Mme la présidente. En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
5
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 6, du 12 octobre, M. Alain Marc souhaitait voter pour ; Mme Colette Mélot, MM. Emmanuel Capus, Jean-Pierre Decool et Pierre-Jean Verzelen souhaitaient voter contre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 6, M. Henri Leroy souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
6
Candidatures à des commissions
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de la commission des finances et de la commission des lois ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ordinaire et du projet de loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
8
Vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2
Rejet d’une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2, présentée par MM. Patrick Kanner, Bernard Jomier, Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Monique Lubin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 811 [2020-2021], résultat des travaux de la commission n° 29, rapport n° 28).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour débattre de cette proposition de loi instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2, déposée par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, alors que, ce matin même, M. le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, présentait, sauf erreur, le onzième projet de loi d’urgence sanitaire en conseil des ministres.
L’examen de notre texte permet de nouveau à la chambre haute de se pencher sur ce qui nous a mobilisés de nombreuses fois depuis un an et demi : l’épidémie de covid-19, qui a frappé durement notre pays et le monde entier. La crise n’est pas encore derrière nous, auquel cas cette proposition de loi n’aurait aucun sens. Mais nous commençons à disposer d’un certain recul, dont nous devons tirer des enseignements qui doivent nous guider, mes chers collègues.
Je précise tout de suite qu’avec ce texte notre groupe ne souhaite pas distribuer de bons ou de mauvais points sur la gestion de la crise. Comme toujours, que ce soit lors de l’examen des textes sur l’état d’urgence sanitaire, des débats en application de l’article 50-1 de la Constitution, des lois de finances rectificatives – et j’en passe –, nous souhaitons apporter à la discussion des mesures qui nous paraissent les plus justes et les plus efficaces.
Dans ce cadre, nous continuons à dire ce que nous disons depuis plusieurs mois : cette crise doit être gérée avec clarté et transparence. De la clarté, il en faut sur les objectifs visés, sur les mesures à prendre pour régler cette question fondamentale et rassurer nos concitoyens. La transparence, elle, est nécessaire concernant les prises de décision. Ces deux éléments sont indispensables pour créer une relation de confiance entre les pouvoirs publics et les Français.
Cette confiance est nécessaire pour que l’adhésion aux mesures sanitaires soit massive : l’effet d’entraînement est d’ailleurs la seule voie pour que nous sortions définitivement de cette épidémie.
Nous faisons donc le choix de cette clarté, de cette transparence, conformément à ce que nous défendons depuis juillet dernier et la mise en place du passe sanitaire. Le Gouvernement, en associant vaccination et conditionnement de la vie sociale à la présentation d’un passe sanitaire, a imposé aux Français une obligation de vaccination indirecte, qui ne dit et n’assume pas son nom. Nous pensons que l’obligation vaccinale doit donner lieu à un débat public et assumer sa nature. C’est l’exigence démocratique que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain porte à travers cette proposition de loi.
Par ailleurs, la vaccination obligatoire existe déjà pour certaines professions. Nous ne croyons pas que la lutte contre la pandémie puisse reposer sur quelques professions, qu’elle puisse se découper en tranches. Nous avons applaudi les soignants tous les soirs à vingt heures lorsque nous étions confinés. Nous ne pouvons pas les pointer du doigt une fois déconfinés !
La crise sanitaire impose une solidarité nationale. La vaccination est un devoir citoyen qui incombe à chacun pour se protéger et protéger les autres.
Certes, monsieur le secrétaire d’État, votre forme d’obligation masquée a produit ses effets cet été, il faut le reconnaître. Elle a permis de briser un premier plafond de verre vaccinal que nous sentions poindre, et qui faisait courir un grand risque à notre pays en raison de la propagation massive de ce méchant variant delta.
Aujourd’hui, nous le constatons, nous sommes devant un deuxième plafond de verre, avec environ 30 000, voire 35 000, primo-vaccinés par jour. C’est insuffisant, alors que nous devons vacciner encore 8 millions de personnes pour accéder à une immunité qui nous permettrait d’avancer avec davantage de certitudes que depuis mars 2020.
