M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, en avant-propos, saluer l’engagement, la détermination et la sincérité de Mme la ministre et vous dire, madame, le plaisir que nous avons – que j’ai, en tout cas – à travailler avec vous et à défendre ensemble, de concert, la cause des femmes.
Vous aurez compris, à cet instant, que je vais dire un peu moins de bien du texte que je ne viens d’en dire de vous… (Sourires.)
Cette proposition de loi est le dernier texte législatif consacré à la grande cause du quinquennat – un peu celui du rattrapage in extremis. Le Gouvernement avait en effet promis à plusieurs reprises de faire progresser l’émancipation économique des femmes ; finalement, dans ce texte, les ambitions de la majorité s’articulent autour de quelques ajustements, de quelques renforcements des dispositions d’égalité professionnelle et d’une grande mesure – disons-le – : l’instauration des quotas dans les comités exécutifs, mesure que je ne sous-estime pas et dont je ne néglige pas la portée aujourd’hui et, surtout, à l’avenir, non pas simplement pour les femmes membres de ces comités, mais aussi pour son effet « montant » dans les entreprises et la nécessité pour les dirigeants de chercher des viviers pour répondre à ces futures obligations.
Cependant, alors que les plans de relance consécutifs à la crise sanitaire auraient pu être les vecteurs d’un déploiement massif de financements facilitant l’égalité entre les femmes et les hommes – ce que nous proposions d’ailleurs avec le collectif Ensemble contre le sexisme dans l’« appel des 40 pour un plan de déconfinement antisexiste » –, cette occasion n’a pas été saisie, malheureusement.
« À l’heure actuelle, la discrimination existe toujours dans la vie professionnelle des femmes, que ce soit à l’embauche, dans la promotion ou au niveau des salaires. Cet état de fait, dont tout le monde admet l’injustice, doit cesser. S’il était bon que la loi de 1972 sur l’égalité des salaires en affirme le principe, il manquait à cette loi les moyens réels d’application des principes qu’elle pose. » Cette phrase est extraite du discours prononcé par Yvette Roudy, en 1982, pour présenter la loi sur l’égalité salariale.
Or, trente-neuf ans après – presque le temps d’une vie professionnelle –, nous sommes encore loin de l’ambition qu’elle nous avait fixée et qui reste la nôtre.
Nous avons progressé à petits pas. Les écarts de salaire ont diminué, mais ils restent très importants, de l’ordre de 20 %. Les femmes sont toujours moins bien payées que les hommes ; elles sont plus souvent à temps partiel, par choix ou non, d’ailleurs ; elles sont davantage exposées à la précarité, ce qui rend plus difficile la défense de leurs intérêts collectifs.
Mes chers collègues, nos débats me donnent l’occasion de saluer l’action victorieuse des femmes de chambre de l’hôtel Ibis des Batignolles, qui, après vingt-deux mois de grève, ont obtenu des avancées salariales sans précédent.
Mme Annick Billon. Bravo !
Mme Laurence Rossignol. Seules dix-neuf des quatre-vingt-sept familles professionnelles sont mixtes, indiquait la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) en 2019. L’Insee précise quant à lui que cinquante et une d’entre elles sont « peu » ou « très peu féminisées », tandis que vingt-huit autres sont « plutôt » ou « très féminisées ».
Si ces informations relatives à la féminisation des branches sont capitales, c’est parce que le niveau des salaires concernés en dépend. Plus les branches sont féminisées, plus les salariés y sont sous-rémunérés. Caissières, aides-soignantes, auxiliaires de vie, agentes d’entretien, assistantes maternelles : nous parlons de toutes celles qui exercent des métiers pénibles dont le caractère indispensable est reconnu, sauf lorsqu’il s’agit d’établir la feuille de paye.
Ces mêmes salariées sont souvent à la tête de familles monoparentales. Souvent, elles doivent jongler avec des horaires décalés pour aller chercher les enfants à l’école, les aider à faire leurs devoirs et les emmener au cours de karaté ou de danse – bien entendu, les filles vont au karaté et les garçons à la danse : n’essayez pas d’enfermer mon propos dans un quelconque stéréotype de genre ! (Sourires.)
