M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 1856, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
M. Pascal Martin. Madame la secrétaire d’État, la directive de l’Union européenne de 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la navigation intérieure doit être transposée en droit français au plus tard le 17 janvier 2022. Elle va faire évoluer les conditions d’entrée dans la profession et profondément modifier le cadre d’exercice à compter de cette date.
Sur le principe, les certificats de conduite délivrés avant le 17 janvier 2022 restent valides et pourront être échangés contre un certificat de qualification de niveau 5 pendant dix ans.
Cependant, leur renouvellement au-delà de cette période et le recrutement de nouveaux mariniers dès le mois de janvier 2022 impliqueront des exigences supplémentaires en temps de navigation.
Or ces exigences sont exorbitantes au regard de la spécificité des six bacs fluviaux, qui effectuent une traversée de la Seine de très courte distance, entre 200 mètres et 300 mètres, et de courte durée, entre trois minutes et quatre minutes, avec une capacité réduite de passagers et de véhicules légers.
Compte tenu des importants enjeux sociaux et économiques, et dans un souci de continuité et de pérennité du service public des bacs fluviaux sur la Seine entre Rouen et l’estuaire, je souhaiterais savoir si la spécificité des bacs fluviaux à passager sera prise en compte dans la transposition de la directive.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Pascal Martin, la directive européenne sur laquelle vous avez souhaité attirer notre attention a trois objectifs majeurs, que nous pouvons, me semble-t-il, collectivement saluer : tout d’abord, garantir une reconnaissance commune des qualifications fondée sur les compétences qui sont nécessaires à bord des bateaux ; ensuite, renforcer le marché de la navigation intérieure en facilitant la mobilité des travailleurs ; enfin, garantir que les exigences en matière de gestion des risques soient proportionnées à leur objectif de sécurité.
À terme, la valorisation des compétences des métiers de la navigation fluviale renforcera leur attractivité et permettra le renouvellement du vivier, en attirant, nous l’espérons, de jeunes et nouveaux candidats.
Les bacs que vous évoquez entrent dans le champ des types de bâtiments recensés dans la directive, et cela sans marge d’interprétation à cet égard.
Néanmoins, il est effectivement utile de rappeler que le niveau d’exigences en matière de qualification dépendra des risques spécifiques identifiés pour le transport considéré.
La directive propose de fonder la reconnaissance des qualifications professionnelles sur des exigences obligatoires sur toutes les voies de navigation intérieure de l’Union européenne, y compris le Rhin, qui devront être respectées par tous les membres d’équipage. Ces exigences requises nécessaires à l’exploitation d’un bateau incluent un référentiel de compétences liées aux différentes fonctions exercées à bord et à certaines situations spécifiques. On pense par exemple à la navigation à caractère maritime ou pour les grands convois.
Or ce niveau d’exigence au titre des bacs ne sera pas le plus élevé imposé par la directive. Vous l’avez indiqué, les certificats des conducteurs obtenus avant le 17 janvier 2022 seront encore valables pour dix ans. Cette période de transition, qui est instaurée par la directive elle-même, doit permettre d’anticiper les difficultés dans la mise en œuvre du texte.
Évidemment, nous sommes tous conscients de la nécessité d’accompagner l’ensemble des professionnels de la voie d’eau. Un groupe de travail est mis en place ce 30 novembre entre les professionnels et les services du ministère chargé des transports pour apporter des solutions aux difficultés pouvant découler de l’application de la directive.
Nous veillerons, je vous le garantis, à ce que l’ensemble des activités fluviales ne soient pas perturbées par la transposition.
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.
M. Pascal Martin. Madame la secrétaire d’État, vous le comprendrez, votre réponse ne me satisfait pas totalement.
À mon sens, la directive européenne devrait prendre en compte les spécificités des territoires. Ainsi que je l’ai précisé dans ma question, les six bacs fluviaux organisés par le conseil départemental de la Seine-Maritime effectuent avec peu de passagers des traversées de 200 mètres à 300 mètres, d’une durée comprise entre trois minutes et quatre minutes.
