Sommaire
Présidence de Mme Pascale Gruny
Secrétaires :
M. Joël Guerriau, Mme Corinne Imbert.
3. Demande d’inscription à l’ordre du jour de deux propositions de loi
4. Rappel des règles sanitaires
5. Accès au foncier agricole. – Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. Olivier Rietmann, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 2 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption, par scrutin public n° 53, de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
M. Julien Denormandie, ministre
Suspension et reprise de la séance
6. Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet par scrutin public n° 54.
Amendement n° 2 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Amendement n° 3 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Amendement n° 26 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 29 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 18 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 25 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 17 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 19 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Amendement n° 6 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet par scrutin public n° 55.
Amendement n° 20 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 12 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 10 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Amendement n° 30 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 11 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 8 rectifié sexies de Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 56, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
Mme Corinne Imbert.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 1er décembre 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d’une sénatrice
Mme le président. Mes chers collègues, j’ai le profond regret de vous faire part du décès, survenu ce matin, de notre collègue Catherine Fournier, sénatrice du Pas-de-Calais depuis 2017.
M. le président du Sénat lui rendra hommage demain à l’ouverture de la séance, et son éloge funèbre sera prononcé lors d’une séance ultérieure. Je tenais néanmoins à saluer dès à présent sa mémoire.
3
Demande d’inscription à l’ordre du jour de deux propositions de loi
Mme le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 1er décembre dernier, M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, demande l’inscription à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 13 janvier 2022 de la proposition de loi relative au port du casque à vélo et dans le cadre d’autres moyens de transport, ainsi que de la proposition de loi visant à la création d’une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19.
Une discussion générale de quarante-cinq minutes est demandée pour chacun de ces textes.
Acte est donné de ces demandes.
Pour l’examen de ces deux textes, la commission des lois et la commission des affaires sociales se réuniront pour le rapport et le texte mercredi 5 janvier, au matin.
Nous pourrions fixer le délai limite de dépôt d’amendements en séance publique au lundi 10 janvier, à douze heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
4
Rappel des règles sanitaires
Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs s’exprimant à la tribune, conformément à la décision de la conférence des présidents réunie le 1er décembre dernier. J’ajoute que le masque se porte sur le nez !
J’invite par ailleurs chacune et chacun à veiller au respect des gestes barrières.
5
Accès au foncier agricole
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (texte de la commission n° 253, rapport n° 252).
La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Olivier Rietmann, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de m’exprimer aujourd’hui à l’occasion de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte.
Il y a quelques jours, un accord était loin d’être acquis, car les textes votés par les deux chambres comptaient encore d’importantes divergences.
Toutefois, nos échanges fournis, notre travail approfondi, la mobilisation importante de notre commission des affaires économiques et de sa présidente, que je remercie, ont permis de rapprocher progressivement nos positions et, finalement, de trouver un accord, ce dont je me félicite.
Cet accord est d’autant plus bienvenu que le texte que nous avons examiné est, nous le savons, très attendu. Nous l’avons constaté lors de nos auditions et nous nous le sommes dit dans cet hémicycle : la régulation du foncier agricole français devait évoluer pour mieux prendre en compte le recours croissant aux sociétés. C’était une nécessité, et le Sénat a soutenu le texte proposé par Jean-Bernard Sempastous, qui visait à apporter une piste de réponse.
Dès le début, le Sénat s’est donc inscrit dans une perspective constructive sur ce texte, et cela même si nous avons tous perçu la dimension électoraliste de son inscription à l’ordre du jour du Parlement à quelques mois de l’élection présidentielle. Ne s’agissait-il pas d’un sujet délaissé par le Gouvernement tout au long du quinquennat ?
M. François Patriat. Et du quinquennat précédent !
M. Olivier Rietmann, rapporteur. Nos deux assemblées ont parfois adopté des approches divergentes, mais nous avons su nous retrouver sur l’essentiel : l’installation des jeunes, la préservation du modèle d’exploitation familiale et la lutte contre la concentration excessive des terres. C’est là une vraie victoire pour le secteur agricole.
Le Sénat a su faire entendre sa voix sur ce texte. Dès l’examen en commission, nous nous étions fixé quatre lignes directrices : territorialiser, recentrer, encadrer et évaluer. Sur chacun de ces points, nous avons réussi à faire évoluer le texte voté par l’Assemblée nationale. J’en citerai quelques exemples.
Concernant la territorialisation, nous avons fait « redescendre » la décision, pour que les agriculteurs et les sociétés aient un interlocuteur de terrain : ce sera le préfet de département, et non celui de région, qui sera chargé du contrôle sociétaire.
Comme nous le souhaitions, le champ du contrôle a été recentré pour viser les transactions excessives et non l’ensemble des cessions. Ainsi, le seuil déclenchant le contrôle a été fixé à 1,5 fois la surface agricole utile régionale moyenne.
Nous avons aussi obtenu le maintien des exemptions relatives aux cessions intrafamiliales et conjugales, ainsi qu’entre associés agriculteurs : c’était là un apport fondamental du Sénat. Nous avons cependant veillé à bien les encadrer, pour éviter tout contournement.
Concernant l’encadrement, nous avons garanti la transparence de la procédure de contrôle et la clarté des rôles de chacun.
Nous avons prévu que la rémunération de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, la Safer, dans le cadre de cette procédure soit forfaitaire et fixée au niveau national, pour assurer une tarification proportionnée.
Nous avons aussi supprimé l’obligation stricte de passer par la Safer pour réaliser les cessions ou locations prescrites : les parties pourront proposer au préfet des opérations amiables, dès lors qu’elles remplissent le cahier des charges fixé.
Nous nous sommes assurés qu’il n’existerait pas de suspicion de conflits d’intérêts à l’égard des Safer, en prévoyant que toute intervention de leur part sur les actifs d’une société dont elles ont instruit le dossier passe par des mesures compensatoires formelles et encadrées, et non par des tractations amiables ouvrant la porte à des dérives.
Enfin, la proposition du Sénat de réaliser une évaluation à trois ans de ce nouveau pan de régulation a été unanimement saluée. Elle permettra de dresser un premier bilan et, le cas échéant, d’ajuster les paramètres pour assurer une régulation exigeante, mais équitable.
Mes chers collègues, je souhaite le redire devant vous aujourd’hui : je suis favorable à une régulation modernisée, complétée, efficace, de l’usage et de la transmission du foncier agricole en France.
Cependant cette régulation doit être juste, proportionnée et respectueuse du travail de nos agriculteurs. Elle doit accompagner l’évolution de notre agriculture, mais pas démanteler l’existant ni mettre en danger la viabilité des exploitations. Elle doit être assez souple pour permettre à notre agriculture de s’adapter, tout en étant assez exigeante pour refuser et punir tout abus.
Grâce aux nombreux apports du Sénat, le texte de la commission mixte paritaire est équilibré et respectueux des lignes rouges que nous nous étions fixées collectivement.
J’adresse une nouvelle fois mes remerciements au rapporteur de l’Assemblée nationale et auteur de la proposition de loi, Jean-Bernard Sempastous, pour nos échanges francs et constructifs qui ont permis d’améliorer le texte.
Le travail parlementaire est venu compléter et approfondir l’importante concertation qu’il avait déjà menée ; je pense que nous avons une nouvelle fois démontré toute la pertinence de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Bernard Buis et Mme Françoise Férat applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis d’être devant vous aujourd’hui pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les mesures restant en discussion de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.
Je tiens à remercier, à ce titre, le groupe RDPI et son président, François Patriat, d’avoir décidé l’inscription de ce texte dans leur ordre du jour réservé.
Je salue également devant vous le député Jean-Bernard Sempastous, dont chacun a pu mesurer l’engagement et l’investissement dans ce travail.
Je remercie aussi le sénateur Olivier Rietmann, qui s’est fortement engagé dans son rôle de rapporteur. Je sais, monsieur le rapporteur, que vous avez été attentif à auditionner tous les acteurs l’ayant sollicité. Il me semble que vous avez su établir, ainsi que Mme la présidente de la commission Sophie Primas, des conditions constructives pour l’examen de ce texte.
Nous n’étions pas d’accord sur l’ensemble des dispositions que vous avez votées en première lecture, mais vous avez compris l’importance qu’il y avait à faire aboutir ce texte. Avec pragmatisme et intelligence, vous avez su trouver les compromis nécessaires et établir les conditions d’un accord en commission mixte paritaire. Je vous en remercie très sincèrement.
L’accès au foncier est probablement l’une des politiques les plus structurantes pour définir le modèle agricole capable de fournir des produits de qualité et de maintenir des hommes et des femmes dans nos territoires.
Grâce à ces nouvelles dispositions, vous avez fait le choix de renforcer nos outils de politique foncière et de créer un dispositif de contrôle des prises de contrôle des sociétés. Il était urgent de se doter des outils permettant de mieux résister à une forme de prédation sur le foncier agricole, qui suscite une augmentation des prix et crée un sentiment de frustration chez les jeunes qui rencontrent, de ce fait, des difficultés pour s’installer.
Le premier enjeu était de pouvoir moderniser et adapter nos outils de régulations foncières, afin de garantir dans le long terme l’excellence de la ferme française.
Le second enjeu qui nous oblige aujourd’hui est le défi de la transmission. L’absence de régulation des cessions de parts de sociétés agricoles limitait, de fait, l’installation des jeunes agriculteurs.
Nous comprenons tous l’importance de ce nouveau mécanisme de contrôle. Nous étions très attentifs à ce qu’il soit mis en œuvre, car la profession l’appelait fortement de ses vœux. À ce titre, j’étais particulièrement attaché à ce que cette proposition de loi aboutisse. Dans votre sagesse, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez su trouver un accord autour d’un équilibre entre les deux chambres.
Le seuil d’agrandissement significatif sera fixé entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne. La pondération, supprimée, aurait suscité une trop grande latitude et une trop grande complexité dans le dispositif, me semble-t-il.
L’exonération familiale a été maintenue au quatrième degré, comme le souhaitait la Haute Assemblée. Pour limiter les effets de cet élargissement, les conditions d’exploitations effectives étaient importantes ; vous avez su les instaurer.
L’exonération que vous avez souhaité prévoir lorsque l’acquisition des titres sociaux est réalisée au profit d’un associé déjà présent dans la société a été maintenue, sous réserve d’une participation effective aux travaux agricoles.
Pour les mesures compensatoires, une voie libre, amiable, est créée si le demandeur souhaite réaliser la compensation seul en proposant un candidat qui s’installe ou qui se consolide. Le comité technique Safer donnera son avis dans tous les cas, a fortiori si le demandeur agit seul pour ce qui concerne les mesures de compensation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que les discussions ont été vives sur les dispositions visant à empêcher la Safer de s’imposer sur les compensations. Au regard de ces éléments, je crois que vous avez su trouver, là aussi, un équilibre, qui a d’ailleurs été salué par les organisations professionnelles agricoles.
Finalement, cette proposition de loi constitue, selon moi, une étape décisive et nécessaire visant à bâtir l’avenir d’une agriculture forte, d’excellence, pourvoyeuse d’emplois pour des femmes et des hommes fiers de leur métier dans nos territoires.
Elle est également très importante pour maintenir l’avantage compétitif que constituent nos sols et nos terrains agricoles, souvent plus productifs et pourtant moins chers que la moyenne européenne. Cet avantage a été permis par les politiques foncières qui ont été conduites depuis maintenant plusieurs décennies et que nous consolidons aujourd’hui.
Si cette proposition de loi est nécessaire, elle ne sera certainement pas suffisante. C’est la raison pour laquelle elle doit constituer le premier étage de la revue foncière que nous appelons de nos vœux. À terme, celle-ci fera l’objet de nouvelles discussions légistiques, avec toujours deux objectifs : la compétitivité de notre agriculture et l’installation de nos jeunes agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Nous passons à la discussion, dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire, de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires
TITRE Ier
CONTRÔLE DU MARCHÉ SOCIÉTAIRE
Article 1er
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le titre III du livre III est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole
« Art. L. 333-1. – Le présent chapitre vise à favoriser l’installation d’agriculteurs, la consolidation d’exploitations agricoles et le renouvellement des générations agricoles en luttant contre la concentration excessive des terres et leur accaparement. Il contribue à la souveraineté alimentaire de la France et tend à faciliter l’accès au foncier, notamment en contrôlant le respect des prix du marché foncier local.
« Art. L. 333-2. – I. – La prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, au sens de l’article L. 143-1, réalisée par une personne physique ou morale qui détient déjà, dans les conditions prévues au I ter du présent article, directement ou indirectement, en propriété ou en jouissance, des biens de même nature dont la superficie totale excède un seuil d’agrandissement significatif ou qui, une fois réalisée la prise de contrôle, détiendrait une superficie totale excédant ce seuil est soumise à l’autorisation préalable du représentant de l’État dans le département.
« I bis. – Le seuil d’agrandissement significatif mentionné au I est fixé en hectares par le représentant de l’État dans la région. Il est fixé par région naturelle ou par territoire présentant une cohérence en matière agricole, dans les conditions prévues par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 333-5 après qu’il a été procédé aux consultations prévues par le même décret. Il est compris entre une fois et demie et trois fois la surface agricole utile régionale moyenne fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du II de l’article L. 312-1.
« Pour l’application du présent article, le seuil d’agrandissement significatif applicable est celui fixé par le représentant de l’État dans la région du lieu où se trouve la plus grande superficie de terres détenues ou exploitées par la société faisant l’objet de la prise de contrôle.
« I ter. – Le seuil d’agrandissement significatif mentionné au I s’apprécie en additionnant la superficie de tous les biens immobiliers à usage ou à vocation agricole, toutes productions confondues, que la personne physique exploite ou possède, directement ou indirectement par l’interposition d’une ou de plusieurs personnes morales qu’elle contrôle au sens du II.
« Lorsque des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole se caractérisent par des natures de culture différentes, les équivalences prévues par le schéma directeur régional des exploitations agricoles pour le calcul du seuil d’agrandissement significatif sont respectées.
« Lorsque l’acquéreur des titres sociaux est une personne morale, sa situation au regard du seuil d’agrandissement significatif est appréciée à l’égard de toutes les personnes physiques qui la contrôlent, au sens des articles L. 233-3 et L. 233-4 du code de commerce. En cas d’interposition d’une ou de plusieurs personnes morales, la situation est appréciée à l’égard de toutes les personnes physiques qui contrôlent en dernier lieu, directement ou indirectement, la personne morale acquéreur.
« Est prise en compte la superficie de la totalité des biens immobiliers sans égard pour le régime matrimonial du bénéficiaire de l’opération et sans tenir compte du fait qu’il ne détient que des droits indivis ou démembrés sur les immeubles faisant l’objet du calcul.
« Ne sont pas comptabilisés les biens immobiliers classés en nature de bois et forêts au cadastre, sauf si :
« 1° Ils sont le support d’une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 ;
« 2° Ils ont fait l’objet d’une autorisation de défrichement liée à des activités agricoles ;
« 3° (Supprimé)
« II. – Constitue une prise de contrôle la prise de participation par acquisition de titres sociaux qui confère à une personne physique ou morale, agissant directement ou par l’interposition d’une personne morale acquéreur, le contrôle de la société, au sens des articles L. 233-3 et L. 233-4 du code de commerce.
« Le présent chapitre s’applique également :
« 1° À toute modification de la répartition du capital social ou des droits de vote aboutissant à transférer le contrôle d’une société mentionnée au I du présent article à un nouveau bénéficiaire, associé ou non, remplissant les conditions prévues au I ter ;
« 2° À toute prise de participation complémentaire réalisée par un cessionnaire contrôlant déjà une société mentionnée au I ;
« 3° À toute prise de participation complémentaire, réalisée par un cessionnaire personne morale, ayant pour effet de renforcer les droits d’un tiers agissant par son interposition, lorsque ce cessionnaire contrôle déjà la société mentionnée au même I ;
« 4° À la prise de contrôle d’une société qui contrôle, directement ou indirectement, une autre société remplissant les conditions prévues au I ter.
« III. – Ne sont pas soumises au présent chapitre :
« 1° Les opérations d’acquisition et de rétrocession, par cession ou substitution, réalisées à l’amiable par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural dans le cadre de leurs missions légales ou lors de l’exercice de leur droit de préemption en application des articles L. 143-1 à L. 143-16. Ces opérations sont réalisées avec l’accord préalable exprès des commissaires du Gouvernement, qui veillent au respect des objectifs mentionnés au présent chapitre ;
« 2° Les opérations réalisées à titre gratuit ;
« 3° Les cessions de parts sociales ou d’actions entre époux, personnes liées par un pacte civil de solidarité, parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclus, à condition que le cessionnaire s’engage à participer effectivement à l’exploitation des biens immobiliers détenus ou exploités par la société, dans les conditions prévues à l’article L. 411-59, et à conserver la totalité des titres sociaux acquis pour une durée d’au moins neuf ans à compter de la date de la cession, ou à mettre à bail lesdits biens immobiliers au profit d’un locataire s’engageant à participer effectivement, dans les conditions prévues au même article L. 411-59, à l’exploitation de ces biens pendant une durée d’au moins neuf ans ;
« 3° bis (Supprimé)
« 3° ter Les cessions entre associés ou actionnaires détenant depuis au moins neuf ans des titres sociaux dans la société objet de la prise de participation complémentaire, et participant effectivement au sens de l’article L. 411-59 à l’exploitation des immeubles que ladite société met en valeur. Lorsque la cession des titres sociaux fait suite à une maladie ou à un accident entraînant une invalidité totale et définitive, le cessionnaire est exempté de la condition d’ancienneté dans la société, dans des conditions définies par le décret prévu à l’article L. 333-5 ;
« 3° quater et 4° (Supprimés)
« IV. – Est nulle toute opération réalisée en violation du présent chapitre. L’action en nullité peut être exercée par l’autorité administrative compétente, d’office ou à la demande de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural à laquelle la demande d’autorisation mentionnée au premier alinéa du I de l’article L. 333-3 devait être adressée. Elle se prescrit par douze mois à compter du jour où l’opération est connue de l’autorité administrative compétente.
« En sus de l’action en nullité, l’autorité administrative compétente peut, d’office ou à la demande de toute personne y ayant intérêt, prononcer une amende administrative égale au moins au montant fixé à l’article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe et au plus à 2 % du montant de la transaction concernée. L’autorité administrative compétente avise préalablement l’auteur du manquement des faits relevés à son encontre, des dispositions qu’il a enfreintes et des sanctions qu’il encourt. Elle lui fait connaître le délai dont il dispose pour faire valoir ses observations écrites et, le cas échéant, les modalités selon lesquelles il peut être entendu s’il en fait la demande. Elle l’informe de son droit à être assisté du conseil de son choix. La décision de sanction ne peut être prise plus d’un an après la constatation des faits.
« Art. L. 333-3. – I. – La demande d’autorisation, dont le format et le contenu sont fixés par le décret prévu à l’article L. 333-5, est présentée à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural avec l’information prévue à l’article L. 141-1-1, qui la traite au nom et pour le compte du représentant de l’État dans le département. Après avoir vérifié la régularité et le caractère complet de la demande, ladite société en accuse réception au demandeur, la transmet à l’autorité administrative et la publie selon les modalités fixées par le décret prévu à l’article L. 333-5.
« Dans un délai fixé par le décret prévu à l’article L. 333-5, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural instruit la demande, au nom et pour le compte de l’autorité administrative compétente, aux fins de déterminer si l’opération est susceptible :
« 1° De porter atteinte aux objectifs définis à l’article L. 333-1, appréciés à l’échelle du territoire agricole pertinent, au regard des demandes d’installation en attente ou des besoins exprimés de consolidation des exploitations existantes ;
« 1° bis (Supprimé)
« 2° De contribuer, le cas échéant, au développement du territoire ou à la diversité de ses systèmes de production au regard, en particulier, des emplois créés et des performances économiques, sociales et environnementales qu’elle présente.
« Pour le dépôt et l’instruction de la demande d’autorisation en application du présent article, ne peuvent être mis à la charge du demandeur que des frais de dossier dont le montant est fixé pour l’ensemble du territoire national par arrêté du ministre chargé de l’agriculture.
« Dans le cadre de l’instruction, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural entend, dans les conditions précisées par le décret prévu à l’article L. 333-5, le représentant légal de la société faisant l’objet de la prise de contrôle sur demande de ce dernier, ainsi que le bénéficiaire de ladite prise de contrôle, ou son représentant légal, sur sa demande.
« Les organisations interprofessionnelles reconnues dans les conditions prévues à l’article L. 632-1 et le comité interprofessionnel du vin de Champagne créé par la loi du 12 avril 1941 portant création d’un comité interprofessionnel du vin de Champagne, concernés par l’opération envisagée, peuvent présenter des observations écrites à l’autorité administrative compétente. Ils peuvent aussi présenter des observations écrites à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural en vue de l’avis qu’elle rend au titre du II du présent article.
« II. – Si la société d’aménagement foncier et d’établissement rural estime que la contribution mentionnée au 2° du I l’emporte sur les atteintes mentionnées au 1° du même I, elle en informe l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation.
« Après transmission du dossier d’instruction, si l’autorité administrative estime ne pas être mesure de prendre une décision au regard des éléments transmis, elle peut demander à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de compléter son dossier d’instruction dans un délai fixé par le décret prévu à l’article L. 333-5.
« À défaut d’autorisation expresse, l’opération est réputée autorisée dans le silence gardé par l’autorité administrative à l’expiration d’un délai fixé par le décret prévu au même article L. 333-5.
« III. – Si l’autorité administrative compétente détermine que l’atteinte mentionnée au 1° du I l’emporte sur la contribution mentionnée au 2° du même I, elle en informe le demandeur dans un délai et des conditions fixés par le décret prévu à l’article L. 333-5 et lui fait connaître les motifs qui s’opposent, en l’état, au vu des éléments du dossier d’instruction et des critères prévus au I du présent article, à la réalisation de l’opération pour laquelle une autorisation est requise.
