Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je voudrais m’adresser personnellement à vous, madame la ministre.
Il y a eu un moment, tout à l’heure, où nos interventions sur la question des licenciements ont semblé vous mettre en colère. (Mme la ministre le conteste.) C’est donc très calmement que je voudrais vous dire ceci : la formulation que vous avez employée – on a tous des erreurs de langage ; on peut se rattraper –, en présentant le licenciement comme une incitation, doit être retirée. (Mme la ministre déléguée proteste.)
Vous l’avez dit ! Ce n’est pas grave ! Il peut m’arriver, à moi aussi, de commettre des erreurs de langage. Je le reconnais ; je ne reste pas dans le déni.
Lorsque l’on incite, on suggère, on conseille, on invite… Eh bien, j’ai cherché l’antonyme, et non le synonyme, du terme « incitation », et c’est « apaisement » !
Franchement, si l’on ne veut pas créer un désordre social, il faut éviter de dire aux salariés que ces licenciements spécifiques sont une incitation. Si l’on veut gagner la bataille vaccinale, susciter l’esprit de responsabilité, madame la ministre, il ne faut pas utiliser ce genre de tournures.
Pour la première fois dans notre histoire depuis des décennies, on pourrait avoir un motif de licenciement portant sur la vie privée et à la charge du seul salarié. À nouveau, je vous le dis très calmement, très respectueusement : vous mettez en cause l’évolution du droit. J’ai regardé, ce sont trente années de jurisprudence de la Cour de cassation sur le principe de non-discrimination et de respect de la vie privée qui seraient ainsi remises en cause.
Je tenais à vous le dire, madame la ministre. Il vaut mieux confronter ses points de vue publiquement, plutôt que d’aller chercher des polémiques sur d’autres supports médiatiques. Mon point de vue, vous le connaissez, vous l’avez entendu !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Nous en sommes tous d’accord, la solution passera par la vaccination. La question est donc de savoir comment faire en sorte que le plus grand nombre de nos concitoyens soit vacciné.
Les chiffres, je voudrais le dire, montrent que le seuil de 50 % de personnes vaccinées est aujourd’hui dépassé. Majoritairement, nos concitoyennes et nos concitoyens souhaitent donc se faire vacciner et s’engagent dans cette démarche.
Bien sûr, il faut pousser et accompagner ceux qui ont encore des hésitations. Bien sûr, il faut expliquer. Je regrette donc que, dans les échanges que nous avons pu avoir, notamment autour du passe sanitaire, nous ayons passé beaucoup de temps à parler de l’aspect répressif, des modalités de contrôle et de sanction, nous écartant totalement de la question de savoir ce qui serait souhaitable sur le plan sanitaire.
Le vaccin est un acte de santé. Ce n’est pas un acte anodin, que l’on peut faire comme cela. C’est une décision qui doit être réfléchie, acceptée et que l’on ne peut pas forcer.
Il y a bien eu des campagnes de vaccination obligatoire par le passé, mais rien ne s’est jamais fait de manière contrainte et forcée. C’est par l’acceptation que l’on a pu atteindre des taux de 90 % ou 95 % de la population couverte, et ce même s’il y a toujours des récalcitrants.
J’ajoute que l’aspect uniquement répressif du passe sanitaire me paraît totalement inopérant. D’ailleurs, je m’inquiète beaucoup des divisions qui pourraient advenir et du fait que l’on se soit totalement écarté de notre esprit républicain. Demander à des gérants de restaurant de faire la police me paraît absolument impensable !
Je ne reviendrai pas sur le sujet du droit du travail, mais les décisions prises en matière de licenciement – nous en avons parlé – me paraissent également inacceptables.
Pour ces raisons, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera très majoritairement contre l’article 1er du projet de loi.
Enfin, le dernier amendement dont nous avons discuté et qui émanait de mon groupe concerne certes une demande de rapport, mais le sujet sur lequel elle portait était essentiel. Il s’agit d’examiner ce qui est fait pour aller vers la population, notamment les publics les plus fragiles, que ce soit en zone rurale ou en zone urbaine, et pour permettre la vaccination de toutes et tous.
