compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris hier la disparition d’Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, qui vient d’entrer dans l’Histoire. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)

Il fut, comme le déclarait le général de Gaulle, le dernier membre de « cette chevalerie exceptionnelle, créée au moment le plus grave de l’histoire de la France fidèle à elle-même, solidaire dans le sacrifice et dans la lutte ».

C’est ce chevalier des temps modernes que nous honorons aujourd’hui.

Fils d’un officier général issu des troupes coloniales, Hubert Germain naît le 6 août 1920 à Paris. Il prépare le concours de l’École navale au lycée Michel-de-Montaigne de Bordeaux, au moment de la déclaration de guerre.

Après la défaite, Hubert Germain décide de continuer le combat et part de Saint-Jean-de-Luz pour rejoindre l’Angleterre. À l’Olympia Hall de Londres, il rencontre le général de Gaulle et s’engage immédiatement dans les Forces françaises libres.

Au printemps 1941, il est affecté, en Palestine, à la 1re division française libre, la célèbre 1re DFL. Il participe alors à la campagne de Syrie.

En février 1942, il est affecté à la 13demi-brigade de Légion étrangère. Il participe à la bataille de Bir Hakeim ; le père de notre collègue Pierre Frogier, clairon du bataillon du Pacifique, était à ses côtés. Il prend ensuite part à la bataille d’El-Alamein, puis à la campagne de Tunisie.

Le 24 mai 1944, pendant la campagne d’Italie, près de Monte Cassino, il est grièvement blessé. Évacué à Naples, il est décoré de la Croix de la Libération par le général de Gaulle.

En août 1944, il reprend le combat : il participe au débarquement de Provence et aux combats de la 1re armée française, qui remonte la vallée du Rhône vers l’Allemagne.

Après la guerre, il devient aide de camp du général Kœnig, qui commande les Forces françaises d’occupation en Allemagne.

Ce soldat exemplaire s’engagera dans la vie politique au service de ses concitoyens.

Il est maire de Saint-Chéron dans l’Essonne, alors dénommée la Seine-et-Oise, puis député du XIIIe arrondissement de Paris.

Il devient ministre des postes, télégraphes et téléphones, puis ministre chargé des relations avec le Parlement dans les gouvernements de Pierre Messmer.

À partir de 2010, Hubert Germain est membre du Conseil de l’Ordre de la Libération. Il est pensionnaire de l’Institution nationale des Invalides à Paris. Le général Thierry Burkhard, à l’époque chef d’état-major de l’armée de terre, lui rend visite le 31 juillet 2019, le jour même de sa prise de fonction.

Par décret du 25 novembre 2020, Hubert Germain est nommé Chancelier d’honneur de l’Ordre de la Libération.

Le 11 juin dernier, anniversaire du dernier jour de la bataille de Bir Hakeim, une cérémonie est organisée en son honneur sous ses fenêtres, aux Invalides.

Le 11 novembre prochain, lui, le dernier des 1 038 compagnons de la Libération, sera inhumé dans la crypte du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien, où le dernier caveau l’attendait, comme le souhaitait le général de Gaulle.

Il rejoindra ses seize premiers compagnons qui y reposent déjà. Certains sont d’ailleurs tombés à ses côtés lors de la bataille d’El-Alamein et de la campagne d’Italie.

Hubert Germain n’a jamais cessé de résister. À plus de 100 ans, il déclarait : « Quand le dernier d’entre nous sera mort, la flamme s’éteindra. Mais il restera toujours des braises. Et il faut aujourd’hui en France des braises ardentes ! »

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous demande d’observer une minute de silence en hommage à Hubert Germain et à l’ensemble des compagnons de la Libération. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole. Nous avons rappelé cet impératif lors de la conférence des présidents.

déploiement du plan france 2030 (i)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Notre collègue effectue ce jour sa première intervention en séance publique : je lui souhaite la bienvenue. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et RDPI.)

Mme Mélanie Vogel. Merci beaucoup, monsieur le président.

Madame la ministre de la transition écologique, j’ai écouté hier avec beaucoup d’attention, comme la plupart d’entre nous, j’imagine, les annonces du Président de la République sur le plan France 2030.

Et je dois dire que je n’ai pas tout compris !

Sur les 8 milliards d’euros annoncés sur l’énergie, même pas 10 % concernent les énergies renouvelables, et il n’y a rien sur l’efficacité énergétique et la sobriété. Or nous savons, vous savez que ce sont les clés de la transition énergétique.

