Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, votre amendement est satisfait. Vous l’avez dit, grâce aux opérations que nous menons avec le CSA, comme « Sport féminin toujours », depuis les dix dernières années, la retransmission des programmes de sport féminin a triplé en volume horaire sur les principales chaînes françaises.
Les obligations que vous aimeriez faire figurer dans la loi sont déjà inscrites dans le cahier des charges du CSA pour l’attribution des chaînes, que celles-ci soient publiques ou privées. Il s’agit de trouver un équilibre dans la représentation du sport féminin et du sport masculin et de parvenir à une juste représentation du handisport.
Je me réjouis d’ailleurs que le groupe France Télévisions ait acquis les droits de diffusion des jeux Paralympiques de 2024 : nous lui faisons confiance pour nous faire vivre cet événement avec la même passion que celle qui a animé les téléspectateurs des jeux, notamment Paralympiques, de Tokyo. Nous espérons que, d’ici à 2024, il saura, si j’ose dire, faire monter la mayonnaise !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 171, présenté par M. Hugonet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 333-7 du code du sport est ainsi rédigé :
« Ces extraits sont diffusés gratuitement au cours d’émissions d’information, notamment les magazines sportifs pluridisciplinaires ou unidisciplinaires d’une fréquence au moins hebdomadaire n’étant pas dédiés à une compétition particulière. Pour les magazines sportifs, la durée de l’extrait est limitée à deux minutes au maximum par journée de compétition. »
La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Cet amendement vise à étendre le régime de la réglementation des brefs extraits de compétitions sportives aux magazines sportifs unidisciplinaires et à porter leur durée à deux minutes, contre quatre-vingt-dix secondes actuellement, comme l’avait défini feu le CSA, aujourd’hui Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).
Je prendrai un sport au hasard, le football : il sera possible, par la diffusion d’extraits plus longs, de montrer comment se construit un but, ce qui est très important, particulièrement quand il s’agit de ceux de l’Olympique Gymnaste Club de Nice… Mais je me perds un peu, madame la présidente ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Cette mesure, proposée par notre collègue Jean-Raymond Hugonet, constitue une avancée majeure en matière de retransmission d’extraits de compétition. Il paraît anodin de passer de quatre-vingt-dix secondes à deux minutes, mais c’est en fait très important !
L’adoption de cet amendement, qui a fait l’objet d’un travail de fond et d’une concertation entre son auteur et l’ensemble des acteurs, permettrait de clarifier et de moderniser le régime des extraits dans l’intérêt du public des chaînes diffusées en clair. Les spectateurs seront satisfaits de l’adoption de cette disposition !
L’avis de la commission est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Le CSA, aujourd’hui Arcom, a organisé en 2014 une concertation qui associait tous les acteurs pour trouver un point d’équilibre entre les intérêts du public, la liberté éditoriale des diffuseurs de la télévision et la sécurisation des mécanismes de financement des activités sportives.
Revenir par voie d’amendement sur cet équilibre qui a été longuement élaboré me semble précipité : il faut le temps nécessaire de la concertation.
Je vais demander aux services de mon ministère d’engager une réflexion sur cette question avec le ministère de la culture : il s’agit d’examiner si le cadre juridique actuel et l’évolution de l’offre et de la demande correspondent à la situation sur le marché des droits et à la consommation de sport par notre jeunesse. En effet, on voit que les comportements évoluent, notamment avec la digitalisation : de nouveaux acteurs, dont les plateformes qui ont été citées, entrent sur le marché des droits.
Le Gouvernement intégrera ce sujet à la réflexion et à la concertation sur la modification du décret.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 10, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan de l’évolution des diffusions de manifestations sportives. Ce rapport s’attache à montrer à la fois l’évolution de la part des manifestations sportives diffusées sur des canaux accessibles gratuitement, la diversité des manifestations sportives diffusées et le coût moyen nécessaire pour suivre le sport.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J’espère que mon amendement connaîtra le même sort que le précédent !
