Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en toute responsabilité et avec l’envie de préserver notre pays des effets de la crise que nous avons adopté les quatre projets de loi de finances rectificatives pour 2020 dès la première lecture, ces textes ayant reçu un large soutien sur ces travées.
Chacun des collectifs budgétaires nous aura permis d’ouvrir des crédits supplémentaires pour faire face à la crise.
Ce sont tout d’abord 6,3 milliards d’euros qui ont été débloqués, dès le mois de mars 2020, pour répondre dans l’urgence à la première vague. Ces crédits ont très vite été complétés par les 38 milliards d’euros ouverts en avril 2020.
Le troisième projet de loi de finances rectificative nous a permis, en juillet 2020, de fournir un effort légèrement supérieur à 12 milliards d’euros au bénéfice des secteurs les plus en difficulté.
Enfin, à l’occasion du quatrième projet de loi de finances rectificative, plus de 19 milliards d’euros de crédits supplémentaires ont été engagés au mois de novembre 2020.
Chaque fois, ce fut un effort considérable pour nos finances publiques, et, chaque fois, un texte fut très largement adopté sur ces travées.
Maintenant vient l’heure du bilan. Le projet de loi de règlement, en effet, rend compte des crédits votés au cours de l’année et dresse l’inventaire de leur exécution. Je m’étonne donc, mes chers collègues, que certains d’entre vous, qui ont voté à nos côtés tous les PLFR, choisissent de s’abstenir ou de rejeter ce texte.
Certains l’ont déjà dit, ce projet de loi de règlement s’illustre, à la fois, par un écart important avec la loi de finances initiale et par d’importants reports de crédits.
L’écart à la loi de finances initiale n’est pas surprenant au regard des montants que je viens d’évoquer et des quatre PLFR que la crise nous a contraints d’adopter.
Les quelques « surbudgétisations », qu’il est bien facile de constater a posteriori, me semblent témoigner uniquement de la prévoyance du Gouvernement. Certes, elles concernent des montants importants, mais n’oublions pas trop vite le contexte d’incertitude dans lequel les PLFR ont été adoptés. Qu’auriez-vous dit si le Gouvernement, s’appuyant sur des hypothèses trop optimistes, n’avait pas prévu des enveloppes assez larges pour financer les mesures d’urgence ?
Je me souviens de certains collègues dans cet hémicycle qui, jouant les Cassandre lors du troisième ou du quatrième projet de loi de finances rectificative, jugeaient déjà qu’il avait retenu des hypothèses trop optimistes. À l’occasion du PLFR 4, souvenons-nous, c’était pourtant l’hypothèse la plus prudente qui avait été prise en compte, avec un confinement prolongé et une perte d’activité importante. Le confinement de novembre dernier a finalement été moins lourd que prévu pour notre économie et pour nos finances publiques.
Bien entendu, nous en voyons la traduction directe dans la loi de règlement, avec d’importantes enveloppes de crédits non consommés en 2020, crédits dont le report nous a d’ailleurs permis d’affronter les nouvelles restrictions intervenues en avril dernier.
Comme vous tous, mes chers collègues, je suis attaché à l’esprit de la LOLF, à la sincérité et à la bonne tenue de nos comptes publics. Mais soyons honnêtes, cette sous-consommation est une bonne nouvelle pour nos comptes publics. Elle est le signe de la prévoyance du Gouvernement, et je la crois inévitable en période de crise.
Venons-en maintenant à la question du déficit et de la dette. Là encore, c’est une situation qui nous préoccupe tous, et la sortie de crise devra être l’occasion de veiller à rétablir l’équilibre de nos finances. Pour cela, nous devrons trouver les moyens de corriger les défauts structurels qui entraînent, depuis plus de cinquante ans, des budgets de l’État en déficit et une explosion de la dette.
Néanmoins, ne faisons pas de ce vote un prétexte ! J’ose espérer que ceux d’entre vous qui ont voté, à nos côtés, chacun des PLFR de 2020 sauront s’en souvenir et auront le courage d’en tirer les conséquences par leur vote de ce jour.
