Mme le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la présente résolution conclut un travail de fond mené par la mission d’information « Conditions de la vie étudiante en France ». Il nous donne l’occasion de poser un diagnostic sur la vie étudiante grâce à une réflexion dépassant le simple cadre des problématiques liées au quotidien de l’étudiant et à son accompagnement matériel, ou à son parcours d’études.
Si la crise sanitaire que nous vivons a mis en lumière la précarité d’une part croissante de nos étudiants, les difficultés structurelles préexistaient. Ces dernières ne disparaîtront pas avec la fin de la pandémie.
La question est donc la suivante : quelles perspectives pouvons-nous offrir à nos jeunes pour améliorer leurs conditions de vie et d’études, particulièrement dans le contexte sanitaire actuel, mais également à plus long terme ?
La mission d’information a formulé plus d’une cinquantaine de recommandations pour améliorer la condition étudiante. Devant l’augmentation régulière du nombre d’étudiants au cours de la période récente, et face à un système qui est, à certains égards, à bout de souffle, il est urgent d’agir de manière globale.
Comme vous l’avez vous-même déclaré, madame la ministre, avec la pandémie, la vie étudiante est sortie de la périphérie des politiques publiques.
La première question déterminante est celle du logement. Elle peut conditionner les choix d’orientation du futur étudiant lorsque l’établissement visé implique de quitter le domicile familial. Les conditions dans lesquelles l’étudiant est logé ont aussi des conséquences sur son parcours et sa réussite dans l’enseignement supérieur.
Or le constat est sans appel : l’offre de logements en résidences étudiantes, qui s’élève aujourd’hui à 350 000 places, est structurellement insuffisante par rapport à la population étudiante, estimée à 2,7 millions en 2019. Même si ces résidences n’ont pas vocation à accueillir tous les étudiants, les capacités demeurent vraiment insuffisantes.
En 2018, le Gouvernement a annoncé un plan visant à construire 60 000 logements étudiants à l’échéance de 2022, ce que nous avions salué à l’époque. Mais les objectifs de ce plan ne sont pas atteints. En 2020, seulement 23 378 logements avaient été construits. La réticence de certaines municipalités et la frilosité des bailleurs étaient les arguments avancés pour expliquer ce retard.
Une réflexion pour territorialiser les objectifs de construction de logements étudiants en fonction du nombre d’étudiants et des perspectives d’évolution de cette population doit être amorcée. Il est également nécessaire de faire auprès des collectivités locales la promotion de l’intérêt de la construction de logements étudiants, qui seront un levier d’attractivité et de développement de leurs territoires.
Avec le logement, les dépenses d’alimentation constituent la principale charge des étudiants. En fonction de leurs moyens financiers et des charges fixes auxquelles ils ne peuvent se soustraire, les achats de nourriture, essentiels par définition, deviennent une variable d’ajustement : cela les conduit souvent à s’alimenter insuffisamment ou avec de la nourriture de mauvaise qualité, ou bien à ne rien manger du tout !
Les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire que nous vivons n’arrangent pas la situation, qui perdure donc.
Les associations comme les Restos du Cœur alertent sur le sujet depuis 2019 déjà, les moins de 25 ans représentant parfois 50 % de leurs bénéficiaires. Le 1er décembre dernier, les associations d’aide alimentaire étudiantes tiraient de nouveau la sonnette d’alarme sur l’extrême gravité de la situation en formulant le constat suivant : « Les étudiants ont faim. » Dans les files d’attente des épiceries solidaires, les témoignages ressemblent beaucoup à ceux de l’automne 2020.
Malgré des efforts importants, un décalage persiste entre l’offre de restauration universitaire et la demande des étudiants. Les principales raisons de ce décalage sont connues, et sont régulièrement pointées du doigt : l’éloignement de certains sites ou filières d’enseignement par rapport à l’implantation des structures de restauration ; les délais d’attente dans certains restaurants universitaires ; les contraintes liées à l’emploi du temps des étudiants ; ou encore la faible amplitude horaire d’une grande partie des restaurants universitaires, peu adaptée aux besoins des étudiants. Un dispositif tel que le ticket restaurant étudiant aurait pu atténuer ces disparités.