Ces inégalités se sont fortement accentuées avec le confinement. Les difficultés spécifiques des femmes pendant la crise sanitaire ont déjà été évoquées. Toutefois, rappelons que les femmes sont majoritaires dans de nombreux métiers clefs, qui ont été en première ligne de la lutte contre l’épidémie. Or l’intensification de leur charge de travail ne s’est pas accompagnée d’un allégement de leurs responsabilités familiales.
Bref, la crise sanitaire a eu des conséquences dramatiques et terribles pour les femmes. Pourtant, elles étaient paradoxalement exclues du conseil de défense, qui était, d’une certaine manière, le comité exécutif de la gestion de la crise : ce conseil, qui existe d’ailleurs toujours, ne comprenait aucune femme. Il ne comptait que des hommes. On était donc bien loin du seuil que nous nous apprêtons à imposer, à l’avenir, aux entreprises privées.
Le partage des tâches domestiques pendant le confinement a été très largement défavorable aux femmes. Au sein du foyer, elles ont moins de temps pour elles ; elles disposent moins souvent d’un espace dédié au télétravail que les hommes ; enfin, en 2021, le CESE a tiré la sonnette d’alarme en soulignant que « l’accroissement de la charge de travail domestique a conduit beaucoup de femmes à renoncer au travail rémunéré ». En outre, 43 % des salariées françaises envisagent un temps partiel, contre 32 % des hommes.
Les femmes constituent aussi la majorité des personnes en situation de précarité. Les statistiques sont implacables : avant même la crise, les femmes représentaient 53 % des personnes pauvres, 57 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), 70 % des bénéficiaires des aides alimentaires et 62 % des salariés au SMIC. L’amélioration de la parité dans les instances de direction ne révolutionnera pas leur quotidien : reconnaissons-le.
On ne pourra atteindre l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes qu’en augmentant considérablement les salaires, à commencer par le SMIC, qu’il faut rehausser de 10 % à 20 %, et en alignant les minima en vigueur dans les branches féminisées sur ceux qui s’appliquent dans les branches majoritairement masculines. Il n’y a pas d’autre solution pour augmenter les revenus des femmes à bas salaire : je le répète, en majorité, ce sont les femmes qui sont au SMIC. (M. Mickaël Vallet applaudit.)
Bien sûr, une telle mesure représente un coût. Mais il faut que le monde professionnel cesse de faire des économies sur le dos des femmes. Il est plus que temps, dirai-je même, de leur rendre l’argent !
L’égalité économique et professionnelle des femmes et des hommes est un droit. Chaque avancée législative, chaque nomination de dirigeantes au sein des instances de gouvernance des entreprises, chaque condamnation pour discrimination à l’embauche en raison du sexe, chaque mesure de rattrapage salarial est une petite victoire de plus glanée au service d’un idéal, celui de l’égalité.
En créant un quota dans les comités exécutifs, le présent texte poursuit le chemin ouvert par les lois précédentes. Nous y sommes favorables. Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont par ailleurs déposé un certain nombre d’amendements visant à améliorer cette proposition de loi, qu’il s’agisse de renforcer les obligations paritaires des entreprises ou de faciliter l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale.
Toutefois, nous regrettons certaines modifications opérées en commission, qui atténuent fortement la portée du texte. (M. Xavier Iacovelli acquiesce.)
Les mesures de lutte contre les stéréotypes sexistes dans l’enseignement secondaire et supérieur sont amoindries. Pourtant, c’est lors de l’orientation que s’enclenchent bien des mécanismes qui privent plus tard les filles de l’accès aux domaines d’activité les plus rémunérateurs, aux emplois techniques et aux fonctions de pouvoir. La publication de l’ensemble des indicateurs de l’index égalité pour le secteur privé est de surcroît repoussée : ce n’est pas ainsi que l’on fera progresser l’égalité professionnelle.