Par ailleurs, le temps approche où nous pourrons discuter en profondeur de nos règles budgétaires et de la transformation du pilotage des finances publiques.
La proposition de loi de nos collègues députés Éric Woerth et Laurent Saint-Martin est une première étape. Il faudra nous saisir de cette occasion, au-delà des clivages partisans ou de nos désaccords du moment : pour les générations futures, il est dans l’intérêt de tous d’améliorer la gestion de nos finances publiques.
Mais comment ? Comment agir pour rééquilibrer les finances publiques sans recourir à des hausses d’impôts, alors que la dépense publique ne cesse d’augmenter depuis plus de cinquante ans ?
Mes chers collègues, le temps est venu de se doter de nouveaux outils, qui nous permettront de transformer efficacement et rapidement notre gouvernance financière.
La commission présidée par Jean Arthuis a proposé trois pistes en ce sens : à chaque nouvelle mandature, nous pourrions voter une norme de dépense pluriannuelle qui fixerait une trajectoire à respecter ; nous pourrions doter la France d’une nouvelle institution indépendante chargée d’évaluer l’impact des politiques publiques sur nos finances et de faire des prévisions macroéconomiques à plus long terme ; nous pourrions également renforcer les temps de contrôle de l’exécution budgétaire pour l’ensemble des administrations publiques et instituer une loi de règlement pour le PLFSS.
Mes chers collègues, cette crise peut être l’occasion de trouver des solutions nous permettant d’accompagner les réformes structurelles qu’a rappelées le Président de la République et de rénover la gestion de nos finances publiques avec lucidité et ambition.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame, monsieur les rapporteurs généraux, mes chers collègues, comme il est d’usage chaque année, nous consacrons une séance conjointe à l’examen du règlement du budget de l’année précédente et au débat d’orientation en vue du budget de l’année suivante. Le Sénat a l’habitude de cet exercice d’équilibriste entre passé, présent et avenir.
Le temps limité et le placement en fin de session extraordinaire font que ces deux textes ne suscitent généralement pas les débats qu’ils mériteraient – nous le regretterons toujours.
Cette année, le débat d’orientation budgétaire est pourtant d’une importance particulière. Comme chacun sait, l’an prochain auront lieu l’élection présidentielle et les élections législatives, c’est-à-dire les deux scrutins majeurs de la vie politique et citoyenne de notre pays.
Les crises que le Gouvernement a dû affronter jusqu’ici sont peu communes, en particulier celle du coronavirus, qui dure depuis dix-huit mois et dont nous espérons pouvoir enfin sortir.
Il nous est encore difficile de mesurer pleinement les conséquences de cette crise. Jamais depuis des décennies les effets sur l’économie et la société n’auront été aussi spectaculaires ni aussi brutaux – même lors de la crise des années 2008 à 2010, qui avait, il est vrai, frappé moins durement la France que ses voisins.
J’en viens au projet de loi de règlement de 2020.
Sur le fond, il apparaît difficile, si nous voulons être cohérents, de voter contre un budget dont nous avons globalement approuvé les nombreuses révisions l’an dernier. Il s’agit en quelque sorte de l’équivalent, pour l’État, du compte administratif qui doit être voté dans nos collectivités avant le 30 juin.
Ce vote devrait donc être un vote de cohérence sur un texte constatant l’exécution budgétaire, même si l’on peut regretter des « incidents », comme les importants reports de crédits sur 2021.
La situation est moins nette pour le présent et l’avenir. La prévision de croissance économique du Gouvernement, dans le programme de stabilité du printemps et dans le budget 2021 révisé, s’établit à 5 %. Mais selon la plupart des instituts de prévision, elle se situerait plutôt entre 5,5 % et 6 %. Dans son allocution de lundi dernier, le Président de la République semble avoir corroboré cette hypothèse, en parlant d’une croissance à 6 % en 2021. Ces hypothèses restent très dépendantes de l’évolution de la situation, en particulier sanitaire, cet été et à l’automne…
Disons que les prévisions actuelles pour 2021 et 2022 nous permettent d’espérer un rattrapage du choc historique dans environ deux ans.
