Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
MM. Daniel Gremillet, Loïc Hervé.
2. Hommage au brigadier Alexandre Martin
3. Questions d’actualité au Gouvernement
tensions à la frontière ukrainienne
M. Michel Dagbert ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
politique du gouvernement en matière éducative
M. Jacques-Bernard Magner ; Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire ; M. Jacques-Bernard Magner.
accès au service public de la santé
M. Jean-Claude Requier ; M. Jean Castex, Premier ministre.
situation et moyens de l’hôpital public
Mme Raymonde Poncet Monge ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Raymonde Poncet Monge.
M. Emmanuel Capus ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.
mesures d’accompagnement des entreprises affectées par la crise sanitaire
Mme Pascale Gruny ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie ; Mme Pascale Gruny.
difficultés de mise en œuvre du ségur de la santé
M. Michel Canévet ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Michel Canévet.
M. Pascal Savoldelli ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Pascal Savoldelli.
dissolution du groupe d’extrême gauche « nantes révoltée »
Mme Laurence Garnier ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur ; Mme Laurence Garnier.
M. Rémi Cardon ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; M. Rémi Cardon.
conséquences de la hausse des prix du gaz sur les bailleurs sociaux
M. Antoine Lefèvre ; Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; M. Antoine Lefèvre.
suicides et malaises dans la police
M. Pierre-Antoine Levi ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur ; M. Pierre-Antoine Levi.
réforme du mode d’affectation en seconde dans l’académie de paris
M. Stéphane Piednoir ; Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire ; M. Stéphane Piednoir.
Mme Corinne Féret ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie ; Mme Corinne Féret.
amendes administratives relatives au télétravail
Mme Frédérique Puissat ; M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail ; Mme Frédérique Puissat.
mise en œuvre de la loi dite « matras » visant à consolider notre modèle de sécurité civile
Mme Françoise Dumont ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Françoise Dumont.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
4. Modifications de l’ordre du jour
5. Candidatures à des commissions mixtes paritaires
6. Siège de l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer. – Adoption définitive en procédure d’examen simplifié d’un projet de loi dans le texte de la commission
7. Dialogue social avec les plateformes. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État
Adoption, par scrutin public n° 91, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
Suspension et reprise de la séance
8. Marché de l’assurance emprunteur. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour avis de la commission des finances
Demande de réserve après l’article 6 des amendements nos 14, 25 et 32. – Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. – La réserve est ordonnée.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
Discussion générale (suite) :
Clôture de la discussion générale.
Amendements identiques nos 12 de M. Daniel Salmon et 20 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 21 de M. Fabien Gay. – Retrait.
Amendement n° 13 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 33 de Mme Marie Evrard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 40 de Mme Florence Blatrix Contat. – Rejet.
Amendement n° 3 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 11 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 34 de Mme Marie Evrard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 35 de Mme Marie Evrard. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article 4 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 16 de M. Daniel Salmon. – Retrait.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
Amendement n° 30 rectifié de Mme Guylène Pantel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 10 de M. Michel Canévet. – Devenu sans objet.
Amendement n° 23 de M. Fabien Gay. – Retrait.
Amendement n° 6 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 50 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 41 de Mme Florence Blatrix Contat. – Devenu sans objet.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Laure Darcos. – Devenu sans objet.
Amendement n° 48 rectifié de Mme Florence Blatrix Contat. – Devenu sans objet.
Amendement n° 42 de Mme Florence Blatrix Contat. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 43 de Mme Florence Blatrix Contat. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
Adoption, par scrutin public n° 93, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
9. Réforme de l’adoption. – Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 3 (suppression maintenue)
Amendement n° 9 de Mme Catherine Di Folco. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 10 de Mme Catherine Di Folco. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 2 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles 10, 10 bis, 10 ter et 11 – Adoption.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 11 de Mme Laurence Harribey. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 13 de Mme Élisabeth Doineau. – Devenu sans objet.
Article 11 quinquies – Adoption.
Amendement n° 6 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 14 de Mme Élisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 7 de Mme Laurence Harribey. – Adoption.
Amendement n° 12 rectifié bis de Mme Élisabeth Doineau. – Adoption.
Amendement n° 8 de Mme Laurence Harribey. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles 15, 17 et 19 – Adoption.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
10. Ordre du jour
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Daniel Gremillet,
M. Loïc Hervé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage au brigadier Alexandre Martin
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris la mort, samedi dernier, du brigadier Alexandre Martin, membre du 54e régiment d’artillerie d’Hyères. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)
Alexandre Martin a succombé à ses blessures à la suite de l’attaque du camp français de Gao, au cours de laquelle plusieurs autres de ses frères d’armes, nos soldats, ont également été touchés.
Au nom du Sénat tout entier, je veux saluer le courage de ce soldat, mort pour la France en luttant contre le terrorisme djihadiste au Sahel, et exprimer notre solidarité envers les blessés.
En notre nom à tous, je veux assurer sa famille et ses frères d’armes de notre profonde compassion et leur présenter nos pensées et nos condoléances attristées.
Je vous demande d’observer un court moment de recueillement en hommage à Alexandre Martin, qui a servi la France avec honneur et dévouement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent une minute de silence.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
tensions à la frontière ukrainienne
M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Michel Dagbert. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et porte sur la situation aux frontières entre la Russie et l’Ukraine.
Monsieur le ministre, le conflit russo-ukrainien semble s’aggraver de jour en jour et les tensions qu’il provoque entre les Russes et les Occidentaux deviennent de plus en plus préoccupantes.
Hier encore, la Russie a effectué une série de manœuvres militaires, impliquant 6 000 hommes, des avions de chasse et des bombardiers, le long de sa frontière sud avec l’Ukraine et en Crimée, territoire annexé.
Ces opérations interviennent après le déploiement de chars et de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne, faisant craindre une possible invasion. Dans le même temps, l’Ukraine est également touchée par des cyberattaques ciblant notamment plusieurs sites gouvernementaux.
Les pays de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) ont, pour leur part, placé des forces en alerte et envoyé des navires et des avions de combat pour renforcer la défense en Europe de l’Est.
Réunis en visioconférence ce lundi, les dirigeants des États-Unis, des instances européennes, de l’OTAN et de plusieurs pays européens, dont la France et l’Allemagne, ont réaffirmé leur soutien sans réserve à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ils ont évoqué des sanctions très lourdes à l’encontre de la Russie en cas d’agression contre ce pays.
Parallèlement, des efforts diplomatiques, auxquels la France prend toute sa part, se poursuivent. Les dirigeants occidentaux ont exprimé leur désir commun d’une solution diplomatique et leur souhait de trouver une voie de désescalade. La France a, quant à elle, pris l’initiative de relancer les rencontres et les discussions dans le format Normandie.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, comment la France compte-t-elle agir pour élaborer une position unique et forte de l’Union européenne, susceptible de favoriser une résolution politique de cette crise ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Dagbert, je ne vous cacherai pas que la situation est sous très grave tension. Comme l’a dit le Président de la République hier aux côtés du Chancelier allemand, la Russie se comporte comme une puissance de déséquilibre et il ne tient qu’à elle de devenir un acteur de désescalade. Nous sommes totalement mobilisés, avec nos partenaires européens, avec nos partenaires américains, pour enrayer la dynamique de l’escalade – il faut appeler les choses par leur nom.
Je voudrais souligner la grande unité qui existe aujourd’hui entre les Vingt-Sept, réunis à Bruxelles toute la journée de lundi sous présidence française.
La même unité s’observe à l’OTAN. Les entretiens que j’ai eus, avec le secrétaire d’État Blinken avant-hier, avec le secrétaire général de l’OTAN hier, montrent la force de cette unité autour de trois priorités.
D’abord, des sanctions massives seront imposées à la Russie si elle porte une nouvelle atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous y travaillons.
Ensuite, il faut tout faire pour que le dialogue avec la Russie se poursuive, afin de contribuer à la désescalade. Des discussions dans le format Normandie ont lieu aujourd’hui même à Paris. J’espère que d’autres propositions seront faites à la Russie, sur notre initiative, dans les différents cadres où se déroulent en ce moment les discussions, à l’OTAN ou à l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).
Enfin, nous sommes solidaires des pays de l’OTAN ou de l’Union européenne qui peuvent être affectés par cette crise. Il s’agit là de ce qu’on appelle les mesures de réassurance, que nous prenons à l’égard des pays baltes, et que nous prendrons, dans les jours qui viennent, à l’égard de la Roumanie.
Nous sommes donc dans une posture de défense collective, de dissuasion, de résilience européenne, mais aussi de contribution au dialogue. La présidence française est totalement mobilisée pour ces initiatives.
Je me rendrai moi-même à Kiev dans quelques jours avec mon homologue allemande. Puis, j’irai de nouveau en Roumanie pour assurer nos partenaires roumains de notre solidarité – Mme la ministre des armées se trouve d’ailleurs à Bucarest en ce moment.
Bref, monsieur le sénateur, la situation est très tendue, mais nous prenons toutes les initiatives nécessaires pour la faire embrayer sur un processus de désescalade. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel ainsi que MM. Alain Cazabonne et Pierre Louault applaudissent également.)
politique du gouvernement en matière éducative
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jacques-Bernard Magner. Ma question s’adressait au ministre de l’éducation nationale, mais j’ai bien noté qu’il n’était pas parmi nous cet après-midi !
Madame la secrétaire d’État, je m’interroge sur votre perception de l’état de l’école, alors que le contexte de crise sanitaire affecte considérablement son fonctionnement depuis deux ans. Même si le ministre de l’éducation nationale défend ardemment ses réformes, son échec à la tête du ministère est patent.
La réforme du lycée est ratée. Alors que son objectif était de casser l’effet filière, elle a accru les inégalités sociales et territoriales.
Au collège, la diminution constante du nombre de postes pour privilégier les heures supplémentaires a abouti à un manque considérable d’effectifs, avec des remplacements non assurés, en particulier dans la période de crise sanitaire que nous vivons depuis deux ans.
À l’école élémentaire, la grande réforme du quinquennat, le dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone prioritaire, produit des résultats classés par les chercheurs dans le bas de la fourchette.
Cette réforme étant très consommatrice de postes, vous avez ponctionné des moyens sur un dispositif, appelé « Plus de maîtres que de classes », qui donnait pourtant entière satisfaction aux enseignants.
Bien que les textes prévoient toujours une semaine scolaire de neuf demi-journées, la quasi-totalité des écoles de ce pays fonctionne par dérogation sur quatre journées, un rythme dont on connaît la nocivité pour les enfants, mais qui satisfait nombre de lobbies périphériques à l’école.
Enfin, rien n’a été fait pour revaloriser sérieusement les carrières et les formations des enseignants. Le métier n’est plus attractif et nous courons à la catastrophe pour les recrutements.
Par ailleurs, la gestion de la crise sanitaire depuis deux ans est jugée erratique, irréaliste et inopérante par les enseignants, qui vous crient tous les jours leur souffrance.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il agir pour rétablir la confiance dans et autour de l’institution scolaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le sénateur Magner, vous m’interrogez sur ma perception de la situation, mais je voudrais vous retourner la question, car je pense qu’elle est biaisée. (Protestations à gauche.)
L’éducation nationale est le premier budget de l’État. Le Président de la République a créé un secrétariat d’État spécifique pour l’éducation prioritaire. Oui, dans le premier degré, la priorité est donnée aux savoirs fondamentaux.
Je suis étonnée de vous entendre dire que nos élèves n’auraient pas progressé grâce au dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone d’éducation prioritaire. Nous sommes d’ailleurs en train de dédoubler également les classes de grande section. Les résultats des premières cohortes, aujourd’hui en classe de CM1 et CM2, sont plutôt encourageants. (Marques de contestation à gauche.)
Vous pouvez contester le bien-fondé de la réforme de la voie professionnelle et du baccalauréat, monsieur le sénateur. Moi, j’écoute les lycéens…
Mme Laurence Rossignol. Et les lycéennes ?
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Les lycéens se sont emparés de ces réformes et ils la saluent ! (Protestations à gauche et sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Rossignol. Et que dites-vous du fait que les lycéennes disparaissent des filières mathématiques ?
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Vous m’avez interrogée, monsieur le sénateur, sur l’attrait du métier et sur sa revalorisation. Nous avons fait, je le rappelle, un Grenelle de l’éducation, à l’occasion duquel nous avons revalorisé toutes les rémunérations, celles des professeurs comme les autres.
Je voudrais, enfin, vous parler de l’école inclusive, puisque nous avons accueilli plus de 400 000 élèves dans nos écoles, comme Sophie Cluzel le sait bien. Nous avons doté les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) d’un statut et avons revalorisé leur rémunération – pendant le dernier quinquennat, ils étaient recrutés sous contrat aidé… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour la réplique.
M. Jacques-Bernard Magner. Puisque nous sommes encore en période de vœux et d’engagements électoraux, je souhaite, pour le prochain quinquennat, des moyens pour l’école et une revalorisation de la rémunération des enseignants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
accès au service public de la santé
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido applaudissent également.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, parmi les préoccupations majeures de nos concitoyens figure l’égal accès à des soins abordables et de qualité, dans tous les territoires, quelle que soit la situation matérielle d’un malade. Il n’est pas acceptable que nos concitoyens les plus précaires soient contraints de renoncer à des soins, surtout dans la situation sanitaire actuelle.
Or la mise en place depuis le 1er janvier d’un forfait patient urgences de 19,61 euros risque d’éloigner davantage des personnes déjà fragiles de l’accès aux soins, car elles ne pourront pas avancer les frais. Selon la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), près de 3 millions de personnes sont dépourvues de complémentaire santé et sont susceptibles de reporter des soins, ou d’y renoncer.
Le recours aux urgences est aujourd’hui le seul moyen d’accéder à une prise en charge rapide dans les zones sous-dotées en médecins généralistes, en milieu rural comme urbain.
Plus largement, c’est encore une fois la question du maillage du service public de la santé qui nous préoccupe. Le Président de la République l’a souligné hier dans la Creuse : le manque de médecins disponibles engendre une situation très critique, voire profondément inquiétante dans de nombreux territoires ruraux. Entre 6 et 8 millions de personnes vivent aujourd’hui dans un désert médical, où ni la médecine de ville ni des établissements de santé ne sont facilement accessibles. Il y aurait pourtant beaucoup à faire pour mieux articuler l’hôpital avec la médecine de ville.
Monsieur le Premier ministre, il est temps, vous le savez bien, de casser le cercle vicieux pour ces territoires. Démographie en baisse, recul des services publics, perte d’attractivité économique : tous ces facteurs s’entre-alimentent constamment, créant une spirale négative qui paraît ne pas avoir de fin.
Tous, nous sommes attachés au principe de l’égal accès au service public de la santé. Comment comptez-vous renforcer les politiques publiques concourant à ce principe fondamental de notre République ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP. – Mme Nadia Sollogoub et M. Michel Canévet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Requier, vous me posez beaucoup de questions en même temps !
Je vais commencer par répondre à la première, qui concerne le forfait patient urgences. Merci de me donner l’occasion de rectifier un certain nombre de contre-vérités. Ce forfait a été instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, avec entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Il a été voté par le Sénat : c’est dire si c’est une mesure responsable ! (Sourires approbateurs. – M. Jean-François Husson s’en félicite.)
De quoi s’agit-il ? C’est une excellente mesure, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous avez bien fait de la voter. (Marques de contestation sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Laurence Rossignol. Nous, nous ne l’avons pas votée !
Mme Laurence Rossignol. Nous n’avons pas de regrets !
M. Jean Castex, Premier ministre. Ce forfait concerne les usagers qui se rendent dans les services d’urgence sans que leur entrée à l’hôpital soit suivie d’une hospitalisation. Cela représente déjà beaucoup de monde !
Depuis très longtemps, ces situations donnaient lieu à un maquis de participations, dénoncé par des rapports parlementaires, y compris sénatoriaux. Personne n’y comprenait plus rien, et certains forfaits étaient considérables : vous avez mentionné la somme de 19,61 euros, mais certains allaient jusqu’à 1 000 euros. Ces forfaits étaient pris en charge par les complémentaires. Vous dites que certains n’en ont pas : c’était déjà le cas auparavant. D’ailleurs, les hôpitaux se heurtaient à des difficultés de recouvrement, dont ils n’ont aucun besoin…
En fait, s’agissant de la participation financière préalablement exigée, cette mesure de simplification aura pour conséquence que, tous usagers confondus, on demandera moins qu’auparavant aux patients. Le nouveau système est plus simple, plus lisible, et il est meilleur pour les établissements de santé, lesquels assureront le plus souvent – j’y insiste – le recouvrement direct auprès des complémentaires santé.
Cette mesure a été débattue ici. Les associations d’usagers, qui sont particulièrement sourcilleuses sur ces sujets – et elles ont raison –, avaient donné un avis favorable. Loin de gêner l’accès aux soins, cette mesure apporte clarté et justice, et facilite la vie de nos concitoyens et des établissements de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
situation et moyens de l’hôpital public
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. D’après la Cour des comptes, la France n’était pas préparée à faire face à la covid en ce siècle pourtant annoncé comme celui des pandémies.
Pendant la crise, votre gouvernement, comme tous ceux qui l’ont précédé, a poursuivi les restructurations et les fermetures de centres hospitaliers. Selon la Drees, 25 établissements ont fermé en 2020. Les fermetures définitives de lits se multiplient, ainsi que les fermetures provisoires, par manque de personnel.
Plus les mois passent et plus la situation devient critique. Selon le syndicat des infirmiers, 7 500 postes d’infirmiers étaient vacants en juin 2020 ; 34 000 l’étaient en septembre, et on parle désormais de 60 000. Au-delà des chiffres, la tendance est là, grave, alimentée par un fort mouvement de démissions.
Dans une enquête menée auprès de 300 hôpitaux, la FHF (Fédération hospitalière de France) montre que la plupart ne parviennent plus à recruter. Plus de 1 300 élèves infirmiers ont abandonné leurs études depuis 2018. Même mouvement chez les sages-femmes.
La situation est si critique que l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France propose désormais de recruter des infirmiers en contrats à durée déterminée (CDD) de six mois, à un salaire de 3 000 euros mensuels auquel s’ajoute une prime de 4 000 euros. C’est une initiative irrespectueuse envers les fonctionnaires hospitaliers en place, qui luttent depuis deux ans et qui voient cette pratique s’ajouter à l’intérim mercenaire.
Quelle fuite en avant ! Force est de constater que, faute d’un changement radical du système de santé, le choc d’attractivité n’a pas eu lieu après le Ségur. Cette semaine, une nouvelle mobilisation des professionnels est prévue. Que compte faire le Gouvernement pour prendre enfin la mesure de la situation et stopper l’hémorragie de personnel ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa et M. Gilbert-Luc Devinaz applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice Poncet Monge, les tensions à l’hôpital sont bien réelles, et elles ne sont pas nouvelles. Il est vrai qu’elles ont été amplifiées par la cinquième vague épidémique, avec le double impact des variants delta et omicron, sans parler des virus hivernaux.
Pour faire toute la lumière sur ces tensions, dont vous avez décrit certains contours, le ministre Olivier Véran avait demandé une enquête. Celle-ci a porté sur plus de 1 100 établissements. Elle a montré que la baisse globale de capacités était relativement légère. En matière de ressources humaines, elle révèle un absentéisme, en octobre et novembre, très légèrement supérieur à ce qui avait été constaté en 2019. Elle souligne enfin la diminution des effectifs réels, liée à des départs de soignants, reflétant des réalités différentes d’une profession à l’autre. Ces tensions ont bien sûr des impacts sur les services d’urgence.
Pour faire face à cette situation, des mesures structurelles sont nécessaires. Mais nous devons aussi apporter des réponses immédiates.
Le ministre a donc annoncé la prolongation jusqu’à la fin février du doublement de la majoration de rémunération des heures supplémentaires. C’est une juste reconnaissance de la mobilisation de nos professionnels de santé au cours des derniers mois.
Nous devons également veiller à ce que la mobilisation soit collective. Établissements de santé publics, privés, secteur ambulatoire : tous doivent prendre leur part dans cette période compliquée. Nous sommes particulièrement attentifs aux tensions sur les services d’urgence, de pédiatrie et de maternité. Vous avez évoqué les sages-femmes : les agences régionales de santé sont mobilisées et prêtes à mettre en place les mécanismes de solidarité territoriale nécessaires – mécanismes que vous avez votés dans le cadre de Ma santé 2022.
Vous avez parlé d’investissement. Il faut en effet des actions structurelles. Je rappelle à cet égard l’effort sans précédent qu’a représenté le Ségur de la santé : 30 milliards d’euros pour revaloriser les rémunérations de ceux qui soignent et réinvestir dans le système de santé, avec notamment 19 milliards d’euros pour l’investissement courant. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse montre que, décidément, vous ne pouvez pas porter une nouvelle politique de santé.
À Beaujon et Bichat comme dans le groupe hospitalier Nord Essonne, vous poursuivez les restructurations et les suppressions de postes. Une réforme radicale du système de santé est nécessaire, et les soignants y invitaient dès 2018. Vous ne l’avez pas entreprise.