J’ose espérer que de telles spécificités seront prises en compte dans la transposition française, afin d’assurer la continuité de ce service public particulièrement apprécié des habitants de notre département, la Seine-Maritime.
entreprises de transport cyclable de tourisme
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1879, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Mme Agnès Canayer. Nouvelle mobilité de substitution, madame la secrétaire d’État, le transport touristique de personne par vélo est particulièrement écologique. C’est pourquoi il se développe de plus en plus, notamment dans les grandes villes.
Lancée au mois de juin 2021 au Havre, la jeune entreprise T’tuktuk? organise des circuits touristiques pour faire découvrir la ville à travers des parcours commentés grâce à des véhicules 100 % électriques. Pour exercer son activité, elle a bénéficié d’une autorisation d’occupation du domaine public, que la ville du Havre a été contrainte de lui retirer.
En effet, selon l’interprétation des services de l’État, l’entreprise relève du statut des taxis-motos, donc du code des transports. Cette classification étonnante et propre à la Seine-Maritime impose à T’tuktuk? de nombreuses contraintes, comme l’obligation pour les conducteurs de passer le permis B ou de suivre une formation de trois mois.
Ce rattachement interprétatif méconnaît la spécificité de l’activité de T’tuktuk?, qui est non pas le transport de personnes d’un point à un autre, mais bien la visite de loisirs et de tourisme selon des circuits définis.
Une telle situation est d’autant plus contradictoire que la réglementation ne s’applique pas aux entreprises similaires à Bordeaux, Limoges ou d’autres villes, où les véhicules concernés sont assimilés à de petits trains touristiques.
Aussi, le Gouvernement peut-il clarifier et harmoniser la réglementation liée au transport touristique de loisirs avec circuits définis, comme pour l’entreprise T’tuktuk?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Agnès Canayer, vous m’interpellez sur les règles applicables aux activités de transport de personnes à titre onéreux avec des véhicules motorisés d’une puissance supérieure à 0,25 kilowatt à trois roues, communément appelés « tuk-tuks », qui relèvent bien du cadre du transport public particulier de personnes (T3P), et ce même si elles sont assorties de commentaires touristiques.
Au niveau réglementaire, elles sont donc soumises aux dispositions des articles R. 3123-1 à R. 3121-5 du code des transports, applicables pour l’exploitation de véhicules motorisés à deux ou trois roues et d’une puissance supérieure à 0,25 kilowatt utilisés pour le transport de personnes.
Le cadre juridique en vigueur est donc défini et précis. Il répond à deux principaux objectifs : d’une part, assurer la sécurité nécessaire pour les passagers et les autres usagers de la route s’agissant d’une activité de transport de personnes ; d’autre part, garantir des conditions de concurrence équilibrées entre les différents opérateurs de transport.
C’est donc à ce titre que les conducteurs de ces véhicules doivent posséder une carte professionnelle pour les véhicules motorisés à deux ou trois roues, que les opérations entrent dans le cadre de la réservation préalable et que les véhicules sont tenus de respecter la signalétique définie par le code des transports.
Je vous le confirme, le Gouvernement n’envisage pas de faire évoluer le cadre juridique, qui apparaît adapté aux enjeux, évoqués à l’instant, de sécurité et de concurrence équilibrée.
Pour prévenir toute différence de traitement, ces règles ont été rappelées aux préfets en vue de veiller à leur bonne application sur l’ensemble du territoire national.
Il me paraît important de le souligner, les exploitants de petits trains routiers touristiques que vous mentionnez relèvent du transport collectif de personnes. À ce titre, ils doivent être inscrits au registre des transporteurs publics. Et s’ils sont dispensés des exigences de capacité professionnelle et financière, ils restent soumis aux exigences requises d’honorabilité et d’établissement.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Madame la secrétaire d’État, là encore, votre réponse ne nous satisfait pas.
