M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je félicite également Laure Darcos pour son engagement en faveur de ce produit essentiel qu’est le livre.
La commission des affaires économiques a émis des réserves, car nous ne pensons pas que l’instauration d’un prix plancher changera le comportement des lecteurs, d’autant que ceux-ci sont en règle générale aisés. Par conséquent, les inciter à faire leurs achats dans les librairies ne sera pas chose évidente.
De la même manière, nous ne pensons pas que l’enrichissement immédiat d’Amazon ou d’autres plateformes fera du bien aux librairies : l’argent collecté servira à améliorer et à développer de nouveaux services, qui viendront faire concurrence aux librairies.
Comme Julien Bargeton et Catherine Morin-Desailly, je pense que c’est d’abord le dynamisme et la particularité des librairies, la qualité des libraires et l’engagement des collectivités locales qui viendront sauver les librairies. C’est aussi probablement une réforme fiscale européenne d’ampleur, qui apportera une réelle égalité entre le commerce physique et le commerce numérique.
Nous avons respecté la position de la commission de la culture, monsieur Bargeton. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas redéposé notre amendement. Dès lors, j’aurai quelques questions rapides à poser à Mme la ministre.
Madame la ministre, comment allez-vous respecter la promesse du Président de la République ? Il faut, selon lui, maintenir un prix unique pour tous les livres, qu’il s’agisse du livre acheté en librairie ou du livre reçu à la maison. Demain, ce prix ne sera pas le même puisque le livre faisant l’objet d’une livraison sera facturé 2 ou 3 euros de plus, en fonction du prix plancher que vous allez déterminer.
Par ailleurs, vous nous dites vouloir établir davantage d’équité entre les librairies qui veulent livrer à domicile pour ne pas être en concurrence déloyale avec Amazon ou avec la Fnac.
Aujourd’hui, un libraire fait payer la livraison entre 5 et 7 euros, Amazon ne facture rien. Demain, Amazon la facturera peut-être 2 ou 3 euros, contre 5 ou 7 euros pour un libraire. Il n’y aura donc toujours pas d’équité entre ces deux modes de livraison et l’objectif ne sera pas atteint. Comment réglerez-vous cette difficulté, sinon en compensant l’écart – ce serait un comble – entre le coût de la livraison et le prix plancher ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme L. Darcos, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
ne peut pas
par les mots :
ne peut en aucun cas, que ce soit directement ou indirectement,
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. La rédaction proposée permet de sécuriser le dispositif prévu à l’article 1er et de s’assurer qu’aucune stratégie de contournement ne puisse être mise en œuvre, que ce soit au moyen de programmes de fidélité permettant la livraison gratuite de livres aux adhérents ou par l’incitation à commander des paniers qui ne seraient pas exclusivement composés de livres.
Il convient, à cet égard, d’éviter que ne se reproduisent les contournements observés après l’adoption de la loi du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de vente à distance des livres.
Pour mémoire, cette loi a posé l’interdiction, pour le détaillant, de pratiquer un prix de vente au public différent de celui fixé par l’éditeur ou l’importateur, lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres. Elle l’a toutefois autorisé à pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit, sans pouvoir offrir ce service à titre gratuit.
Or un puissant acteur économique, leader de la vente en ligne, n’a pas hésité, immédiatement après l’entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 2014, à facturer ce service un centime d’euro, au point de provoquer une distorsion de concurrence contraire à l’esprit de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, en vertu de laquelle les frais de port doivent être considérés comme indissolublement liés au prix du livre dont ils ne constituent qu’un accessoire.
Cet amendement concourt par voie de conséquence à la préservation de la diversité de la création proposée par les libraires et les grandes surfaces culturelles, au maintien de l’accès de tous les citoyens à la culture et au soutien à l’économie locale des centres-villes et centres-bourgs.
À l’inverse de ce qu’a affirmé ma collègue Sophie Primas, les libraires ne paieront plus 7 ou 10 euros : c’est le consommateur qui paiera 2 ou 2,50 euros ; pour lui, cette mesure sera beaucoup plus positive. Le prix plancher sera valable autant pour celui qui ne payait rien que pour celui qui payait trop.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier, rapporteure. Cet amendement prévoit de renforcer l’interdiction de la gratuité des frais de port pour les livres.