Nous devons donner des perspectives nouvelles à un personnel qui nous rappelle sans cesse que le soin ne sera jamais une marchandise. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Esther Benbassa et Émilienne Poumirol ainsi que M. Patrice Joly applaudissent également.)
situation économique
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Emmanuel Capus. C’est désormais une certitude : l’inflation fait de nouveau partie du paysage économique. Elle s’établit à 5 % dans la zone euro, bien au-delà des prévisions des économistes.
Heureusement, le choc est plus modéré en France. La question ne porte pas sur les causes de cette inflation. Personne ne remet en cause le « quoi qu’il en coûte ».
M. Jérôme Bascher. Nos impôts !
M. Emmanuel Capus. Du moins, personne ne l’a contesté au plus fort de la crise, quand notre pays mobilisait ses forces pour lutter contre le virus.
La question porte sur les conséquences, à court terme comme à long terme, de cette inflation. À court terme, le Gouvernement a mis en place des dispositifs d’urgence, qui ont largement atténué ses effets. Je ne veux pas relancer ces débats, que nous avons déjà eus ici.
Ma question porte sur les conséquences à long terme de l’inflation.
Parmi les scénarii possibles, celui d’un relèvement des taux d’intérêt inquiète. Ce risque n’a jamais paru aussi élevé. Aux États-Unis, le patron de la Banque fédérale a reconnu que l’inflation n’avait rien de transitoire. Il laisse entendre qu’il pourrait relever les taux pour éviter une crise sociale. En Allemagne, le rendement des obligations d’État à dix ans est repassé au-dessus de zéro, une première depuis 2019. Il est hautement improbable que la France soit épargnée.
Face à cette hypothèse, notre pays a deux atouts : la croissance la plus forte et l’inflation la plus faible de toute la zone euro. Mais, madame la ministre, il a une faiblesse : sa dette publique. Le gouverneur de la Banque de France a rappelé hier que le taux d’entêtement actuel n’est pas soutenable à long terme.
Ma question est donc simple, madame la ministre : comment évaluez-vous le risque de relèvement des taux d’intérêt ? Pouvez-vous nous rassurer sur la capacité de la France à rembourser sa dette ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Alain Richard, Martin Lévrier et Yves Bouloux applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Capus, comme vous le signalez dans votre introduction, la France a deux atouts : la croissance la plus forte et l’inflation la plus faible de la zone euro.
Cette situation favorable s’explique par une politique, celle du « quoi qu’il en coûte ». Cette politique, vous l’avez souligné, n’a pas été contestée. Surtout, elle a aidé à relancer la croissance, puisqu’elle a préservé l’outil de production et les compétences, ce qui a permis un redémarrage extraordinairement rapide.
Lors de la crise de 2008, les mesures prises avaient, certes, permis de sauver le système bancaire européen, mais elles avaient eu deux inconvénients.
D’une part, le chômage partiel étant trop bas, nous avions constaté une véritable hémorragie d’emplois : en particulier, 139 000 emplois avaient été supprimés dans l’industrie.
D’autre part, la fiscalité s’était alourdie trop rapidement, ce qui avait bloqué le rebond de la croissance.
Ayant appris de la gestion des crises passées, nous abordons cette situation de reprise dans les meilleures conditions possible.
Vous avez raison d’insister sur la dette. Je souligne, pour ma part, ce que l’économiste Paul Krugman a déclaré : la gestion de la crise en France, d’un point de vue économique, est une des meilleures du monde. D’ailleurs, l’Institut des politiques publiques nous dit que, si nous n’avions pas pris ces mesures, nous aurions accumulé dix points de PIB supplémentaires de dette.
Cette stratégie, que vous avez soutenue, a donc été la bonne. Comment ferons-nous, demain, pour gérer ce problème de dette ? De fait, 115 % du PIB, c’est évidemment beaucoup.
Nous devrons veiller à la crédibilité de la gestion de nos finances publiques. (M. Jérôme Bascher s’exclame.) Pour l’instant, les ministres des comptes publics qui se sont succédé, et le ministre de l’économie, ont toujours fait mieux que le budget qu’ils avaient annoncé. Au cours de cette mandature, nous sommes sortis de la procédure de déficit excessif qu’avait intentée la Commission européenne. Cette crédibilité limitera les conséquences d’une hausse des taux. (Protestations à droite. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot et M. Emmanuel Capus applaudissent également.)
mesures d’accompagnement des entreprises affectées par la crise sanitaire
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Madame la ministre, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière un renforcement des mesures de soutien aux entreprises de restauration, aux traiteurs et aux acteurs de l’événementiel, dont l’activité est affectée par les restrictions sanitaires. Ces mesures, utiles, laissent cependant sur le rebord de la route de nombreuses entreprises pénalisées à cause des effets de seuil ou des conditions d’éligibilité trop restrictives.
Chaque semaine, je suis interpellée sur le terrain par des chefs d’entreprise exaspérés par ce qu’ils considèrent comme une usine à gaz.
C’est le cas d’un restaurateur en grande difficulté financière, mais qui ne peut pas bénéficier du dispositif Coûts fixes, car se situant juste en dessous des 50 % de chiffre d’affaires perdus ; ou encore d’un traiteur, exclu lui aussi du dispositif, bien qu’ayant perdu deux tiers de son chiffre d’affaires, mais avec un excédent brut d’exploitation positif parce qu’il a été contraint de réduire ses achats et son personnel en décembre.
Vous comprendrez aisément l’exaspération et le sentiment d’injustice que peuvent ressentir ces professionnels. Ils ne s’expliquent pas pourquoi le « quoi qu’il en coûte » ne ruisselle pas jusqu’à eux. Quelles solutions concrètes pouvez-vous leur apporter alors qu’ils s’inquiètent un peu plus chaque jour pour leur avenir et leur survie ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Gruny, tout d’abord, le « quoi qu’il en coûte » a sauvé non seulement des dizaines de milliers d’entreprises, mais également des centaines de milliers d’emplois, en particulier dans les secteurs que vous évoquez, c’est-à-dire l’hôtellerie, les cafés et la restauration.
Ayant personnellement accompagné la mise en place du fonds de solidarité, je puis témoigner d’une réalité très simple : l’argent de cette prétendue « usine à gaz » est arrivé en moins de deux semaines sur le compte en banque d’entreprises qui ne s’attendaient pas à une telle réactivité de l’État. Voyez les comparaisons internationales : la France est l’un des pays qui a agi le plus rapidement, et elle a été capable de faire ruisseler le « quoi qu’il en coûte » au plus près de nos compatriotes, en particulier des indépendants.
Je m’étonne que vous fassiez référence à l’effet de seuil pour un professionnel ayant perdu un peu moins de 50 % de son chiffre d’affaires. Le dispositif a été modifié et s’applique dès que la perte atteint 30 % ; la personne dont vous parlez y est donc éligible. (M. Alain Richard acquiesce.)
Votre témoignage peut laisser à penser que certains restaurateurs, cafetiers ou hôteliers ont besoin d’un accompagnement. Je les invite à prendre contact avec les services de l’État pour en bénéficier et savoir précisément ce à quoi ils ont droit.
Au-delà des mesures générales, applicables à tout le monde, nous pouvons accompagner individuellement chaque entreprise. D’ailleurs, c’est déjà ainsi que nous procédons pour traiter les entreprises en difficulté. Nous pouvons établir des plans de remboursement jusqu’à dix ans sous l’égide du tribunal de commerce, et même sans cela, comme l’a récemment annoncé Bruno Le Maire, avec la participation à la médiation du crédit.
Je le dis donc très clairement, il faut que les professionnels prennent l’attache des services de l’État. Certes, il n’est peut-être pas naturel de demander conseil ou appui aux services fiscaux. Mais nous sommes aujourd’hui dans une position d’accompagnement. Notre boussole, c’est de préserver l’emploi et l’outil de travail des indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – MM. Pierre Louault et Jean-Paul Prince applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, j’entends vos arguments. Mais il serait nettement préférable que tout passe par les chambres consulaires et les préfets. Aujourd’hui, il faut traiter les situations au cas par cas en faisant un travail de dentellière.
Vous évoquez le secteur de l’événementiel. Mais n’oublions pas que les PME de l’industrie aussi sont asphyxiées par les coûts de l’énergie et des matières premières. Il faut que vous soyez à leurs côtés.
Décentralisez et venez au plus près du terrain ! La réponse que vous venez de m’apporter est très parisienne ; sur le terrain, c’est beaucoup plus compliqué.
Vous avez pris une veste au mois de juin dernier ; nous espérons bien que vous en prendrez une nouvelle au mois d’avril prochain ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
difficultés de mise en œuvre du ségur de la santé
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Pierre Médevielle applaudit également.)
M. Michel Canévet. Je souhaite interpeller le Gouvernement sur la mise en œuvre du Ségur de la santé.
De nombreux rassemblements ont eu lieu lundi devant les permanences des parlementaires finistériens, et le phénomène existe aussi partout ailleurs en France. Des usagers, des personnels et des responsables d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux viennent dénoncer les incohérences de la mise en œuvre du Ségur de la santé. Il est temps d’y remédier.
Je prendrai trois exemples.
D’abord, pourquoi avoir décidé d’augmenter la rémunération des personnels des services d’aide à domicile gérés par des associations à but non lucratif et pas celle des personnels des services gérés par les collectivités territoriales ou par les organismes privés lucratifs ?
Ensuite, les mesures financières décidées depuis le 1er octobre dernier en faveur des services de soins infirmiers à domicile ne peuvent pas être mises en œuvre faute de décrets d’application. Pourquoi ces décrets ne sont-ils toujours pas parus près de quatre mois après la décision ?
Enfin, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé le 8 novembre dernier qu’une conférence sur les métiers de l’accompagnement social et médico-social se tiendrait avant le 15 janvier. Nous sommes le 26 janvier, et il ne s’est rien passé. Qu’en est-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, votre question me permet de faire le point sur les actions menées depuis plusieurs mois par le Gouvernement pour soutenir les professionnels de santé et du soin dans le cadre du Ségur de la santé, après dix ans de sous-investissements.
Le Ségur est de loin le plus important plan de soutien à notre système jamais engagé par une majorité présidentielle. (Mme Sophie Primas le conteste.) C’est une réalité, madame la sénatrice.
Avec les accords du 13 juillet, nous avons abouti à une revalorisation immédiate de plus de 1,5 million de personnels de santé pour 8 milliards d’euros par an. Dès le mois de décembre 2020, les personnels non médicaux et les sages-femmes de la fonction publique ont eu une revalorisation socle de 183 euros mensuels au moins ; sans compter que nous avons également – vous le savez bien – revalorisé les grilles des personnels soignants, médico-techniques et de la rééducation depuis le mois d’octobre 2021.
Les personnels médicaux ne sont pas en reste. Nous avons fusionné les premiers échelons de rémunération et amélioré leur fin de carrière avec des nouveaux échelons. Nous avons mis en place des primes managériales et revalorisé l’indemnité d’engagement de service public exclusif.
Surtout, contrairement à l’idée selon laquelle il y aurait des « oubliés du Ségur » – c’est une expression que l’on entend souvent –, nous avons choisi en responsabilité, je le crois, de répondre aux problématiques spécifiques des professions concernées par une perte d’attractivité, chaque profession n’étant pas confrontée aux mêmes difficultés. C’est sur le fondement avéré de la perte d’attractivité des métiers que nous avons méthodiquement étendu les revalorisations à plusieurs reprises, au-delà de l’ambition initiale du Ségur.
Vous le savez, deux protocoles d’extension avec les organisations syndicales ont été signés à l’issue d’une mission que le Premier ministre avait confiée à Michel Laforcade à propos des structures sanitaires, médico-sociales financées par l’assurance maladie et des structures médico-sociales publiques et privées non lucratives.
La Conférence des métiers du social et du médico-social se tiendra le 18 février prochain, sous l’égide du Premier ministre.
Nous avons mis en place un comité de filière de la petite enfance. Il sera compétent pour traiter des rémunérations, de la formation, des carrières et des passerelles entre les différents métiers.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous couvrons bien l’ensemble des métiers concernés par le soin de nos compatriotes dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe Union Centriste ne conteste pas que le Ségur de la santé a permis des avancées. Mais il convient, me semble-t-il, d’entendre les aspirations de la population. Je regrette que vous n’ayez pas répondu à deux de mes trois questions.
Il est effectivement temps que la Conférence ait lieu, car les attentes sont fortes sur le terrain. Comme parlementaires, nous avons du mal à répondre à nos concitoyens quand ils nous interrogent sur les avancées qui ont été obtenues. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Chatillon applaudit également.)
situation dans les ehpad
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Ma question s’adressait à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Aujourd’hui sort l’ouvrage Les Fossoyeurs, dans lequel l’auteur, Victor Castanet, décrit, à la suite d’une enquête menée durant trois ans, la maltraitance organisée dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés lucratifs du groupe français Orpéa, leader mondial sur le marché.
Ce secteur est particulièrement marqué par des dérives lucratives : sous-effectif constant, dépenses réduites et, en conséquence, souffrance au travail du personnel soignant et accompagnant, qui se répercute sur les personnes âgées comme sur les familles.
Cette étude n’est pas la première à dénoncer la marchandisation de la fin de vie, et à quel prix ! Notre groupe pointe ce problème depuis longtemps.
Le Gouvernement compte-t-il assurer un véritable contrôle pour empêcher que de telles dérives ne se reproduisent, en particulier dans ces établissements privés lucratifs ? Et dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, qui aurait également pu vous répondre. Comme vous le savez, elle a contracté le covid et ne peut donc être présente.
Je tiens à vous faire part de mon émotion – je pense que vous la partagez – et à avoir une pensée pour les résidents et les familles de résidents ayant pu subir les violences décrites dans l’ouvrage que vous avez mentionné. Rien ne peut justifier de tels faits s’ils sont avérés ! Ils sont extrêmement graves, et l’ensemble du Gouvernement, à l’instar, je le crois, des parlementaires, les condamne fermement.
Un établissement en particulier est évoqué dans le livre. Vous le savez probablement, l’agence régionale de santé avait diligenté une inspection inopinée en 2018 à la suite de réclamations et de signalements qui avaient déjà été adressés à l’époque. Les révélations récentes laissent cependant penser que la situation était bien pire que ce dont nous avions alors connaissance.
Toute la lumière doit être faite sur les pratiques de cet Ehpad. La ministre Brigitte Bourguignon a demandé aux services de l’État de mener une enquête flash dans les meilleurs délais.
Mais les faits rapportés soulèvent d’autres questions, sur lesquelles nous demandons au groupe Orpéa, dont le directeur général a été convoqué par Brigitte Bourguignon, de s’expliquer, là aussi, dans les plus brefs délais.
Au-delà de cette situation particulière, je rappelle que le Gouvernement avait agi dès le début du quinquennat pour soutenir l’ensemble des soignants et des professionnels des établissements accueillant des personnes âgées. Dès 2018, nous avons installé une commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, qui rassemblait de nombreux experts. Elle a remis ses travaux au Gouvernement l’année dernière, permettant d’aboutir à une définition de la maltraitance plus précise et transversale aux âges, à l’autonomie et au handicap.
Mme Laurence Rossignol. Elle existait déjà !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Peut-être, madame la sénatrice, mais toujours est-il que cette définition de la maltraitance est désormais inscrite dans la loi, le texte relatif à la protection des enfants ayant été adopté définitivement hier.
Par ailleurs, l’État s’est fortement engagé pour moderniser un certain nombre d’Ehpad, avec un investissement de plus de 2 milliards d’euros, et, surtout, pour renforcer la présence de soignants dans les établissements. Ainsi, 10 000 soignants supplémentaires viendront s’ajouter dans les cinq années à venir aux 10 000 qui avaient déjà été recrutés en 2017. En outre, vous le savez, il y a eu en urgence un plan de recrutement de 40 000 personnels de soins dans ces établissements pour prendre soin de nos aînés. (Mme Nadège Havet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, vous dites que « rien ne peut justifier » de tels actes. Mais, concrètement, vous faites quoi ?
Nous vous parlons d’un problème systémique, qui révèle une crise du libéralisme, et vous nous apportez des réponses ponctuelles. Il aura fallu une crise d’une telle ampleur pour que l’on redonne quelques moyens aux Ehpad. De même, c’est seulement en fonction de l’actualité, la parution d’une enquête, que vous réagissez aujourd’hui.
Nous connaissons la détresse des personnels, confrontés à des dilemmes éthiques inhumains : rester dans un secteur en manque de moyens constants pour prodiguer des soins décents ; ou bien le quitter alors même qu’il y a un manque de professionnels dans ces métiers.
C’est le business : tout est rationalisé, jusqu’au rationnement des couches et des biscottes ! Des maisons de retraite sont rachetées par des multinationales et des fonds d’investissement, le tout avec de l’argent public ! Vous n’en avez pas dit un seul mot.
L’une des grandes promesses d’Emmanuel Macron était de faire une loi structurante sur le grand âge ; celle-ci n’a jamais vu le jour.
Il nous faut un véritable service public du grand âge. Les Ehpad dépendant des groupes privés qui se sont rués vers l’or gris aux dépens de la qualité de vie de leurs patients doivent être mis sous tutelle.
L’État ne doit plus laisser faire, car les personnes âgées ne sont pas des marchandises. Le grand âge doit sortir du marché ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – Mmes Évelyne Perrot et Vivette Lopez applaudissent également.)
dissolution du groupe d’extrême gauche « nantes révoltée »
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, Nantes a connu le week-end dernier un nouveau déferlement de violence urbaine. Vous avez annoncé hier l’engagement d’une procédure de dissolution du groupuscule d’ultragauche « Nantes révoltée » ; nous vous l’avions demandé avec la présidente de région et la députée de Nantes. C’est une bonne nouvelle. Je vous en remercie.
Je vous ai écouté attentivement hier à l’Assemblée nationale. Permettez-moi de vous corriger. Vous faites débuter ces violences à la loi Travail. À tort ! Les violences ont commencé avec le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. (Mme Valérie Boyer applaudit.) Depuis, Nantes est devenue la capitale des manifestations ultraviolentes. Vous avez cédé aux zadistes en renonçant à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, donnant raison aux ultraviolents et envoyant le message politique irresponsable que la violence paye dans notre pays ! (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle également que 95 % des manifestations à Nantes ne sont pas déclarées. Cela aussi, nous le dénonçons depuis des années. Ajoutez à cela la complaisance d’élus locaux encourageant l’ultragauche, qui défile aux cris de « Mort aux flics », et vous avez à Nantes le résultat que chacun connaît.
Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous attendu d’être à deux mois de l’élection présidentielle pour dissoudre un groupuscule qui détruit Nantes depuis des années ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de La Provôté, MM. François Bonneau, Alain Cazabonne et Pierre-Antoine Levi applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, je vous remercie de m’avoir remercié d’engager une procédure de dissolution à l’égard du groupe concerné.
M. François Bonhomme. Mieux vaut tard que jamais…
M. Gérald Darmanin, ministre. D’ailleurs, la première à m’avoir félicité est votre présidente de région, qui a salué le courage du Gouvernement ; comme vous l’avez citée, j’imagine que votre démarche est concertée.
Je le rappelle, si nous n’avons pas pris une telle décision plus tôt, c’est parce qu’il a fallu attendre l’adoption de la loi Séparatisme (loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République), qu’une grande partie de votre groupe n’a pas votée, pour disposer des moyens juridiques permettant de le faire. (MM. Martin Lévrier, Joël Guerriau et André Guiol applaudissent.)
Madame la sénatrice, depuis que nous sommes en responsabilité, quinze groupes d’ultragauche, d’ultradroite ou islamistes – en majorité, ce sont des groupes islamistes – ont été dissous. Depuis que je suis ministre de l’intérieur, sous l’autorité du Premier ministre, je formule une proposition de dissolution quasiment tous les quinze jours. Les groupes en question ne sont pas apparus avec la loi El Khomri. Ils existent, selon les cas, depuis 2002, 2004, 2016, voire depuis 1995.
Nous avons agi en respectant le droit, sur la base d’une loi votée après une discussion sur la liberté d’association, qui a été difficile, y compris avec votre groupe, madame la sénatrice. Je ne vous reprocherai pas tous les termes que j’ai entendus ici…
Mais je me réjouis de disposer aujourd’hui des armes qui me permettent, en tant que ministre de l’intérieur, de proposer des dissolutions. Celles-ci ont systématiquement été validées par le Conseil d’État.
Selon vous, nous aurions cédé à Notre-Dame-des-Landes et ce serait la cause des difficultés que nous connaissons aujourd’hui. Dans ce cas, je me demande bien pourquoi nous avons hérité de ce dossier, qui n’avait jamais été réglé en trente ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Alain Cazabonne, André Guiol et Jean-Paul Prince applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Monsieur le ministre, la réalité, vous la connaissez. Vous avez laissé Nantes s’enfoncer dans la violence. (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) Les Nantais ne sont pas dupes de telles manœuvres. Ils savent pertinemment que vous ne rattraperez pas en deux mois ce que vous n’avez pas fait pendant cinq ans. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation de l’université
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, le constat est amer : jamais les tensions entre la communauté enseignante et leur ministre n’ont été aussi fortes. Cette défiance est la pire ennemie de l’efficacité des politiques publiques.
On vous a entendue sur la prétendue « dérive islamo-gauchiste » des universités. Mais, bizarrement, on ne vous a pas entendue sur le manque de moyens de ces dernières.