Nous comprenons évidemment les impératifs de sécurité relatifs au transport des personnes. Néanmoins, comparer des entreprises de transport de vélos électriques de personnes avec des capacités réduites comme T’tuktuk? à des transports publics et les distinguer du statut des petits trains touristiques dont ils se rapprochent ne nous paraît ni satisfaisant ni conforme aux enjeux des territoires et du développement de modes de tourisme de substitution.
prolongement du dispositif alvéole
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 1880, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Olivier Henno. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le dispositif de subventions Alvéole.
Ce programme au service des communes, qui vise à financer des abris vélo et des actions de sensibilisation, est animé par la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) et par le cabinet ROZO. En effet, nombreux sont les élus locaux qui considèrent comme essentiel de développer les modes de transport de déplacement doux pour apporter leur pierre à la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi pour améliorer la qualité de vie dans leur commune, mieux respirer et mieux vivre.
Des communes du département du Nord, mais sans doute aussi beaucoup d’autres, ont passé commande de box à vélos auprès de fournisseurs. Je pense à la ville de Lambersart, dont le maire, Nicolas Bouche, s’est adressé à un fournisseur de Nantes dans le courant de mai 2021.
Cependant, l’entreprise ne peut honorer cette commande dans le délai permettant de bénéficier de la subvention.
La faute incombe à une forte demande et à la pénurie actuelle de matières premières, notamment – ce n’est un secret pour personne – l’acier. Cette commune s’est alors rapprochée du dispositif Alvéole pour tenter d’obtenir de sa part un sursis en rapport avec l’allongement important des délais des fournisseurs. Mais elle n’obtient pas de réponse satisfaisante pour l’instant.
Je souhaite donc interpeller le Gouvernement, au nom de l’ensemble des communes du Nord pour qu’Alvéole soit prolongé jusqu’à la fin de l’année. Le dispositif est intéressant, et toutes les communes devraient pouvoir en profiter si elles ont effectué les démarches dans les délais impartis.
Aussi, est-il possible que le Gouvernement intervienne en faveur d’un assouplissement du dispositif Alvéole au profit de la commune de Lambersart, mais aussi de beaucoup d’autres, donc au bénéfice du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Olivier Henno, le programme Alvéole, mis en œuvre dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) et piloté par la FUB et la société ROZO, vise notamment à implanter des stationnements sécurisés pour les vélos par les collectivités, les bailleurs sociaux et les établissements scolaires.
Au mois de juin 2021, le programme a permis d’installer plus de 10 000 places de stationnements pour les vélos. Le programme Alvéole se terminera le 31 décembre 2021.
Le programme Alvéole+, doté de 35 millions d’euros, poursuivra et amplifiera les actions jusqu’à la fin de l’année 2024. Il a été élaboré sur les mêmes principes que le programme Alvéole, avec un dépôt de dossier, une instruction d’éligibilité et une aide CEE, en apportant une aide renforcée pour accompagner la mise en place des zones à faibles émissions mobilité.
Pour être accompagnés par le programme Alvéole, il était attendu que les porteurs de projet déposent avant le 12 novembre 2021 les pièces justificatives pour solliciter l’aide CEE. Les dossiers déposés qui n’auront pu être réalisés dans les délais à la suite d’une pénurie de matériaux seront examinés prioritairement dans le cadre du programme Alvéole+.
Depuis plusieurs mois, nous avons été alertés sur la situation de pénurie internationale des matières premières touchant tout particulièrement le secteur du vélo, tant pour l’achat d’un vélo à assistance électrique que pour l’installation des stationnements.
J’en viens à la commune du département du Nord sur laquelle vous m’interpellez. Compte tenu du fait que la commande a été émise en mai 2021 et qu’elle n’a pas été honorée du fait de la pénurie de matières premières, ce projet sera examiné prioritairement dans le nouveau programme Alvéole+. Son porteur, la FUB, s’est engagé à répondre rapidement aux demandeurs qui s’étaient manifestés dans Alvéole.
Enfin, je vous confirme l’engagement du Gouvernement en faveur du programme Alvéole+, qui commencera dès 2022, pour placer le vélo au cœur des habitudes et du quotidien des citoyens.
surcoût des routes lié à la nouvelle réglementation relative à la recherche d’amiante
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, auteur de la question n° 1922, transmise à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
M. Laurent Duplomb. Madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, comme je lutte de manière régulière contre les normes idiotes en général, je voudrais vous faire part d’une nouvelle norme idiote qui va toucher notre pays.
