M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Madame la ministre, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière un renforcement des mesures de soutien aux entreprises de restauration, aux traiteurs et aux acteurs de l’événementiel, dont l’activité est affectée par les restrictions sanitaires. Ces mesures, utiles, laissent cependant sur le rebord de la route de nombreuses entreprises pénalisées à cause des effets de seuil ou des conditions d’éligibilité trop restrictives.
Chaque semaine, je suis interpellée sur le terrain par des chefs d’entreprise exaspérés par ce qu’ils considèrent comme une usine à gaz.
C’est le cas d’un restaurateur en grande difficulté financière, mais qui ne peut pas bénéficier du dispositif Coûts fixes, car se situant juste en dessous des 50 % de chiffre d’affaires perdus ; ou encore d’un traiteur, exclu lui aussi du dispositif, bien qu’ayant perdu deux tiers de son chiffre d’affaires, mais avec un excédent brut d’exploitation positif parce qu’il a été contraint de réduire ses achats et son personnel en décembre.
Vous comprendrez aisément l’exaspération et le sentiment d’injustice que peuvent ressentir ces professionnels. Ils ne s’expliquent pas pourquoi le « quoi qu’il en coûte » ne ruisselle pas jusqu’à eux. Quelles solutions concrètes pouvez-vous leur apporter alors qu’ils s’inquiètent un peu plus chaque jour pour leur avenir et leur survie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Gruny, tout d’abord, le « quoi qu’il en coûte » a sauvé non seulement des dizaines de milliers d’entreprises, mais également des centaines de milliers d’emplois, en particulier dans les secteurs que vous évoquez, c’est-à-dire l’hôtellerie, les cafés et la restauration.
Ayant personnellement accompagné la mise en place du fonds de solidarité, je puis témoigner d’une réalité très simple : l’argent de cette prétendue « usine à gaz » est arrivé en moins de deux semaines sur le compte en banque d’entreprises qui ne s’attendaient pas à une telle réactivité de l’État. Voyez les comparaisons internationales : la France est l’un des pays qui a agi le plus rapidement, et elle a été capable de faire ruisseler le « quoi qu’il en coûte » au plus près de nos compatriotes, en particulier des indépendants.
Je m’étonne que vous fassiez référence à l’effet de seuil pour un professionnel ayant perdu un peu moins de 50 % de son chiffre d’affaires. Le dispositif a été modifié et s’applique dès que la perte atteint 30 % ; la personne dont vous parlez y est donc éligible. (M. Alain Richard acquiesce.)
Votre témoignage peut laisser à penser que certains restaurateurs, cafetiers ou hôteliers ont besoin d’un accompagnement. Je les invite à prendre contact avec les services de l’État pour en bénéficier et savoir précisément ce à quoi ils ont droit.
Au-delà des mesures générales, applicables à tout le monde, nous pouvons accompagner individuellement chaque entreprise. D’ailleurs, c’est déjà ainsi que nous procédons pour traiter les entreprises en difficulté. Nous pouvons établir des plans de remboursement jusqu’à dix ans sous l’égide du tribunal de commerce, et même sans cela, comme l’a récemment annoncé Bruno Le Maire, avec la participation à la médiation du crédit.
Je le dis donc très clairement, il faut que les professionnels prennent l’attache des services de l’État. Certes, il n’est peut-être pas naturel de demander conseil ou appui aux services fiscaux. Mais nous sommes aujourd’hui dans une position d’accompagnement. Notre boussole, c’est de préserver l’emploi et l’outil de travail des indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – MM. Pierre Louault et Jean-Paul Prince applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, j’entends vos arguments. Mais il serait nettement préférable que tout passe par les chambres consulaires et les préfets. Aujourd’hui, il faut traiter les situations au cas par cas en faisant un travail de dentellière.
Vous évoquez le secteur de l’événementiel. Mais n’oublions pas que les PME de l’industrie aussi sont asphyxiées par les coûts de l’énergie et des matières premières. Il faut que vous soyez à leurs côtés.
Décentralisez et venez au plus près du terrain ! La réponse que vous venez de m’apporter est très parisienne ; sur le terrain, c’est beaucoup plus compliqué.
Vous avez pris une veste au mois de juin dernier ; nous espérons bien que vous en prendrez une nouvelle au mois d’avril prochain ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
difficultés de mise en œuvre du ségur de la santé
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)
M. Michel Canévet. Je souhaite interpeller le Gouvernement sur la mise en œuvre du Ségur de la santé.
De nombreux rassemblements ont eu lieu lundi devant les permanences des parlementaires finistériens, et le phénomène existe aussi partout ailleurs en France. Des usagers, des personnels et des responsables d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux viennent dénoncer les incohérences de la mise en œuvre du Ségur de la santé. Il est temps d’y remédier.