Le Président de la République, lui, aurait trouvé une solution merveilleuse : faire payer les étudiants. Il me paraît insensé de penser que l’on va augmenter les moyens et le niveau des universités en faisant payer les étudiants !
Outre les moyens, le problème est en réalité celui de l’orientation : l’inégalité d’accès à l’information sur les filières conduit à des taux d’échec record, notamment lors de la première année de licence.
Comment est-il possible de faire peser la réussite des élèves uniquement sur le financement de l’université sans rompre le principe d’égalité ?
C’est une erreur de penser que la gratuité est le problème. Le principal problème, c’est l’orientation, un problème intimement lié au manque d’information ; votre plateforme Parcoursup en est la preuve. C’est aussi pour cela que l’on retrouve toujours plus d’étudiants en première année de licence.
Madame la ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire pour l’orientation, afin que l’université soit un vrai choix de carrière adapté aux envies et compétences de chacun ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Rémi Cardon, vous parlez d’un « échec record » à propos du taux de passage de la première à la deuxième année de licence. Je vous le confirme, en 2017, nous avions atteint le record d’échecs. Mais j’ai le plaisir de vous annoncer – je suis sûre que vous l’aviez remarqué – que nous avons augmenté de dix points le taux de passage entre la première et la deuxième année de licence.
Vous indiquez que l’important est de pouvoir mieux financer l’université. La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants – je crois qu’elle n’a pas été votée de ce côté-ci de l’hémicycle –, c’est un milliard d’euros de plus pour le premier cycle ; la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, c’est 25 milliards d’euros supplémentaires !
M. Laurent Burgoa. Toujours des milliards !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Selon vous, ce serait trop peu. Pour ma part, je pense que ce n’est déjà pas mal. Je puis vous l’assurer, sur le terrain, les gens commencent à voir la différence.
Vous continuez à prétendre, alors que j’y ai déjà répondu et que le Président de la République s’est de nouveau exprimé sur le sujet, que notre solution serait d’augmenter les droits d’inscription. Je vous rappelle que, depuis trois ans, nous les avons gelés ; cela n’avait jamais été fait sous les gouvernements précédents. (Exclamations sur les travées du groupe SER.) Nous avons aussi gelé les loyers des Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires), ainsi que les tickets des restaurants universitaires.
Monsieur le sénateur, je crois que, là encore, vous essayez d’alimenter des fantasmes. (Protestations à gauche comme à droite.) Croyez-moi, notre jeunesse a juste besoin de sentir que nous sommes tous à ses côtés pour l’aider à réussir, à acquérir des compétences et, in fine, à avoir un métier. Nous devons tous lui dire, me semble-t-il, que nous avons confiance en elle pour préparer l’avenir. C’est ce que ce gouvernement a fait, en mobilisant depuis cinq ans des moyens financiers comme jamais auparavant. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Janssens applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, moi aussi, je vais vous donner un chiffre : un jeune sur six a arrêté ses études. Voilà le bilan de votre quinquennat et de votre mandature !
La semaine dernière, vous avez menti devant les députés – je vous renvoie à la lecture d’un article de Mediapart daté d’hier –, à moins qu’il ne s’agisse de méconnaissance de vos dossiers ou d’incompétence. Vous avez déclaré que 100 % des logements du Crous avaient été rénovés. Or le Crous dit lui-même que des logements sont encore en cours de rénovation. Vous aviez fixé l’objectif de 100 % de rénovation au cours du quinquennat ; vous êtes une nouvelle fois à côté de la plaque. Si même le Crous vous contredit, c’est pour le moins ennuyeux ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
conséquences de la hausse des prix du gaz sur les bailleurs sociaux
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« L’enfer est pavé de bonnes intentions », écrivait Bernard de Clairvaux.
Le bouclier tarifaire appliqué pour contenir la hausse des prix du gaz est, quant à lui, une véritable bombe à retardement pour nos concitoyens les plus démunis.
Mis en place en loi de finances pour 2022 afin de geler l’augmentation des tarifs gaziers jusqu’au 1er juillet, ce dispositif offre une couverture louable face à l’augmentation de la demande mondiale et la restriction de l’offre. Il ne s’applique toutefois qu’aux habitations individuelles ou collectives justifiant d’une consommation inférieure à 150 mégawattheures et dotées d’un contrat réglementé gaz B1. Or ce sont des critères auxquels ne répondent malheureusement pas les bailleurs sociaux, chargés d’acheter le gaz en amont avant de le redistribuer à leurs locataires.
Les organismes HLM vont ainsi subir de plein fouet la hausse des tarifs et n’auront d’autre choix que de répercuter celle-ci sur les factures de leurs locataires.
Je parle ici non pas d’augmentations de quelques euros à la marge, mais bel et bien de hausses pouvant s’échelonner de 40 euros à 250 euros de provisions de charges supplémentaires par mois, et ce jusqu’à la fin de la saison de chauffe.
C’est une ironie des plus mordantes lorsque l’on fait état des engagements pris par votre gouvernement pour protéger le pouvoir d’achat des Français !
Monsieur le Premier ministre, dans quels délais comptez-vous revenir sur ce dispositif, qui, s’il n’est pas rectifié de façon rétroactive, risque de mettre une fois de plus à l’amende nos concitoyens les plus fragiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Antoine Lefèvre, vous l’avez souligné, nous avons pris sans attendre des mesures fortes pour protéger le pouvoir d’achat des Français face à cette augmentation importante des prix de l’énergie.
Je pourrais évoquer le chèque énergie, soit 100 euros pour 6 millions de ménages – cela s’ajoute aux 150 euros versés normalement en mai –, ou l’indemnité inflation, soit 100 euros pour 38 millions de ménages, qui vont ainsi voir leur pouvoir d’achat soutenu. Nous avons effectivement décidé – c’est une mesure nationale très forte – de geler les tarifs réglementés de l’électricité, en plafonnant leur hausse à 4 %, et les tarifs du gaz.
La question que vous posez concerne les ménages qui n’achètent pas directement le gaz à un fournisseur à tarif réglementé, mais qui sont dans des contrats collectifs, en particulier ceux qui sont souscrits par les organismes de logements sociaux.
Ces organismes de logements sociaux nous ont effectivement fait part voilà quelques jours à peine de difficultés, sachant qu’ils ne sont pas tous dans la même situation. Certains sont chauffés à l’électricité ou au réseau de chaleur. D’autres sont avec des contrats individuels pour les locataires, qui sont donc bien protégés. D’autres encore achètent eux-mêmes en contrat collectif le gaz, et ces contrats collectifs sont dans un certain nombre de cas eux-mêmes protégés, parce qu’indexés sur les tarifs réglementés, et dans d’autres cas, non.
Les situations de défaillances qui nous sont remontées concernent des fournisseurs de gaz qui, n’étant plus en capacité de fournir, demandent aux organismes de logement social d’en changer. Là, nous sommes au prix du marché.
Face à une telle situation, monsieur le sénateur, le Gouvernement continuera évidemment à travailler pour améliorer encore la protection des Français. Bruno Le Maire, Barbara Pompili et moi-même sommes en train d’examiner, sous l’autorité du Premier ministre, toutes les solutions possibles pour protéger tous les Français. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Merci, madame la ministre. Qualifier ce problème de « malencontreux oubli » serait un bel euphémisme, pour peu que l’on passe en revue les cinq années de négligence à l’égard du logement social.
Je pense aux coupes budgétaires opérées trois années de suite, au doublement de la TVA sur la construction de logements sociaux, à la très controversée réduction des APL (aides personnalisées au logement), au ralentissement sans précédent du rythme des constructions et, dernièrement, à la désindexation du plafond de ressources pour bénéficier de la réduction du loyer de solidarité.
Nous savions qu’à vos yeux les maisons individuelles étaient devenues un « non-sens écologique ». Désormais, c’est l’habitat collectif à loyer modéré qui en prend pour son grade.
Décidément, il ne sera pas exagéré de dire que, tout au long de ce quinquennat, le Gouvernement aura eu un sacré problème avec le logement social ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
suicides et malaises dans la police
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre-Antoine Levi. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Lundi soir, Pierre Ludet, fonctionnaire de police affecté à la brigade spécialisée de terrain (BST) du XVe arrondissement de Marseille mettait fin à ses jours avec son arme de service. Pierre avait 22 ans. Il était champion d’arts martiaux. Il était très apprécié par tous ses collègues et avait toute la vie devant lui.
Avant ce geste désespéré, huit autres fonctionnaires de police ont mis fin à leurs jours depuis le 1er janvier : une hécatombe !
Je tiens à adresser au nom du groupe Union Centriste mes plus sincères condoléances à la famille de Pierre, à ses proches et à ses collègues, mais également à avoir une pensée pour tous les fonctionnaires de police, de gendarmerie, des douanes et de l’administration pénitentiaire qui ont mis fin à leurs jours ces dernières années.
À chaque nouveau drame, il y a un nouveau message du Gouvernement et une émotion sincère. Mais après ? Qu’est-ce qui peut pousser un ou une fonctionnaire de police à commettre l’irréparable ? Telle est la vraie question qui doit être posée.
Le manque d’effectifs, le vieillissement des matériels ou des locaux peuvent être des éléments qui constituent ce mal-être.
Il est vrai que votre ministère a augmenté les effectifs et les moyens matériels alloués à la police et à la gendarmerie ; j’en ai eu la preuve dans mon département. Pourtant, ce mal-être et cette détresse sont toujours là !
Monsieur le ministre, on en arrive peut-être à ce geste ultime lorsque l’on considère que son travail perd petit à petit de son sens malgré la foi profonde que l’on a de la justice et de la défense de ses concitoyens. Pouvez-vous indiquer au Sénat les actions que vous avez mises en œuvre et surtout celles que vous allez engager pour mettre fin à cette funeste série ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je m’associe évidemment à votre message de soutien face à la détresse des policiers et des gendarmes qui se sont suicidés depuis le début de l’année.
En moyenne, il y a plusieurs dizaines de suicides par an – c’était le cas l’année dernière – au sein de l’administration que j’ai l’honneur de diriger. Et cela se produit souvent avec l’arme de service, dans les locaux des brigades de gendarmerie ou dans les commissariats de police.
Je connaissais le fonctionnaire que vous évoquez. Major de sa promotion, il faisait partie de la centaine de nouveaux effectifs que nous avions envoyés à Marseille. Il avait choisi les quartiers nord. Il était courageux ; le Président de la République l’avait également rencontré. Il était plein de jeunesse. Son geste touche bien entendu toute la police nationale, ses collègues de Marseille et pose des questions à l’administration qui le dirigeait.
Si l’essentiel de ces suicides – et je ne dis évidemment pas cela pour les minimiser – ont un lien direct avec la vie personnelle des fonctionnaires concernés, et si le fait d’être policier ou gendarme et d’avoir son arme de service contribue malheureusement à des passages à l’acte plus que dans d’autres services de l’État, l’administration ne se dédouane pas face aux drames que nous connaissons.
En 2019, mon prédécesseur avait mobilisé des moyens très importants pour pouvoir lutter contre les suicides dans la police nationale. J’ai décidé de les faire évaluer par une société de conseil extérieure.
La semaine dernière, à ma demande, le directeur général de la police nationale a réuni l’ensemble des syndicats. D’un commun accord, il a été décidé de recruter une vingtaine de psychologues dans les services les plus difficiles de la police nationale et d’accorder davantage de moyens budgétaires et humains aux associations, notamment à celles qui aident les familles des policiers qui se suicident. En outre, indépendamment des conseils de leur hiérarchie, les agents pourront contacter une cellule « policiers victimes » lorsqu’ils se sentent en difficulté.
Je vous remercie d’avoir posé cette question délicate, monsieur le sénateur. Il n’existe pas de mesures miracles, mais je vous assure que nous essayons de faire le maximum pour les policiers. (MM. Ludovic Haye, François Patriat, Arnaud de Belenet et Pierre Louault applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. Je vous remercie pour vos explications, monsieur le ministre.
Les faits sont têtus : tous les jours, des policiers commettent l’irréparable, en dépit de toutes les mesures qui sont prises. C’est sans doute le signe que celles-ci ne sont pas suffisantes et que ces actes traduisent un mal beaucoup plus profond.
Il faut aussi écouter et accompagner, car la dimension humaine est beaucoup plus importante que les aspects matériels. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
réforme du mode d’affectation en seconde dans l’académie de paris
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adressait initialement à M. le ministre de l’éducation nationale.
Lundi dernier, le comité de suivi de la réforme des affectations en classe de seconde pour l’académie de Paris a recommandé la fin du recrutement sur dossier pour les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand, au profit d’une plateforme informatisée que tout le monde connaît, Affelnet.
Depuis, le rectorat a indiqué qu’il fallait faire évoluer le recrutement, mais par étapes, pour rendre le changement acceptable pour les communautés éducatives. On le voit, le discours est devenu un peu plus flou, mais le recteur Kerrero a pour sa part indiqué qu’il convenait d’ouvrir le recrutement à l’ensemble des collégiens et d’instaurer des quotas de boursiers.
Le Gouvernement entend-il effectivement inscrire ces deux établissements d’excellence dans un processus de discrimination positive ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Votre question, monsieur le sénateur Piednoir, me permet d’aborder un sujet central, celui de l’égalité républicaine, du mérite de nos élèves et de la reconnaissance de leur travail.
La réforme de l’affectation au lycée engagée par l’académie de Paris depuis la rentrée 2020-2021 a déjà démontré son efficacité, notamment en ce qu’elle a renforcé la mixité sociale. Par ailleurs, contrairement à ce qui avait pu être avancé, nous ne constatons pas de fuite vers l’enseignement privé.
En ce qui concerne les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand, ils entrent en effet dans la procédure, car leur situation devait évoluer. Il n’y avait jusqu’à présent aucun critère d’admission explicite, aucun barème, alors que toute décision d’affectation doit pouvoir être objectivement justifiée, notamment en cas de recours des familles. (M. Roger Karoutchi s’agace.)
Monsieur le sénateur, ce n’est pas la fin de la méritocratie scolaire
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Si !
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. C’est, au contraire, son rétablissement dans les lycées d’excellence.
Nos objectifs sont clairs : en pleine cohérence avec l’esprit de l’école républicaine, nous voulons promouvoir la transparence, l’équité, le mérite et rendre ces lycées potentiellement accessibles à tous les élèves parisiens, sur la base de leurs seuls résultats scolaires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est faux !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Madame la secrétaire d’État, votre argumentation pourrait se résumer en quelques mots : cachez ces bons élèves que je ne saurais voir…
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Stéphane Piednoir. Je comprends évidemment votre intention d’ouverture sociale, mais je réfute la corrélation entre le statut de boursier et les performances académiques d’un collégien. Je déplore l’abandon des parcours d’excellence dans l’enseignement public,…
M. Roger Karoutchi. Eh oui!
M. Stéphane Piednoir. … le constat de la « honte » de nos élites et cette nouvelle étape dans la déconstruction de la méritocratie républicaine, à laquelle votre gouvernement était pourtant si attaché au début du quinquennat.
Notre pays, figurez-vous, est fier de ses filières d’excellence. Quoi que vous en disiez, madame la secrétaire d’État, celles-ci sont ouvertes à tous, indépendamment de leurs origines sociales. Je fais confiance aux professeurs pour détecter et convaincre leurs meilleurs élèves d’y postuler.
Notre pays aspire à autre chose qu’à la convergence des établissements vers une moyenne d’indicateurs technocratiques ou à la construction d’un « indice de position sociale » totalement artificiel.
Notre pays, celui des Lumières, est fondamentalement attaché à ce que le talent l’emporte sur la naissance. Il faudrait donc surtout multiplier ces établissements d’excellence pour permettre à tous d’y accéder et faire prévaloir, enfin, le bulletin scolaire sur toute autre considération. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mmes Sonia de La Provôté et Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)
pouvoir d’achat
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, le mois dernier, le taux d’inflation dans la zone euro s’est élevé à 5 % sur un an. Et ce n’est qu’un début !
Sans être statisticiens, les Français constatent chaque jour, impuissants, la hausse des prix de nombreux produits de première nécessité. Pain, café, pâtes, sucre, fruits et légumes : les prix explosent, en particulier ceux de l’énergie et du carburant, qui a augmenté de 25 % en un an.
Cette flambée des prix affecte particulièrement les Français aux revenus modestes, les plus fragiles, nos territoires ruraux et tous nos concitoyens qui sont contraints d’utiliser leur véhicule pour se déplacer et aller travailler.
Pour répondre à la situation, le Premier ministre vient d’annoncer le relèvement de 10 % du barème de l’indemnité kilométrique. Un pansement sur une jambe de bois !
Cette proposition favorisera probablement moins de 5 % des foyers français, certainement parmi les plus aisés. Les salaires stagnent, les retraites sont péniblement revalorisées de 1,1 %, les prix flambent. Le pouvoir d’achat des Français est en berne.
Madame la ministre, que répondez-vous à tous ceux et toutes celles qui doivent, chaque jour, choisir entre manger, se chauffer ou faire le plein pour aller travailler ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Féret, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, actuellement auditionnés à l’Assemblée nationale.
La première façon d’améliorer le pouvoir d’achat, c’est de faire en sorte qu’un plus grand nombre de Français trouvent un emploi, et que ces emplois soient mieux rémunérés. C’est très exactement la politique que nous avons mise en œuvre depuis 2017, madame la sénatrice, en créant un million d’emplois sur ces quatre dernières années et en ramenant le taux de chômage à son plus bas niveau depuis dix ans, alors même que nous venons de traverser la crise la plus importante de ce siècle.
Nous avons également fait en sorte que le travail paye mieux. Avec la prime d’activité, ce gouvernement a permis à un travailleur payé au SMIC, qui touche environ 1 270 euros de son entreprise, de percevoir une rémunération nette proche de 1 500 euros. Sans oublier la défiscalisation des heures supplémentaires et toutes les mesures que nous avons prises pour accompagner les personnes qui touchent les minima sociaux, notamment l’augmentation sans précédent de l’allocation aux adultes handicapés – je veux saluer à ce titre l’action menée par Sophie Cluzel.
Ces différentes mesures ont payé.
Vous mentionnez l’augmentation du coût de la vie, madame la sénatrice. Votre constat est parfaitement exact, mais, là encore, nous n’avons pas tardé à agir de façon ciblée, au travers du chèque énergie mentionné par Emmanuelle Wargon et du chèque inflation, afin de couvrir l’augmentation du coût de l’énergie et des carburants. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Le Premier ministre a par ailleurs annoncé mardi dernier l’augmentation du barème fiscal kilométrique pour les travailleurs.
Ce sont autant de mesures très concrètes, qui ont permis au pouvoir d’achat des Français d’augmenter en moyenne de 2,2 % en 2020. À l’inverse, dans ce contexte de crise massive, d’autres pays ont été confrontés à une vraie baisse du pouvoir d’achat. Je vous suggère de mener des comparaisons !
Nous allons poursuivre notre action, mais nous ne pouvons nous satisfaire de votre caricature. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. J’entends vos arguments, madame la ministre, mais je veux des réponses concrètes.
Depuis des semaines, nous, socialistes, proposons une baisse de la TVA à 5,5 % sur les carburants pour soulager les Français, quitte à le faire de façon temporaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle ! L’urgence aujourd’hui est d’accompagner la sortie de crise des ménages, de tous ceux qui sont pris à la gorge par les hausses de prix.
L’urgence, c’est aussi d’augmenter significativement les bas salaires, en particulier le SMIC. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
On ne peut avoir, d’un côté, le « quoi qu’il en coûte », et, de l’autre, quelques miettes pour tous les Français qui voient leur pouvoir d’achat diminuer au fil des mois. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
amendes administratives relatives au télétravail
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Je remercie M. le secrétaire d’État de bien vouloir répondre à cette question, qui s’adressait à Mme la ministre du travail.
Tout ça pour ça !
Le 20 décembre dernier, vous organisiez une concertation avec les partenaires sociaux sur l’obligation d’un passe sanitaire au travail.
Le 21 décembre, les organisations syndicales indiquaient qu’elles n’y étaient pas favorables et les organisations patronales faisaient part de leurs réserves.
Toutes affirmaient néanmoins être d’accord pour renforcer le télétravail.
Mme la ministre Élisabeth Borne confirmait elle-même qu’il existait un consensus sur le télétravail et qu’elle pouvait compter sur la responsabilité des employeurs et des salariés pour le renforcer.
Néanmoins, le 28 décembre, coup de tonnerre ! Vous écrasiez la concertation et vous annonciez aux partenaires sociaux vouloir mettre en place des sanctions administratives pour les entrepreneurs qui ne respecteraient pas l’obligation du télétravail.
Dans la foulée, toutes les organisations patronales jugeaient que ces amendes étaient une ineptie, alors que les entreprises avaient eu une conduite exemplaire depuis le début de la pandémie.
Dans la foulée, nous vous indiquions combien cette idée était clivante et inopérante. Loin de nous écouter, vous avez continué à jeter l’opprobre sur une catégorie de Français, les chefs d’entreprise…
Surtout, alors que l’encre du projet de loi était à peine sèche, le Premier ministre annonçait la fin du télétravail obligatoire et la ministre du travail déclarait de son côté « vouloir rendre la main aux entreprises le 2 février prochain ».
