M. Fabien Genet. C’est vrai !
Mme Elsa Schalck. La nouvelle écriture du texte, qui donne toute sa place au dialogue social au sein de l’entreprise, paraît donc plus appropriée.
Mes chers collègues, nous avons un devoir collectif : tout faire pour parvenir à une égalité réelle en donnant les mêmes chances et les mêmes possibilités aux femmes et aux hommes. C’est ce à quoi nous invite cette proposition de loi en matière professionnelle et économique.
Pour toutes les raisons que j’ai indiquées – vous l’avez compris –, les membres du groupe Les Républicains voteront cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle
Article 1er
I. – L’article L. 3241-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « dont le salarié est le titulaire ou le cotitulaire » ;
2° (nouveau) Le même premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le salarié ne peut désigner un tiers pour le recevoir. » ;
3° (nouveau) Le dernier alinéa est complété par les mots : « dont le salarié est le titulaire ou le cotitulaire ».
II. – Le I entre en vigueur un an après la publication de la présente loi.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
ne peut désigner
par les mots :
peut désigner, par mandat écrit uniquement,
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise à permettre au salarié de désigner, par mandat écrit uniquement, un tiers pour recevoir son salaire.
Évidemment, nous approuvons les objectifs des premiers articles de cette proposition de loi : il faut bel et bien lutter contre la violence économique au sein du couple en assurant l’autonomie financière des femmes. Cela étant, l’interdiction de désigner un tel tiers pourrait porter préjudice aux personnes en situation de pauvreté ou de grande pauvreté.
Les associations de lutte contre la précarité, que nous avons consultées, rappellent que l’effectivité du droit au compte n’est pas toujours assurée.
De plus, l’interdiction de la désignation d’un tiers pourrait empêcher certaines pratiques vertueuses – je pense par exemple à la péréquation de salaire, pour laquelle les volontaires permanents d’ATD Quart Monde peuvent opter en s’engageant.
Il est essentiel de bien évaluer l’impact des mesures, si généreuses soient-elles, sur les plus démunis. Ainsi, comme l’a fait Mme la rapporteure en commission via un amendement déposé sur l’article 2, nous proposons d’appliquer un principe de précaution : cette désignation de tiers doit être demandée spécifiquement par mandat écrit du salarié concerné.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Ma chère collègue, la rédaction actuelle de l’article 1er n’interdit pas le versement du salaire en espèces, du moins en deçà d’un seuil de 1 500 euros. Il en est de même des prestations sociales : nous l’avons d’ailleurs explicitement précisé à l’article 2.
De plus, nous avons examiné le cas des volontaires d’ATD Quart Monde, que vous citez : tel qu’il est proposé, ce dispositif n’empêche pas la péréquation. En effet, les volontaires de cette association perçoivent leur salaire sur un compte personnel avant d’en reverser une partie.
Aussi, j’émets un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, l’objectif de cet article est de protéger les femmes qui sont déjà victimes de violences. Même si j’entends les arguments que vous nous opposez, je suivrai Mme la rapporteure en émettant un avis défavorable.
M. le président. Madame Poncet Monge, l’amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
Le I de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La détention d’un compte collectif par une personne physique mentionnée au présent article ne fait pas obstacle au droit à l’ouverture d’un compte individuel dans les conditions prévues au présent article. » – (Adopté.)
Article 2
I. – Ne peuvent pas être versées à un compte bancaire ou postal dont le bénéficiaire n’est pas titulaire ou cotitulaire les prestations mentionnées aux articles L. 5422-1 et L. 5424-25 du code du travail, aux articles L. 168-1, L. 321-1, L. 331-3, L. 331-8, L. 331-9, L. 333-1, L. 341-1, L. 351-1, L. 351-7, L. 356-1 et L. 361-1, aux 2° et 4° de l’article L. 431-1, aux articles L. 491-1, L. 622-1, L. 622-2, L. 623-1, L. 632-1, L. 634-2, L. 634-3, L. 635-1 du code de la sécurité sociale, aux articles L. 732-4, L. 732-8, L. 732-10, L. 732-10-1, L. 732-12-1 à L. 732-12-3, L. 732-18, L. 732-23, L. 732-24, L. 732-52, L. 732-54-5, L. 732-60 et L. 732-63 ainsi qu’aux 2° et 3° de l’article L. 752-3 du code rural et de la pêche maritime.