Il en va autrement du retour à l’équilibre budgétaire. Le Gouvernement annonce un « effort de consolidation » à partir de 2023. Le retour en dessous des 3 % de déficit, lui, n’interviendrait pas avant 2027, soit la fin du prochain quinquennat. Je pense également au budget de la sécurité sociale, durement affecté par la crise sanitaire.
Pour y parvenir, le montant des économies à réaliser se chiffre en dizaines de milliards d’euros, alors même que nous devrons réaliser des investissements massifs dans la transition énergétique et que nous souhaitons maintenir un degré acceptable de solidarité.
Cette législature porte la responsabilité du surcroît exceptionnel d’endettement public contracté sur la période 2020-2021. Toutefois, la hausse de l’endettement public depuis trente ans est une responsabilité politique collective. Il est donc vain de vouloir attribuer à tel ou tel camp politique l’entière responsabilité de cette situation.
Même si trop peu a été fait avant la crise sanitaire, et trop lentement, nous devons reconnaître que la réduction du déficit public avait été continue pendant près de dix ans. L’actuelle majorité avait d’abord affiché des objectifs ambitieux en la matière, malgré la difficulté, bien connue, de toute gestion des finances publiques.
Pour la première fois depuis dix ans, le solde était repassé en 2018 sous le seuil de 3 % de déficit. On peut saluer un réel effort de « sincérisation » du budget et des hypothèses globalement raisonnables avant 2020, malgré une réduction trop timide du déficit structurel.
À moyen terme, le Gouvernement prévoit une stabilisation de la dette publique autour de 118 % du PIB. Pour cela, on entrevoit déjà la poursuite des réformes structurelles. Peut-être faudrait-il aussi tabler sur des solutions moins « orthodoxes », comme un retour de l’inflation ?
En conclusion, les membres du RDSE voteront majoritairement pour l’adoption du projet de loi de règlement et expriment des attentes fortes en vue de la présentation du budget pour 2022 à la rentrée, en termes tant de bonnes recettes que de bonnes dépenses.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul et M. Rémi Féraud applaudissent également.)
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais formuler une première question : quelle est la valeur démocratique et politique de ce débat ?
En vérité, il s’agit d’un double débat, et nous n’avons, pour ce qui concerne mon groupe, que cinq minutes pour nous exprimer sur l’exécution budgétaire de l’année 2020 et sur les projections pour l’année 2022, le tout en enjambant l’année 2021. On peut aller jusqu’à questionner la valeur démocratique de cette discussion…
Que dire, en outre, des annonces politiques des membres du Gouvernement, qui sont votées, mais non exécutées ? Vous affaiblissez le rôle et l’utilité de la politique, monsieur le ministre !
Comme lors de l’examen des lois de finances rectificatives qui ont précédé, vous affirmez, sans sourciller, que « notre responsabilité est d’assurer le financement [des] dispositifs de soutien aux entreprises et aux Français, et de tenir compte de la reprise épidémique à laquelle nous faisons face ».
Vous n’aviez pas besoin de cet argent, puisque 31,6 milliards d’euros n’ont pas été dépensés ! La Cour des comptes évoque un « manque de réalisme des prévisions budgétaires ». La ficelle est grosse ! Vous avez reporté un montant de crédits inégalé, qui représente onze fois plus que le maximum observé lors de ces dix dernières années. Il fallait vous croire sur parole, alors même que les faits vous trahissent depuis 2017 !
Vous prétendez avoir protégé le pouvoir d’achat des Français pendant la pandémie. Mais, sur le plan financier, la crise sanitaire a fait des gagnants et des perdants. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques l’Insee, quelque 22 % des ménages déclarent que leur revenu mensuel a diminué d’au moins 50 euros.