Monsieur le secrétaire d’État, merci d’éclairer le Parlement en nous confirmant que votre amendement visant à sanctionner les entrepreneurs n’aura finalement été opérant que neuf jours… Tout ça pour ça ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Madame la sénatrice Frédérique Puissat, je sens presque un peu de contrariété dans le ton de votre question. Vous connaissez bien les entreprises, moi aussi. Or il me semble que c’est bel et bien un sujet concret pour elles.
L’objectif n’est pas de distribuer des amendes comme on pourrait le faire à l’encontre d’un automobiliste mal garé dans la rue.
Les inspecteurs et les contrôleurs du travail commencent par rédiger des lettres d’observations et de mise en demeure, dans le cadre d’une procédure contradictoire, qui permet l’échange. Évidemment, s’il n’y a aucun mouvement de la part de l’employeur au regard de ce qui est attendu, cet échange peut déboucher sur une sanction administrative, à savoir une amende dont le montant a été réduit à 500 euros, de telle manière que la pression financière ne soit pas démesurée pour les TPE-PME.
Notez également, madame Puissat, que cette amende vise non pas uniquement le télétravail, mais l’ensemble des obligations opérationnelles de l’employeur destinées à protéger la santé de ses salariés, par exemple le respect des distances, le port du masque, la mise à disposition de gel hydroalcoolique et l’ensemble des éléments figurant dans le protocole.
Ce n’est donc pas une amende « télétravail ». C’est la possibilité donnée, lorsqu’il n’y a plus de discussion possible entre le contrôleur et l’employeur, de prononcer une sanction administrative. Faute de dispositions de ce type, l’alternative, en cas de problème, c’est le droit pénal, et tout le monde se retrouve alors devant le procureur de la République.
Je connais bien ces dispositions côté opérationnel ; il me semble que nous avons trouvé une solution pour que ce télétravail soit respecté par tous. C’est aussi une question d’équité, parce que de très nombreux chefs d’entreprise ont respecté l’ensemble des prérogatives gouvernementales.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Finalement, monsieur le secrétaire d’État, nous parlons bien de neuf jours. Cette durée paraîtrait presque anecdotique si nous ne la rapportions pas à nos heures de débat sur le sujet – un faux débat d’ailleurs, qui se solda par une commission mixte paritaire non conclusive, alors que l’heure devrait plutôt être à la recherche de la concorde. (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jean-François Husson. Absolument !
Mme Frédérique Puissat. Après les gilets jaunes, les ruraux contre les urbains, les vaccinés contre les non-vaccinés, on cherche à dresser les chefs d’entreprise contre le reste de la population. Ce nouveau clivage est de la responsabilité de votre gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Annick Jacquemet, Anne-Catherine Loisier et Catherine Morin-Desailly applaudissent également.)
mise en œuvre de la loi dite « matras » visant à consolider notre modèle de sécurité civile
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Françoise Dumont. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le 16 octobre dernier, le Président de la République s’engageait « à préciser avant la fin de l’année par un décret du Gouvernement la manière dont les sapeurs-pompiers pourront mettre en œuvre les douze gestes techniques de secourisme et de soins ». En effet, la loi Matras offre à nos sapeurs-pompiers la possibilité de dispenser des actes de soin d’urgence, ceux qu’ils effectuent déjà concrètement tous les jours.
Cette disposition semble parfaitement logique lorsque l’on sait que 80 % de l’activité des SDIS (services départementaux d’incendie et de secours) relève aujourd’hui du secours à personnes.
Or, force est de constater que, pour l’heure, ce décret n’a pas été pris. Ma question est donc simple : qu’attendez-vous ?
Par ailleurs, les quatre rapporteurs du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat, dont je fais partie, ont pris la peine de vous écrire afin de vous éclairer sur le sens que le législateur entend donner à ces dispositions.
Sachez, monsieur le Premier ministre, que, si le décret à venir ne respectait pas la lettre de la loi, nous inviterions les présidents de SDIS à saisir le Conseil d’État afin que le décret soit annulé. Et si celui-ci respectait la lettre de la loi, mais en dénaturait l’esprit, nous modifierions la loi afin de le rendre caduc.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Françoise Dumont. Enfin, je souhaiterais obtenir des explications sur l’absence de revalorisation des indemnités que perçoivent les SDIS lorsqu’ils assurent des carences ambulancières à la demande des SAMU. Là encore, malgré les promesses présidentielles, toujours rien !
Il n’y a pourtant aucune difficulté technique : il s’agit de modifier un chiffre dans un arrêté… Mais peut-être attendez-vous l’étude d’un cabinet de conseil pour procéder à cette modification… On n’est jamais trop prudent ! (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, les pompiers méritent vraiment mieux que des paroles en l’air, mieux que de la communication stérile, mieux que des discours de Sainte-Barbe. Il est grand temps d’agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, les pompiers méritent mieux aussi que des sous-entendus ou des propos polémiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je m’efforcerai de répondre le plus précisément possible aux questions légitimes que vous avez soulevées, mais nous pouvons, me semble-t-il, les aborder dans un dialogue courtois et respectueux.
Je veux tout d’abord saluer l’engagement quotidien de nos pompiers. Toutes les sept secondes en France, une intervention est enclenchée : rares sont les services publics qui font montre d’un tel engagement et d’une telle densité de missions.
Cet engagement est reconnu par le Gouvernement, la majorité présidentielle et le Président de la République lui-même. La loi du 25 novembre 2021, qui vise à consolider notre modèle de sécurité civile, en a été un bon exemple. Je salue d’ailleurs votre engagement, madame la sénatrice, en tant que rapporteure de ce texte, aux côtés de vos collègues Loïc Hervé et Patrick Kanner.
Le Gouvernement est déterminé à faire paraître au plus tôt les textes d’application de cette loi, ainsi que vous le demandez fort légitimement.
D’ores et déjà, j’ai le plaisir de vous indiquer que l’arrêté interministériel qui acte la revalorisation du tarif national d’indemnisation des carences ambulancières à 200 euros est en cours de contreseing par les ministres de l’intérieur et de la santé – Gérald Darmanin s’associe à mon propos.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Merci, monsieur le sénateur !
Par ailleurs, s’agissant du décret relatif aux actes de soins d’urgence prévus à l’article 2 du texte, un arbitrage sera prochainement rendu. Le décret sera ensuite transmis au Conseil d’État. D’ici là, le Gouvernement vous consultera, madame la sénatrice, ainsi que les deux autres rapporteurs, sur le contenu de ce décret. L’article 2 prévoit également qu’un arrêté interministériel fixe les compétences nécessaires à la réalisation de ces actes et les modalités de formation des sapeurs-pompiers.
Afin d’être à la fois efficace et rigoureuse, la formation s’inscrira dans le cadre du référentiel national d’activités et de compétences des équipiers de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.
Madame la sénatrice, j’espère avoir répondu à vos interrogations. (Mme Nadège Havet et M. Didier Rambaud applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont, pour la réplique.
Mme Françoise Dumont. Vous aviez imposé un calendrier contraint au Parlement pour que le Président de la République puisse faire des annonces au congrès des sapeurs-pompiers. Encore une fois, vous êtes dans la communication, et non dans l’action ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 2 février 2022, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Modifications de l’ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, sur la proposition du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, la conférence des présidents a décidé qu’un débat d’actualité se tiendrait lors de chaque semaine de contrôle, après la séance de questions d’actualité au Gouvernement.
La conférence des présidents a inscrit le premier débat d’actualité mercredi 2 février.
Après concertation avec les groupes politiques, ce débat pourrait porter sur le thème : « Énergie et pouvoir d’achat : quel impact de la politique du Gouvernement ? » et aurait lieu sous forme de discussion générale.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, par lettre en date de ce jour, M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, demande le retrait de l’ordre du jour du mardi 1er février de la proposition de loi tendant à expérimenter un chèque emploi petites communes pour l’emploi d’agents contractuels et vacataires.
En conséquence, nous pourrions avancer le débat sur le thème : « Quelle politique ferroviaire pour assurer un maillage équilibré du territoire ? » à la suite du débat sur les menaces que les théories du wokisme font peser sur l’université, l’enseignement supérieur et les libertés académiques.
Le début du débat sur le suivi des ordonnances serait quant à lui décalé à dix-huit heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par lettre en date du 25 janvier, M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, demande le retrait de l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du mercredi 2 février de la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.
Il demande l’inscription à la place de ce texte d’un débat sur le thème : « L’amélioration de la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l’attention. »
Acte est donné de cette demande.
Ce débat se tiendrait sous la forme d’une discussion générale d’une heure.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
5
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévue par notre règlement.
6
Siège de l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer
Adoption définitive en procédure d’examen simplifié d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer relatif au siège de l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (projet n° 288, texte de la commission n° 366, rapport n° 365).
Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc le mettre aux voix.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et l’agence de l’union européenne pour les chemins de fer relatif au siège de l’agence de l’union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer relatif au siège de l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français, signé à Valenciennes le 15 avril 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
7
Dialogue social avec les plateformes
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes (texte de la commission n° 322, rapport n° 321).
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) est parvenue, le 5 janvier dernier, à un texte commun sur le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 sur la représentation des travailleurs de plateformes.
Ce texte a pour objet d’organiser un dialogue social entre les plateformes numériques et les travailleurs indépendants y ayant recours dans deux secteurs qui cristallisent le débat sur les questions de statut et de protection de ces travailleurs : la conduite de véhicule de transport avec chauffeur (VTC) et la livraison de marchandises en véhicule à deux ou trois roues.
Tout en regrettant la méthode suivie par le Gouvernement, qui choisit de passer par une nouvelle ordonnance pour compléter le cadre de ce dialogue social, et en observant les évolutions concomitantes du contexte européen, le Sénat avait globalement approuvé l’objectif de faire émerger des garanties collectives en faveur des travailleurs des plateformes par la voie de la négociation. Un accord répondant aux préoccupations du Sénat a ainsi pu être trouvé sur ce texte à l’issue d’échanges constructifs avec la rapporteure de l’Assemblée nationale, Carole Grandjean, que je remercie sincèrement de l’écoute dont elle a su faire preuve.
Le Sénat avait approuvé la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2021 sous réserve de quelques modifications. Deux amendements du Sénat relatifs à la nouvelle Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, l’ARPE, sont ainsi repris dans le texte de la CMP.
D’une part, l’objet de cet établissement public restera circonscrit à la régulation du dialogue social – et non pas des relations sociales – entre les travailleurs et les plateformes des deux secteurs concernés.
D’autre part, est confirmée la suppression de la présence d’un député et d’un sénateur au conseil d’administration de cet établissement public sous tutelle de l’État, en cohérence avec la volonté du Sénat de rationaliser les organismes extraparlementaires, même si ce point a fait débat jusqu’à hier soir.
En revanche, il a semblé préférable de renoncer au droit d’option que le Sénat avait prévu concernant les travailleurs qui seraient électeurs dans les deux secteurs d’activité, car sa mise en œuvre se serait écartée du droit commun applicable aux salariés et aurait pu engendrer des freins opérationnels à l’organisation des premières élections.
À l’article 2, le Sénat s’était efforcé d’opérer un tri afin de restreindre l’habilitation à prendre une nouvelle ordonnance aux dispositions apparaissant comme les plus urgentes ou techniques. Il avait notamment supprimé tous les éléments de l’habilitation concernant l’organisation d’un dialogue social au niveau de chaque plateforme, considérant que les principaux enjeux en matière de régulation de l’économie des plateformes se situaient au niveau sectoriel et que la mise en place d’un dialogue social de plateforme interviendrait éventuellement dans un second temps.
Ces modifications ont été maintenues dans le texte de la CMP, ce qui représente, de mon point de vue, une garantie importante.
Le Sénat avait, en conséquence, fixé la durée de l’habilitation à six mois, le délai de douze mois prévu par l’Assemblée nationale nous ayant paru excessif pour la mise en place du seul dialogue social de secteur. Sur ce point, la CMP a adopté une position intermédiaire, en fixant à neuf mois le délai pour prendre les ordonnances.
Le Sénat avait par ailleurs supprimé les alinéas visant à confier à l’ARPE, d’une part, un rôle de médiation entre plateformes et travailleurs, et, d’autre part, un rôle d’expertise, d’analyse et de proposition concernant l’activité des plateformes et de leurs travailleurs. Le texte de la CMP réintègre ces alinéas en tenant compte des réserves du Sénat : le rôle de médiation de l’ARPE ne concernera ainsi que les relations entre les représentants des travailleurs et les plateformes, et son rôle d’expertise s’exercera dans le cadre de sa mission de régulation du dialogue social.
Enfin, le Sénat avait souhaité inscrire directement dans le projet de loi les règles concernant les thèmes et la périodicité de la négociation obligatoire sectorielle. Il avait ainsi précisé à l’article 3, en lieu et place de l’habilitation de l’article 2, que les organisations représentatives au niveau d’un secteur devraient obligatoirement négocier, selon une périodicité fixée par accord collectif et au moins tous les quatre ans, sur trois thèmes structurants communs aux deux secteurs : la fixation du prix des prestations, le développement des compétences professionnelles et la prévention des risques professionnels.
Il n’a pas été possible d’aboutir à une rédaction commune de ces dispositions, en raison notamment des incertitudes qui demeurent sur leur compatibilité avec le droit européen de la concurrence. La CMP les a donc rétablies à l’article 2 sous la forme d’une habilitation, dont le champ a été précisé : il est clairement inscrit que les thèmes de négociation doivent notamment inclure les trois thèmes identifiés par le Sénat. L’article 3 a, en cohérence, été supprimé.
Au total, malgré sa forme contestable et les incertitudes qui demeurent, notamment du fait du lancement d’un chantier législatif au niveau européen, le texte ouvre une voie de régulation prometteuse pour les secteurs concernés afin d’améliorer les protections, aujourd’hui insuffisantes, dont bénéficient les travailleurs indépendants, et ce sans compromettre les bénéfices économiques offerts par le développement des plateformes.
Mes chers collègues, je vous invite donc aujourd’hui, au nom de la commission mixte paritaire, à adopter ce projet de loi.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur Frédérique Puissat, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi « Travailleurs des plateformes ».
Le 5 janvier dernier, cette commission aboutissait à un accord sur ce texte, après une première lecture à l’Assemblée nationale, en septembre, et au Sénat, en novembre.
Je tiens à remercier particulièrement les membres de la CMP des deux assemblées. Ce travail collectif a permis d’aboutir à un texte ambitieux et équilibré, qui, conformément à l’engagement du Gouvernement, fournit un socle de droits nouveaux aux travailleurs des plateformes. C’était, en quelque sorte, votre conclusion, madame le rapporteur.
Ce texte repose sur une conviction : la négociation collective est la meilleure méthode pour bâtir une protection sociale adaptée aux travailleurs des plateformes.
Je rappelle que le premier objectif de ce projet de loi est de ratifier l’ordonnance du 21 avril dernier, consistant à faire émerger un dialogue social dans le secteur des plateformes de mobilité. Cette ratification est une première pierre posée en vue de la construction d’une véritable démocratie sociale dans le secteur, ce dont nous pouvons nous réjouir collectivement. Avec elle, nous voulons accompagner le développement des plateformes de mise en relation, tout en veillant à mieux protéger leurs travailleurs.
L’enjeu est de proposer les conditions d’un dialogue social structuré entre les plateformes et les travailleurs qui y recourent, afin de construire des droits nouveaux – rémunération minimale, formation professionnelle, santé au travail, un sujet qui m’est cher –, tout en respectant l’indépendance à laquelle nombre d’entre eux sont attachés.
Il s’agit aussi d’adapter le droit du travail aux nouvelles formes d’emploi. À cet égard, ce texte s’inscrit dans la continuité d’un travail de réflexion et de concertation approfondi, mené d’abord par Jean-Yves Frouin, puis par Bruno Mettling, que je tiens tous deux à remercier.
L’ordonnance du 21 avril dernier prévoit l’organisation d’une élection nationale, permettant aux près de 100 000 travailleurs des deux secteurs d’activité concernés, c’est-à-dire les chauffeurs de VTC et les livreurs à vélo, d’élire leurs représentants.
Cette élection, qui se tiendra du 9 au 16 mai 2022, leur permettra d’accéder pour la toute première fois à une représentation syndicale. Sa réussite est au cœur des missions confiées à la nouvelle instance de facilitation du dialogue social, également prévue par cette ordonnance : l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Élisabeth Borne a d’ailleurs participé, la semaine dernière, à la mise en place de cette autorité et à son premier conseil d’administration.
Cette installation, mesdames, messieurs les sénateurs, est une première étape importante. Elle marque notre volonté de voir se déployer rapidement les dispositions du projet de loi que vous êtes appelés à voter aujourd’hui.
Au-delà de l’organisation des élections, cette jeune autorité sera chargée d’accompagner les nouveaux représentants pour la réussite des premières négociations qui seront lancées. En effet, l’ARPE a vocation à devenir un facilitateur du dialogue social, en même temps qu’un observatoire des évolutions de l’activité du secteur des plateformes.
À ce stade, je veux saluer les avancées importantes permises sur ce texte par les deux chambres parlementaires, qui ont complété utilement les missions attribuées à cette autorité. Mme le rapporteur l’a rappelé à l’instant, mais j’y reviens succinctement. Dans ce projet de loi, deux nouveaux rôles lui ont ainsi été confiés : un rôle de reconnaissance des organisations représentatives des plateformes et un rôle de médiation en cas de différends entre les plateformes et les représentants des travailleurs.
L’enrichissement de ses missions permettra à l’ARPE d’accroître rapidement sa crédibilité et de gagner en efficacité.
Par ailleurs, le travail de la commission mixte paritaire a permis de préciser et de mieux définir les rôles d’expertise et de médiation dévolus à ce nouvel établissement public administratif, de sorte qu’il pourra prendre rapidement la mesure de son portefeuille et monter pleinement en puissance.
Au-delà de ces avancées, ce texte ouvre la voie à de nouveaux travaux législatifs, qui permettront de finaliser les modalités du futur dialogue social dans ce secteur.
C’est tout le sens de l’article 2, qui vous demande d’habiliter le Gouvernement à approfondir, par voie d’ordonnance, le cadre de la négociation collective entre les représentants des plateformes et de leurs travailleurs. Le recours à cette procédure répond à un impératif d’efficacité, qui rend nécessaire de finaliser le cadre de ce dialogue social avant la tenue des élections professionnelles au mois de mai, pour donner de la visibilité aux travailleurs des plateformes.
Je veux, à ce sujet, saluer le compromis obtenu quant à la définition des thèmes qui seront ouverts à la négociation collective. En faisant le choix de renvoyer cette liste de thèmes à la future ordonnance, l’Assemblée nationale et le Sénat démontrent, une fois encore, que leur travail de coconstruction est essentiel pour aboutir à des dispositifs équilibrés et utiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, ce texte de compromis pose les jalons d’un dialogue social dans le secteur des plateformes de mobilité. Nous pouvons en être fiers.
Nous sommes convaincus que cette méthode permettra de bâtir des protections nouvelles, répondant du mieux possible aux aspirations de près de 100 000 travailleurs indépendants.
Aussi, dans cet esprit de consensus qui nous a animés tout au long des débats, je vous invite à suivre les conclusions de la commission mixte paritaire et à voter très largement ce projet de loi, comme vous le demande Mme le rapporteur, pour renforcer les droits réels des travailleurs des plateformes.
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes
Article 1er
I. – L’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation est ratifiée.
II. – Le titre IV du livre III de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° et 2° (Supprimés)
3° Au deuxième alinéa de l’article L. 7345-1, les mots : « des relations sociales » sont remplacés par les mots : « du dialogue social » ;
4° Au deuxième alinéa de l’article L. 7345-2, les mots : « un député et un sénateur, » sont supprimés.