Nous assistons ces dernières années à la disparition du sport à la télévision en clair.
Premièrement, l’obtention des droits sur les jeux Olympiques et Paralympiques par le groupe Discovery a participé à l’augmentation des coûts de diffusion. Si l’on ne peut que se féliciter qu’un accord ait été trouvé en 2019 entre France Télévisions et le groupe états-unien pour que le service public soit le diffuseur français en clair, encore faudra-t-il regarder combien cela représentera d’heures de diffusion.
Ainsi, pour les jeux de Rio, nous avions pu profiter de 3 000 heures de diffusion en clair. À l’heure actuelle, le seul engagement pris concerne les heures fixées par le Comité international olympique (CIO), soit 200 heures.
Deuxièmement, il ne faut pas oublier que le service public audiovisuel a connu un nouveau plan de rigueur. Outre les dégrèvements de redevance estimés à 624 millions d’euros, ce sont près de 200 millions d’euros de crédits qui ont disparu sur le quinquennat, dont France Télévisions a assumé la plus grosse charge.
Dans ces conditions, il apparaît difficile pour le groupe, qui augmente par ailleurs ses engagements en matière de production, d’aller se battre contre les chaînes cryptées pour des droits dont le marché constitue une bulle spéculative importante.
Troisièmement, nous avons vu arriver de nouveaux opérateurs extrêmement puissants. Si la tentative d’Orange, au début des années 2000, a été un échec, BeIN Sports a montré une décennie plus tard qu’il existait bien un marché.
Après le fiasco Mediapro-Téléfoot, l’arrivée d’Amazon dans le football et les rumeurs autour d’un intérêt de Facebook pour la diffusion sportive laissent craindre un nouveau coup porté à la chaîne cryptée Canal+, mais aussi aux chaînes en clair privées comme TF1 et M6.
Nous devrions donc faire rapidement un état des lieux de la situation, afin d’adapter nos outils législatifs de contrôle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. Ma chère collègue, vous abordez un sujet qui mobilise déjà fortement le Sénat. Cette demande de rapport m’apparaît tout à fait intéressante, compte tenu des craintes que vous avez exprimées et qui sont avérées sur la réduction de la place du sport à la télévision et à la radio, face à l’augmentation des droits.
La commission émet donc un avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je vous informe que le CSA, devenu l’Arcom, réalise depuis 2012 une analyse de la médiatisation du sport une fois tous les deux ans. En outre, ces données sont rendues publiques.
C’est pour cela que l’Arcom est l’instance la mieux à même de poursuivre cette veille et de continuer à analyser cette problématique. Nous l’avons d’ailleurs saisie à la fin de l’année dernière pour qu’elle établisse un panorama de l’offre et de la demande de contenus audiovisuels sportifs en France, afin d’établir les constats clés relatifs au mode de diffusion et à la consommation de ces contenus par le public.
Ce rapport a été commandé par le Gouvernement à la fin de 2021. Nous ne sommes pas opposés à ce que vous formuliez la même demande.
J’émets donc, moi aussi, un avis de sagesse.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10.
Article 10 bis A
La section 1 du chapitre III du titre III du livre III du code du sport est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 333-2, il est inséré un article L. 333-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 333-2-1. – La ligue professionnelle peut, pour la commercialisation et la gestion des droits d’exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives, créer une société commerciale soumise au code de commerce, sous réserve de l’accord de la fédération sportive délégataire qui a créé cette ligue professionnelle.
« Les droits d’exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la société commerciale créée par la ligue professionnelle dans des conditions et limites précisées par décret en Conseil d’État.
« Cette commercialisation est effectuée dans les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 333-2.
« Les statuts de la société commerciale précisent notamment les décisions qui ne peuvent pas être prises sans l’accord des associés ou actionnaires minoritaires ainsi que les modalités permettant de garantir le respect des principes mentionnés à l’article L. 333-3.