« IV. – En vue d’obtenir l’autorisation mentionnée à l’article L. 333-2, la société faisant l’objet de la prise de contrôle ou le bénéficiaire de cette prise de contrôle peut proposer à l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation, dans un délai et dans des conditions fixés par le décret prévu à l’article L. 333-5, des mesures de nature à remédier aux motifs justifiant que l’autorité administrative s’oppose à la réalisation de l’opération, assorties d’un cahier des charges, en s’engageant :
« 1° À vendre ou à donner à bail rural à long terme prioritairement à un agriculteur réalisant une installation en bénéficiant des aides à l’installation des jeunes agriculteurs ou, à défaut, à un agriculteur réalisant une installation ou ayant besoin de consolider son exploitation une surface lui permettant d’atteindre le seuil de viabilité économique fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du IV de l’article L. 312-1 ;
« 1° bis (Supprimé)
« 2° À libérer prioritairement, au profit d’un agriculteur réalisant une installation en bénéficiant des aides à l’installation des jeunes agriculteurs ou, à défaut, d’un agriculteur réalisant une installation ou ayant besoin de consolider son exploitation, une surface lui permettant d’atteindre le seuil de viabilité économique fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en application du IV de l’article L. 312-1, en résiliant à due concurrence le titre de jouissance dont il dispose, dès lors que le propriétaire des biens immobiliers en question s’engage à les vendre ou à les donner à bail rural à long terme audit agriculteur s’installant ou ayant besoin de consolider son exploitation.
« La société faisant l’objet de la prise de contrôle ou le bénéficiaire de cette prise de contrôle peut réaliser les opérations mentionnées aux 1° et 2° du présent IV par voie amiable ou solliciter le concours de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural. Lorsqu’il est prévu que les opérations soient réalisées avec le concours de ladite société, les engagements mentionnés au présent IV peuvent prendre la forme d’une promesse de vente ou de location à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, le cas échéant avec faculté de substitution. Il ne peut alors être mis à la charge des parties à ces opérations et au bénéfice de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural qu’un montant forfaitaire, fixé pour l’ensemble du territoire national par arrêté du ministre chargé de l’agriculture.
« La société faisant l’objet de la prise de contrôle ou le bénéficiaire de cette prise de contrôle identifie, dans le cadre des engagements qu’il propose à l’autorité administrative, la modalité selon laquelle il conduira les opérations de cession ou de mise à bail mentionnées aux 1° et 2° du présent IV, ainsi que le bénéficiaire ou les bénéficiaires envisagés de ces opérations.
« V. – Après avoir pris connaissance des propositions faites par les parties en application du IV et de l’avis de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural rendu selon des modalités fixées par le décret prévu à l’article L. 333-5, lorsqu’elle estime que les bénéficiaires ou la nature des engagements seraient insuffisants ou inadaptés aux objectifs poursuivis par le présent chapitre et la conduiraient à refuser l’autorisation, l’autorité administrative compétente en informe les parties en faisant apparaître les motifs d’opposition.
« Dans un délai de quinze jours, les parties peuvent transmettre à l’autorité administrative compétente des propositions complémentaires ou alternatives de nature à remédier aux motifs s’opposant à la réalisation de l’opération.
« À l’issue de ce délai, l’autorité administrative compétente peut par décision motivée et après avoir recueilli l’avis de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, soit autoriser sans condition l’opération, soit autoriser celle-ci en la subordonnant à la réalisation effective des engagements pris par les parties, soit refuser l’autorisation en l’absence d’engagements ou si ceux-ci sont manifestement insuffisants ou inadaptés aux objectifs poursuivis par le présent chapitre. À défaut d’autorisation expresse, l’opération est réputée autorisée dans le silence gardé par l’autorité administrative à l’expiration d’un délai fixé par le décret prévu au même article L. 333-5.
« À l’initiative de l’autorité administrative compétente la commission départementale d’orientation agricole est consultée sur la demande d’autorisation.
« Si l’autorisation délivrée est subordonnée à des engagements, ceux-ci doivent être réalisés dans un délai de six mois à compter de la date de délivrance de l’autorisation. Sur décision de l’autorité administrative, ce délai peut être prorogé de six mois. Au plus tard à l’échéance de ce délai, la société faisant l’objet de la prise de contrôle, le bénéficiaire de cette prise de contrôle ou la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, si elle est intervenue dans l’opération, présente à l’autorité administrative les documents attestant que les engagements ont été réalisés. La nature de ces documents et les modalités de transmission sont précisées par le décret prévu à l’article L. 333-5.
« L’autorité administrative veille à ne pas subordonner l’autorisation à des engagements qui mettraient en péril la viabilité économique des exploitations des parties à l’opération.
« L’autorité administrative ne peut imposer, dans le cadre d’engagements au titre du présent V, qu’il soit mis fin, avant son échéance prévue, à un bail rural ayant cours au bénéfice d’une personne morale ou physique autre que la société ou le bénéficiaire mentionnés au premier alinéa du IV, ni qu’il soit mis fin avant son échéance à tout autre contrat en cours.
« Elle ne peut pas non plus imposer, lorsque la société ou le bénéficiaire détient des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole qu’il ou elle n’exploite pas, mais qu’il ou elle donne à bail à un exploitant non associé, qu’un autre exploitant se substitue au locataire actuel avant le terme ou à l’expiration de son bail.
« V bis. – Si l’autorité administrative compétente constate que les engagements pris n’ont pas été exécutés dans le délai imparti, elle peut mettre l’intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai fixé par le décret prévu à l’article L. 333-5. L’intéressé est mis à même, durant cette période, de lui présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Il peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. Si, à l’expiration du délai imparti, l’irrégularité perdure, l’autorité administrative compétente peut retirer la décision ayant autorisé l’opération et prononcer à l’encontre de l’intéressé une sanction pécuniaire d’un montant compris entre 304,90 € et 914,70 € pour chaque hectare ayant fait l’objet des engagements initiaux ou une surface équivalente après, le cas échéant, application des coefficients d’équivalence fixés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles applicable aux parcelles concernées.
« En cas de retrait de l’autorisation administrative au terme de la procédure fixée au premier alinéa du présent V bis, est nulle la prise de participation réalisée. L’action en nullité, qui peut être exercée par l’autorité administrative compétente, d’office ou à la demande de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, se prescrit par douze mois à compter du retrait de l’autorisation.
« Sauf cas de force majeure, absence de faute de la part du souscripteur ou dérogation accordée par la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, en cas de non-respect du cahier des charges, l’autorité administrative compétente peut, d’office ou à la demande de toute personne y ayant intérêt, prononcer une amende administrative égale au moins au montant fixé à l’article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe et ne pouvant excéder 2 % du montant de la transaction concernée. L’autorité administrative compétente avise préalablement l’auteur du manquement des faits relevés à son encontre, des dispositions qu’il a enfreintes et des sanctions qu’il encourt. Elle lui fait connaître le délai dont il dispose pour présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. L’auteur du manquement peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. La décision de sanction ne peut être prise plus d’un an après la constatation des faits.
« VI. – (Supprimé)
« Art. L. 333-4. – (Supprimé)
« Art. L. 333-4-1. – Par exception, le II de l’article L. 141-1 n’est pas applicable aux biens immobiliers des sociétés dont la prise de contrôle a préalablement fait l’objet d’une autorisation en application du V de l’article L. 333-3, détenus à la date de ladite autorisation. Il n’est pas non plus applicable aux biens immobiliers des bénéficiaires desdites prises de contrôle, détenus à la date de la même autorisation. Le présent alinéa est applicable pour une durée d’un an à compter de l’expiration du délai laissé pour la réalisation des engagements mentionné au cinquième alinéa du V de l’article L. 333-3, le cas échéant prorogé en application du même alinéa.
« Toutefois, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural est compétente pour intervenir sur les biens immobiliers mentionnés au premier alinéa du présent article en application du II de l’article L. 141-1, dans les conditions non cumulatives suivantes :
« 1° Lorsqu’il est constaté par l’autorité administrative compétente que des engagements pris en application du V de l’article L. 333-3 n’ont pas été exécutés dans le délai imparti ou que les dispositions du cahier des charges mentionné au IV n’ont pas été respectées ;
« 2° À compter de toute cession des biens immobiliers mentionnés au premier alinéa du présent article postérieure à la réalisation des engagements mentionnés au cinquième alinéa du V de l’article L. 333-3, ou à compter de toute prise de contrôle de la société détenant ou exploitant ces biens postérieure à la réalisation des engagements mentionnés au cinquième alinéa du V de l’article L. 333-3 ;
« 3° Lorsque la société faisant l’objet de la prise de contrôle ou le bénéficiaire de cette prise de contrôle sollicite l’intervention de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural pour proposer des engagements en application du IV de l’article L. 333-3. »
« Art. L. 333-5. – Les conditions d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° (Supprimé)
Article 1er bis
L’article L. 143-15-1 du code rural et de la pêche maritime est abrogé.
TITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES D’ADAPTATION
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Article 3
I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 141-1-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du I, après le mot : « cédant », sont insérés les mots : « ou le cessionnaire » ;
b) Le même I est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Elle vaut aussi pour toute opération emportant modification de la répartition du capital social ou des droits de vote et aboutissant à transférer le contrôle d’une société mentionnée au 3° du même II ; la formalité est, dans ce cas, accomplie par le gérant de la société, par le représentant légal de la société ou par son délégataire. Pour les opérations sociétaires, l’obligation d’information doit être satisfaite auprès de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural du lieu du siège social de la société concernée ou, si le siège est situé hors de France, auprès de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural du lieu du siège d’exploitation ou du lieu où se trouve la plus grande superficie de terres détenues ou exploitées par la société. » ;
c) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Le notaire transmet à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural les informations liées à l’obligation déclarative sous forme électronique, dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil et selon les modalités techniques convenues par convention entre le Conseil supérieur du notariat et la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural. Pour les opérations sociétaires prévues au I du présent article, que celles-ci interviennent avec ou sans le concours d’un notaire, la transmission des informations est réalisée uniquement par voie de télédéclaration, sur le site internet de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural. » ;
2° L’article L. 141-1-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Ont accès, uniquement dans l’exercice de leurs missions d’instruction des opérations sociétaires définies à l’article L. 333-3 et après accord exprès de l’exploitant agricole concerné, dans les conditions et selon les modalités définies par convention avec les autorités qui les détiennent, aux données nominatives du casier viticole informatisé et du registre parcellaire graphique regroupant l’ensemble des déclarations de surfaces agricoles au titre des aides de la politique agricole commune.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
II. – (Supprimé)
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Article 5
L’article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, est insérée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Si l’opération conduit à un agrandissement ou à une concentration au sens du 3° du I du présent article, l’autorité administrative peut, après avis de la commission départementale d’orientation agricole, suspendre l’instruction de la demande d’autorisation pour une durée de huit mois. Cette suspension fait l’objet de mesures de publicité et d’information des parties précisées par décret.
« Si à l’expiration de ce délai de huit mois, un autre candidat à la reprise de l’exploitation ou du bien considéré ou un autre preneur en place a déposé une demande d’autorisation d’exploiter, l’autorité administrative peut refuser l’autorisation au bénéfice de l’opération envisagée. À défaut d’autre candidat ou preneur en place, le 3° du I s’applique. »
Article 5 bis
I. – Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’évaluation du dispositif de contrôle des cessions de titres sociaux mis en œuvre par la présente loi.
Le rapport comporte des éléments relatifs :
1° Aux seuils d’agrandissement significatif fixés par les représentants de l’État dans les régions en application du I bis de l’article L. 333-2 du code rural et de la pêche maritime, en recensant les seuils fixés sur le territoire national, en appréciant l’adéquation des seuils aux objectifs du dispositif et, le cas échéant, en formulant des recommandations pour leur évolution ;
2° Au nombre d’opérations de cession de titres sociaux ayant fait l’objet de notifications et de demandes d’autorisation, et ayant été instruites, ainsi qu’à la superficie des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole concernés et aux valeurs de transaction constatées ;
3° Au nombre d’opérations autorisées, rejetées ou autorisées sous conditions, et aux types de mesures compensatoires demandées. Il précise le nombre de décisions administratives sanctionnant le non-respect d’engagements pris au titre de mesures compensatoires dans le cadre de la procédure d’autorisation des opérations de cession ;
4° Aux coûts induits pour les parties à l’opération et aux délais moyens d’instruction et d’autorisation constatés ;
5° À l’impact du mécanisme de contrôle des cessions de titres sociaux sur le marché du foncier agricole, en termes de disponibilité et de coût du foncier agricole en France.
Le rapport fait état, le cas échéant, des moyens dédiés par l’État à l’instruction des demandes d’autorisation ou mis à disposition des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural dans ce même cadre.
Il comporte également des éléments relatifs au contentieux des autorisations prévues au chapitre III du titre III du livre III du code rural et de la pêche maritime, incluant le nombre de recours dirigés contre des décisions administratives et des éléments statistiques relatifs à l’issue de ces recours.
Il se prononce sur l’opportunité de maintenir ou de réviser le dispositif de contrôle prévu par la présente loi et formule des recommandations sur les évolutions à y apporter.
II. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’étendue de l’accaparement et de la concentration excessive des terres agricoles dans la collectivité de Corse et dans les territoires ultramarins et recensant les méthodes utilisées pour y parvenir.
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Article 7
I. – L’article 1er de la présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2022.
Ce même décret précise la date avant laquelle le représentant de l’État dans la région arrête le seuil d’agrandissement significatif dans les conditions prévues au I bis de l’article L. 333-2 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de la présente loi, qui ne peut être postérieure au 1er novembre 2022.
L’article 1er de la présente loi est applicable aux opérations dont la date de réalisation est postérieure à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard au 1er novembre 2022. Il n’est pas applicable aux opérations ayant fait l’objet d’une promesse de vente antérieurement à la date fixée par décret mentionnée au deuxième alinéa du présent I et dont la date de réalisation ne dépasse pas de plus d’un mois cette même date.
II. – Le I de l’article L. 141-1-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de l’article 3 de la présente loi est applicable aux opérations dont la date de réalisation est postérieure à la date fixée par décret prévue à la première phrase du troisième alinéa du I du présent article.
III. – Le IV de l’article L. 141-1-1 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de l’article 3 de la présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2023.
Mme le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
Article 1er
Mme le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 60, première phrase
Remplacer les mots :
la société d’aménagement foncier et d’établissement rural
par les mots :
l’autorité administrative compétente
La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, ma présentation vaudra pour les quatre amendements du Gouvernement : ce sont tous des amendements de clarification rédactionnelle ou de coordination juridique.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements déposés par le Gouvernement ?
M. Olivier Rietmann, rapporteur. La commission n’a pas eu temps de se réunir, mais j’émets, à titre personnel, un avis favorable sur tous les amendements.
Mme le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 63, dernière phrase
1° Remplacer la première occurrence du mot :
Le
par les mots :
L’exception prévue au
2° Remplacer le mot :
laissé
par le mot :
accordé
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis favorable de la commission.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 67
Remplacer le mot :
proposer
par les mots :
mettre en œuvre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis favorable de la commission.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. Sur les articles 1er bis à 3, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
article 5
Mme le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Au début
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Le livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du IV de l’article L. 312-1, après la référence : « 3° », sont insérés les mots : « du I » ;
II. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° L’article L. 331-3-1 est ainsi modifié :
II. – Alinéa 2
Remplacer la mention :
1°
par la mention :
a)
IV. – Alinéa 3
Remplacer la mention :
2°
par la mention :
b)
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis favorable de la commission.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. Sur les articles 5 bis à 7, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer nos doutes et nos déceptions tout au long de l’examen de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers des structures sociétaires.
Aussi éviterai-je d’entrer trop dans les détails, pour ne rappeler que les faits les plus essentiels et finir par un peu de prospective.
Globalement aligné sur la version votée au Sénat, le texte adopté à l’issue du travail conjoint des députés et sénateurs en commission mixte paritaire a permis de faire évoluer certains points : déclenchement du contrôle à 1,5 fois le seuil au lieu de 2 fois – notre groupe souhaitait le déclenchement à 1 fois le seuil ; pas de pondération en fonction du nombre d’associés ; absence de traitement spécifique pour les indivisions ; pas d’exemption pour les salariés d’exploitation agricole en cours d’installation ; pas d’obligation de notification aux interprofessions ; rétablissement, dans une nouvelle écriture, de l’article 5.
Quelques-unes des mesures allant dans le sens d’un modèle de ferme que nous connaissons actuellement vers un modèle de type « firme » ont également été maintenues : exemptions pour les cessions intrafamiliales jusqu’au quatrième degré de parenté, ainsi que pour les personnes liées par un pacte civil de solidarité (Pacs), possibilité pour les parties de réaliser des compensations amiables sans avis des Safer.
Le texte résultant de nos travaux est donc encore plus libéral que celui que nous avons examiné à son arrivée au Sénat. La proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale ne nous convenait pas : elle nous convient encore moins après cette commission mixte paritaire. Nous voici encore une fois face à une occasion manquée !
Cette proposition de loi conserve de nombreux angles morts : le détournement du travail à façon et celui du droit des sociétés, deux sujets pourtant cruciaux qui n’ont pas du tout été abordés dans ce texte. Le statut de l’actif agricole, dont nous sommes nombreux à demander la clarification a été, lui aussi, consciencieusement oublié.
Deux piliers nous semblent pourtant fondamentaux pour rétablir de l’équité dans la répartition des terres agricoles : le maintien d’une agriculture diverse et familiale au détriment des monopoles et la supériorité du facteur humain face au jeu des capitaux. Sans ces deux conditions, aucune politique des structures responsable ne verra le jour. Et ce n’est certainement pas cette proposition de loi qui nous en donnera l’occasion !
Non, la terre n’est pas une valeur marchande comme les autres. Je rappellerai, sur ce point, la mise en garde d’Edgar Pisani : « Le maintien des biens de la nature parmi les biens marchands nous conduira à l’accélération des phénomènes menaçants dont nous sommes déjà les témoins. »
L’accaparement des terres est un phénomène que l’on observe à travers le monde, et bien entendu dans notre pays. Il est le fait non pas seulement de l’avidité d’investisseurs étrangers, aussi de nos propres agriculteurs. C’est une problématique très ancienne, contre laquelle le législateur a toujours lutté.
C’est un fait, chers collègues, l’inégalité du partage de la terre et les processus d’accaparement sont des facteurs d’instabilité politique, économique et sociale. L’enrichissement de quelques-uns se traduit par une fragilisation économique collective, et les spécialisations excessives qui en découlent ont des effets négatifs sur le plan agronomique.
Dès lors, encourager les dérives du libéralisme en ce qui concerne un bien commun si précieux ne fera qu’accentuer cette instabilité. Est-ce vraiment ce que nous voulons ?
Les Safer ont régulièrement alerté les pouvoirs publics sur les conséquences d’une dérégulation exponentielle, alors que près de la moitié des agriculteurs seront partis à la retraite d’ici à dix ans. Cela ne permettra pas de créer les conditions favorables au développement de l’agroécologie, donc d’obtenir une nourriture de qualité pour tous, tout en protégeant la biodiversité et en luttant contre le changement climatique.
Il n’y aura pas d’agroécologie sans relève, et cette dernière sera impossible sans une politique foncière juste. Il faut donc permettre un accès à la terre à la nouvelle génération grâce au partage, au portage et au financement du foncier agricole.
Un texte digne de répondre aux enjeux fonciers, ce que nous n’avons pu obtenir, aurait tenu en très peu de points.
Tout d’abord, il aurait permis de réguler l’ensemble des marchés fonciers, en assurant leur transparence, leur contrôle et leur orientation sur l’usage et la propriété.
Ensuite, il aurait précisé le statut de l’actif agricole et celui du fermage dans sa dimension sociale et environnementale. Par ailleurs, il aurait tendu vers l’objectif de zéro artificialisation nette, avec des règles d’urbanisme cohérentes et une fiscalité limitant la spéculation. De plus, il aurait permis de moderniser et de démocratiser les instruments de prospective et de mise en œuvre des politiques foncières.
Enfin, parce que nous ne vivons pas sur un continent isolé et que le phénomène d’accaparement des terres, comme je l’ai souligné, se constate dans de nombreux pays, parfois à des degrés encore plus inquiétants qu’en France, un tel texte aurait mis l’accent sur le traitement international de la question, qui devient urgent.
Cette idée rejoint un principe simple qui devrait d’ailleurs figurer dans la loi : le sol, comme les autres ressources naturelles, est un bien qui ne saurait profiter à quelques-uns au détriment de tous.
Tel est le vœu de nombreuses organisations professionnelles, des représentants des collectivités territoriales et des ONG, mais aussi d’une part de plus en plus grande de nos concitoyens. C’est aussi le nôtre.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain persistera donc à désavouer ce texte qui ne correspond en rien aux principes je viens d’énoncer, lesquels nous paraissent pourtant fondamentaux pour répondre aux enjeux de notre agriculture et préserver nos terres agricoles. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le masque se porte sur le nez, sinon il ne sert à rien !
M. Laurent Duplomb. On le sait…
Mme le président. Aujourd’hui, personne ne peut plus dire que ces consignes sont inutiles. (M. Laurent Duplomb s’exclame.) Je vous remercie donc de les respecter.
La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’agissant de cette commission mixte paritaire, je dirais : et une plus !
Après l’accord sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, après l’accord sur la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Égalim 2, après l’accord sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, nous nous accordons une fois de plus, mais cette fois pour la régulation du foncier agricole.