Si nous ne bougeons pas, si nous ne réagissons pas, nous atteindrons un taux de 90 % de vaccinés à l’été 2022. Trop tard pour passer avec sérénité la saison hivernale, propice au rebond épidémique ; trop lointain pour attester de l’efficacité d’une stratégie vaccinale limitée au passe sanitaire.
Le ralentissement de l’épidémie semble se confirmer en France. Tant mieux, il faut s’en réjouir, et constater que ce ralentissement est dû en majeure partie à l’augmentation de notre taux de couverture vaccinale. Pour autant, nous ne devons pas baisser la garde. Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur, nous alerte sur un potentiel redémarrage de l’épidémie à l’automne.
Grâce à la vaccination, cette vague, si elle a lieu, ne devrait pas être un calque des précédentes. Pour autant, elle pourrait tout de même provoquer des dizaines de milliers d’hospitalisations, avec son cortège de morts, de covid longs et d’embolie hospitalière.
Cela bat en brèche l’argument porté par certains, qui prétendent que cette proposition de loi arrive trop tardivement. Ce n’est pas parce que la covid-19 ne tient plus le haut de l’affiche depuis plusieurs semaines qu’elle a pour autant disparu. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, en excluant toute adaptation du passe sanitaire avant la mi-novembre et en maintenant un cadre légal qui permettrait d’avoir recours au passe sanitaire peut-être jusqu’au 31 juillet 2022, le Gouvernement semble partager notre analyse.
Je l’encourage donc à pousser sa réflexion jusqu’au bout et à assumer politiquement avec nous une vaccination obligatoire et universelle. Devant le risque que je viens d’évoquer, nous ne pouvons pas rester les bras ballants, avec un passe sanitaire qui reste un pis-aller bien imparfait, car il comporte des manques en termes de réduction de circulation virale. Quid, en effet, des métros, des supermarchés, des meetings électoraux ? Comme cela a été récemment confirmé par le ministre de l’intérieur, la campagne électorale ne passera pas par le passe sanitaire. Autant de trous dans la raquette sanitaire que viendrait combler notre proposition de vaccination obligatoire.
Oui, l’obligation engendre de meilleurs taux de vaccination ! C’est un outil qui s’est toujours avéré efficace. Utilisons-le comme nous l’avons fait en 1902, avec l’obligation vaccinale pour la variole.
J’entends aussi nos concitoyens qui s’interrogent sur le fait d’obliger à se faire vacciner avec un vaccin qui a été mis sur le marché il y a moins d’un an. Mais, pour être commercialisé, un vaccin doit obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Les vaccins contre la covid-19 ont été développés en un temps record, certes, mais ils ont satisfait aux différentes phases d’essais cliniques habituellement exigés, et obtenu cette autorisation. Ce n’est donc pas un vaccin expérimental, et nous suivons simplement les recommandations des pouvoirs publics : fermons le ban sur ce point.
Ce que nous savons en revanche, c’est que les vaccins sont efficaces. Ils le sont en particulier pour éviter les formes graves et les morts, la saturation du système de santé et, de ce fait, également les morts indirectes liées à d’autres pathologies. Une étude française, menée sur 22,6 millions de personnes par EPI-PHARE, un groupement d’intérêt scientifique, montre que les personnes de plus de 50 ans ont neuf fois moins de risques d’être hospitalisées et de mourir par la covid-19 si elles sont vaccinées.
Nous avons désormais une solution pour éviter la saturation hospitalière et, avec celle-ci, le terrible tri des patients. C’est un devoir éthique, mes chers collègues, qui s’impose à nous.
Qui serait concerné par cette vaccination obligatoire ? Les personnes de plus de 60 ans en priorité, car elles sont plus vulnérables et susceptibles d’être hospitalisées. Nous voulons une application souple et intelligente de l’obligation vaccinale. Celle-ci permettrait d’étendre progressivement l’obligation par tranches d’âge, ou de l’interrompre rapidement selon l’évolution de nos connaissances médicales et l’apparition, que nous espérons, de nouvelles thérapies efficaces, par exemple.