Ce taux passe à 32 % chez les jeunes, et la situation est pire pour les indépendants. Les pauvres sont encore plus pauvres. Le maintien des recettes de l’impôt sur le revenu pour l’année n’y change rien – la moitié des Français ne le paie pas –, et, pour les autres, l’actualisation de leur taux entraînera des remboursements d’impôts causés par leur appauvrissement.
Parlons du décret d’avance de 7,2 milliards d’euros. Nous sommes loin du temps où le candidat Macron se prévalait du « sérieux budgétaire pour ne pas léguer une dette insoutenable à nos enfants ». Le candidat, devenu Président de la République, fait voter par son gouvernement un budget déficitaire de 84,9 milliards d’euros, et cela, j’y insiste, avant même la crise sanitaire.
Alors, oui, le déficit a presque doublé, mais la catastrophe budgétaire était prévisible et annoncée.
Alors que la centaine de milliardaires français voit sa fortune augmenter de 300 milliards d’euros pendant la crise, le Gouvernement, tout comme la majorité sénatoriale, se refuse à trouver de nouvelles recettes. Mais l’impôt n’est pas un tabou ! Il n’y a pas de démocratie sans impôt.
Ainsi donc, nous le savons depuis lundi dernier, il n’y aura pas de ressources nouvelles. Un scénario politique est tout prêt : le Président de la République a parlé, le Gouvernement acquiescera et le Parlement validera. Et voilà ! Le budget serait déjà arrêté sur un plateau de télévision lors d’une allocution présidentielle.
Il s’agit d’ailleurs d’une intervention culpabilisante pour la majorité des Français, qui organise ce que j’appelle le désordre dans les institutions publiques, dans le secteur privé comme dans le secteur public, dans le quotidien des Français.
Le choix est clair : orchestrer la concurrence violente entre les individus et octroyer toujours plus de dispenses au capital.
La réforme de l’assurance chômage sera appliquée dès octobre prochain, une marque d’obstination contradictoire avec la prétendue mobilisation pour les salariés des entreprises n’ayant pas résisté à la crise.
Cette même réforme a été lourdement critiquée par le Conseil d’État, pour qui « ces nouvelles règles de calcul des allocations chômage pénaliseront de manière significative les salariés de ce secteur [recourant largement aux contrats courts], qui subissent plus qu’ils ne choisissent l’alternance entre périodes de travail et périodes d’inactivité ».
Le Conseil d’orientation des retraites, le COR, a lui aussi contredit les velléités du président-candidat de détruire le système de retraite, quitte à inventer des problèmes qui n’existent pas.
Ainsi, d’après le COR, « malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement progressif de la population française, les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire maîtrisée à l’horizon de la projection, c’est-à-dire 2070 ». (M. Éric Bocquet acquiesce.)
Le Président de la République prône un choix de société, mais, mes chers collègues, qu’a choisi la société ? Sa pratique, je vous le dis, est agressive. Le Parlement, le Conseil d’État, les syndicats, le peuple… Ce sont des détails !
Le désordre organisé frappe le déroulement de nos débats. Nous n’échangeons plus que sur des décisions déjà arrêtées. Donnons-nous rendez-vous pour l’examen du budget, mais les orientations ont été fixées par le Président, pas par le Parlement !
À bientôt, donc, mes chers collègues. Nous nous retrouvons en novembre prochain, et bon congé à tout le monde, y compris à vous, monsieur le ministre ! (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, il nous est présenté un projet de loi de règlement des comptes de l’État dans des circonstances exceptionnelles, avec des conditions sanitaires économiques et sociales dégradées.
Cet examen est l’occasion, pour mon groupe, de revenir sur les choix budgétaires qui ont été les vôtres durant cette année.
La politique du « quoi qu’il en coûte », qui a bien entendu pesé sur les comptes publics, n’est évidemment pas remise en question, alors même que le « quoi qu’il en coûte » va coûter très cher aux mêmes.