II. – Le I entre en vigueur un an après la publication de la présente loi. – (Adopté.)
Article 3
L’article L. 531-4-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les parties à la convention s’assurent de l’accès des bénéficiaires de la prestation qui ont au moins un enfant à charge à des actions de formation pendant une période de deux ans, qui débute un an avant l’expiration de leurs droits à la prestation. L’institution mentionnée au premier alinéa du présent article informe de la fin de la formation l’organisme débiteur des prestations familiales, qui poursuit le versement de la prestation jusqu’à l’expiration des droits du bénéficiaire. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La convention fixe les modalités de suivi du dispositif propres à mesurer la bonne atteinte de ses objectifs, dont le taux de bénéficiaires occupant un emploi six mois après la fin de la formation, ainsi que les modalités de publication du degré de satisfaction de ces objectifs. » – (Adopté.)
Article 3 bis
Le II de l’article L. 1222-9 du code du travail est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les conditions dans lesquelles les salariées enceintes peuvent accéder à une organisation en télétravail. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mmes M. Filleul et Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 1222-9 du code du travail, il est inséré un article L. 1229-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1229-…. – Le télétravail est de droit, au moins deux jours par semaine, pour toute salariée enceinte dont les missions sont éligibles à cette forme d’organisation du travail et qui en fait la demande. Ce droit prévaut à compter du deuxième trimestre de grossesse. La liste des missions éligibles au télétravail est définie par accord de branche ou, à défaut, par accord d’entreprise. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à aller plus loin, en matière d’organisation du télétravail pour les femmes enceintes, que la rédaction initiale de l’article adoptée par l’Assemblée nationale, qui employait le verbe « pouvoir ».
Avec cet amendement, nous entendons créer un véritable droit à bénéficier du télétravail, opposable aux employeurs, pour les femmes enceintes, dans la limite de deux jours par semaine à compter du deuxième trimestre de la grossesse. Il reviendrait aux partenaires sociaux de définir les missions éligibles au télétravail.
Je pense aux femmes de mon département, l’Oise, qui pour beaucoup d’entre elles travaillent en Île-de-France : les temps de transport sont extrêmement pesants. Je n’ai pas oublié une donnée particulièrement intéressante constatée pendant la période du confinement : celle de la baisse importante des accouchements prématurés. Le fait que les femmes aient été à la maison, confinées, a fait baisser le nombre d’accouchements prématurés, ce qui montre bien le lien entre travail, déplacements et prématurité.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par Mme Mélot, MM. Malhuret, Lagourgue, Wattebled, Guerriau, Chasseing, Médevielle, Menonville, Decool et Verzelen, Mme Paoli-Gagin et M. A. Marc, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1225-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222-9, la salariée bénéficie du télétravail à temps partiel ou à temps complet dans les douze semaines précédant son congé de maternité et dans les seize semaines suivant ce congé. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Cet amendement vise à établir un droit au télétravail pour les femmes enceintes, pendant douze semaines avant leur congé de maternité, et pour les femmes ayant accouché, pendant seize semaines suivant ce congé, afin de favoriser l’allaitement maternel durant les six premiers mois de la vie de l’enfant, comme le préconise l’Organisation mondiale de la santé.