En comparant les cartes de la pauvreté et de la vaccination, on se rend bien compte qu’il y a un réel problème. J’aurais aimé entendre les propositions du Gouvernement sur ce sujet, madame la ministre. Nous en avions, mais plusieurs de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Ce vote me pose bien des problèmes… Étant fondamentalement favorable au passe sanitaire, je suis de plus en plus perplexe, ce qui, je pense, me poussera plutôt à m’abstenir. Le vote de mon groupe – vous connaissez le RDSE, mes chers collègues – sera quant à lui très hétérogène.
Si je vais m’abstenir, c’est que les mesures d’allégement sont allées beaucoup trop loin.
Je souhaiterais partager avec vous quelques éléments d’un article que je viens de recevoir d’Univadis, un quotidien médical proposant des articles assez intéressants.
Ici, en l’occurrence, il est question d’une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Inserm, établissant deux scénarios.
Dans le premier, la vaccination stagnerait au taux de vaccination de la semaine ; dans le second, beaucoup plus optimiste, on enregistrerait une augmentation linéaire de 10 % des administrations de première dose, avec le maintien, bien sûr, d’un délai de trois semaines pour l’injection de la deuxième dose.
Selon ces prévisions de l’Inserm, un taux de transmission virale – le fameux R – à 1,3 permettrait de contenir le nombre d’hospitalisations dans les deux scénarios. En revanche, avec un taux à 1,5, seul le dernier scénario pourrait encore permettre de contenir les hospitalisations, avec 2 000 hospitalisations, environ, par semaine. Mais, visiblement, celles-ci progresseraient à un rythme rapide, si le taux était supérieur à 1,5.
Selon l’application TousAntiCovid, l’indicateur R de transmission virale est aujourd’hui proche de 2 – il est précisément de 1,96 –, ce qui devrait tout de même nous alerter sur l’explosion de la circulation virale. Je crains à ce titre, mais j’espère me tromper, que les mesures prises ne soient pas suffisantes.
Je vais donc m’abstenir, non sur le principe du passe sanitaire, vous l’aurez compris, mais du fait de l’allégement trop important des mesures.
Je tiens néanmoins à souligner des points positifs, comme la possibilité laissée aux jeunes de 16 ans de choisir ou la réécriture de certaines mesures concernant le monde du travail. Cela va dans le bon sens.
Telles sont les remarques que je souhaitais formuler. En définitive, je compte beaucoup sur la commission mixte paritaire !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons déposé et défendu un amendement de suppression de cet article, qui n’a pas été adopté, et nous n’avons pas cessé de rappeler, par la voix de Monique Lubin notamment, que notre proposition, notre objectif était la vaccination universelle, à travers un processus sur lequel nous pourrons revenir ultérieurement, puisque le sujet sera porté au débat, notamment par le biais d’un autre amendement.
Nous avions dans l’idée que le passe sanitaire serait sans doute extrêmement compliqué à mettre en place, probablement peu efficace et attentatoire à un certain nombre de droits. C’est le cas pour les droits des travailleurs, cela a été largement rappelé, ou pour la liberté d’aller et venir – suivant le concept même, ai-je envie de dire, de ce passe sanitaire. De toute évidence, il fallait donc limiter les effets néfastes du dispositif.
Au cours de la discussion, nous avons pu, certes, convaincre le Sénat sur un certain nombre de points importants. Quelques-uns viennent d’être rappelés, comme la liberté accordée aux mineurs de 16 ans d’accéder à la vaccination.
Mais, au final, nous n’avons pas eu de retour, par exemple sur l’instauration de l’état d’urgence sanitaire, que nous refusons, ou d’une série de sanctions extrêmement violentes à l’égard des salariés non vaccinés.
Pour ces motifs, notre appréciation sur l’article 1er n’a pas évolué, ce qui nous conduira à voter contre, y compris dans la version retenue par le Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Il est indispensable d’intensifier la campagne de vaccination pour lutter contre la pandémie. Chacun a pu constater, durant nos débats sur cet article 1er, les difficultés rencontrées pour définir le cadre juridique du passe sanitaire.