Je salue au passage la volonté du Gouvernement de faire passer en force, coûte que coûte, un dérivatif de réforme des retraites – elle n’est ni faite, ni à faire –, ainsi que la réforme de l’assurance chômage, qui arrive à point nommé alors que la France compte 8 % de chômeurs.
En revanche, il est des fondamentaux intangibles dans vos politiques budgétaires.
Tout d’abord, monsieur le ministre, en conduisant une politique de l’offre et en « oubliant », contre l’avis de la très grande majorité des économistes, toute politique de la demande, vous laissez se creuser les inégalités et se développer la pauvreté, après un début de quinquennat pourtant très marqué par les dégâts causés en la matière.
Vous aviez déjà casé dans le plan de relance une baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production, une concession au Mouvement des entreprises de France, le Medef, qui n’avait aucun rapport avec le covid. Cette fois, vous avez ajouté 4 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales supplémentaires.
Ces choix-là sont tout sauf neutres ; ils portent en eux, l’idéologie qui vous anime en la matière. En effet, cela fait près de vingt-cinq ans qu’une telle politique est suivie de très peu, voire d’aucun effet sur l’emploi et la compétitivité. En revanche, elle prive de manière significative la protection sociale de recettes.
Ironie du calendrier, l’Insee vient de souligner combien la protection sociale était essentielle face à la tendance du capitalisme français à l’augmentation des inégalités de revenus primaires : les 20 % les plus aisés empochent neuf fois ce que gagnent les 20 % les plus pauvres. C’était sept fois en 2008…
De plus, votre politique budgétaire en matière d’aides souffre d’un manque cruel de conditionnalité de ces dernières, particulièrement vis-à-vis des grands groupes.
Un récent rapport de l’Observatoire des multinationales a pourtant montré que, sur les 27 groupes du CAC 40 qui ont bénéficié de l’activité partielle, 16 ont versé des dividendes en 2020 et 22 en 2021.
Il n’y a manifestement pas assez d’argent pour faire travailler les salariés à plein temps, car il faut rémunérer les actionnaires ! En pleine pandémie, les entreprises du CAC 40 distribuent ainsi en dividendes l’équivalent de 140 % de leurs profits. Elles ont dû prendre dans leur trésorerie ou s’endetter pour cela. On marche sur la tête !
Ne venez pas me dire, monsieur le ministre, que ces aides sont quasi exclusivement orientées vers les très petites entreprises, les TPE, et les petites et moyennes entreprises, ou PME. En effet, nombre de ces sociétés sont des filiales de grands groupes, qui ont ainsi bénéficié de 35 % des exonérations fiscales et sociales.
Enfin, comme le diagnostiquait l’Institut Montaigne dès décembre dernier, il manque 30 milliards d’euros d’aides, celles qui devraient aller vers les plus démunis que sont les chômeurs, les jeunes et les familles monoparentales.
Je ne reviens pas sur la question des chômeurs : votre réforme laisse peu de doutes sur la manière dont vous comptez l’appréhender.
De fait, les allocations chômage vont baisser. S’y ajoute votre refus d’entendre parler du « RSA jeunes », faisant de cette population l’une de celles qui sont les plus pauvres et les moins directement aidées. Et cela sans parler de la baisse des aides personnalisées au logement, les APL, dont nombre d’entre eux bénéficient.
Non seulement votre gouvernement ne veut pas aider les pauvres, mais en plus il leur retire de l’argent. Et, de grâce, ne nous dites pas que « l’argent magique » n’existe pas !
Dans les colonnes des Échos, vous avez expliqué, monsieur le ministre, que l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, a rapporté 500 millions d’euros de moins en 2020 par rapport à 2019, avec des recettes atteignant 1,53 milliard d’euros sur l’année. Je rappelle que cet impôt a remplacé l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui rapportait environ 4 milliards d’euros. Inutile d’être haut fonctionnaire à Bercy pour comprendre que près de 2,5 milliards d’euros se sont perdus en route…
Votre refus catégorique et répété de prendre en considération les propositions que le groupe socialiste a portées en matière de taxation exceptionnelle, d’une part, et d’une quelconque contribution des plus aisés, d’autre part, ne cache que très mal votre embarras sur la question.