Je me suis demandé si c’était bien le plan France 2030, parce qu’il ressemble terriblement au plan France 1970 que mes parents ont connu. (Murmures de désapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Certes, il y a une différence, et elle est de taille : on passe de milliards d’euros investis dans des gros réacteurs très chers, qui ne marchent peut-être pas, à des milliards d’euros investis dans des petits réacteurs très chers, qui ne marchent peut-être pas non plus… (Rires sur diverses travées.)

Ce qui est grave, au fond, c’est que, alors que nous avons des solutions alternatives avec les énergies renouvelables, plus sûres, moins chères… (Marques de désapprobation sur les travées à droite et au centre.) Messieurs, contrôlez vos émotions ! (Murmures sur les mêmes travées.) Ce sont des énergies décentralisées, qui garantissent des emplois locaux non délocalisables, et ces milliards d’argent public gaspillés dans le nucléaire vont nous manquer pour investir dans la rénovation des bâtiments, mais aussi dans les services publics, dans l’école, dans la culture, dans les hôpitaux.

Madame la ministre, ma question est simple : quelle perspective offrons-nous, en France, aux générations futures, si nous décidons d’être la seule Nation au monde à investir dans une énergie du passé…

M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas vrai !

Mme Mélanie Vogel. … et à y engloutir des milliards d’euros si nécessaires pour construire un avenir durable et solidaire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame la sénatrice Vogel, au nom du Gouvernement, je vous adresse toutes mes félicitations pour votre élection. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce plan France 2030, il faut bien le voir comme faisant partie d’un ensemble pour l’avenir. En tant que responsable de la politique énergétique de ce pays, mon rôle est de faire en sorte, d’abord, que nous atteignions nos objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre, et, ensuite, que tous nos concitoyens puissent avoir accès à l’électricité dont ils auront besoin dans les années, les décennies à venir.

Pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre, madame la sénatrice, il y a deux solutions.

La première solution, que vous avez soulignée à juste titre, c’est de faire des économies d’énergie. Or nous avons en France un plan massif d’économies d’énergie, notamment dans l’habitat, avec MaPrimeRénov’ et tout ce que nous avons inscrit dans le plan de relance pour isoler les bâtiments et améliorer leur consommation d’énergie. Par ailleurs, nous aidons les entreprises à se décarboner.

La seconde solution, c’est de limiter notre consommation de pétrole, qui représente, vous le savez, les deux tiers de la consommation d’énergie en France. Pour ce faire, il convient de reporter des utilisations de pétrole vers l’électricité, par exemple en faisant passer le parc automobile du thermique à l’électrique. Or nous savons que ce choix va entraîner une augmentation très forte de la demande d’électricité dans les décennies à venir.

M. Vincent Segouin. Eh voilà !

Mme Barbara Pompili, ministre. En dix ou quinze ans, nous n’avons pas le temps, quand bien même nous le souhaiterions, d’avoir assez de réacteurs nucléaires ; donc nous devons développer énormément les énergies renouvelables. Mais, pour la suite, et nous en reparlerons au moment où RTE sortira ses travaux, il va falloir faire des choix entre plusieurs options. Aujourd’hui, sur le nucléaire, nous avons besoin d’autres solutions que les EPR. C’est ce à quoi sert le plan France 2030 : investir dans un certain nombre de nouvelles technologies, y compris renouvelables, pour pouvoir être prêts à affronter l’avenir.

France 2030, c’est la souveraineté écologique.

France 2030, c’est tout simplement anticiper l’avenir en investissant dans la recherche, ce dont nous avons bien besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour la réplique.

Mme Mélanie Vogel. Merci beaucoup de cette réponse. J’avais également une autre petite question : pourquoi le Président de la République s’est-il lié en parlant d’hydrogène vert, lequel est issu des renouvelables, alors que, nous le savons, l’hydrogène que vous avez prévu est de l’hydrogène jaune, qui vient, lui, du nucléaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marie-Pierre Monier et M. Yan Chantrel applaudissent également.)

gestion des flux migratoires entre la france et le royaume-uni

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le ministre de l’intérieur, dans les Hauts-de-France, vous êtes venu délivrer un message ferme à propos de l’épineuse maîtrise des flux migratoires entre la France et le Royaume-Uni.

En septembre, les Britanniques avaient fait monter la pression en annonçant vouloir réviser leur interprétation du droit de la mer. Vous aviez déjà tiré la sonnette d’alarme sur un tel comportement, qui plus est dangereux pour les personnes tentant cette périlleuse traversée.

