M. le président. L’amendement n° 266, présenté par Mmes Cukierman, Assassi, Brulin, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le 1° du I de l’article L. 1111-9 est abrogé ;
2° L’article L. 1111-9-1 est abrogé.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Voici une mesure de « simplification », puisque c’est l’un des mots-clés du projet de loi.
Cet amendement est issu d’un rapport sénatorial que j’ai remis voilà à peine un an. Il vise à supprimer les conférences territoriales de l’action publique (CTAP), héritage de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam), dont le rôle est de mieux clarifier les compétences entre les collectivités territoriales.
Tout le monde sait bien, mes chers collègues, que les collectivités territoriales ne savent pas se parler et échanger de façon informelle sur un certain nombre de difficultés qui se posent à un territoire, comme la répartition des compétences, c’est-à-dire la meilleure manière de s’organiser intelligemment et librement… C’est du moins pour cela que les CTAP, au sein desquelles – je le précise – l’État joue un rôle important, ont été créées.
Nous proposons de supprimer ces conférences, non pas pour remettre en cause la possibilité d’un dialogue et d’échanges constructifs entre les uns et les autres, mais pour assouplir et simplifier l’organisation des collectivités, et faire confiance à l’intelligence territoriale et aux élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous ouvrons le bal de la CTAP. (Sourires.) Cette instance de consultation territoriale à l’échelle régionale fait l’objet d’un intérêt certain. De nombreux amendements, extrêmement différents, voire contradictoires, ont été déposés sur le sujet.
J’entends parfaitement les propos de notre collègue Cécile Cukierman. Elle ne nie pas, tant s’en faut, la nécessité d’échanges et d’un dialogue entre collectivités. Il est effectivement difficile de rendre l’action publique efficace en l’absence d’entente et sans une bonne articulation entre collectivités.
La CTAP est une innovation bretonne. Elle a été conçue avant que la loi ne la rende obligatoire comme une sorte – entendez le mot de manière positive – de « parloir » où les élus venaient échanger et discuter avec le préfet sur divers sujets, comme les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).
À l’instar de la conférence des maires, cette instance de dialogue nous semble nécessaire. C’est pourquoi il faut affirmer et inscrire dans la loi la nécessité du dialogue qu’évoquait Cécile Cukierman.
Nous savons qu’il règne parfois une forme de désintérêt dans beaucoup d’autres instances : les élus ont l’impression d’y être inutiles. La CTAP peut être ce que les élus en font. Nous souhaitons donc la maintenir.
Tous les amendements, y compris celui de Mme la ministre, qui tendent à confier de manière spécifique, et par la loi de nouvelles missions à la CTAP nous semblent hors de propos. Ces instances sont un lieu de concertation où les élus ont une réelle liberté d’échanger et de discuter de tous les sujets. Elles n’ont pas vocation à se substituer à une assemblée délibérante.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serais défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis également défavorable à cet amendement.
Le contexte de la loi Maptam et la nécessité de créer une instance où les collectivités territoriales peuvent se parler ont été rappelés.
Comme cela a été souligné, un tel dialogue n’est pas forcément naturel. D’ailleurs, nous le voyons, malgré leur consécration dans la loi, les CTAP se réunissent de façon très variable selon les régions. Dans certaines régions, c’est une espèce de grand-messe une fois par an. Dans d’autres – je mentionnerai évidemment la Bretagne, où l’esprit mutualiste et de dialogue est très développé –, l’instance fonctionne véritablement.
C’est la raison pour laquelle je crois à la nécessité non pas de supprimer, mais de réformer la CTAP. Nous le proposons à l’article 3. En effet, sur le fond, nous pensons qu’un lieu de dialogue est nécessaire.
Cela étant, et j’y reviendrai plus longuement tout à l’heure, nous ne proposons pas de transformer cette conférence en un lieu de délibération. Il s’agit simplement d’un lieu où l’on discute de la mise en œuvre des politiques publiques et où l’on peut se mettre d’accord sur qui va prendre la main ou non sur tel ou tel dossier. En tous les cas, les CTAP ne sont pas du tout, dans notre esprit, des instances délibératives jouant le même rôle et ayant vocation à remplacer les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Pour compléter les propos de ma collègue Françoise Gatel, je souligne que la position du Sénat est assez équilibrée.
Nous entendons les arguments de Mme Cécile Cukierman. Il y a aujourd’hui lieu, me semble-t-il, de tirer les enseignements de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas au sein des CTAP.