En raison des stratégies de contournement qui ont été mises en place par les grandes plateformes en ligne après la loi de 2014, cette précision semble nécessaire pour éviter que cette gratuité ne soit réintroduite indirectement, par exemple via des cartes de fidélité ou des avantages spécifiques.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je soutiendrai l’amendement de notre collègue Laure Darcos.
Je souhaite aussi réagir aux propos de Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je partage son souhait qu’il y ait enfin une fiscalité applicable aux géants du numérique, mais on en parle depuis plus de dix ans : c’est donc laborieux !
Or ce n’est pas la fiscalité seule qui permettra de résoudre les problèmes de concurrence déloyale des plateformes. Il faut aussi que Bruxelles applique les règlements instaurant des règles de concurrence loyale, et j’espère que le Digital Markets Act (DMA) sera une solution. Aujourd’hui, il faut sept ans de procédure à la Commission pour établir qu’il y a eu concurrence déloyale et abus de position dominante de la part de ces plateformes. Sans parler de la stratégie de captation des données, qui est liée au modèle économique desdites plateformes.
Ce modèle économique est donc assez pervers et toxique. Il y aura toujours des stratégies de contournement des mesures que nous prendrons, quelles qu’elles soient.
Tout cela va donc malheureusement bien au-delà des simples questions de fiscalité, d’où notre extrême vigilance à essayer d’établir, pas à pas, une législation moins asymétrique et plus favorable à notre économie, ainsi qu’au modèle auquel nous sommes attachés.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je répéterai ici, de façon un peu solennelle, ce que j’ai dit en commission de façon sans doute trop véhémente. Je vous prie de m’en excuser, madame Berthet, mais vous savez que nous avons, à la commission de la culture, à cœur de défendre un certain nombre d’exceptions !
Amazon – je le cite puisque personne ne le fait –…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Si, je l’ai fait !
M. Pierre Ouzoulias. … suit une stratégie de vente à perte. (Mmes Sophie Primas et Martine Berthet le contestent.)
Nous parlons d’un marché dans lequel existe un prix unique du livre : la seule solution dont dispose Amazon pour s’attaquer à ce prix unique est de ne pas facturer la livraison, ou de la facturer à un niveau ridiculement bas. Cette pratique, celle de la revente à perte, est punie par la loi ! Quant à nous, ici, nous défendons une loi que cette entreprise, via un modèle extrêmement sophistiqué, a réussi à détourner.
Je suis tout à fait de l’avis de Laure Darcos : avec Amazon, nous sommes dans la dialectique du glaive et du bouclier.
Vous avez très judicieusement trouvé une solution pour éviter cette vente à perte, ma chère collègue. Mais, n’en doutons pas, Amazon trouvera d’autres subtilités pour continuer à attaquer le prix unique du livre, ce qui est pour elle un objectif économique et politique majeur.
Ce que nous défendons aujourd’hui, mes chers collègues, c’est le prix unique du livre. Or ces grandes entreprises supra-étatiques veulent, quant à elles, fixer elles-mêmes les prix du marché en toute liberté, en dehors de toute régulation par les États. Tel est l’enjeu économique, et il importe d’en avoir conscience.
Regardons ce qui passe de l’autre côté de l’Atlantique où la demande d’une loi anti-monopole est forte. C’est à mon sens l’une des solutions : il faudra, à un moment donné, s’attaquer au monopole des Gafam !
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme L. Darcos, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer les mots :
tarifs offerts par les opérateurs postaux
par les mots :
tarifs proposés par les prestataires de services postaux
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. La rédaction proposée permet de se rapprocher de la terminologie usitée dans le code des postes et des communications électroniques (CPCE).
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel formulé à la suite d’un avis du Conseil d’État.
L’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Les articles 8-1 à 8-7 sont abrogés.
II. – Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article 7-1 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique est abrogé.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Cet amendement a été déposé un peu tardivement. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mais j’ai dû procéder à quelques vérifications.
Les articles 8-1 à 8-7 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, introduits par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, prévoient une procédure d’assermentation d’agents relevant du ministère chargé de la culture afin de leur accorder des pouvoirs d’enquête et de constatation des infractions aux lois relatives au prix du livre.
Alors qu’il était initialement envisagé dans la proposition de loi de revenir sur la compétence de contrôle de l’application de la législation encadrant le prix du livre par les agents du ministère chargé de la culture, et de la transférer aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), cet amendement vise à supprimer le dispositif introduit par la loi du 17 mars 2014, compte tenu de l’absence de mise en œuvre de cette compétence depuis son institution.
Alors qu’aucune infraction n’a été à ce jour formalisée par ce biais, il est en effet proposé de ne pas maintenir cette compétence auprès d’agents dont les fonctions consistent initialement à soutenir et accompagner la politique du livre dans les territoires, et non à opérer des actions de contrôle et de police auprès des acteurs de ce secteur.
En outre, la DGCCRF, qui détient d’ores et déjà une compétence de droit commun s’agissant de l’information du consommateur sur les prix, n’exerce pas dans la pratique cette compétence pour ce qui concerne la vente de livres, dont le cadre juridique particulier supposerait une lourde démarche d’appropriation de la part des agents de cette direction.
Enfin, la suppression du dispositif de contrôle des lois relatives au prix du livre par des agents assermentés peut aujourd’hui être envisagée sereinement, tandis que l’institution du médiateur du livre prouve, depuis 2014, son utilité et sa pleine efficacité pour veiller à la bonne application de ces lois.
Je défendrai tout à l’heure un amendement visant à compléter ce dispositif et à ouvrir à d’autres personnes la possibilité de vérifier le prix du livre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer le contrôle administratif du respect effectif de la loi sur le prix unique du livre. Il doit se lire de manière complémentaire avec l’amendement n° 8, déposé par Mme Darcos à l’article 4 du présent texte, qui vise à redéfinir le rôle du médiateur du livre et les modalités de contrôle de cette loi.
L’article 1er tend à transférer à la DGCCRF le contrôle sur la loi du prix unique du livre, actuellement exercé par les services du ministère de la culture.
Au nom de l’efficacité, j’avais approuvé cette simplification en tant que rapporteure, sachant qu’aucune infraction n’a jamais été constatée par ce biais. Or il n’est pas certain que la DGCCRF fasse mieux sur un secteur très spécifique. Le mécanisme proposé par la combinaison des amendements nos 7 rectifié et 8 consiste à faciliter, en cas de problème, la saisine du juge judiciaire par les organisations professionnelles.
La commission est donc favorable à cette mesure de simplification administrative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. L’exercice de ce contrôle par le médiateur du livre faisant l’unanimité, l’avis est favorable.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je me tourne de nouveau vers Mme la ministre pour lui demander quel sera le mécanisme de facturation des frais d’expédition. Un prix plancher sera-t-il appliqué à tous ? Ou le prix plancher sera-t-il un prix plafond, les libraires payant alors le même tarif qu’Amazon ? Dans ce dernier cas, qui payera la différence entre le coût réel de livraison et le coût d’affranchissement ?
J’aimerais obtenir cette précision, car je ne comprends pas le mécanisme.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Comme je l’ai indiqué dans mon propos plus complet sur l’article 1er, madame la présidente, cette question va donner lieu à un travail qui sera effectué avec l’Arcep, afin de trouver le mécanisme le plus efficace pour garantir que les règles de la concurrence entre ventes sur plateforme et ventes en librairie indépendante soient bien respectées.
Ce travail collaboratif va débuter : si vous souhaitez y participer, vous êtes la bienvenue.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique est ainsi rédigé :
« Art. 1er – La présente loi s’applique au livre numérique lorsqu’il est une œuvre de l’esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu’il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et fixé sur support physique ou qu’il est, par son contenu et sa composition, susceptible d’être fixé sur support physique, à l’exception des éléments accessoires propres à l’édition numérique. »
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Si la loi de 2011 a permis de clarifier la place du livre numérique au regard de la loi Lang, il y a encore, semble-t-il, des trous dans la raquette. C’est notamment le cas du livre audio numérique, qui se trouve dans une position bancale. Si un rescrit fiscal de septembre 2009 a reconnu le livre audio physique comme un livre, entrant donc dans le champ de la TVA réduite, ce n’est pas le cas pour le livre audio tout numérique.
L’ancien chef du département de l’économie du livre au ministère de la culture, Guillaume Husson, déclarait : « Nous ne disposons pas de base juridique pour ce qui concerne le livre audio numérique, mais à la lecture de la loi de 2011 et de son décret, rien ne semble s’opposer à ce qu’il soit également assimilé à un livre […] ». Rien n’empêche donc, mais rien n’oblige non plus.
C’est notamment grâce à ce flou que la filiale de Hachette, Audiolib, a pu proposer des livres gratuits pour tout téléchargement de l’application Audible, appartenant à Amazon. Cette promotion, qui aurait dû être identique pour tous les sites et applications de livres audio numériques, a été exclusivement appliquée à Audible. On peut ainsi trouver un livre gratuit chez Audible, en vente à 21,60 euros chez ses concurrents.
Il est vrai qu’actuellement la majorité des éditeurs jouent le jeu du prix unique, mais – je le redis – rien ne les y oblige. On se retrouvera alors fatalement avec des cas comme celui que je viens de citer.
Ce type de démarches pourrait d’ailleurs se multiplier quand on voit la place toujours plus importante prise, d’une part, par les livres numériques et, d’autre part, par Amazon, qui, avec Audible mais aussi Kindle, tente de plus en plus d’imposer sa loi.
La petite modification législative que je propose permettrait de sécuriser davantage les libraires en mettant au même niveau les livres audio physiques, soumis au prix unique, et leurs homologues numériques, qui y échappent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier, rapporteure. Je comprends l’objet de cet amendement, mais le livre audio, produit mixte par excellence, n’est pas couvert par la loi sur le prix unique, qui concerne les livres imprimés et les livres numériques.
D’ailleurs, il n’est pas certain qu’il faille inclure le livre audio dans cette loi.
Tout d’abord, les coûts de production peuvent être très différents d’un livre à l’autre, voire d’une version à l’autre – c’est le cas, par exemple, pour un classique. Il s’agit en réalité d’un marché encore naissant qui doit trouver son modèle économique.
Ensuite, la rédaction de l’amendement est peu satisfaisante, car elle ne précise pas suffisamment l’objet recherché. De fait, il me semble qu’elle est trop large : bien au-delà du livre audio, elle pourrait conduire à appliquer la loi à d’autres types de supports, comme les œuvres cinématographiques tirées de romans.
Par ailleurs, l’amendement ne prévoit pas de renvoi au décret, qui est pourtant essentiel.
Enfin, je crois que toute modification de la loi devrait faire l’objet, comme cela a été le cas pour les autres dispositions du texte, d’une large concertation avec les professionnels du secteur.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis pleinement d’accord avec les arguments de la rapporteure. Si j’en ai bien compris les contours et la philosophie, l’amendement va largement au-delà de l’objectif affiché.
Comme vous l’avez relevé, madame la rapporteure, avec cet amendement tel qu’il est rédigé, rien n’empêcherait d’inclure les adaptations cinématographiques diffusées sous forme numérique dans la loi de 2011.
De plus, la mesure qui figure dans l’amendement nécessite une concertation avec les professionnels, qui sont pour l’instant très divisés. Le moins qu’on puisse dire est que cette disposition ne fait pas consensus au sein de la profession. Il convient donc de s’interroger sur son opportunité.
Cette proposition de loi présente un énorme avantage : elle fait consensus dans toute la filière du livre. Il faut, me semble-t-il, conserver la philosophie qui sous-tend le texte défendu par Laure Darcos. Même s’il est en développement, le marché du livre audio est encore émergent : il a besoin de se stabiliser. Cet amendement a un champ d’application trop large, et il est prématuré.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Bacchi, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Jérémy Bacchi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.
