Mme Raymonde Poncet Monge. Je le redis, si la volonté d’instaurer un minimum de dialogue social entre les parties est une nécessité, les dispositions de l’ordonnance renvoient les conditions de travail à la seule négociation collective – ou plutôt au « dialogue social » pour faire écho à l’intervention précédente – plutôt que d’en fixer le cadre dans la loi.
En cela, l’ordonnance maintient la fragilité de la position des représentants des travailleurs des plateformes, affaiblit la possibilité de réelles avancées quant à l’amélioration de leurs conditions de travail et renonce surtout à la transposition d’un certain nombre de droits sociaux susceptibles de les protéger par la loi.
Or l’instauration d’un dialogue social sans droits sociaux l’encadrant ne fait pas grand sens. Le rapport de force est, de fait, inégal, entre plateformes et représentants des travailleurs. Il le sera d’autant plus si nous renonçons à poser un cadre renforçant les capacités de négociation de ces derniers.
À cet égard, le rôle des institutions publiques aurait dû être de contrebalancer ces inégalités en protégeant les travailleurs par l’instauration de droits, et non d’abandonner les travailleurs face aux plateformes.
Plutôt qu’une ordonnance, le respect de la démocratie parlementaire aurait dû permettre que nous assumions nos responsabilités et que nous légiférions sur l’encadrement de ce dialogue social afin d’instaurer dans le code du travail, à défaut d’une présomption de salariat – quoique –, du moins des garde-fous visant à protéger ces travailleurs.
Nous sommes destitués de notre rôle. Encore une fois, les travailleurs font les frais de l’éviction de la démocratie sociale et parlementaire.
Nous demandons la suppression de cet article, dans l’attente d’une loi venant réguler l’activité des plateformes et protéger les travailleurs comme il se doit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission est opposée à la suppression de cet article.
Permettez-moi, monsieur Théophile, de revenir sur vos propos. Par rapport au texte du Gouvernement, nous n’avons procédé qu’à trois modifications : nous n’avons donc pas dénaturé complètement l’ordonnance et je voulais vous rappeler à la raison sur ce point.
Je me suis gardée, jusqu’ici, d’intervenir en réponse aux différents orateurs, mais là encore, sachons raison garder. C’est un sujet qui passionne. Ces plateformes sont aussi – je le dis très clairement – un marqueur politique.
Il suffit d’entendre un certain nombre d’entre vous ou de lire les différentes propositions de loi qui ont été déposées pour comprendre qu’il y a là un enjeu particulier de ce côté-là de l’hémicycle (Mme le rapporteur désigne la partie gauche de l’hémicycle.)
Notre position se caractérise par la constance. D’abord, nous considérons – et je le maintiens – que ces plateformes représentent une opportunité : une opportunité, pour un certain nombre de personnes, de compléter leurs revenus ; une opportunité, pour d’autres, de développer un certain nombre d’activités.
Je l’affirme : il y a des secteurs d’activité qui n’existeraient pas si les plateformes n’avaient pas été créées.
Je le redis, nous sommes constants : dans le cadre de la mission d’information « Ubérisation de la société », nous avons émis un avis défavorable sur la requalification et sur le tiers-statut, mais nous nous sommes exprimés en faveur du dialogue social.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le « dialogue social »…
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous sommes aussi pragmatiques. Nous sommes ici appelés à nous prononcer sur une ordonnance proposant un dialogue social ; nous n’irons donc pas à l’encontre de cette ordonnance, bien qu’il s’agisse d’une ordonnance et que nous doutions de la pertinence du calendrier.
Enfin, monsieur Jacquin, je vous précise que le dialogue social n’est pas l’apanage d’un seul côté de l’hémicycle. Nous tenons tous ici au dialogue social, de ce côté-ci de cette assemblée comme de l’autre côté.
M. Olivier Jacquin. Je réagissais aux propos de Mme la ministre.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Mme la ministre n’a pas tenu de tels propos. C’est vous, monsieur Jacquin, qui avez considéré que le dialogue social ne concernait qu’une seule partie de l’hémicycle. C’est faux ! Tous les sénateurs sont attachés au dialogue social !
Nous considérons qu’il est possible, même si cela n’est pas simple, même si c’est atypique, de mettre en place, dans le secteur des plateformes et en particulier dans le secteur des livraisons, un dialogue social seul à même de rééquilibrer le rapport de force.
Évitons les caricatures. Quand on caricature, on peut manquer de respect – et je sais, madame Lubin, que là n’est pas votre intention –à l’égard des travailleurs de ces plateformes.