La philosophie de la commission des lois, que nous ne cesserons d’exposer et de réaffirmer tout au long de l’examen du projet de loi, est de ne pas vouloir solenniser ou renforcer inutilement les compétences ou les prérogatives d’instances qui ne sont que des organismes d’échange et de dialogue. Il convient de leur laisser de la souplesse si l’on veut qu’elles puissent fonctionner un jour.
Vous le verrez tout au long de ce texte, sur beaucoup d’autres dispositions, simplifier, c’est aussi faire un état des lieux de ce qui fonctionne et de ce qui fonctionne moins. En l’espèce, nous voulons laisser aux CTAP – c’est tout le sens de la position réaffirmée par Mme la rapporteure – une forme de souplesse. Ne chargeons pas la barque inutilement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’entends les différents arguments qui viennent d’être avancés.
J’aimerais faire une observation. La mesure que je défends est issue d’une recommandation adoptée à l’unanimité au sein de la mission d’information sur le rôle, la place et les compétences des départements dans les régions fusionnées. D’aucuns défendent certaines fois en séance les positions prises à l’unanimité dans des instances du Sénat et s’en écartent d’autres fois… Ce n’est pas grave ; j’en prends acte.
On oppose souvent les régions où les CTAP ne fonctionnent pas et les « autres ». Derrière ce pluriel, on n’évoque que l’exemple de la Bretagne – tant mieux si cela marche dans cette région ! – alors que la France compte treize régions métropolitaines. Je tenais seulement à le signaler.
Enfin, je constate que certains se satisfont de légiférer pour créer un espace de dialogue entre collectivités territoriales. Je m’interroge sur la pertinence d’une telle démarche, qui sous-entend inévitablement que les collectivités territoriales ne se parleraient pas entre elles. Certes, il y a parfois des blocages, mais ils relèvent davantage de problématiques politiques ou des postures des différents acteurs que d’une volonté de ne pas se parler.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes tous des élus ; nous connaissons des situations et des rapports de force différents.
Face aux enjeux territoriaux, heureusement que les différentes collectivités territoriales et l’État savent se mettre autour d’une table, travailler et agir intelligemment, en complémentarité, quand la loi a imposé une répartition précise des différentes compétences exercées par les uns et les autres, ou alors en mutualisant les compétences qui peuvent encore l’être et en ayant recours à l’intelligence des services de l’État pour faire en sorte que les projets aboutissent et répondent aux besoins des territoires et des populations.
Je persiste : en l’état, et malgré les évolutions et les améliorations proposées par les rapporteurs de la commission des lois, ces CTAP ne me paraissent pas être d’une très grande utilité. Les supprimer serait faire un très grand pas en matière de simplification.
M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour explication de vote.
M. Étienne Blanc. Madame la ministre, la vraie simplification, c’est la suppression.
M. Laurent Duplomb. Eh oui !
M. Étienne Blanc. Vous avez là une occasion extraordinaire de donner un peu de corps à la lettre « S » de votre texte !
De quoi parlons-nous ? De passer par la loi pour ouvrir la possibilité d’un dialogue entre les collectivités territoriales. Autrement dit, si ce n’est pas dans la loi, on ne dialogue pas !
La logique est de supprimer les CTAP, dont la gestion est perçue comme une véritable charge par les régions, qui considèrent ces instances comme superfétatoires.
La vraie simplification étant la suppression, cet amendement me paraît relever du bon sens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. J’entends avec intérêt ce que chacun dit, mais il faut aussi considérer ce qui n’a pas été dit. La commission n’a jamais prétendu que, pour que les collectivités et l’État dialoguent, il fallait les installer à intervalles réguliers et de manière autoritaire dans un endroit donné. Ne vous méprenez pas sur nos intentions !
Je ferai à cet égard une comparaison avec la conférence des maires, créée au sein des intercommunalités par la loi Engagement et proximité. Nous avons eu beaucoup de remontées de maires, parfois issus de petites communes, qui avaient l’impression que des décisions importantes pouvaient être prises sans véritable adhésion communautaire.
Dans le cadre de la loi Engagement et proximité, nous avons rendu la conférence des maires obligatoire. Je suis pourtant rarement partisane du principe d’obligation. Je préfère la confiance envers les élus et l’intelligence territoriale. Mais, parfois, les deux ne sont pas incompatibles.
Voilà trois semaines, d’éminents représentants de très grandes associations d’élus qui avaient trouvé notre idée absolument saugrenue, voire un peu douteuse, ont reconnu avec enthousiasme devant nous tout l’intérêt d’une telle obligation. La conférence des maires a effectivement apporté un certain apaisement dans les intercommunalités, en permettant à chaque collectivité, indépendamment de sa taille, de se retrouver autour de la table. Cela un effet psychologique, et nous savons combien cette dimension est loin d’être neutre : personne ne se sent évincé des discussions.