Que de succès, mes chers collègues ! Saluons l’esprit constructif et de compromis qui anime notre commission des affaires économiques, en particulier sa présidente, qui sait dialoguer, débattre et avancer avec ses interlocuteurs, à savoir les parlementaires de tous bords, mais aussi le Gouvernement. J’en profite également pour saluer notre ministre, qui n’a jamais compté ses heures pour échanger avec nous et dont nous connaissons tous la force de persuasion.
Comme vous le savez sans doute, il n’aura fallu que deux heures pour que la fumée blanche sorte de notre commission mixte paritaire, ce mercredi 1er décembre, à dix-huit heures quarante-cinq. Il faut dire que, en amont, les échanges ont été quotidiens.
Notre rapporteur, Olivier Rietmann, a été lui aussi maître dans l’art de la négociation. Il a su convaincre le rapporteur de l’Assemblée nationale des apports du Sénat, qui ont souvent été compris par la majorité au Palais-Bourbon. Jean-Bernard Sempastous et Nicolas Turquois, constructifs et pragmatiques dans leur approche, n’ont pas démérité et ont su avancer sur toutes les lignes qui paraissaient encore difficilement franchissables la veille de la commission mixte paritaire.
Sans dévoiler le contenu des conciliabules qui se sont tenus pendant cette réunion, je puis vous assurer que seul a compté l’intérêt de nos agriculteurs. C’est donc uniquement la cohérence de la régulation proposée qui a prévalu.
Chacun a su faire un pas vers l’autre, ce qui nous a permis, finalement, de parvenir à un texte une nouvelle fois salué par les organisations interprofessionnelles concernées.
Parmi les principaux compromis à souligner, je reviendrai sur le seuil de déclenchement grâce auquel le préfet actera le contrôle des cessions de parts sociétaires. Il est finalement situé entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne, ce qui nous convient parfaitement dans la mesure où les opérations significatives ne pourront pas échapper au dispositif de contrôle.
Concernant les exemptions, c’est le Sénat qui a été écouté. Elles s’étendent jusqu’au quatrième degré, pour y inclure les cessions aux cousins germains. De même, nous accordons ce bénéfice aux couples mariés et pacsés, ainsi qu’aux associés dès lors que ceux-ci sont exploitants à titre principal.
Pour ce qui est du dispositif des mesures compensatoires, la compensation pourra naturellement passer par la Safer, mais elle pourra aussi avoir lieu par voie amiable avec le préfet, si le demandeur souhaite la réaliser seul en proposant un candidat. Les députés ont souhaité qu’une attestation de réalisation des engagements soit apportée par le pétitionnaire pour que la cession de part soit bien valide.
Par ailleurs, nous avons abouti à un compromis sur le point le plus ardu des discussions, à savoir la non-intervention commerciale des Safer sur les dossiers qu’elles ont instruits. Là encore, chaque partie a su faire preuve d’une grande sagesse. L’impossibilité faite aux Safer d’intervenir sur les dossiers sera limitée à un an, au lieu des neuf années initialement prévues ; un certain nombre de dérogations à cette règle laissent penser que le sujet est suffisamment encadré.
Enfin, à la demande de la majorité de l’Assemblée nationale, l’article 5 a bien été rétabli, mais remanié. Le dispositif vise à renforcer l’efficacité du contrôle des structures, en permettant au préfet de renforcer ses prérogatives. En effet, en cas d’absence de concurrents et si le projet d’agrandissement est jugé excessif, le préfet aura la possibilité, après avis de la commission départementale d’orientation agricole (CDOA), de suspendre durant un an le délai d’instruction. Ce délai allongé permettra de laisser plus de temps à d’autres candidats pour se positionner.
Ces compromis nous semblent justes, pertinents et équilibrés. En définitive, le texte de Jean-Bernard Sempastous, qui porte cette réforme depuis de longues années, est une étape décisive pour l’accès au foncier agricole, en direction de nos jeunes agriculteurs.
Ne boudons pas ce plaisir et félicitons-nous de ce travail transpartisan ! Continuons sur ce chemin vertueux en vue du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
Bien évidemment, notre groupe votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires est attaché au dossier du foncier agricole, particulièrement à cette proposition de loi que nous avons travaillée en amont avec mon collègue Franck Menonville et mon ami le député Sempastous.
Le foncier agricole est un sujet urgent sur l’ensemble de notre territoire. Il l’est à plusieurs niveaux. Face à l’artificialisation grandissante des sols dans notre pays et à l’évolution des formes d’exploitation, nous devons préserver ce foncier agricole pour notre souveraineté alimentaire actuelle, mais surtout pour celles des générations futures.
En Haute-Garonne, notre activité agricole est un moteur de vie et d’entretien des espaces naturels. Plus de la moitié de la surface de mon département est cultivée ou en herbage pour l’élevage. Cela concourt à maintenir notre souveraineté alimentaire, notre culture gastronomique incomparable et nos emplois sur un territoire fragilisé.
Nous sommes fiers de nos agriculteurs et de leur savoir-faire. Nous sommes également fiers des évolutions positives qu’ils font vivre aux systèmes agricoles.
Très tôt, l’enjeu du foncier a été posé en France. Nous avons construit des outils de régulation, cités en exemple par nombre d’autres pays. Force est de constater que ces outils, bien qu’ils soient efficaces, doivent être adaptés aux évolutions actuelles.
Notre groupe demeure favorable à une solution d’équilibre entre la nécessaire liberté d’entreprendre et la sécurité issue d’une régulation ajustée.
En première lecture, deux points s’imposaient clairement à nous.
Premièrement, si nous partagions tous le constat qu’il était urgent d’agir pour préserver le foncier agricole, nous n’étions pas tous d’accord sur le sens à donner à cette action.
Deuxièmement, il était essentiel de voter une loi plus large. Depuis le début de l’année, le Parlement a évoqué de nombreux sujets agricoles. Récemment, nous nous sommes attaqués de nouveau aux revenus des agriculteurs. Nous trouvons aujourd’hui des solutions pour le foncier agricole, mais quid demain des dossiers tels que le statut de l’exploitant ?
Nous appelons donc encore de nos vœux une grande loi agricole et nous resterons attentifs à la suite qui sera donnée à ces dossiers.
Quoi qu’il en soit, je salue l’accord trouvé en commission mixte paritaire. De nombreux ajouts adoptés par le Sénat ont été préservés, et le texte demeure équilibré.
Je pense, notamment, à l’article 5 bis, qui tend à prévoir un rapport relatif à l’évaluation du dispositif de contrôle des cessions de titres sociaux. Il est particulièrement nécessaire en ce qu’il permettra une véritable évaluation des dispositions mises en place. Il comportera également de potentielles recommandations sur les évolutions à mettre en œuvre.
Les enjeux liés à l’installation des jeunes et à la transmission familiale des exploitations connaissent également des avancées intéressantes.
Je salue la préservation du quatrième degré concernant l’exonération au dispositif de contrôle des cessions de parts sociétaires que met en place cette proposition de loi. Les exploitations familiales sont nombreuses : il est essentiel qu’il puisse continuer à en être ainsi.
Ce texte laisse également une place centrale aux Safer, qui constituent depuis des décennies un acteur incontournable lorsqu’il s’agit de foncier agricole. Leur rôle est renforcé et prend une importance toute particulière en matière de transparence des mécanismes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte issu de la commission mixte paritaire. Les réalités du monde agricole n’ont jamais été aussi visibles : la place cruciale qu’il occupe a été particulièrement mise en lumière par la crise que nous vivons.
La protection de notre foncier agricole participe à la préservation de notre souveraineté alimentaire et de notre tradition agricole française. Cela ne doit pas nous empêcher d’adapter notre agriculture en prenant en compte les problématiques rencontrées sur le terrain.
Comme vous l’aviez souligné, monsieur le ministre, ce texte n’est pas suffisant, mais il est nécessaire. Gardons en tête qu’il ne représente que l’une des premières étapes d’un long travail à poursuivre. Soyez certains que nous serons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aurais pu lire mon discours écrit, mais, au vu de ce qui vient d’être dit, je veux rappeler quelques évidences et quelques faits historiques.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. On l’a énervé ! (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Oui, je suis un peu énervé !
J’ai l’impression que l’on voudrait faire croire que, dans notre pays, le foncier agricole appartient depuis des décennies, voire des siècles, aux agriculteurs. Mais cela revient à oublier que, pendant des siècles, seule une minorité de personnes en étaient propriétaires : les nobles !
Je vous rappelle que la France a été une monarchie pendant des siècles et que, jusqu’à preuve du contraire, les agriculteurs, qui à l’époque étaient des serfs, n’ont jamais eu la possibilité d’être propriétaires. La propriété du foncier n’est devenue réelle pour eux qu’à la fin du XIXe siècle, lorsqu’une personnalité qui sortait de vos rangs, chers collègues de l’opposition, a dit qu’il fallait « faire chausser aux paysans les sabots de la République » : Léon Gambetta.
Pourquoi cette phrase ? Pas pour faire plaisir aux paysans ! Gambetta avait compris que, si la bataille de Sedan avait été un désastre pour la France, c’est parce qu’elle avait été menée, et perdue, par une armée de métier et non par une armée de mobilisés. Aussi, quand il dit qu’il faut faire chausser aux paysans les sabots de la République, c’est bien sûr pour leur permettre d’avoir la propriété d’un lopin de terre, mais c’est aussi et surtout pour leur donner la possibilité de travailler avec passion ce lopin de terre, de sorte qu’ils le défendent en vertu de leurs propres convictions, et non seulement par patriotisme.
Que ceux qui doutent de ce que je dis aillent regarder les monuments aux morts de la guerre de 14-18 et qu’ils lisent les noms qui y sont inscrits : les morts étaient à 90 % des paysans, qui se battaient pour défendre leur lopin de terre, et pas autre chose.
Aujourd’hui, on se demande comment répartir de façon harmonieuse la terre agricole. Je ne nie pas les réalités de certaines problématiques relatives au foncier, mais je me refuse à en faire des généralités. Monsieur Médevielle, je me refuse à penser que l’on a besoin de faire une grande loi foncière si c’est pour revenir sur le statut du fermage, car, comme je l’ai dit au début de la discussion de ce texte, je ne suis pas d’accord avec cette idée.
Le statut du fermage a été le seul moyen qui permettait aux agriculteurs d’être assurés d’une certaine durée, de ne pas être soumis aux diktats des propriétaires et de ne pas voir leur travail accompli pendant des années réduit à néant un 31 mars, parce qu’ils étaient fichus dehors.
Je ne veux pas non plus d’une loi foncière qui ferait du foncier agricole chèrement acquis par les agriculteurs au moment de la guerre de 14-18 un bien commun, sur l’utilisation duquel tout le monde pourrait donner son avis. Je me refuse à cela !
Au contraire, je me réjouis, monsieur le ministre, que l’on ait fait une réforme a minima, parce que, quand on touche à la problématique du foncier, on ne sait jamais où le débat va mener, particulièrement en ce moment où soufflent tant de vents mauvais, tant de vents contraires.
Alors que l’on veut soi-disant faire le bonheur des paysans, on finirait par en faire encore un peu plus le malheur. Je salue Olivier Rietmann et le remercie du travail qu’il a réalisé sur cette loi, laquelle a permis de rééquilibrer les choses. Finalement, l’accord qui a été trouvé – non sans peine, monsieur le ministre, surtout la dernière journée ! –…
M. Laurent Duplomb. … permet de rapprocher la décision du territoire, de garantir la fluidité des transactions tout en les contrôlant pour garantir un meilleur fonctionnement du marché foncier agricole et, comme l’a rappelé la présidente Sophie Primas, de réaffirmer notre attachement au modèle agricole familial.
Que tous ceux qui pensent que l’agriculture française est industrielle et trop productiviste aillent sur les territoires voir à quel point les agriculteurs se battent passionnément, se serrent fortement la ceinture et ne partent volontairement pas en vacances pour économiser et acheter du foncier. Voilà ce qu’il faut respecter et accepter !
Le groupe Les Républicains votera pour cette loi. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Françoise Férat et M. Bernard Buis applaudissent également.)
M. Daniel Gueret. Bravo !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Excellent !
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme en première lecture, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut que faire part de sa déception sur la proposition de loi, qui ne parviendra pas à mettre en place une régulation efficace et équitable de l’accès au foncier, pourtant nécessaire à la transition de notre système agricole.
Un accès partagé aux terres agricoles est en effet un enjeu majeur à l’heure du renouvellement des générations et du développement d’une financiarisation du foncier qui menace l’installation et la consolidation de fermes familiales, à taille humaine.
Certes, cette proposition de loi vient répondre à une véritable problématique : l’absence de contrôle sur les transferts de parts de sociétés agricoles, qui permettait de contourner les dispositifs de régulation que sont la Safer et le contrôle des structures, ouvrant ainsi la voie à une concentration foncière importante.
Néanmoins, pour corriger cet angle mort de la réglementation, la voie choisie dans ce texte est l’instauration d’un dispositif de contrôle faible, incomplet et trop facilement contournable, qui sera donc au mieux inefficace, au pire contre-productif.
En effet, notre diagnostic reste le même qu’en première lecture : via l’institutionnalisation d’un système de deux poids deux mesures entre le contrôle s’appliquant aux sociétés et celui des personnes physiques, c’est tout le système de régulation foncière qui est affaibli.
Selon nous, le seuil de déclenchement du contrôle devrait être identique à celui du contrôle des structures, à la fois pour garantir une égalité de traitement et pour proposer une véritable régulation. Le seuil proposé par la commission mixte paritaire reste trop élevé. La proposition de loi devrait avoir pour objectif non de lutter contre de très grands agrandissements, jugés excessifs, mais de donner une vraie priorité à l’installation.
De même, le texte de la commission mixte paritaire conserve de nombreuses exemptions permettant d’échapper au contrôle, dont une partie, ajoutée par le Sénat, autorisera des agrandissements, notamment au moment du départ à la retraite d’associés.
De plus, le système de mesures compensatoires qui est proposé reste pour nous inacceptable. Sur le principe, nous n’étions pas d’accord avec l’idée de donner un blanc-seing à de grands agrandissements, sous prétexte de laisser quelques hectares pour une installation. Nous contestons aussi sa mise en œuvre, qui nous apparaît insuffisamment encadrée dans la version issue de la commission mixte paritaire.
On le sait, dans le secteur foncier, des acteurs cherchent trop souvent à utiliser à leur profit les failles des systèmes de régulation. Avec ce texte, je crains que les garde-fous ne soient insuffisants pour éviter ces dérives.
Enfin, la rédaction de l’article 5 est pour nous un recul par rapport à sa version initiale : un délai supplémentaire pourrait ne pas suffire à débloquer des situations où ce sont des prix dissuasifs qui découragent les candidatures concurrentes. Cette mesure peut constituer une modeste amélioration, mais nous regrettons que la version de l’Assemblée nationale, seule véritable avancée du texte pour l’installation, n’ait pas été conservée.
Par ailleurs, comme nous l’avions souligné en première lecture, le fait que le texte ne comporte pas de dispositions sur le travail délégué ou sur les investissements étrangers contribue, là aussi, à lui faire rater sa cible.
Nous partageons le constat d’organisations agricoles et d’ONG, qui estiment que le texte ne permettra pas de renverser la tendance à l’agrandissement des fermes, tendance qui, malheureusement, continuera également d’être nourrie par la nouvelle PAC, avec les conséquences que l’on connaît pour l’emploi paysan et la vie des territoires.
Alors que les consommateurs réclament des productions locales diversifiées et de qualité, ainsi que des paysages préservés et riches en biodiversité, et alors que de plus en plus de porteurs de projet, souvent non issus du milieu agricole, souhaitent répondre à cette demande, nombre d’entre eux renonceront à leur projet faute de trouver des terres pour s’installer.
C’est toute une dynamique présente sur les territoires qui ne demande qu’à être encouragée, et que ce texte ne viendra pas accompagner.
Nous souhaitons une politique foncière transparente et équitable, qui permette le renouvellement des générations et la création d’emplois sur les territoires, une politique qui permette d’assurer, par la multiplication de fermes diversifiées et à taille humaine, notre souveraineté alimentaire et la transition agroécologique.
Ce texte constitue, à cet égard, pour reprendre les mots de notre collègue Christian Redon-Sarrazy, une occasion manquée, et c’est donc avec regret que nous nous y opposerons une nouvelle fois.
Pour revenir sur les propos de Laurent Duplomb, si la possession du foncier conduit à de grandes boucheries comme la guerre de 14-18, je pense que les communs ont de réels attraits et que nous devons accompagner l’évolution en ce sens. (M. Franck Montaugé applaudit. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas du tout ce qu’il a dit !
Mme Sylvie Goy-Chavent. M. Duplomb s’appuyait sur du vécu, lui !
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avions dit lors de l’examen de cette proposition de loi, si nous avons conscience que la question de la régulation du foncier agricole est essentielle pour assurer l’avenir de notre agriculture, il n’en demeure pas moins que nous sommes réservés sur la portée de ce texte.
Ainsi, comme de nombreux observateurs, nous pensons que le remède pourrait être pire que le mal, puisque nous créons finalement un système de deux poids deux mesures, en lieu et place d’un même seuil de contrôle pour tous et d’arbitrages reposant sur un corpus législatif commun.
Nous ne comprenons toujours pas pourquoi est opérée une distinction entre le seuil général de contrôle des structures et le seuil qui s’appliquera aux sociétés, ni pourquoi il a été choisi de mettre en place une inégalité de traitement entre les personnes physiques et les personnes morales détentrices de parts de sociétés. Cela risque d’accélérer le phénomène sociétaire, donc, inévitablement, l’agrandissement que cette proposition de loi est pourtant censée combattre.
Pis, ce texte instaure de multiples dérogations au nouveau contrôle des cessions des parts sociales, voire un cumul des différentes dérogations permettant l’agrandissement sans contrôle d’une exploitation. Lors des débats en première lecture, il avait été rappelé, à juste titre, qu’« il suffirait de se pacser avec son salarié qui est aussi son cousin éloigné » !
Sans parler de la mise en place de mesures compensatoires qui permettront l’agrandissement, mais aussi l’accélération de la financiarisation de notre agriculture et mettront à mal les contrôles traditionnels…
Dès lors, faut-il se contenter d’une loi a minima sur le foncier, au risque de ne plus aborder ce sujet pourtant fondamental ? Faut-il se contenter d’un compromis qui, malheureusement, n’endiguera pas le phénomène de libéralisation et qui ne garantira pas un accès et un usage équitables à ce bien commun, même si certains n’aiment pas cette expression, qu’est le foncier agricole ?
Nous ne le pensons pas et nous ne nous y résignons pas, tout comme de nombreux syndicats agricoles ou associations qui sont vent debout contre cette proposition de loi. Cela a déjà été dit lors de la discussion de la proposition de loi, que ce soit la Confédération paysanne, Terres de Liens, la Fédération nationale d’agriculture biologique, aGter et France Nature Environnement, tous dénoncent le manque d’ambition du texte, qui « ne réglera aucunement la difficulté d’accès au foncier […] pour les porteuses et porteurs de projets agricoles et notamment les “non-issus du milieu agricole” ».
Or, comme le soulignent un certain nombre de spécialistes du droit du foncier agricole, le foncier constitue la trame essentielle du territoire que le code de l’urbanisme qualifie de « patrimoine commun de la Nation ». Et, ne nous y trompons pas, sur ce sujet comme sur bien d’autres, nombreux sont ceux qui plaident pour la disparition de toute régulation au motif qu’elle serait un frein à la liberté d’entreprendre et au développement économique des entreprises agricoles, tout cela au nom de la compétitivité.
En même temps, oserais-je dire (Sourires.), nous sommes nombreux ici au Sénat, et qui plus est de manière transpartisane, à partager le constat que l’agrandissement excessif des structures, la diminution du nombre d’exploitations et d’exploitants et l’industrialisation des processus de production ont des conséquences néfastes pour l’aménagement du territoire, l’environnement, la qualité des produits et des sols, l’emploi et, surtout, la vitalité des territoires ruraux.
L’accaparement des ressources foncières, par des investisseurs étrangers, mais aussi par de grands groupes nationaux, représente une véritable menace. Nous pouvons toutes et tous, en tant que de besoin, le dénoncer.
Malgré ce constat, permettez-moi de le dire, nous restons en deçà des enjeux, nous nous éloignons toujours plus du « pacte foncier qui, depuis les années 1960, établit dans le monde agricole un équilibre entre la propriété et le travail de la terre », comme le dit si bien Dominique Potier,…
M. Laurent Duplomb. Alors là…
Mme Cécile Cukierman. … entre le besoin de propriété et d’accaparement et la nécessité de donner de la valeur au travail de celles et ceux qui, au quotidien, font vivre la terre sans compter leurs heures. Ce pacte donnait la priorité au facteur humain plutôt qu’aux mouvements de capitaux et de concentration.
Notre pays a profondément besoin de « justice foncière », voire d’« utopie foncière », pour reprendre les mots d’Edgar Pisani, c’est-à-dire d’une rénovation du rapport à la terre.
Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Cécile Cukierman. Il faudrait que le Sénat débatte d’une grande loi foncière agricole.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne voterons pas les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Christian Redon-Sarrazy applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Françoise Férat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 25 novembre dernier, près de la gare Saint-Lazare, les Jeunes Agriculteurs se sont mobilisés pour distribuer gratuitement aux passants plus de 1 100 baguettes de pain, correspondant à la production perdue toutes les minutes du fait de la disparition de foncier agricole – un symbole très fort, vous en conviendrez !
Cette opération avait pour objectif de faire « prendre conscience aux consommateurs que si, demain, il n’y a plus de foncier agricole, il n’y aura plus de production alimentaire en France ».
