte élaboré par une commission mixte paritaire, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Pour l’examen d’un texte élaboré par une commission mixte paritaire, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents,
par les mots :
Sauf opposition du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou d’un président de groupe, pour l’examen d’un texte élaboré par une commission mixte paritaire,
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Nous allons essayer de continuer de profiter de la grande compréhension de la majorité sénatoriale…
L’idée de cet amendement est simple. L’article 10 prévoit de diminuer les temps de parole pour la lecture des conclusions d’une commission mixte paritaire ; nous sommes d’accord avec cette idée, parce que ce moment de la séance publique peut parfois être fastidieux.
Pour autant, nous devons prévoir la possibilité de revenir à une discussion normale, si un groupe politique le demande. Cela ne remet pas en cause le principe énoncé à cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Requier, Bilhac, Gold, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
Présidents
insérer les mots :
ou demande par le président de la commission saisie au fond ou un président de groupe
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet article propose d’instituer une procédure allégée d’examen du texte élaboré par une commission mixte paritaire. Nous ne nions évidemment pas l’intérêt de ce dispositif, qui aidera à réduire le temps de la discussion générale dans ces circonstances et, ainsi, à optimiser le temps passé en séance publique.
Toutefois, nous considérons qu’il est souhaitable, comme cela existe déjà dans d’autres situations, de laisser à chaque groupe ou à la commission saisie au fond la possibilité de demander le retour à une procédure normale. Un tel aménagement est prévu, par exemple, pour l’examen des conventions internationales ou pour la procédure de législation en commission.
Aussi, en vue d’uniformiser les dispositifs applicables, je propose que ce soit également le cas s’agissant des commissions mixtes paritaires, afin de laisser une plus grande liberté tant à nos commissions qu’à nos groupes politiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 10 de la proposition de résolution met en place un dispositif que je qualifierai d’allégé pour la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires de façon à gagner un peu de temps – je rappelle que, dans de telles situations, l’Assemblée nationale et le Sénat se sont mis d’accord sur un texte. La charge de modifier éventuellement les temps de parole et l’organisation des débats est confiée à la conférence des présidents.
Ces amendements visent à donner un droit d’opposition au président de la commission saisie au fond et aux présidents des groupes politiques.
Je crois que nous devons laisser la conférence des présidents, qui rassemble notamment les présidents de commission et de groupe, décider en toute légitimité de l’opportunité de fixer ou non des temps de parole plus longs que ce qui sera désormais la règle.
La semaine dernière, nous avons d’ailleurs examiné les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire en un peu moins de quarante-cinq minutes. Il me semble que ces conditions sont parfaitement acceptables, dès lors que nous sommes tous d’accord.
L’avis est défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
À la fin de l’article 35 bis, à la deuxième (deux fois) et à la troisième phrase de l’alinéa 7 de l’article 44, à la deuxième, à la troisième et à la fin de la dernière phrase de l’alinéa 5 de l’article 46 bis et à la seconde phrase de l’alinéa 2 de l’article 47 quinquies du Règlement, les mots : « et demie » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela n’aura échappé à personne, cet article, qui prévoit de faire passer les temps de parole de deux minutes trente à deux minutes – qu’est-ce que trente secondes ? –, est le dernier avatar d’une tendance lourde, qui tend à nier, finalement, ce qui est éminent, essentiel, dans le travail parlementaire.
Presque tous les textes que nous examinons sont dorénavant discutés selon la procédure accélérée. J’ai connu un temps, à l’Assemblée nationale et au Sénat, où la norme était qu’il y eût deux lectures, ce qui permettait de peaufiner les textes – c’est notre rôle, tout de même ! Cette ancienne norme est maintenant rayée de la carte ; je dois avouer que cela a commencé avant ce quinquennat et je déplore cette tendance.
On nous dit qu’il faut aller vite. J’ai même entendu de hauts gouvernants nous dire : le Parlement est trop long, beaucoup trop long… Certains de nos gouvernants donnent donc le sentiment qu’ils se passeraient volontiers du passage devant le Parlement, même s’ils disent aussi qu’il est évidemment nécessaire.
Je plaide ainsi pour que nous préservions la grande tradition du Parlement en France. Je ne citerai personne en particulier, mais vous savez bien que des centaines de parlementaires, connus ou non, ont passé leur temps à argumenter.
Mme Goulet nous rappelait qu’un sénateur qui a présenté un rapport pour avis long d’une quarantaine de pages sur le projet de loi de finances a aujourd’hui droit à trois minutes de temps de parole en séance.
Et nous passerions maintenant à deux minutes ? Voulons-nous vraiment d’un Parlement qui fonctionne selon l’idéologie des tweets – « très court, très vite » – ou voulons-nous laisser du temps à l’argumentation ? Telle est la question qui nous est posée au travers de cet article et il serait particulièrement symbolique que nous soyons très nombreux à refuser ce nouvel avatar, qui achèvera la destruction de toute notre tradition parlementaire.