Mme le président. La parole est à M. Stéphane Demilly. (M. Michel Canévet applaudit.)
M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, certes, les questions de dotation d’ingénierie, de PLUi ou de téléphonie sont importantes et mes collègues les ont d’ailleurs abordées, mais, quand on parle d’aménagement et de cohésion du territoire, ce qui me vient spontanément à l’esprit – et cela vient aussi à l’esprit de 7,4 millions de nos compatriotes –, c’est la thématique de l’accès aux soins.
En 2021, plus de 11 % de la population française ne dispose toujours pas d’un accès facile et évident aux soins. Ce problème va crescendo, puisque cette proportion n’était que de 7 % en 2012.
Les raisons en sont multiples – de l’incapacité des gouvernements successifs à anticiper la démographie médicale sur le moyen et le long terme à la vague massive de départs à la retraite de médecins généralistes, en passant par l’absence de mesures radicales, de peur de froisser un lobby médical politiquement sensible.
Certes, des mesures ont été prises et des solutions mises en place, mais elles relevaient plus de l’homéopathie que de la médecine d’urgence.
Même l’égalité d’accès aux soins, dont la France pouvait, par le passé, s’enorgueillir, se délite : on compte un médecin pour 400 habitants dans les Alpes-Maritimes et moins d’un médecin pour 1 000 habitants dans l’Eure ou en Seine-et-Marne. Les gens sont-ils plus malades à Nice, Cannes ou Antibes qu’à Évreux ou Melun ?
Du point de vue de l’égalité d’accès aux soins, notre devise républicaine, issue de l’article 2 de la Constitution, est bousculée.
Si l’on ajoute à ce constat statique qu’un tiers des médecins généralistes ont plus de 60 ans, on ne peut qu’appréhender l’avenir.
Et que dire des dentistes, quatre fois plus nombreux, à population égale, dans les Alpes-Maritimes que dans la Somme, des dermatologues, des gynécologues ou – pompon du palmarès – des ophtalmologistes, auprès desquels le délai moyen pour obtenir un rendez-vous approche les quatre-vingts jours, contre plusieurs mois chez moi, dans le département de la Somme ?
Aucune des initiatives qui pourront être prises, qu’elles émanent des collectivités ou de l’État, qu’elles se concentrent sur les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou sur les zones fiscalement attrayantes, ne nous protégera du tsunami qui se profile.
Madame la ministre, sur ce sujet, le temps des rapports, des constats, des concertations et des mesurettes doit laisser place à un plan Marshall.
Ayez de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace, pour sauver la carte sanitaire française et, enfin, entendre les oubliés de la santé ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question et, surtout, de l’avoir posée de cette façon.
Partout où je vais, dans tous les territoires, le problème numéro un est celui de la démographie médicale. Comme vous l’avez expliqué, ce problème s’est lentement mais sûrement installé et nous avons aujourd’hui à faire face à une situation assez difficile.
Je ne détaille pas les décisions déjà prises – d’autres les ont rappelées –, par exemple la suppression du numerus clausus ou l’augmentation de l’offre de formation pour les infirmières, sujet sur lequel nous travaillons avec les régions.
Parallèlement à tous ces aménagements réalisés en lien étroit avec les collectivités territoriales qui ne porteront leurs fruits que dans une dizaine d’années – cinq ans pour les infirmières –, nous devons agir dans l’urgence.
Nous allons prendre encore d’autres mesures, dans le cadre du projet de loi 3DS sur lesquelles je ne reviens pas non plus, puisqu’elles ont été discutées par cette assemblée.
Je pense notamment à l’autorisation que nous comptons accorder aux collectivités territoriales, afin de leur permettre d’ouvrir des emplois de médecins salariés. L’État a lui-même lancé un programme de recrutement de 400 médecins salariés. Faute de postulants – il y a carence pour tout le monde ! –, ils ne sont aujourd’hui que 200 à être en poste.
Par ailleurs, nous augmentons la prime des médecins qui acceptent d’accueillir des stagiaires dans leur cabinet. Ces médecins sont souvent à la veille de la retraite et il s’agit là d’une des méthodes – je dis bien une des méthodes – qui contribuent, pour peu que le stagiaire se plaise, à l’installation de nouveaux médecins sur le territoire.