Le Sénat salue l’initiative de cette proposition de loi, qui atténuera la disparition du foncier. Il s’agit ici de relever le défi de la maîtrise du foncier aux moyens de deux objectifs : d’une part, lutter contre la concentration excessive des exploitations et l’accaparement des terres, en contrôlant les cessions de titres des sociétés ; d’autre part, agir pour l’installation et la consolidation des exploitations, grâce à un mécanisme d’incitation à vendre ou à donner à bail rural à long terme une surface compensatoire à un agriculteur.
Le cœur du dispositif, créé à l’article 1er, est inspiré de celui de l’Autorité de la concurrence pour le contrôle des concentrations économiques. Il instaure un contrôle administratif et des prises de participations sociétaires, au profit d’un bénéficiaire qui dépasse un seuil d’agrandissement significatif.
Le mercredi 1er décembre, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord après des heures de négociation déterminées et des prises de position solides. Elle a conforté les mesures votées par le Sénat en novembre. Nous avons maintenu l’essentiel de nos positions d’équilibre visant à réguler sans faire obstacle au développement de notre secteur agricole.
Ainsi, le préfet de département sera compétent pour conduire la procédure de contrôle, au plus près des exploitants et de leur activité, reprenant ainsi une proposition du Sénat. Le préfet de région est toujours chargé de fixer le niveau du seuil. Le seuil plancher déclenchant le contrôle des cessions a été rehaussé à 1,5 fois la surface agricole utile régionale moyenne, conformément à la volonté du Sénat de viser les opérations excessives, et non la majorité des opérations courantes.
Les transmissions entre membres d’une même famille, dès lors qu’ils s’engagent à poursuivre l’exploitation, ont été exclues du dispositif de contrôle jusqu’au quatrième degré inclus, comme l’avait prévu le Sénat.
Pour ne pas complexifier à outrance le travail des agriculteurs qui ont choisi de s’associer au sein d’une même société, les transmissions entre exploitants associés de longue date ont été permises, mais encadrées.
L’accord qui a été trouvé reconnaît la liberté de gestion des agriculteurs dans la mise en œuvre des mesures compensatoires, en leur laissant la possibilité de proposer au préfet un locataire ou un acheteur pertinent, ou d’opter pour l’appui de la Safer.
De manière unanime, les membres de la commission mixte paritaire ont soutenu la volonté du Sénat de demander au Gouvernement une évaluation obligatoire, précise et chiffrée de ce nouveau dispositif de contrôle d’ici à trois ans.
L’article 5, qui vise le cas d’un acquéreur unique, a été rétabli par la commission mixte paritaire. Il prévoit que, si une opération conduit à un agrandissement excessif, le préfet peut, après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA), suspendre l’instruction de la demande d’autorisation pour huit mois, afin d’encourager davantage de candidats à postuler.
Afin de rendre opérationnelles ces mesures d’urgence au plus vite, la commission mixte paritaire a prévu une entrée en vigueur de l’article 1er à une date fixée par décret, au plus tard le 1er juillet 2022.
Les agriculteurs attendaient une grande loi. Ce n’est pas le grand soir du foncier agricole, chacun en convient ! Même si les débats ont été vifs entre les deux chambres, même si des discordances ont pu se faire entendre parmi les acteurs de la filière, ceux-ci attendent ce texte, qui devrait permettre de répondre de manière efficace aux dérives.
Les membres de la commission mixte paritaire se sont écoutés et ont chacun fait des concessions dans l’intérêt général de notre modèle agricole. C’est pourquoi l’ensemble des membres du groupe Union Centriste votera en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les uns et les autres l’ont rappelé, la politique foncière est structurante pour notre agriculture, car elle conditionne en grande partie le modèle agricole que nous souhaitons.
En effet, si nous voulons avoir un minimum de souveraineté alimentaire, si nous voulons une agriculture durable, diversifiée et des produits de qualité, si nous voulons sécuriser l’emploi agricole et garantir ainsi le dynamisme de nos territoires ruraux, nous sommes bien d’accord : il faut absolument préserver un modèle équilibré, dans lequel coexistent des exploitations de taille différente, des exploitations sous forme sociétaire et surtout des structures familiales, qui, au-delà d’une communauté de travail, représentent bien souvent une communauté de vie.
À l’issue de l’examen de la proposition de loi de notre collègue député Jean-Bernard Sempastous, nous allons, je le crois, dans le sens de cet objectif, même si les défis de la politique foncière appellent une réflexion plus vaste que le seul contrôle des structures et cessions de titres sociaux. Nous attendions une grande loi foncière ; ce ne sera, hélas, pas pour tout de suite !
Comme l’a dit mon collègue Laurent Duplomb, nous avons quelques points de divergences dans ce débat, mais nous ne devons pas avoir peur de réformer. En attendant, nous avons aujourd’hui la possibilité d’apporter un début de réponse à une évolution observée dans nos régions, celle de la part de plus en plus importante des formes sociétaires au sein de notre modèle agricole.
On en connaît les conséquences : l’accaparement des terres et les difficultés d’accès des jeunes agriculteurs au foncier agricole, alors même que près d’un agriculteur sur deux atteindra l’âge de la retraite au cours des cinq à sept prochaines années, comme cela a été souvent rappelé dans nos débats. La Safer, compétente en la matière, doit pleinement faire de l’installation sa priorité. Monsieur le ministre, il faudra pour cela lui donner les moyens nécessaires.
L’adaptation rapide du contrôle des cessions de parts de sociétés s’impose donc. Aussi, mon groupe partage tout à fait l’ambition de cette proposition de loi.
Je suis heureux de constater que la commission mixte paritaire a trouvé un équilibre satisfaisant, préservant au passage les quelques apports du RDSE. Je ne reviendrai pas sur la question du seuil surfacique, qui a été très discutée. Je rappellerai seulement que j’aurais préféré que l’on s’en tienne à la fourchette fixée dans le texte initial, un niveau qui me semblait bien répondre à la diversité des exploitations couvrant notre territoire.
J’approuve également l’encadrement des exemptions au contrôle. Je note toutefois que celles-ci demeurent nombreuses, et qu’un effort n’a pas été fait en direction des foncières agricoles agréées « entreprises solidaires d’utilité sociale ». Nous sommes quelques-uns ici, y compris le Gouvernement, à avoir souligné notre attachement à Terre de Liens, qui effectue un travail remarquable de promotion des exploitations durables et sociales.
Enfin, la clarification de la procédure pour la mise en œuvre des mesures compensatoires, ainsi que le rétablissement sur la base d’une nouvelle rédaction de l’article 5, relatif à l’adaptation des motifs de refus d’autorisation d’exploiter, permettent de retrouver l’esprit de la proposition de loi initiale.
Mes chers collègues, compte tenu des améliorations apportées par la commission mixte paritaire, le RDSE approuvera ce texte.
Sans anticiper les prochains débats, je me réjouis également de l’examen après-demain de la proposition de loi sur les retraites agricoles, puis à la rentrée du grand projet de loi sur l’assurance récolte. Protéger le foncier agricole, protéger les agriculteurs, qu’ils soient anciens ou actifs, tout cela participe d’une même ambition, celle de conserver à notre pays sa vocation de nation agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Pierre Louault applaudit également.)
Mme le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 53 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 249 |
Contre | 76 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Au terme de ce vote, je voudrais remercier le rapporteur du travail qu’il a effectué.
Je salue également M. le ministre, qui a aidé le Sénat à trouver les voies du compromis avec l’Assemblée nationale.
Je félicite bien sûr le rapporteur de l’Assemblée nationale de l’initiative de cette loi que, à titre personnel, j’avais en ligne de mire depuis une dizaine d’années. Au moins, les choses sont faites !
Je remercie enfin l’ensemble des équipes du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que celles du ministère, qui ont travaillé en collégialité et en bonne intelligence.
Cette loi est importante. Elle ne va peut-être pas aussi loin qu’on l’aurait voulu, mais en la matière, il faut avancer, même modestement, et toujours mettre un pied devant l’autre. C’est ce que nous venons de faire, ensemble. Je vous remercie des équilibres trouvés et de ce vote ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour vous remercier. Nous commençons, depuis le temps, à avoir une certaine expérience des travaux parlementaires en commun. (Sourires.)
Cette commission mixte paritaire m’a appris une chose dont j’étais convaincu : il ne faut jamais lâcher, surtout dans la dernière ligne droite. La veille au soir, beaucoup pensaient encore qu’il ne serait pas possible d’arriver à un accord.
Je voudrais remercier tous ceux qui ont été acteurs de ce processus. Monsieur le rapporteur, en compagnie de tous les membres de la commission mixte paritaire, dont vos collègues de l’Assemblée nationale, vous avez joué un rôle très important pour permettre à ce texte d’aboutir.
Ne jamais remettre au lendemain ce que l’on peut faire aujourd’hui : voici le bel enseignement de cette CMP.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Julien Denormandie, ministre. Il s’applique aussi aux travaux parlementaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir beaucoup œuvré, vous et vos équipes, ainsi que celles du ministère. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
Mme le président. La séance est reprise.
6
Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne (proposition n° 13, texte de la commission n° 239, rapport n° 238).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chère Dominique Vérien, mesdames, messieurs les sénateurs et les sénatrices, les « thérapies de conversion » constituent des atteintes insupportables à l’intégrité humaine. Elles sont totalement inacceptables en France en 2021.
Être une personne LGBT+ n’est pas une idéologie. Être soi n’est pas un crime.
Non, l’homosexualité et la transidentité ne sont pas des maladies que l’on pourrait soigner. Non, il n’y a rien à guérir, parce que l’on ne choisit pas son orientation sexuelle et parce que l’identité de genre n’est ni plus ni moins que l’identité que l’on ressent au fond de soi.
Ces pratiques rétrogrades appelées « thérapies de conversion » embrassent un large spectre de pratiques et revêtent un caractère protéiforme : harcèlements, agressions physiques, exorcismes, retraites spirituelles, traitements hormonaux, et même, parfois, électrochocs.
Faire subir des électrochocs à des personnes souvent vulnérables, avec l’illusion de pouvoir transformer ces personnes en ce qu’elles ne sont pas : comment l’accepter ?
Comment ne pas voir cette vulnérabilité qui se mue parfois en culpabilité, toujours dans une souffrance extrême ?
Grâce au travail mené par Laurence Vanceunebrock, en étroite concertation avec des associations, des experts, des médecins et des autorités religieuses, cette proposition de loi instaure un délit spécifique visant à réprimer ces pratiques.
L’objectif est de mieux identifier ce délit, de mieux protéger les victimes, de favoriser la libération de la parole et, ainsi, de mieux mesurer l’ampleur de ce phénomène dans notre pays.
Oui, cette proposition de loi permettra aux victimes de passer plus facilement la porte des commissariats ou des gendarmeries. Elle permettra aux forces de l’ordre et aux magistrats de mieux appréhender les fautifs, pour mieux les condamner.
Ces pratiques ne sont pas nouvelles et dépassent nos frontières. D’autres pays européens, tels que l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas, ont déjà légiféré ou sont en train de le faire.
Cette loi permettra enfin d’envoyer un signal clair à celles et à ceux qui cherchent à contraindre une personne à renier son identité de genre ou son orientation sexuelle.
Cette loi permettra d’envoyer un signal fort aux victimes de ces pratiques, qui, à l’heure actuelle, n’ont pas toujours conscience de l’illégalité de ces actes. Par cette loi, nous leur affirmons clairement qu’elles seront protégées.
Mesdames, messieurs les sénateurs et les sénatrices, il est important de préciser que les « thérapies de conversion », qu’elles soient religieuses, médicales ou sociétales, sont le fait d’une minorité de personnes. Mais cela n’atténue en rien leur gravité.
Cette proposition de loi ne vise évidemment pas à stigmatiser celles et ceux qui accompagnent de manière bienveillante les personnes qui en manifestent la volonté. Les aides apportées par la famille ou les amis, le travail accompli par les médecins, les représentants de culte ou les associations restent essentiels et doivent perdurer. L’accompagnement offert à une personne en réflexion sur son orientation sexuelle ou son identité de genre n’est clairement pas visé par ce texte.
Notre démarche vise en revanche à renforcer les droits et la protection des personnes LGBT+. L’écoute, le soutien et la protection, d’où qu’ils viennent, sont indispensables.
Au moment où les droits des personnes LGBT+ sont remis en cause au sein même de l’Europe, alors que ces enjeux affleurent dans notre débat public, ce texte s’inscrit dans le combat mené depuis le début de notre mandat contre toutes les formes de discriminations et pour l’égalité des droits de tous les citoyens.
Cela se traduit dans le plan triennal d’actions du Gouvernement pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ lancé le 14 octobre 2020.
Ce progrès s’est également traduit par l’ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, par la publication il y a quelques mois d’une circulaire du ministère de l’éducation nationale pour mieux accueillir les élèves transgenres, mieux appréhender la transidentité et, ainsi, lutter contre le taux de suicide quatre à sept fois plus important pour les personnes concernées.
Il se traduit par le renforcement de la formation tant des forces de l’ordre que de la magistrature, par la désignation de référents discriminations au sein du ministère des armées, ou encore par le lancement d’une campagne de communication nationale de lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre par Santé publique France.
Permettez-moi d’ailleurs de profiter de cette tribune pour saluer le travail remarquable effectué au quotidien par les équipes de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) pour sensibiliser nos concitoyens, former les professionnels et accompagner les associations engagées sur ces sujets.
Mesdames, messieurs les sénateurs et les sénatrices, il est du devoir de l’exécutif comme du législateur de protéger toujours plus nos concitoyens.
Il est du devoir des responsables politiques de prendre en considération la pluralité de notre société et de veiller à ce que la loi permette scrupuleusement à chacun et à chacune d’être respecté dans son intégrité et dans sa dignité humaine.
Je voudrais également, devant vous, remercier l’ensemble des associations qui œuvrent chaque jour pour faire avancer les droits des personnes LGBT+, en particulier celles qui se sont engagées depuis plusieurs années dans ce combat contre les « thérapies de conversion ».
Je pense notamment au collectif « Rien à guérir », dont le porte-parole Benoît Berthe est présent au Sénat cette après-midi. Monsieur Berthe, je sais le travail que vous avez mené et les obstacles auxquels vous avez été confrontés. Votre contribution est précieuse pour toutes les victimes. Il s’agit pour elles d’une grande avancée.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs et les sénatrices, je vous remercie toutes et tous pour votre implication et votre travail sur ce texte, en particulier vous, madame la rapporteure Dominique Vérien.
Cette proposition de loi mérite que nous dépassions les clivages partisans, afin d’être votée d’une seule main. Pour reprendre les mots d’Amin Maalouf, « c’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est notre regard qui peut les libérer. »
Cette après-midi, c’est votre vote qui protégera nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai une confidence à vous faire : en tant que parlementaire, il m’arrive parfois de ne pas saisir pleinement l’intérêt de certains textes, tant ce que l’on veut nous faire voter est déjà présent d’une façon ou d’une autre dans nos codes.
À quoi bon créer un nouveau délit alors que les faits sont déjà sanctionnables sur le fondement de dispositions déjà existantes ?
M. Philippe Bonnecarrère. Eh oui !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il serait possible d’appliquer ce raisonnement au texte que nous examinons aujourd’hui. On pourrait facilement le balayer et le rejeter d’emblée, en estimant que, de toute façon, les « thérapies de conversion » peuvent d’ores et déjà être sanctionnées par les articles du code pénal relatifs aux violences volontaires, au délit d’abus de faiblesse, au harcèlement moral ou encore à l’exercice illégal de la médecine.
Pourtant, il n’en est rien, parce que le droit et la loi ne sont pas des sciences froides et purement objectives. Ils sont aussi le reflet d’une société, de son état d’esprit, de ses valeurs, des interdits qu’elle pose et des choses qu’elle nomme. Car tout l’enjeu de ce texte est bien là et tient en un seul mot : nommer.
Nommer le délit, c’est poser une interdiction franche et c’est reconnaître le mal qui a été fait.
Nommer le délit, c’est permettre aux victimes de se reconnaître en tant que telles – on sait l’importance que cela peut avoir dans leur reconstruction.
Nommer le délit, c’est enfin permettre une véritable quantification du phénomène et une meilleure prise en charge judiciaire.
Finalement, c’est un message fort que la République envoie en créant un délit autonome visant à sanctionner les thérapies de conversion. Ces actes ne sont plus acceptables. Peu importe son orientation sexuelle ou son identité de genre, chacun a le droit à la protection de la République. Accepter l’autre au-delà de ses différences, c’est aussi contribuer à faire de notre société un espace de liberté.
Ce texte est donc nécessaire. De plus, il s’inscrit dans la continuité de la résolution du Parlement européen du 1er mars 2018 condamnant les thérapies de conversion et appelant les États membres de l’Union européenne à légiférer pour les interdire.
Plusieurs de nos voisins, par exemple l’Allemagne ou certaines régions espagnoles, se sont déjà saisis de ce sujet. C’est également le cas de plusieurs États des États-Unis ou du Canada.
Je voudrais également préciser qu’il ne s’agit pas d’un texte sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Je connais les doutes de certains d’entre vous sur cette dernière expression, qui figure pourtant déjà dans le code pénal, dans le code du travail ou encore dans le code du sport.
En outre, le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2017, a estimé que l’expression « identité de genre » était suffisamment claire et précise pour figurer dans la loi.
J’ajoute également que les responsables des cultes que nous avons auditionnés et auxquels nous avons clairement posé la question nous ont expliqué non seulement être pour cette loi, mais aussi ne pas avoir de problème avec la présence de la notion d’identité de genre dans le texte.
Enfin, le médecin spécialiste que nous avons auditionné a insisté sur le fait que cette réassignation est, dans certains cas, un besoin vital, une question de survie même.
Toutefois, ici, la présence de l’expression « identité de genre » sert simplement à protéger ceux qui en ont besoin de ceux qui considèrent qu’homosexualité et transidentité sont des maladies ou des péchés que l’on peut traiter par de pseudosciences.
Concrètement, on parle ici de pratiques pouvant prendre la forme de groupes de parole où l’on doit se mettre à nu, de jeûnes, de sessions d’enseignement, de prières de guérison ou de délivrance, d’hypnose, d’électrochocs, voire d’exorcismes, de « viols de guérison » – curieux concept –, ou d’excision. Sauf que, en réalité, il n’y a pas davantage de malades que de maladies. Il n’y a donc rien à guérir.
Les seules thérapies possibles sont celles qui visent à soigner les conséquences de ces pratiques barbares et moyenâgeuses. Isolement, dépression, suicide, voilà les seuls résultats que peuvent espérer obtenir ces charlatans.
Le constat est dur, mais il est partagé par les associations de victimes bien sûr, mais aussi par les responsables des cultes, qui ont tous tenu à dénoncer les thérapies de conversion, ne serait-ce que parce que ces dernières passent par des dérives sectaires et un profond dévoiement des textes sacrés. Tous ont tenu également à saluer la nécessité de cette loi.
Les médecins et les psychiatres nous ont, pour leur part, alertés sur les conséquences désastreuses de ces pseudo-thérapies – je les ai déjà évoquées –, comme sur la nécessité d’offrir une écoute attentive et bienveillante face aux questionnements sur son orientation sexuelle ou son identité de genre.
Une écoute bienveillante et attentive est nécessaire, et nous avons justement tenu à rassurer en inscrivant dans ce texte une distinction entre les « thérapies de conversion », que nous condamnons, et l’accompagnement et le soutien.
Ainsi, le parent ou le professionnel de santé qui invite à la prudence et à la réflexion le mineur qui s’interroge sur son identité de genre et envisage un parcours médical ne pourra évidemment pas être poursuivi. Il ne s’agit pas de pénaliser celui qui invite simplement à prendre le temps de la réflexion avant de se lancer dans un changement profond.
Il ne s’agit pas non plus ici de pénaliser l’accompagnement spirituel et religieux. La liberté de culte est parfaitement respectée et préservée.
Cet accompagnement, qu’il vienne d’un parent, d’un médecin ou d’un proche de confiance, est donc parfaitement légitime, mais il ne doit jamais aboutir à la proposition d’une thérapie de conversion, c’est-à-dire d’une pratique ayant pour effet une altération de la santé physique ou mentale de la personne.
D’ailleurs, dans le cas où cette pratique serait à l’initiative du parent, le juge devra se prononcer systématiquement sur le retrait ou non de l’autorité parentale. Nous estimons qu’il s’agit d’une mesure de bon sens, qui permet d’avoir un texte équilibré et qui s’inscrit dans la continuité du travail de l’auteure de la proposition de loi, Laurence Vanceunebrock, dont je salue ici l’engagement sur le sujet.
En définitive, je l’ai dit, ce texte est nécessaire. Alors que ces thérapies de conversion visent principalement des adolescents et de jeunes adultes, à une période de leur vie pleine de questionnements et de doutes, où ils sont bien souvent vulnérables, la République se doit de les protéger.
Nous leur devons la possibilité de s’épanouir librement et de se construire. Je m’adresse à tous ceux qui ont été victimes, à tous ceux qui ont eu le courage de témoigner, comme aux anonymes : nous reconnaissons votre peine et nous sommes aujourd’hui pleinement à vos côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, GEST et SER. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « rien à guérir », ces trois mots résonnent a priori comme une évidence.
Tout d’abord, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne constituent ni une maladie ni une déviance – faut-il vraiment le rappeler ?
Ensuite, ces réalités renvoient à l’intime de chaque vie.
Enfin, au-delà de la dimension politique faisant écho à la mobilisation d’un collectif du même nom, ces trois mots revêtent le caractère de l’évidence, car ils traduisent la réalité des textes français et internationaux. L’OMS a rayé depuis quelques années l’homosexualité et la transidentité de la liste des maladies mentales.
Plus encore, l’homophobie et la transphobie sont désormais pénalisées pour ce qu’elles sont : des atteintes au respect et à la dignité de la personne humaine auxquelles notre état de droit ne peut consentir.