Mais les différentes mesures prises vont tout de même dans le bon sens et le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Le Gouvernement, madame la ministre, avait mis en place, avant la pandémie, une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, que l’on a appelée « plan pauvreté ».
Cette pandémie nous a permis en outre de nous rendre compte de la situation catastrophique de nombreuses entreprises. Beaucoup de salariés ont perdu leur emploi ; certains chefs d’entreprise, particulièrement des indépendants, se sont suicidés.
Aujourd’hui, vous proposez un texte comportant des mesures de licenciement au cas où certaines personnes ne seraient pas encore vaccinées ou ne souhaiteraient pas le faire.
M. Philippe Bas, rapporteur. Mais non !
Mme Victoire Jasmin. C’est tout à fait exagéré !
Vous avez par ailleurs culpabilisé les soignants. Le Président de la République a très clairement annoncé l’obligation qui leur serait imposée, alors même que ces soignants ont été plébiscités et applaudis chaque soir à 20 heures durant le premier confinement, qu’ils ont été nombreux à négliger leur propre famille et à renoncer à leurs congés et à leurs jours de récupération pour pouvoir soigner avec dignité.
Aujourd’hui, je ne peux accepter de voter un tel texte !
Nous avons pratiquement tous reçu des messages relayant les demandes d’associations, de professionnels, de médecins, parfois de chercheurs, mais aussi d’autres métiers qui ne sont pas concernés par ce passe sanitaire. Non, madame la ministre, compte tenu des mesures prises, je ne peux en aucun cas accepter de voter cet article. En dépit des améliorations apportées, ces mesures contribuent au suicide collectif.
M. Philippe Bas, rapporteur. Rien que cela !
Mme Victoire Jasmin. Bien évidemment, il faut inciter les gens qui ne souhaitent pas se faire vacciner à le faire. Pour cela, il faut instaurer des mesures pédagogiques.
Mais j’attire l’attention sur le fait que certains professionnels veulent bien se faire vacciner, mais n’ont même pas le temps de s’en occuper. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est particulièrement le cas des travailleurs du secteur de la santé, qui sont en sous-effectif et qui, pour mieux soigner, négligent leur propre santé.
Sachez de plus, madame la ministre, que le vaccin Janssen n’était pas disponible dans mon département – j’imagine qu’il ne l’est toujours pas.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 166 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 178 |
Contre | 129 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, il est minuit vingt ; nous venons d’achever la discussion de l’article 1er et il reste 89 amendements à examiner. Je vous le dis tel que c’est ! (Sourires.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 141 rectifié bis, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mme de La Gontrie, M. Redon-Sarrazy, Mmes Rossignol, Le Houerou et Poumirol, MM. Leconte et Stanzione, Mmes Monier, Harribey, Bonnefoy, Briquet, Artigalas et S. Robert, MM. Jomier et Fichet, Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Cardon, Kerrouche, Bourgi, Assouline et J. Bigot, Mme Blatrix Contat, M. Bouad, Mmes Carlotti et Conconne, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lozach, Lurel, Magner, Marie et Mérillou, Mme Meunier, MM. Michau, Montaugé et Pla, Mme Préville, MM. Raynal, Roger, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dès le 1er septembre, une campagne de vaccination prise en charge par les personnels des services mentionnés aux articles L. 541-1 et L.831-1 du code de l’éducation et à l’article L.2112-1 du code de la santé publique, est mise en place.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Nous souhaitons améliorer, par tous les moyens possibles et imaginables, l’incitation à la vaccination, notamment chez les jeunes.
Nous considérons qu’il faut aller à la rencontre des jeunes, mais aussi des citoyens fragiles et isolés pour que la couverture vaccinale soit efficace.