Nous augmentons également la prime à destination des internes.
Au-delà de ces mesures visant à parer à l’urgence, un département comme la Saône-et-Loire a, par exemple, embauché des médecins salariés pour trois ans, en espérant que, sur la trentaine de médecins recrutés, certains resteront.
Enfin, les coopérations entre l’hôpital et la médecine de ville sont également très importantes.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (M. Joël Bigot applaudit.)
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la ministre, je souhaite ici relayer les inquiétudes que de nombreuses collectivités de notre pays éprouvent quant à leur situation financière, plus particulièrement celles de mon département, le Pas-de-Calais, et plus précisément encore celles de l’ancien bassin minier, qui compte en son sein les communes les plus pauvres de France.
La crise sanitaire perdure et, au vu de l’actualité de ces derniers jours, nous sommes en droit de penser qu’elle ne se terminera pas rapidement. Or les conséquences de cette crise sanitaire sur les finances locales depuis bientôt deux ans sont loin d’être négligeables.
Pour y faire face, les communes, les EPCI, les départements ou les régions ont augmenté considérablement leurs dépenses de fonctionnement, en embauchant du personnel médical, en achetant en plus grande quantité des produits d’hygiène et d’entretien, en investissant dans du matériel de détection – le fameux capteur de CO2 –, de protection – les masques – ou encore de prévention – les purificateurs d’air.
Comme l’établit dans son rapport annuel la direction générale des collectivités territoriales, en 2020, les collectivités locales ont affiché un besoin de financement de plus d’un demi-milliard d’euros, un montant inédit depuis cinq ans.
Ce même rapport met également en exergue les inégalités d’investissement selon les collectivités, avec un recul net du montant investi pour le bloc communal.
Dans un département comme le mien, qui compte 890 communes, vous comprendrez, madame la ministre, que je sois régulièrement interpellé par les élus.
Ces derniers s’inquiètent des hausses annoncées pour 2022 des matériaux et matériels pour le BTP, alors même que ces matériaux ont déjà subi une augmentation de 15 % à 20 % en 2021.
À titre d’exemple, le ciment verra son prix augmenter de 10 %, à partir du 1er janvier prochain. Cette augmentation sera de 20 % pour les produits à base d’aluminium ainsi que pour la laine de roche – et je ne vous parle pas des délais de livraison qui s’allongent.
Toujours au rayon des mauvaises nouvelles, la hausse des coûts de l’énergie sous toutes ses formes est venue se greffer à cette situation, ce qui a des effets considérables sur le budget de fonctionnement de nos collectivités, ainsi que sur leurs capacités d’autofinancement.
Madame la ministre, mes questions seront donc claires et simples. Que compte proposer le Gouvernement pour soutenir les finances locales ? Une hausse de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) est-elle notamment envisagée ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, sans vouloir faire de l’esprit, je vous répondrai que c’est à cela que servent les débats financiers dans les assemblées… Quand ils n’ont pas lieu, c’est regrettable.
La hausse du prix des matières premières est, bien sûr, une réalité que vivent tous les artisans et tous les industriels. Si l’inflation ne devrait pas peser sur les devis qui ont déjà été signés, cela sera sans doute le cas pour les travaux à venir.
Pour en tenir compte, vous appelez à une hausse de la DETR et de la DSIL. Or, pour la DSIL, il me semble que votre demande est satisfaite, puisque le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une augmentation de cette dotation de plus de 300 millions d’euros. Quant à la DETR, elle atteint dorénavant un milliard d’euros, ce qui est considérable. Bien sûr, on peut toujours faire davantage, mais nous sommes évidemment soumis à des contraintes budgétaires et il faut respecter un certain équilibre.
Je note par ailleurs que l’inflation aura des conséquences positives, si vous me permettez de le dire ainsi, sur certaines ressources locales, ce qui permettra aux collectivités de faire face à la hausse des prix.
Par exemple, la valeur locative cadastrale qui sert de base aux impôts fonciers suit l’inflation et devrait augmenter de ce fait de 3,2 % en 2022, ce qui rapporterait mécaniquement plus de un milliard d’euros aux communes et aux intercommunalités.