Article 2
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin :
1° De compléter les règles organisant le dialogue social de secteur, défini à l’article L. 7343-1 du code du travail, entre les plateformes mentionnées à l’article L. 7342-1 du même code et les travailleurs indépendants qui y recourent pour leur activité, en définissant :
a) Les modalités de représentation de ces plateformes ;
b) L’objet et le contenu des accords de secteur, notamment leur champ d’application, leur forme et leur durée, ainsi que les thèmes et la périodicité de la négociation obligatoire. Ces thèmes incluent notamment les modalités de détermination des revenus des travailleurs, les modalités du développement des compétences professionnelles et de la sécurisation des parcours professionnels des travailleurs ainsi que les mesures visant à améliorer les conditions de travail et à prévenir les risques professionnels auxquels les travailleurs peuvent être exposés en raison de leur activité ;
c) Les conditions de négociation, de conclusion et de validité des accords de secteur ;
d) L’articulation des accords de secteur avec les dispositions légales et réglementaires, les contrats conclus entre travailleurs indépendants et plateformes et les chartes établies en application de l’article L. 7342-9 dudit code ;
e) Les conditions d’application des accords de secteur ainsi que les modalités d’information des travailleurs indépendants sur ces accords ;
f) Les conditions dans lesquelles les accords de secteur peuvent être rendus obligatoires, par le biais d’une homologation décidée par l’État, pour toutes les plateformes et tous les travailleurs indépendants compris dans leur champ d’application ;
g) Les conditions dans lesquelles les organisations représentatives des travailleurs de plateformes et des plateformes au niveau des secteurs mentionnés à l’article L. 7343-1 du même code peuvent recourir à une expertise portant sur les éléments nécessaires à la négociation des accords de secteur et qui peut être d’ordre économique, financier, social, environnemental ou technologique ;
2° (Supprimé)
3° De compléter les missions de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi mentionnée à l’article L. 7345-1 du même code, afin de lui permettre :
a) De fixer, au nom de l’État, la liste des organisations représentatives des plateformes au niveau des secteurs définis à l’article L. 7343-1 du même code ;
b) D’homologuer, au nom de l’État, les accords de secteur ;
c) D’exercer un rôle de médiation entre les plateformes et les représentants des travailleurs indépendants ;
d) D’exercer un rôle d’expertise, d’analyse et de proposition concernant l’activité des plateformes et de leurs travailleurs dans le cadre de sa mission de régulation du dialogue social ;
4° De compléter les obligations incombant aux plateformes mentionnées à l’article L. 1326-1 du code des transports à l’égard des travailleurs indépendants qui y recourent, afin de renforcer l’autonomie de ces derniers dans l’exercice de leur activité :
a) En améliorant les modalités selon lesquelles ils sont informés sur les propositions de prestation, notamment en ce qui concerne la destination, et peuvent y souscrire, notamment en disposant d’un délai raisonnable pour se prononcer sur ces propositions ;
b) En leur garantissant une marge d’autonomie pour déterminer les modalités de réalisation des prestations, notamment en ce qui concerne l’itinéraire, et les moyens mis en œuvre à cet effet, tels que le matériel utilisé.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Article 3
(Supprimé)
Mme la présidente. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre droit doit s’adapter en permanence aux évolutions d’un monde économique qui se transforme. Ainsi, le sujet de la protection des travailleurs liés à des plateformes numériques est devenu la préoccupation du législateur, conduisant notre Haute Assemblée à approfondir sa réflexion par la rédaction de plusieurs rapports.
En effet, si la mise en relation de travailleurs, de plateformes et de consommateurs crée de nouveaux services et des opportunités d’emplois, elle vient bouleverser les règles sociales habituellement attachées à l’exercice d’une profession salariée ou indépendante.
Cela est particulièrement vrai dans les deux secteurs de la conduite de VTC et de la livraison de marchandises en véhicule à deux ou trois roues, les travailleurs en relation avec des plateformes y étant exposés à des risques particuliers et à une certaine précarité. De plus, l’asymétrie des pouvoirs dans l’organisation des activités impose une vigilance particulière.
Le présent texte est particulièrement important, car il privilégie la voie du dialogue social pour assurer la protection des travailleurs des deux secteurs, au-delà de la question de leur statut juridique, qui semble, elle, devoir évoluer au niveau européen, comme l’a souligné notre rapporteur.
Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord avec les députés, lors d’une commission mixte paritaire conclusive à laquelle j’ai participé.
En mai 2020, dans le cadre de leur rapport sénatorial, nos collègues Frédérique Puissat, Catherine Fournier et Michel Forissier recommandaient, comme je l’avais souligné en première lecture, le développement de ce dialogue social au travers d’une meilleure représentation des travailleurs et des plateformes.
Ils prévoyaient par ailleurs des thèmes de négociation obligatoires, tels que la détermination des revenus des travailleurs, le développement de leurs compétences, la prévention des risques professionnels, qui présentent une importance particulière.
Notre rapporteur, Frédérique Puissat, a obtenu en CMP un accord des députés pour une nouvelle rédaction imposant le maintien de ces trois thèmes identifiés par le Sénat dans la négociation obligatoire au niveau des deux secteurs. C’est à cette condition que le Sénat a pu accepter l’habilitation donnée au Gouvernement pour fixer par ordonnance la définition des thèmes débattus et la périodicité de la négociation.
J’en profite pour saluer le travail de notre rapporteur, dont les connaissances et le sens de l’écoute ont été fort utiles pour améliorer ce texte.
En vertu de la rédaction proposée par le Sénat, l’habilitation porte sur l’organisation du dialogue social au niveau de chaque secteur, et non au niveau de chaque plateforme, ce qui aurait été prématuré et pourra être mis en place ultérieurement.
Notre Haute Assemblée a également mieux encadré les missions de l’ARPE, autorité créée pour organiser les élections professionnelles et accompagner le dialogue social. Nous avons souhaité recentrer son rôle sur la régulation de ce dialogue entre travailleurs et plateformes plutôt que sur la régulation de leurs relations sociales. La CMP a également suivi nos propositions en encadrant les pouvoirs de médiation de l’ARPE, ainsi que ses activités d’expertise.
Enfin, comme nous souhaitions éviter toute perte de temps dans l’organisation du dialogue social de ce secteur, nous avons retenu un délai de neuf mois pour la durée d’habilitation, délai plus avantageux que les douze mois initialement prévus par les députés, mais moins exigeant que les six mois que nous avions prévus en première lecture. Rappelons que le Gouvernement disposait de dix-huit mois dans le texte initial.
Ainsi le présent texte a-t-il été particulièrement enrichi par nos travaux.
L’étape fondamentale franchie aujourd’hui repose sur le poids donné à la négociation collective. Nous souhaitons que cette voie de régulation soit féconde, et qu’elle puisse par la suite être une source d’inspiration pour d’autres pays.
Aussi notre groupe votera-t-il ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la loi El Khomri, qui accordait aux travailleurs des plateformes le droit de créer une organisation syndicale, une loi était nécessaire pour l’organisation du dialogue social en leur sein. Était attendu, a minima, un cadre légal permettant un progrès significatif dans les conditions de travail souvent indignes de ces travailleurs, un cadre s’appuyant notamment sur le droit commun et les dispositions du code du travail.
Tel n’est pas le cas, et nous nous retrouvons, six ans plus tard, avec une proposition de cadre normatif du dialogue social qui n’est pas susceptible de favoriser la création de droits sociaux réellement protecteurs.
Après la promulgation de ce texte, les travailleurs des plateformes n’auront toujours pas de salaire minimum garanti, toujours pas de protection contre les licenciements par déconnexion de la plateforme, toujours pas d’encadrement de la durée maximale de travail, toujours pas de congés ni de jours de repos sanctuarisés et rémunérés.
Le texte sur lequel le Sénat et l’Assemblée nationale se sont accordés propose une légère compensation de ces manques à l’article 2, lequel dispose que le dialogue social mené avec les plateformes devra comprendre la fixation du prix des prestations, le développement des compétences professionnelles et la prévention des risques professionnels. Cependant, en renvoyant ces droits sociaux à la négociation collective, nous autorisons la création d’un droit du travail différencié, qui a toutes les chances de se montrer moins disant, car rien n’est fait par ailleurs pour corriger les inégalités nées du rapport de force entre les plateformes et les travailleurs.
Le dialogue social ne peut améliorer la situation des travailleurs d’une branche, quelle qu’elle soit, que si la puissance publique impose une base de négociation protectrice, en l’occurrence celle proposée par le code du travail, dont une des fonctions est de rééquilibrer le rapport de subordination entre l’employeur et les travailleurs.
Ce lien de subordination a été reconnu par plus d’une centaine de décisions de justice en Europe. Après une résolution du Parlement européen allant dans ce sens, la Commission européenne a présenté en décembre dernier une directive sur la présomption de salariat pour tous les travailleurs des plateformes. La Commission considère précisément que c’est le statut erroné d’indépendant qui empêche ces travailleurs de jouir des droits sociaux auxquels ils devraient sans cela avoir droit : salaire minimum, réglementation du temps de travail, protection sociale.
C’est donc le statut et le renvoi aux droits sociaux qui lui sont attachés qui protège les travailleurs, et non une prétendue autorégulation du dialogue social de parties placées dans des situations inégales, bien souvent synonyme de régression sociale.
Dans la documentation qui accompagnait son introduction en Bourse en 2019, Uber écrivait, page 30 : « Étant donné que nous prévoyons de réduire les incitations monétaires des conducteurs afin d’améliorer nos performances financières, nous nous attendons à ce que leur insatisfaction augmente ». La plateforme reconnaît ainsi cyniquement que la régulation des tarifs, qui échappe aux travailleurs, est susceptible de provoquer des insatisfactions liées à une baisse des rémunérations, mais que cela ne doit pas freiner de telles évolutions, la satisfaction des actionnaires étant prioritaire.
De fait, si Uber insiste tant sur l’indépendance de ses chauffeurs, c’est que leur requalification en salariés représenterait un surcoût significatif de l’ordre de 20 % à 30 %. La préservation des profits de cette firme tient donc entièrement sur la promesse mensongère de l’autonomie des travailleurs, renforcée par ce texte.
En effet, à l’Assemblée nationale, la rapporteure a précisé dans son rapport que l’objectif des dispositions, maintenues aux alinéas 16 et suivants de l’article 2 du texte de la CMP, était de « réduire le faisceau d’indices susceptibles de révéler l’existence d’un lien de subordination, tel que celui-ci est défini par la jurisprudence […], de telle sorte que “les risques de requalification de leur contrat commercial en contrat de travail” soient limités ».
Le but est donc de sécuriser les plateformes plus que de protéger les travailleurs. Au contraire, la demande de requalification sera rendue plus difficile encore.
Avec un dialogue social sans droits sociaux, nous maintenons près de 200 000 travailleurs en dehors de tout cadre légal, qui leur permettrait de se défendre équitablement face au management algorithmique, et nous privons la sécurité sociale d’importantes ressources.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire chargé de la santé au travail et des retraites – au passage, pour les travailleurs des plateformes, la retraite, c’est zéro ! –, mes chers collègues, voici donc un dialogue social vidé de sa substance. Pour un autre avenir en faveur des travailleurs des plateformes numériques, plusieurs groupes politiques, dont le CRCE, ont, en plusieurs occasions, proposé des mesures concrètes, des mesures jamais votées par le Sénat.
Qu’avons-nous eu en retour de la part du Gouvernement depuis cinq ans ? Des textes d’une inefficacité navrante, et ce projet de loi n’y change rien. Bien plus grave, il vient consacrer la valeur travail comme une valeur malléable en fonction des modèles économiques, quelle que soit leur rentabilité. Elle serait aménageable selon la qualité des travailleurs, qualifiés ou non, ou selon la qualité estimée des prestations effectuées.
On aurait un statut d’indépendant qui serait différent selon que vous êtes travailleur économiquement dépendant de plateforme ou que vous êtes travailleur indépendant choisi. Le premier se verrait privé d’autonomie et serait corvéable à merci quand le second pourrait négocier librement ses prix et les caractéristiques de sa prestation.
Quelle contradiction !
Mes chers collègues de la partie droite de l’hémicycle ont voté à l’unanimité le rapport d’information sur l’« ubérisation » de la société, alertés par le risque de « plateformisation » de la société par les secteurs traditionnels ou les fonctions libérales. Seulement, au moment de réguler les plateformes numériques de travail, ils se sont retrouvés embarrassés devant l’avantage et le confort qu’il y a à trouver une petite main plus vite et pour moins cher.
Pour que le rouage de la servitude continue de tourner, il faut donc que le Gouvernement préserve le contrôle des plateformes de travail sur leurs travailleurs, tout en se dégageant d’une quelconque responsabilité.
Lors de l’adoption de ce texte en première lecture dans cet hémicycle, nous avions, à l’article 3, contraint chaque secteur à négocier certains thèmes, dont la fixation des prix. Pourquoi cela a-t-il disparu de la version finale ? No « explication » !
Le Président de la République a pourtant annoncé au Parlement européen que la création d’un SMIC européen était une priorité. Pourquoi alors refuser qu’une rémunération minimale soit l’objet du dialogue ? Si des indépendants peuvent normalement négocier leurs prix, on consacre ici le fait que tel n’est pas le cas pour ceux des plateformes. On officialise ainsi l’indépendance contrainte et l’autonomie à deux vitesses.
À l’alinéa 4 de l’article 2, il y a, parmi les thèmes de négociation obligatoire, « les modalités de détermination des revenus des travailleurs ». Comprenez la subtile manœuvre : c’est une chose d’imposer de se mettre d’accord sur une rémunération minimale, c’en est une autre d’imposer de discuter de la manière dont les revenus sont calculés par la plateforme. Même contradiction à l’alinéa 18 de l’article 2 : « en leur garantissant une marge d’autonomie pour déterminer les modalités de réalisation des prestations »… mais pas des prix ! Autonome, mais, quand même assujetti…
Par ailleurs, ce texte vient créer une juridiction dédiée aux plateformes. Selon l’article 2, alinéa 13, l’ARPE serait chargée « d’homologuer, au nom de l’État, les accords de secteur ». Pourquoi pas l’administration du travail ?
L’alinéa 14 lui assigne « un rôle de médiation entre les plateformes et les représentants des travailleurs indépendants ». Pourquoi pas le Médiateur des entreprises ?
Prenons le décret du 8 novembre 2021 relatif à l’organisation et au fonctionnement de l’ARPE. L’article R. 7345-10 du code du travail, qu’il crée, prévoit que le directeur général de l’autorité « autorise la rupture du contrat commercial des représentants désignés en application de l’article L. 7343-13 ». Une autorité administrative qui se prononce sur un contrat commercial… Vous êtes sûrs ?
On voit bien que cela a été pensé en dehors de toute objectivité. C’est pratique, quand on est déjà poursuivi pour travail dissimulé…
Et que dire des conditions de représentativité, d’une complexité kafkaïenne, qui feront gagner du temps aux plateformes plus qu’elles n’entraîneront l’adhésion des travailleurs ?
Enfin, il est légitime d’interroger l’opportunité de ce texte au regard de la proposition de la Commission européenne, qui, elle, porte une ambition en instaurant une présomption réfragable de relation de travail, allant ainsi dans le sens des décisions de justice européennes.
Dès lors, nous souhaitons que les travailleurs des plateformes bénéficient du même régime que les autres travailleurs, et non pas seulement d’un dialogue social façon « grand débat ». Ce texte entraîne trop d’incertitudes, en plus d’une inégalité de traitement entre travailleurs indépendants.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous aurez compris que nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Brigitte Devésa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer les membres de la commission mixte paritaire, au premier rang desquels notre collègue rapporteur Frédérique Puissat, qui ont permis à nos deux chambres de s’orienter vers un accord sur un texte visant à organiser un dialogue social entre les plateformes numériques et les travailleurs indépendants qui y ont recours.
Ces dernières années ont vu l’émergence des plateformes numériques de mise en relation, qui ont offert une activité professionnelle à de nombreux travailleurs, principalement des jeunes sans formation et éloignés de l’emploi.
Si nous pouvons nous réjouir que ce public accède ainsi à un travail, il n’en reste pas moins qu’il convient de regarder avec attention les conditions dans lesquelles ces activités professionnelles sont réalisées.
Je note que le législateur, à la faveur de plusieurs travaux d’expertise, à la suite d’initiatives parlementaires, n’a pas manqué de « flécher » certaines limites de ce type d’activités.
Pour autant, notre corpus juridique n’est pas resté sans modification durant les dernières années : je pense à la loi El Khomri de 2016 ou à la loi l’orientation des mobilités (LOM) de 2019. Notre rapporteur l’a déjà rappelé.
C’est d’ailleurs sur le fondement de l’article 48 de la LOM que le Gouvernement a pris l’ordonnance du 21 avril 2021, que nous nous apprêtons à ratifier.
Si le présent projet de loi ne présente aucune mesure législative concernant l’amélioration des conditions de travail, pas plus que sur la santé des salariés des plateformes, il permettra, avec la ratification de l’ordonnance d’avril 2021, de jeter les bases d’un dialogue social et de favoriser l’émergence de garanties collectives en faveur des travailleurs des plateformes.
Nous croyons et soutenons qu’il est toujours préférable de laisser la place au dialogue social en première intention.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Brigitte Devésa. Toutefois, nous pensons aussi qu’en cas de défaillance du dialogue, si ce dernier restait stérile, il reviendrait au législateur de prendre ses responsabilités.
Le Sénat aura, quant à lui, apporté des avancées importantes sur ce texte,…
M. Michel Savin. C’est vrai !
Mme Brigitte Devésa. … principalement avec l’instauration du principe de périodicité de la négociation au niveau de chaque secteur, même si, à titre personnel, j’aurais préféré six mois à neuf mois. Nous avons également été à l’origine de précisions cruciales, comme la redéfinition du périmètre de l’ARPE.
Nous pouvons encore une fois nous réjouir de cette recherche de consensus. Aussi, je vous appelle, mes chers collègues, à soutenir un texte qui s’inscrit dans la lignée de la loi du 8 août 2016, laquelle a inscrit le principe de la responsabilité sociale des plateformes à l’égard des travailleurs indépendants.
Avant d’en terminer, je me permettrai d’interpeller le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État.
En consultant le Parlement sur l’ordonnance hasardeuse d’avril 2021, en vous proposant simplement d’instituer un dialogue social entre travailleurs indépendants et plateformes, vous avez, contre votre volonté, réveillé l’ardent besoin de recourir au code du travail, de rétablir la place de l’État face aux géants de l’ubérisation et de croire encore aux vieux principes du rapport de force. En vous frottant à l’univers du dialogue social, vous avez élevé la température de l’ancien monde, qui, d’ailleurs, n’a jamais été autant d’actualité.
La Commission européenne proposait, en décembre dernier, la présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes. Les Pays-Bas, la Belgique, l’Angleterre et la Californie ont multiplié les arguments en faveur de la qualification de « salariat » pour ces travailleurs. Enfin, la Cour de cassation a contredit le Gouvernement dans deux arrêts.
Le choix du Gouvernement de recourir aux ordonnances vous oblige et vous condamne à passer les étapes si vous ne voulez pas que ce texte reste à l’état de calmant destiné à bercer d’illusions des milliers de faux travailleurs indépendants dans la misère. Monsieur le secrétaire d’État, force est de constater qu’en matière de régulation et de maîtrise du fait numérique les choses avancent. Le volet numérique du discours du Président de la République, la semaine dernière, devant le Parlement européen, ainsi que la taxation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) laissent à penser, et à espérer, que nous en viendrons un jour à obliger les plateformes à rendre leurs algorithmes transparents.
En présidant l’Europe, la France doit désormais se hisser à la hauteur de sa responsabilité historique en prenant ce sujet à bras-le-corps, bien qu’elle ait déjà du retard sur ses partenaires.
En tout état de cause, le groupe Union Centriste votera favorablement ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)
M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de réguler les relations sociales entre les plateformes numériques et les travailleurs indépendants.
Il est vrai que l’émergence de ces plateformes et, avec elle, l’apparition d’une nouvelle organisation du travail, nous amènent à nous interroger, notamment, sur le statut de ces travailleurs ou sur leurs droits sociaux. En somme, nous devons désormais prendre en compte le modèle économique de ces plateformes, afin de mieux protéger et de garantir suffisamment les droits des travailleurs qui y ont recours.
Le débat sur la détermination du cadre des rapports entre les plateformes numériques et les travailleurs ayant opté pour la microentreprise n’est pas nouveau. En effet, le législateur a déjà fait œuvre de régulation à plusieurs reprises, afin de rétablir un équilibre dans les relations qui lient ces travailleurs indépendants aux plateformes numériques.
Nos travaux s’inscrivent donc dans le prolongement de la loi du 8 août 2016, dite loi El Khomri, complétée par la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019. La première pose les fondements de la responsabilité sociale de ces plateformes, tandis que la seconde établit une charte déterminant les droits et les obligations des plateformes, ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elles sont en relation.
Dans la continuité de ces textes, et sans remettre en cause les statuts existants, le présent projet de loi a pour ambition de renforcer les droits des travailleurs indépendants, en permettant notamment de faire émerger des garanties collectives en faveur des travailleurs des plateformes par la voie du dialogue social.
Avant de poursuivre, il convient de rappeler que le développement de ces plateformes numériques est généralement considéré comme l’opportunité d’exercer une activité professionnelle pour de jeunes travailleurs sans formation et n’ayant parfois aucune expérience du monde du travail.
L’ubérisation croissante d’une partie de notre mode vie, qui s’est accélérée avec la crise sanitaire, nous amène à réfléchir à notre modèle social, car tout laisse à croire que ce modèle économique s’étendra probablement à d’autres secteurs d’activité. Il est donc nécessaire et urgent de fixer un cadre légal clair pour éviter toute précarisation du travail.
Il est nécessaire de construire un dialogue social entre les plateformes et les travailleurs indépendants. Je partage le point de vue de M. le secrétaire d’État sur ce sujet.
C’est pourquoi, dans son rapport de mai 2020 sur le droit social applicable aux « travailleurs indépendants économiquement dépendants », la commission des affaires sociales du Sénat avait déjà formulé des recommandations, afin de dépasser le débat sur le statut de ces travailleurs et de développer leurs droits de manière pragmatique, notamment par la voie du dialogue social.
Dans ce contexte, la commission des affaires sociales est restée fidèle à ses propositions lors de la préparation de ce projet de loi. Je tiens aussi à féliciter tous nos collègues qui ont participé à la commission mixte paritaire de la qualité du travail effectué.
L’ordonnance du 21 avril 2021, que l’article 1er du projet de loi vise à ratifier, permet aux travailleurs indépendants des plateformes de mobilité de désigner leurs représentants pour 2022.