Là encore, c’est par une logique d’approche territoriale qu’il faut raisonner, en favorisant les partenariats entre les réseaux des œuvres universitaires et scolaires et les acteurs publics et économiques locaux : le but est de permettre à chaque étudiant d’avoir accès à une offre de restauration à tarif social.
Il me paraît important d’évoquer les aides publiques auxquelles peuvent être éligibles nos étudiants. Elles interviennent souvent en complément d’autres ressources, et peuvent représenter, pour un boursier, jusqu’à la moitié de ses ressources.
Trois écueils doivent être évités s’agissant de ces aides.
Le premier tient à leur complexité et à leur manque de lisibilité, ce qui les rend « particulièrement difficiles à appréhender pour un public encore jeune et peu habitué aux démarches administratives ».
Le deuxième porte sur « la segmentation et l’insuffisante accessibilité de l’information ».
Le troisième concerne les lacunes en termes de prise en charge. Certains profils d’étudiants ne peuvent bénéficier de ces aides, en particulier ceux issus des classes moyennes, qui sont victimes des effets de seuil.
Ainsi, je ne peux que souscrire aux recommandations formulées par la mission d’information, à savoir l’expertise du phénomène de non-recours des étudiants aux droits sociaux, l’amélioration de l’accès des étudiants à l’information au moyen d’un portail unique recensant toutes les aides publiques susceptibles d’être attribuées par les différents acteurs et l’évolution vers un dispositif de « guichet unique » en matière d’aides directes.
Enfin, il est urgent de revoir notre système de bourses sur critères sociaux, notamment en simplifiant l’architecture des échelons pour atténuer les effets de seuil.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est nécessaire d’aller vers un ancrage territorial de l’enseignement supérieur, qui doit être inscrit au cœur des politiques d’aménagement du territoire, en s’appuyant sur l’échelon régional. Les étudiants sont un facteur de dynamisme et de transformation, et une richesse pour nos territoires.
Pour conclure, je souhaite remercier mes collègues membres de la mission d’information « Conditions de la vie étudiante en France » pour leur travail de fond, et plus particulièrement son président Pierre Ouzoulias et son rapporteur Laurent Lafon.
Le groupe Union Centriste votera avec enthousiasme en faveur de l’adoption de cette résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’augmentation continue du nombre d’étudiants, associée à une situation sanitaire exceptionnelle, a révélé l’urgence d’une nouvelle réflexion sur la vie étudiante. Cette réflexion a été menée au sein de la mission d’information « Conditions de la vie étudiante en France », présidée par notre collègue Pierre Ouzoulias. Le rapport d’information fait au nom de la mission par Laurent Lafon et la proposition de résolution dont nous discutons aujourd’hui, que le groupe RDSE soutiendra, constituent les étapes suivantes.
Je ferai néanmoins quelques remarques.
J’évoquerai tout d’abord l’accompagnement des étudiants dans leur parcours. Les situations des étudiants qui arrivent dans l’enseignement supérieur sont très hétérogènes. Dans le cadre de la délégation à la prospective, nous avions entendu M. Olivier Babeau : il préconise une période de propédeutique – pourquoi pas une année ? – afin de permettre aux étudiants de combler leurs lacunes et de renforcer leur autonomie dans le supérieur. Il s’agirait de concevoir un dispositif qui ne léserait pas les étudiants faisant le choix de cette remise à niveau, comme c’est parfois le cas actuellement.
Ainsi, en médecine, des étudiants n’ont pu trouver de places en première année à la suite de cette année blanche, car ils n’étaient plus prioritaires par rapport aux néo-bacheliers : cette démarche vertueuse s’est donc avérée préjudiciable.
Je voudrais ensuite aborder la question des dispositifs de tutorat. Il existe un grand nombre de structures payantes, des « officines privées » parfois très coûteuses, aidant les étudiants à préparer les travaux dirigés et les examens en parallèle de leurs cours. Un système de tutorat interpromotion permettrait aux étudiants d’améliorer leurs chances de réussite et à leur famille de réaliser des économies. Ce dispositif existe déjà dans certains établissements : il serait bon de le généraliser, ce qui permettrait également de renforcer les liens sociaux entre étudiants, liens qui ont été grandement affectés par la généralisation des cours à distance. Il convient donc de s’interroger sur la gratification des tuteurs sous forme de bourses ou de points de bonification.