Arrêtons les excès ! Nous devons les uns et les autres, de part et d’autre de l’hémicycle, tenir des propos mesurés et savoir raison garder.
Je le répète, la commission est défavorable à ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis naturellement défavorable à la suppression de l’article 1er.
Je voudrais d’abord dire à M. le sénateur Fabien Gay, qui a évoqué la question des travailleurs en situation illégale, que nous sommes opposés à la sous-location de comptes, parce que cela peut conduire à du travail dissimulé.
M. Fabien Gay. Il existe !
Mme Élisabeth Borne, ministre. J’ai eu l’occasion de le dire publiquement, mais aussi directement, à deux reprises, aux représentants des plateformes et nous attendons des actes de leur part avant la fin de l’année en vue d’arrêter ce phénomène de sous-location.
Je voudrais ensuite dire à M. le sénateur Olivier Jacquin qu’en ce qui me concerne, et contrairement à lui manifestement, je crois au dialogue social et à la négociation collective : ce sont le dialogue et la négociation qui peuvent apporter des droits aux travailleurs. (M. Olivier Jacquin proteste.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Madame la rapporteure, vous avez dit que ces nouvelles formes de travail avaient finalement permis de créer des activités qui n’existaient pas et auxquelles on n’avait pas pensé jusque-là.
Nous n’allons pas philosopher ce soir, nous n’en avons pas le temps, mais franchement ! Peut-on appeler une nouvelle forme d’activité le fait que quelqu’un qui a la flemme d’aller chercher une pizza se la fasse apporter, sous une pluie battante, par un livreur à vélo qui gagne…
Mme Cathy Apourceau-Poly. … trois francs six sous !
Mme Monique Lubin. Exactement, trois francs six sous ! Est-ce vraiment cela la nouvelle forme d’activité dont vous parlez ? Personnellement, cela me heurte, tout simplement !
J’ajoute que cela ne me heurterait pas s’il s’agissait de véritables emplois et que les plateformes recrutaient des livreurs payés au minimum au SMIC pour 35 heures par semaine. Dans ce cas-là, pourquoi pas ! À la limite… Mais le fait d’utiliser des gens dans les conditions que l’on connaît, sans aucune protection, et à seules fins de confort, finalement, pour les utilisateurs, cela me choque terriblement !
Et ce n’est pas ce qui nous est proposé ici qui va apporter à ces travailleurs une protection suffisante.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’espère, madame la rapporteure, et avec tout le respect que je vous dois, que vous pourrez nous montrer, durant la discussion des articles et des amendements, en quoi ces ordonnances et ce texte permettront de retrouver une certaine symétrie entre les parties.
En passant, je trouve que ce texte est un peu une mise en abyme, puisqu’il prévoit de ratifier une ordonnance, tout en autorisant le Gouvernement à en prendre une deuxième…
En tout cas, en quoi ce ripolinage permettra-t-il de rééquilibrer les choses entre les plateformes et ceux qui travaillent pour elles ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Au sujet du travail dissimulé, il y a effectivement la question des sous-comptes, madame la ministre, mais ce n’est pas le seul problème.
Dois-je vous rappeler que Deliveroo va passer en justice l’an prochain pour deux ans de travail dissimulé ? Je me félicite que l’inspection du travail ait permis à cette affaire de sortir, mais ce ne sont pas les travailleurs eux-mêmes qui ont pu le faire. J’espère quand même que vous êtes au courant, madame la ministre ! Oui, Deliveroo va passer en justice pour dissimulation de travail : cela a duré deux ans et a concerné des milliers de jeunes.
Ce n’est donc pas une question de marqueur politique ! Vous le voyez, il n’y a pas que le problème des sous-comptes.
Madame la rapporteure, je ne sais pas quel est votre choix dans la primaire des Républicains, mais l’un des candidats, qu’on ne peut pas accuser d’être de gauche, a quand même dit, il y a deux ans, que ces travailleurs étaient les canuts du XXIe siècle. Je vous laisse deviner de qui il s’agit et vous ferez alors votre choix…
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est Xavier Bertrand !
M. Pascal Savoldelli. Vous parlez de marqueur politique et de passion, mais croyez-vous vraiment qu’un jeune qui livre de la nourriture, des fleurs, des prothèses dentaires ou toute autre chose pour 4, 5 ou 6 euros – j’en connais qui sont à 3,80 euros ! – va faire appel à une juridiction ou penser à sa protection sociale ? Franchement ? Avec de telles conditions de vie ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est donc pas une question de marqueur. C’est juste indécent !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’ai simplement une petite question à poser à Mme la ministre.