« La ligue professionnelle ne peut pas détenir moins de 90 % du capital et des droits de vote de la société commerciale. Un décret en Conseil d’État détermine les catégories de personnes physiques et morales ne pouvant pas détenir de participation au capital de la société commerciale.
« La société commerciale créée par la ligue professionnelle ne peut déléguer, transférer ou céder tout ou partie des activités qui lui sont confiées.
« Les statuts de la société commerciale prévoient nécessairement la présence de la fédération sportive délégataire au conseil d’administration de la société commerciale avec voix délibérative ainsi que les modalités d’exercice par cette même fédération d’un droit d’opposition à l’encontre des décisions qui seraient contraires à la délégation mentionnée à l’article L. 131-14. Ces statuts ainsi que les modifications qui y sont apportées sont approuvés par l’assemblée générale de la fédération sportive délégataire concernée et par le ministre chargé des sports. » ;
2° L’article L. 333-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après la première occurrence du mot : « ligue », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, par la société commerciale mentionnée au premier alinéa de l’article L. 333-2-1 » ;
– après la seconde occurrence du mot : « ligue », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « , les sociétés et, le cas échéant, la société commerciale mentionnée au même premier alinéa. » ;
b) Au deuxième alinéa, après la première occurrence du mot : « ligue », sont insérés les mots : « , dont celle destinée, le cas échéant, à la société commerciale mentionnée au premier alinéa de l’article L. 333-2-1, ».
Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Cet amendement vise à supprimer l’article 10 bis A, au moment même où La Ligue de football professionnel (LFP) recueille et évalue les propositions des fonds d’investissement susceptibles d’investir dans le football français.
Je me fais peu d’illusions sur la probabilité que cet amendement soit adopté. Cela dit, je voudrais vous alerter sur plusieurs sujets, afin que nous ne disions pas dans quelques mois ou quelques années que nous n’avons pas vu venir les coups…
La société commerciale qu’il est envisagé de créer a en réalité pour objet d’injecter rapidement du cash dans les clubs de foot, notamment professionnels, à la suite de la défaillance de Mediapro. La vraie question est de savoir à combien sera valorisée cette société commerciale. Les bruits qui courent évoquent un milliard d’euros sur huit saisons, soit 125 millions d’euros par saison, ce qui représente à peu près les droits de télévision actuels, évalués à 624 millions d’euros.
Quelle sera la clé de répartition entre les clubs professionnels et amateurs dans l’attribution de ces montants ? Et entre les clubs de Ligue 1 de football ? Je ne dis pas que ce sera le cas, mais imaginons qu’un seul club de Ligue 1 capte un tiers de cette manne financière, qu’un deuxième lot de cinq ou six clubs capte un autre tiers et les dix ou onze derniers clubs le dernier tiers. Est-ce réellement ce que nous souhaitons ?
Aujourd’hui, on nous propose de voter pour la création d’une société commerciale en ne connaissant ni sa valorisation, ni la clé de répartition qui sera appliquée demain, ni ses conséquences sur le football français.
Mes chers collègues, je vous alerte donc sur ce sujet qui mérite débat, afin que nous obtenions a minima des réponses à toutes ces questions, si tant est que quelqu’un en ait dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Savin, rapporteur. J’entends vos arguments, mon cher collègue. La création de cette société commerciale mobilise de nombreuses personnes et fait couler beaucoup d’encre.
Nous avons largement travaillé sur ce sujet. Nous sommes défavorables à votre proposition, mais je vous proposerai tout à l’heure un amendement dont les dispositions font suite à de nombreux échanges avec les acteurs concernés. Je vous donnerai les raisons qui nous ont amenés à discuter avec la Fédération française de football et la Ligue. En effet, ce sujet concerne aujourd’hui uniquement le football, mais il pourrait à l’avenir toucher d’autres disciplines.
Il était important pour notre commission de sécuriser le dispositif. Nous nous sommes posé les mêmes questions que vous, et nous n’avons pas toutes les réponses.