Par décret du 4 mai 2012, une norme avait été mise en place pour imposer la recherche d’amiante dans les chaussées. Cela se faisait de façon régulière par un carottage de l’ensemble de la chaussée, donc par une mesure portant sur l’ensemble des composantes de celle-ci, comme le bitume et les différents agrégats. Ainsi, dans mon département, plus de 1 000 kilomètres ont été analysés, pour un coût de 400 000 euros.
Toutefois, malheureusement, en 2019 un arrêté a été pris modifiant cette norme. Elle ne pourra plus être conduite uniquement par le département et ses services, puisqu’il faudra passer par une personne référente, qui aura un caractère particulier. De plus, l’analyse ne pourra plus être faite sur l’ensemble de la chaussée, c’est-à-dire le bitume et les agrégats. Il faudra réaliser une analyse pour chaque catégorie.
Cela signifie, par définition, que le carottage continuera de se faire et que les surcoûts des analyses seront plus importants. Selon les estimations, les 2 400 kilomètres de routes qu’il reste à expertiser dans le département de la Haute-Loire coûteront plus d’un million et demi d’euros.
Madame la secrétaire d’État, dans un pays comptant plus de 3 000 milliards d’euros de dette, les collectivités locales devront-elles encore mettre la main à la poche de manière extrêmement importante pour continuer de faire des analyses qui ne servent pas à grand-chose ? Je le rappelle, sur les 1 000 kilomètres que le département a déjà analysés, il n’a été trouvé aucune trace d’amiante… Avons-nous besoin d’augmenter encore plus ces analyses ?
Par ailleurs, les départements pourront-ils continuer de le faire ? Ou faudra-t-il en plus passer par un prestataire de services ? Ce point n’est pas précisé dans la circulaire… Comment tout cela va-t-il se passer ?
M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
M. Laurent Duplomb. J’espère que, à l’avenir, vous pourrez faire modifier la norme, afin de rendre tout cela plus simple.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Laurent Duplomb, vous nous interpellez sur les nouvelles dispositions relatives à la recherche d’amiante dans les matériaux de chaussées.
Depuis 1993, les maîtres d’ouvrage de chantiers du BTP sont effectivement tenus par une obligation spécifique d’évaluation des risques, notamment le risque d’exposition aux fibres d’amiante, pour assurer la protection de l’ensemble des travailleurs qui interviennent sur ces opérations.
M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas la question !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Le législateur et le pouvoir réglementaire ont souhaité préciser le cadre juridique visant à répondre à cet objectif prioritaire de santé publique.
Ce cadre, vous le connaissez : la loi du 8 août 2016 fonde l’obligation légale de repérage ; elle a été complétée par le décret du 9 mai 2017 relatif au repérage de l’amiante avant certaines opérations, qui en précise notamment le champ d’application, en dressant la liste des six domaines d’activité relevant de ladite obligation ; enfin, en complément, l’arrêté du 1er octobre 2019 a défini les compétences attendues des laboratoires.
Désormais, il reste à publier les deux arrêtés relatifs au domaine des immeubles non bâtis.
M. Laurent Duplomb. C’est là le problème !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Parmi ces arrêtés, celui qui concernera les ouvrages de génie civil et les infrastructures de transport rendra effectivement obligatoire la norme NF X46-102.
Ces arrêtés sont indispensables, me semble-t-il, pour fixer le cadre des responsabilités des différents protagonistes d’une mission de recherche de l’amiante, qu’il s’agisse du donneur d’ordre, de l’opérateur de repérage ou du laboratoire d’analyses, mais aussi pour aider les donneurs d’ordre à répondre à leurs propres obligations.
J’y insiste : ce cadre juridique est effectivement plus sécurisant pour les donneurs d’ordre et notamment pour les départements.
Certes, la présence potentielle d’amiante exige des précautions indispensables, qui sont à la charge de ces donneurs d’ordre, notamment la réalisation d’opérations de repérage, telles qu’elles sont décrites dans le nouveau référentiel.