En conclusion, au vu de ce projet de loi, vous n’avez pas mieux ou moins fait que l’année dernière. Porté par les mêmes dogmes, ce texte retranscrit les mêmes conséquences pour les mêmes entités.
Pour toutes les raisons qui ont été évoquées, mais surtout parce que 30 milliards d’euros de crédits ne sont pas engagés, alors qu’ils auraient pu être utilisés pour soutenir des dispositifs tels que le « RSA jeunes », le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment d’examiner l’exécution des autorisations d’engagement et des crédits de paiements prévus par le projet de loi de finances pour 2020, il n’est pas inutile de rappeler la responsabilité du Gouvernement dans une guerre sanitaire qu’il a été incapable d’anticiper et de maîtriser et qui aura coûté à notre pays, en plus d’« un pognon de dingue », la perte inestimable de 111 000 vies.
Il n’est pas inutile de rappeler que les recettes nettes de l’État ont diminué de 33 milliards d’euros, tandis que les dépenses ont augmenté de 46 milliards d’euros par rapport aux prévisions budgétaires légales.
La dette s’établit à près de 116 % du PIB à la fin de 2020, tandis que le déficit public atteint 178 milliards d’euros. Dire, monsieur le ministre, que vous avez le toupet de nous faire la leçon sur la compétence de votre gestion !
Votre incompétence, globale, je l’illustrerai par deux missions qui me tiennent à cœur.
La première est celle qui concerne l’immigration. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)
Malgré une baisse exceptionnelle de 40 % des demandes d’asile, les dépenses liées ont été supérieures à ce qui était prévu dans le PLF pour 2020. Il n’y a manifestement aucune maîtrise des dépenses sur ce point.
De plus, le ministère de l’intérieur refuse encore et toujours de communiquer le coût de l’immigration pour nos collectivités territoriales et nos services de protection sociale, alors que ces données devraient être annexées au projet de loi de finances ou au projet de loi de règlement.
C’est un impératif de transparence. Mais, de Beauvau à Bercy, on préfère taire la réalité ! Il ne faut absolument pas que les Français sachent que, en plus d’être un fléau pour notre identité, notre sécurité et notre économie, l’immigration est une calamité pour nos comptes publics.
Quant à l’aide au développement – la seconde mission –, qui n’est rien d’autre que l’aide publique française accordée au développement des pays étrangers, elle atteint près de 13 milliards d’euros cette année.
De nombreuses dépenses humanitaires d’État ont été surexécutées en 2020. La dette du Soudan se voit ainsi généreusement allégée de 4 milliards d’euros, pendant que Bercy exige de nos TPE et PME le remboursement du prêt garanti par l’État.
La coexistence de cette générosité, d’un côté, et de cette haine de soi, de l’autre, est une spécialité française et une forme de naïveté économiquement suicidaire. Aussi, plutôt que de faire plus pour l’Afrique, il est impératif de faire plus pour la France. Elle est là, la véritable justice sociale !
Pour les orientations budgétaires, je propose donc de rattraper la calamiteuse gestion de la crise sanitaire sans augmenter les impôts, mais en luttant contre la fraude sociale, qui s’élève à 20 milliards d’euros par an selon la Cour des comptes et à 50 milliards d’euros selon le magistrat spécialiste Charles Prats.
Je propose également de combattre la fraude fiscale, qui prive l’État et les collectivités locales de 80 milliards d’euros de recettes par an.
Je propose d’en finir avec la folie migratoire, illégale ou légale, qui plonge notre pays dans le chaos fiscal.
Je propose, enfin, d’exiger de notre geôlier européen qu’il rende l’argent que vous et vos prédécesseurs avez consenti à lui transférer et qui nous prive de 7 milliards d’euros d’investissements chaque année.