Aujourd’hui, et je reviendrai sur ce point plus tard, le football professionnel en France est en grande difficulté financière. La proposition de créer une société commerciale permet au football professionnel d’avoir une sorte de bouée de sauvetage.
Il faut aussi reconnaître que la Ligue a engagé en parallèle des mesures internes pour accompagner la création de cette société commerciale : réduction du nombre de clubs en Ligue 1 et en Ligue 2, travail sur le salary cap et sur la réduction du nombre de contrats par club professionnel…
Il s’agit donc non pas uniquement d’aller chercher une manne financière, mais aussi de procéder à une restructuration complète de l’organisation et du fonctionnement du football professionnel et du sport professionnel. Il faut tenir compte de cet élément.
Les dispositions de l’amendement je vous proposerai dans quelques instants sécurisent le dispositif et maintiennent, car ce point nous paraissait important, un lien entre la fédération et la ligue, ainsi qu’entre entre le sport professionnel et le sport amateur. En effet, sur le plan financier, il doit y avoir un retour entre le sport professionnel et le sport amateur.
Nous devons formuler une proposition constructive au vu de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le football professionnel.
Mon cher collègue, je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée. La création d’une société commerciale, portée par les députés de la majorité à l’Assemblée nationale, a été votée dans cet article.
Je voudrais revenir sur la situation du football en France, car ce sont les représentants de ce sport qui ont fait la demande de création de cette société. Je vous expliquerai tout à l’heure pourquoi cela ne concerne pour le moment que le football, même si, M. le rapporteur l’a dit, l’ensemble du sport professionnel et des ligues seront à terme concernés.
Aujourd’hui, le football a été sauvé par l’État, qui a déployé 220 millions d’euros vers les clubs professionnels. En comptant les aides de droit commun distribuées dans le monde du football amateur et professionnel, l’aide de l’État atteint même un total d’un milliard d’euros. Le football a ainsi pu garder la tête hors de l’eau. La création de cette société doit donc être comprise comme une mesure non pas d’urgence, mais de rebond.
Les membres de la Ligue de football professionnel demandent la création de cette société, car ils estiment en avoir besoin. Ils se disent sans doute que, aujourd’hui, alors que le championnat français compte les trois meilleurs joueurs du monde, le montant des droits télévisuels n’est pas normal, de même qu’il n’est pas normal que les rencontres de Ligue 1 ne puissent pas être diffusées en Angleterre.
Il y a un problème d’expertise et de commercialisation des droits audiovisuels du football en France. La création de cette société commerciale est aussi un moyen d’y remédier et de renforcer l’expertise au service des clubs professionnels, pour que ces derniers trouvent de nouveaux diffuseurs à l’international et puissent atteindre de nouveaux marchés.
Évidemment, il faut définir ensemble à hauteur de quel pourcentage du capital de cette société l’investisseur pourra participer. Il faut également définir la répartition du droit de vote dans cette société. L’investisseur aura des exigences multiples concernant la gouvernance, la redistribution des droits audiovisuels et des recettes au niveau des clubs, ou l’amélioration du « produit football », afin de mieux le vendre, tant sur le marché français qu’à l’international.
Nous sommes favorables à la création de cette société, tout en préservant certains garde-fous. Lors de la discussion constructive que nous avons eue avec Mme la présidente de la commission, M. le rapporteur et les députés de la majorité, nous avons montré combien il est important que l’État et la fédération, cette dernière bénéficiant d’une délégation de service public (DSP), puissent avoir un droit de regard au moment de la création de cette société. Nous définirons ainsi, lors de cette discussion sur l’article 10 bis A, un certain nombre de garde-fous.
Je suis donc défavorable à cet amendement de suppression, car le monde du football a besoin de cette société commerciale pour se développer.
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.