J’aimerais également insister sur le temps de l’inscription dans l’enseignement supérieur. Trop souvent négligé, il constitue pourtant un moment décisif : il faut le mettre à profit pour communiquer aux étudiants toutes les informations utiles sur les aspects de la vie quotidienne dans leur futur établissement, sur les possibilités offertes par la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) – nous avons constaté que ces informations étaient insuffisantes –, et surtout profiter de ce rendez-vous pour effectuer un bilan de santé. Une partie du soutien psychologique pourrait être assurée par les tuteurs et les pairs : nous devons encourager ces modes d’accompagnement.
La CVEC constitue un élément important de la qualité de la vie étudiante. Céline Boulay-Espéronnier et moi-même avons remis un rapport d’information sur le sujet : nous y proposons de lancer une consultation de l’ensemble des acteurs de la vie étudiante afin de préciser le périmètre d’affectation de la contribution. Il s’agit aussi de décider s’il faut pérenniser, ou non, le financement par la CVEC de dispositifs exceptionnels mis en place pendant la crise, notamment l’octroi d’aides financières.
Je voudrais aussi évoquer la question de l’ancrage territorial de l’enseignement supérieur dans les grandes villes universitaires et dans les plus petites collectivités territoriales. Ces dernières peuvent offrir une bonne qualité de vie aux étudiants : l’hébergement y est plus aisément accessible que dans les grandes villes. De même, l’accueil de doctorants, par exemple, a des retombées très positives permettant de dynamiser certaines filières territoriales.
Je terminerai mon propos en citant les campus connectés, qui constituent une véritable opportunité pour les personnes vivant loin des établissements supérieurs. Ils recréent du lien social par l’enseignement à distance. Ce dispositif fonctionne bien, et l’offre de formation gagnerait à être développée sur l’ensemble du territoire.
Alors que certaines universités ont choisi de faire cette rentrée en distanciel, restons attentifs à ce que les étudiants traversent cette période d’incertitude dans les meilleures conditions possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa. (Mme Monique de Marco applaudit.)
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les études de l’Observatoire de la vie étudiante prouvent que les conditions de vie et d’apprentissage ne cessent de se dégrader. Le Gouvernement ne semble toujours pas mesurer la gravité des faits, alors que 21 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté et que 13 % d’entre eux ont déjà eu des pensées suicidaires.
Beaucoup essayent, tant bien que mal, d’allier emploi alimentaire et études. Certains revoient leurs objectifs d’études à la baisse, parfois même abandonnent l’université. J’ai une pensée émue pour cet étudiant de 22 ans qui, dans l’impossibilité de faire face à ses multiples difficultés, avait tenté de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu en novembre 2019.
Qu’a donc fait le président Emmanuel Macron pour améliorer les conditions de vie et d’apprentissage de la population estudiantine ? Presque rien.
Alors que le candidat promettait en 2017 la construction de 60 000 logements universitaires, seuls 16 300 ont été livrés en 2021. C’est pourtant ce poste de dépense qui pèse le plus dans le budget des étudiants. Il est même parfois insurmontable. Pour pallier cette difficulté, une revalorisation des aides au logement était nécessaire. Emmanuel Macron a précisément fait l’inverse, en baissant de 5 euros les APL.
Alors que la crise sanitaire exacerbe les difficultés, les étudiants attendaient un geste politique fort du Gouvernement. La mise en place des repas à 1 euro et des aides financières exceptionnelles, souvent excluantes et inadaptées, ne permet pas de répondre à un problème qui est en réalité structurel. Les universités se transforment en centres d’aide sociale face à l’inefficacité de l’action gouvernementale.
Centraliser les dispositifs d’aide afin de les rendre accessibles est un objectif primordial : il faut pour cela octroyer des moyens supplémentaires aux Crous, afin qu’ils soient chargés de cette tâche. L’instauration d’un revenu de base, gage d’autonomie et de réussite scolaire, est également une priorité absolue face à un système de bourses devenu obsolète.