Toutefois, les surcoûts qui en résultent sont limités. À ce jour, ils sont évalués à près de 2,5 % du montant d’une opération de travaux.
Afin de prendre en compte l’évolution de ces dispositions, le projet d’arrêté prévoit d’accorder un délai de mise en œuvre, qui laisserait aux donneurs d’ordre le temps de s’organiser et intégrerait le délai de formation des opérateurs de repérage.
défense de la ruralité et de ses traditions face aux menaces de disparition
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 1815, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
Mme Else Joseph. Madame la secrétaire d’État, nous assistons, ces dernières années et surtout ces derniers mois, à des remises en cause fréquentes de la vie rurale et des modes de vie traditionnels, pourtant ancrés.
Rien n’a été épargné. On croyait certaines traditions protégées : elles sont non seulement attaquées, mais elles passent parfois sous les fourches caudines du juge.
Ainsi, le chant du coq est menacé. Combien de temps encore cet animal pourra-t-il chanter ? Les sonneries des cloches sont, elles, contestées ; visiblement, elles dérangent certains néoruraux.
Récemment encore, les atermoiements du Conseil d’État sur certaines chasses traditionnelles, comme la tenderie aux grives dans mon département des Ardennes, ne semblent plus mettre de borne à cette fièvre déconstructrice.
Les habitants de ces territoires sont inquiets : ils se demandent quelle sera la prochaine étape. C’est, pour eux, une véritable préoccupation.
Loin de moi l’idée d’opposer le monde rural au monde urbain. Je m’inscris en faux contre ce manichéisme qui dresserait la campagne contre la ville, mais la vie de nos campagnes ne doit pas être détruite au nom de certaines lubies, qui manifestent une incompréhension radicale de la ruralité.
La crise a révélé de nouveaux choix en termes de cadre de vie. L’attrait pour la campagne est plus fort que jamais. Encore faut-il tenir compte de ceux qui y vivent. La ruralité n’est pas une terre sauvage, non plus qu’une zone vierge qui n’aurait pas été façonnée par le travail plus que millénaire de l’homme. Je vous remercie de reconnaître la valeur du patrimoine rural, fruit de ces générations qui nous ont précédés.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour protéger la ruralité et, comme aurait dit Georges Pompidou, pour cesser d’embêter les Français en opposant les ruraux aux urbains ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Else Joseph, vous nous interpellez sur la richesse de nos terroirs, de nos traditions et de nos territoires. Ce n’est pas la Haut-Marnaise qui vous parle qui démentira l’existence de ce patrimoine naturel et culturel, que nous chérissons.
Ces traditions font en effet partie intégrante du patrimoine dont notre pays a hérité et sur lequel il s’est construit, au travers de son histoire.
Le Gouvernement s’attache à faire vivre cette ruralité et ses habitants, grâce aux programmes que vous connaissez et aux élus qui les font vivre. Je pense en particulier aux Petites Villes de demain ou encore au fonds Friches, qui vise à revitaliser des zones industrielles délaissées en ville comme à la campagne.
La création, en 2019, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires vient soutenir cette ambition, et d’importants financements sans précédent, issus du plan de relance, appuient cette politique.
Malheureusement, les campagnes sont également les premiers témoins des pertes de biodiversité. Le suivi des populations d’oiseaux communs illustre cette tendance à la baisse : en moins de trente ans, le nombre de ces derniers a chuté de 30 %.
Au travers notamment du label Territoires engagés pour la nature, l’État valorise les actions et l’engagement des collectivités territoriales qui agissent en faveur de la biodiversité.
Par ailleurs, vous évoquez, madame la sénatrice, la question des chasses traditionnelles. Comme vous le savez, le Conseil d’État a annulé, en août 2021, les arrêtés pris par le ministère de la transition écologique au motif d’une non-conformité avec la directive européenne Oiseaux de 2009.
Au regard de cette décision, le ministère a renforcé la motivation de ses arrêtés publiés le 12 octobre dernier. Le 25 octobre, ces derniers ont été suspendus en référé par le Conseil d’État, dont le jugement sur le fond est à venir.