Je prendrai trois exemples.
D’abord, pourquoi avoir décidé d’augmenter la rémunération des personnels des services d’aide à domicile gérés par des associations à but non lucratif et pas celle des personnels des services gérés par les collectivités territoriales ou par les organismes privés lucratifs ?
Ensuite, les mesures financières décidées depuis le 1er octobre dernier en faveur des services de soins infirmiers à domicile ne peuvent pas être mises en œuvre faute de décrets d’application. Pourquoi ces décrets ne sont-ils toujours pas parus près de quatre mois après la décision ?
Enfin, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé le 8 novembre dernier qu’une conférence sur les métiers de l’accompagnement social et médico-social se tiendrait avant le 15 janvier. Nous sommes le 26 janvier, et il ne s’est rien passé. Qu’en est-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, votre question me permet de faire le point sur les actions menées depuis plusieurs mois par le Gouvernement pour soutenir les professionnels de santé et du soin dans le cadre du Ségur de la santé, après dix ans de sous-investissements.
Le Ségur est de loin le plus important plan de soutien à notre système jamais engagé par une majorité présidentielle. (Mme Sophie Primas le conteste.) C’est une réalité, madame la sénatrice.
Avec les accords du 13 juillet, nous avons abouti à une revalorisation immédiate de plus de 1,5 million de personnels de santé pour 8 milliards d’euros par an. Dès le mois de décembre 2020, les personnels non médicaux et les sages-femmes de la fonction publique ont eu une revalorisation socle de 183 euros mensuels au moins ; sans compter que nous avons également – vous le savez bien – revalorisé les grilles des personnels soignants, médico-techniques et de la rééducation depuis le mois d’octobre 2021.
Les personnels médicaux ne sont pas en reste. Nous avons fusionné les premiers échelons de rémunération et amélioré leur fin de carrière avec des nouveaux échelons. Nous avons mis en place des primes managériales et revalorisé l’indemnité d’engagement de service public exclusif.
Surtout, contrairement à l’idée selon laquelle il y aurait des « oubliés du Ségur » – c’est une expression que l’on entend souvent –, nous avons choisi en responsabilité, je le crois, de répondre aux problématiques spécifiques des professions concernées par une perte d’attractivité, chaque profession n’étant pas confrontée aux mêmes difficultés. C’est sur le fondement avéré de la perte d’attractivité des métiers que nous avons méthodiquement étendu les revalorisations à plusieurs reprises, au-delà de l’ambition initiale du Ségur.
Vous le savez, deux protocoles d’extension avec les organisations syndicales ont été signés à l’issue d’une mission que le Premier ministre avait confiée à Michel Laforcade à propos des structures sanitaires, médico-sociales financées par l’assurance maladie et des structures médico-sociales publiques et privées non lucratives.
La Conférence des métiers du social et du médico-social se tiendra le 18 février prochain, sous l’égide du Premier ministre.
Nous avons mis en place un comité de filière de la petite enfance. Il sera compétent pour traiter des rémunérations, de la formation, des carrières et des passerelles entre les différents métiers.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous couvrons bien l’ensemble des métiers concernés par le soin de nos compatriotes dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe Union Centriste ne conteste pas que le Ségur de la santé a permis des avancées. Mais il convient, me semble-t-il, d’entendre les aspirations de la population. Je regrette que vous n’ayez pas répondu à deux de mes trois questions.
Il est effectivement temps que la Conférence ait lieu, car les attentes sont fortes sur le terrain. Comme parlementaires, nous avons du mal à répondre à nos concitoyens quand ils nous interrogent sur les avancées qui ont été obtenues. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Chatillon applaudit également.)
situation dans les ehpad
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Ma question s’adressait à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Aujourd’hui sort l’ouvrage Les Fossoyeurs, dans lequel l’auteur, Victor Castanet, décrit, à la suite d’une enquête menée durant trois ans, la maltraitance organisée dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés lucratifs du groupe français Orpéa, leader mondial sur le marché.
Ce secteur est particulièrement marqué par des dérives lucratives : sous-effectif constant, dépenses réduites et, en conséquence, souffrance au travail du personnel soignant et accompagnant, qui se répercute sur les personnes âgées comme sur les familles.
Cette étude n’est pas la première à dénoncer la marchandisation de la fin de vie, et à quel prix ! Notre groupe pointe ce problème depuis longtemps.