Je doute que le gouvernement en place nourrisse réellement cette ambition de réforme. Je voterai toutefois pour ce texte, qui contient des propositions destinées à améliorer les conditions de vie des étudiants : il s’agit d’un objectif indispensable en cette période de pandémie, laquelle a largement contribué à la paupérisation d’un grand nombre d’étudiantes et d’étudiants.
Mme le président. La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution fait suite aux travaux que nous avons menés dans le cadre de la mission d’information sénatoriale « Conditions de la vie étudiante en France ». Le président Laurent Lafon et le groupe Union Centriste nous donnent l’occasion d’y revenir aujourd’hui, et je les en remercie.
Notre pays compte 3 millions d’étudiants : ce chiffre a plus que doublé depuis les années 1980. Il prouve que la France a relevé le défi de la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Mais cette bonne nouvelle doit être relativisée par le taux d’échec en première année et en premier cycle, les mauvaises orientations, les réorientations, et surtout par la précarité que subissent de nombreux jeunes durant leur cursus.
Ce constat doit nous amener à nous interroger sur l’insuffisance des moyens mobilisés au service de cette jeunesse, mais également sur la pertinence des schémas dans lesquels la politique d’enseignement supérieur s’inscrit et se déploie.
Il faudrait évaluer nos politiques publiques en direction des étudiants pour les adapter, les rénover et les réformer. Madame la ministre, il serait peut-être pertinent, après l’ère et l’essor des grands pôles d’excellence situés dans les métropoles, de réfléchir à la place et au rôle que pourraient jouer les petites et moyennes villes dans l’accueil de formations supérieures innovantes. Vous le savez, ces villes jouent déjà un rôle dans l’équilibre du territoire : elles constituent une armature territoriale précieuse pour notre pays. Elles offrent également des conditions d’hébergement intéressantes, puisque les loyers y sont plus accessibles que dans les grandes villes françaises.
Mais il ne suffit pas de créer un premier cycle d’études dans une petite ou moyenne ville pour considérer que l’État a rempli sa mission. Il faut également des enseignements de qualité, des enseignants de renommée nationale, mais aussi tous les services et les équipements que le réseau des Crous déploie avec une efficacité remarquable. Je pense bien sûr aux restaurants universitaires, et à l’offre sociale, sportive et culturelle.
Cette proposition de résolution est un plaidoyer en faveur de la coexistence d’une offre diversifiée : comme mes collègues du groupe socialiste, j’ai la conviction que les pôles d’excellence universitaire dans les métropoles, qui répondent aux critères des classements internationaux, peuvent et doivent coexister avec des structures de proximité qui soient également attractives et performantes.
Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le logement étudiant, qui est un vrai défi pour beaucoup de jeunes.
Accéder à un logement de qualité à un loyer abordable est une gageure pour de nombreux Français. Pour les étudiants, cela ressemble à un véritable parcours du combattant. J’ai la chance de venir d’un territoire où le Crous – celui de Montpellier – est particulièrement dynamique en matière de rénovation et de construction de logements. Je veux rendre hommage à ses directeurs successifs Philippe Prost et Pierre Richter.
Ce résultat est la conséquence d’un travail partenarial engagé depuis quinze ans avec les collectivités locales : la région Occitanie, la métropole de Montpellier, les communes et les bailleurs sociaux.
Il est également le fruit de la volonté des élus locaux. Je pense en particulier à Georges Frêche : lorsqu’il a été élu à la présidence de la région Languedoc-Roussillon en 2004, des objectifs chiffrés ont été fixés, des moyens alloués et des financements mobilisés. Aujourd’hui, les objectifs sont atteints. La présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), Mme Dominique Marchand, peut en attester.
Fort de cette expérience, je vous propose de tendre vers la territorialisation des objectifs de construction de logements. Cela passe par leur inscription systématique dans les contrats de plan État-région (CPER), qui lient l’État et les régions.
Enfin, je souhaite évoquer la question de la santé. Le covid-19 et le premier confinement ont révélé la fragilité psychologique de beaucoup d’étudiants.
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Hussein Bourgi. Les trois quarts d’entre eux évoquaient cette réalité dans une enquête rendue publique en juin 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. Mon cher collègue, vous avez épuisé votre temps de parole.