À l’instar de la politique que j’entends mener à l’égard de ces chasses traditionnelles, ce jugement devrait être très simple : nous devons respecter le cadre européen fixé par la directive Oiseaux ; nous devons surveiller l’évolution des populations d’oiseaux ; nous devons, enfin, contrôler les pratiques, en particulier leur sélectivité. Il importe vraiment de rester dans ce cadre et de ne pas laisser s’installer le sentiment que ces pratiques traditionnelles porteraient une quelconque atteinte au bien-être ou à l’image de ces territoires.
Nous nous inscrivons simplement dans un cadre que tout le monde conçoit et, me semble-t-il, entend respecter : celui de la gestion adaptative.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse, mais je ne suis pas sûre qu’elle rassurera complètement les habitants de mon territoire, en particulier en ce qui concerne les chasses traditionnelles.
Si je reconnais que des politiques sont menées en faveur de la ruralité, je constate également que des contraintes pèsent sur cette dernière.
À cet égard, la question que pose, sur mon territoire rural, le développement de l’éolien est particulièrement importante : les éoliennes ont tendance à s’y étendre et à marquer, voire à « miter », le paysage. Je suis assez inquiète à ce sujet, madame la secrétaire d’État.
contrôle du respect de la protection de l’environnement dans le cadre de constructions nouvelles
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, auteur de la question n° 1934, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Guy Benarroche. Madame la secrétaire d’État, j’attire votre attention sur le projet immobilier Grande Bastide, lancé dans la ville de Velleron, dans le Vaucluse.
Situé à la lisière du parc naturel du mont Ventoux, ce site d’une superficie de 7 hectares, jusqu’alors classés en zone naturelle, a fait l’objet d’une opération immobilière, validée par la majorité sortante juste avant les élections et remise en cause, à juste titre, par la nouvelle équipe municipale conduite par son maire, Philippe Armengol.
Ce projet de grande ampleur prévoit la construction de 200 logements, ce qui implique un accroissement de la population de plus de 600 habitants et une circulation automobile d’environ 400 véhicules supplémentaires par jour.
Les infrastructures municipales ne sont absolument pas dimensionnées pour un tel projet induisant un accroissement de population de près de 20 % et un flux de véhicules important, sans compter la destruction d’une zone de promenade. C’est pourquoi la majorité des habitants de cette commune, de même que son maire, sont mobilisés contre ce projet immobilier.
De plus, une zone humide a été comblée par le propriétaire quelques semaines avant le démarrage de l’étude d’impact.
Les aménageurs n’ont rien prévu pour répondre à ces inquiétudes. Réalisée en un temps réduit et non sur quatre saisons, l’étude d’impact n’est pas conforme aux exigences légales.
En dépit de la demande de régularisation adressée au promoteur par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), les travaux ont commencé dès le 26 octobre 2021, sans qu’aucun des services de l’État soit intervenu, notamment ceux de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui est pourtant placé sous votre tutelle, madame la secrétaire d’État.
Depuis lors, par une lettre du 3 novembre 2021, le préfet a enjoint au promoteur de cesser ces travaux, dans l’attente du dépôt et de l’étude d’une dérogation au régime de protection stricte des espèces protégées.
Les questions sur le processus demeurent, madame la secrétaire d’État : comment expliquez-vous que l’aménageur ait pu commencer ses travaux sans mise en conformité et sans régularisation, sur la base d’une étude d’impact incomplète ? De même, comment expliquez-vous qu’un étang ait pu être comblé avant que n’aient pu être recensées les espèces protégées, et ce sans dérogation préfectorale ?
Devant l’urgence environnementale et conformément à l’objectif zéro artificialisation nette des terres (ZAN) défini dans son plan biodiversité par le Gouvernement, je vous demande, madame la secrétaire d’État, si ce dernier compte mettre en œuvre concrètement ses déclarations d’intention, et comment il compte améliorer la réactivité des services de l’État, face à un projet mal pensé et inadapté aux besoins de la population locale.