Je m’oppose donc au « quoi qu’il en coûte » planétaire et autoritaire, pour instaurer une légitime priorité, voire exclusivité, nationale, sociale et démocratique. Les 10 millions de pauvres que compte notre pays l’exigent, monsieur le ministre.
Du cadre feutré de nos débats, sortons nos esprits confinés : plutôt que de culpabiliser et de diviser les Français, sachez enfin les rassembler, les réconcilier et les protéger !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur les orientations des finances publiques pour les années à venir. Une très large part du rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques pour 2020, que j’ai pris le temps de lire dans son intégralité, est consacrée au passé. Vous y faites état, monsieur le ministre, de tout ce que le Gouvernement a réalisé sur la période 2017-2019 et vous vous attribuez un large satisfecit.
Mme Christine Lavarde. Vous avez raison : mieux vaut s’adresser soi-même des félicitations, car il est rare que d’autres le fassent pour nous ! (Sourires.)
Je tiens toutefois à apporter quelques nuances à ce tableau.
Dans son rapport en date du 2 juin 2021, la Commission européenne dresse un bilan approfondi de notre plan de relance et a une vision légèrement différente. Elle relève notamment que notre ratio de dette publique est élevé, elle note aussi la faiblesse de notre compétitivité, souligne l’existence de restrictions réglementaires importantes dans les services et de charges administratives significatives, de même que des niveaux et une efficacité faibles des investissements dans la recherche et le développement (R&D).
La Cour des comptes, quant à elle, indique dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques que la France est le seul pays de la zone euro à être entré dans la crise avec un déficit primaire. En conséquence, elle dispose de moins de marges de manœuvre que ses partenaires européens.
Monsieur le ministre, je vous accorde que la critique n’a pas vocation à être uniquement dirigée contre vous et que ses fondements doivent être considérés dans une perspective historique plus longue. Il nous faut regarder l’évolution de notre dépense publique entre 2001 et 2019 et la comparer à celle de nos partenaires européens : de cette opération, je retire que nous avons diminué en relatif nos actions dans les domaines de la défense, de la famille, de l’enseignement et de la santé ; dans le même temps, nous avons augmenté nos dépenses pour le chômage et les retraites. En d’autres termes, nous avons moins dépensé pour l’avenir que pour répondre aux urgences du présent.
Je ne reviens pas sur l’année 2020, Stéphane Sautarel en parlera lorsqu’il abordera le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020. Quant à l’année 2021, nous l’avons récemment évoquée lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative. Portons donc notre attention sur 2022 et au-delà.
Je veux exprimer ici ma déception : seule une part minime du rapport est dédiée à 2022, soit huit pages sur trente-cinq. Quand une collectivité territoriale prépare son débat d’orientation budgétaire, ses élus, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, attendent des perspectives sur plusieurs années. C’est d’ailleurs là tout l’objet du rapport d’orientation budgétaire. Le législateur a largement encadré ce document, puisqu’il exige de la collectivité qu’elle présente son programme pluriannuel des investissements et sa politique en matière de ressources humaines. Sur le modèle des collectivités territoriales, je m’efforcerai de me livrer à cet exercice pour le compte de l’État.
Concernant les ressources humaines, le rapport note une stabilité des effectifs de l’État et de ses opérateurs, avec un renforcement des moyens dans la police et dans la justice, qui sera contrebalancé par une réduction dans tous les secteurs où cela est possible. On a l’objectif, mais pas les moyens…
On a envie de vous croire, monsieur le ministre, malheureusement, les résultats des premières années du quinquennat s’apprécient sur des données très factuelles. Lorsqu’il était candidat, Emmanuel Macron s’était engagé à supprimer 50 000 emplois, objectif qu’il avait revu et ramené à 10 000 emplois après le grand débat national. En réalité, on observe une hausse de 1 857 équivalents temps plein (ETP) sur la période 2018-2019, même si, je le concède, 3 601 postes ont été supprimés en 2019. Pour 2022, je n’ai pas trouvé aucun chiffre très précis dans le « tiré à part », si ce n’est cet objectif de stabilisation.