Cette vaccination obligatoire est la seule mesure universelle aujourd’hui à notre disposition. Les publics éloignés de la vaccination, notamment les plus précaires ou ceux qui ne se sentent pas concernés par le passe sanitaire, entreront enfin de plain-pied dans la stratégie vaccinale française. Elle ne sera pas un frein à l’« aller vers », mais sera complémentaire, car elle permettra d’engager un dialogue avec celles et ceux qui sont encore dans l’angle mort de la vaccination.
Reste la question de la sanction. Il n’y en a pas dans notre texte d’origine, car l’expérience prouve que c’est l’annonce d’une obligation qui amène les populations à agir, et non l’annonce d’une sanction. On le voit, certes sur un échantillon démographique limité, en Nouvelle-Calédonie, où l’annonce de l’obligation a entraîné une hausse de la vaccination, alors qu’il n’y avait pas de sanctions pour la population générale.
Pour autant, un amendement a été déposé par une grande partie de notre groupe, que je soutiens. Il vise à la mise en place de sanctions proportionnées, à l’inverse de ce qui a été proposé pour le passe sanitaire.
Concernant le contrôle – question qui nous est fréquemment posée –, il faut également un dispositif proportionné. Plutôt qu’un contrôle partout, tout le temps, contre tous ceux qui n’auraient pas le passe sanitaire, nous pensons qu’un contrôle aléatoire serait tout à fait efficace.
Je tiens d’ailleurs à signaler, monsieur le secrétaire d’État, que nous constatons une forme de relâchement dans le contrôle du passe sanitaire sur le terrain. De mauvaises habitudes sont en train d’être prises, y compris chez les commerçants, voire même les restaurateurs.
En tout cas, le contrôle aléatoire serait beaucoup plus efficace, et nous pourrions le systématiser dans les lieux très fréquentés, avec une jauge importante.
Pour conclure, mes chers collègues, les principes qui nous ont amenés à déposer cette proposition de loi sont simples. L’obligation vaccinale ne doit pas être, et ne sera pas, l’alpha et l’oméga de la lutte contre le virus. Elle est cependant une pierre importante, fondamentale, qu’il faut additionner à une stratégie plus globale. En ce sens, nous continuerons à nous exprimer, monsieur le secrétaire d’État, sur la levée des brevets, sur le dispositif Covax, qui est loin d’avoir atteint ses objectifs, et sur les engagements internationaux de la France.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), par la voix de Maria Van Kerkhove, nous alerte, en nous disant que nous n’avons pas le contrôle du virus dans le monde. Il faut l’entendre. Rien que pendant la première semaine d’octobre ont été constatés 3 millions de cas nouveaux de contamination dans le monde, et 54 000 décès. Nous continuerons également à soutenir la recherche sur les traitements et les mesures sanitaires tant qu’elles seront nécessaires.
Mais je le répète, la vaccination universelle obligatoire est la seule solution efficace pour obtenir une couverture médicale nécessaire à notre protection collective. Avec l’obligation vaccinale, sous réserve de l’apparition de nouveaux variants résistants au vaccin, la covid-19 peut être réduite à une maladie à bas bruit, avec des résurgences saisonnières maîtrisées sur le plan sanitaire.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, parce que nous devons renforcer notre arsenal sanitaire, parce que la vaccination est un devoir citoyen, parce que l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers, je vous invite chaleureusement à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prix Nobel de la paix vient d’être décerné à deux journalistes courageux. L’une d’elles, Maria Ressa, apprenant sa distinction, a rappelé qu’« un monde sans faits signifie un monde sans vérité et sans confiance ».
Les faits, mes chers collègues, sont devenus des objets de débat. Les faits, et non pas la signification qu’on peut leur donner, les causes qui les déterminent, les conséquences qu’on en tire – toutes choses qui devraient être l’objet du débat politique. Mais il nous faut, en ce début de siècle, nous battre simplement pour dire la vérité des faits.