La pression migratoire s’accentue et nous observons une hausse exponentielle du nombre de tentatives pour rejoindre l’eldorado britannique. Ceux que l’on appelle les « petits bateaux » ont été deux fois plus nombreux à atteindre les côtes anglaises cet été. Ces frêles embarcations sont dangereuses et les personnes qui les empruntent sont fragiles.

La gestion de cette frontière est un vieux « serpent de mer » encadré par de nombreux accords, notamment ceux du Touquet en 2003.

Dernièrement, un accord a été conclu concernant le financement du renforcement des forces de l’ordre françaises sur nos côtes. Le Royaume-Uni nous doit plus de 62 millions d’euros sur deux ans. Vous avez réclamé le montant de cette dette. En réponse, les Britanniques nous en ont promis le paiement. Avez-vous des précisions sur ce point ?

Monsieur le ministre, vous avez évoqué la révision de certains traités et négociations. Nous devons dénoncer les accords du Touquet et imaginer une nouvelle relation. Le Brexit aurait pu être le moment de ces renégociations. Nous l’avons manqué ! Le Gouvernement compte-t-il s’emparer de ce sujet à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ?

Enfin, monsieur le ministre, sur le terrain, les forces de l’ordre et de sécurité disposent des équipements de haute technologie existants. Je pense aux drones, qui, pour l’heure, ne peuvent pas être utilisés. Pourtant, dans le cas qui nous occupe, une utilisation nocturne des drones à détection thermique serait déterminante. Pouvons-nous espérer une solution rapide sur ce dossier ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Stéphane Artano applaudit également.)

M. Emmanuel Capus. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Decool, vous m’avez accompagné, avec d’autres élus, lors d’un énième déplacement dans la région des Hauts-de-France, plus précisément dans le Nord et dans le Pas-de-Calais.

Je veux répondre très concrètement à votre interrogation en cinq points.

Premier point : oui, vous avez raison, le gouvernement britannique a fait savoir, dimanche soir, par la voix de sa ministre de l’intérieur, qu’il paierait les 62 millions d’euros prévus dans le cadre de l’accord pour renforcer la protection de la frontière que nous gardons pour nos amis et alliés anglais. C’était bien la moindre des choses, et je l’en remercie. Je savais que les Anglais étaient des femmes et des hommes d’honneur.

Deuxième point : nous sommes très attachés au respect du droit de la mer – je regarde le ministre des affaires étrangères, avec qui je travaille sur cette question –, un droit exigeant, un droit qui respecte la souveraineté des États et l’humanité des personnes ; nous n’imaginons pas que les Anglais puissent le bafouer.

Troisième point : je veux souligner que ce problème est évidemment européen. Il faut ainsi savoir que 50 % à 60 % des migrants qui se présentent à Dunkerque et à Calais viennent de Belgique. J’ai donc donné des consignes très strictes, à la demande du Premier ministre, au préfet de la région Hauts-de-France pour mieux tenir la frontière avec nos amis belges et leur faire aussi passer le message qu’il leur revenait de maîtriser cet afflux de migrants, qui touche Dunkerque, Grande-Synthe, Calais et, de manière générale, les Hauts-de-France.

Quatrième point : oui, nous devons négocier un nouveau traité avec nos amis britanniques, puisqu’il est évident que nous avons manqué quelque chose au moment du Brexit. J’ai eu l’occasion de le dire, je regrette que M. Barnier n’ait pas pu négocier ce point de désaccord avec la Grande-Bretagne. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce sera à nous, lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, de jeter les bases d’un nouveau traité Grande-Bretagne-Europe, et ce sujet sera évidemment sur la table des négociations.

Cinquième point, enfin : je veux redire mon soutien aux forces de l’ordre et, évidemment, mon attachement aux nouvelles technologies qui les équipent. Je sais que le Sénat accompagnera sans doute cette demande quand nous aurons à faire voter, dans quelques jours – M. le sénateur Daubresse le sait bien –, une disposition qui nous permettra de faire enfin voler des drones pour lutter contre l’immigration irrégulière. J’espère alors retrouver une unanimité aussi forte que celle qui a caractérisé votre question, pour assurer la protection de notre territoire et de la vie humaine. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