Nous proposons donc d’inclure, dans la stratégie vaccinale, la participation des professionnels de santé de la médecine scolaire et universitaire, ainsi que des professionnels de santé des centres de protection maternelle et infantile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je vous le dis très sincèrement et avec beaucoup de bienveillance, madame la ministre : au point où nous en sommes, il faut nous expliquer ce que le Gouvernement compte faire de notre débat parlementaire !
Nous vous avons posé énormément de questions. Depuis ce matin, le président Bruno Retailleau interroge le Gouvernement et nous-mêmes venons d’exprimer toute une série d’interrogations.
M. Pierre Ouzoulias. Nous n’avons aucune réponse de votre part ! Je vous le dis à nouveau de façon très bienveillante : dodeliner du chef ne peut constituer, ici, une forme d’argumentaire politique. Il faut que vous vous exprimiez et que vous nous donniez la position politique et philosophique du Gouvernement sur les différents points qui viennent d’être soulevés.
Nous avons subi, avec beaucoup de difficultés, le calendrier que vous nous avez imposé ; nous assurons un débat de grande qualité, à presque minuit et demi. Ce que nous espérions, madame la ministre, c’est un minimum de réponses de la part du Gouvernement.
Comme on le dit dans le Sud-Ouest, pour faire un beau match de rugby, il faut deux équipes. Là, nous sommes seuls !
Dites-nous quelles sont vos intentions politiques ! Si vous considérez que notre séance est nulle et non avenue et que vous allez tout négocier en commission mixte paritaire, dites-le-nous ! Nous arrêterons de discuter et nous rentrerons chez nous dormir.
Ce dont nous débattons revêt un enjeu politique essentiel. Nous attendons des réponses du Gouvernement. Donc, s’il vous plaît, cessez les hochements de tête ! Nous voulons des réponses ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 141 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 104 rectifié bis est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mme de La Gontrie, M. Redon-Sarrazy, Mmes Rossignol, Le Houerou et Poumirol, MM. Leconte et Stanzione, Mmes Monier, Harribey, Bonnefoy, Briquet, Artigalas et S. Robert, MM. Jomier et Fichet, Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Cardon, Kerrouche, Bourgi, Assouline et J. Bigot, Mme Blatrix Contat, M. Bouad, Mmes Carlotti et Conconne, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lozach, Lurel, Magner, Marie et Mérillou, Mme Meunier, MM. Michau, Montaugé et Pla, Mme Préville, MM. Raynal, Roger, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.
L’amendement n° 216 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la promulgation de la présente loi, il est instauré un comité national de suivi de l’état d’urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité de scientifiques, d’un représentant par formation politique représentée au Parlement et d’un représentant par association nationale d’élus locaux.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 104 rectifié bis.
Mme Monique Lubin. Nous proposons que soit instauré, à compter de la promulgation de ce texte, un comité national de suivi de l’état d’urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du conseil scientifique, d’un représentant par formation politique représentée au Parlement et d’un représentant par association nationale d’élus locaux.
Nous considérons en effet que les pouvoirs sont essentiellement concentrés dans les mains du Premier ministre et du ministre des solidarités et de la santé. D’où notre souhait de voir mis en place un comité de suivi pluraliste, plus démocratique, c’est-à-dire à l’image de la représentation nationale et des territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 216.
M. Pierre Ouzoulias. Il est extrêmement important, je le crois, de revenir à un débat démocratique associant l’intégralité de la représentation nationale, notamment les élus de proximité et les maires, qui ont fourni un effort majeur dans le déploiement de la politique de vaccination.
J’aurais aimé, madame la ministre, qu’une seule fois dans ce débat le Gouvernement remerciât les municipalités pour la façon – tout à fait exceptionnelle – dont elles ont géré les centres de vaccination. Mais vous n’avez pas plus eu, ici, de mots de remerciement pour ce qu’elles ont réalisé que vous n’avez compensé leurs pertes financières.
M. Pierre Ouzoulias. Sans les communes, vous le savez très bien, vous n’auriez pas pu procéder à la vaccination de la population. Ce sont elles qui ont pris en charge la totalité de l’opération.