Et la vérité des faits, c’est que les vaccins contre la covid-19 sont efficaces comme peu de vaccins l’ont été, qu’ils sont sûrs, et qu’ils sont notre meilleure arme pour réduire la pandémie à l’état d’un bruit de fond sans graves conséquences économiques, sanitaires et sociales. Sans ces vaccins, tout notre pays aurait subi, à l’arrivée du variant delta, ce qu’ont subi ceux de nos territoires où les populations sont trop peu vaccinées.
Il nous faut maintenant, avec les vaccins, fournir un dernier effort, un effort collectif. En juillet dernier, pour justifier la vaccination obligatoire de certains professionnels contre la covid-19, le Gouvernement a mis en avant leur devoir d’exemplarité et leur responsabilité éthique vis-à-vis des personnes vulnérables. Face à un virus imprévisible, dont les mutations continuent de menacer la résilience de notre système de santé, la responsabilité de la lutte contre cette épidémie ne peut reposer que sur ces seuls professionnels. Elle est bien entendu collective, et chacun d’entre nous doit y prendre sa part.
Cette responsabilité collective comprend le respect des gestes barrières, oui. Mais la dernière étape pour tourner la page de cette épidémie, nous devons la franchir tous ensemble en mobilisant l’arme la plus sûre et la plus efficace : le vaccin. Par essence, se faire vacciner est un geste solidaire. Après 117 000 décès et un coût de la crise de plus de 400 milliards d’euros pour les finances publiques, qui parmi nous peut se permettre de faire l’économie d’un tel geste ?
Nous avons les moyens, avec la vaccination, de nous rendre collectivement maîtres de cette épidémie pour la transformer en un phénomène à bas bruit, contrôlé sur le plan sanitaire. Une très grande majorité de Français se sont fait vacciner. Ils aspirent donc légitimement à ce que les restrictions cessent.
Cet objectif est à notre portée si nous parvenons, à court terme, à un taux d’immunité, vaccinale ou naturelle, d’au moins 90 %. Il reste environ 9 millions de personnes à immuniser pour atteindre ce niveau de protection collective. Et ce n’est pas le passe sanitaire, dont les effets s’essoufflent considérablement, qui nous permettra d’y parvenir. Avec 30 000 primo-vaccinations par jour, nous ne pouvons espérer atteindre une proportion de 90 % de la population vaccinée, comme l’a dit Patrick Kanner, avant l’été prochain.
Or, d’ici là, la probabilité que nous connaissions une nouvelle vague existe bel et bien, avec tout ce que cela emporte d’hospitalisations, de décès et de covid longs, même si nous pouvons espérer que notre système de santé ne serait pas, de nouveau, saturé.
Sommes-nous prêts à prendre ce risque ? À côté d’une petite minorité bruyante d’antivax, j’entends cette majorité de Français qui se sont acquittés de cet acte citoyen qu’est la vaccination. J’entends les deux Français sur trois qui soutiennent l’obligation vaccinale universelle. C’est pourquoi le texte que nous examinons aujourd’hui propose d’inclure dans la liste des vaccinations obligatoires la vaccination contre le SARS-CoV-2, tout en ménageant entièrement au Gouvernement la souplesse réglementaire nécessaire pour son déploiement, en termes de rythme comme de populations.
Quant à ceux qui nous opposent qu’une obligation vaccinale est inopérante faute de moyens pour en contrôler le respect, je fais appel à leur mémoire.
L’obligation vaccinale n’est vraiment pas une nouveauté dans notre pays. La variole au début du siècle dernier, la diphtérie, le tétanos, la tuberculose, la poliomyélite : autant de maladies qui faisaient chaque année sensiblement moins de morts que la covid-19, et que nous avons maîtrisées grâce à la vaccination obligatoire.
Quelles étaient les sanctions encourues pour faire respecter ces obligations vaccinales historiques ? Des amendes contraventionnelles, et rien d’autre. Or qui peut dire ici que la vaccination obligatoire contre ces maladies n’a pas fonctionné ? L’existence d’une contravention implique-t-elle de contrôler chaque individu à chaque coin de rue ? Non. Les exemples récents de l’obligation vaccinale universelle contre le covid-19 en Nouvelle-Calédonie ou des obligations vaccinales votées en 2018 montrent que la hausse des personnes vaccinées a été obtenue en amont de toute sanction.