Le Gouvernement compte-t-il assurer un véritable contrôle pour empêcher que de telles dérives ne se reproduisent, en particulier dans ces établissements privés lucratifs ? Et dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, qui aurait également pu vous répondre. Comme vous le savez, elle a contracté le covid et ne peut donc être présente.
Je tiens à vous faire part de mon émotion – je pense que vous la partagez – et à avoir une pensée pour les résidents et les familles de résidents ayant pu subir les violences décrites dans l’ouvrage que vous avez mentionné. Rien ne peut justifier de tels faits s’ils sont avérés ! Ils sont extrêmement graves, et l’ensemble du Gouvernement, à l’instar, je le crois, des parlementaires, les condamne fermement.
Un établissement en particulier est évoqué dans le livre. Vous le savez probablement, l’agence régionale de santé avait diligenté une inspection inopinée en 2018 à la suite de réclamations et de signalements qui avaient déjà été adressés à l’époque. Les révélations récentes laissent cependant penser que la situation était bien pire que ce dont nous avions alors connaissance.
Toute la lumière doit être faite sur les pratiques de cet Ehpad. La ministre Brigitte Bourguignon a demandé aux services de l’État de mener une enquête flash dans les meilleurs délais.
Mais les faits rapportés soulèvent d’autres questions, sur lesquelles nous demandons au groupe Orpéa, dont le directeur général a été convoqué par Brigitte Bourguignon, de s’expliquer, là aussi, dans les plus brefs délais.
Au-delà de cette situation particulière, je rappelle que le Gouvernement avait agi dès le début du quinquennat pour soutenir l’ensemble des soignants et des professionnels des établissements accueillant des personnes âgées. Dès 2018, nous avons installé une commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, qui rassemblait de nombreux experts. Elle a remis ses travaux au Gouvernement l’année dernière, permettant d’aboutir à une définition de la maltraitance plus précise et transversale aux âges, à l’autonomie et au handicap.
Mme Laurence Rossignol. Elle existait déjà !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Peut-être, madame la sénatrice, mais toujours est-il que cette définition de la maltraitance est désormais inscrite dans la loi, le texte relatif à la protection des enfants ayant été adopté définitivement hier.
Par ailleurs, l’État s’est fortement engagé pour moderniser un certain nombre d’Ehpad, avec un investissement de plus de 2 milliards d’euros, et, surtout, pour renforcer la présence de soignants dans les établissements. Ainsi, 10 000 soignants supplémentaires viendront s’ajouter dans les cinq années à venir aux 10 000 qui avaient déjà été recrutés en 2017. En outre, vous le savez, il y a eu en urgence un plan de recrutement de 40 000 personnels de soins dans ces établissements pour prendre soin de nos aînés. (Mme Nadège Havet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, vous dites que « rien ne peut justifier » de tels actes. Mais, concrètement, vous faites quoi ?
Nous vous parlons d’un problème systémique, qui révèle une crise du libéralisme, et vous nous apportez des réponses ponctuelles. Il aura fallu une crise d’une telle ampleur pour que l’on redonne quelques moyens aux Ehpad. De même, c’est seulement en fonction de l’actualité, la parution d’une enquête, que vous réagissez aujourd’hui.
Nous connaissons la détresse des personnels, confrontés à des dilemmes éthiques inhumains : rester dans un secteur en manque de moyens constants pour prodiguer des soins décents ; ou bien le quitter alors même qu’il y a un manque de professionnels dans ces métiers.
C’est le business : tout est rationalisé, jusqu’au rationnement des couches et des biscottes ! Des maisons de retraite sont rachetées par des multinationales et des fonds d’investissement, le tout avec de l’argent public ! Vous n’en avez pas dit un seul mot.
L’une des grandes promesses d’Emmanuel Macron était de faire une loi structurante sur le grand âge ; celle-ci n’a jamais vu le jour.
Il nous faut un véritable service public du grand âge. Les Ehpad dépendant des groupes privés qui se sont rués vers l’or gris aux dépens de la qualité de vie de leurs patients doivent être mis sous tutelle.
L’État ne doit plus laisser faire, car les personnes âgées ne sont pas des marchandises. Le grand âge doit sortir du marché ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Mmes Évelyne Perrot et Vivette Lopez applaudissent également.)
dissolution du groupe d’extrême gauche « nantes révoltée »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, Nantes a connu le week-end dernier un nouveau déferlement de violence urbaine. Vous avez annoncé hier l’engagement d’une procédure de dissolution du groupuscule d’ultragauche « Nantes révoltée » ; nous vous l’avions demandé avec la présidente de région et la députée de Nantes. C’est une bonne nouvelle. Je vous en remercie.