Il s’agit d’améliorer les conditions de travail des femmes enceintes et de favoriser la poursuite du travail jusqu’au moment du congé de maternité, un mois et demi avant le terme. Ce nouveau droit me semble tout à fait justifié ; il correspond aux évolutions actuelles de la société en matière d’organisation du travail et d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des femmes.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Mélot, MM. Malhuret, Lagourgue, Wattebled, Guerriau, Chasseing, Médevielle, Menonville, Decool et Verzelen, Mme Paoli-Gagin et M. A. Marc, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1225-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222-9, la salariée bénéficie du télétravail à temps partiel ou à temps complet dans les douze semaines précédant son congé de maternité. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Nous souhaitons rendre pleinement effectif le droit à l’allaitement inscrit dans le code du travail, à raison d’une heure par jour répartie entre le matin et le soir, en ouvrant un droit au télétravail jusqu’à six mois après la naissance.
Il ne s’agit pas de confondre télétravail et garde d’enfant, car les femmes auraient bien entendu la possibilité de faire garder leur enfant à domicile pendant les horaires de travail, comme cela est de plus en plus pratiqué avec le développement du télétravail.
Les femmes sont actuellement confrontées à un choix difficile entre poursuite de l’allaitement et reprise du travail, ce qui incite les jeunes mères soit à renoncer à l’allaitement exclusif les six premiers mois, soit à retarder la reprise de leur activité professionnelle. La société évolue, tout comme les modes d’organisation du travail : il nous semble que notre rôle est d’accompagner ces changements.
Cette disposition aurait un impact positif à trois égards : elle renforcerait l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en favorisant la conciliation entre travail et maternité ; elle améliorerait le niveau de santé publique puisque, je le rappelle, l’allaitement maternel est un facteur protecteur contre un certain nombre de maladies pour l’enfant et la mère ; enfin, elle constituerait une mesure de politique familiale favorisant la maternité sans pénaliser le travail.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1225-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222-9, la salariée bénéficie du télétravail dans les douze semaines précédant son congé de maternité. »
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Cet amendement tend à accorder aux femmes enceintes qui le demandent un droit au télétravail dans les douze semaines précédant le congé maternité, lorsque cela est possible.
Plusieurs études, dont une menée au Danemark et une autre en Irlande, ont en effet montré que le recours au télétravail imposé par la pandémie avait eu un effet positif sur la santé des futures mères et des futurs nouveau-nés. Le confinement a conduit à une diminution du nombre de naissances prématurées. Les chiffres restent certes approximatifs, puisque certains hôpitaux français ont estimé cette baisse à 20 % et d’autres à 15 %. Il semblerait toutefois que le télétravail permette aux futures mères de travailler dans un cadre moins bruyant et moins stressant, et de limiter les trajets qu’elles doivent sinon accomplir pour se rendre sur leur lieu de travail. Le télétravail favoriserait ainsi des grossesses plus saines et moins éprouvantes.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 73 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 86 est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier et Théophile, Mmes Havet et Cazebonne, MM. Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin, Hassani, Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1225-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, et sous réserve que ses missions puissent être exécutées hors des locaux de l’employeur, conformément à l’article L. 1222-9, la salariée peut bénéficier du télétravail, dans les douze semaines précédant son congé de maternité. »
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 73.
Mme Laurence Cohen. À l’instar de mes collègues, je propose de revenir sur la disposition réécrite par Mme la rapporteure à l’article 3 bis concernant les femmes enceintes.
L’objectif initial de la disposition introduite par l’Assemblée nationale était de permettre aux femmes enceintes de bénéficier d’un droit au télétravail douze semaines avant leur congé maternité. Le bénéfice de cette forme d’organisation du travail est évident pour la santé de la salariée et de son futur bébé.
Si j’entends l’argument selon lequel il faut faire de la question du télétravail un thème central du dialogue entre partenaires sociaux, je ne crois pas que la rédaction que nous proposons pour cet article en fasse une injonction, comme le laisse entendre notre collègue Laurence Garnier dans son rapport. Nous avons en effet prévu que la salariée « peut » bénéficier du télétravail et nous précisons que cette mesure est prise sur la demande de la salariée, afin que le télétravail ne soit pas imposé.