Encore une fois, nous sommes, sur la question de la CTAP, à l’extrême simplification. S’il nous semble important que la conférence existe, tous les amendements tendant à lui conférer des missions précises feront l’objet d’un avis défavorable de la commission. À nos yeux, il appartient aux élus de nourrir comme ils le souhaitent cet espace de dialogue, dont chacun admet qu’il présente un intérêt lorsqu’il fonctionne.
Nous simplifions donc, tout en maintenant ce qui constitue un principe de précaution. Je vous le dis sincèrement, s’il y a sans doute une organisation à repenser, il importe que chacun, indépendamment de sa taille, puisse participer au dialogue entre collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je l’avoue, fort de mon expérience personnelle en Guadeloupe, je partage un peu la philosophie de cet amendement. Pour autant, je n’irai pas jusqu’à soutenir la suppression des CTAP. Je pense que les choses doivent être mieux formalisées.
Aujourd’hui, la CTAP fonctionne comme une chambre d’enregistrement. En Guadeloupe, la région la convoque souvent, mais aucun des dossiers examinés n’est envoyé au préalable – on les trouve en arrivant sur table –, et il s’agit en général d’une médiatisation parfois un peu outrancière pour faire valoir telle ou telle politique.
En pratique, c’est une véritable tutelle qui s’exerce et l’absence de formalisme sert d’argument au fait que les dossiers ne sont pas envoyés en amont. Donc, sauf s’il existe certaines dispositions que j’ignore, il convient de mieux formaliser le dispositif.
J’entends vos propos, madame la ministre. Vous évoquez de simples consultations visant à entretenir le dialogue, et non des délibérations… Mais lorsqu’il est question, à certains endroits du texte, de délégations de compétences, on est bien dans la préfiguration d’une délibération. Cela me laisse penser que, en continuant dans cette voie, la CTAP finira par devenir une collectivité.
C’est pourquoi, sans aller jusqu’à la suppression de la CTAP – ce serait, il est vrai, une simplification –, il faut apporter un certain nombre de précisions pour faire en sorte que celle-ci ne demeure pas seulement une chambre d’enregistrement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.
M. Gérard Lahellec. Ayant eu le privilège de siéger plusieurs fois à la CTAP de Bretagne, je me permets d’intervenir ici pour tempérer l’enthousiasme que l’on prête aux Bretons sur le sujet. (Sourires.) La CTAP n’a produit aucun miracle de concertation en Bretagne.
Je voudrais également souligner un risque qui existe : cette conférence, constituée d’une représentation aléatoire, puisque les participants peuvent varier d’une réunion à l’autre, pourrait vouloir prendre la décision souveraine à la place du conseil régional.
Par conséquent, et sans revenir sur l’argumentation qui a été développée par Cécile Cukierman, j’insiste sur le fait que la suppression de la CTAP, loin de réduire les possibilités de concertation entre collectivités, constitue un facteur de simplification, d’efficacité et de respect du rôle souverain de l’instance régionale, tout juste élue.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 266.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 1111-8 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts, peut également déléguer à un département ou à une région tout ou partie d’une compétence qui lui a été transférée par ses communes membres ou qui lui est directement attribuée par la loi. » ;
b) À la fin du deuxième alinéa, le mot : « délégante » est remplacé par les mots : « ou de l’établissement public délégant » ;
2° Le premier alinéa du II de l’article L. 1111-9-1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. – Dans chaque région, la composition de la conférence territoriale de l’action publique est déterminée par délibérations concordantes du conseil régional et des conseils départementaux, prises après avis favorable de la majorité des conseils municipaux et des assemblées délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
« À défaut de délibérations concordantes adoptées dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II, sont membres de la conférence territoriale de l’action publique : » ;
3° L’article L. 1511-2 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– à la seconde phrase du premier alinéa, après la première occurrence du mot : « région », sont insérés les mots : « , les départements, » ;
– à la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « aides », sont insérés les mots : « aux départements, » ;
b) Au début de la dernière phrase du II, sont ajoutés les mots : « Les départements, » ;
4° Au 2° de l’article L. 4221-1-1, les références : « et L. 4253-1 à L. 4253-3 » sont remplacées par les références : « , L. 4253-1 à L. 4253-3 et L. 4253-5 ».
M. le président. L’amendement n° 1397, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un IX ainsi rédigé :
« IX. – Dans les douze mois qui suivent le renouvellement des conseils régionaux, le président du conseil régional convoque une conférence territoriale de l’action publique à l’ordre du jour de laquelle est mis au débat le principe de délégations de compétences d’une collectivité territoriale à une collectivité territoriale relevant d’une autre catégorie ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à une collectivité territoriale.