Je vous ai écouté attentivement hier à l’Assemblée nationale. Permettez-moi de vous corriger. Vous faites débuter ces violences à la loi Travail. À tort ! Les violences ont commencé avec le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. (Mme Valérie Boyer applaudit.) Depuis, Nantes est devenue la capitale des manifestations ultraviolentes. Vous avez cédé aux zadistes en renonçant à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, donnant raison aux ultraviolents et envoyant le message politique irresponsable que la violence paye dans notre pays ! (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle également que 95 % des manifestations à Nantes ne sont pas déclarées. Cela aussi, nous le dénonçons depuis des années. Ajoutez à cela la complaisance d’élus locaux encourageant l’ultragauche, qui défile aux cris de « Mort aux flics », et vous avez à Nantes le résultat que chacun connaît.
Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous attendu d’être à deux mois de l’élection présidentielle pour dissoudre un groupuscule qui détruit Nantes depuis des années ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté, MM. François Bonneau, Alain Cazabonne et Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, je vous remercie de m’avoir remercié d’engager une procédure de dissolution à l’égard du groupe concerné.
M. François Bonhomme. Mieux vaut tard que jamais…
M. Gérald Darmanin, ministre. D’ailleurs, la première à m’avoir félicité est votre présidente de région, qui a salué le courage du Gouvernement ; comme vous l’avez citée, j’imagine que votre démarche est concertée.
Je le rappelle, si nous n’avons pas pris une telle décision plus tôt, c’est parce qu’il a fallu attendre l’adoption de la loi Séparatisme (loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République), qu’une grande partie de votre groupe n’a pas votée, pour disposer des moyens juridiques permettant de le faire. (MM. Martin Lévrier, Joël Guerriau et André Guiol applaudissent.)
Madame la sénatrice, depuis que nous sommes en responsabilité, quinze groupes d’ultragauche, d’ultradroite ou islamistes – en majorité, ce sont des groupes islamistes – ont été dissous. Depuis que je suis ministre de l’intérieur, sous l’autorité du Premier ministre, je formule une proposition de dissolution quasiment tous les quinze jours. Les groupes en question ne sont pas apparus avec la loi El Khomri. Ils existent, selon les cas, depuis 2002, 2004, 2016, voire depuis 1995.
Nous avons agi en respectant le droit, sur la base d’une loi votée après une discussion sur la liberté d’association, qui a été difficile, y compris avec votre groupe, madame la sénatrice. Je ne vous reprocherai pas tous les termes que j’ai entendus ici…
Mais je me réjouis de disposer aujourd’hui des armes qui me permettent, en tant que ministre de l’intérieur, de proposer des dissolutions. Celles-ci ont systématiquement été validées par le Conseil d’État.
Selon vous, nous aurions cédé à Notre-Dame-des-Landes et ce serait la cause des difficultés que nous connaissons aujourd’hui. Dans ce cas, je me demande bien pourquoi nous avons hérité de ce dossier, qui n’avait jamais été réglé en trente ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Alain Cazabonne, André Guiol et Jean-Paul Prince applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Monsieur le ministre, la réalité, vous la connaissez. Vous avez laissé Nantes s’enfoncer dans la violence. (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) Les Nantais ne sont pas dupes de telles manœuvres. Ils savent pertinemment que vous ne rattraperez pas en deux mois ce que vous n’avez pas fait pendant cinq ans. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation de l’université
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, le constat est amer : jamais les tensions entre la communauté enseignante et leur ministre n’ont été aussi fortes. Cette défiance est la pire ennemie de l’efficacité des politiques publiques.
On vous a entendue sur la prétendue « dérive islamo-gauchiste » des universités. Mais, bizarrement, on ne vous a pas entendue sur le manque de moyens de ces dernières.
Le Président de la République, lui, aurait trouvé une solution merveilleuse : faire payer les étudiants. Il me paraît insensé de penser que l’on va augmenter les moyens et le niveau des universités en faisant payer les étudiants !
Outre les moyens, le problème est en réalité celui de l’orientation : l’inégalité d’accès à l’information sur les filières conduit à des taux d’échec record, notamment lors de la première année de licence.
Comment est-il possible de faire peser la réussite des élèves uniquement sur le financement de l’université sans rompre le principe d’égalité ?
C’est une erreur de penser que la gratuité est le problème. Le principal problème, c’est l’orientation, un problème intimement lié au manque d’information ; votre plateforme Parcoursup en est la preuve. C’est aussi pour cela que l’on retrouve toujours plus d’étudiants en première année de licence.