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si les étudiants sont très majoritairement épargnés par les formes graves de contamination au covid-19, ils n’en demeurent pas moins les victimes collatérales d’une crise sanitaire inédite. Parfois reclus loin de leurs proches lors des confinements successifs, souvent privés des emplois étudiants indispensables à leur subsistance dans le cadre de leurs études, ces derniers ont payé un lourd tribut au coronavirus.
Toutefois, si la pandémie a contribué à l’aggravation des symptômes du mal-être étudiant, celui-ci n’a rien de nouveau. Au contraire, la situation sanitaire a permis de mettre en lumière le caractère structurel des difficultés rencontrées par les étudiants et les défaillances profondes des politiques étatiques déployées à leur égard.
Certes, des mesures conjoncturelles pour leur venir en aide ont été lancées dans le contexte de la pandémie, à l’image des repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, ou encore du « chèque psy », mais ces mesures ponctuelles et très circonscrites, pour louables qu’elles soient, ne sont pas à la hauteur des problématiques auxquelles est confrontée notre jeunesse.
C’est la raison pour laquelle je salue cette proposition de résolution, qui vient compléter les réflexions déjà menées par la mission d’information sénatoriale sur les conditions de vie étudiante.
Lors de nos travaux, nous avions été attristés de découvrir le nombre d’étudiants concernés par des situations de grande précarité et incapables de subvenir à leurs besoins élémentaires. Face à l’allongement des files d’étudiants aux portes des associations de distribution alimentaire, dont il faut ici saluer le travail indispensable, il apparaît primordial de prolonger de toute urgence le dispositif du repas à 1 euro dans les Crous pour les boursiers afin que chacun de ces jeunes puisse manger à sa faim.
Mais répondre à l’urgence ne suffit pas. Pour résorber les inégalités, il faut aller plus loin ! C’est pourquoi je me réjouis de la proposition de créer un nouveau statut d’étudiant salarié dans les établissements universitaires eux-mêmes, afin que les étudiants les plus fragiles ne soient plus contraints de choisir entre leur dignité et leur réussite universitaire.
Par ailleurs, la lutte contre les inégalités entre les étudiants doit commencer dès l’entrée à l’université. Je considère qu’une diversification des critères d’entrée est indispensable, comme c’est le cas dans d’autres pays européens. Au Royaume-Uni, par exemple, la sélection se fait notamment sur le personal statement, qui est un véritable dossier de motivation dans lequel la motivation et les expériences sont valorisées, c’est-à-dire le mérite personnel de l’élève.
Au-delà de la question des inégalités, en tant que rapporteure de la mission d’information sur la contribution de vie étudiante et de campus aux côtés de notre collègue Bernard Fialaire, j’ai eu l’occasion de mesurer l’importance de la lisibilité et du traçage de l’utilisation des aides publiques pour les étudiants.
Notamment destinée à favoriser l’accueil culturel et sportif des étudiants, la CVEC pourrait, et devrait, contribuer à renforcer le financement des associations étudiantes fragilisées par la crise sanitaire. Parce qu’elles sont les piliers de la sociabilité estudiantine et des vecteurs de mixité sociale, il est souhaitable que les rôles et prérogatives de ces associations soient renforcés au sein des universités.
Je souhaiterais enfin dire un mot de l’adaptation numérique intervenue dans les universités à la faveur de la crise sanitaire. Si la diversification des outils digitaux permet désormais d’assumer une dématérialisation des enseignements, cette possibilité doit être développée, mais elle doit demeurer une exception.
Espaces de vie en commun, d’émulation et de bouillonnement intellectuel, les universités et les établissements d’enseignement supérieur doivent demeurer les épicentres de la vie étudiante. Il est donc vital de donner la priorité, chaque fois que cela est possible, au présentiel sur le distanciel, afin d’éviter une dégradation dans l’accompagnement, la formation, mais aussi le bien-être psychologique des étudiants, alors même que les mesures de confinement nous ont permis de mesurer les conséquences psychologiques délétères de l’isolement sur la santé mentale de nombreux jeunes.
Mes chers collègues, il est plus que temps que les étudiants soient considérés pour ce qu’ils sont : les futurs fleurons de la France. C’est à nous de créer les conditions de leur réussite et de la réalisation de leurs rêves, car c’est ainsi que la France connaîtra des lendemains qui chantent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER. – MM. Laurent Lafon et Gérard Lahellec applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le confinement mis en œuvre au printemps 2020 par le Gouvernement pour faire face à la pandémie de covid-19 a profondément bouleversé les habitudes et conditions de vie de la population française.