Par ailleurs, peut-on gérer une épidémie de cette nature avec des conseils de défense qui se succèdent les uns aux autres, dans une absence totale de compte rendu et une gestion particulièrement opaque de l’information, y compris pour les données les plus essentielles ?
Comme je l’ai déjà souligné, l’article 16 de la Constitution, qui octroie des pouvoirs exceptionnels au Président de la République, donne au Parlement des pouvoirs bien plus importants que ceux que vous nous accordez aujourd’hui pour gérer, sur le plan de la légalité, l’état sanitaire.
Vous devez absolument changer de façon de faire et associer plus amplement l’intégralité de la représentation nationale. Nous ne pouvons plus continuer à travailler avec vous comme vous nous l’imposez aujourd’hui, c’est-à-dire sans recourir à la mobilisation républicaine de tous les élus que la gestion de la crise sanitaire exige.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La conception que nous nous faisons, à la commission des lois, du rôle du Parlement n’est pas d’occuper des strapontins dans une commission présidée par l’exécutif. Nous n’avons pas à demander à être associés aux décisions ; nous voulons les prendre, et c’est ce que nous faisons quand nous votons la loi.
Par ailleurs, quand les décisions sont arrêtées, le Gouvernement prend des mesures d’exécution et nous devons contrôler son action. La mission que nous attribue la Constitution est effectivement, à la fois, de légiférer et de contrôler l’exécutif.
Les organismes hybrides où l’on fait siéger les associations d’élus et des parlementaires de tous les groupes politiques autour de l’exécutif ne peuvent en aucun cas être des instances de décision, ni même des instances d’information. Elles sont beaucoup trop nombreuses et ne servent à rien d’autre qu’à faire perdre leur temps à tous les participants qui y sont invités.
C’est la raison pour laquelle – je vous prie de m’excuser de la longueur de mon intervention, mes chers collègues, mais j’ai compris que M. Pierre Ouzoulias tenait à avoir des explications plus détaillées sur les amendements présentés par son groupe – la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je partage l’avis défavorable de M. le rapporteur, et je voudrais tout de même répondre aux interpellations qui me sont adressées depuis un petit moment. Vous ne m’avez certainement pas écoutée hier soir, monsieur le sénateur Ouzoulias… J’ai apporté des réponses au sujet des collectivités. Nous travaillons avec elles depuis des semaines ! J’ai même été l’une des premières à élaborer un vade-mecum avec elles pour déployer des démarches d’« aller vers », justement pour inciter à la vaccination des populations qui en sont le plus éloignées.
La République solidaire dont vous nous parlez tant commence par le fait d’aller chercher les personnes les plus éloignées. Cela ne se décrète pas dans un bureau parisien. Il faut travailler la question avec les collectivités territoriales, les agences régionales de santé, les préfectures, etc. C’est ce que nous faisons à longueur de temps, monsieur Ouzoulias !
J’ai infiniment de respect pour les maires. Je travaille au quotidien avec eux, ainsi qu’avec tous les élus territoriaux. Je ne me sens vraiment pas concernée par le type de procès que l’on me dresse. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 104 rectifié bis et 216.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 250, présenté par M. Leconte, Mmes Conway-Mouret, Lepage, de La Gontrie, Lubin, Rossignol, Le Houerou et Poumirol, MM. Stanzione et Kanner, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy, Mmes Harribey, Bonnefoy, Briquet, Artigalas et S. Robert, MM. Jomier, Fichet, Kerrouche et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 1er janvier 2022, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences en matière de dépistage de la covid-19, de lutte contre l’épidémie et ses variants de plus en plus contagieux, et de compatibilité avec le droit de l’Union européenne, de la fin de la gratuité des examens de dépistage virologique de la covid-19, effectués par prélèvements nasopharyngés RT-PCR et tests antigéniques, qu’il a annoncé entrer en vigueur « à l’automne » 2021.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Les auteurs du présent amendement sont opposés à la fin de la gratuité des tests PCR et antigéniques de dépistage de la covid-19, annoncée par le Gouvernement pour l’automne prochain, sans davantage de précisions concernant la date réelle d’entrée en vigueur de cette disposition, qui sera définie par voie réglementaire.