J’en viens maintenant à la programmation pluriannuelle des investissements. Il me semble avoir compris, comme le rapporteur général, qu’il faudra actualiser tous ces documents, puisqu’un nouveau plan serait en préparation. Doit-on concevoir celui-ci comme une continuité du grand plan d’investissement de 2017 ou comme une rupture ? Je ne suis pas forcément contre ce nouveau plan d’investissements ; je reconnais ne pas partager le regard très optimiste de la Commission européenne sur le plan de relance français.
Je m’explique : une grande partie des dépenses que nous avons présentées cochent bien les items retenus à l’échelon européen : participation au numérique, à la croissance verte, à la formation professionnelle… Pour autant, elles ne sont qu’une réponse à la crise ; en d’autres termes, elles ne correspondent pas vraiment à des investissements pour l’avenir.
Je prendrai deux exemples.
En premier lieu, dans le domaine des transports, la recapitalisation de la SNCF à hauteur de 4,5 milliards d’euros n’est qu’une réponse de court terme. Bien entendu, sans une telle aide, l’entreprise se serait retrouvée dans la plus grande difficulté – ce n’est pas Jérôme Bascher, aujourd’hui empêché par une avarie de train, qui nous dira le contraire ! (Sourires.) J’ai toutefois bien noté que des crédits supplémentaires seront affectés en 2022 au secteur ferroviaire.
En second lieu, si 2 milliards d’euros de soutien ont été alloués aux autorités organisatrices de la mobilité, c’est uniquement pour faire face à la chute de leurs recettes tarifaires.
Pour notre part, ce que nous attendons aujourd’hui, ce sont véritablement des investissements pour l’avenir, c’est-à-dire des investissements qui changeront notre économie, qui nous donneront les moyens de répondre au défi du changement climatique et qui serviront à la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, présenté hier par la Commission européenne. Ces investissements sont nécessaires si nous voulons que cette transition puisse inclure tout le monde, sans laisser les personnes les plus vulnérables sur le bord de la route.
Il existe aujourd’hui un outil pour augmenter notre potentiel de croissance : les programmes d’investissements d’avenir (PIA). Ne détournons pas cet investissement ! Cette année encore, la rapporteure spéciale, Nadine Bellurot, a dénoncé le fait que les crédits du PIA ont été mobilisés dans le but de répondre à une absence de crédits budgétaires. Je ne citerai qu’un seul exemple : le plan Nano 2022.
Sur les réformes structurelles, la Cour des comptes relève que la croissance économique est une condition nécessaire au redressement de nos finances publiques, tout en précisant qu’elle n’est pas une condition suffisante pour une décrue durable de notre dette. Comme cela a été dit, il faut agir sur la dépense et surtout améliorer son efficacité. La France a creusé son écart avec ses partenaires européens « sans que les indicateurs économiques, sociaux, de développement humain ou en termes de qualité et d’efficacité des services publics permettent de justifier une telle évolution », indique la Cour des comptes.
La maîtrise de notre dette, sa diminution, emporte un enjeu de souveraineté. C’est elle qui permettra aux acteurs économiques de continuer à avoir confiance en l’État – Jérôme Bascher aurait très certainement expliqué tout cela mieux que moi. Bref, nous relevons qu’il manque vraiment quelque chose sur la croissance potentielle…
Enfin, je veux vous faire part de l’inquiétude que j’ai ressentie à la lecture de la page vingt-neuf du rapport, qui concerne les collectivités locales. J’ai compris, en filigrane, qu’il était question d’un retour aux contrats de Cahors. Monsieur le ministre, vous persistez à penser que c’est la contractualisation qui a permis la maîtrise de la dépense publique locale. (M. le ministre opine.) Pour ma part, je persiste à dire que c’est la raréfaction des ressources qui a contraint les collectivités locales à maîtriser leurs dépenses.