Par ailleurs, on ne peut que saluer la création d’une Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE) : ce nouvel établissement public aura pour rôle de réguler les relations entre les deux parties.
Mes chers collègues, ces dispositions ne constituent qu’une première étape dans l’élaboration d’un cadre permettant le développement du dialogue social entre les travailleurs indépendants et les plateformes, lesquelles peuvent encore être améliorées, comme tout texte législatif. Certes, le cadre du dialogue est défini, mais certaines questions restent à régler : le salaire minimum, la protection contre les licenciements, les droits du licencié ou, enfin, la détermination de la durée maximale de travail.
En conclusion, malgré ces dernières observations, notre groupe votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain renouvelle son opposition à ce projet de loi, en particulier à son article 1er, dont l’adoption aurait pour effet d’entériner la création d’un tiers-statut pour les travailleurs des plateformes, alors même que le risque d’expansion du phénomène d’ubérisation pèse sur un nombre croissant de secteurs d’activité.
L’idée d’un tiers-statut recule dans la plupart des pays européens, à la suite de la multiplication des décisions de justice reconnaissant le lien de subordination des travailleurs de ces plateformes, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Allemagne ou encore, récemment, aux Pays-Bas.
Dans son rapport, Jean-Yves Frouin a également clairement écarté ce statut dès décembre 2020, en proposant de salarier les travailleurs des plateformes via le portage salarial ou une coopérative d’activité et d’emploi.
C’est cette seconde option que nous préconisons depuis plusieurs années, afin de sécuriser la relation juridique des travailleurs tout en leur apportant de l’autonomie – ils y sont attachés – dans l’exercice de leur activité et en développant un modèle de plateforme numérique plus vertueux, s’inscrivant dans l’économie sociale et solidaire.
La proposition de loi de notre groupe visant à lutter contre l’indépendance fictive, portée par Olivier Jacquin et dont je fus le rapporteur, prévoyait en outre des mesures adaptées et efficaces.
Elle prévoyait, premièrement, la création d’une action de groupe au profit des travailleurs de plateformes, qui permettrait de les requalifier en tant que salariés ; deuxièmement, l’instauration d’une présomption de salariat dès lors que la majeure partie du revenu est issue de l’exploitation d’un algorithme, la charge de la preuve se trouvant ainsi inversée ; troisièmement, la capacité pour les conseils de prud’hommes de se prononcer sur les demandes de requalification et d’exiger la production des algorithmes utilisés.
Je rappelle que ces solutions sont déjà mises en œuvre dans d’autres pays européens, notamment en Espagne, et qu’elles sont préconisées par le Parlement européen, ainsi que par la Commission européenne dans la proposition de directive qu’elle a présentée le 9 décembre dernier.
Cette proposition vise à garantir la bonne détermination du statut professionnel des travailleurs de plateformes par le biais d’une présomption de salariat, pour laquelle elle fixe des critères d’appréciation. Elle inverse à son tour la charge de la preuve : il reviendra à la plateforme qui contesterait le statut de salarié de prouver qu’il n’existe pas de relation de salariat.
La Commission européenne fait ainsi clairement le choix du salariat, conformément au positionnement du Parlement européen et aux revendications des syndicats, et rejette le tiers-statut.
Elle propose en outre de renforcer la transparence dans l’utilisation des algorithmes par les plateformes de travail numériques et de créer le droit pour les travailleurs de contester des décisions automatisées.
Ce projet de directive va donc dans le sens que nous défendons et non dans la direction retenue dans le présent projet de loi.
Enfin, nous sommes opposés à l’article 2 du projet de loi, qui habilite le Gouvernement à compléter par voie d’ordonnance les règles organisant le dialogue social entre les travailleurs et les plateformes à l’échelon sectoriel.
Cet article intègre une partie des dispositions de l’article 3, qui a été supprimé, en prévoyant que l’ordonnance définira les thèmes et la périodicité de la négociation obligatoire.
Parmi ces thèmes figurent les modalités de détermination des revenus des travailleurs. Le Conseil d’État estime à cet égard que ce sera d’application incertaine, l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne permettant pas à des indépendants de dialoguer entre eux concernant leur rémunération. La question de la constitutionnalité de cette disposition peut donc être posée.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi et rappelle qu’il est urgent d’améliorer la protection de ces travailleurs précaires, qui sont malheureusement de plus en plus nombreux dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge et M. Fabien Gay applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Dominique Théophile. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 5 janvier dernier est donc parvenue à un accord sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes.
Nous nous réjouissons aujourd’hui d’examiner ses conclusions, d’autant que les désaccords entre nos deux chambres étaient nombreux et que le projet de directive pour améliorer les conditions de travail des personnes travaillant via une plateforme de travail numérique, présenté par la Commission européenne le 9 décembre dernier, est venu quelque peu bousculer nos travaux.
Une fois encore, le travail des rapporteurs, que je tiens d’ailleurs à féliciter et à remercier, a fait la preuve des bienfaits d’une démarche constructive et apaisée entre nos deux assemblés.
Ce texte était attendu. Il est en effet urgent, dans la lignée de la loi relative au travail et de la loi d’orientation des mobilités, de faire évoluer le cadre juridique qui gouverne les relations professionnelles entre les plateformes et les travailleurs indépendants, en particulier dans le secteur des voitures de transport avec chauffeur et dans celui de la livraison de marchandises.
Le développement exponentiel de ces plateformes et l’augmentation du nombre de travailleurs qui y ont recours appelaient en effet une réponse rapide. Seul un dialogue social renforcé est à même d’assurer à 50 000 travailleurs les droits et la souplesse que leur statut d’indépendant leur garantit.
L’ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation qu’il nous est proposé de ratifier est une pierre de plus que nous apportons à l’édification d’un cadre protecteur pour ces nouveaux travailleurs.
Cette ordonnance crée l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, un nouvel établissement public chargé de réguler les relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants. Elle prévoit également une élection nationale, à tour unique et par vote électronique, organisée afin de permettre aux travailleurs indépendants de désigner les organisations qui les représenteront. Ce scrutin aura lieu du 9 au 16 mai prochain. C’est un premier pas historique.
À l’article 1er, la commission mixte paritaire a jugé préférable de ne pas imposer aux travailleurs qui exercent une activité de conduite de VTC et de livraison de marchandises de choisir un secteur plutôt qu’un autre pour exercer leur droit de vote. Elle a estimé que cette solution présentait le risque de complexifier l’organisation des élections.
L’accord recentre par ailleurs la mission de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi sur la régulation du dialogue social, plutôt que sur celle des relations sociales.
Nous nous félicitons également qu’ait été réintroduit et affiné dans le texte le rôle de médiation de l’ARPE entre les plateformes et les représentants des travailleurs. Cette Autorité se voit également confier une mission d’expertise, d’analyse et de proposition concernant l’activité des plateformes et des travailleurs.
Conformément à la volonté du Sénat, qui jugeait ces dispositions prématurées, la commission a supprimé à l’article 2 les éléments de l’habilitation relatifs à l’organisation d’un dialogue social à l’échelon des plateformes pour ne conserver qu’un dialogue social de secteur.
Le Sénat et l’Assemblée nationale, attachés à encadrer davantage les futures dispositions relatives au champ de la négociation collective à l’échelle des secteurs, se sont par ailleurs entendus pour que l’habilitation définisse plus précisément les thèmes et la périodicité de cette négociation, sans qu’il soit nécessaire de conserver l’article 3.
Enfin, le texte soumis à notre approbation porte de six à neuf mois la durée de l’habilitation.
Mes chers collègues, il était crucial de finaliser le cadre de ce dialogue social au début de l’année 2022, afin que les premières élections des représentants des travailleurs des plateformes puissent avoir lieu dans les meilleures conditions.
Considérant le travail accompli par nos deux chambres, mais également le fait que ce projet de loi de ratification et d’habilitation est une étape indispensable, notre groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (M. Didier Rambaud applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (M. Jean-Pierre Decool applaudit.)
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2017, le verbe « ubériser » faisait son entrée dans nos dictionnaires, avec la définition suivante : « Déstabiliser et transformer, avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles technologies ». Depuis bien des années désormais, nous pouvons observer les conséquences de l’ubérisation de notre société.
Au départ, nous avons suivi la montée en puissance des VTC et le développement des premières applications. Depuis lors, les plateformes numériques se sont saisies de la livraison dans le domaine de la restauration. Elles connaissent un essor impressionnant depuis 2020 et le début de la pandémie que nous vivons toujours.
Toutefois, les transports et la nourriture ne sont pas les seuls secteurs économiques atteints par ce que l’on appelle « la plateformisation » du travail. Tous les jours fleurissent de nouveaux services. Il est donc juste de trouver un cadre juridique et social à la hauteur des enjeux, présents et à venir.
Notre économie évolue, certes, mais tout comme le marché de l’emploi. Ce n’est pas un secret : les entreprises peinent à recruter. Dans certains secteurs, c’est même dramatique.
En première lecture, nous avons déjà évoqué l’hétérogénéité des situations face à l’emploi, la différence entre l’emploi et l’activité, mais aussi la flexibilité que proposent les plateformes numériques, laquelle sous-tend le développement de ces nouvelles pratiques. Ces opportunités économiques correspondent aux évolutions de la société et aux nouvelles habitudes de vie.
Cependant, les risques de dérives existent ; ils sont même évidents. Il est donc impératif de créer des mécanismes de protection des travailleurs qui utilisent ces plateformes, qu’ils soient indépendants ou non. Un équilibre reste à trouver.
Ce projet de loi a le mérite de nous permettre d’aborder ce sujet majeur pour notre société et de nous interroger sur la meilleure façon de protéger les travailleurs indépendants.
Ce sujet est mondial. La Commission européenne a d’ailleurs publié le 9 décembre dernier une proposition de directive pour améliorer les conditions de travail des personnes travaillant via une plateforme de travail numérique.
Des axes forts y sont défendus sur le droit du travail et la protection sociale. Deux points méritent à mon sens notre attention : le statut professionnel et la transparence sur la gestion des algorithmes. Nous surveillerons les négociations entre les institutions européennes. Il est important d’avoir un cadre européen solide.
Quand l’heure de la transposition de la directive sera venue, nous devrons être prêts à discuter de ces sujets. J’espère que, d’ici là, nous aurons mis à profit le temps de la négociation pour entamer une réflexion profonde. Il reste tant à faire pour que l’utilisation de ces plateformes soit synonyme de protection pour les travailleurs indépendants qui y ont recours.
J’en viens au texte lui-même, et je salue le travail effectué par les deux chambres du Parlement.
Bien sûr, l’amélioration proposée par le Sénat à l’article 1er, qui vise à confier à l’ARPE la mission de réguler le dialogue social entre les travailleurs indépendants et les plateformes de l’ARPE, va dans le bon sens et clarifie le texte.
À l’article 2, je me félicite que les membres de la CMP se soient entendus sur la réduction à neuf mois du délai autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances. C’est un bon compromis, qui permettra une action rapide, même si, comme beaucoup ici, je regrette le choix de légiférer par voie d’ordonnances. J’aurais préféré que nous débattions plus longuement de ce sujet. Le Parlement a tout de même précisé et encadré certaines parties de l’habilitation.
Enfin, la suppression de l’article 3 adopté au Sénat est le signe que nous devons encore approfondir notre réflexion et notre travail.
Il est important d’apporter de la flexibilité au cadre que nous souhaitons mettre en place, car il doit pouvoir s’adapter aux évolutions encore nombreuses qui vont se matérialiser. De même, il est important de protéger les travailleurs indépendants en leur permettant d’avoir un dialogue et une relation équilibrés avec les plateformes, afin qu’ils puissent défendre leurs intérêts et obtenir des garanties collectives en fonction des secteurs.
Il faut aussi permettre la flexibilité que proposent ces plateformes numériques, tout en l’encadrant sérieusement pour éviter les abus.
Le travail qu’il nous reste à accomplir est donc immense, mais les premiers jalons sont posés, cela a été dit à plusieurs reprises. Pour cette raison, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les conclusions de la CMP. (MM. Jean-Pierre Decool et Marc Laménie applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté vos remarques sur le projet de directive européenne. Le Gouvernement se félicite des avancées de la Commission européenne, qui visent elles aussi à renforcer les droits des travailleurs des plateformes, s’agissant notamment du management algorithmique, qui vient de nouveau d’être évoqué. Je vois que cette question tient à cœur à cette assemblée, comme du reste à l’Assemblée nationale.
Pour ma part, je suis convaincu que ces deux textes sont complémentaires. Ainsi, le projet de directive européenne fait place, lui aussi, à la négociation collective entre les plateformes et les travailleurs indépendants. Par ailleurs, cette directive prévoit la possibilité pour ces acteurs de conclure des accords.
Il y a donc bien une dynamique entre ces deux textes, celui que nous portons ici et celui de la Commission européenne, tous deux ayant les mêmes lignes directrices et visant à instaurer un dialogue social innovant.
Sur le fond, il est vrai que nous faisons face à des évolutions de la société – plusieurs d’entre vous l’ont dit – et à de nouvelles formes d’activités et d’emplois. Les aspirations à une forme de protection sociale sont légitimes, mais les aspirations à l’indépendance aussi. Ceux qui ont choisi cette forme d’activité souhaitent pouvoir s’organiser comme ils l’entendent.
Je pense que, avec ce texte et l’Autorité qu’il instaure, l’ARPE, nous innovons d’un point de vue social. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Tous ceux qui, aujourd’hui, ne bénéficient pas d’une protection sociale, en auront désormais une. Ils pourront prendre en mains leur destin, puisqu’ils seront représentés dans le dialogue avec les plateformes.
Pour conclure, madame la présidente, je tiens à remercier Mme le rapporteur, comme nombre d’entre vous l’ont déjà fait.
Ayant moi-même été dans une vie précédente rapporteur de l’Assemblée nationale pour des commissions mixtes paritaires, je sais quel travail cela représente de parvenir à un accord. Le travail ici a été bien fait et je vous en remercie, madame le rapporteur.
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 91 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 252 |
Contre | 91 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
8
Marché de l’assurance emprunteur
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur (proposition n° 225, texte de la commission n° 368, rapport n° 367, avis n° 362).
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de cette proposition de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévue par notre règlement.
Discussion générale
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis pour examiner la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, laquelle a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, car elle offrira à nos compatriotes un véritable gain en matière de pouvoir d’achat.
La proposition de loi, telle qu’elle a été déposée, puis enrichie à l’Assemblée nationale, répond à deux objectifs essentiels, que le Gouvernement soutient.
D’une part, elle vise à garantir un libre choix aux Français et à leur permettre de changer à tout moment d’assurance, afin qu’ils bénéficient des meilleures garanties au meilleur tarif. Aujourd’hui, seuls 12 % des assurés sont couverts par un autre assureur que celui de leur banque prêteuse. Ce taux est parlant !
D’autre part, cette proposition de loi vise à réduire les discriminations d’accès des personnes atteintes ou ayant été atteintes d’une maladie de longue durée. C’est une question de justice sociale au regard des enjeux d’accès à la propriété.
Le marché de l’assurance emprunteur compte entre 20 millions et 25 millions de contrats actifs. Au cours de la dernière décennie, le législateur s’est penché à plusieurs reprises sur le sujet, afin que l’assurance emprunteur protège les assurés à un coût compétitif.
Les réformes qui se sont succédé depuis 2010 ont permis des avancées significatives. Le marché de l’assurance emprunteur pour le crédit immobilier s’est progressivement ouvert à la concurrence.
Je rappelle que, avant 2010, chacun devait adhérer au contrat de groupe qui pouvait lui être imposé par sa banque. Les emprunteurs ont depuis lors la possibilité de retenir l’assureur de leur choix, et ce choix n’est plus irrévocable. De plus, la possibilité de résilier son contrat est possible à tout moment jusqu’à douze mois après la signature de l’offre de prêt, puis à chaque échéance annuelle.
Ces réformes ont facilité le changement d’emprunteur et ont déjà offert des bénéfices substantiels aux consommateurs. Un bilan des précédentes réformes met en évidence un renforcement de la concurrence et ainsi une baisse de la tarification des contrats d’assurance emprunteur pour le plus grand nombre. Les chiffres sont là aussi éloquents : le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) fait état d’une baisse tarifaire de 20 % à 41 % pour tous les assurés depuis 2010.
Nous ne pouvons que nous en féliciter. Nous devons toutefois améliorer encore le dynamisme de ce marché et la protection du consommateur, au bénéfice de tous.
De nombreux acteurs, dont les associations de consommateurs, se font l’écho de difficultés concrètes rencontrées par nos concitoyens pour substituer le contrat proposé par la banque par un contrat alternatif, au travers d’une délégation d’assurance.
La possibilité de changer à tout moment son contrat d’assurance, qui, je le rappelle, fut soutenue par tous à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans le prolongement de réformes précédentes et constitue l’aboutissement cohérent d’une tendance de fond, poursuivie indépendamment des majorités.
Lors des dernières discussions, le Gouvernement avait rappelé la nécessité de traiter le sujet de la résiliation infra-annuelle de manière consensuelle au sein du CCSF, et je regrette qu’aucun consensus de place n’ait émergé.
Cette proposition de loi vient à point nommé. Elle est juste et protectrice du pouvoir d’achat des Français, un sujet qui est à l’ordre du jour. Comme nous l’avons fait dans d’autres domaines, nous entendons être au rendez-vous des attentes.
Le Gouvernement soutient donc les mesures permettant de rendre le dispositif de résiliation pleinement opérationnel : la transparence des décisions de refus de substitution d’assurance, la meilleure information des assurés, l’introduction d’un délai de production de l’avenant au contrat de crédit lors d’une substitution d’assurance, ou encore le renforcement des sanctions administratives à l’encontre des prêteurs et des assureurs aux pratiques dilatoires. Tout cela permettra de rapprocher le régime de ce type d’assurance de celui qui régit les autres contrats, comme les assurances auto et habitation, ou les complémentaires de santé.
J’évoquais le pouvoir d’achat ; pour un primo-accédant ayant emprunté, en moyenne, 234 000 euros à l’âge de 35 ans sur vingt-cinq ans, une telle mesure pourrait faire économiser sur la durée de son prêt entre 3 500 et 4 000 euros. Ce n’est pas rien.
Veillons à ce que cette mesure profite au plus grand nombre, sans porter atteinte aux mécanismes de mutualisation et de solidarité existant, au soutien des assurés les plus fragiles.
Le Gouvernement veille enfin, tout particulièrement, à l’effectivité de ces réformes menées au bénéfice de nos concitoyens. Il sera nécessaire de prévoir un bilan de la mise en œuvre de la résiliation infra-annuelle, par exemple un an ou deux ans après l’entrée en vigueur de la mesure.
J’ai naturellement examiné de près les travaux de la commission et je m’interroge : pourquoi avoir vidé de sa substance cette avancée ? En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez supprimé la possibilité de changer à tout moment de contrat d’assurance, alors même que vos collègues députés du groupe Les Républicains y étaient favorables.
M. Jean-François Husson. Il arrive aussi au Gouvernement de changer d’avis !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Un certain nombre de candidats à l’élection primaire des Républicains portaient d’ailleurs cette mesure de bon sens, qui ne coûtera pas un seul euro à l’État.
M. Jean-François Husson. Respectez la démocratie représentative, monsieur le ministre !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. On crée du pouvoir d’achat et on ne crame même pas la caisse ! (Sourires sur les travées du groupe RDPI.) Ce n’est donc que du bénéfice.
Nous revendiquons d’ailleurs d’avoir…
M. Jean-François Husson. Cramé la caisse ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. … investi intelligemment, pour soutenir les emplois dans ce secteur affecté par la crise pandémique.
M. Jean-François Husson. C’est cela !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. On s’éloigne de la proposition de loi…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. La question est donc, non pas de savoir quel bord politique l’emporte dans ces débats, mais bien de faire en sorte que les consommateurs soient gagnants.
L’accession à la propriété représente beaucoup pour nos concitoyens ; elle est souvent l’objectif d’une vie et elle repose essentiellement sur le crédit immobilier, lequel est conditionné à la souscription d’une assurance emprunteur, qui elle-même peut parfois représenter parfois jusqu’à 30 % du coût total du crédit. C’est pourquoi il nous semble important de maintenir la rédaction initiale de la proposition de loi sur ce premier volet.
Le second pilier du texte est aussi très important. Il s’agit de permettre aux personnes en situation de risque aggravé de santé en raison d’une maladie ou d’un handicap de continuer à avoir accès à l’assurance emprunteur, donc à la propriété.
Je remercie, à ce titre, les parties prenantes de la convention Aeras (S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé). Cette convention, signée par les pouvoirs publics, les fédérations professionnelles de la banque, de l’assurance et de la mutualité et les associations de malades et de consommateurs, a pour objet d’élargir l’accès à l’assurance et à l’emprunt des personnes ayant ou ayant eu un problème de santé.
Leurs travaux ont permis de grandes avancées en 1991, en 2001, en 2007, en 2015, puis en 2016. Les dispositifs ont été régulièrement adaptés. Ainsi, le droit à l’oubli a été gravé dans le marbre en 2016, à l’occasion de la loi de modernisation de notre système de santé. La grille de référence Aeras offre également des possibilités plus larges d’accéder à l’assurance de prêts.