J’ajoute que, dans ce texte, les avancées en matière d’amélioration de la place des femmes dans le milieu professionnel s’arrêtent aux frontières du secteur privé : aucune disposition n’est prévue pour le public. Or la fonction publique attend toujours des améliorations, alors que l’État employeur devrait être exemplaire. Les résultats obtenus en matière de féminisation de l’accès aux emplois d’encadrement supérieur et dirigeant s’améliorent, mais ils restent trop contrastés.
Enfin, quel que soit le volontarisme politique de cette proposition de loi, puis de son application, l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes ne sera pas atteint tant que les violences sexuelles et sexistes infligées aux femmes ne seront pas éradiquées. À ce titre, je regrette l’absence de dispositions de protection des femmes face aux violences, alors même que le monde professionnel pourrait mieux contribuer à cette cause commune.
Nous avons déploré ensemble que, sur ce sujet, nos amendements aient été déclarés irrecevables ; ils auraient permis de mieux impliquer les entreprises dans la lutte contre les violences. Les propositions ne manquent pas en ce domaine ; elles émanent notamment des syndicats.
Pour les femmes victimes de violences conjugales, ce texte aurait pu être l’occasion de créer de nouveaux congés pour événements familiaux, une dispense de préavis pour démission ou encore une protection contre le licenciement. Ce sont là des solutions pragmatiques, utiles immédiatement pour des victimes qui doivent déjà suivre un parcours difficile, mais salutaire, vers la sortie des violences.
Mes chers collègues, on ne fera pas avancer la cause des femmes en traitant séparément des violences, de l’égalité professionnelle et du partage des tâches domestiques. La domination patriarcale est systémique ; il faut l’appréhender de manière systémique ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mmes Colette Mélot, Annick Billon et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a dix ans, la loi Copé-Zimmermann imposait des quotas de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes entreprises. À l’époque, il s’agissait de franchir une étape décisive dans le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette législation faisait de la France un pays avant-gardiste en la matière.
Les quotas fonctionnent, il faut le souligner. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes le certifie : dès lors qu’ils sont institués et qu’un suivi est assuré, la loi est un succès, avec 44,6 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40. En l’absence de quotas, les résultats sont plus faibles, avec moins de 20 % de femmes parmi les administratrices des entreprises cotées sur la plateforme Euronext Growth, par exemple.
Toutefois, dix ans après, force est de constater que les effets escomptés ne sont pas totalement satisfaisants et que de fortes inégalités perdurent dans bien des domaines.
Le constat s’impose, qu’il s’agisse des revenus – à poste égal, les femmes gagnent 10 % de moins que les hommes et seules 6 % des entreprises françaises versent des salaires égaux –, de la sécurité au travail – 30 % des Françaises ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail (Mme la ministre le confirme.) –, de la formation – en 2018, les femmes ne représentaient que 34 % des bénéficiaires de contrats d’apprentissage dans le secteur privé –, du financement – elles ont 30 % de chances en moins d’être financées par les principaux fonds de capital-risque que les hommes – ou encore de l’entrepreneuriat – elles ne représentent que 27 % des dirigeants d’entreprise.
Cette réalité nous impose d’agir, comme législateur et comme citoyens. Elle nous demande, à nous, les hommes, d’être des alliés.
Face à ce constat, le Gouvernement a pris des engagements forts en matière d’égalité entre les femmes et les hommes dans un certain nombre de secteurs.
Je pense à la fonction publique, avec la loi du 6 août 2019, qui favorise l’égalité professionnelle et la prévention des discriminations, notamment en instaurant un plan pluriannuel visant à garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux corps, cadres d’emplois, grades et emplois de la fonction publique.
Je pense à l’enseignement supérieur et la recherche, avec la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020.