Pourtant, malgré ce corpus de règles aujourd’hui assez largement admises, il existe encore des pratiques laissant penser qu’il serait non seulement possible, mais encore souhaitable et même vivement recommandé de réaliser des « conversions » des orientations et des identités.
Ces conversions s’expriment sous des formes diverses, que la proposition de loi prend en compte pour apporter une réponse ferme permettant de garantir la bonne mise en œuvre de notre droit et de protéger les personnes.
Ce texte a ainsi pour objectif que l’application du droit pénal à ces pratiques barbares ne souffre d’aucune de ces ambiguïtés en conséquence desquelles de trop nombreux cas ont été ignorés ou mal appréhendés, parfois même par les victimes elles-mêmes.
La proposition de loi s’attaque donc clairement à ces thérapies de conversion, qu’elles se présentent sous une forme religieuse, médicale ou sociétale, en créant deux nouvelles infractions qui posent un interdit explicite assorti de sanctions importantes et aggravées, notamment lorsque la victime est mineure.
Mes chers collèges, ce texte est l’aboutissement d’un travail de conviction de notre collègue députée Laurence Vanceunebrock, qui a été voté à l’unanimité de l’Assemblée nationale ; ce point est suffisamment rare pour être souligné et salué.
Madame la ministre, ce texte a obtenu votre soutien. Que le Gouvernement l’ait inscrit à l’ordre du jour dans une période dense constitue la preuve, s’il en fallait, de l’importance de ces dispositions.
Les travaux de qualité de notre rapporteure Dominique Vérien s’inscrivent dans une démarche constructive autour du constat partagé de la nécessité d’agir.
Ce texte permettra d’affirmer un interdit fort et d’assurer une meilleure protection et une meilleure prise en charge des victimes. Il permettra également de mieux connaître et quantifier ces pratiques inacceptables pour notre société, afin d’y apporter une réponse adaptée.
Cela a été rappelé, l’objet ou l’effet de ce texte n’est pas de stigmatiser les autorités religieuses, qui condamnent d’ailleurs fermement ces pratiques. Il ne vise pas davantage les professionnels ou les proches qui accompagnent des personnes en demande.
L’intention du législateur n’est évidemment pas de priver des personnes de l’accompagnement qu’elles sollicitent, qu’il soit ou non spirituel, comme en atteste, pour constituer l’infraction, l’exigence du constat d’une altération de la santé physique ou mentale résultant des pratiques visées.
Ce texte n’a pas non plus d’incidence sur les pratiques médicales tendant au changement de sexe, comme cela a bien été rappelé à l’Assemblée nationale. Il nous semble à ce titre que des précisions sur le champ d’application de la proposition de loi, dans un sens comme dans l’autre, risqueraient de nuire à la clarté et à la bonne application du dispositif adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements.
Notre rapporteure a par ailleurs fait œuvre utile en réinsérant des dispositifs sur le retrait de l’autorité parentale ou en introduisant à l’article 3 des circonstances aggravantes lorsque les thérapies de conversion sont conduites par des professionnels de santé sur un mineur ou sur une personne vulnérable.
Les travaux de la commission, et notre rapporteure y est pour beaucoup, ont permis de ne pas faire dévier la proposition de loi de son objet, en rejetant notamment certains amendements de nos collègues du groupe Les Républicains, qui feront de nouveau débat aujourd’hui, je n’en doute pas.
Leur adoption reviendrait à exclure les personnes transgenres du champ d’application de la proposition de loi et, par conséquent, de la protection que cette dernière tend à apporter.
Pourtant, en visant l’identité de genre, la proposition de loi ne réalise aucun acte performatif. La transidentité existe dans la réalité des vies et de notre société. Plus encore, elle fait l’objet de ces thérapies de conversion que nous sommes a priori tous résolus à combattre par la loi. L’identité de genre est enfin déjà présente dans le code pénal pour définir les discriminations.
Gisèle Halimi disait que « la norme sexuelle ne se définit pas ». Notre objectif de législateur n’est pas ici de la définir. Le sujet ne relève pas de la terminologie : ne nous trompons pas de débat.
La proposition de loi que nous examinons cette après-midi est un texte de dignité, juste et ambitieux pour la protection de toutes les victimes de toutes les formes de thérapies de conversion.
C’est l’honneur de la France que de combattre ces pratiques qualifiées pour certaines de tortures par l’ONU et sources de souffrances majeures. En posant cet interdit clair, nous rejoindrons plusieurs de nos voisins européens.
En pleine cohérence avec sa défense de la protection et de la dignité des personnes, le groupe RDPI votera bien sûr pour le texte issu des travaux de la commission des lois, en restant vigilant quant à la suite des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, partisans de la démocratie libérale, nous croyons que les libertés individuelles sont essentielles à notre société. Nous croyons que les minorités doivent être protégées.
Or la plus petite des minorités, c’est l’individu. Il doit être protégé contre les ingérences d’autres membres de la société dans ce qui relève de sa sphère individuelle.
Nous croyons au libre arbitre et nous pensons qu’il y a des décisions que seul l’individu a la légitimité de prendre, qu’il y a des sujets sur lesquels il a seul le pouvoir de se prononcer. Tel est évidemment le cas de la décision du changement de sexe ou du sujet de l’orientation sexuelle.
Il faut rappeler que, pendant très longtemps et jusqu’à récemment, ce n’était pas le cas. Nous avons tous en tête le fait que, dans notre pays, l’abrogation des dispositions pénales incriminant les actes homosexuels entre adultes consentants ne date que de 1982.
L’homosexualité a officiellement cessé d’être classée comme une maladie mentale il y a une quarantaine d’années seulement. Il est temps que chacun reconnaisse que l’orientation sexuelle d’un individu ne concerne que ledit individu, de même que son identité de genre.
Nous croyons aussi que seul cet individu peut légitimement prendre la décision d’un changement de sexe, en conscience et sans contrainte. Malheureusement, force est de constater qu’il ne s’agit pas d’une évidence pour tout le monde.
Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, qui vise à interdire les thérapies de conversion.
Il ne faut pas se laisser abuser par ce terme : ces tentatives de conversion n’ont rien de thérapeutique. Comme cela a déjà été souligné, elles présentent un caractère coercitif et prennent souvent appui sur l’intolérance religieuse. Exorcismes, pressions psychologiques, chocs électriques, injections de substances ou encore violences physiques, il est évident que ces pratiques n’ont pas leur place dans notre société. Déjà interdites en Allemagne et en Espagne, elles le seront très prochainement au Royaume-Uni.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires partage bien évidemment l’objectif des auteurs de cette proposition de loi.
Si elles ne sont pas encore largement répandues dans notre pays, ces thérapies de conversion risquent de se développer faute d’intervention législative. Ces pratiques doivent donc impérativement faire l’objet d’une infraction explicite. Nous nous félicitons de l’initiative prise par nos collègues députés. Nous saluons le travail de la rapporteure sur ce texte et soutenons très majoritairement la position de la commission.
Nous sommes sensibles au fait que la rapporteure ait souhaité distinguer clairement les conseils donnés à une personne qui s’interroge sur un éventuel changement de sexe des actes qui portent atteinte à la santé de la victime.
Cette précision nous semble tout à fait opportune : les conseils appelant une jeune personne désireuse de changer de sexe à la prudence et à la réflexion ne doivent pas être constitutifs, en eux-mêmes, d’une infraction. Les parents sont toujours attentifs à l’évolution de leur enfant, en particulier dans la phase délicate de l’adolescence.
Cependant, lorsque le parent inflige à son enfant une thérapie de conversion qui porte atteinte à sa santé, la question du maintien de l’autorité parentale se pose. Le juge doit pouvoir décider en fonction des conditions de l’espèce si un retrait se justifie.
Le présent texte est équilibré : il protège celles et ceux qui ont à assumer leur différence et réaffirme le libre arbitre de l’individu et le respect de la dignité de la personne. La très grande majorité des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé aujourd’hui, en procédure accélérée, affirme la nécessité de lutter contre la non-acceptation de l’homosexualité dans la société, ce qui est effectivement indispensable.
Plus précisément, cette proposition de loi tend à interdire les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle. On ne peut en effet ignorer la détresse des hommes et des femmes dont l’orientation sexuelle n’est pas acceptée. Nous leur devons écoute et soutien. Il est essentiel de défendre le droit à la différence et de protéger toutes les personnes injustement traitées, dont certaines sont contraintes de subir ces pratiques.
Non, l’homosexualité et la transidentité ne sont pas des maladies à soigner. Nous devons lutter contre toute dérive religieuse, sectaire, familiale ou autre visant à faire croire aux jeunes et aux adultes qu’ils sont malades parce qu’ils ont d’autres orientations sexuelles.
Plusieurs pays ont légiféré récemment en matière de thérapies de conversion. La chambre basse canadienne vient ainsi de voter une loi interdisant les thérapies de conversion. De même, les thérapies de conversion pour personnes homosexuelles vont être interdites en Angleterre et au Pays de Galles.
Si la notion d’orientation sexuelle est claire, il n’en est pas ainsi de celle d’identité de genre, qui apporte de la confusion dans le droit. Ne tombons pas dans l’idéologie de la théorie du genre, dans les « iels » et dans tout ce qui vient des États-Unis et qui nous est imposé par une minorité agissante, loin des véritables préoccupations des personnes concernées !
« L’identité de genre d’une personne » est invoquée sans que jamais ce concept ne soit défini. Il est apparu dans des listes de discriminations et s’inscrit dans des lois sans aucune indication sur ce qu’il recouvre.
En outre, la présente proposition de loi, votée en première lecture à l’Assemblée nationale, ne mentionne pas si la personne concernée est mineure ou majeure. Il s’agit pourtant d’une précision indispensable.
Plusieurs spécialistes qui travaillent auprès d’enfants ont alerté sur les dangers d’inclure l’identité de genre dans cette proposition de loi. Cela pourrait empêcher la prise en charge de mineurs souffrant de dysphorie de genre autrement que dans la seule approche transaffirmative.
Or, si l’on ne peut nier la détresse de mineurs, en particulier à l’adolescence, qui déclarent ressentir une inadéquation entre leur sexe de naissance et leur sexe ressenti, on ne peut non plus les enfermer dans leur choix en privilégiant une approche transaffirmative prématurée.
Aussi, j’ai déposé plusieurs amendements, cosignés par une trentaine de collègues, que je remercie de leur soutien, visant à supprimer la mention d’identité de genre dans cette proposition de loi.
Par ailleurs, il m’a semblé essentiel de ne pas oublier d’inclure dans ce texte les thérapies affirmatives de transition sur les mineurs, filles et garçons, qui sont également à interdire. L’un de mes amendements vise donc à punir le fait de prescrire à un mineur, bien entendu en dehors des raisons médicales, des pratiques – bloqueurs de puberté, traitements hormonaux… – visant au changement de sexe.
Des thérapies affirmatives de transition sont actuellement expérimentées sur des jeunes croyant être nés dans le « mauvais sexe ». Ceux-ci subissent ainsi des traitements hormonaux bloqueurs de puberté sur des bases scientifiques controversées.
Lorsque ces mêmes jeunes, quelques années plus tard, regrettent la solution draconienne apportée à leur mal-être dans leur enfance, le chemin de la « détransition » est extrêmement difficile. De nombreux témoignages font état des dégâts que causent ces pratiques sur lesquelles nous manquons de recul.
À l’heure où des pays très engagés sur le sujet de ce que l’on appelle « la dysphorie de genre » s’interrogent sur leurs pratiques et reviennent à des positions plus prudentes, il est essentiel que la France ne se précipite pas dans la mise en œuvre de dispositifs qui pourraient porter préjudice aux personnes mineures. La Suède, pays pionnier de la reconnaissance des transgenres, revoit d’ailleurs son protocole vis-à-vis des mineurs.
Je tiens également à souligner le danger des réseaux sociaux pour ces mineurs, qui se laissent influencer par les vidéos qu’ils consultent.
Cet amendement tend à protéger les mineurs jusqu’à leur majorité. Il est de notre devoir de les préserver. À l’âge de 18 ans, il sera toujours temps d’engager ce changement de sexe si ces jeunes adultes le souhaitent encore.
Non, notre vision de la société n’est ni archaïque ni rétrograde. Elle est réaliste, protectrice et respectueuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous n’en sommes qu’au tout début de ce débat, mais nous avons déjà entendu tout et n’importe quoi ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Xavier Iacovelli. Vous vous sentez concernés, chers collègues du groupe Les Républicains ?…
Mme le président. Ma chère collègue, je vous demande de bien vouloir rester correcte. Ici, nous sommes au Sénat. (Marques d’approbation et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Et au Sénat, la nuance est bienvenue !
Mme Mélanie Vogel. Permettez-moi de préciser certaines choses avant d’aborder l’examen des articles : nous ne sommes pas ici en train de légiférer sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre de qui que ce soit. Nous ne sommes pas non plus en train de légiférer sur les processus de transition des personnes trans, que ces dernières souhaitent avoir recours à des chirurgies, à des traitements hormonaux ou à rien du tout, et cela quel que soit leur âge.
Certes, c’est un sujet important. Beaucoup reste à faire en France, et je suis sûre que nous nous opposerons sur de nombreux points quand l’heure sera venue de faciliter la vie des personnes trans dans notre pays. Mais il se trouve que ce n’est pas l’objet de ce texte, qui vise à interdire les thérapies de conversion, c’est-à-dire à interdire des tortures à la fois psychologiques et physiques, comme des « viols correctifs », des mutilations, des exorcismes et j’en passe, qui sont imposées à des personnes, simplement parce qu’elles ne sont pas cisgenres ou hétérosexuelles.
La seule question qui nous intéresse aujourd’hui est de savoir si nous permettons ces tortures ou si nous les interdisons, et c’est tout !
Madame la sénatrice Eustache-Brinio vous souhaitez exclure les personnes trans du champ d’application de ce texte. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio fait un signe de dénégation.) Dans les faits, pour que tout le monde ait les idées bien claires, cela signifie que vous êtes d’accord pour interdire les tortures sur les gays, les lesbiennes et les bisexuels, mais que vous acceptez, en revanche, que les personnes trans continuent de subir ces traitements. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous dites que vous ne savez pas ce qu’est l’identité de genre et que ce concept n’est pas assez clair. Il est facile de dire cela quand personne n’a essayé de modifier ou de réprimer votre identité de genre, quand personne n’a refusé de vous considérer comme une personne à part entière, parce que vous étiez cisgenre !
Pour vous, comme pour toutes les personnes cisgenres, l’identité de genre va de soi, parce que la société tout entière considère les personnes cisgenres comme normales et toutes les autres, quel que soit leur degré d’écart par rapport à cette norme, comme anormales.
Toutefois, imaginez un instant, chers collègues, que vous deviez subir les thérapies de conversion que doivent endurer les personnes trans. Imaginez que l’on vous considère comme malades, anormaux, pervers ou hantés parce que vous êtes cisgenre et que l’on décide de corriger cela à coups de tortures, d’électrochocs, de pressions psychologiques, de manipulation pour vous faire devenir une personne que vous n’êtes pas.
Si tel était le cas, je puis vous assurer que les personnes trans qui se mobilisent contre vos amendements, tout comme l’entièreté des personnes qui se battent dans ce pays pour la dignité humaine et l’égalité des droits, seraient là pour vous protéger.
C’est la grande différence entre nous, me semble-t-il : nos vies ne se ressemblent pas, mais je ne me mobiliserai jamais pour changer la vie des autres, pour porter atteinte à leur dignité ou pour en laisser d’autres continuer à le faire.
Personne ici ne demande à personne d’avoir l’empathie nécessaire à la compréhension des vécus intimes des personnes trans. Personne ! Il s’agit simplement de reconnaître que celles-ci existent et qu’elles ne doivent pas être torturées.
Je voudrais dire quelques mots de l’ajout, en commission, de ce paragraphe : « L’infraction […] n’est pas constituée lorsque les propos répétés ont seulement pour objet d’inviter à la prudence et à la réflexion la personne, eu égard notamment à son jeune âge ».
J’ai beaucoup entendu que des parents auraient peur de se faire condamner parce qu’ils diraient gentiment à leur enfant : « Mon chéri, prends ton temps. Tu sais, c’est une grande décision. » Ce n’est bien évidemment pas le cas.
En revanche, cette inquiétude m’inquiète. Nous parlons ici d’actes visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, Je suis désolée, mais il n’y a pas de conseil bienveillant dans un tel cas !
En France, les jeunes personnes LGBTQI+ ont trois fois plus de risques de se suicider que les autres. Pourquoi ? Parce qu’on les discrimine, parce qu’on les méprise, parce qu’on leur apprend à se détester, parce qu’on leur dépeint un monde dans lequel ils ne peuvent se projeter. Être soi-même n’est jamais une pathologie ; cela ne se guérit pas. Cela se respecte, cela se célèbre.
Les thérapies de conversion ne sont pas des thérapies. Elles ne guérissent rien, parce qu’il n’y a rien à guérir. Elles ne convertissent rien : ce sont des tortures, qui détruisent des vies plutôt que de les accueillir, qui maltraitent des gens plutôt que de les respecter. Ces pratiques doivent disparaître. Voter leur interdiction aujourd’hui est indispensable.
C’est un message important que le Sénat doit envoyer non seulement aux victimes, mais aussi à leurs bourreaux. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, RDSE et RDPI.)
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’indique l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, les thérapies de conversion en question « se basent sur le postulat que l’homosexualité et la transidentité sont des maladies qu’il conviendrait de guérir », ce qui ne repose évidemment sur aucun fondement médical ou thérapeutique.
La France a officiellement retiré l’homosexualité de la liste des affections psychiatriques en 1981 et ce qui était alors considéré comme des troubles de l’identité de genre en 2010.
En 2015, un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) appelait à l’interdiction des « thérapies de conversion », qualifiées, à juste titre, de « pratiques contraires à l’éthique, dénuées de fondement scientifique, inefficaces et, pour certaines d’entre elles, constitutives de torture ».
Le Parlement européen a adopté une motion afin de condamner les thérapies de conversion et appelé les États membres de l’Union européenne à légiférer pour les interdire en mars 2018. L’année suivante, la commission des lois de l’Assemblée nationale a constitué une mission d’information sur le sujet. La proposition de loi qui nous est aujourd’hui présentée est issue des conclusions de ce travail, que nous saluons.
L’objet principal de ce texte est de créer une infraction autonome relative aux thérapies de conversion. Désormais, le fait de chercher à modifier ou de réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne sera condamné.
Selon nous, la création d’un tel délit spécifique est nécessaire pour mieux combattre ces pratiques inhumaines et mieux quantifier les victimes.
Mme la rapporteure a redéfini les contours de quelques articles pour simplifier et clarifier l’objet du texte, en précisant, par exemple, que l’infraction n’est pas constituée lorsque les propos répétés de parents ou de professionnels de santé « ont seulement pour objet d’inviter à la prudence et à la réflexion la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe. » Il s’agit là d’un appel à la prudence, qui fait suite à des affaires de poursuites engagées à l’encontre de certains parents bienveillants.
Si les articles 378 et 379-1 du code civil permettent au juge pénal de prononcer le retrait de l’autorité parentale, ils ne lui imposent pas d’examiner systématiquement cette question.
Or le texte de la commission tend à prévoir que le juge pénal devra se prononcer systématiquement, en cas de condamnation d’un titulaire de l’autorité parentale, sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou de l’exercice de cette autorité.
Certains craignent qu’une telle disposition n’empêche d’accompagner les personnes qui s’interrogent sur leur identité ou leur sexualité. Au contraire, en définissant les thérapies de conversion dans la loi, nous évitons toute confusion : l’article 1er est très précis sur ce qui doit être entendu comme thérapie de conversion.
Quant à ceux qui réfutent la notion d’identité de genre et qui refusent de sortir d’une vision binaire et purement biologique du sexe, je me permets de leur rappeler que cette notion est bien définie et installée dans le droit français. Elle a été jugée claire et précise par le Conseil constitutionnel en 2017.
Les postures idéologiques n’ont pas leur place dans un tel débat, me semble-t-il. Il est ici question d’humain et de souffrances psychiques, parfois physiques. Il est important d’entendre les associations qui travaillent sur ces sujets, d’écouter leur parole et d’entendre l’expression multiple des identités.
Pour notre part, nous pensons que, loin de séparer les uns et les autres, de mettre les gens dans des cases bien définies, la reconnaissance de ces identités et leur respect permet de créer du commun dans une société où chacun et chacune peut pleinement s’épanouir. La République et ses valeurs gagneront à respecter chacun et chacune dans leur diversité.
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDPI.)
Mme le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Vous avez, madame la rapporteure, commencé votre intervention par une confidence, en avouant que vous vous interrogiez sur la pertinence de ce texte. Vous avez finalement répondu que cette proposition de loi était nécessaire, en argumentant ce point de vue, et le groupe Union Centriste vous suivra.
Nous souscrivons à l’esprit de ce texte, en particulier à l’idée selon laquelle on ne peut demander à quiconque de renier son orientation sexuelle. Nous devons accepter l’autre, au-delà des différences. Il est nécessaire de protéger tous nos concitoyens et de respecter la dignité et la souffrance, cette dernière ayant été, me semble-t-il, au cœur de toutes les interventions des différents orateurs. Il convient de ne pas contraindre les personnes.
Mme la ministre a souligné que ce texte pourrait libérer la parole. Mais je voudrais rappeler que la loi n’est pas une conférence philosophique, psychologique, psychanalytique ou théologique. On ne peut confondre une assemblée parlementaire et un groupe de parole !
Nommer ce délit nous permettra sans doute de mieux connaître l’étendue de ces malheurs qui frappent notre société et de quantifier les comportements infractionnels évoqués.