Nous avons vu que le télétravail lié au confinement a surgi dans les entreprises, contribuant à un nouveau mode de travail. S’il a pu présenter un certain nombre d’opportunités pour certains salariés, il est évident que cette pratique doit être encadrée pour éviter les dérives. En France, quelque 5 millions de salariés ont ainsi dû exercer leur métier à la maison du jour au lendemain, sans y être préparés et sans encadrement pour la très grande majorité d’entre elles et d’entre eux.
Il est vrai que certains points doivent être réglés, mais je crois qu’inscrire dans la loi un droit pour les femmes enceintes et fixer une durée serait un véritable pas en avant.
Je suis consciente que cette disposition ne réglera pas le cas de toutes les salariées qui ne peuvent, de par leur métier, prétendre au télétravail, mêmes enceintes, non plus que celui des indépendantes. Néanmoins, je pense qu’elle serait un élément positif pour les femmes enceintes. Vous pouvez d’ailleurs constater, madame la rapporteure, madame la ministre, que les amendements en ce sens proviennent de toutes les travées de notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 86.
M. Xavier Iacovelli. La fatigue, le stress et les difficultés de mobilité sont autant de risques qui découlent des trajets effectués par les salariées enceintes entre leur domicile et leur lieu de travail.
Une solution existe : le télétravail, que nous avons tous évoqué sur ces travées. La pandémie nous l’a prouvé, le télétravail fonctionne : il permet à celles et ceux qui en ont besoin, lorsque cela est nécessaire, de travailler depuis leur domicile sans perdre le lien avec leur milieu professionnel, sans mettre en péril leur carrière et sans affecter leur travail.
C’est pourquoi l’article 3 bis, qui prévoit le droit de télétravailler, nous apparaît important et nécessaire pour éviter que ce droit ne soit refusé aux femmes enceintes. Tel est le but de notre amendement qui s’ajoute, nous le constatons, aux amendements similaires déposés par d’autres parlementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Mes chers collègues, de nombreux arguments, que vous avez rappelés, plaident en faveur du télétravail. Mais beaucoup d’autres peuvent également être avancés pour que la possibilité de recourir au télétravail ne soit pas gravée dans le marbre de la loi.
La durée de douze semaines pourrait, tout d’abord, ne pas être adaptée à toutes les femmes. Divers schémas sont d’ailleurs prévus dans les différents amendements : il pourrait s’agir par exemple d’une heure le matin et d’une heure le soir, mais des systèmes différents ont aussi été proposés.
Ensuite, je veux dire à Mme Cohen que j’ai prêté attention à la rédaction de son amendement, aux termes duquel l’employeur « peut » autoriser la femme qui en fait la demande à bénéficier du télétravail. Certes ! Mais on peut tout de même craindre que cela constitue une forme d’injonction déguisée. Nous avons eu un débat similaire il y a quelques années au sujet du travail dominical : votre groupe était parmi les premiers à souligner – à mon avis, à juste titre – que prévoir qu’une personne « peut » travailler le dimanche pouvait être perçu comme une injonction déguisée.
Nous considérons aujourd’hui que le dialogue social au sein de l’entreprise permettra un meilleur ajustement à la demande réelle des femmes et aux questions liées au télétravail. Je rappelle que l’accord national interprofessionnel sur le télétravail, qui a été précédé d’une négociation, n’a même pas un an. Il faut laisser le dialogue social se dérouler sur ce dossier.
La commission émet donc un avis défavorable sur les six amendements en discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Comme Mme la rapporteure vient de l’expliquer clairement, la mise en œuvre du télétravail doit s’appuyer sur le dialogue social qui a lieu au sein de l’entreprise entre les salariés et l’employeur. De nombreux accords ont d’ailleurs déjà prévu cette possibilité. Je le rappelle, l’adaptation du poste et la situation des femmes enceintes relèvent de la compétence du médecin du travail.