Autre exemple, la TVA : son produit dépend des prix à la consommation, si bien qu’elle pourrait rapporter 400 millions d’euros supplémentaires en 2022 aux intercommunalités, 815 millions aux départements et 800 millions aux régions.
J’ajoute pour conclure, monsieur le sénateur, que nous avons pris la décision de proroger en 2022 le dispositif de soutien aux régies municipales voté l’an dernier. C’est un autre exemple qui montre que le Gouvernement est bien à l’écoute des collectivités territoriales.
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Avant de vous poser ma question, madame la ministre, je reviens sur la réforme de la taxe d’habitation. Je reste persuadé et je persiste à dire que c’était une mauvaise réforme aussi bien pour les collectivités territoriales qu’en termes de justice sociale.
Je vous rappelle en effet que 80 % des ménages les plus modestes ont profité de 57 % des économies réalisées par les contribuables, tandis que les 20 % les plus aisés en bénéficieront à hauteur de 43 %. En moyenne, les premiers auront un gain de 555 euros,…
M. Éric Kerrouche. … alors que les seconds profiteront à terme d’une économie de 1 158 euros.
J’en viens à ma question.
Dans les instructions ministérielles du mois de mai 2020 relatives aux modalités d’organisation de l’ANCT, dans les plaquettes d’information, ainsi que lors du débat de contrôle qui a eu lieu l’an dernier, vous avez mis en valeur l’évaluation et l’impact territorial des actions de l’agence. Ma question s’inscrit dans cette logique.
Vous avez raison, le suivi et l’évaluation de l’ANCT sont des sujets très importants et, dans le cadre du rapport d’information sur l’organisation territoriale de l’État qu’Agnès Canayer et moi-même réalisons pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, 1 500 élus ont répondu à un questionnaire qui portait justement sur ces sujets : parmi eux, 40 % qualifient le niveau d’ingénierie dont ils disposent de « ni bon ni mauvais » ; lors du lancement d’un projet complexe, plus de 50 % font appel au département ou à l’intercommunalité, seuls 12 % font en priorité appel à l’État et 18 % au secteur privé.
Surtout, moins de 50 % des répondants connaissent l’ANCT. Parmi eux, 22 % seulement ont fait appel à ses services.
Vous l’avez dit, madame la ministre, c’est une institution jeune. Quels sont ses atouts et ses faiblesses ? Comment comptez-vous la développer ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous savez très bien que le Gouvernement voulait supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. C’est à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel qu’il a décidé d’appliquer cette réforme à l’ensemble des contribuables.
En ce qui concerne l’ANCT, j’ai déjà répondu à cette question. Je compte bien évidemment sur le relais des parlementaires – je le dis très honnêtement – pour faire connaître l’agence dans l’ensemble des territoires, en particulier dans les communes rurales, celles qui ont le plus besoin de son appui.
Comme vous le savez, l’organisation de l’ANCT est entièrement déconcentrée : elle repose sur le préfet de département ou sur un sous-préfet, l’un ou l’autre étant secondé par le directeur départemental des territoires (DDT) ou le directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM), qui est au cœur des questions d’ingénierie.
J’ai réuni l’ensemble des DDT et DDTM et nous faisons le maximum pour que les élus connaissent l’existence de l’Agence nationale de la cohésion des territoires qui est à leur disposition. Nous préparons des publications que nous adressons aux mairies. Nous avions un stand au Congrès des maires. Je le répète, nous faisons le maximum !
Nous réussirons aussi à faire connaître l’agence par le biais des politiques publiques que nous mettons en place. Ainsi, pour répondre avec retard à Jean-Michel Arnaud, qui mentionnait le plan Avenir montagnes, l’ANCT est chargée de promouvoir ce plan, ce qui devrait permettre de mieux la faire connaître.
Nous devons, tous ensemble, engager tous les efforts possibles pour faire connaître l’agence.
Mme le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la ministre, ma question porte sur les budgets des départements.