place de la france en afrique

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre des affaires étrangères, au moment où le président algérien Tebboune fustige la politique française en matière migratoire ; au moment où l’on apprend le report du sommet sur la francophonie, qui devait se tenir en Tunisie ; au moment où les gouvernants maliens et centrafricains contestent la politique militaire et le niveau de la présence des forces françaises dans leur pays ; au moment où le Sénégal proteste contre le retrait des capitaux et des investissements français au profit des investissements chinois ; au moment où les établissements français installés en Afrique, notamment nos établissements culturels, se plaignent du manque de moyens, y a-t-il encore une politique française en Afrique ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Henno applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président Karoutchi, au moment où (Sourires.) le président Tshisekedi considère que le président Macron est l’interlocuteur de l’Europe pour le développement de l’Afrique ; au moment où nous commençons à sentir les effets de la grande conférence qui s’est tenue à Paris, sur l’initiative du président Macron, le 18 mai dernier, pour la mobilisation d’un nouveau pacte de relance pour l’Afrique ; au moment où les responsables politiques d’Afrique du Sud reconnaissent, après le déplacement du président Macron à Pretoria, l’action de la France pour lutter contre les risques pandémiques et permettre la production de vaccins à partir de leur pays ; au moment où, au Sénégal, on développe un hub universitaire franco-sénégalais qui fait l’admiration de tous, en même temps que l’on construit, en relation avec le président Macky Sall, une unité de production de vaccins ; au moment où nous préparons un sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine, sous présidence française, pour développer une nouvelle charte de la relation entre l’Europe et l’Afrique… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je peux continuer, monsieur Karoutchi : au moment où le niveau de l’aide au développement de l’Afrique n’a jamais été aussi substantiel, ce qui est reconnu par tous, y compris dans cette même assemblée ; au moment où, au Sahel, nous sommes à la tête d’une coalition regroupant soixante pays, dont une dizaine d’européens, qui sont convaincus que leur sécurité se joue aussi là, alors oui, monsieur le président Karoutchi, il y a vraiment une politique africaine de la France qui est reconnue par beaucoup de chefs d’État et de gouvernement, mais aussi par les sociétés africaines, comme elles l’ont marqué lors du sommet de Montpellier, voilà quelques jours.

Oui, il y a une politique africaine de la France et ce n’est pas la Françafrique ! Peut-être est-ce ce qui vous dérange,…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … mais la Françafrique n’est plus. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je veux vous rassurer, je ne suis pas un nostalgique de la Françafrique.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je le sais !

M. Roger Karoutchi. Mais au moment où la Chinafrique investit massivement, souvent à notre place, obtenant des positions beaucoup plus importantes que les nôtres ; au moment où la Russafrique envoie les milices Wagner et des conseillers militaires dans des pays qui étaient traditionnellement sous influence française ; au moment où la Chinafrique, encore elle, au Sénégal ou à Djibouti, installe des bases militaires, peut-être la France doit-elle s’interroger sur la réalité de sa relation avec l’Afrique.

Je vous le concède, monsieur le ministre, le problème ne date pas de trois ou quatre ans : depuis dix ans, un doute s’est installé sur ce que nous sommes censés faire aux niveaux économique, financier – regardez ce qui se passe avec le franc CFA et nos investissements –, ainsi que migratoire. Nous avons du mal à gérer tout cela, et il nous faut revoir complètement la politique française en Afrique. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Hussein Bourgi applaudit également.)

assassinat de samuel paty, un an après

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pierre-Antoine Levi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Ce samedi 16 octobre, cela fera très exactement un an que Samuel Paty a été assassiné, victime d’un attentat islamiste.

Depuis, de très nombreux hommages lui ont été rendus. Le groupe Union Centriste s’y joint encore aujourd’hui.

Son image est devenue un symbole de la défense de la liberté d’expression et de la lutte contre la poussée islamiste dans l’éducation nationale.

À l’approche du triste anniversaire de sa mort, monsieur le ministre, votre ministère a proposé aux établissements qui le souhaitent d’organiser un nouvel hommage ce vendredi. Vous avez par ailleurs annoncé que, dans chaque rectorat de France, une salle porterait le nom de Samuel Paty.

Nous ne pouvons que souscrire à ces initiatives, mais le mal est bien plus profond et ne se réglera pas par la seule commémoration.

Un an après, le docteur en sciences politiques et romancier David di Nota, dans son livre-enquête Jai exécuté un chien de lenfer, dénonce l’attitude de la hiérarchie de Samuel Paty, qui lui aurait demandé dans un premier temps de s’excuser, avant de lui reprocher de ne pas suffisamment maîtriser le concept de laïcité.

En entendant cela, c’est un sentiment de colère qui m’envahit.