Quant à la capacité d’une salariée de continuer à travailler, que ce soit en présentiel ou en distanciel, elle dépend essentiellement de son état physique, sous le contrôle du médecin qui assure son suivi médical.
L’approche doit être individuelle. Je ne pense pas que légiférer sur ce sujet puisse aider les femmes – certaines pourraient même, avec les dispositifs proposés, être contraintes de télétravailler alors qu’elles auraient pu bénéficier d’un arrêt de travail.
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
M. le président. En conséquence, l’article 3 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 62 rectifié, 73, 86, 87, 18 et 48 n’ont plus d’objet.
Après l’article 3 bis
M. le président. L’amendement n° 49, présenté par Mmes M. Filleul, Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Cardon, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du dernier alinéa du I de l’article L. 1222-9 du code du travail, après les mots : « présent code », sont insérés les mots : « , un salarié assumant seul la charge d’un ou de plusieurs enfants ».
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. La monoparentalité, qui concerne une femme dans 85 % des cas, place celle-ci dans une situation de fragilité accrue sur le marché du travail, notamment lorsque ses enfants sont en bas âge.
Ainsi, lorsqu’ils ont moins de trois ans, seuls 41 % des enfants de foyers monoparentaux ont une mère occupant un emploi, contre 63 % des enfants vivant avec des parents en couple. Par ailleurs, les mères des foyers monoparentaux sont également celles qui supportent le plus de temps partiel subi : 47 % de celles qui ont un emploi à temps partiel souhaiteraient travailler davantage.
Afin de favoriser le maintien ou la reprise d’une activité professionnelle des salariés à la tête d’une famille monoparentale, il faut proposer des solutions. Nous considérons que le télétravail est un moyen parmi d’autres d’améliorer l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale, notamment du fait de la flexibilité qu’il permet dans l’organisation d’une journée.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons l’encourager pour les personnes assumant seules la charge d’un ou plusieurs enfants en introduisant l’obligation pour les employeurs de motiver leur refus à une demande émanant d’un salarié à la tête d’une famille monoparentale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Garnier, rapporteure. Aux termes de cet amendement, l’employeur devrait motiver sa décision lorsqu’un salarié assumant seul la garde de ses enfants formule une demande de recours au télétravail.
Il est important de rappeler que, d’une manière générale, l’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à ce mode d’organisation doit motiver sa réponse. Il ne semble donc pas utile d’allonger davantage la liste des cas nécessitant un formalisme supplémentaire.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Je l’ai dit précédemment, la situation des familles monoparentales retient particulièrement notre attention. Ces salariés doivent être protégés. C’est la raison pour laquelle de nombreux accords collectifs, témoignant d’un souci de développer une politique inclusive, leur octroient déjà des droits spécifiques, comme des jours de congés supplémentaires ou la participation au titre du chèque emploi service universel (CESU) majoré.
Le dialogue social, je le redis, doit constituer un levier tout à fait essentiel pour privilégier ce type de public. Telle est l’option choisie par le Gouvernement depuis les ordonnances de 2017 ; c’est également le souhait que les partenaires sociaux ont formulé dans l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail.
Le cadre juridique existant en matière de télétravail est suffisamment souple et complet pour permettre une plus grande diffusion de cette pratique et répondre à l’aspiration des salariés et des employeurs à repenser l’organisation de leur travail. Il n’est donc pas, à notre avis, opportun de modifier la loi au risque de perdre en lisibilité.
Par ailleurs, il faut veiller à ne pas créer des injonctions contradictoires : le télétravail n’est pas une affaire de garde d’enfant !
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
I. – L’article L. 214-7 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles, est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
aa) (Supprimé)
a) Après le mot : « personnes », sont insérés les mots : « mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 262-9 ainsi que des personnes » ;
b) Après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « , comprenant le cas échéant des périodes de formation initiale ou continue » ;
2° (Supprimé)
3° (nouveau) Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
II (nouveau). – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2022.