Je n’ai aucun regret des propos que j’ai tenus dans cet hémicycle en 2018 face à celles et ceux qui rejetaient déjà l’obligation vaccinale. Car les faits ont parlé, et la vérité des faits, c’est que les objectifs ont été atteints, et rapidement, et que nous sommes à présent en phase d’éradication de maladies contre lesquelles notre lutte patinait, stagnait et s’enlisait. Ce sont des enfants que nous avons sauvés, et des enfants auxquels seront épargnées de lourdes complications.
Il nous faut donc regarder au-delà de la sanction comme gage d’effectivité. Au-delà de la contravention, la mise en place d’un passeport vaccinal, sur le modèle récemment décidé en Écosse, c’est-à-dire limité à certaines situations à haut risque, pourrait renforcer l’obligation.
Enfin, ne sous-estimons pas l’impact psychologique d’une obligation vaccinale : dès lors que le vaccin est obligatoire et non plus seulement recommandé, sa perception comme outil efficace de santé publique en sort renforcée – cela aussi, c’est démontré.
Mes chers collègues, l’obligation vaccinale et une politique d’« aller vers » ne sont pas antinomiques. Tout au contraire, l’obligation, en plaçant l’État en situation de devoir, favorise cet « aller vers ».
L’exemple récent de la Nouvelle-Calédonie l’illustre. Les élus y ont adopté l’obligation vaccinale universelle le 3 septembre. Les communautés kanakes isolées ont en conséquence demandé à l’État, en l’occurrence au Haut-commissaire de la République, de leur apporter le vaccin en utilisant les hélicoptères de l’armée ; ce fut fait. Depuis, la part des personnes vaccinées est passée de 31 % à plus de 70 %. C’est aussi pour cette raison que le président du département le plus défavorisé de métropole soutient et demande l’obligation universelle.
Au fond, cette proposition de loi porte la conviction que la défense de l’intérêt collectif est la plus efficace pour protéger une société. Cette conviction doit émaner de chacun de ses membres, oui. Mais elle doit aussi savoir, lorsque c’est nécessaire, lorsque c’est légitime, être celle de la loi.
Je mesure, dans ce débat sur l’obligation, combien des années de progression de l’individualisme ont fini, à l’extrémité de l’échiquier politique, par transformer ce bien si précieux que sont nos libertés individuelles en un égoïsme sociétal maquillé, avec une parfaite indécence, en actes de résistance. Oui, c’est un choix politique que de décider, à l’heure de l’arbitrage, de ne pas réserver les obligations à certains – soignants ou gendarmes – pour en exonérer les autres.
Mes chers collègues, la commission des affaires sociales a rejeté le texte, que je vous invite, à titre personnel, à adopter. Je pense qu’il poursuit utilement un objectif que nous partageons certainement : rassembler l’ensemble de nos concitoyens dans un effort collectif pour vaincre cette épidémie et tourner la page d’une crise sanitaire qui n’a que trop duré. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le sénateur Patrick Kanner, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi visant à créer une obligation de vaccination généralisée contre la covid-19.
Pour lutter structurellement contre l’épidémie de covid-19 et sortir progressivement de la crise sanitaire, la vaccination de l’ensemble de la population est bien la seule réponse efficace, durable et sûre, compte tenu des limites et des risques associés à la recherche d’une immunité collective par la circulation du virus.
La quatrième vague épidémique, provoquée dès cet été par l’apparition du variant delta, a été maîtrisée sans recourir à de nouvelles restrictions, ce qui montre d’ailleurs bien tout l’intérêt de la vaccination.
Depuis le début de l’année 2021, le Gouvernement a lancé une campagne de vaccination d’une ampleur sans précédent, selon un calendrier priorisant les populations les plus fragiles, puis certaines catégories professionnelles et, enfin, s’ouvrant à l’ensemble de la population adulte et, depuis la mi-juin, aux mineurs âgés de 12 à 17 ans.