L’éducation nationale aurait-elle déjà cédé face à la pression islamiste pour ne pas faire de vagues ? Si tel n’est pas le cas, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes ont été prises depuis l’assassinat de Samuel Paty pour y faire face, en particulier pour soutenir les enseignants menacés et les protéger ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’abord d’avoir rappelé les mesures que nous avons prises pour la commémoration en tant que telle. C’est très important.

Vendredi prochain, notamment lors de la dernière heure de cours, des minutes de silence, des moments dédiés à l’enjeu de la liberté, à la place de l’éducation et du professeur dans notre société, auront lieu dans nos écoles, collèges et lycées.

Samedi, jour de ce triste anniversaire, il y aura une série de commémorations. Je serai au collège de Conflans-Sainte-Honorine et nous inaugurerons une plaque commémorative en présence de la famille de Samuel Paty.

Il est très important que tout cela se passe dans l’unité nationale, dans la dignité, dans le recueillement, parce que, comme vous l’avez dit, Samuel Paty est devenu maintenant un symbole, l’emblème de la République et de la liberté.

Je suis d’accord avec vous, la commémoration ne suffit pas. Il y a bien d’autres problèmes sous-jacents sur lesquels il faut agir. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait.

Je n’entrerai pas dans le détail des commentaires qui sont faits sur ce qui s’est passé avant et après l’assassinat. N’oubliez pas qu’il y a une procédure judiciaire et que les faits font encore l’objet d’investigations. En revanche, je puis vous dire qu’aussi bien la principale du collège que les instances de l’académie de Versailles ont été aux côtés de Samuel Paty avant le drame.

Il importe d’éviter de rapporter des éléments parcellaires ou de se mettre à condamner très facilement des gens qui, au contraire, ont fait leur travail. Malheureusement, la tragédie a eu lieu. Aujourd’hui, elle nous conduit à agir sur toutes les dimensions du problème.

Vous le savez, et je l’ai dit dès 2017, la doctrine du ministère de l’éducation nationale n’est pas ou n’est plus, si vous préférez, de mettre les problèmes sous le tapis. Tous les signalements remontent, et je veux adresser ce message à tous les professeurs : quand il y a un problème, l’institution est là pour vous soutenir. Des équipes ont ainsi été créées dans les rectorats pour venir dans les établissements lorsqu’il y a des problèmes de ce type.

Certes, il y a encore des incidents et la situation n’est pas parfaite. Je le reconnais bien volontiers. Cependant, nous avons tout mis en place pour que la doctrine soit claire et se concrétise dans l’organisation : soutien à tous les professeurs et à tous les personnels ; visites des équipes dédiées dans les établissements. Une autre traduction de cette doctrine est la mise en œuvre d’un plan de formation sur la laïcité, les enjeux et les valeurs de la République, à destination de l’ensemble des professeurs de France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.

M. Pierre-Antoine Levi. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Tout cela est très bien, mais, ce que veulent les enseignants, c’est exercer leur métier en toute sécurité. Il y a encore eu des agressions d’enseignants ces derniers jours, à Combs-la-Ville et à Boulogne-sur-Mer. Tous les enseignants de France attendent fermement des mesures concrètes de votre part. Ne les décevez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Jérôme Bascher applaudit également.)

revenu d’engagement des jeunes (i)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Madame la ministre, depuis le début de la crise, nous voyons régulièrement ces images choquantes de centaines de jeunes faisant la queue pour recevoir des paniers alimentaires.

Emmanuel Macron avait annoncé le projet de revenu d’engagement pour les jeunes, le 12 juillet dernier. Ce dispositif devait permettre d’atteindre l’ensemble des jeunes sans travail ou sans formation, mais son ambition a depuis été revue à la baisse, puisque le nombre de jeunes pouvant y aspirer a été réduit de plus de moitié, moins de 500 000 jeunes étant désormais concernés.

Aujourd’hui, il semblerait même que le projet soit enterré. Un article du journal Libération daté d’aujourd’hui cite à ce sujet un élu : « Ce n’est pas au moment où l’on manque de serveurs ou de personnes sur les chantiers qu’il faut laisser penser qu’on va filer 500 euros aux jeunes. » C’est donc cela, l’horizon que l’on propose à une partie de la jeunesse ? La précarité ! Travaille et tais-toi !

Concrètement, madame la ministre, qu’en est-il de ce dispositif ? Qui pourra y prétendre si ce projet voit le jour, et que comptez-vous faire de celles et ceux qui, aujourd’hui, n’ont d’autre choix que d’aller à la soupe populaire ou de s’inscrire sur une plateforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)