Je pense également au monde de l’entreprise, avec la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a créé l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce dernier exemple illustre la nécessité d’aller encore plus loin. En effet, si 70 % des entreprises ont publié leur index en 2021, seulement 56 % des entreprises affichent un score supérieur à 75. Il s’agit de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat : si le score est inférieur à 75, l’entreprise sera tenue d’instaurer des mesures correctives dans un délai de trois ans.
Je pense, enfin, à l’allongement du congé de paternité, véritable outil au service de la justice sociale : cette mesure permet d’assurer un rééquilibrage des tâches familiales et, partant, de promouvoir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Mme la ministre acquiesce.), même si, à titre personnel, je souhaiterais que nous allions plus loin encore.
C’est dans ce contexte que nous examinons la proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre Rixain, laquelle permet de franchir une étape supplémentaire, dans la continuité des réformes engagées. Son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale envoie un message fort à la société, une note d’espoir ; elle témoigne d’un engagement total en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Le présent texte comporte un certain nombre de dispositions en ce sens.
Il améliore le droit au compte, même en cas de compte joint, pour assurer aux salariées une maîtrise de leurs revenus. Cette garantie est essentielle, notamment en cas de violences conjugales : grâce à elle, les femmes ne seront plus dépendantes financièrement de leur conjoint violent.
Aux bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant, il donne accès à des dispositifs de formation professionnelle. En parallèle, il offre aux femmes enceintes un droit au télétravail, ce qui constitue une avancée majeure.
Il améliore également la transparence de l’index de l’égalité professionnelle et permet un meilleur accès des femmes aux fonds d’investissement. Ce faisant, il tire les conséquences de la situation actuelle.
Enfin, il vise à renforcer la parité dans les instances dirigeantes, dans la continuité de la loi Copé-Zimmermann.
Je tiens à saluer le travail de la rapporteure et l’esprit qui a guidé nos votes en commission afin de préserver l’équilibre du texte.
Notre rapporteure y a apporté un certain nombre de modifications. Je pense par exemple à l’article 8, qui introduit des objectifs de mixité dans la politique de soutien à la création et au développement d’entreprises et précise l’entrée en vigueur de certaines dispositions prévues.
Cela étant, quelques points de désaccord persistent, en particulier au sujet de l’article 3 bis, qui donnait aux femmes enceintes le droit d’opter pour le télétravail dans leur dernier trimestre de grossesse.
Il s’agissait d’une réelle avancée, au regard des effets positifs du télétravail sur la néonatalité, à la fois pour la santé des mères et pour les nouveau-nés.
Mme la rapporteure souhaite privilégier l’accord collectif ou la charte au sein des entreprises en matière d’accès au télétravail, mais cette position ne nous semble pas satisfaisante. Nous proposerons donc de rétablir cette disposition, qui répond d’ailleurs à l’un des objectifs du présent texte : elle offre une indéniable flexibilité aux futures mamans en garantissant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
À l’article 4, nous défendrons un amendement visant à reconnaître et à encadrer dans la loi les crèches à vocation d’insertion professionnelle, afin d’encourager leur création. Ces structures doivent jouer un rôle de levier pour améliorer l’accessibilité à l’emploi des parents qui en sont éloignés, à commencer par les femmes.
Madame la ministre, en tout état de cause, nous nous réjouissons de débattre aujourd’hui d’enjeux aussi centraux que ceux de l’égalité entre les femmes et les hommes, et ce au lendemain des premières assises de l’égalité économique et professionnelle, que vous avez organisées.
Les gouvernements successifs, en particulier celui-ci, ont déjà beaucoup fait ; mais il reste du chemin à parcourir pour garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, principe d’ordre constitutionnel depuis 1946. L’adoption de cette proposition de loi permettra de réelles avancées : c’est pourquoi les élus de notre groupe la soutiendront.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2017, le Président de la République a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat.
Le présent texte est issu de cet engagement. Il vient compléter les mesures prises par le Gouvernement à la suite du Grenelle contre les violences conjugales, comme le bracelet anti-rapprochement, par des dispositions visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les hommes et les femmes.