Vous avez dit tout à l’heure – vous me corrigerez, si je me trompe – que les plateformes numériques créaient de l’emploi. Il me semble que c’est là qu’il y a un problème ! Pour moi, emploi veut dire salaire, donc cotisation, donc protection sociale.
En fait, ces plateformes n’ont que quelques dizaines d’employés, des salariés qui font tourner les services de l’entreprise ; le reste, c’est de l’activité. Elles créent donc peut-être de l’activité, mais très peu d’emplois, terme que vous avez pourtant utilisé. (Mme la ministre proteste.)
L’incompréhension part de cette différence essentielle ! C’est d’ailleurs ce point qui explique que nous ayons voulu déposer des amendements sur la présomption de salariat – ils ont été déclarés irrecevables… Qui dit salaire, dit cotisation !
Ma question est donc simple : est-ce que vous maintenez votre position selon laquelle les plateformes numériques créent de l’emploi en France ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je m’étonne quand même un peu que, pour vous, le travail indépendant ne soit pas de l’emploi… (Protestations sur des travées des groupes CRCE et SER.)
Mmes Monique Lubin et Cathy Apourceau-Poly. Pas celui-là !
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, je veux revenir sur la question du travail dissimulé. Vous dites que vous réunissez les représentants des plateformes – j’ai dit que vous les grondiez… Mais il s’agit de délits et je me demande si nous ne devrions pas, en tant qu’autorité constituée, dénoncer ces faits au procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. C’est extrêmement grave que vous ne fassiez qu’en « parler » dans un salon de votre ministère…
Je veux m’adresser maintenant à mes collègues qui siègent de l’autre côté de l’hémicycle. Nous arrivons souvent à nous entendre sur des questions de distorsion de concurrence, parce qu’une partie d’entre vous ne supporte pas que les règles soient faussées, par exemple quand certaines entreprises sont soumises à l’Urssaf ou à un certain nombre d’impôts, alors que d’autres réussissent à contourner les règles dans une forme de combat irrégulier.
C’est pourquoi je m’étonne que certains d’entre vous ne réagissent pas à l’insupportable distorsion de concurrence dont nous parlons ce soir.
J’ai déjà parlé ici même d’une petite plateforme qui m’impressionne, Mediflash : elle profite de la pénurie de personnel hospitalier pour proposer à des établissements de santé des infirmières ou des aides-soignantes sous le statut d’autoentrepreneur.
Madame la ministre, pourquoi n’y a-t-il pas de contrôle sur ce genre d’activité ? J’ai lu dans les débats de l’Assemblée nationale que vous étiez prête à engager des recours contre ce type de plateforme. Je peux vous donner toutes les informations qu’il faut, si vous n’en trouvez pas de votre côté…
Je suis en contact avec le directeur d’une agence d’intérim de Metz. Il est confronté à cette distorsion de concurrence : il paye à l’Urssaf les cotisations sociales qui sont dues et il ne comprend pas que certaines entreprises, qui remplissent pourtant la même mission que lui, ne soient pas obligées de le faire. Cette situation est absolument inadmissible !
Madame Puissat, j’aurais aimé vous entendre sur le fait que ce texte va clairement contribuer à créer un tiers-statut, alors que vous y étiez – certes, à moitié – opposée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Olivier Jacquin. Qui plus est, vous nous empêchez de débattre de nos amendements relatifs au statut de ces travailleurs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 8 et 21.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. L’objet de cet amendement est de rétablir la version de l’ordonnance du 21 avril 2021 s’agissant de l’élection visant à désigner les organisations représentant les travailleurs des plateformes, ainsi que du champ d’intervention et de l’organisation de l’ARPE.
S’agissant de l’élection, peu de travailleurs sont à la fois VTC et livreurs, mais je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir, pour eux, une incompatibilité entre les deux secteurs. Il me semble que ces personnes doivent pouvoir participer à la désignation de leurs représentants des deux côtés.
S’agissant de l’ARPE, je pense qu’il n’est pas opportun de réduire son champ d’intervention. Lui confier un rôle de médiation, alors que nous sommes dans un secteur nouveau qui peut donner lieu à des incompréhensions entre les parties, me semble plutôt constituer une avancée.
Enfin, en ce qui concerne la composition du conseil d’administration de l’ARPE, il me semble intéressant que des parlementaires puissent y participer.
Pour conclure, je voudrais dire à M. le sénateur Jacquin que l’inspection du travail a déjà opéré des contrôles sur le faux travail indépendant et qu’elle continuera de le faire.