C’est la raison pour laquelle nous vous interpellons, madame la ministre, en usant de notre droit d’amendement. Nous considérons que, depuis le début de la crise sanitaire, la gratuité des tests est l’un des rares points forts de la politique menée par le Gouvernement. Cela a permis de disposer d’un outil fiable – il l’était en tout cas jusqu’à présent – pour observer les évolutions de l’épidémie et la propagation du virus et prendre les mesures adaptées.
Cette décision d’en finir avec la gratuité des tests a été annoncée en lien avec celle d’élargir le passe sanitaire – décision que le présent projet de loi entend mettre en œuvre –, dans l’idée que cela empêcherait les personnes non vaccinées de réaliser des tests de complaisance, lorsqu’elles voudraient se rendre dans les lieux où la présentation du passe sanitaire est exigée.
Madame la ministre, compte tenu de la nouvelle dimension que va prendre le passe sanitaire, il est absolument indispensable, encore plus qu’auparavant, de conserver la gratuité des tests, surtout quand on voit comment l’épidémie évolue.
Je sais bien que Jean-Baptiste Lemoyne poste tous les jours sur Twitter des messages selon lesquels les tests sont gratuits pour les Français de l’étranger. Il suffit pourtant d’aller à la pharmacie du coin pour constater qu’ils sont payants ! Votre politique sera-t-elle conforme au droit européen et au principe de non-discrimination pour les ressortissants européens ?
Voilà, madame la ministre, les questions que nous vous posons. Nous sommes très inquiets de la fin de la gratuité des tests ; c’est déjà le cas pour certaines catégories de personnes, ce qui est discriminatoire !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. À cet amendement d’appel, la réponse est non. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pour ma part, je soutiens cet amendement. Je vous remercie, monsieur Leconte, d’avoir trouvé un moyen pour que nous évoquions ce sujet ; notre groupe avait lui-même déposé un amendement concernant la gratuité des tests, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Depuis le mois de mars 2020, nous vivons une crise sanitaire et sociale, dont les impacts négatifs sur les personnes les plus défavorisées sont démultipliés. Autre constat, que nous répétons : la carte de la pauvreté recoupe celle de la population la moins vaccinée.
Selon les données de l’assurance maladie, seulement 58 % des personnes de plus de 75 ans étaient complètement vaccinés en Seine-Saint-Denis au mois de juin, contre près de 70 % en Vendée. Faut-il y voir une corrélation avec le fait qu’en Seine-Saint-Denis le taux de pauvreté des plus de 75 ans est de 16 %, contre 8 % en Vendée ?
Difficultés d’accès aux soins, à l’écrit, à l’information et aux outils numériques : il est certain que les personnes les plus pauvres, de toute classe d’âge, accèdent plus difficilement à la vaccination. Les facteurs d’explication en sont multiples et documentés. Malgré ce constat, le Gouvernement menace d’en finir avec la gratuité des tests PCR, alors même qu’il impose un passe sanitaire qui affectera l’emploi des plus précaires.
Il est inapproprié de parler de tests PCR « de confort », alors que les différences dans le niveau de vaccination mettent en exergue des dimensions socioéconomiques et culturelles, par exemple en termes de revenus et d’emplois. De même, il est stigmatisant et clivant de prétendre que les personnes préféreraient le « confort » de multiplier les tests toutes les 48 heures pour se rendre au travail, plutôt que de se faire vacciner.
Enfin, cette politique tourne le dos au principe de prévention. Rien ne doit entraver le recours aux tests dans le cadre de la lutte contre la pandémie et sa propagation.
Si nous voulons vraiment contenir la quatrième vague, nous ne pouvons pas nous permettre de nous priver d’un seul des outils disponibles et de restreindre le recours aux tests. L’amendement de M. Leconte vise à garantir leur gratuité tout au long de la crise sanitaire, et non pas seulement jusqu’à l’automne 2021, de sorte que le droit fondamental d’égal accès aux soins et à la prévention soit assuré.