Des expérimentations sont en cours pour recentraliser le revenu de solidarité active (RSA). Vous nous donnerez peut-être des informations sur ce processus, madame la ministre, mais force est de constater que cela ne fait pas l’unanimité parmi les présidents de département. Il faut dire que le social constitue la raison d’être des départements : ils n’ont évidemment pas envie de s’en séparer.
Le véritable problème, c’est que les budgets de certains départements sont extrêmement contraints par la dépense sociale, notamment le RSA. Plusieurs départements sont même dans une situation d’asphyxie budgétaire !
Une donnée est très parlante, en particulier dans mon département, l’Aisne, pour appréhender ce problème : c’est le reste à charge par habitant, c’est-à-dire le montant des dépenses sociales à la charge du département moins la compensation de l’État, divisé par le nombre d’habitants. Cette statistique montre des écarts très importants selon les territoires.
Dans ces conditions, plutôt que de recentraliser le RSA, ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu’il faudrait engager une discussion avec les départements pour mieux compenser ceux qui sont contraints, voire complètement asphyxiés, par les dépenses sociales ?
Cette approche pourrait aussi constituer une porte d’entrée pour aborder l’autre sujet que je voulais évoquer avec vous : la péréquation. C’est un problème très difficile, assez technocratique : il s’agit de faire en sorte que le service rendu à la population soit à peu près équivalent sur l’ensemble du territoire.
La péréquation horizontale – les départements riches payent pour ceux qui sont davantage en difficulté – est compliquée à mettre en place. Il est en effet très délicat de mettre tout le monde d’accord, puisqu’elle fait naturellement des perdants et des gagnants…
En tout cas, quel rôle l’État peut-il jouer dans la péréquation entre départements ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la recentralisation du RSA a été proposée par l’Assemblée des départements de France (ADF), même s’il est vrai que tout le monde n’était pas d’accord pour avancer dans ce sens. C’est pourquoi nous avons proposé de le faire sous la forme d’une expérimentation. J’ajoute que le clivage politique initial sur ce sujet est aujourd’hui dépassé.
Un seul département, la Seine-Saint-Denis, s’est engagé dans ce processus. Vous n’avez qu’à contacter les élus de ce département pour constater qu’ils sont très satisfaits de l’accord que nous avons trouvé ensemble. La recentralisation s’accompagne d’engagements en faveur d’une politique plus forte en faveur de l’insertion. Comme l’État reprend le financement du RSA, il prélève une partie des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) du département.
Je connais bien le président du conseil départemental de l’Aisne et la situation de votre département, monsieur le sénateur : elle est difficile, notamment parce que le taux de la taxe foncière y est particulièrement élevé, si bien que le département n’a plus de marges de manœuvre. Je ne sais pas de quand date ce niveau élevé, mais le fait est qu’augmenter encore le taux serait insupportable pour les contribuables.
Nous travaillons avec les élus de ce département sur l’ensemble de ces sujets financiers, ainsi que sur le RSA. Sachez que l’Aisne se pose la question d’une éventuelle recentralisation du RSA, mais je vous dis tout de suite que ce ne sera pas pour 2022. D’autres départements, comme la Somme ou la Corrèze, y réfléchissent également.
Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’augmentation des DMTO prévue pour 2022 et estimée à 25 % en moyenne devrait faciliter le financement des budgets départementaux.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Rojouan.
M. Bruno Rojouan. Avec la crise sanitaire, certains de nos concitoyens ont fait le choix de se confiner hors des grands centres urbains et ont ainsi redécouvert les charmes et la qualité de vie des zones rurales et des villes moyennes.
Dans certains départements comme l’Allier, nous assistons depuis quelques mois à des ventes de biens qui ne trouvaient pas preneurs. Les nouveaux arrivants sont souvent de jeunes couples d’actifs cherchant à s’éloigner des métropoles et à acquérir une résidence au vert.
Ces nouvelles populations sont une chance pour redynamiser la démographie déclinante des territoires ruraux, à condition bien sûr de leur permettre d’y rester par une politique d’attractivité renforcée.
Madame la ministre, les territoires dont nous parlons ont de véritables besoins.
Ces besoins concernent tout d’abord les infrastructures de communication, puisque de multiples chantiers de réseaux ferrés et routiers doivent encore être menés et la couverture en réseau 4G améliorée. Dans ce domaine, la signature du New Deal mobile a contribué à des avancées, mais ce plan n’a pas su répondre à tous les enjeux du développement numérique mobile et des zones blanches persistent.
Ces besoins concernent ensuite le maintien des services publics, alors que ferment des bureaux de poste, des classes et divers guichets. L’implantation des maisons France Services ne résout pas tous les problèmes. Leur fonctionnement laisse un reste à charge important pour les collectivités et les élus craignent une inégale implication des opérateurs sur la durée.
Ces besoins concernent la revitalisation des centres-bourgs, enjeu majeur d’une reconquête vivante. Un an après le lancement du programme Petites Villes de demain, un bilan d’étape doit être mené.
Madame la ministre, vous le savez, les territoires ruraux se battent chaque jour pour attirer de nouvelles populations. Le soutien de l’État doit être plus puissant. Force est de constater que beaucoup reste à faire en la matière.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, sur le New Deal mobile, il est vrai que des zones grises, voire blanches, persistent, mais il faut reconnaître l’effort fourni par les opérateurs. Sur les 5 000 pylônes qui devaient être installés, 2 987 l’ont été et à peu près 1 000 autres le seront l’année prochaine.
En outre, vous savez que les choses ont évolué : auparavant, chaque opérateur installait ses propres pylônes, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. C’est un grand progrès.
Je rappelle par ailleurs qu’un total d’environ 30 000 pylônes est déjà installé sur notre territoire. Nous devons poursuivre dans cette voie et l’Arcep est chargée de vérifier l’avancement de ce déploiement. Un rapport publié au mois de septembre 2021 fait le constat que le processus se déroulait comme prévu.
Pour conclure sur ce point, nous devons toujours avoir en tête qu’il existe des contraintes géographiques. Un sénateur citait tout à l’heure l’exemple de Salbris, en Sologne : dans cette région, les ondes passent difficilement et il n’est pas simple de trouver d’autres solutions.
Monsieur le sénateur, vous avez aussi évoqué le programme Petites Villes de demain qui vient de démarrer et qui est très important. Il s’agit d’apporter une aide à environ 1 600 communes qui jouent un rôle de centralité dans les territoires ruraux et de soutenir leurs projets d’aménagement. Une directrice de l’ANCT s’occupe spécifiquement de ce programme auquel je suis très attentive.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, le rôle de nos collectivités dans la gestion des déchets est central. Pour atteindre des objectifs environnementaux ambitieux, il est aujourd’hui nécessaire d’agir pour réduire les déchets à la source, donc d’assister les collectivités dans la mise en place de dispositifs innovants.
Le Grenelle de l’environnement prévoyait la possibilité d’inclure une part variable incitative dans les taxes ou redevances d’enlèvement.
Cet objectif est loin d’être atteint aujourd’hui, compte tenu des contraintes de mise en œuvre du dispositif dans les zones urbaines denses, où la part importante de logements collectifs rend la mesure individuelle du tonnage des déchets opérationnellement complexe.
Plusieurs collectivités ont imaginé un dispositif de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) incitative à une échelle collective. Ce scénario repose sur l’instauration d’une TEOM incitative basée sur plusieurs flux de déchets ménagers et assimilés, mesurés collectivement par secteurs. Ces secteurs, qui peuvent être des communes, des quartiers ou des îlots, seraient définis par délibération, la collectivité territoriale évaluant notamment l’échelle la plus pertinente.
La philosophie de ce scénario novateur repose sur des dynamiques collectives. Elle constitue un élément moteur des changements de comportement, tend à limiter les potentielles incivilités et contribue à l’objectif de réduction de la quantité de déchets produits.
Madame la ministre, il serait facile d’instaurer ce dispositif, qui fait consensus parmi les associations d’élus, par le biais d’un amendement au projet de loi de finances. Malheureusement, nous n’avons pas pu déposer un tel amendement, faute de discussion en bonne et due forme de ce texte par le Sénat.