Le constat est sans appel : à poste équivalent, les femmes gagnent en moyenne 10 % de moins que les hommes. La raison principale est le recours au temps partiel. Les emplois dont il s’agit sont occupés à 80 % par des femmes, dans une société où la répartition des rôles au sein de la famille reste inégalitaire et marquée par des stéréotypes tenaces.
Il est de la plus grande importance de faciliter autant que possible la conciliation entre l’activité professionnelle et la vie familiale des femmes, en particulier pour les familles monoparentales, tout en renforçant la féminisation des postes à responsabilités et de certaines filières pour atteindre une représentation plus équilibrée des femmes dans la société.
Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale contient d’importantes avancées favorisant l’émancipation financière et professionnelle des femmes. Il s’attaque au plafond de verre, qui ferme un certain nombre de postes à responsabilités aux femmes, en instaurant un objectif clair : atteindre, en 2030, 40 % de femmes parmi les cadres dirigeants des entreprises de plus de 1 000 salariés. La loi Copé-Zimmermann a imposé cet objectif pour les conseils d’administration des entreprises et, avec dix années de recul, nous savons que ce dispositif fonctionne.
Sur un autre plan, l’épreuve de la crise sanitaire a démontré, en généralisant le télétravail à grande échelle, qu’une autre forme d’organisation du travail était possible. Nous savons que de nombreux salariés ont apprécié les effets positifs du télétravail sur leur qualité de vie. Il a notamment limité les temps de transport et la fatigabilité associée. Ce qui est vrai pour de nombreux salariés l’est davantage encore pour les femmes enceintes et pour les jeunes parents.
Mes chers collègues, c’est la raison pour laquelle je souhaite rétablir l’article 3 bis, adopté par l’Assemblée nationale, mais supprimé par notre commission des affaires sociales. Cet article instaurait un droit au télétravail pour les femmes enceintes douze semaines avant leur congé de maternité. Pour ma part, je vous proposerai d’aller plus loin, en étendant cette possibilité après l’accouchement, seize semaines suivant la fin du congé de maternité.
Avec ces amendements, je vous proposerai d’adopter une mesure concrète qui bénéficiera à de nombreuses femmes dont les missions peuvent être effectuées à distance.
En créant un droit au télétravail, nous améliorons la qualité de vie des femmes enceintes et nous facilitons le recours à l’allaitement pour les femmes qui le souhaitent. Surtout, nous entendons favoriser la poursuite de l’activité professionnelle : les femmes ne doivent pas avoir à choisir entre l’allaitement exclusif au cours des six premiers mois, que recommande au demeurant l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et la reprise de leur travail.
Je précise que l’employeur serait en droit de refuser une demande de télétravail si les fonctions occupées par la salariée ne pouvaient pas être exercées à distance.
Ces dispositions très concrètes seraient sans conséquence sur les finances publiques ou sur les finances de l’entreprise. En revanche, elles représenteraient une avancée considérable en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes comme en matière de santé publique.
« Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les franchir ; vous n’avez qu’à le vouloir » : dès 1791, Olympe de Gouges, première des féministes, plaçait l’émancipation des femmes au cœur de notre projet commun.
Le chemin vers l’égalité entre les hommes et les femmes est long à parcourir, mais le but visé se rapproche. Les dispositions du présent texte représentent une étape supplémentaire dans cette direction. Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront donc cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les femmes sont une catégorie à part et ce qu’il faut arriver à faire justement, c’est qu’elles cessent de l’être ». Prononcée par Françoise Giroud, première secrétaire d’État à la condition féminine, en 1974, cette phrase est encore criante de vérité et d’actualité.
La proposition de loi examinée aujourd’hui par notre chambre vise à accélérer l’égalité professionnelle et économique entre les femmes et les hommes : c’est une grande ambition et un honorable objectif que de parvenir, par exemple, à un équilibre parfait dans la représentation des femmes au sein des instances dirigeantes.