Cela étant, cette proposition de loi vise à sanctionner des faits déjà punissables au titre du harcèlement moral, de l’abus de faiblesse ou de la violence volontaire. Dès lors, faut-il créer une nouvelle infraction pour des délits déjà définis dans le code pénal ? Cette simple question provoquerait la stupéfaction des honorables personnalités dont les statues entourent notre hémicycle et qui n’auraient jamais imaginé une telle situation.
Par ailleurs, il n’est pas certain que l’objectif de ce texte soit atteint. On peut même craindre des résultats exactement inverses, car une règle depuis longtemps établie veut que le droit spécial l’emporte sur le droit général. En d’autres termes, plus une infraction est fine, sectorielle, limitée et précise, plus le champ pénal se réduit.
En droit pénal général, le harcèlement moral, par exemple, peut être établi par à peu près tous les moyens de preuve. Plus le champ de l’infraction sera limité, plus il y aura de sous-catégories et plus le champ des éléments de preuve admissibles se réduira. Dans ce domaine comme dans d’autres, en termes d’efficacité, le mieux est parfois l’ennemi du bien…
Trop de droit pénal peut finir par handicaper le droit pénal. Notre Parlement a battu quelques records ces derniers mois : la loi confortant le respect des principes de la République a créé sept infractions pénales et la loi Climat et résilience abonde de dispositions pénales. Une fois que nous aurons voté le présent texte, nous aurons à en examiner, dans quelques semaines, un autre sur le harcèlement scolaire. Or il ne faut pas pénaliser à l’excès, car tous les problèmes d’une société ne relèvent pas du droit pénal.
Pardonnez-moi d’y insister, mais notre pays a un problème majeur d’effectivité du droit pénal. Je vous rappelle que, voilà quelques jours, lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, nous avons dû réduire les délais d’enquête à deux ans, ce qui signifie que nombre d’affaires seront classées à l’issue de ce délai, à défaut d’ouverture d’une instruction.
Par ailleurs, le ministre de l’intérieur a souligné qu’il manquait 5 000 enquêteurs judiciaires dans notre pays. Le chantier est donc immense.
Enfin, le Président de la République lui-même, dans son discours aux États généraux de la justice à Poitiers, a insisté sur ce problème d’effectivité du droit, en particulier du droit pénal, appelant à une révision constitutionnelle pour limiter l’inflation des normes.
Il ne serait pas totalement absurde de chercher un peu de cohérence. Si l’on estime qu’il y a beaucoup trop de normes dans ce pays, efforçons-nous de modérer notre propension à créer de nouvelles normes pénales.
Ces observations techniques faites, je le répète, nous suivrons Mme la rapporteure. Nous avons compris quels étaient les objectifs des auteurs de cette proposition de loi. Nous respectons l’émotion, la souffrance et les victimes.
Si nous témoignons de notre grande estime à votre égard, madame la rapporteure, ainsi qu’à l’égard du travail que vous avez réalisé, nous restons toutefois plus mesurés quant à la portée réelle de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme chacun d’entre nous, en préparant l’examen de cette proposition de loi, j’ai dû lire les témoignages et les récits sidérants de brutalité de ceux qui ont vécu ces prétendues thérapies de conversion. Il est peu de dire que ces actions sont archaïques et fondées sur des idées rétrogrades.
Si ces pratiques restent, dans notre pays, largement minoritaires et le plus souvent marginales, elles relèvent toutefois d’un degré de violence morale et physique particulièrement élevé, allant même jusqu’à la torture dans certains cas. Il faut donc armer notre législation le plus rapidement possible pour y faire face et donner aux autorités publiques les moyens de lutter contre cet obscurantisme.
En effet, ce qu’il y a de délicat dans cette lutte, c’est que les pratiques peuvent prendre plusieurs formes : thérapies non scientifiques, stages, conférences, entretiens, qui peuvent être accompagnés d’injections de testostérone, de traitements par électrochocs ou encore de diffusions d’images et de vidéos à caractère homosexuel, afin d’en dégoûter les personnes.
Ces actions, en plus des séquelles tant physiques que morales qu’elles laissent aux victimes, sont menées sur la base d’idéologies homophobes, pénalement répréhensibles, contraires à la dignité humaine et à la plus intime des libertés individuelles, la liberté sexuelle.
Le groupe RDSE est sensible à cette question depuis longtemps. Le 1er octobre 2019, notre ancienne collègue Françoise Laborde déposait une proposition de loi visant à engager une campagne de prévention et de lutte contre les thérapies de conversion.
Elle soulignait déjà qu’un vide juridique existait dans notre pays, dans la mesure où les pratiques visant à changer l’orientation sexuelle d’une personne ne sont pas expressément interdites de manière autonome. Elle demandait que la France, à l’instar de nombreux autres pays, qualifie pénalement ces faits et mette en œuvre les moyens nécessaires pour prévenir ces pratiques homophobes par nature.
Voilà quelques mois, notre groupe, par l’intermédiaire de Christian Bilhac, déposait un amendement lors de l’examen de la loi confortant le respect des principes de la République qui visait à créer une infraction autonome réprimant les thérapies de conversion. Cet amendement fut, hélas, déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution.
Je dois avouer que cette décision m’avait quelque peu surpris à l’époque, car ces pseudo-thérapies s’inscrivent souvent dans des contextes de dérive religieuse, voire sectaire, qui expriment une forme de séparatisme, contre laquelle il faut lutter.
Quoi qu’il en soit, je veux dire toute notre satisfaction de voir ce texte inscrit à notre ordre du jour. Il faut saluer la position de notre commission des lois, notamment sur la question du rôle des parents dans l’accompagnement des enfants. En effet, il s’agit de sujets sensibles, compliqués, qui apparaissent dans des contextes familiaux parfois délicats. Il ne faudrait pas qu’une confusion s’installe entre les actes répressibles, qui font l’objet de ce texte, et la prudence légitime de l’entourage d’un enfant s’interrogeant sur ce que l’on désigne aujourd’hui comme son identité de genre.
Après en avoir débattu en commission, nous allons examiner de nouveau des amendements visant à supprimer du champ du dispositif les cas où l’acte aurait lieu en vue de modifier l’identité de genre d’une personne. Je crois que nous ferions une erreur en adoptant une position restreignant le champ de la nouvelle infraction que crée ce texte.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen suivra la commission des lois et votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 1er mars 2018, le Parlement européen adoptait une résolution exhortant les pays membres de la communauté à interdire les thérapies de conversion censées modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
Jusqu’à aujourd’hui, il n’existait en France aucune loi visant à proscrire ce genre de pratiques particulièrement barbares et dont certaines se rapprochent d’actes de torture.
Si le phénomène est peu documenté, les rares témoignages connus sont glaçants : injections de testostérone, électrochocs et autres psychothérapies forcées composent le quotidien des victimes de ce qu’on appelle communément des « thérapies de conversion ».
Je souhaite m’arrêter un instant sur l’utilisation de ce vocabulaire. Ce terme de « thérapie » induit directement que l’homosexualité serait une maladie, tout comme l’appartenance à un genre sortant du cadre binaire. Cette idée conservatrice est encore prégnante dans une partie de notre société, particulièrement au sein de communautés religieuses extrémistes, qui font de cette doctrine passéiste leur fonds de commerce.
Je souhaite adresser un message aux victimes de ces thérapies, ainsi qu’aux personnes tentées de se lancer dans un tel processus : « Vivre libre et en sécurité, c’est votre droit le plus total. Peu importe votre genre ou votre orientation sexuelle. Restez comme vous êtes. Vous n’êtes pas seuls. »
Les associations sont nombreuses à venir en aide aux jeunes qui éprouvent des difficultés à vivre leur orientation sexuelle ou leur genre. L’État doit maintenant octroyer les moyens nécessaires pour permettre à toutes les personnes LGBTQIA+ de vivre librement.
Des accompagnements doivent être proposés dans tous les établissements scolaires, mais aussi hors de leurs murs, aux personnes qui, pour des raisons souvent variées, souffrent de ne pouvoir s’épanouir pleinement du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Ce travail devrait se coupler de campagnes de pédagogie et de sensibilisation aux sexualités et aux droits de toutes les personnes LGBTQIA+ auprès des enfants et des jeunes, notamment par le biais des livres scolaires, mais aussi auprès du grand public, grâce à des documentaires, des émissions de télévision, etc.
Même si le travail à effectuer reste important, c’est avec détermination que je voterai pour l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il n’y a « rien à guérir » ! Ces quelques mots suffiraient à expliquer le sens et l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Ce texte était très attendu, et nous nous réjouissons qu’il soit enfin inscrit à l’ordre du jour, après quelques tergiversations du Gouvernement, sur lesquelles je reviendrai.
Mon groupe avait déposé en juin dernier une proposition de loi analogue, que nous nous apprêtions à inscrire dans l’ordre du jour qui nous est réservé. Nous sommes donc très heureux, aujourd’hui, de l’examen de ce texte.
Cela a été dit, les thérapies de conversion visent à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Cher collègue Philippe Bonnecarrère, je souhaite vous rassurer : si, effectivement, le droit pénal spécial prime sur le droit pénal général, rien n’empêchera demain, après le vote de ce texte, que des infractions voisines des thérapies de conversion soient sanctionnées. Vos craintes en tant que juriste me semblent donc infondées.
Loin d’être un fantasme, ces pratiques existent bel et bien aujourd’hui, en France, comme l’ont démontré les travaux menés par une mission d’information de l’Assemblée nationale en 2019 ou encore l’enquête des journalistes Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre. Elles peuvent prendre diverses formes : accompagnements thérapeutiques ou spirituels, exorcismes, rassemblements de prières, voire traitements par électrochocs ou injection d’hormones.
On le sait, ces pseudo-thérapies produisent des dommages profonds sur la santé physique et mentale des personnes, souvent jeunes, qui les subissent. Elles reposent sur une conception assimilant l’homosexualité et la transidentité à des maladies. Ce n’est pas acceptable, a fortiori au XXIe siècle, dans un pays se targuant d’être la patrie de droits de l’homme et d’avoir abrogé toute sanction pénale de l’homosexualité.
Comme je le disais, ce texte est très attendu. Déjà, en 2015, un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme appelait à l’interdiction par les États des thérapies de conversion. En mars 2018, le Parlement européen adoptait une motion condamnant ces pratiques et appelant les États membres à légiférer pour les interdire.
Pourtant, en France, bien que l’homosexualité ne soit plus considérée comme une pathologie psychiatrique depuis 1981, il n’existe toujours pas de législation spécifique condamnant ces pratiques d’un autre âge.
On ne peut que déplorer, madame la ministre, les hésitations du Gouvernement, qui, après avoir envisagé d’utiliser la loi sur les séparatismes comme véhicule législatif, a ensuite affirmé, lors d’une réponse à une question au Gouvernement en mai dernier, que le droit existant suffisait et qu’une circulaire serait prise.
J’ai bien entendu vos propos tout à l’heure et je sais ce que vous avez dit à l’Assemblée nationale. Le contexte a changé, tant mieux.
Conscient de l’urgence du sujet, notre groupe avait déposé en juin dernier une proposition de loi similaire et s’apprêtait à l’inscrire dans son espace réservé.
Je veux ici saluer le travail des associations, et en particulier du collectif Rien à guérir, qui porte depuis longtemps la parole des victimes et qui se bat pour que ces pratiques soient officiellement interdites.
Comme elles le soulignent, même si le droit pénal permet de sanctionner certaines pratiques, évoquées par notre collègue Philippe Bonnecarrère, telles que l’abus de faiblesse ou les faits de violences, l’arsenal législatif actuel, notamment en raison de son manque de lisibilité, ne suffit pas à lutter contre ces dérives.
Non seulement de telles pratiques ont cours sur notre territoire depuis plusieurs années, mais les travaux de la mission d’information de l’Assemblée nationale tendent à montrer leur extension récente et leur caractère protéiforme.
Il était temps qu’un texte réponde à la nécessité de faire évoluer notre droit, en créant une infraction spécifique qui permettra d’identifier clairement ces pratiques et de donner une reconnaissance aux victimes.
Je veux saluer le travail très constructif de Mme la rapporteure, qui a utilement complété le texte en prévoyant notamment que, lorsque l’auteur de l’infraction sur un mineur est titulaire de l’autorité parentale, le juge pénal se prononce en cas de condamnation sur le retrait total ou partiel de l’exercice de cette autorité.
Si cette possibilité existe déjà aujourd’hui, l’examen systématique va dans le sens d’une meilleure protection des mineurs victimes.
Nous approuvons également l’ajout de circonstances aggravantes à l’article 3, afin de punir plus sévèrement les infractions commises par des professionnels de santé à l’encontre d’un mineur ou d’une personne vulnérable.
Nous proposerons toutefois des amendements, afin d’améliorer encore cette proposition de loi.
Tout d’abord, il nous semble essentiel de veiller à ce que l’accompagnement des personnes en quête de leur identité ne soit pas affecté par ce texte. Aussi, nous souhaitons exclure expressément de son champ les soins et l’accompagnement relatifs au parcours de transition et au changement de sexe.
Nous défendrons également la proposition du collectif Rien à guérir d’élargir les préjudices nécessaires pour caractériser l’infraction au fait de porter atteinte aux droits et à la dignité de la victime. La rédaction initiale prévoit l’atteinte à la santé mentale ou physique, préjudice qui peut être parfois difficile à démontrer.
Nous considérons que ces pratiques doivent être punies, même lorsque la santé physique ou mentale n’a pas été détériorée.
Nous souhaitons également rétablir l’article 2, qui tendait à faire de ces pratiques des circonstances aggravantes aux violences volontaires. Et parce que la proposition de loi passe sous silence le nécessaire aspect de la prévention, nous souhaitons renforcer le contenu des programmes scolaires sur le respect de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.
Nous sollicitons également un rapport sur les besoins de la médecine scolaire pour accompagner au mieux les élèves victimes de traitements discriminatoires ou de harcèlement, notamment dans le cadre de la vie scolaire. Sur ce sujet, il nous semble important qu’un travail soit mené, afin de pouvoir quantifier, repérer et prévenir.
Enfin, il nous semble nécessaire d’associer à ce débat les traitements et interventions visant les enfants intersexes. Il s’agit là, en effet, d’interventions invasives portant atteinte, hors nécessité vitale, aux caractéristiques sexuées de mineurs, actes qui peuvent parfois avoir des conséquences difficiles.
Nous espérons que le débat de ce jour permettra de contribuer à faire avancer ce combat pour l’égalité et que nos propositions trouveront ici un accueil favorable.
Toutefois, malgré le caractère largement consensuel de ce texte, certains de nos collègues – Mme Jacqueline Eustache-Brinio s’est exprimée en ce sens – ont fait le choix de se saisir de ce débat à des fins idéologiques pour contester la notion d’identité de genre.
De quoi parlons-nous ? De quelque chose qui relève de l’intime et qu’il n’est pas possible de juger. D’une conviction personnelle de se sentir homme ou femme, parfois ni l’un ni l’autre ou les deux à la fois. Ce sentiment peut être en accord avec la réalité biologique ou non. Qui sommes-nous pour juger d’un ressenti, d’une conviction aussi intime ?
Je veux ici exprimer la volonté de notre groupe d’affirmer le droit de chacun au cheminement personnel vers son identité.
Contrairement à ce que ses détracteurs avancent, la notion d’identité de genre est bel et bien définie. Elle figure déjà dans la loi, notamment à l’article 132-77 du code pénal, qui alourdit la sanction de tout crime ou délit commis en raison de l’identité de genre de la victime.
Par ailleurs, Mme Éliane Assassi l’a rappelé, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 janvier 2017, a jugé l’expression suffisamment claire et précise pour respecter le principe de légalité.
Supprimer dans ce texte la notion d’identité de genre reviendrait, comme l’a démontré notre collègue Mélanie Vogel, à exclure du champ de cette proposition de loi les personnes transgenres ou en questionnement sur leur identité de genre, ce qui constituerait une discrimination grave.
Vous l’aurez compris, notre groupe soutiendra cette proposition de loi, si elle n’est pas dénaturée. En effet, il est aujourd’hui nécessaire de reconnaître ces violences, de reconnaître le statut de victimes à ceux qui les ont subies et, enfin, de permettre qu’elles soient sanctionnées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 17 mai 1990, l’Organisation mondiale de la santé marquait un virage aussi tardif qu’historique en supprimant l’homosexualité de la liste des pathologies mentales.
Il faudra attendre 1992 pour que la France rejoigne enfin le camp du progrès.
Depuis lors, de nombreux progrès ont été réalisés dans notre pays en faveur des droits des personnes homosexuelles. Pourtant, la recrudescence des violences commises contre les personnes LGBT, constatées par SOS homophobie en 2020, témoigne de la persistance d’un sentiment homophobe au sein de notre société. Qu’il s’agisse d’expressions de rejet, d’insultes ou même d’agressions physiques ou sexuelles, ces exactions sont le plus souvent commises dans l’espace privé, à l’abri des regards.
Véritables actes de torture, les thérapies de conversion figurent au nombre de ces violences. Qu’elles s’inscrivent dans un contexte médical ou au sein d’un mouvement religieux, qu’il s’agisse de médicaments, d’électrochocs, d’un lavage de cerveau ou même de séances d’exorcisme, les traitements pseudoscientifiques visant à réformer l’orientation sexuelle d’un individu sont toujours traumatisants et suscitent une profonde souffrance chez ceux qui les subissent.
C’est pourquoi je salue cette proposition de loi, qui permettra de clarifier définitivement l’interdiction des thérapies de conversion envers les personnes homosexuelles.
Certes, ces pratiques barbares pouvaient déjà être poursuivies au titre des violences volontaires, du délit d’abus de faiblesse, du harcèlement moral ou encore de l’exercice illégal de la médecine. Mais l’absence d’infraction spécifique rendait difficile le recueil de statistiques judiciaires concernant les thérapies de conversion, donc l’évaluation de l’ampleur du phénomène.
De plus, l’autonomisation de la sanction des thérapies de conversion facilitera la prise de conscience des victimes potentielles, en mettant à leur disposition un outil juridique solide sur lequel s’appuyer lors du dépôt de plainte.
Enfin, la reconnaissance explicite de l’interdiction des thérapies de conversion permet à la France de s’inscrire en conformité avec la résolution adoptée par le Parlement européen le 16 janvier 2019 et appelant les États membres de l’Union européenne à les interdire.
Je veux revenir sur la proposition de suppression de la notion d’identité de genre, suggérée, par le biais d’un amendement, par notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio. À l’inverse de la notion d’identité sexuelle, le concept d’identité de genre importé des États-Unis demeure, pour l’heure, une dénomination imprécise, aux contours nébuleux, qui nuit à la clarté du droit.
Plusieurs spécialistes ont tiré la sonnette d’alarme quant au risque induit par l’inclusion de la notion d’identité de genre dans la proposition de loi pour les enfants atteints de dysphorie de genre. Ces derniers risqueraient en effet de se retrouver enfermés dans une démarche transaffirmative de façon très prématurée. À cet égard, je conteste le procès en idéologie qui est fait à notre collègue.
Bien que la détresse suscitée par la discordance entre le sexe constaté à la naissance et le sexe ressenti ne fasse pas l’ombre d’un doute, il paraît essentiel de ménager le plus longtemps possible la possibilité pour l’enfant de se déterminer sexuellement dans un sens ou dans l’autre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Enfin un peu de bon sens !
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’État et son personnel politique ne sont pas là pour dire aux Français qui ils peuvent aimer ou non. À vrai dire, nous sommes surtout là pour permettre à chacun de s’épanouir pleinement, et cela en prenant un soin particulier à protéger les plus vulnérables.
Cette proposition de loi vise à pénaliser les thérapies dites « de conversion ». En effet, leurs organisateurs, estimant que les personnes homosexuelles sont malades, prétendent pouvoir modifier leur orientation sexuelle. Vous vous en doutez, les premières victimes de ces prétendues thérapies sont très souvent de jeunes adolescents dont les parents n’acceptent pas l’orientation. Oui, il nous faut les protéger, car ils sont vulnérables.
Toujours parce que les mineurs sont fragiles, nous devons aussi les protéger de démarches trop hâtives de changement de sexe. En cela, je soutiens les amendements de ma collègue Jacqueline Eustache-Brinio, qui visent à les réserver aux majeurs. Ces démarches sont loin d’être anodines, et nous devons nous assurer qu’elles sont le fruit d’un consentement libre et éclairé du jeune adulte.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de jeter un regard suspicieux sur une telle démarche. Les bloqueurs de puberté et les traitements hormonaux n’ont absolument rien d’anodin, et le chemin inverse est très lourd.
L’adolescence est par définition cette période de la vie où l’on se cherche et où l’on se perd parfois, mais toujours pour mieux se retrouver. C’est un chemin difficile et je sais qu’il peut être dur à vivre pour certains parents, qui sont témoins de ce mal-être. Mais n’est-ce pas à notre société d’accepter cette période de questionnement plutôt que de vouloir imposer toujours plus vite des choix aussi lourds à de jeunes adolescents ?
L’enfer est pavé de bonnes intentions, et nous devons nous garder de tout raisonnement binaire – c’est le cas de le dire. Laissons à ces enfants le temps de se construire, de se choisir, et luttons ardemment contre toutes les formes de harcèlement au sein de nos écoles, car c’est surtout de cela qu’il s’agit.
Les amendements de ma collègue Jacqueline Eustache-Brinio visent à supprimer, dans le texte, la notion d’« identité de genre vraie ou supposée ». J’en suis convaincu, certains militants professionnels penseront qu’il s’agit de rayer cette notion du débat public. Il n’en est rien, et, d’ailleurs, comment le pourrions-nous ? Il est simplement question de préserver notre droit d’une notion confuse !