Ce cadre conventionnel est essentiel pour favoriser l’accès à l’assurance des plus fragiles, afin que les candidats à l’emprunt ne subissent pas une double peine, avec des refus, des exclusions de garanties et des surprimes importantes pour raisons de santé.
Il repose non sur l’occultation des situations personnelles, mais sur l’encadrement des pratiques à l’égard des plus fragiles. C’est le seul moyen efficace de garantir que les assureurs continuent d’assurer les plus fragiles dans des conditions raisonnables.
À l’inverse, supprimer le questionnaire, comme cela a été proposé à la majorité par la commission, risquerait d’entraîner, nous semble-t-il, un renchérissement massif des tarifs…
M. Jean-François Husson. Pas du tout !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. … et une suppression de la concurrence, car plus aucun assureur alternatif n’aurait de connaissance de ses assurés.
Méfions-nous des solutions de facilité qui sont séduisantes à première vue, mais qui sont susceptibles d’emporter l’effet inverse de celui que l’on recherche.
Nous avons opté depuis trente ans, toutes majorités confondues, pour un modèle qui repose sur la protection des plus vulnérables, en encadrant les pratiques et en intégrant tous les acteurs – banques, assureurs, associations – dans une convention de place. La collégialité des décisions relatives à l’évolution de la grille de référence Aeras et au dispositif du droit à l’oubli est indispensable. Ce modèle est d’ailleurs copié en Europe par d’autres États, que la France a inspirés.
Nous proposons aujourd’hui de renforcer encore ce régime ; la proposition de loi vise ainsi, notamment, à réduire autant que possible la durée de droit à l’oubli des anciens malades d’un cancer, qui est aujourd’hui de dix ans, et à augmenter le montant du plafond jusqu’auquel les modalités d’assurance des personnes malades sont encadrées, pour mieux les protéger. Nous visons ainsi 500 000 euros, au lieu de 320 000 euros aujourd’hui.
Vous l’avez compris, le Gouvernement soutient donc un retour à la résiliation infra-annuelle, ainsi qu’à l’ancienne rédaction de l’article 7 relatif à l’accès à l’assurance des plus fragiles, le tout au bénéfice de nos concitoyens, pour lesquels l’accession à la propriété constitue un droit essentiel.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, avant de vous présenter les travaux de la commission, je souhaite démentir un certain nombre de fausses informations, qui circulent dans le débat public, mais aussi en ce moment même dans l’hémicycle, au sujet de cette proposition de loi, et qui caricaturent inutilement les positions des uns et des autres.
Nous entendons souvent, par exemple, que cette proposition de loi permettrait enfin d’ouvrir à la concurrence ce marché, comme si elle allait le faire passer de l’ombre à la lumière, comme si ce marché était aujourd’hui fermé, comme si tout ce qu’avait voté le Sénat jusqu’à présent n’avait jamais existé.
Or c’est tout à fait faux. La concurrence existe déjà sur ce marché, et elle fonctionne bien. J’en veux pour preuve les conclusions du rapport du CCSF de 2020. Tout le monde s’inspire de ce travail, adopté par consensus entre les associations de consommateurs, les assurances et les banques, mais visiblement très peu de gens l’ont lu, ou alors ils l’ont fait en portant des verres déformants.
Permettez-moi de vous en citer plusieurs extraits.
Premièrement, « la part de contrats alternatifs dans les ventes d’assurance emprunteur progresse régulièrement pour atteindre 25,5 % de la production annuelle ». En trois ans, les contrats alternatifs nés grâce à la concurrence se taillent donc déjà une part de marché de plus d’un quart du flux.
Deuxièmement, « les acteurs non bancaires de la délégation/substitution d’assurance – c’est-à-dire les assureurs alternatifs – ont connu une croissance de leur production en nombre de contrats – +46 % pour les assureurs et grossistes et +6 % pour les intermédiaires d’assurance –, à l’inverse des banques et bancassureurs, dont la production a reculé de 13 % environ ». Par conséquent, non seulement la concurrence fonctionne déjà, mais elle s’accélère !
Troisièmement, « l’un des effets majeurs des réformes et du développement de la concurrence observé sur le marché, au-delà de la multiplication des acteurs, est la baisse du prix de l’assurance emprunteur. » Au total, la baisse des tarifs a atteint 40 % depuis trois ans.
Mes chers collègues, des prix qui sont presque divisés par deux, 50 % de croissance pour les assureurs alternatifs et une part de marché d’un quart des nouveaux contrats : il me semble que nous sommes justement parvenus à instaurer une concurrence vertueuse sur ce marché, et nous pouvons en être fiers, car l’étape clé a été l’adoption de l’amendement Bourquin au Sénat.
Je souhaite d’ailleurs mettre fin, dès maintenant, à une présentation tout à fait trompeuse d’un chiffre déterminant, qui fait beaucoup parler de lui. On entend souvent dire que les bancassureurs ont conservé une part de marché de 85 %, ce qui apporterait la preuve que la concurrence ne fonctionnerait pas.
Or ce chiffre dit exactement l’inverse : les banques ont conservé 85 % du marché parce qu’elles ont baissé les tarifs sous la pression des concurrents dont nous avons permis l’entrée sur le marché ; elles ont conservé cette part de marché, car, face à cette pression, elles ont créé de nouveaux types de contrats, plus individualisés, notamment pour les profils sans risque. C’est très exactement ce que l’on attend de la concurrence.
En effet, le but de la concurrence n’est pas que tout le monde quitte Apple pour acheter chez Samsung, par exemple, mais que chacun ait le droit de le faire. Charge à Apple, ensuite, de rester attractif pour ses clients.
Le même raisonnement vaut ici. Il faut donc bien voir dans ce chiffre de 85 % la traduction concrète du succès de la concurrence. Les banques ont perdu des clients, mais elles en ont conservé d’autres, car elles n’ont eu d’autre choix que de baisser leurs tarifs.
Enfin, avant de vous présenter nos travaux, je souhaite revenir sur une autre fausse information qui circule : non, la résiliation à tout moment ne permettra pas de rendre entre 5 000 euros et 15 000 euros aux consommateurs.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Non, monsieur le ministre, elle ne permettra pas 550 millions d’euros d’économies par an. Ces chiffres sont considérablement surévalués, gonflés artificiellement pour impressionner, mais ils sont faux. Soit leurs hypothèses sous-jacentes ne sont jamais explicitées, soit il s’agit de configurations très rares.
Monsieur le ministre délégué, quels sont les vrais chiffres ? La direction générale du Trésor, qui relève du ministère de l’économie et qui soutient la proposition de loi, estime que le gain est en moyenne de 1 300 euros sur dix ans. Ce n’est pas rien, mais cela n’a strictement rien à voir avec les montants que certains martèlent dans le débat public, sans aucun fondement.
La question est la suivante : cette mesure va-t-elle entraîner des gains de pouvoir d’achat, tout en étant sans risque ? La réponse que nos deux commissions ont apportée est la suivante : tout porte à croire qu’elle n’aura quasiment pas d’effet positif, mais qu’elle comporte des risques majeurs que nous devons à tout prix éviter, car le jeu n’en vaut pas la chandelle. Je le répète, il ne faut pas croire aux économies de centaines de millions d’euros qui sont brandies pour impressionner.
Mes chers collègues, j’en conviens, la résiliation à tout moment est un concept qui a l’air séduisant, qui a l’apparence du bon sens, mais nos deux commissions, après des travaux poussés, ont constaté qu’il n’en était en réalité rien.
Nous considérons en effet que les avantages de cette mesure sont très faibles. Les assurés peuvent déjà résilier une fois par an, et les profils que cela intéresse l’ont déjà fait. Pour ceux qui ne l’ont pas fait, le problème ne réside pas dans ce délai de deux mois à respecter. Ils ne l’ont pas fait, car leur banquier leur a fait une contre-offre alléchante, car ils ne souhaitent pas le faire, ou encore, car ils ignorent qu’ils en ont le droit.
Résilier sur douze mois au lieu de deux ne va pas soudainement libérer des millions de gens : cela fait trois ans que ceux-ci ne sont plus prisonniers et que les profils sans risque qui font des économies en résiliant sont souvent des cadres, qui sont au courant de leurs droits et qui n’ont pas besoin de la loi pour savoir qu’ils peuvent partir.
Soit vous bénéficiez de la résiliation, et cette loi ne change rien pour vous ; soit vous gagnez en résiliant, et cette loi est donc inutile.
Si une mesure ne présente pas d’avantage, pourquoi ne pas tenter l’essai et la voter tout de même, me direz-vous ? Parce que, en revanche, elle comporte de sérieux risques, qui sont très inquiétants.
Les tarifs des plus de 55 ans ont déjà augmenté jusqu’à 33 % en trois ans. C’est peut-être cynique, mais c’est ainsi que cela se passe : les banques anticipent le flux et compensent leurs marges en exigeant des tarifs plus élevés sur tous ceux qui ne peuvent pas jouir de la concurrence, c’est-à-dire les profils au-delà de 45 ans ou de 50 ans, ou les publics fragiles, ou les ouvriers, les employés, etc. C’est cela qui est passé sous silence dans le débat public. Personne n’en parle, alors qu’il s’agit d’un fait majeur.
S’il n’y avait pas de concurrence sur le marché, je vous proposerais évidemment de voter la mesure, mais comme nous avons atteint un équilibre satisfaisant, qui fonctionne, il me semble qu’il ne faut surtout pas le fragiliser pour rien. Les gains sont minimes, voire inexistants, mais les risques sont certains et déjà observables.
Nous avons donc préféré conserver l’équilibre actuel et renforcer grandement les obligations d’information des prêteurs et des assureurs. Votre rédaction ne prévoit en effet aucune mesure de ce type, monsieur le ministre délégué. Quel est l’intérêt de pouvoir résilier à tout moment si vous ne le dites pas ? Nous proposons d’informer, de mettre en place un cadre bien établi pour permettre aux assurés de prendre leur décision tous les ans.
Un autre point nous pose problème. Nous n’oublions pas, monsieur le ministre, que votre gouvernement, il y a à peine un an – j’étais déjà rapporteur –, employait à l’Assemblée nationale les mêmes mots que moi pour refuser cette mesure.
M. Julien Bargeton. Nous sommes tous d’accord, alors !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Mais il y a eu un accord en commission mixte paritaire, qui a donné lieu à un vote positif !
Depuis lors, que s’est-il passé ? Le rapport du CCSF est paru, qui confirme absolument tout ce que je viens de vous dire. Pourtant, le Gouvernement a changé de position. C’est à ne plus rien y comprendre !
M. Jean-François Husson. Girouettes !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces sujets, mes chers collègues, restent de faible importance, au regard des avancées inédites que nous avons actées en commission s’agissant du questionnaire médical.
Je suis sûr que nous connaissons tous ici des personnes qui ont été frappées par la maladie et qui se sentent empêchées d’élaborer un projet de vie, car on leur refuse l’accès à la propriété, ou alors on le leur consent à des tarifs prohibitifs. Cette situation est injuste et déshumanisante, d’autant plus qu’elle frappe également les personnes guéries.
Comment, dès lors, se reconstruire et tourner la page si vous êtes constamment ramené à votre maladie, alors même que vous avez triomphé d’un combat long et douloureux ? Pourquoi exiger des surprimes pour le diabète, pour le cholestérol ou pour le VIH, alors que l’espérance de vie des personnes concernées est la même que pour les autres ? Combien de jeunes sont ainsi empêchés de mener une vie normale, d’accéder à la propriété, de se projeter dans l’avenir ?
Nous avons donc supprimé le questionnaire médical pour un grand nombre de prêts immobiliers, dans une logique de justice et d’égalité. J’ai conscience qu’il faut aller encore plus loin et je vous proposerai des amendements en ce sens dans quelques minutes, notamment pour réduire le délai du droit à l’oubli et pour augmenter le plafond de prêt.
Je tiens à le souligner, mes chers collègues, il s’agit d’une avancée inédite, historique, pour les personnes malades ou qui l’ont été ; il s’agit d’une mesure de solidarité importante, qui facilitera la vie de millions de nos concitoyens et qui renforcera la cohésion et le vivre ensemble dans ce pays. Enfin, je remercie notre ancien collègue Laurent Béteille, qui m’a beaucoup aidé dans ces travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis de cette proposition de loi. J’ai conduit mes travaux en plein accord avec Daniel Gremillet, rapporteur au fond, et nos deux commissions ont adopté des amendements identiques, qui sont désormais intégrés au texte que nous examinons aujourd’hui.
Les éléments de la proposition de loi ont déjà été exposés par le rapporteur au fond. Pour ma part, je suis parti du principe selon lequel un système d’assurance a vocation à permettre une solidarité entre assurés et ne doit pas oublier les plus fragiles au profit exclusif de ce que les assureurs appellent les « bons risques ».
C’est pourquoi nous avons proposé une mesure ambitieuse : la suppression du questionnaire médical, afin de permettre aux profils les plus risqués d’accéder à la propriété sans devoir attendre des années pour bénéficier du droit à l’oubli.
Le Gouvernement s’oppose, étrangement, à cette suppression, pour des raisons difficiles à comprendre. Le questionnaire de santé conduit, en effet, à appliquer des surprimes, qui n’ont parfois plus de lien avec le risque réel sur l’espérance de vie, compte tenu des progrès médicaux.
Dans le dispositif que nous proposons, les prêts concernés seraient remboursés au plus tard à 65 ans, c’est-à-dire à un âge où le risque de décès ou d’invalidité reste encore limité, puisque l’on a encore une vingtaine d’années d’espérance de vie. Les assureurs seront donc toujours en mesure de répartir les risques entre les assurés. Le montant des primes pourra être déterminé par d’autres critères que le questionnaire de santé, tels que l’âge, la profession, le montant emprunté ou la localisation du bien acquis.
En outre, les données médicales manquent souvent pour donner un fondement objectif aux surprimes. Pour les emprunteurs porteurs du VIH, la surprime appliquée à la garantie décès peut s’élever jusqu’à 100 %, alors que leur espérance de vie est désormais semblable à celle des personnes non porteuses.
Au total, le questionnaire médical s’apparente à un révélateur de risques très perfectible. Il est donc naturel de le supprimer pour la plupart des emprunteurs. Peut-être le montant maximal de 200 000 euros ou le seuil d’âge de 65 ans doivent-ils être discutés ; nous le ferons.
Nous devons en débattre, de manière que le Sénat, une nouvelle fois, fasse progresser le système de l’assurance emprunteur au bénéfice de tous, de manière plus volontariste que la simple incitation à négocier qui figurait dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.
L’autre nécessité est de faciliter l’exercice du droit de résiliation. Disons-le encore, ce droit existe, et la concurrence est déjà réelle sur le marché de l’assurance emprunteur. Un quart des contrats d’assurance emprunteur sont aujourd’hui des contrats alternatifs, grâce aux évolutions législatives survenues depuis dix ans.
Le prix de l’assurance emprunteur a baissé pour toutes les catégories, selon le CCSF, sauf, semble-t-il, pour les plus de 55 ans. Ce dernier point doit nous alerter, car, quoi qu’en disent certains acteurs, il existe un vrai danger qu’une généralisation des contrats alternatifs ne conduise à une moindre mutualisation des risques entre assurés.
Avec la résiliation à tout moment, on peut craindre que « la péréquation entre “bons risques” et “mauvais risques”, mécanisme naturel dans une assurance, ne se [fasse] plus » : je cite ici les propos du Gouvernement, représenté par Mme Agnès Pannier-Runacher devant l’Assemblée nationale, le 2 octobre 2020. La position prise aujourd’hui par le Gouvernement me laisse donc perplexe.
Je me permets d’ailleurs de relever le malaise que nous avons perçu lors des auditions de votre administration, monsieur le ministre, à propos d’un texte sans doute vite rédigé, peut-être bâclé. Ce malaise était partagé également par la fédération France Assureurs, laquelle semble déchirée sur ce sujet, qui n’est pas aussi simple qu’on semble le dire.
La concurrence est d’ores et déjà ouverte pour les bons profils, qui peuvent l’exercer tous les ans, c’est-à-dire très souvent à l’échelle d’un prêt immobilier de vingt ou vingt-cinq ans. Nous devons nous préoccuper des plus fragiles.
Je crains aussi que la résiliation à tout moment n’aboutisse à une multiplication des actions de démarchage, alors même que les démarcheurs en assurance ne suivent pas toujours les bonnes pratiques, comme le rappelle un rapport récent du CCSF. Souhaitons-nous que les Français soient démarchés et harcelés ? Je n’en suis pas certain.
Nous avons donc proposé de revenir au compromis de la loi ASAP, c’est-à-dire d’accélération et de simplification de l’action publique, compromis voté par les deux assemblées. La date de résiliation sera parfaitement claire et connue des emprunteurs, car ceux-ci seront informés chaque année de leur droit de résiliation, comme l’a prévu la commission des affaires économiques.
Le texte de la proposition de loi, tel qu’il a été enrichi par l’examen en commission, permettra ainsi de réduire très fortement les risques de manœuvres dilatoires de la part des prêteurs.
Nous avons l’occasion de supprimer les injustices dont certains font l’objet en fonction de leur état de santé et de préserver un bon niveau de mutualisation. Nous sommes contre la dérégulation, monsieur le ministre, et nous sommes favorables à la mutualisation. Tel est mon état d’esprit et la position qui a été prise par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Demande de réserve
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ordre d’examen des amendements déposés sur cette proposition de loi a pour conséquence de nous contraindre à examiner les amendements visant à modifier l’intitulé du titre Ier avant ceux qui tendent à en modifier le contenu.
Si cela peut se comprendre d’un point de vue chronologique, la clarté des débats gagnerait à ce que nous débattions d’abord des amendements déposés sur les articles, que nous les votions et que nous passions ensuite aux amendements visant à modifier l’intitulé du titre.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques sollicite la réserve de l’examen des amendements nos 14, 25 rectifié et 32 après le vote des amendements portant sur l’article 6 et avant la discussion du titre II de la proposition de loi.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen des amendements nos 14, 25 rectifié et 32 après l’article 6.
Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la réserve est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur. Ce sujet a été maintes fois abordé ces dernières années, certes, mais il est important pour le pouvoir d’achat des Français et pour tous ceux qui s’engagent dans un contrat de prêt avec une banque.
Plusieurs textes ont défendu le libre choix du consommateur et prévu des mesures pour accroître la transparence du marché : la loi de 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite Lagarde, la loi de 2014 relative à la consommation, dite Hamon, ou encore la proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur, présentée par Martial Bourquin et adoptée à l’unanimité au Sénat en 2019.
Cependant, 87,5 % des contrats d’assurance sont encore détenus par des bancassureurs. Malgré sa libéralisation formelle, le marché de l’assurance emprunteur reste donc, dans les faits, un quasi-monopole bancaire.
Le groupe écologiste soutenait l’esprit du texte initial, qui cherchait à rendre l’assurance emprunteur moins lourde pour les Français et à leur permettre d’accéder à la propriété dans de meilleures conditions, de renégocier l’assurance associée à leur emprunt ou de résilier leur contrat quand ils le souhaitaient, de manière à obtenir le taux d’assurance le plus favorable possible.
En ce sens, la disposition phare du texte initial, à l’article 1er, permettait de répondre en partie à ces problématiques, en ouvrant la possibilité de résilier sans frais et à tout moment les contrats d’assurance emprunteur pour des crédits immobiliers, et en imposant plus de transparence aux banques. Cette mesure bienvenue fut adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale.
Pourtant, les modifications adoptées en commission mettent un coup d’arrêt à ce consensus en revenant au dispositif actuel de résiliation annuelle, réduisant quasiment à néant la portée de la proposition de loi.
Sauf à répondre pleinement aux lobbies bancaires, nous ne comprenons pas cette volonté d’en rester à un statu quo, qui maintient un secteur bancaire en situation de quasi-monopole, avec 87,5 % du marché.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Non !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. C’est scandaleux !
M. Daniel Salmon. Dans le même temps, 56 % des demandes de résiliation n’aboutissent pas. La situation actuelle ne fonctionne donc pas !
Le risque mis en avant par les établissements bancaires quant au danger d’une démutualisation de l’assurance emprunteur nous paraît très largement exagéré : ces contrats sont tous extrêmement rentables, ce qui écarte de fait l’hypothèse que certains risques ne soient plus assurables avec la résiliation à tout moment.
La crainte d’une augmentation généralisée des cotisations des assurés à risques n’est pas avérée, dans la mesure où, comme le relève le rapport du CCSF de 2020, les assureurs alternatifs disposent déjà de parts de marché significativement plus importantes auprès de ces publics.
C’est pourquoi nous proposerons des amendements visant à restaurer la rédaction issue des débats à l’Assemblée nationale, afin d’obliger les banques à proposer des offres aussi compétitives que les compagnies d’assurances.
Si nous nous opposerons à cet article 1er totalement dénaturé, nous soutiendrons cependant les mesures qui tendent à renforcer globalement l’information des consommateurs et à lutter contre les manœuvres dilatoires des banques.
En ce sens, nous soutenons l’information annuelle relative au droit au changement d’assurance emprunteur. Nous proposerons également, par amendement, l’augmentation des sanctions administratives en cas de manquement aux obligations de transparence relatives au droit de résiliation.