Si la pandémie a creusé certaines inégalités en dégradant en premier lieu la situation des jeunes et des travailleurs précaires, elle a aussi aggravé la précarité étudiante et en a fait un enjeu central du débat public.
Mais la crise sanitaire que nous continuons à traverser a surtout été un révélateur et un amplificateur de difficultés déjà existantes de la vie étudiante, qu’il s’agisse de la santé, du logement ou de l’alimentation. Si la précarité étudiante n’est pas née avec le confinement, elle s’est en revanche fortement aggravée avec lui.
Parmi de nombreux points, je voudrais ici évoquer la problématique spécifique de la santé mentale de nos étudiants.
Leur situation a connu une évolution assez singulière. L’état de la pandémie à la rentrée permettait d’envisager des enseignements sur site, mais la hausse du taux de circulation du virus a nécessité la mise en place de nouveaux confinements, avec une fermeture des établissements d’enseignement supérieur et une généralisation de l’enseignement à distance. Quand d’autres secteurs connaissaient un retour relatif à la normale, les conditions d’enseignement uniquement en distanciel et l’isolement qui en résulte ont eu des incidences sur le ressenti et le bien-être de nos étudiants, altérant parfois leur santé mentale.
Comme le montre l’enquête sur les effets de la crise sanitaire sur l’année universitaire 2020-2021 réalisée par l’Observatoire de la vie étudiante et publiée en novembre dernier, une importante partie des étudiants a rencontré des difficultés d’ordre psychologique, en nette hausse par rapport aux années précédentes.
S’il est vrai qu’une plus grande attention accordée à la santé mentale dans le débat public peut favoriser les déclarations des étudiants sur le sujet et donc rendre visible une détresse jusqu’alors ignorée, il n’en reste pas moins que ces résultats démontrent une dégradation effective de la santé mentale de nos étudiants.
Les conditions singulières de cette dernière année, pendant laquelle les étudiants se sont vu imposer davantage de restrictions que le reste de la population, ont accentué cette tendance.
Quatre catégories d’étudiants apparaissent particulièrement fragiles : les étudiants en difficulté financière, les étudiants étrangers, les étudiants les plus âgés et les étudiantes.
Ces fragilités se traduisent par un recours accru à des structures dédiées ou à des professionnels de santé pour des problèmes émotifs, nerveux, psychologiques ou de comportement au cours des douze mois. On regrettera que le dispositif spécifique du « chèque psy », mis en place en février 2021, ne soit que très peu utilisé par les étudiants.
Un mot également sur nos étudiants ultramarins présents dans l’Hexagone. L’éloignement géographique et la confrontation, dès leur arrivée en métropole pour leurs études, à un univers très différent de celui de leur territoire nécessitent que leur soit apporté un accompagnement attentif et spécifique. Confinés loin de leurs familles, les étudiants ultramarins ont été particulièrement touchés par la pandémie. Aux difficultés psychologiques liées à la solitude s’est ajouté, comme pour de nombreux autres étudiants, le découragement lié aux cours en visioconférence et à des équipements informatiques souvent insuffisants, ce qui a débouché sur une perte de motivation importante et sur une tentation répandue de décrochage.
Mes chers collègues, la santé mentale des étudiants est devenue un enjeu social crucial quand on sait que 75 % des troubles psychiatriques et psychologiques débutent avant l’âge de 24 ans. Les études correspondent à une période de changement dans la vie de l’individu et les étudiants sont souvent soumis à plusieurs formes de pressions, qu’elles concernent la réussite scolaire, les difficultés financières ou l’intégration sociale. Il est donc primordial de tirer les enseignements de la crise sanitaire sur leur santé.
Dynamiser l’offre de services de santé universitaires, mais aussi mieux accompagner psychologiquement nos étudiants avec la prolongation de l’accès gratuit, sur prescription médicale, aux aides psychologiques me paraît donc essentiel, pour que leur souffrance psychologique cesse enfin d’être une fatalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon et Mme Angèle Préville applaudissent également.)