« Ces délégations portent sur la réalisation ou la gestion de projets structurants pour les territoires. Le représentant de l’État dans la région participe à cette conférence et propose aux collectivités territoriales et à leurs groupements des projets en ce sens.
« Lorsque la majorité des membres de la conférence territoriale de l’action publique se prononce en faveur de ces délégations, la conférence territoriale de l’action publique prend une résolution en ce sens. Cette résolution vaut jusqu’au prochain renouvellement des conseils régionaux.
« Lorsque la résolution a été adoptée, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressés par les projets qu’elle mentionne peuvent procéder à des délégations de compétences dans les conditions prévues à l’article L. 1111-8.
« Leurs organes exécutifs identifient, pour chaque projet, la collectivité territoriale ou le groupement chargé de sa réalisation ou sa gestion, les compétences concernées des collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, et prévoient les conventions de délégation de compétences qu’il leur est proposé de conclure dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1111-8.
« Ces projets sont inscrits à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante des collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés dans un délai de trois mois. L’assemblée délibérante se prononce sur la délégation par délibération motivée.
« Chaque projet peut faire l’objet d’une convention de délégation de compétences distincte.
« Chaque convention définit les compétences ou parties de compétence déléguées nécessaires à la réalisation du projet, sa durée, en fonction de celle du projet concerné, les conditions dans lesquelles la collectivité délégataire informe la collectivité délégante, ainsi que ses modalités d’exécution et de résiliation par ses signataires, y compris avant le terme prévu. Elle précise les conditions de partage des responsabilités encourues dans le cadre de la délégation, sans préjudice des droits des tiers.
« Lorsqu’un ou plusieurs projets sont mis en œuvre dans le cadre du présent article, le président du conseil régional les inscrit à l’ordre du jour des conférences territoriales. Il y convie, le cas échéant, lorsque celui-ci n’est pas membre de la conférence, l’exécutif de la collectivité ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre chargé de la réalisation du projet. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je rejoins totalement Mathieu Darnaud : il faut faire le plus simple possible.
La commission et le Gouvernement ont choisi de défendre l’existence d’un lieu de concertation entre les collectivités territoriales.
Mais le Gouvernement propose une rédaction visant à permettre aux CTAP de prendre une résolution – j’insiste sur ce terme – actant le principe de délégations de compétences pour la réalisation ou la gestion de projets structurants, en laissant les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) intéressées libres de les conduire. Bien évidemment, cette résolution ne prime pas sur les délibérations des collectivités.
Je prends l’exemple de la construction d’un ensemble scolaire sur un même site. Comme vous le savez, la construction d’un lycée relève de la région, et celle d’un collège du département. S’il y a accord entre les deux collectivités territoriales et si l’une prend en charge par « résolution » l’ensemble du projet, cela doit être possible, sous réserve, bien entendu, d’une confirmation par délibération des collectivités intéressées.
Ainsi, la résolution porte sur des projets, non sur des compétences.
Je reviens sur la rédaction retenue par la commission, qui prévoit une disposition touchant aux compétences des régions en matière économique. Ainsi, il est prévu que la région puisse déléguer aux départements non seulement l’octroi et le financement de certaines aides – cela inclut les aides aux entreprises en difficulté, qui exigent une haute technicité –, mais également sa compétence en matière de développement économique. D’ailleurs, vous avez voulu aller plus loin, mais il y avait l’article 40…
Pour le coup, je ne suis pas favorable à une telle mesure. Là, on est plus dans une délégation générale de compétences que dans une délégation de compétences s’inscrivant dans le cadre d’un projet.
Enfin, la commission a élargi la possibilité de délégation, par une région saisie en ce sens par le conseil d’une métropole, de l’attribution de subventions de fonctionnement aux organisations syndicales locales. Le Gouvernement n’entendait pas ouvrir ce sujet et souhaite en rester à la lettre de l’article 4221–1–1 du code général des collectivités territoriales, portant sur le seul développement économique.
Je propose donc une disposition claire. La CTAP est un lieu où les collectivités territoriales se parlent. Si elles prennent la décision de mener un projet en commun et, dans ce cadre, de déléguer la maîtrise d’ouvrage, elles le peuvent. Mais je crois qu’il faut en rester là, et ne pas prévoir de délégation réelle de compétences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Comme Mme la ministre vient de le dire, restons-en là ! Seulement, la commission et le Gouvernement ne sont pas exactement au même point… (Sourires.)