Le concept d’identité de genre n’est pas défini. Il est apparu malgré tout dans des listes de discriminations, sans aucune indication sur ce qu’il recouvre, rendant ainsi inopérante l’application des mesures voulues. Il faut comprendre que des notions aussi confuses laissent une interprétation si grande aux juges du fond qu’elles permettent l’arbitraire. Je doute que cela soit l’effet visé…
Cette proposition de loi, amendée par les amendements que je viens d’évoquer, deviendrait pleinement celle de la tolérance, celle qui refuse que l’on somme une personne de changer son orientation sexuelle, mais aussi celle qui refuse que l’on presse un jeune adolescent de changer de sexe.
Je le crois, c’est à notre société d’accepter la différence, les questionnements, les doutes, les interrogations que peut faire naître l’adolescence, et c’est à nous, législateurs, de préserver ce temps si précieux. Je le conçois, certains parents, sûrs de la volonté de leur enfant, trouveront que ce temps offert n’est que souffrance supplémentaire. Mais qu’en serait-il du reste de la vie de cet enfant en cas de changement de sexe précipité ? Cette question doit être posée.
Telle est ma position, et c’est à ces conditions que je voterai en faveur de ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne
Chapitre Ier
Création d’une infraction relative aux pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre
Mme le président. L’amendement n° 1 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Comme je l’ai souligné dans le cadre de la discussion générale, j’ai déposé onze amendements ayant pour objet de supprimer dans ce texte les mots « identité de genre ».
Si la notion d’orientation sexuelle est claire, je persiste à dire, même si c’est un combat d’arrière-garde, que la notion d’identité de genre est source, dans ce texte, d’une confusion juridique. En effet, elle recouvre aujourd’hui des choses qui ne sont pas définies.
D’ailleurs, quand nous nous rendons dans nos départements et nos régions, nous nous apercevons que nos concitoyens sont incapables de dire ce qu’est l’identité de genre. Si l’on excepte certaines minorités et certains milieux intellectuels, nos compatriotes ne se sont pas approprié cette notion. Pour la majorité des Français, elle n’existe pas, et ils ne la comprennent donc pas, j’en suis persuadée.
Sommes-nous contraints de céder à tous les courants, à toutes les pressions et à tous les lobbies qui viennent nous imposer des modèles de société ? Je ne le pense pas !
Comme certains spécialistes, j’estime qu’emmener des jeunes, en particulier des mineurs, vers des notions qui leur échappent peut être dangereux.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé ces amendements, qui visent à supprimer de ce texte la notion d’identité de genre. Je remercie les collègues qui m’ont soutenue en cosignant ces amendements et en défendant cette position au cours de la discussion générale.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Si vous le permettez, madame la présidente, je profiterai de cette intervention pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements portant sur ce sujet. En effet, Mme Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de nos collègues ont déposé onze amendements visant à supprimer toutes les occurrences des termes « identité de genre » dans la proposition de loi.
Une telle suppression est motivée par le fait que l’identité de genre serait un concept mal défini. Vous l’aurez compris, je ne suis pas favorable à ces amendements, pour trois raisons que j’aimerais vous expliquer, mes chers collègues.
Tout d’abord, la notion d’identité de genre paraît, sur le plan scientifique, plutôt bien définie, depuis au moins soixante-dix ans, puisque la définition du transsexualisme remonte à 1953. Une personne transgenre est une personne qui ne s’identifie pas à son sexe de naissance et qui souhaite en changer grâce à un parcours médical et des procédures administratives destinées à modifier son état civil.
Au cours de mes auditions, j’ai discuté avec des médecins qui accompagnent des personnes transgenres depuis plus de vingt ans. Des protocoles ont été élaborés, et la Haute Autorité de santé a publié dès 2009 un guide sur la prise en charge du transsexualisme en France.
Sur le plan juridique, je vous rappelle, après plusieurs de nos collègues, que le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision du 26 janvier 2017 que les termes « identité de genre » étaient suffisamment clairs et précis pour pouvoir entrer dans le code pénal, sans porter atteinte au principe de légalité des délits et des peines.
Le Conseil constitutionnel notait que, en ayant recours à la notion d’identité de genre, le législateur avait entendu viser le genre auquel s’identifie une personne, qu’il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l’état civil ou aux différentes expressions de l’appartenance au sexe masculin ou au sexe féminin.
Compte tenu de cette jurisprudence, l’emploi des termes « identité de genre » dans la proposition de loi ne me semble pas poser de difficulté.
Je rappelle d’ailleurs que cette expression figure – là encore, plusieurs de nos collègues l’ont rappelé – dans le code pénal depuis 2016. On la trouve également depuis 2017 dans le code de procédure pénale et dans le code du travail. Elle est également inscrite dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans le code du sport, dans le code de la sécurité intérieure et dans le code de la santé publique. La proposition de loi ne comporte donc aucune innovation sur le plan sémantique.
Dernier élément, le plus important selon moi : les auditions auxquelles j’ai procédé ont montré que, si l’homosexualité était désormais relativement bien acceptée dans notre société, les personnes transgenres continuent en revanche de se heurter à d’importantes discriminations. Il est donc nécessaire que la loi les protège, et ce serait un mauvais signal que de supprimer les références à l’identité de genre, donc de gommer l’existence de ces personnes transgenres.
La commission a cependant été attentive aux préoccupations exprimées par nos collègues, qui craignent que l’interdiction des thérapies de conversion ne rende impossible une approche prudente et mesurée face aux demandes exprimées par certains adolescents. Un parcours médical visant le changement de sexe est éprouvant ; il doit donc être mûrement réfléchi.
C’est pourquoi nous avons précisé qu’il n’y aurait évidemment pas d’infraction lorsqu’un professionnel de santé ou un parent, par exemple, invite à la prudence et à la réflexion une personne qui s’interroge sur son identité de genre.
Le texte transmis par l’Assemblée nationale était, à mon avis, sans ambiguïté sur ce point, mais nous avons malgré tout voulu ajouter ces dispositions interprétatives pour lever les derniers doutes qui pouvaient subsister.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur ces onze amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous parler de Dona, Luna, Nicolas, Tristan et Sacha. (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je ne citerai que ces personnes, qui nous ont quittés au cours de ces derniers mois. Elles se sont suicidées parce qu’elles ne supportaient plus le rejet, la discrimination et le harcèlement qu’elles subissaient au quotidien. Aujourd’hui, j’ai une pensée particulière pour elles et pour leur famille.
Elles étaient toutes des personnes transgenres. Aussi, vous comprendrez que ce gouvernement ne soutienne pas ces amendements, qui ont pour objet de supprimer la notion de genre et de rendre inapplicable le texte aux personnes transgenres, qui sont particulièrement exposées aux thérapies de conversion.
Je voudrais vous remercier, madame la rapporteure, de vos explications très riches et très complètes. Je ne reviendrai pas en détail sur la notion d’identité de genre, qui est loin d’être inconnue ou floue, comme je l’ai entendu tout à l’heure. Elle figure déjà dans le code pénal, et le Conseil constitutionnel a jugé que, de par sa clarté et sa précision, elle est conforme au principe de légalité ; je vous renvoie sur ce point à sa décision du 26 janvier 2017.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement et sur tous ceux qui sont similaires. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Notre groupe votera contre cet amendement et tous ceux qui ont le même objet, à savoir la suppression de la référence à l’identité de genre dans ce texte.
Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir rappelé de manière très complète les différents codes dans lesquelles les termes « identité de genre » figurent.
Aussi, on ne peut que s’interroger sur l’obstination de la droite sénatoriale à vouloir mener ce que Mme Eustache-Brinio a décrit elle-même comme un combat d’arrière-garde.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Chacun les siens !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pendant longtemps, l’homosexualité a été considérée comme un délit. Il a fallu attendre que la gauche arrive au pouvoir pour que ce délit soit supprimé. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Xavier Iacovelli. C’est la vérité !
M. Patrick Kanner. Eh oui !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Par la suite, nous nous sommes battus pour que le mariage soit ouvert à tous. Aujourd’hui, et c’est une bonne chose, vous avez évolué, puisque vous acceptez l’idée d’interdire les thérapies de conversion.
Toutefois, point trop n’en faut ! (Sourires sur les travées du groupe SER.) Vous considérez que la transidentité n’est pas acceptable. Vous ne voulez pas prendre en considération les victimes de tels comportements destructeurs, ces enfants dont Mme la ministre a rappelé certains noms ; c’est dommage. Il arrive pourtant au Sénat, sur certains sujets, d’être en phase avec son temps.
J’ai bien noté, madame Eustache-Brinio, quelle était la pierre de touche de vos votes : pour savoir si une réforme est bien nécessaire, vous vous demandez si les interlocuteurs que vous rencontrez lors de vos déplacements en France comprennent les termes que vous utilisez. Je pense que, dans nos travaux, nous devons nous montrer un peu plus robustes…
L’identité de genre, cela existe ! Les thérapies de conversion, cela existe ! Et il faut les interdire. Nous voterons contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Il n’est pire ignorant que celui qui ne veut pas s’informer, qui ne veut pas se documenter, qui ne veut pas lire, qui ne veut pas se renseigner !
Texte après texte, dans cet hémicycle, depuis un an et demi que j’y siège, j’entends les mêmes utiliser inlassablement la notion d’identité de genre comme un chiffon rouge ou un repoussoir.
Mes chers collègues, je voudrais vous dire que cette notion d’identité de genre est documentée depuis au moins les années 1930. Elle a été étudiée par le docteur Magnus Hirschfeld dans le cadre de l’Institut de sexologie qu’il dirigeait et administrait à Berlin.
Lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir, son institut a été brûlé, et le docteur Magnus Hirschfeld a trouvé refuge ici à Paris, boulevard Arago ; il est mort à Nice, où il est enterré. Ses travaux font autorité depuis au moins les années 1930 ! Des médecins, des psychologues, des sociologues, des juristes ont, à sa suite, travaillé sur cette notion.
C’est grâce à la gauche, à Robert Badinter, à Gaston Defferre, à Jack Ralite, que l’homosexualité a été dépénalisée en France en 1982 et retirée de la liste des maladies mentales. Aussi, lorsque j’entends une éminente sénatrice nous expliquer qu’il ne faudrait pas légiférer pour les minorités, je me demande où nous sommes !
Mes chers collègues, ici nous légiférons pour tous les Français, quel que soit le groupe social auquel ils appartiennent, qu’ils soient de la majorité ou de la minorité ! Je vous invite à faire preuve de respect envers celles et ceux qui, bien qu’ils soient minoritaires sur le plan sociologique, méritent toute notre considération ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI. – Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Allons, pas de leçons !
Mme le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je sais que l’on a souvent tendance à penser qu’il y a d’un côté le camp du bien et de l’autre celui des méchants… Je suis désolée d’avoir à vous le dire, chers collègues, mais, tout comme vous, nous défendons le droit des minorités !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est récent…
M. Jean-Claude Anglars. Pas du tout, madame de La Gontrie !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Et nous n’avons pas de leçons à recevoir en matière de défense des homosexuels et des transsexuels ! Vous ne savez certainement pas combien ces sujets me concernent, dans ma vie même… Chacun son histoire, chacun son engagement !
Quand on est un homme ou une femme engagé en politique, on n’est pas obligé d’accepter les pressions que l’on subit. Électoralement, c’est peut-être payant, mais socialement, cela ne donne rien de bon ! On a le droit de faire des analyses et des choix différents sans être mis au ban par les progressistes au motif que l’on mènerait des combats d’arrière-garde !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous avez dit ce que vous avez dit !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. J’en suis désolée, mais protéger les homosexuels et les transsexuels,…
M. Hussein Bourgi. On ne vous demande pas de les respecter, mais de les protéger !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. … cela ne signifie pas mélanger volontairement les termes et les combats et faire en sorte que, dans cette société, il n’y ait plus aucun repère ni aucune règle, ce qui perturbe une partie de la jeunesse ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié sexies.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Union Centriste, et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 54 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 53 |
Contre | 283 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Article 1er
I. – Après la section 1 quater du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, est insérée une section 1 quinquies ainsi rédigée :
« Section 1 quinquies
« Des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre
« Art. 225-4-13. – Les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis :
« 1° Au préjudice d’un mineur ou lorsqu’un mineur était présent au moment des faits et y a assisté ;
« 2° Par un ascendant ou toute personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, à un état de grossesse ou à la précarité de sa situation économique ou sociale, est apparente ou connue de leur auteur ;
« 4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de complices ;
« 5° Par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.
« L’infraction prévue au même premier alinéa n’est pas constituée lorsque les propos répétés ont seulement pour objet d’inviter à la prudence et à la réflexion la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe.
« Lorsque l’infraction est commise par une personne titulaire de l’autorité parentale sur le mineur, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité en application des articles 378 et 379-1 du code civil. »
II. – (Non modifié) Le troisième alinéa de l’article 2-6 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après la référence : « 222-18 », est insérée la référence : « , 225-4-13 » ;
2° Après le mot : « sexe », sont insérés les mots : « , de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ».
III. – (Non modifié) Au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, après la référence : « 225-4-1, », est insérée la référence : « 225-4-13, ».
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mme Eustache-Brinio a déposé plusieurs amendements dont les termes sont identiques, bien qu’ils visent des alinéas différents. Le Sénat vient de se prononcer sur le premier d’entre eux, le rejetant de manière assez nette.
De deux choses l’une : soit l’on considère que le vote du Sénat est identique sur tous les amendements de Mme Eustache-Brinio dont l’objet est de supprimer la mention de l’identité de genre, soit notre groupe ne verra aucun inconvénient à demander un nouveau scrutin public sur chacun de ces amendements.
Mme le président. Mes chers collègues, puis-je à chaque fois faire voter à main levée les amendements que Mme Eustache-Brinio a déjà défendus ? (Marques d’assentiment.)
Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 3 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
personne et
par les mots :
personne ayant pour objet ou effet une atteinte à la dignité de la personne humaine, ou
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement a pour objet que l’atteinte à la dignité humaine soit un élément constitutif du délit de thérapie de conversion.
Beaucoup l’ont dit, les thérapies de conversion sont une atteinte violente à l’intimité des individus, des actes barbares, des actes de torture visant à nier leur identité. Nous considérons qu’il y a là, évidemment, une atteinte à la dignité humaine.
D’un point de vue politique, nous pouvons toutes et tous en être d’accord. Mais l’intérêt de cet ajout n’est pas seulement politique ; ce n’est pas seulement une question d’affichage. Il est aussi juridique : ajouter la mention de l’atteinte à la dignité humaine, c’est mettre un outil supplémentaire dans les mains des associations de soutien aux victimes qui luttent contre les thérapies de conversion ; celles-ci pourront plus aisément se constituer partie civile.
Un tel ajout n’a rien de révolutionnaire ; l’atteinte à la dignité humaine est déjà constitutive d’infractions comme le bizutage, la discrimination ou le harcèlement.
Mme le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après les mots :
d’une personne
insérer les mots :
susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité
2° Remplacer les mots :
et ayant pour effet une altération de
par les mots :
ou ayant pour objet ou effet d’altérer
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet article crée une nouvelle infraction, ce qui est positif. Cet amendement a pour objet de la rendre mobilisable par les justiciables, ce qui est encore mieux.
Il s’agit – précision juridique et néanmoins essentielle – d’assouplir la qualification des faits constitutifs de la nouvelle infraction en alignant son périmètre sur celui du harcèlement moral.
Dans la rédaction actuelle sont seulement mentionnés les actes ou paroles « ayant pour effet une altération de [l]a santé physique ou mentale » de la personne concernée. Cela revient, dans les faits, à demander aux victimes d’être capables de prouver une détérioration de leur état. C’est ignorer un élément essentiel dans la qualification des faits par le juge : la volonté de nuire.
La volonté de nuire est constitutive de nombreuses infractions, le harcèlement moral par exemple. Nous proposons donc d’aligner le présent texte sur les dispositions applicables à l’infraction de harcèlement moral, en visant les actes « susceptibles » de porter atteinte à la dignité de la personne, et non seulement « ayant pour effet » d’altérer sa santé.
Mme le président. L’amendement n° 18, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
personne et
insérer les mots :
susceptibles de porter atteinte à ses droits, sa dignité, ou
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Aujourd’hui, nous légiférons pour interdire et sanctionner les thérapies de conversion, indépendamment de leur effet : toutes les thérapies de conversion doivent être interdites. C’est pourquoi nous souhaitons ajouter les mots « susceptibles de porter atteinte », afin que la victime n’ait pas de surcroît à établir l’existence d’un préjudice.
Cet ajout permettrait de sanctionner le fait – la thérapie de conversion elle-même – sans se focaliser sur les effets éventuellement subis par la victime.
Mme le président. L’amendement n° 25, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
effet une altération de
par les mots :
objet ou effet d’altérer
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Il s’agit toujours de clarifier la qualification de l’infraction : même en l’absence de dommages démontrables, cette disposition permettrait de considérer les faits eux-mêmes comme « susceptibles » d’en créer, et, à ce titre, de les qualifier dès ce stade de thérapies de conversion.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 26 rectifié de nos collègues écologistes vise à élargir le champ de l’infraction définie à l’article 1er de la proposition de loi. Ses dispositions sont proches de celles de l’amendement n° 18 du groupe socialiste, qui appellent les mêmes commentaires.
Aux termes du texte transmis par l’Assemblée nationale, l’infraction est constituée lorsque des pratiques, comportements ou propos répétés visent à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne et ont pour effet une altération de sa santé physique ou mentale.
Les auteurs de ces amendements proposent que l’infraction soit constituée si des pratiques, comportements ou propos répétés sont « susceptibles » de porter atteinte aux droits ou à la dignité de la personne et d’altérer son état de santé.
L’infraction deviendrait donc beaucoup plus facile à caractériser, mais aussi beaucoup plus large ; il ne serait plus nécessaire de démontrer que la personne a subi un préjudice.
Des pratiques seulement « susceptibles » de porter atteinte à la dignité de la personne, ce qui est une notion assez subjective, pourraient être condamnées.
Il me paraît donc raisonnable d’en rester à la rédaction retenue par l’Assemblée nationale : celle-ci garantit que seules des pratiques imposées à la personne et qui nuisent à sa santé physique ou mentale seront sanctionnées et que les accompagnements spirituels que recherchent certaines personnes homosexuelles ou transgenres, par exemple, ne tomberont pas sous le coup de la loi.
Un équilibre satisfaisant est ainsi obtenu, me semble-t-il, entre répression des thérapies de conversion et respect des libertés individuelles.
L’amendement n° 29 rectifié est un amendement de repli : ses auteurs proposent que l’infraction soit constituée si des comportements, pratiques ou propos répétés ont non seulement pour « effet », mais aussi simplement pour « objet », d’altérer la santé.
Pour les mêmes raisons que celles que je viens d’exposer, je crois raisonnable de s’en tenir à la rédaction équilibrée retenue par l’Assemblée nationale : l’infraction est constituée si la victime a subi un préjudice quant à sa santé, mais pas si elle a recherché un accompagnement, qui a pu éventuellement lui donner satisfaction.
Quant à l’amendement n° 25, il tend à ce que l’infraction soit constituée en cas de pratiques, comportements ou propos répétés ayant non seulement pour effet, mais aussi pour objet, d’altérer la santé. Pour les raisons précédemment indiquées, nous avons considéré que la rédaction retenue par l’Assemblée nationale constituait un bon équilibre.
J’ajoute que les comportements, pratiques et propos répétés que l’on rencontre dans le cadre de thérapies de conversion n’ont jamais pour objet d’altérer la santé. L’altération ici visée est une conséquence, mais rarement l’objet affiché de tels actes, qui est tout autre. L’idée, en l’espèce, est bien de s’intéresser aux effets du traitement sur la santé.
L’avis de la commission est donc défavorable sur ces quatre amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le principe constitutionnel de légalité impose de définir précisément les éléments constitutifs d’une infraction.
J’entends bien sûr parfaitement les objectifs qui sont visés par les auteurs de ces amendements, mais, sur le plan strictement juridique, la notion de « dignité de la personne » n’est pas définie par la loi. J’ajoute que, comme pour tout dommage, il faut pouvoir prouver un préjudice.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Mme le président. L’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
deux ans
par les mots :
trois ans
et le montant :
30 000 euros
par le montant :
45 000 euros
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
trois ans
par les mots :
cinq ans
et le montant :
45 000 euros
par le montant :
60 000 euros
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Inflation pénale…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il s’agit en effet d’alourdir les peines : celles-ci passeraient de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. En cas de circonstances aggravantes, les faits visés seraient punis de cinq ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende.
On pourrait débattre longuement du quantum de peine le plus adapté ; les peines prévues dans le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale me semblent déjà dissuasives. Elles sont conformes à ce que la députée Laurence Vanceunebrock avait envisagé dans son texte initial.
Je vous propose donc là encore, mes chers collègues, de maintenir l’équilibre trouvé. Il sera toujours temps de réexaminer cette question dans quelques années, s’il apparaît, à l’usage, qu’il faut renforcer la répression.
Je le précise pour qu’il ne subsiste aucune ambiguïté : si un viol était commis dans le cadre d’une thérapie de conversion – on sait que cela arrive –, il serait bien entendu toujours possible d’engager des poursuites en retenant la qualification criminelle de « viol », qui viendrait s’ajouter au fondement de la nouvelle infraction.
Restons-en à ce texte ! La commission émet un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Le quantum de peine réprimant le délit de thérapie de conversion n’apparaît pas inadapté au regard des peines encourues pour les délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral, qui sont punis par le code pénal de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Toutefois, les violences n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de la victime sont sanctionnées d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le quantum des peines applicables au nouveau délit de thérapie de conversion pourrait donc être aligné sur ce régime.
En la matière, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Notre groupe votera cet amendement, qui tend d’ailleurs à reprendre le dispositif prévu dans notre propre proposition de loi.