Madame la ministre, pouvez-vous vous engager à appuyer cette proposition lors du débat en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, afin de permettre aux collectivités intéressées par ce dispositif de le mettre en œuvre ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je trouve assez amusant que vous me demandiez de présenter un amendement, parce que vous n’êtes pas en mesure de le faire… C’est un peu ubuesque ! (Sourires.)
Je suis évidemment incapable de prendre un engagement à ce stade sur un système que je ne connais pas particulièrement.
En revanche, je connais assez bien le terrain et je sais que les redevances incitatives ne font pas l’unanimité. Il existe un débat entre ceux qui y sont favorables et ceux qui défendent le principe de la taxe.
L’efficacité de la redevance incitative d’enlèvement des ordures ménagères, dispositif qui, je le rappelle, reste un libre choix pour les collectivités, réside dans la responsabilisation de l’usager qui sait que, s’il produit moins de déchets, il paye moins cher.
La loi prévoit que la redevance incitative peut être calculée au niveau d’un bâtiment – immeuble ou maison individuelle –, dans la mesure où il est possible de calculer la quantité de déchets produits à cette échelle.
Élargir le calcul de la redevance à tout un quartier pourrait dénaturer l’objet même du calcul. En effet, la collectivité calculerait une redevance pour tout le quartier et la répartirait à parts égales entre les foyers. Cette méthode pénaliserait évidemment les ménages les plus économes et avantagerait ceux qui rejettent davantage de déchets.
Par ailleurs, cette proposition poserait des difficultés d’application : le maillage serait complexe à appréhender pour les services fiscaux et les dégrèvements qui résulteraient de ce dispositif seraient à la charge des communes ou de leurs groupements.
Pour le dire autrement, une redevance incitative ne peut se concevoir correctement qu’au plus près de l’usager. Par conséquent, monsieur le sénateur, ce que vous proposez mérite d’être un peu plus approfondi.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, je ne trouve pas cela particulièrement amusant…
La France est aujourd’hui sur un plateau dans la gestion des déchets et il faudra bien trouver des solutions. Or certaines collectivités sont prêtes à s’engager, au moins à titre expérimental. Il s’agit non pas d’appliquer tout de suite un système global à tout le monde, mais de trouver des solutions et de proposer des pistes.
J’ajoute qu’il s’agit ici non pas de redevance, mais de taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. La défense extérieure contre l’incendie est un sujet primordial pour l’aménagement des communes. Alors que, dans certains territoires, les règlements départementaux ont été élaborés avec pragmatisme et bon sens, dans d’autres, comme dans le département de la Seine-Maritime, ils sont devenus une énorme épine dans le pied des élus.
Pour certaines communes, le manque de foncier pour installer des bâches ou des réserves d’eau enterrées rend son application impossible. Pour d’autres, le débit d’eau est insuffisant pour installer des poteaux incendie. Pour toutes, ce sont des dépenses démesurées, absorbant parfois jusqu’à la totalité du budget d’investissement du mandat, pour s’y conformer. Sans parler des bureaux d’études non agréés par l’État qui jouent de cette situation pour faire monter les enchères.
Résultat, des permis de construire ne peuvent être délivrés et des aménagements sont empêchés, renforçant le sentiment d’abandon d’élus de milieux ruraux et l’idée que l’on veut asphyxier les petites communes pour les faire disparaître.
La préfecture de Seine-Maritime, après nos multiples interventions, entend enfin conduire une révision du règlement départemental, mais uniquement à la marge, à ce stade. Par ailleurs, dans leur rapport d’information, Hervé Maurey et Franck Montaugé ont montré que les préfets n’avaient aujourd’hui aucun moyen d’évaluer les coûts de mise en conformité pour les communes.
Madame la ministre, pouvez-vous faire chiffrer ces aménagements, tout comme les équipements nécessaires aux services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) pour assurer la protection des populations, afin de déterminer ce qui serait le plus pertinent et le moins lourd financièrement ?
Quels accompagnements financiers pouvez-vous envisager pour soutenir les communes ? En Seine-Maritime par exemple, la part de la DETR consacrée à la défense incendie est passée de 1 % à 8 % depuis 2017. Or cette hausse correspond in fine à nombre de projets qui ne sont pas financés par nos communes.