Article 2
I. – Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 2251-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 2251-5. – Les communes ainsi que leurs groupements, la collectivité de Saint-Barthélemy et la collectivité de Saint-Martin, peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, attribuer des subventions à des établissements existants ayant pour objet la vente au détail de livres neufs.
« Pour bénéficier de la subvention prévue au premier alinéa, un établissement doit, au cours de la période de référence mentionnée à l’article 1467 A du code général des impôts ou, pour la collectivité de Saint-Barthélemy, la collectivité de Saint-Martin et les communes de Saint-Pierre-et-Miquelon, l’année qui précède celle du versement de la subvention, relever d’une entreprise qui satisfait aux conditions suivantes :
« 1° L’entreprise doit être une petite et moyenne entreprise au sens de l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ou, pour la collectivité de Saint-Barthélemy et les communes de Saint-Pierre-et-Miquelon, occuper moins de 250 personnes et avoir un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros ;
« 2° Le capital de l’entreprise est détenu de manière continue à hauteur de 50 % au moins :
« a) Par des personnes physiques ;
« b) Ou par une société répondant aux conditions du 1° et du 3° du présent article et dont le capital est détenu à hauteur de 50 % au moins par des personnes physiques ;
« 3° L’entreprise n’est pas liée à une autre entreprise par un contrat prévu par l’article L. 330-3 du code de commerce.
« Ces subventions sont attribuées conformément aux stipulations d’une convention conclue entre l’établissement et la collectivité, la commune ou le groupement de communes.
« Le bénéfice de cette subvention est subordonné au respect de l’article 53 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. »
II (nouveau). – Le I entre en vigueur le 1er janvier de l’année suivant celle de la promulgation de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. Dossus, Mme de Marco, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ainsi que leurs groupements
par les mots :
, leurs groupements ainsi que la métropole de Lyon
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement de précision est relatif à la possibilité donnée aux communes et à leurs groupements d’accorder des aides économiques aux librairies indépendantes. Je n’ai pas réussi à savoir si l’article s’appliquait à la métropole de Lyon, qui – on le sait – est devenue une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution : elle exerce, à la fois, les compétences du département et de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de son territoire, mais elle n’est pas juridiquement un groupement de communes, qui est le terme utilisé dans la proposition de loi.
C’est la raison pour laquelle j’aimerais savoir s’il faut, ou non, ajouter la métropole de Lyon dans le texte, sachant qu’il existe 70 librairies labellisées indépendantes sur son territoire. Si cette collectivité ne pouvait pas bénéficier des possibilités, prévues dans la proposition de loi, d’apporter des aides économiques aux librairies, cela pourrait poser problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier, rapporteure. Le présent amendement vise à prévoir explicitement la possibilité pour la métropole de Lyon de verser une subvention aux librairies.
Il souligne utilement le statut spécifique de la métropole de Lyon, issu de la loi du 27 janvier 2014. Je rappelle cependant que l’article L. 3611-4 du code général des collectivités territoriales prévoit que, pour l’exercice de ses compétences, la métropole de Lyon dispose des mêmes droits et est soumise aux mêmes obligations que les EPCI à fiscalité propre.