Aujourd’hui, vous connaissez les chiffres et ils sont satisfaisants : près de 51 millions de schémas vaccinaux entamés, et 44 millions de schémas vaccinaux complets. Ce n’est là rien de moins que l’une des meilleures couvertures vaccinales d’Europe.
Si ces chiffres généraux sont satisfaisants, il ne faut évidemment pas, et sous aucun prétexte, relâcher nos efforts, ni pour la vaccination de ceux qui hésitent ou qui doutent encore – en effet, certains publics ou certains territoires, notamment en outre-mer, restent insuffisamment couverts – ni pour la campagne de rappel, sur laquelle je reviendrai.
Face aux inégalités sociales et territoriales dans l’accès à la vaccination qui viennent d’être évoquées, des actions dites d’« aller vers » ont été mises en place dès le printemps, afin de toucher les publics précaires ou éloignés du soin. Plus de 90 % des structures d’hébergement social, tels les foyers de travailleurs migrants ou les centres d’accueil pour sans-abri, ont été ciblées par au moins une opération de vaccination.
Le principal point de progression concerne aujourd’hui la vaccination des personnes âgées de plus de 80 ans, qui reste inférieure à nos attentes. Une instruction récente, cosignée avec le ministre de l’intérieur, vise à mobiliser l’ensemble des partenaires locaux et à faciliter à la fois la prise de rendez-vous et l’accès à la vaccination à domicile.
Des actions spécifiques concernent également les outre-mer ; nous avons eu l’occasion d’en discuter ici même la semaine dernière, lors d’un débat organisé par la délégation sénatoriale aux outre-mer et par son président, le sénateur Stéphane Artano.
Par ailleurs, nous progressons en matière de rappel vaccinal. Un déclin de l’efficacité vaccinale au cours du temps a en effet été observé, en particulier chez les personnes fragiles, face au variant delta. Cette perte d’efficacité s’observe du point de vue de l’infection et de la contagiosité, mais aussi des formes graves de la covid-19.
Face à ce constat, et conformément aux avis rendus par la Haute Autorité de santé (HAS) et par le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, la France s’est engagée, dès le début du mois de septembre, dans une campagne de rappel à destination des plus fragiles. Sont concernées, six mois après leur dernière dose de vaccin, les personnes de plus de 65 ans, celles présentant des comorbidités ou immunodéprimées et, quatre semaines après leur primo-vaccination, les personnes vaccinées avec le vaccin Janssen, ainsi que plus récemment les professionnels de santé et l’entourage des personnes immunodéprimées. Cela porte à 4,5 millions le nombre de personnes ainsi éligibles, compte tenu des intervalles à respecter entre primo-vaccination et rappel. Plus de 40 % d’entre elles ont déjà effectué leur rappel.
La campagne de rappel vaccinal française est l’une des plus dynamiques d’Europe, même s’il convient de l’accélérer encore, évidemment. La dose de rappel accroît la protection individuelle contre les formes graves, mais également notre protection collective, dans l’hypothèse où notre pays devrait affronter au cours de l’hiver une accélération brutale de la circulation virale.
La stratégie vaccinale retenue par le Gouvernement a fait toutes ses preuves, en faisant appel à l’esprit de responsabilité de nos concitoyens et en mobilisant toutes les énergies disponibles. À ce titre, il faut saluer la contribution de toutes les parties prenantes, notamment des collectivités territoriales et des élus locaux, à la conduite de cette campagne, avec le soutien opérationnel, humain et financier de l’État, en particulier celui des agences régionales de santé (ARS).
Nous avons souhaité un équilibre entre protection de la santé publique et liberté individuelle, en n’imposant pas de manière généralisée la vaccination à nos concitoyens. Il faut continuer, en poursuivant les opérations d’« aller vers », en les affinant plus encore vers les publics les plus éloignés du système de soins, et poursuivre la campagne de rappel, dont le public éligible va progressivement s’élargir.
Ce n’est toutefois pas en imposant une obligation générale, inapplicable…