M. Olivier Jacquin. Et sur le travail dissimulé ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous sommes évidemment défavorables à cet amendement qui tend à rétablir le texte initial de l’ordonnance et qui va par conséquent à l’encontre de la position de la commission.
En ce qui concerne les travailleurs qui dépendraient des deux secteurs, nous avons modifié le texte dans la perspective de l’établissement d’un dialogue intersecteurs : dans ce cas, il faut en effet éviter qu’il y ait deux votes.
En ce qui concerne l’ARPE, organisme en devenir, il faut bien se rendre compte qu’elle aura fort à faire en matière de dialogue social. Clairement, ce ne sera pas une tâche facile, il faudra créer de l’appétence pour ces élections et du lien au sein d’un secteur dans lequel, je le maintiens, les rapports de force ne sont pas équilibrés.
L’ARPE aura un rôle à jouer dans ce rééquilibrage et nous considérons que cet organisme ne doit pas grossir de manière démesurée pour éviter tout risque financier.
Enfin, en ce qui concerne la gouvernance, la position constante du Sénat est qu’il ne faut pas multiplier les organismes où sont présents des parlementaires – députés ou sénateurs. Nous sommes d’ailleurs un peu surpris que le Gouvernement veuille revenir sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Lubin, MM. Jacquin et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation est abrogé.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer les dispositions de l’ordonnance du 21 avril 2021 prévoyant des mesures dérogatoires en matière de représentativité des organisations de travailleurs, notamment un seuil de 5 % de suffrages exprimés pour le premier scrutin, en tant qu’elles créent un dispositif sur mesure pour les entreprises de plateformes.
Nous continuons donc dans notre logique…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous continuons nous aussi dans notre logique…
Nous souhaitons qu’un dialogue social s’établisse et nous considérons que les mesures transitoires prévues, même si le seuil de 5 % a été manifestement inventé pour la circonstance – en tout cas, il n’existe nulle part dans le code du travail –, peuvent permettre de créer de l’appétence pour ces élections. Or on peut a priori éprouver quelques doutes sur le nombre de personnes qui y participeront.
En outre, ces mesures transitoires étaient prévues dans le rapport remis par Jean-Yves Frouin. Elles nous semblent donc acceptables, si bien que la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vous confirme que c’est la concertation menée avec les différents acteurs des plateformes qui nous a conduits à retenir un seuil transitoire de 5 % pour la première élection des représentants de ces travailleurs.
Il me semble important de tenir compte de la concertation qui a eu lieu. L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin :
1° De compléter les règles organisant le dialogue social de secteur, défini à l’article L. 7343-1 du code du travail, entre les plateformes mentionnées à l’article L. 7342-1 du même code et les travailleurs indépendants qui y recourent pour leur activité, en définissant :
a) Les modalités de représentation de ces plateformes ;
b) L’objet et le contenu des accords de secteur, notamment leur champ d’application, leur forme et leur durée ;
c) Les conditions de négociation, de conclusion et de validité des accords de secteur ;
d) L’articulation des accords de secteur avec les dispositions légales et réglementaires, les contrats conclus entre travailleurs indépendants et plateformes et les chartes établies en application de l’article L. 7342-9 dudit code ;
e) Les conditions d’application des accords de secteur ainsi que les modalités d’information des travailleurs indépendants sur ces accords ;
f) Les conditions dans lesquelles les accords de secteur peuvent être rendus obligatoires, par le biais d’une homologation décidée par l’État, pour toutes les plateformes et tous les travailleurs indépendants compris dans leur champ d’application ;
g) Les conditions dans lesquelles les organisations représentatives des travailleurs de plateformes et des plateformes au niveau des secteurs mentionnés à l’article L. 7343-1 du même code peuvent recourir à une expertise portant sur les éléments nécessaires à la négociation des accords de secteur et qui peut être d’ordre économique, financier, social, environnemental ou technologique ;
2° (Supprimé)
3° De compléter les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi mentionnée à l’article L. 7345-1 du même code, afin de lui permettre :
a) De fixer, au nom de l’État, la liste des organisations représentatives des plateformes au niveau des secteurs définis à l’article L. 7343-1 du même code ;
b) D’homologuer, au nom de l’État, les accords de secteur ;
c et d) (Supprimés)
4° De compléter les obligations incombant aux plateformes mentionnées à l’article L. 1326-1 du code des transports à l’égard des travailleurs indépendants qui y recourent, afin de renforcer l’autonomie de ces derniers dans l’exercice de leur activité :
a) En améliorant les modalités selon lesquelles ils sont informés sur les propositions de prestation, notamment en ce qui concerne la destination, et peuvent y souscrire, notamment en disposant d’un délai raisonnable pour se prononcer sur ces propositions ;
b) En leur garantissant une marge d’autonomie pour déterminer les modalités de réalisation des prestations, notamment en ce qui concerne l’itinéraire, et les moyens mis en œuvre à cet effet, tels que le matériel utilisé.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par Mme Lubin, MM. Jacquin et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 5 est présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 22 est présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon et Mmes Taillé-Polian et M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Monique Lubin. Dans la même logique, nous proposons la suppression de l’article 2.