Dès lors, il me semble que la précision apportée par l’amendement est superfétatoire, mais il est essentiel que Mme la ministre puisse confirmer ma lecture des textes. Aussi, je sollicite l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. L’argumentation de la rapporteure est parfaitement pertinente ! Le texte est très clair et répond complètement à la crainte soulevée par M. Dossus. L’amendement est inutile.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Dossus, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Thomas Dossus. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° L’article L. 132-15 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la cessation d’activité de l’entreprise d’édition est prononcée, soit conséquemment à une décision judiciaire de liquidation, soit du fait d’une cessation d’activité volontaire, un état des comptes à date de la cessation est produit et adressé à chaque auteur sous contrat avec l’entreprise. Cet état des comptes doit faire apparaître le nombre d’exemplaires des ouvrages vendus depuis la dernière reddition des comptes établie, le montant des droits dus à son auteur au titre de ces ventes, ainsi que le nombre d’exemplaires disponibles dans le stock de l’éditeur. L’éditeur en cas de cession volontaire ou le liquidateur en cas de décision judiciaire de liquidation fournit à l’auteur les informations qu’il a recueillies auprès des distributeurs et des détaillants sur le nombre d’exemplaires restant disponibles. » ;
b) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
– le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six » ;
– après le mot : « prononcée, », la fin est ainsi rédigée : « le contrat est résilié de plein droit. » ;
2° Après l’article L. 132-17-1, il est inséré un article L. 132-17-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-17-1-1. – Dans le cas d’une édition d’un livre sous forme imprimée, les parties peuvent convenir d’une provision pour retours d’exemplaires invendus. Le contrat d’édition détermine alors le taux et l’assiette de la provision ou, à défaut, le principe de calcul du montant de la provision à venir. » ;
3° L’article L. 132-17-3 est ainsi modifié :
a) Le 1° du I est complété par les mots : « et, si le contrat d’édition prévoit une provision pour retours d’exemplaires invendus, le montant de la provision constituée et ses modalités de calcul » ;
b) Avant le dernier alinéa du même I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits issus de l’exploitation de plusieurs livres d’un même auteur régis par des contrats d’édition distincts ne peuvent pas être compensés entre eux sauf convention contraire distincte des contrats d’édition, et conclue dans les conditions prévues par l’accord rendu obligatoire mentionné à l’article L. 132-17-8. » ;
4° Le II de l’article L. 132-17-8 est ainsi modifié :
a) Le 4° est complété par les mots : « et les dérogations contractuelles relatives à la compensation des droits issus de l’exploitation de plusieurs livres » ;
b) Il est ajouté un 10° ainsi rédigé :
« 10° De l’article L. 132-17-1-1 relatives aux conditions de constitution des provisions pour retours d’exemplaires invendus. » ;
5° La section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Dispositions particulières applicables à l’édition d’une œuvre musicale
« Art. L. 132-17-9. – Les accords relatifs aux obligations respectives des auteurs et des éditeurs de musique, à la sanction de leur non-respect et traitant des usages professionnels, conclus entre les organisations professionnelles représentatives des auteurs et les organisations professionnelles représentatives des éditeurs de musique, peuvent être étendus à l’ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture. »
II. – Lorsqu’ils prévoient une provision pour retours d’exemplaires invendus, les contrats d’édition d’un livre conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont mis en conformité avec l’article L. 132-17-1-1 du code de la propriété intellectuelle, au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur de l’arrêté du ministre chargé de la culture mentionné au I de l’article L. 132-17-8 du même code ou, en l’absence de cet arrêté, du décret en Conseil d’État mentionné au III du même article L. 132-17-8.
III. – Le 1° du I de l’article L. 132-17-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la présente loi, est applicable à compter de l’exercice débutant après la mise en conformité du contrat d’édition aux dispositions de l’article L. 132-17-1-1 du code de la propriété intellectuelle.
IV. – Le septième alinéa du I de l’article L. 132-17-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la présente loi, est applicable à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté du ministre chargé de la culture mentionné au I de l’article L. 132-17-8 du même code ou, en l’absence de cet arrêté, du décret en Conseil d’État mentionné au III du même article L. 132-17-8.
V (nouveau). – Le quatrième alinéa de l’article L. 132-15 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
VI (nouveau). – Le 1° de l’article L. 811-1-1 du code de la propriété intellectuelle est complété par les mots : « les articles L. 132-15, L. 132-17-1-1, L. 132-17-3, L. 132-17-8 à L. 132-17-9 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à améliorer l’économie du livre et à renforcer l’équité entre ses acteurs ». – (Adopté.)
Article 4
À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 144 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, après le mot : « recourent », sont insérés les mots : « , par un auteur ou toute organisation de défense des auteurs ».