Nous avons débattu de l’existence de la CTAP, et entendu les arguments des uns et des autres. La commission, nous l’avons déjà expliqué, juge nécessaire qu’il existe un espace où les élus peuvent se rencontrer, mais elle ne souhaite pas aller plus loin. Il faut laisser l’organisation de cette instance aux mains des élus.
Nous avons d’ailleurs pris plusieurs décisions en ce sens, laissant aux collectivités la liberté de déterminer la composition de la CTAP et les sujets que celle-ci traiterait.
Or, madame la ministre, vous nous faites faire un pas de plus, en prônant une rédaction de l’article 3 telle que, dans un délai d’un an suivant le renouvellement des conseils régionaux, la CTAP ait à débattre d’un cadre de délégations de compétences entre collectivités territoriales.
Vous indiquez à raison que la décision ne s’impose pas aux collectivités territoriales. Mais, à nos yeux, le risque est réel de voir les décisions prises en année n+1 et qui, selon votre amendement, seraient valables pour la durée du mandat régional être considérées comme des tables de la loi. Dès lors, toute collectivité qui voudrait déléguer une compétence à une autre en cours de mandat pourrait en être empêchée, au motif que cela n’aurait pas été prévu dans la décision initiale.
La CTAP est un lieu de dialogue et d’échange. En aucun cas, elle ne peut, nous semble-t-il, émettre un avis ou prendre une résolution sur un sujet qui pourrait venir contraindre les collectivités territoriales ou entraver une réponse à leurs besoins.
Je suggère que nous en restions à la position arrêtée lors de l’examen de l’amendement précédent. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1397, à moins que vous ne souhaitiez le retirer, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, l’exemple que vous avez choisi m’interpelle. D’après vous, il faudrait passer par la CTAP pour avoir une délégation. Pour illustrer cela, vous évoquez la construction simultanée d’un collège et d’un lycée… Mais, madame la ministre, cela existe depuis longtemps ! J’ai moi-même construit sur mon canton une cité scolaire – cela s’appelle ainsi –, et ce projet a donné lieu à un accord entre le département et la région.
Nul besoin d’ajouter des choses dans la loi – elle en devient bavarde –, puisque cela se fait couramment ! Vous savez, nous avons le téléphone ; nous avons les mails ; nous avons des équipes. Il faut simplement se coordonner pour que chaque collectivité abonde un budget commun et dresser un plan au niveau des services techniques.
Mais peut-être avez-vous d’autres exemples… En effet, en l’état, vu que cela se fait déjà, je ne vois pas l’intérêt de voter votre amendement. Peut-être pourrions-nous donc progresser dans le débat si vous nous expliquiez ce qui ne peut pas être fait à l’heure actuelle et pourrait l’être grâce à une telle évolution législative.
Je regrette presque que l’amendement précédent n’ait pas été adopté. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) Nous savons parfaitement communiquer ensemble. Voyez les routes communales et les routes départementales : on est tout de même capables de s’organiser et de faire en sorte que les unes puissent rencontrer les autres ! Jamais on ne construirait une route communale qui ne déboucherait sur aucune route, départementale ou autre !
La loi doit apporter de la souplesse, pas de la complexité. Elle doit aller dans le sens de la simplification. Merci donc, madame la ministre, de nous donner des exemples ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Laurent Somon. On attend des exemples !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je partage totalement les propos qui viennent d’être tenus. Madame la ministre, c’est tout sauf clair. Nous n’avons pas besoin de ce texte pour travailler ensemble. Il suffit simplement d’une maîtrise d’ouvrage déléguée sur le champ de compétences reconnu à la collectivité concernée.
Lorsque j’étais président de région, nous avons pris en charge la construction de routes communales, qui nous avait été déléguée par la commune. Nous n’avons pas eu besoin de passer par ce « zinzin » (Sourires.), qui ajoute de la complexité. Nous ne sommes absolument pas dans la décomplexification !
La mise en place d’une maîtrise d’ouvrage déléguée entre deux collectivités territoriales est très rapide et permet de passer outre la clause générale de compétence – il suffit d’une convention ou d’un contrat de plan État-région. En revanche, la fiscalité impose à la collectivité ayant la maîtrise d’ouvrage déléguée de garder l’infrastructure en construction ou en gestion pendant au moins cinq ans, sans quoi cela pose quelques problèmes, notamment en termes d’obtention de fonds européens.
Pourquoi ces ajouts alors que tout cela fonctionne déjà, notamment pour les routes ? Dans mon cas, nous avions même créé un syndicat mixte gérant ensemble les routes départementales et régionales.
Très sincèrement, cette rédaction n’est absolument pas claire et me paraît ajouter de la complexité. C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai contre cet amendement.