M. Dany Wattebled. Nous parlons de grosses sommes, de beaucoup d’argent. Ce qui pose problème, ce n’est pas la part de la société ouverte aux capitaux privés, qui pourrait être de 10 %, de 20 % ou de 30 %, mais le fait que, quand cette société, valorisée à plusieurs milliards d’euros, sera créée, elle commercialisera et gérera les droits. Et l’investisseur y participera non pour rien, mais pour réaliser un bénéfice que la ligue n’a pas su obtenir.
Je suis très inquiet, non pas tant sur le pourcentage que sur la durée, point sur lequel il n’y a pas de garde-fous. Imaginez à quoi pourrait ressembler la situation dans quinze ans ou dans vingt ans. Nous savons ce que c’est qu’une DSP sur le long terme !
Je pense que nous nous privons d’un outil puissant. Les recettes de la LFP ont peut-être subi le covid et la défaillance de Mediapro, mais on est en train de donner un outil valorisé à 9 milliards d’euros à un investisseur privé, qui ne vient pas pour rien et qui se rémunérera à hauteur de 10 % grâce à un outil qui existe déjà.
Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est qu’il n’y ait pas de garde-fou. Je n’ai pas eu le temps de rédiger un amendement, mais j’aurais bien aimé proposer une durée maximale, pour que, dans cinq ans ou dans huit ans, nous évaluions la situation et puissions revenir en arrière.
Si on signe un chèque en blanc, on risque de se retrouver dépouillés et, peut-être, d’aboutir à des ligues fermées, comme aux États-Unis.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.
M. Didier Rambaud. Je m’oppose à la suppression de l’article 10 bis A et j’en profite pour interpeller de manière sportive et amicale notre collègue, M. Bacchi. Compte tenu de son origine géographique, j’ai la faiblesse de penser qu’il est un supporter de l’Olympique de Marseille. (Sourires.)
S’il veut que, demain, la Ligue des champions revienne au stade Vélodrome, il doit reconnaître que l’on a besoin de cette société commerciale pour attirer des investisseurs. Sinon, mon cher collègue, vous attendrez longtemps avant de revoir cette compétition !
Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour explication de vote.
M. Jérémy Bacchi. Ce n’est pas beau, monsieur Rambaud, de me prendre par les sentiments ! (Sourires.) Je vais tout de même répondre sur ce sujet.
Nous reconnaissons tous la faiblesse de la Ligue de football professionnel quant à la valorisation des droits d’exploitation du football professionnel.
Aussi, je regrette que la LFP n’ait pas réfléchi à un certain nombre d’artifices qui auraient permis de mieux valoriser ces droits, comme les horaires de diffusion. Il suffit de regarder ce qui se fait dans les autres pays européens. Les Anglais ont créé le Boxing Day et retenu des horaires attractifs, qui permettent de mieux valoriser le football. Les multiplex aussi observent une augmentation des taux de fréquentation et des audiences.
Concernant la société commerciale, observons l’exemple de l’Espagne, où une partie des droits a été vendue à une telle société. Sur la durée du contrat, le montant échappant aux clubs au profit de la société commerciale s’élève à 5 milliards d’euros !
Je comprends que l’on favorise des rentrées d’argent dans les caisses des clubs, car, en ce moment, ils en ont besoin. En revanche, sur la durée, au bout de cinq ans, de six ans, de huit ans ou de dix ans, ce seront des dizaines, voire des centaines de millions d’euros qui échapperont aux clubs de Ligue 1 ! Cela, c’est profondément dramatique.
En tant que supporter de l’Olympique de Marseille, pour répondre à mon collègue, je pense que les clubs doivent avoir des budgets inscrits dans la durée pour participer à la Ligue des champions. Je le regrette, mais il ne suffit pas d’augmenter ces budgets une seule fois, comme nous le prévoyons aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Savin, rapporteur. Je vais apporter quelques éléments de réponse à nos collègues.
Nous ne pouvons pas aujourd’hui définir des durées limitant cette société. Par ailleurs, l’article 10 bis A dispose que les statuts de la société commerciale seront votés par l’assemblée générale de la Fédération française de football (FFF), qui prendra ses responsabilités, et qu’ils soient ensuite validés par le ministre chargé des sports.
Il y a donc deux instances de contrôle : d’une part, la FFF, qui disposera de tous les éléments lui permettant d’analyser les statuts de cette société, qui seront discutés dans le cadre de sa création ; d’autre part, le ministre, qui devra valider ces statuts.
Concernant les arguments de M. Bacchi, celui-ci a raison, mais il y a urgence, car le football professionnel pâtit de la situation issue de l’épisode Mediapro. Les clubs professionnels, qui espéraient que ce nouveau contrat audiovisuel produise de grosses recettes, ont bâti leurs budgets sur cette base.
Nous savons tous ce qui s’est passé. Les clubs se retrouvent aujourd’hui très endettés : leur déficit annuel s’élève à 500 millions d’euros ou à 600 millions d’euros, voire à 800 millions d’euros. Il y a urgence, mais, dans le même temps, et vous avez tout à fait raison, il faut aussi travailler à moyen et à long terme.
Vous étiez nombreux à assister à l’audition du président de la LFP par la commission de la culture. Si ce dernier ne nous a pas donné toutes les réponses que nous espérions, il a annoncé certaines mesures dont je vous ai parlé tout à l’heure, comme la réduction du nombre de clubs, celle du nombre de contrats, ou encore un travail sur l’établissement d’un salary cap. Tout cela prendra du temps, mais il y a une volonté affichée de réguler le système financier du sport professionnel.
Il faut appeler un chat un chat : il y a urgence, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas faire attention et que l’on peut prendre le risque de signer un chèque en blanc. Pour cette raison, nous avons travaillé en lien avec le ministère, la LFP et la FFF pour sécuriser, le mieux possible – je ne dis pas que tout est parfait – la création de cette société commerciale.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Lorsque cet article a été porté à notre connaissance, nous avons eu les interrogations et les doutes que vous avez exprimés, mes chers collègues.
Ces doutes ne sont pas entièrement levés à ce jour, car, ce texte étant une proposition de loi, il n’a pas été accompagné par une étude d’impact. De plus, la LFP n’a pas non plus fourni d’étude économique.
Une seconde inconnue concerne l’offre : quelle est l’offre de l’entreprise prête à investir et quelles sont les conditions demandées pour parvenir à un équilibre financier ?
Devant ces interrogations légitimes, deux attitudes sont possibles. L’une, qui correspond à la position du groupe CRCE, consiste à refuser la création de cette société. L’autre, que nous préconisons et que le rapporteur a formalisée au travers de l’amendement n° 212 rectifié – nous l’étudierons dans quelques instants –, consiste à encadrer les choses et à élaborer des verrous, pour que cette société ne soit pas créée à travers un dialogue mené uniquement par la LFP.
Nous connaissons les difficultés financières de la ligue, mais il ne faudrait pas que celles-ci la conduisent à prendre des décisions immédiates ayant de lourdes répercussions à moyen terme. Il nous paraît donc important d’introduire des garde-fous, en impliquant tant le ministère que la FFF dans la création de cette société.
Nous verrons comment les choses évoluent, en particulier lorsque le ministère et la FFF connaîtront les offres et lorsqu’il conviendra de rédiger les statuts de cette société.
Il me semble que les verrous que le rapporteur vous proposera dans quelques instants sont de nature à répondre à vos interrogations et à tempérer vos craintes.
Aujourd’hui, nous avons des doutes, et nous ne pouvons pas répondre avec certitude. Mais peut-être ce schéma est-il le bon. On ne peut pas exclure que cette société commerciale soit une solution.
Au demeurant, l’amendement de M. le rapporteur visera à rendre possible la création de cette société, mais aussi à refuser cette dernière si le ministère ou la FFF considéraient que les propositions sont plus inquiétantes que rassurantes.