Madame la ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire pour l’orientation, afin que l’université soit un vrai choix de carrière adapté aux envies et compétences de chacun ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Rémi Cardon, vous parlez d’un « échec record » à propos du taux de passage de la première à la deuxième année de licence. Je vous le confirme, en 2017, nous avions atteint le record d’échecs. Mais j’ai le plaisir de vous annoncer – je suis sûre que vous l’aviez remarqué – que nous avons augmenté de dix points le taux de passage entre la première et la deuxième année de licence.
Vous indiquez que l’important est de pouvoir mieux financer l’université. La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants – je crois qu’elle n’a pas été votée de ce côté-ci de l’hémicycle –, c’est un milliard d’euros de plus pour le premier cycle ; la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, c’est 25 milliards d’euros supplémentaires !
M. Laurent Burgoa. Toujours des milliards !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Selon vous, ce serait trop peu. Pour ma part, je pense que ce n’est déjà pas mal. Je puis vous l’assurer, sur le terrain, les gens commencent à voir la différence.
Vous continuez à prétendre, alors que j’y ai déjà répondu et que le Président de la République s’est de nouveau exprimé sur le sujet, que notre solution serait d’augmenter les droits d’inscription. Je vous rappelle que, depuis trois ans, nous les avons gelés ; cela n’avait jamais été fait sous les gouvernements précédents. (Exclamations sur les travées du groupe SER.) Nous avons aussi gelé les loyers des Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires), ainsi que les tickets des restaurants universitaires.
Monsieur le sénateur, je crois que, là encore, vous essayez d’alimenter des fantasmes. (Protestations à gauche comme à droite.) Croyez-moi, notre jeunesse a juste besoin de sentir que nous sommes tous à ses côtés pour l’aider à réussir, à acquérir des compétences et, in fine, à avoir un métier. Nous devons tous lui dire, me semble-t-il, que nous avons confiance en elle pour préparer l’avenir. C’est ce que ce gouvernement a fait, en mobilisant depuis cinq ans des moyens financiers comme jamais auparavant. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Janssens applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, moi aussi, je vais vous donner un chiffre : un jeune sur six a arrêté ses études. Voilà le bilan de votre quinquennat et de votre mandature !
La semaine dernière, vous avez menti devant les députés – je vous renvoie à la lecture d’un article de Mediapart daté d’hier –, à moins qu’il ne s’agisse de méconnaissance de vos dossiers ou d’incompétence. Vous avez déclaré que 100 % des logements du Crous avaient été rénovés. Or le Crous dit lui-même que des logements sont encore en cours de rénovation. Vous aviez fixé l’objectif de 100 % de rénovation au cours du quinquennat ; vous êtes une nouvelle fois à côté de la plaque. Si même le Crous vous contredit, c’est pour le moins ennuyeux ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
conséquences de la hausse des prix du gaz sur les bailleurs sociaux
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« L’enfer est pavé de bonnes intentions », écrivait Bernard de Clairvaux.
Le bouclier tarifaire appliqué pour contenir la hausse des prix du gaz est, quant à lui, une véritable bombe à retardement pour nos concitoyens les plus démunis.
Mis en place en loi de finances pour 2022 afin de geler l’augmentation des tarifs gaziers jusqu’au 1er juillet, ce dispositif offre une couverture louable face à l’augmentation de la demande mondiale et la restriction de l’offre. Il ne s’applique toutefois qu’aux habitations individuelles ou collectives justifiant d’une consommation inférieure à 150 mégawattheures et dotées d’un contrat réglementé gaz B1. Or ce sont des critères auxquels ne répondent malheureusement pas les bailleurs sociaux, chargés d’acheter le gaz en amont avant de le redistribuer à leurs locataires.
Les organismes HLM vont ainsi subir de plein fouet la hausse des tarifs et n’auront d’autre choix que de répercuter celle-ci sur les factures de leurs locataires.
Je parle ici non pas d’augmentations de quelques euros à la marge, mais bel et bien de hausses pouvant s’échelonner de 40 euros à 250 euros de provisions de charges supplémentaires par mois, et ce jusqu’à la fin de la saison de chauffe.
C’est une ironie des plus mordantes lorsque l’on fait état des engagements pris par votre gouvernement pour protéger le pouvoir d’achat des Français !
Monsieur le Premier ministre, dans quels délais comptez-vous revenir sur ce dispositif, qui, s’il n’est pas rectifié de façon rétroactive, risque de mettre une fois de plus à l’amende nos concitoyens les plus fragiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)