Mme la ministre vient parfaitement de rappeler quelles infractions sont passibles de sanctions similaires ; or, en l’espèce, nous sommes bien au-delà du harcèlement moral : l’infraction caractérisée ici, dont les conséquences sont extrêmes, est bien plus grave.
Il nous semble donc essentiel que les peines prévues soient plus lourdes.
Mme le président. L’amendement n° 17, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces pratiques, comportements ou propos ne comprennent pas ceux visant les soins médicaux et tout accompagnement liés au changement de sexe et au parcours de transition.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement important a pour objet que les sanctions ici prévues ne visent pas les soins médicaux ou les pratiques d’accompagnement liés au changement de sexe et au parcours de transition.
Étant entendu qu’il serait paradoxal de viser ainsi les professionnels de santé qui dispensent de tels soins, il nous semble important de le préciser.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement tend à rétablir une disposition qui figurait, quoique sous une rédaction quelque peu différente, dans le texte de la proposition de loi initiale, mais qui a été supprimée à l’Assemblée nationale.
Nos collègues députés ont estimé, à mon avis à juste titre, que cette disposition risquait surtout d’être facteur de confusion, sans améliorer la protection des victimes. Est-il besoin en effet de préciser qu’un parcours de transition visant au changement de sexe ne saurait être assimilé à une thérapie de conversion ?
La seule hypothèse qui aurait pu selon nous susciter des interrogations est celle d’un professionnel de santé demandant à la personne qui le consulte d’attendre avant de s’engager dans un parcours de transition, mais il me semble que, en la matière, nous avons levé toute ambiguïté en adoptant, en commission, un amendement qui figure désormais à l’alinéa 11.
Dans ces conditions, l’ajout suggéré par nos collègues ne me paraît pas opportun. J’émets donc un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Il n’est pas utile, madame la sénatrice, de prévoir une telle précision. Le champ de la répression est déjà suffisamment précis, en effet, pour exclure les traitements médicaux dispensés dans le cadre d’un parcours de transition.
Je le rappelle, l’infraction ne pourra être caractérisée que si les faits ont pour effet une altération de la santé physique ou mentale de la victime. Cette exigence permet de garantir que l’accompagnement des personnes dans le cadre d’un parcours de transition ne pourra être pénalisé sur le fondement du nouveau délit.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 13 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 15 rectifié est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 13.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa ajouté lors de l’examen du texte par la commission des lois du Sénat, en vertu duquel « L’infraction […] n’est pas constituée lorsque les propos répétés ont seulement pour objet d’inviter à la prudence et à la réflexion la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe. »
En premier lieu, cet alinéa est inutile, dans la mesure où les propos incitant à la réflexion et à la prudence n’entrent pas dans le champ des éléments constitutifs de la nouvelle infraction créée. Les conseils prodigués de manière bienveillante et adaptée ne sont pas susceptibles d’être réprimés, puisqu’il est nécessaire que les propos tenus aient pour effet une altération de la santé physique ou psychique de la victime.
En deuxième lieu, cet ajout est vecteur de confusion, dans la mesure où il assimile aux pratiques visant à modifier ou à réprimer l’identité de genre le parcours médical tendant au changement de sexe, lequel n’est pourtant pas concerné par l’infraction créée.
En troisième lieu, il n’est pas opportun de créer une cause d’irresponsabilité pénale fondée sur les mobiles de l’auteur, car, en droit pénal, ceux-ci doivent rester indifférents.
La distinction entre ce qui doit être pénalisé et ce qui ne doit pas l’être doit reposer exclusivement sur la nature des propos tenus et sur l’effet qu’ils produisent sur la personne à laquelle ils sont adressés.
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
Mme Mélanie Vogel. L’alinéa 1 de l’article 1er n’étant pas modifié, il est bien question d’actes « visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre » d’une personne. Or on ne peut d’aucune façon commettre un tel acte lorsque l’on incite simplement à la prudence.
Cet ajout est donc soit superflu soit source d’insécurité juridique. On n’est pas bienveillant quand on cherche à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne !
Si l’on est juste en train d’appeler une personne à la prudence de façon bienveillante et constructive, on ne tombe pas du tout sous le coup de la définition de l’alinéa 1. Et, à l’inverse, si l’on tombe sous le coup de cette définition, alors cet ajout, comme je l’ai dit, paraît superflu, voire contre-productif, car il est source de flou juridique.
Mme le président. L’amendement n° 9 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer les mots :
de genre
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 13 et 15 rectifié ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces amendements identiques visent à supprimer la disposition interprétative que la commission a introduite concernant la définition de l’infraction prévue à l’article 1er.
Nous avons constaté que la création de cette nouvelle infraction suscitait des inquiétudes concernant son impact sur l’accompagnement des personnes transgenres. Des associations craignent, par exemple, que seule une approche consistant à conforter la demande de changement de sexe soit désormais autorisée.
Or il arrive que des adolescents s’interrogent sur leur identité de genre sans que leur demande de changement de sexe persiste dans le temps. Il doit rester possible de les inviter à prendre le temps de la réflexion sans que cela soulève des interrogations quant à l’application de la loi dont nous sommes en train de débattre.
En toute rigueur juridique, je partage votre analyse, madame la ministre, ainsi que la vôtre, madame Vogel : il est peu vraisemblable qu’un juge assimile des appels à la prudence exprimés de manière bienveillante à une volonté de réprimer l’identité de genre.
Nous croyons cependant utile de conserver ces dispositions interprétatives, afin que le texte soit bien clair quant au type de comportements qu’il a pour objet de réprimer.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme le président. L’amendement n° 9 rectifié sexies a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 15 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 4 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc, Longuet et C. Vial, Mmes V. Boyer, Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer les mots :
, de l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 1er résume la philosophie de cette proposition de loi.
Comme l’a dit la présidente de notre groupe, Éliane Assassi, nous sommes favorables à ce texte susceptible de mettre un terme à des pratiques d’un autre âge, indignes, humiliantes et traumatisantes.
Nous devons dans le même temps faire des efforts pour lutter contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie, notamment en menant des actions de communication et de prévention. Trop de discriminations perdurent envers les personnes LGBT+ ; trop de jeunes sont victimes de ces violences.
Les amendements proposés par notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio ont permis de clarifier les termes du débat : nous avons voté contre.
Nous sommes parfaitement conscients que le processus d’accompagnement des enfants et adolescents transgenres est très long et qu’il doit être strictement encadré par des professionnels et par les parents, qui doivent tenir compte de l’âge et de la construction identitaire associée à cette période de la vie. Il faut avant tout faire preuve d’une grande écoute et comprendre que les souffrances de ces jeunes sont liées à un malaise qui va bien au-delà des états d’âme propres à l’adolescence.
Toutefois, je le redis : oui, la transidentité existe, et il convient d’accompagner les enfants et les adolescents, qui sont les mieux placés pour ressentir leur être.
Enfin, je veux saluer l’initiative de notre rapporteure Dominique Vérien, d’ailleurs suivie par la commission des lois, de rétablir, comme dans le texte initial, la possibilité pour le juge de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale lorsque son titulaire se rend coupable de thérapie de conversion sur une personne mineure. J’espère que l’Assemblée nationale ne reviendra pas sur cette mesure.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 132-77 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Au dernier alinéa, après la référence : « 225-1 », est insérée la référence : « , 225-4-13 » ;
2° à 4° (Supprimés)
Mme le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rétablir le a dans la rédaction suivante :
a) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont considérées comme commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime, au sens du premier alinéa, et donnent lieu à l’aggravation des peines prévues au présent article les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, de la personne. » ;
II. – Alinéa 5
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Après le 15° de l’article 222-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont considérées comme commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime, au sens du 5° ter, et donnent lieu aux peines prévues au premier alinéa les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, de la personne. » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement a vocation à rétablir des dispositions votées par l’Assemblée nationale, puis supprimées par la commission des lois, qui affectent du caractère de circonstances aggravantes les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, de la personne.
Il nous semble très important de qualifier ainsi d’éventuelles violences volontaires.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le rétablissement des circonstances aggravantes applicables aux infractions, notamment aux violences volontaires commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, ne m’apparaît pas opportun ; c’est d’ailleurs pourquoi nous avions supprimé cette disposition.
Ce serait en effet un facteur de confusion, le juge ayant la possibilité de retenir la qualification de violences aggravées ou d’appliquer la nouvelle infraction autonome créée par l’article 1er de la proposition de loi. Il en résulterait donc un risque de conflit de qualification qui poserait un problème au regard du principe d’égalité devant la loi pénale, les mêmes faits pouvant être punis différemment en fonction des qualifications retenues par le juge.
Au contraire, la suppression des circonstances aggravantes consolide la répression des thérapies de conversion autour du nouveau délit autonome, étant rappelé que des poursuites peuvent être engagées pour plusieurs motifs si l’auteur des faits a commis plusieurs infractions. Sachez aussi que, lors de nos auditions, nous étions suivis par la Chancellerie pour la suppression de ces alinéas.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je suis défavorable au rétablissement de cette circonstance aggravante générale, compte tenu des difficultés d’articulation entre celle-ci et l’infraction autonome de l’article 1er, qui réprime les thérapies de conversion.
La création d’une telle cause d’aggravation entraînerait des risques de concours de qualification pénale : on ne peut à la fois créer un délit autonome et un délit de violences psychologiques aggravées par l’intention de modifier l’identité de genre ou l’orientation sexuelle.
Le Gouvernement a par ailleurs une préférence pour le nouveau délit de l’article 1er, qui présente l’avantage d’être beaucoup plus lisible. Il ne peut donc qu’être défavorable au rétablissement de la circonstance aggravante à l’article 2.
J’ajoute par ailleurs que le nouveau délit créé à l’article 1er est une porte d’entrée pour le juge, qui pourra, et même devra, retenir d’autres qualifications, comme la torture ou le viol s’il y a lieu.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Chapitre II
Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans le système de santé
Mme le président. L’amendement n° 5 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4163-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4163-11. – Le fait de donner des consultations ou de prescrire des traitements en prétendant pouvoir modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« L’infraction prévue au premier alinéa n’est pas constituée lorsque le professionnel de santé invite à la réflexion et à la prudence la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe.
« Une interdiction d’exercer la profession de médecin peut également être prononcée pour une durée ne pouvant excéder dix ans à l’encontre des personnes physiques coupables de l’infraction prévue au même premier alinéa.
« Les faits mentionnés audit premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis au préjudice d’un mineur ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, à un état de grossesse ou à la précarité de sa situation économique ou sociale, est apparente ou connue de leur auteur. »
Mme le président. L’amendement n° 6 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait de prescrire à un mineur des pratiques (bloqueurs de puberté, traitements hormonaux ou interventions chirurgicales) visant le changement de sexe.
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Dans ce texte, on parle beaucoup des thérapies de conversion, mais pas des thérapies affirmatives de transition administrées à des mineurs, filles et garçons. Or il me semble nécessaire de les interdire.
Ces thérapies affirmatives de transition sont souvent expérimentées sur des jeunes qui croient être nés dans le mauvais sexe. Ils subissent parfois des traitements lourds de conséquences, fondés sur des bases scientifiques de plus en plus controversées par certains médecins.
À l’heure où des pays très engagés sur le sujet de la « dysphorie de genre » s’interrogent sur leurs pratiques et reviennent à des positions prudentes – je pense en particulier à la Suède –, il me semble nécessaire que la France participe aussi à cette réflexion et interdise un certain nombre de thérapies, en particulier l’utilisation de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux sur les mineurs.
Par ailleurs, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur un point sur lequel nous n’avons pas eu de réponse. Cette loi qui vient condamner les thérapies de conversion me semble nécessaire et importante. Mais est-ce que des études ont été menées en France pour préciser le nombre de majeurs ou de mineurs qui ont subi récemment ou qui subissent actuellement ces pratiques ?
Mme le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun traitement irréversible ou acte chirurgical sur les organes génitaux visant seulement à définir les caractéristiques sexuelles et à conformer l’apparence au sexe déclaré ne peut être entrepris avant que la personne mineure soit apte à y consentir après avoir reçu une information adaptée. En cas de nécessité vitale, le médecin délivre les soins indispensables.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement vise le même type de situations que le précédent, mais selon une approche plus complexe et, nous semble-t-il, plus pertinente.
Nous demandons que le mineur soit apte à consentir, qu’il ait reçu une information adaptée et que le médecin puisse délivrer les soins indispensables en cas de nécessité vitale. Pourquoi est-ce nécessaire ? En France, il naît environ 2 % d’enfants intersexués par an. Les parents, accompagnés de médecins, la plupart du temps, doivent déterminer administrativement le sexe de leur enfant, et se déroulent parfois des actes chirurgicaux qualifiés de « mutilations », voire de « tortures » par les Nations unies.
Toutefois, ces actes répondent aussi parfois à une nécessité vitale. Nous proposons donc qu’il n’y ait pas de traitement irréversible et que la personne mineure soit apte à consentir de manière éclairée à ces actes médicaux, dès lors évidemment que le pronostic vital n’est pas engagé. Nous voulons éviter l’impossibilité absolue de recourir à ce type de procédé pour les enfants mineurs.
Mme le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Hors nécessité vitale immédiate, aucun acte médical visant à modifier les caractéristiques sexuelles ne peut être effectué sur une personne mineure tant que l’intéressée n’est pas en mesure d’exprimer par elle-même son consentement libre et après avoir reçu une information adaptée à son âge.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Oui, des enfants intersexes naissent en France ! Leur corps ne correspond pas à la vision binaire que nous nous faisons de la société et de la division des genres, mais, bien souvent, au lieu de changer notre perception des choses, nous décidons, sans aucune raison médicale, sans que ses enfants soient malades ou en danger, de modifier leur corps.
Il s’agit bien dans ce cas de mutilations qu’il convient d’interdire. Le corps de ces enfants n’est sans doute pas conforme à notre vision binaire du genre, mais il est très bien comme il est !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 7 rectifié sexies de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio vise la question délicate du parcours de transition pour les mineurs transgenres, pour interdire les traitements bloqueurs de puberté, les hormonothérapies et les opérations chirurgicales avant 18 ans.
Je suis convaincue comme vous, chère collègue, qu’il faut faire preuve de prudence envers les mineurs qui s’interrogent sur leur identité de genre. Un adolescent peut éprouver un mal-être et l’attribuer à tort à un problème de transidentité. Il faut donc prendre le temps de la réflexion et s’assurer que la demande de l’adolescent persiste dans le temps, avant d’envisager des actes médicaux.
La commission a d’ailleurs introduit dans le texte une disposition selon laquelle aucun médecin ne pourra être poursuivi s’il invite son patient à la réflexion et à la prudence.
Je pense toutefois qu’il serait inapproprié d’interdire au détour de cet amendement toute intervention médicale avant l’âge de 18 ans.
Tout d’abord, je rappelle que la proposition de loi vise à réprimer les thérapies de conversion, et non à encadrer les parcours de transition. Il s’agit de deux questions bien distinctes, et il serait peu opportun de vouloir modifier les règles encadrant les parcours de transition sans avoir au préalable procédé à un travail approfondi, qui relève davantage du champ de compétence de la commission des affaires sociales.
Nous n’avons mené aucune audition en ce sens. J’ai simplement entendu un psychiatre et un chirurgien spécialiste des parcours de transition, qui ont souligné à quel point les professionnels de santé étaient précautionneux face à la demande exprimée par un mineur. Le médecin s’assure qu’il est effectivement confronté à un cas de transidentité avant d’envisager un quelconque traitement.
Ces spécialistes nous ont également expliqué que les bloqueurs de puberté pouvaient être très utiles. Lorsqu’un adolescent n’est pas à l’aise dans son sexe de naissance, les transformations physiques liées à la puberté peuvent en effet être très mal vécues.
Retarder la puberté permet ainsi au jeune à sa famille de réfléchir plus sereinement à la suite de son parcours. Parfois, une hormonothérapie commence, mais ce n’est qu’à partir de 16 ans.
Nous devons laisser aux professionnels la liberté d’adapter leur traitement à la réalité de chaque cas. Si des signes de transidentité apparaissent chez un enfant et que le diagnostic est confirmé sans ambiguïté à l’adolescence, pourquoi attendre la majorité avant de commencer un traitement qui va l’aider à mieux vivre ?
Je rappelle pour terminer qu’aucune intervention médicale ne peut être décidée sur un mineur sans l’accord des titulaires de l’autorité parentale. Si le consentement d’un seul parent suffit en cas d’acte médical usuel – le consentement de l’autre étant présumé –, dans un cas comme celui-là, le consentement des deux parents est nécessaire.
Un jeune en pleine crise d’adolescence ne pourrait donc s’engager dans un parcours de transition, même s’il trouvait un médecin très complaisant, sans avoir l’accord de ses deux parents.
Néanmoins, une fois encore, je le redis : ce n’est pas le sujet de ce texte. Il revient à la commission des affaires sociales et aux médecins de travailler sur cette question, me semble-t-il, et en aucun cas à la commission des lois, au détour d’un texte qui ne vise qu’à interdire les thérapies de conversion. Nous n’avons d’ailleurs procédé à aucune audition sur la question.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
La réponse sera peu ou prou la même pour les amendements nos 20 et 27 rectifié. Des débats ont déjà eu lieu lors de l’examen de la loi relative à la bioéthique. Et il s’agit là encore d’un sujet médical, qui n’est pas celui des thérapies de conversion contre lesquelles nous entendons lutter.
Mon avis est donc également défavorable, afin que nous en restions à notre sujet principal.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Permettez-moi tout d’abord d’apporter une clarification : les pratiques que ce texte cherche à réprimer n’ont rien en commun avec l’accompagnement légitime par les médecins et les autres professionnels de santé des personnes en souffrance en raison de questionnements relatifs à leur identité de genre.
Elles n’ont rien non plus en commun avec les prescriptions médicales qui pourraient être sollicitées et librement consenties dans le cadre d’un accompagnement professionnel vers un changement de sexe. Le lien entre ces amendements et la présente proposition de loi n’apparaît donc pas évident.
Ensuite, les pratiques que vous évoquez, notamment les traitements hormonaux ou les bloqueurs de puberté, ne visent pas nécessairement le changement de sexe et ne peuvent faire l’objet d’une répression générale, d’autant plus qu’elles font déjà l’objet d’un encadrement légal.
La loi relative à la bioéthique a ainsi encadré la situation des enfants présentant une variation du développement génital en permettant leur prise en charge dans les conditions prévues à l’article L. 2131-6 du code de la santé publique. Et l’article L. 2141-11 du même code encadre la prescription de tels traitements, avec une recherche systématique du consentement des parents et de la personne mineure.
Enfin, pour répondre à votre question, madame la sénatrice Eustache-Brinio, sachez que Mme la députée Laurence Vanceunebrock et les associations ont accompli un long travail : ces situations existent, mais elles sont très difficilement quantifiables, parce qu’elles restent cachées, pour les raisons que vous pouvez imaginer.
La création d’un délit spécifique permettra aux victimes de porter plainte et au ministère de la justice de disposer de statistiques sur la question.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces trois amendements.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis sensible aux arguments de Mme la ministre, mais il ne me semble pas inutile ici de faire référence aux enfants intersexes. J’avais d’ailleurs déposé des amendements de même nature sur le projet de loi relatif à la bioéthique.
Nos collègues des groupes socialiste et écologiste appuient leurs propositions sur le travail important qui avait été accompli par la délégation aux droits des femmes en 2017, sous la houlette de nos collègues Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux.
Nous sommes donc favorables à ces amendements.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié sexies.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 55 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Pour l’adoption | 53 |
Contre | 283 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 20.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 14 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 16 est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 14.
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 16.
Mme Mélanie Vogel. Il est également défendu.
Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
de genre
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 14 et 16 ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer l’alinéa que nous avons inséré pour rassurer les médecins qui ne feraient qu’accompagner les personnes qui s’interrogent sur leur identité de genre.
Nous sommes donc défavorables à ces amendements.
Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié sexies a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 16.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Chapitre III
Application outre-mer
Article 4
I. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
Mme le président. L’amendement n° 10 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 30, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
II. – L’article 807 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 807. – Pour l’application de l’article 2-6, les références aux dispositions du code du travail figurant au premier alinéa sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement en matière de droit du travail. »
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement vise à appliquer ces dispositions outre-mer.
Mme le président. L’amendement n° 11 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 30 ?
Mme le président. L’amendement n° 11 rectifié sexies a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je mets aux voix l’amendement n° 30.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié sexies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
Mme le président. L’amendement n° 8 rectifié sexies, présenté par Mme Eustache-Brinio, MM. Retailleau, Bazin, Cardoux, Bouchet et Burgoa, Mmes Dumont, Thomas, Garnier et Pluchet, MM. Frassa, Meurant et Favreau, Mmes Chauvin, Ventalon et Gosselin, MM. Savin, Pointereau, Babary, E. Blanc et Longuet, Mme V. Boyer, M. C. Vial, Mmes Estrosi Sassone et Lavarde, M. Bascher, Mmes Joseph, Berthet et Puissat, MM. Brisson, Sido, Mouiller, Calvet, Savary et B. Fournier, Mme Di Folco, MM. J.B. Blanc, J.M. Boyer et Cadec, Mme Bourrat et MM. Tabarot, Panunzi et Mandelli, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
ou l’identité de genre
Cet amendement a été défendu.
Il a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 56 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 305 |
Contre | 28 |
Le Sénat a adopté. (Mme Esther Benbassa applaudit.)
7
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 8 décembre 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures trente à vingt heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer (texte de la commission n° 248, 2021-2022) ;
Proposition de loi tendant à favoriser l’habitat en zones de revitalisation rurale tout en protégeant l’activité agricole et l’environnement, présentée par M. Pierre Louault et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 193, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER