compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Demande par une commission des prérogatives d’une commission d’enquête
M. le président. Par lettre en date de ce jour, la commission des affaires sociales demande au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de six mois, afin de mener une mission d’information sur l’adéquation du passe vaccinal à l’évolution de l’épidémie de covid-19.
La conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion de ce jour, à seize heures trente.
Acte est donné de cette communication.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et à celui du temps de parole.
présidence française du conseil de l’union européenne
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, le Président de la République a lancé, aujourd’hui, devant le Parlement européen, la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE).
Les défis à relever sont nombreux. Mais l’échec social est au cœur des crises qui déchirent l’Union, laquelle a été longtemps réduite à un vaste champ d’application du principe de mise en concurrence, où le progrès social est sacrifié.
Aujourd’hui, face aux pandémies, au dérèglement climatique, aux inégalités, tout esprit lucide admet que l’Europe doit changer de trajectoire. Le temps est venu de passer du logiciel du « tout pour le marché, la concurrence et la finance » à celui du « tout pour la solidarité, l’humain et la planète ».
On va sûrement entendre beaucoup de belles paroles durant cette PFUE – on en a déjà entendu ce matin au Parlement européen –, mais seuls les actes vont compter.
En matière de santé, la levée des brevets et l’accès de tous aux vaccins sur le plan international seront-ils une priorité de la présidence française ? La France proposera-t-elle de sortir les dépenses publiques et de recherche consacrées à la santé des critères soumis à l’examen du semestre européen ?
S’agissant des salaires, notre pays envisage-t-il enfin d’imposer une norme minimale contraignante à chaque pays dans le cadre de la directive sur les salaires minimaux, actuellement en négociation, ou restera-t-il dans le camp de ceux qui combattent toute règle contraignante en la matière ?
Concernant les travailleurs des plateformes, la France agira-t-elle pour que soit consacré le principe d’une présomption de relation de travail, ouvrant la voie au rétablissement des droits sociaux de ces travailleurs aujourd’hui surexploités ?
Enfin, la révision des carcans ayant engendré l’austérité budgétaire, qui ont dû être suspendus tant ils auraient été mortifères en temps de pandémie, fera-t-elle l’objet d’un débat national au Parlement, dans les collectivités locales et dans le pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance. (Vives exclamations et applaudissements ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Philippe Pemezec. Tout arrive ! La preuve, c’est que Bruno Le Maire est au Sénat !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais venir plus souvent ! (Rires.)
M. le président. Avec plaisir !
M. Marc-Philippe Daubresse. Chiche ! Mieux vaut tard que jamais !
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur Laurent, si vous me le permettez, je crois que c’est plutôt au parti communiste de changer de logiciel ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE. – MM. André Gattolin et François Patriat applaudissent.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Il n’y a pas que le parti communiste qui devrait le faire !
M. Bruno Le Maire, ministre. La réalité, c’est que l’Europe a déjà changé au cours de cette crise.
Quel est le continent qui a le mieux protégé ses salariés durant la crise économique en prévoyant un dispositif d’activité partielle ? C’est le continent européen.
Quel est le continent qui a le mieux protégé ses entreprises et évité des centaines de milliers de faillites pendant la crise la plus grave que nous ayons eu à connaître depuis 1929 ? C’est le continent européen.
Quel est le continent qui, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel, a décidé de lever de la dette en commun pour la première fois de son histoire, afin de financer des mesures de protection et de relance économique face à la crise ? C’est le continent européen.
Quel est le seul continent au monde qui mène actuellement une réflexion sur un salaire minimum commun ? C’est le continent européen.
Quel est le seul continent au monde qui est en train de se doter de normes de protection environnementale en réfléchissant, sous présidence française, à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, pour protéger ses intérêts environnementaux, tout en protégeant ses industries ? C’est le continent européen. (Mme Sophie Primas exprime son doute.)
M. Marc-Philippe Daubresse. À vous écouter, on va finir par croire que l’Union est un continent !
M. Bruno Le Maire, ministre. Quel est le continent qui a apporté le plus large soutien aux pays en développement en leur fournissant des vaccins ? C’est le continent européen.
Quel est le seul continent qui a insisté sur le risque d’un accroissement des divergences après la crise entre les pays les moins développés et les pays les plus développés, et qui a demandé que l’on verse 100 milliards de dollars pour soutenir financièrement les pays africains les plus pauvres ? C’est le continent européen. (Murmures d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Alors, regardez l’Europe telle qu’elle est, monsieur le sénateur, et voyez à quel point elle a changé. Apportez votre soutien à cette Europe solidaire et efficace que nous sommes en train de construire avec le Président de la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Bruno Sido applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Allô !
M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, la violence de la crise sanitaire que nous connaissons ne, doit en aucun cas, nous écarter de l’impératif économique qui doit être le nôtre, celui de la réindustrialisation de notre pays.
Entre 2017 et 2021, la France a maintenu ou créé 140 000 emplois autour de projets qui font de l’attractivité de la France un élément indispensable aujourd’hui.
M. Marc-Philippe Daubresse. Un plaidoyer pro patria ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. Si Business France considère que la France est devenue le pays européen le plus attractif dans le domaine de l’emploi – notre pays se classe même devant le Royaume-Uni –, il nous faut cependant reconnaître qu’il s’agit d’une situation que nous n’aurions pas imaginée il y a encore quelques années.
Ce lundi s’est tenu le traditionnel sommet Choose France, événement lors duquel ont été présentés une vingtaine de projets représentant 4 milliards d’euros d’investissements pour la France dans les années à venir, et même à partir de cette année.
Ces investissements se traduiront par la création de 10 000 emplois en CDI et de 15 000 CDI intérimaires, répartis sur l’ensemble du territoire national. Une moitié d’entre eux concerneront des villes de moins de 20 000 habitants, ce qui, mes chers collègues et amis sénateurs, devrait réjouir la plupart d’entre vous, qui vous battez pour des territoires ruraux, qui sont souvent en difficulté. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Ces bons résultats ne sont pas dus au hasard : ils sont tout d’abord liés au savoir-faire, à la connaissance, à la technicité des entreprises françaises, qui se sont adaptées et qui restent, dans bien des domaines, reconnues internationalement.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. La question !
M. François Patriat. Je pense à la pharmacie, à l’environnement, à la mécatronique, secteurs qui sont très importants aujourd’hui.
M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n’est pas une question, mais une profession de foi !
M. François Patriat. Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard, disais-je, car ils doivent être mis en regard des mesures qui ont été prises par le Gouvernement pour renforcer notre attractivité…
M. Rachid Temal. Et la question ?
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Oui, la question !
M. François Patriat. … et notre savoir-faire, pour baisser les impôts de production et simplifier la vie des entreprises.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. La question !
M. François Patriat. Aujourd’hui, les emplois des entreprises étrangères représentent 14 % de l’emploi total en France.
Monsieur le Premier ministre, voici ma question. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.) Merci, mes chers amis ! Ma question, donc : comment le Gouvernement entend-il conforter ces acquis et rendre la France encore plus attractive qu’elle ne l’est aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président François Patriat, vous avez tout à fait raison… (Exclamations ironiques à droite comme à gauche.) Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis sûr que vous vous manifestez pour vous réjouir de ces résultats !
L’attractivité d’un pays est en effet l’un des indices de sa santé économique. Vous venez de nous donner des indications très précises sur ce que Choose France avait apporté à notre pays cette année.
Avant de l’élargir, je voudrais compléter votre propos en précisant qu’entre 2017 et 2020 plus de 5 300 projets d’investissements internationaux ont permis de créer ou de maintenir 140 000 emplois en France.
Voix à gauche. Il l’a déjà dit !
M. Jean Castex, Premier ministre. C’est une excellente chose, et je pense que personne ne le contestera.
Comme vous l’avez dit – je ne peux évidemment qu’aller dans votre sens –, ces investissements concernent tous nos territoires. J’ai une cartographie, que je tiens à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs : la France entière est innervée par ces projets.
Permettez-moi d’y insister : lesdits projets contribuent à la réindustrialisation de notre pays, problématique à laquelle je vous sais très attachés.
M. Jean-François Husson. C’est un peu tard !
M. Jean Castex, Premier ministre. Un peu tard, dites-vous, monsieur le sénateur ? Saviez-vous que, depuis 1980, la France perdait 50 000 emplois industriels par an ? Depuis 2017, nous avons recréé 30 000 emplois nets. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Certes, nous n’avons pas encore réussi à compenser le nombre d’emplois qui a été détruit, mais le mouvement est enclenché.
Je précise d’ailleurs qu’en 2021 nous avons ouvert deux fois plus d’usines que nous n’en avons fermées. Ce résultat est lui aussi totalement inédit.
Illustration de la politique gouvernementale et de ses conséquences, je peux également vous dire que ces chiffres sont en ligne avec ceux de la croissance économique, la plus forte de la zone euro, avec ceux des créations d’emplois – notre pays a enregistré 575 000 créations nettes d’emplois au cours des trois premiers trimestres de 2021 –, qui n’avaient pas atteint un tel niveau depuis des années et des années. (M. Jacques Grosperrin s’exclame.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Il n’y a pas qu’en France !
M. Jean Castex, Premier ministre. Ces chiffres sont également en ligne avec l’évolution du pouvoir d’achat, qui a augmenté. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Créer des emplois, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la première mesure en faveur du pouvoir d’achat : celui-ci a augmenté de 2,2 % en 2021, alors qu’il a reculé en Allemagne.
Voilà des données concrètes !
Alors, qu’allons-nous faire, monsieur le président Patriat ? Pour poursuivre en ce sens et conforter ces résultats économiques, nous allons tout simplement continuer la politique économique et sociale que nous conduisons au service de la France et les Français ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
situation d’edf (i)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre de l’économie, alors que les prix de l’énergie font l’objet d’une hausse très significative, vous avez choisi, en pleine campagne présidentielle, et au nom de la défense du pouvoir d’achat, de faire – disons-le franchement – les poches d’EDF !
Tout le monde l’aura compris : la seule réponse que vous êtes en mesure d’apporter face à la flambée des prix de l’énergie relève au mieux de l’improvisation, au pire du cynisme électoral. Vous faites peser sur EDF l’entière responsabilité de la soutenabilité financière des mesures gouvernementales de campagne.
Après avoir tardivement compris que votre chèque énergie de 100 euros n’aurait que peu d’effets face à la hausse des prix, vous vous êtes aventurés dans d’autres dispositifs.
Votre décision pourrait coûter 8 milliards d’euros à EDF, alors que l’urgence est de financer le renouvellement et l’entretien du parc productif.
Force est de constater que le marché de l’énergie en France est devenu le royaume de la financiarisation : le parc de production d’électricité n’a jamais été réellement agrandi et la production d’énergies renouvelables stagne toujours.
Sur les quarante fournisseurs actuels, plus de trente-cinq sont des fournisseurs virtuels, qui ne produisent pas un kilowatt et spéculent à partir des approvisionnements garantis par EDF, le tout en empochant la différence, et que l’on retrouve domiciliés dans des paradis fiscaux.
Monsieur le ministre, quand allez-vous mettre en œuvre les mesures nécessaires afin d’arrêter de subventionner une concurrence factice, qui se développe au mépris de l’intérêt général et qui ne contribue qu’à l’enrichissement privé ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Marc-Philippe Daubresse. Il n’est pas venu pour rien ! (Sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur, vous me demandez quand le Premier ministre, le Président de la République et moi-même allons prendre les mesures nécessaires pour faire cesser cette situation. La réponse est simple : maintenant !
Gouverner c’est choisir. (M. Michel Savin s’exclame.) Notre choix, nous l’avons déjà fait : protéger les Français contre l’augmentation massive des prix de l’électricité et protéger nos entreprises contre une augmentation insupportable de leurs coûts de production. (M. Jean-François Husson proteste.)
Contrairement à ce que vous dites, monsieur le sénateur, le premier à avoir dû payer, ce n’est pas EDF, c’est l’État,…
M. Jean-François Husson. Les contribuables !
M. Bruno Le Maire, ministre. … puisque celui-ci a dû renoncer à 8 milliards d’euros de produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité pour aider les consommateurs à supporter la hausse des prix de l’électricité. Ce n’est que par la suite que nous avons effectivement décidé de mettre EDF à contribution.
M. Fabien Gay. Et TotalEnergies dans tout ça ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je rappelle que, quand les prix sont très bas et les revenus insuffisants, EDF peut compter sur le soutien de l’État.
Mme Sophie Primas. C’est normal : l’État est actionnaire !
M. Bruno Le Maire, ministre. L’entreprise a d’ailleurs pu compter sur ce soutien, puisque, depuis 2015, l’État lui a versé 10 milliards d’euros d’aides en finançant une partie de sa capitalisation et en renonçant à ses dividendes.
M. Fabien Gay. C’est le rôle de l’État actionnaire !
M. Bruno Le Maire, ministre. Il me paraît juste et normal qu’une entreprise publique comme EDF vienne en soutien des Français, des ménages et des entreprises, quand les prix de l’électricité flambent. C’est là ma conception des services publics et d’une grande entreprise publique comme EDF ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Nous avons donc décidé d’augmenter le volume de l’électricité vendue à prix réduit. Cette décision sera intégralement répercutée sur le consommateur final ; du reste, les fournisseurs ne s’en mettront pas plein les poches, puisque nous avons demandé à la Commission de régulation de l’énergie de faire la transparence totale, d’ici au mois de juin, sur les incidences de cette baisse des prix de l’électricité sur les entreprises, en particulier les grandes entreprises industrielles, qui avaient besoin de ce soutien.
Ce qui vous surprend en fait, monsieur le sénateur, c’est que, pour une fois, vous avez affaire à des responsables politiques qui tiennent leurs promesses ! (Rires ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Premier ministre avait promis que les tarifs de l’électricité n’augmenteraient pas de plus de 4 % pour les consommateurs français. Promesse tenue ! Ce sera le cas et cela nous change de la politique du passé ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur diverses autres travées.)
M. Jean-François Husson. Bruno, c’est trop !
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour la réplique.
M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, votre réponse ne me convainc pas.
Je vous parle des problèmes systémiques et structurants d’EDF, et vous n’apportez qu’une réponse conjoncturelle.
Le marché de l’énergie est devenu en France un gigantesque far west financier, qui ne sert que ses intérêts ! Où est l’intérêt public dans tout cela ? Cette spéculation est une lame de fond, qui grève le pouvoir d’achat de nos concitoyens et place EDF dans une situation intenable pour les années à venir.
Avec cette opération, vous détruisez notre fleuron industriel. Comme le dit l’adage, quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage. Avec cette mesure, monsieur le ministre, vous venez d’« enrager » EDF, et c’est bien regrettable ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – Mme Frédérique Puissat applaudit également.)
difficultés de recrutement sur le marché du travail
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Madame la ministre, alors que le taux de chômage stagne autour de 8 % et que la reprise économique est là, nous observons un phénomène croissant se caractérisant par l’inadéquation entre les emplois disponibles et les candidats à l’emploi : au troisième trimestre 2021, on comptait ainsi 286 000 postes vacants, 33 % de plus qu’avant la crise sanitaire.
Cette situation touche plus particulièrement les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du BTP, de l’industrie, du commerce, de la santé et du grand âge, des transports et de la logistique. Les difficultés sont particulièrement visibles dans la restauration et les hôpitaux, où le manque de personnel aggrave encore davantage des conditions de travail déjà très délicates.
Ce phénomène concerne donc à la fois des emplois très qualifiés, pour lesquels nous manquons de candidats, et des emplois peu qualifiés, pour lesquels un vivier de main-d’œuvre existe, mais dont l’attractivité fait défaut.
Ces deux situations nécessitent des mesures différenciées : il faut mieux adapter l’offre de formation au marché du travail et améliorer les conditions d’emploi.
Cet automne, le Gouvernement a d’ailleurs lancé un plan fondé sur ces deux principes pour réduire les tensions en termes de recrutement.
Mais, d’après l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), les politiques en la matière doivent cibler un spectre bien plus large.
Au-delà des mesures pour renforcer l’attractivité des métiers, telles que les hausses de salaire, le CESE déplore l’existence de freins périphériques à l’emploi. C’est pourquoi il souligne l’importance d’une politique globale touchant au logement social, aux solutions d’accueil des jeunes enfants ou encore à la couverture du territoire en transports collectifs.
Aussi, madame la ministre, allez-vous adapter votre plan de lutte contre les difficultés de recrutement et associer les collectivités locales à une politique à la fois plus globale et plus adaptée à chaque territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Monsieur le sénateur Éric Gold, les tensions persistantes en matière de recrutement peuvent être source de difficultés pour les entreprises, mais elles constituent aussi une bonne nouvelle, car elles sont le signe que la reprise est robuste.
Il nous faut donc accompagner cette reprise en répondant aux besoins de main-d’œuvre des entreprises, qui constituent autant d’opportunités pour les jeunes et les demandeurs d’emploi.
Depuis le début du quinquennat, nous investissons comme jamais dans la formation : je pense notamment au plan d’investissement dans les compétences à hauteur de 15 milliards d’euros. Plus récemment, 1,4 milliard d’euros ciblant plus particulièrement les formations en entreprise ou en alternance, qui préparent directement à un emploi, sont venus compléter ces efforts.
Comme vous l’avez signalé, il convient également de renforcer l’attractivité des métiers en tension. C’est le sens des discussions que j’ai engagées avec certaines branches pour les inciter à revaloriser leur minima conventionnels et à améliorer leurs conditions de travail. La branche des hôtels, cafés, restaurants a ainsi réussi à proposer une hausse moyenne des salaires de plus de 16 %.
Comme le souligne le CESE dans son avis, il nous faut aussi lever l’ensemble des freins périphériques au retour à l’emploi. C’est avant tout à l’échelon local que des réponses peuvent être trouvées en partenariat avec les collectivités.
Nous avons donc demandé à chaque sous-préfet d’identifier, avec les acteurs locaux, les solutions qui peuvent être proposées aux demandeurs d’emploi, en tenant compte des spécificités des territoires.
Enfin, il nous faut nous assurer que les demandeurs d’emploi à qui ces formations sont proposées s’en saisissent effectivement et répondent aux offres d’emploi. C’est tout le sens du contrôle de la recherche d’emploi, qui a conduit à une radiation de près de 18 % des demandeurs d’emploi contrôlés au cours du mois de décembre.
Monsieur le sénateur, l’ensemble de ces actions commencent à porter leurs fruits. Ces derniers mois, les embauches ont atteint un niveau inégalé depuis près de vingt ans. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.
M. Éric Gold. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Nombre de secteurs sont aujourd’hui en souffrance et nous comptons réellement sur vous pour trouver les leviers indispensables à un retour rapide à l’emploi du plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
bilan du ministère sur le quinquennat et financement des universités
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, « on ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants ». Ces propos du Président de la République ont choqué les étudiants et le personnel de l’université.
Si le but est de faire baisser la précarité étudiante en rendant l’université moins accessible aux plus précaires, c’est inacceptable !
Cette vision de l’université s’inscrit dans la continuité d’un mandat plus que décevant : les dépenses par étudiant ont ainsi continué de baisser ; le bilan de Parcoursup est plus que mitigé ; l’université souffre d’un sous-financement chronique et les conditions d’encadrement des étudiants ne cessent de se dégrader ; la promesse du Gouvernement de construire 60 000 logements étudiants est loin d’être tenue ; la réforme des bourses, promise, n’a jamais vu le jour et a été remise à plus tard, car jugée trop complexe ; enfin, la crise sanitaire a été gérée dans la plus totale improvisation.
De trop nombreux étudiants, dont la situation financière était fragile, ont ainsi basculé dans une grande précarité.
Madame la ministre, comment pouvez-vous encore ignorer le nombre inadmissible d’étudiants ayant recours à l’aide alimentaire ?
Pour nous, l’éducation est au cœur d’une société de l’intelligence, de la solidarité, de l’épanouissement et de l’émancipation. Tout comme l’hôpital, elle doit rester gratuite !
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ces propos et ce bilan, qui n’augurent rien de bon pour nos étudiantes et étudiants ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)