Certains parlent de féminisation de ces instances ; pour ma part, je m’y refuse. Nous ne féminisons pas la société, nous ne faisons que rendre aux femmes la place qu’elles devraient occuper depuis bien longtemps.
Ainsi, je ne peux que saluer les avancées notables de ce texte pour lutter contre les violences économiques faites aux femmes, les accompagner lorsqu’elles sont engagées dans un parcours d’insertion professionnelle, instaurer des mécanismes de comptage des hommes et des femmes et, enfin, combattre les stéréotypes de sexe, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur.
Membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, j’ai participé à la rédaction d’un rapport sur la parité dans les chambres et les ordres professionnels ; dix ans après la loi Copé-Zimmermann, je me félicite que la proposition émise dans ce cadre – introduire des quotas dans les comités de direction et les comités exécutifs – ait été reprise. Toutefois, le constat est sans appel : les femmes demeurent exclues des fonctions à hautes responsabilités.
On le voit clairement : l’accès des femmes à ces postes ne se fait pas au fil du temps par autorégulation des acteurs. Elle ne peut advenir qu’en étant imposée par des quotas assortis de sanctions. On le vérifie dans de nombreux cas, en particulier dans la sphère politique : là où la loi sur la parité ne s’applique pas, les femmes sont sous-représentées. Dès lors, continuons à faire évoluer nos lois pour enfin permettre une véritable représentativité de la société !
Si les quotas sont efficaces pour atteindre la parité numérique, ils ne sont pas l’unique solution pour l’égalité. Ils n’en constituent pas moins un outil indéniable au service du progrès social.
Instaurer des quotas ne revient pas à privilégier une femme au détriment d’un homme, mais au profit d’une assemblée, d’un territoire ou d’une entreprise. Les femmes sont plus diplômées, mais moins représentées, surtout lorsqu’il s’agit de postes à grandes responsabilités : ne voyez-vous pas une erreur dans l’équation ?
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : je suis pleinement acquise à l’objet de ce texte. Bien sûr, je salue l’effort accompli par l’Assemblée nationale et par notre rapporteure, Laurence Garnier, notamment pour construire une définition claire et consensuelle des instances dirigeantes, laquelle a tant manqué par le passé.
Ces travaux permettent d’apprécier le chemin parcouru tout en mesurant celui qu’il reste à accomplir. Au total, les comités exécutifs et les comités de direction ne dénombrent que 19 % de femmes : nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un tel chiffre. S’en contenter, c’est accepter que 52 % de la population n’ait accès qu’à 19 % des postes de décision ou, en d’autres termes, que 48 % des Français monopolisent 81 % des sphères de pouvoir.
Admettre, encore et toujours, cette situation en 2021, c’est continuer à donner des gages à la discrimination. Or l’égalité, comme la liberté, ne s’accorde pas à moitié, elle doit être pleine et entière. On n’est pas à moitié égal ou à moitié libre : puisque l’organisation spontanée ne parvient pas à garantir l’égalité pleine et entière, la seule réelle, c’est le rôle de la loi de corriger ce mécanisme discriminatoire.
M. Fabien Genet. Très bien !
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Les quotas sont le seul moyen démocratique d’y parvenir, car ils produisent un effet immédiat d’égalité. C’est une pierre supplémentaire que nous nous apprêtons à poser en votant ce texte : de telles dispositions sont nécessaires à l’édifice que nous bâtissons et il est certain que nous continuerons ce combat, femmes et hommes, ensemble ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’égalité entre les femmes et les hommes est une priorité qui nous concerne toutes et tous : cet enjeu majeur transcende les différents pans de notre société.
De nombreuses évolutions, notamment législatives, ont déjà permis des avancées considérables, mais nous savons que le combat de l’égalité demeure un combat permanent : d’une part, rien n’est jamais acquis dans ce domaine ; d’autre part, il est indispensable d’accompagner les avancées nouvelles.
La proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, que nous examinons aujourd’hui, est un nouveau pas à saluer, et j’en remercie son auteur, le députée Marie-Pierre Rixain.