Je ne vais pas répéter les mêmes arguments, mais nous nous opposons absolument à tout ce qui conduit, même graduellement, à la création de ce fameux tiers-statut, dont nous avons déjà parlé.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Pascal Savoldelli. Nous souhaitons également la suppression de cet article.
Si le droit ne contient aucune contrainte pour les plateformes numériques, on va leur laisser le pouvoir de décider seules du minimum social. Si l’ordonnance était écrite différemment, le Gouvernement pourrait peser sur les négociations.
Or ce secteur est très éclaté et beaucoup de travailleurs sont dans une situation extrêmement précaire. Il revient donc au Gouvernement et au Parlement de fixer un cadre et des contraintes aux plateformes, ce qui n’est pas possible avec cet article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 22.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 2 du présent projet de loi organise le dessaisissement du Parlement, en habilitant une nouvelle fois le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l’instauration d’un cadre de dialogue social au niveau des plateformes.
Nous le répétons, de telles dispositions doivent être débattues au Parlement à l’occasion d’un projet de loi en bonne et due forme, non d’une habilitation à légiférer par ordonnance, et en respectant les règles de la démocratie parlementaire.
Ni les parlementaires ni les travailleurs n’auront donc quoi que ce soit à dire sur les modalités de représentation que le Gouvernement fixera de manière unilatérale. Il en sera de même sur le rôle, somme toute faible, qu’il semble vouloir conférer à l’ARPE, puisque cette institution n’aura pour mission que d’organiser le dialogue et les élections sans que rien soit prévu pour qu’elle puisse intervenir en cas d’abus. Il semblerait que nous soyons ainsi devant une sorte de coquille vide.
Nous dessaisissons le Parlement de son rôle et, dans la pure tradition néolibérale, nous transformons les organismes et établissements publics en agences d’organisation du marché, en laissant les travailleurs démunis face à leur hiérarchie de fait.
C’est pourquoi le groupe écologiste demande par cet amendement la suppression de l’article 2. On ne peut pas faire l’économie d’un projet de loi et d’une discussion démocratique, sociale et parlementaire sur l’ensemble des droits sociaux des travailleurs, lorsqu’on évoque un tel sujet, qui concerne près de 200 000 travailleurs – un chiffre malheureusement voué à grossir dans les prochaines années, si le secteur n’est pas régulé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous restons cohérents : nous avons fait le choix du dialogue social dans ce secteur et nous avons accepté d’habiliter le Gouvernement à prendre une deuxième ordonnance.
Néanmoins, nous avons modifié la première ordonnance avec un certain nombre d’amendements, en portant le dialogue social au niveau sectoriel, en précisant les champs obligatoires de la négociation – c’est l’objet de l’article 3 – et en précisant le rôle de l’ARPE.
La commission est donc défavorable à ces amendements de suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article.
En effet, nous devons encore organiser et structurer le cadre applicable au dialogue social – thèmes de négociation, périodicité ou conditions de validité des accords – et l’ensemble des sujets couverts par la procédure d’habilitation doit encore faire l’objet de concertations.
Il est clair que certains sujets seront incontournables, comme la détermination d’un revenu minimal d’activité, la sécurisation des parcours professionnels ou encore l’amélioration des conditions de travail. C’est d’ailleurs le sens de l’amendement n° 17 déposé par le Gouvernement, qui vise à préciser l’habilitation sur les thèmes qui pourront donner lieu à une négociation.
Sur la méthode, l’intention du Gouvernement n’est pas d’empêcher le débat parlementaire, comme en atteste l’examen de ce projet de loi. Je le redis, je me tiens à la disposition du Parlement pour l’informer de manière régulière de l’avancée des travaux sur les projets d’ordonnances. Par ailleurs, un projet de loi de ratification des futures ordonnances sera déposé au Parlement, ce qui nous permettra à nouveau de débattre de ces sujets.