Je tiens également à souligner le travail de notre collègue rapporteur, Laurence Garnier, qui a contribué, grâce à de nombreuses auditions, à donner une portée réelle et concrète à cette proposition de loi.
Le fait d’être une femme reste le premier facteur d’inégalité dans l’environnement professionnel. Cette inégalité prend souvent racine dès la formation et l’orientation, avant de perdurer tout au long de la carrière.
Il y a dix ans, la loi Copé-Zimmermann était adoptée. En 2011, les conseils d’administration ne dénombraient que 15 % de femmes. En 2021, cette proportion est désormais de 46 %. Ainsi – les précédents orateurs l’ont rappelé –, la France occupe désormais le premier rang mondial en la matière.
Dans le même temps, il ressort d’un récent rapport de la délégation sénatoriale aux droits des femmes que la loi de 2011 n’a pas entraîné une féminisation de la gouvernance et de la direction de toutes les entreprises.
Le constat est clair : la parité reste limitée dans les conseils d’administration des plus petites entreprises non cotées de plus de 250 salariés. Les femmes accèdent moins souvent que les hommes aux comités les plus stratégiques et les plus rémunérateurs. Le plafond de verre reste malheureusement une réalité au sein des comités exécutifs et des comités de direction.
Cet état des lieux nous démontre l’utilité des quotas, qui, même s’ils demeurent des outils imparfaits, sont les seuls à même d’obtenir certains changements.
Le présent texte impose une représentation équilibrée des femmes et des hommes parmi les cadres dirigeants des entreprises. En ce sens, il répond à la fois à une réalité et à un besoin.
Je salue son caractère réaliste, ambitieux et équilibré, qu’il s’agisse du seuil de 1 000 salariés inscrit dans le texte, des quotas retenus ou du calendrier prévu.
Inciter les entreprises dans un premier temps, plutôt que de les contraindre ; encourager, plutôt que de punir ; accompagner les changements, plutôt que les ordonner : tels sont les principes directeurs de ce texte.
Pour ma part, j’insisterai sur deux points qui me paraissent particulièrement importants.
Le premier, c’est le rôle clef de l’orientation. Le choix des études et d’une profession reste très sexué ; ainsi, 50 % des femmes se concentrent sur 15 % des métiers. Nous souhaitons que, demain, les femmes soient plus nombreuses parmi les cadres dirigeants ; mais encore faut-il pouvoir les orienter au mieux, les former et les inciter à prendre de telles voies professionnelles.
En renforçant l’égalité des chances dans le système éducatif et dans l’enseignement supérieur, ce texte va dans le bon sens. D’ailleurs, de nombreuses initiatives locales existent en la matière, à l’instar du prix régional pour l’égalité femmes-hommes et la mixité des métiers créé par le conseil régional du Grand Est.
Le second, c’est la nécessité de lever les freins périphériques pour accompagner les femmes vers l’emploi, assurer leur retour dans la sphère du travail et parvenir à une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale.
À cet égard, la formation continue reste un enjeu majeur. En effet, dix mois après la naissance de leur second enfant, seules 5 % des femmes ont eu accès à une formation d’au moins dix-huit heures.
La confiance des femmes en elles-mêmes est un facteur tout aussi important. Il est nécessaire d’inciter les femmes à prendre des responsabilités. À ce titre, je salue tout particulièrement trois dispositions de cette proposition de loi : l’accès à des dispositifs de formation pour les bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant ; le soutien à l’entrepreneuriat des femmes ; et l’extension de l’accès aux crèches aux familles monoparentales.
Madame la rapporteure, j’approuve la réécriture de l’article 3 bis, qui ouvrait aux salariées enceintes la possibilité de solliciter douze semaines de télétravail avant le début de leur congé de maternité. À mon sens, il s’agissait là d’une fausse bonne idée. Le télétravail doit être un outil au service de l’employeur et du salarié. Il ne doit en aucun cas conduire à creuser les inégalités.