Concernant le second volet du texte, qui tend à faciliter l’accès à l’emprunt et à l’assurance emprunteur des personnes ayant été atteintes de pathologie de longue durée, nous sommes, bien sûr, favorables à toute disposition allant vers une évolution du droit à l’oubli et vers une meilleure prise en compte des personnes atteintes de maladies graves, qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés pour trouver une assurance.
Nous souscrivons également à la suppression du questionnaire médical, décidée en commission, car ce document est insuffisamment encadré aujourd’hui. Cela facilitera l’accès à la propriété des profils considérés comme les plus risqués.
Ces quelques avancées ne sauraient toutefois offrir une réponse à la hauteur de l’enjeu que constitue une réelle dynamisation de la concurrence, qui serait profitable aux consommateurs. Il s’agit là, sans l’ombre d’un doute, de la seule forme de libéralisation économique que nous aurons soutenue durant cette mandature.
En conclusion, si les mesures initiales de ce texte devaient entraîner un transfert de revenus non négligeable des banques vers les emprunteurs et vers les assurances, et participer ainsi à la lutte contre les rentes bancaires, nous regrettons fortement, vous l’aurez compris, mes chers collègues, que le texte issu de la commission y mette un coup d’arrêt.
Nous nous abstiendrons donc sur cette proposition de loi. (M. Guillaume Gontard applaudit.)
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques, pour un rappel au règlement.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je veux, à cet instant, faire un rappel au règlement pour répondre à notre collègue qui vient de s’exprimer.
Mon cher collègue, dans cet hémicycle, nous avons tout loisir de débattre, argument contre argument, donnée contre donnée. Je ne laisserai pas dire qu’un rapporteur ou un groupe politique se laisse influencer par les lobbies.
Vous avez pu assister à l’ensemble des auditions qui ont été conduites par le rapporteur – tous les membres de la commission y avaient accès. Vos propos sont donc tout à fait inadéquats.
Je tiens à rappeler, cordialement, mais très fermement, que, dans cette assemblée, nous ne travaillons pas pour les lobbies. Vous-même, vous avancez des chiffres dont on pourrait estimer qu’ils proviennent des lobbies.
Évitons de nous lancer ce genre d’invectives à la figure : c’est contre-productif pour la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame la présidente.
Discussion générale (suite)
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte qui porte sur l’accès au marché de l’assurance emprunteur.
En somme, mes chers collègues, nous débattons pour tenter de rationaliser le capitalisme, ce qui n’est pas la tasse de thé du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, vous en conviendrez. (Sourires.) Par des pratiques dilatoires, le capitalisme refuse l’un de ses principes pourtant constitutifs, la concurrence libre et surtout non faussée.
En effet, en matière d’assurances emprunteur, les établissements bancaires s’arrogent la part du roi, soit 88 % d’un marché colossal de 7 milliards d’euros. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à s’adonner à des entraves à la concurrence par des procédés bien connus, comme le manque de clarté des documents précontractuels, des délais prévus au plus court entre la remise des documents et la signature de l’offre, une faible marge sur le crédit au profit de l’assurance pour attirer des emprunteurs ou encore des entraves à la résiliation.
Le capitalisme de marché rejette donc la notion même de concurrence, qu’il se plaît à appliquer à tous les autres dès qu’une activité lui échappe. Nous voilà donc face à un paradoxe : doit-on réintroduire du libéralisme afin de prémunir les emprunteurs des pratiques détestables auxquelles se livrent certains acteurs du secteur ? Avant de répondre, je m’autorise un petit détour historique.
L’histoire de la collectivisation des risques individuels est intrinsèquement associée au mutualisme. Elle s’est construite en s’opposant au principe d’une relation contractuelle fondée sur le « chacun paye selon ses risques ».
Au XIXe siècle, les sociétés de secours mutuels, avant tout ouvrières, se fondaient sur un lien d’association, une logique d’entraide réciproque qui allait à l’encontre de la logique d’équivalent, le donnant-donnant, propre à l’idéologie marchande. Ce lien concret se manifestait tant dans l’espace public qu’au travail ou dans la sphère privée : veillée des malades et des morts, soins aux veuves ou aux orphelins. L’assurance commerciale était alors rejetée par les milieux populaires.
Progressivement, l’entraide et les logiques mutualistes du quotidien ont cependant cédé le pas à la marchandisation et la bureaucratisation, en dissociant l’économique et le social.
Aujourd’hui, quel est le niveau de mutualisme et de collectivisation des risques en matière d’assurance emprunteur ? Il est quasiment inexistant. Il a fallu créer une convention Aeras pour forcer gentiment la main aux assureurs en tout genre, afin qu’ils mutualisent les risques ou plutôt qu’ils s’accordent sur des pratiques communes.
Ainsi, sur le millier de cas dit de troisième niveau, c’est-à-dire les personnes les plus à risques du fait de leur état de santé, les assureurs alternatifs en assument 40 %, alors qu’elles ne représentent que 12 % du marché. Les profils à risques sont donc délaissés par les établissements bancaires qui préfèrent choisir les « bons risques », tout en se délestant de ceux qui leur feraient l’affront de tomber malades ou de l’être déjà.
Nous proposerons donc un amendement visant à ce que tout individu puisse bénéficier d’un taux fixe pour les garanties décès et invalidité.
Je réponds maintenant à ma question initiale sur la libéralisation du marché pour améliorer la concurrence. Il faut en effet le libéraliser, faute de mieux, c’est-à-dire à défaut de pouvoir fixer des prix uniques, comme c’était le cas auparavant, selon des critères non intrusifs et objectivables.
Faute de mieux, il faudra mettre fin au cartel bancaire en situation de quasi-monopole, qui bénéficie d’avantages disproportionnés et fixe les conditions du marché.
Faute de mieux, car des individus se voient encore appliquer des surprimes de plusieurs dizaines de milliers d’euros et doivent pouvoir se libérer du joug de ce vol caractérisé.
Faute de mieux, car 68 % des primes reçues ne sont à ce jour pas décaissés. La lucrativité de cette activité n’est plus à démontrer.
Certes, le texte comporte quelques avancées, notamment l’amélioration de l’information. Cependant, la commission en a démantelé le principal dispositif, à savoir la possibilité de supprimer son assurance à tout moment et non plus seulement la première année, puis à date anniversaire. Cette disposition aurait selon nous favorisé les personnes les moins informées, celles qui n’ont pas négocié avant d’emprunter, celles qui ont subi les prix les plus élevés et les conditions de garantie les plus faibles, celles qui ont eu peur de ne pas pouvoir emprunter, celles enfin qui ne sont pas des fins connaisseurs du secteur de l’assurance.
Nous présenterons un certain nombre d’amendements et nous en débattrons. Mes chers collègues, nous déterminerons notre vote selon le sort que vous leur réserverez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chauvet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Patrick Chauvet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’achat d’une résidence principale constitue un objectif de vie pour une très grande majorité de Français. En effet, d’après un sondage Harris du mois de décembre 2021, ils sont 76 % à considérer qu’il faut être propriétaire avant la retraite. C’est un objectif stable dans le temps, car il est rassurant, notamment dans la perspective de cette période de retraite.
Malgré la crise, cette volonté n’a pas faibli. Elle a simplement évolué et le type de logement recherché a changé : désormais, les Français sont 55 % à privilégier les espaces extérieurs et 52 % la taille du logement.
En outre, l’immobilier reste une valeur refuge pour l’investissement. Selon un autre sondage du mois de septembre 2021, les trois quarts des Français aimeraient investir dans le locatif. Ils sont même 11 % à considérer que la crise sanitaire a renforcé leur intérêt pour l’investissement immobilier.
Cette situation nous conduit à envisager l’achat immobilier comme étant au cœur des préoccupations quotidiennes des Français. Par conséquent, les conditions d’obtention d’un prêt, notamment les dispositifs d’assurance emprunteur immobilier, doivent nous mobiliser.
Le Parlement, en particulier le Sénat, s’est régulièrement intéressé à ce sujet. Depuis dix ans, les conditions d’obtention et d’assurance des prêts immobiliers ont largement évolué. C’était nécessaire.
À chaque étape, l’ensemble des acteurs – les banques, les assurances et surtout les consommateurs – se sont emparés des évolutions permises par la loi Lagarde, la loi Hamon, l’amendement Bourquin. À chaque fois, les objectifs de ces réformes allaient dans le même sens : améliorer la transparence des processus pour les consommateurs, réduire les coûts d’emprunt en ouvrant le marché, en particulier assurantiel, tout en garantissant la qualité des emprunts et des assurances.
Cette concurrence entre les banques et les assurances a-t-elle abouti ? Certains considèrent que ce n’est pas le cas, d’autres que nous sommes arrivés à un équilibre absolu. La vérité est sans doute entre les deux. Toutefois, malgré le riche rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), nous manquons de données tout à fait objectives, stables et utilisables pour en juger. C’est d’ailleurs l’une des premières critiques que nous pourrions adresser au secteur de l’assurance emprunteur.
Alors que nous examinons la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, il ne s’agit pas de distribuer les bons et les mauvais points ni d’avantager les uns ou les autres.
Pour améliorer les droits des consommateurs, la boussole du groupe Union Centriste a été de cerner les difficultés auxquelles les emprunteurs étaient confrontés et de chercher à les résoudre sans déstabiliser l’équilibre de l’investissement immobilier.
Nous sommes arrivés à la conclusion que le rythme de résiliation d’une assurance n’était pas le cœur du problème. À ce jour, la résiliation est possible, de manière infra-annuelle au cours de la première année, puis une fois par an pendant toute la durée du prêt. Cette réforme n’a que quatre ans, dont deux de crise sanitaire ; il est donc difficile de se prononcer sur son efficacité.
En revanche, nous avons très clairement identifié certaines difficultés pour les emprunteurs : manque de transparence des dispositifs existants et des décisions des banques, faiblesse de l’information du consommateur, freins dans l’accompagnement des publics les plus fragiles.
Sur ces trois axes, nous saluons le travail réalisé par les deux rapporteurs et par la commission saisie au fond pour clarifier la notion de date d’échéance, obliger les banques à informer l’emprunteur de son droit à résiliation annuelle, à justifier complètement les motifs des refus qu’elles opposent et à informer le public du coût de l’assurance sur une durée de huit ans.
Enfin, la disposition qui a été introduite pour supprimer le questionnaire médical est bienvenue. Il s’agit là, à mon avis, d’une véritable mesure d’accompagnement social, car ce questionnaire était à l’origine d’inégalités fortes entre les consommateurs.
Grâce à toutes ces dispositions, même sans la résiliation infra-annuelle, le texte sort renforcé de nos travaux, au profit des consommateurs. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, telle qu’elle résulte de l’équilibre trouvé en commission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, l’assurance emprunteur n’est pas un sujet nouveau au Parlement, encore moins dans cet hémicycle. Le marché de l’assurance emprunteur concerne des millions de Français, sur tout le territoire. Bien que la souscription d’une assurance ne soit pas juridiquement obligatoire, elle est très courante lors de l’octroi d’un prêt immobilier.
Cela peut se comprendre, compte tenu des sommes engagées – elles représentent souvent l’investissement de toute une vie – et de la durée du prêt, vingt ans en moyenne.
À la suite de mes collègues, je salue les avancées réalisées depuis plus de dix ans, de la loi Lagarde en 2010, jusqu’à la loi Sapin II en 2017, en passant par la loi Hamon en 2014. C’est un processus long. Les marges de manœuvre des emprunteurs se sont significativement accrues ces dernières années, même si le manque d’information des consommateurs sur leurs droits et certaines mauvaises pratiques persistent.
La proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans ce mouvement de renforcement des prérogatives des emprunteurs face aux assureurs. Elle prévoit la possibilité de résilier, non pas une fois par an, mais à tout moment, tout contrat d’assurance emprunteur. Telle qu’elle a été adoptée à la quasi-unanimité par les députés, elle pourrait marquer un renforcement significatif des droits des emprunteurs.
Toutefois, le travail accompli par la commission des affaires économiques, la semaine dernière, est venu nuancer ce résultat.
Je salue tout d’abord les améliorations apportées par rapport au texte de l’Assemblée nationale. L’obligation de motiver un refus de substitution a été renforcée, puisqu’il faut désormais donner l’intégralité des motifs, conformément à une demande formulée par les députés. L’obligation d’informer sur le coût de l’assurance sur une durée minimale de huit ans, adoptée en commission à l’Assemblée nationale, puis supprimée, a été réintroduite.
Notre commission a également prévu l’interdiction pour le prêteur de modifier les modalités d’amortissement du prêt. Enfin, dernière modification, et non des moindres, elle a supprimé, sous certaines conditions, le questionnaire médical.
Aussi, je comprends mal la décision du rapporteur de réécrire l’article 1er de la proposition de loi, en le vidant de l’essentiel de sa substance. Le risque de « démutualisation » qu’il invoque ne paraît pas convaincant, puisque les profils jugés à risque se voient déjà appliquer des surprimes et des exclusions de garantie non négligeables.
C’est pourquoi le groupe RDSE présentera une série d’amendements visant à rétablir la faculté de résiliation à tout moment.
Nous souhaitons également garantir davantage encore la protection des emprunteurs, en rehaussant le plafond de suppression du questionnaire médical pour mieux tenir compte de la réalité des prix de l’immobilier, notamment en région parisienne et dans les grandes agglomérations. Nous voulons enfin renforcer le droit à l’oubli pour les personnes atteintes d’affections comme le cancer ou le VIH, pour lesquelles les restrictions en vigueur n’apparaissent plus forcément justifiées au regard des progrès de la médecine.
Au-delà des dispositions que nous allons examiner, il faudrait élargir notre réflexion en la faisant porter sur le fonctionnement actuel du marché immobilier.
Les dépenses en matière de logement représentent, en moyenne, un tiers des revenus chez les locataires et les propriétaires primo-accédants. Longtemps considérées comme à l’abri de la hausse des prix parisiens, de plus en plus de grandes villes et de périphéries voient le prix du foncier augmenter. Le phénomène s’est accentué depuis les confinements successifs liés à la pandémie. Les différentes mesures prises pour limiter la hausse des loyers et favoriser l’accès à un logement de qualité peinent à porter pleinement leurs fruits.
Les territoires ruraux souffrent quant à eux de l’absence de foncier et de la difficile reconquête des centres-villes anciens, dont les logements ne correspondent pas aux standards actuels.
Au moment où le pouvoir d’achat s’impose comme un thème majeur de la campagne présidentielle, l’accès au logement et à la propriété à un prix raisonnable doit donc rester l’une de nos priorités.
En conclusion, les membres du groupe RDSE soutiennent majoritairement le rétablissement de la possibilité de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur.
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
Mme Guylène Pantel. Ils réservent leur vote, attendant de connaître le sort que recevront leurs amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, souscrire un prêt immobilier est un acte important dans une vie. Il engage l’emprunteur pour de longues années. Afin de garantir le remboursement en cas d’accident de la vie, un contrat d’assurance est alors signé, le plus souvent, avec l’organisme prêteur.
Depuis 2014, les emprunteurs peuvent résilier ce premier contrat d’assurance et en choisir un autre, sur le marché, qui viendra en substitution à condition qu’il y ait équivalence de garantie. La loi Hamon du 26 juillet 2014 a permis la résiliation à tout moment, pendant la première année, et l’amendement Bourquin de la loi du 22 février 2017 la permet à chaque date anniversaire du contrat. C’est en nous inscrivant dans ces pas que nous souhaitons compléter les dispositions déjà adoptées par le Parlement.
Il s’agit, en effet, d’assurer une meilleure information de l’emprunteur, d’empêcher les mauvaises pratiques de certains organismes prêteurs, enfin de garantir l’accès au crédit de certaines catégories de personnes qui en sont exclues, au prétexte qu’elles ont souffert de pathologies, dans le passé.
L’ouverture à la concurrence du marché de l’assurance emprunteur s’est révélée vertueuse. Elle a entraîné une diminution des prix de l’ordre de 40 % au profit des emprunteurs, sans baisse de garanties. La part des contrats dits alternatifs représente désormais 25 % de l’ensemble de ce marché, qui pèse en France près de 10 milliards d’euros et dont le secteur bancaire continue cependant de capter près de 85 %.
Notre volonté est d’améliorer l’information des consommateurs. Aujourd’hui encore, certains emprunteurs ignorent parfois jusqu’à l’existence même du droit à résiliation. Il est par ailleurs nécessaire de faciliter la résiliation en limitant les diverses pratiques dilatoires des prêteurs.
Ces pratiques s’opposent, de fait, à la volonté continue du législateur, en dépit des rappels à l’ordre de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et des interventions du CCSF. Nous proposons donc de clarifier et de simplifier cette procédure.
En premier lieu, il faudra renforcer l’information des emprunteurs. En début de contrat, l’emprunteur devra être informé non seulement du coût total de l’assurance, mais aussi de son coût sur une durée de huit ans, soit la durée moyenne d’un prêt. Tel est l’objet de l’un des amendements que nous vous proposerons.
En cours de contrat, les assureurs seront soumis à une obligation d’information annuelle, de sorte que chaque assuré connaîtra la possibilité qu’il a de résilier son contrat, les démarches à accomplir et les délais à respecter.
Une ambiguïté demeurait sur la date d’échéance. Il sera désormais entendu que celle-ci correspond soit à la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt, soit à une autre date d’échéance prévue au contrat, au choix de l’emprunteur. Cette date sera obligatoirement notifiée à l’emprunteur par le prêteur.
En second lieu, il est essentiel de mettre fin aux pratiques dilatoires des banques visant à empêcher la résiliation. L’article 2 renforce l’effectivité du droit de résiliation en encadrant strictement les motivations de refus de substitution d’assurance. L’article 4, quant à lui, encadre plus précisément le délai d’émission de l’avenant.
Pour que ces nouvelles dispositions soient observées, il importe que le contrôle administratif soit plus effectif et que les sanctions en cas de manquement soient sensiblement plus fortes. Dans le texte que nous examinons, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’ACPR sont chargées d’effectuer ce contrôle et de sanctionner plus fortement les contrevenants, l’amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros par infraction pour une personne morale. Elles auront, en outre, la possibilité de rendre publiques leurs décisions de sanction, ce qui aura sans aucun doute un caractère dissuasif.
Il sera bien entendu nécessaire de renforcer les moyens de ces autorités de contrôle, en particulier ceux de la DGCCRF, pour que ces contrôles soient effectifs. Le législateur que nous sommes doit veiller à la réalité de l’application des lois et à l’effectivité du droit.
Enfin, l’emprunt s’apparente souvent à un parcours semé d’embûches pour les personnes qui ont souffert ou qui souffrent de pathologies. Elles doivent remplir des questionnaires médicaux intrusifs et sont soumises à des surprimes excessives et souvent non justifiées.
La convention Aeras est imparfaite. Il nous semble nécessaire d’élargir aux pathologies chroniques le champ des pathologies susceptibles d’être couvertes. Alors que la médecine progresse de manière significative, nous souhaitons également un droit à l’oubli sensiblement raccourci, de dix à cinq ans. Enfin, nous proposons que le questionnaire médical soit purement et simplement supprimé pour les prêts immobiliers inférieurs à 500 000 euros, si le signataire à moins de 62 ans.
Ainsi modifiée par notre assemblée, cette proposition de loi rendra effectif le droit à résiliation. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, elle constitue surtout une avancée historique qui permettra un accès plus inclusif et plus solidaire à l’emprunt. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à soixante-dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, le pouvoir d’achat reste la priorité absolue des Français.
Au mois de novembre dernier, tous les députés, à l’exception d’un député non inscrit, ont voté un texte dont le principal objectif était précisément de redonner du pouvoir d’achat aux Français.
Comment y parvenir ? En permettant aux consommateurs de résilier à tout moment leur assurance emprunteur, sur le modèle de ce qui est déjà possible pour les assurances habitation et les assurances automobile ou moto. Le gain moyen de pouvoir d’achat serait ainsi de l’ordre de 5 000 euros à 15 000 euros pour un emprunteur sur vingt ans, soit 30 euros de gagnés chaque mois. Ce n’est pas rien.
Ce texte a donc fait l’unanimité. Aucun groupe politique n’a manqué à l’appel. Pourquoi un tel consensus politique à l’époque, sinon parce que nous sommes nombreux à considérer ce marché comme peu dynamique, très rentable pour les banques et, au contraire, peu favorable aux consommateurs ?
Et puis, patatras, machine arrière toute ! En commission, la majorité sénatoriale est revenue sur cette belle avancée pour s’en tenir à une information annuelle sur le droit de résilier ces contrats, ce qui existe déjà.
Pourquoi ? Officiellement, selon le rapport de M. Gremillet, parce que « la concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur fonctionne de façon satisfaisante ». Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais lorsque l’on sait que ce marché est détenu à 88 % par les banques…
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cela ne veut rien dire !
Mme Marie Evrard. … et à 12 % par les assurances alternatives, j’aurais plutôt tendance à parler de « monopole bancaire ».
Les réformes qui se sont succédé depuis la loi Lagarde pour libéraliser le marché n’ont pas eu l’effet escompté. En 2019, selon le rapport du CCSF, les banques ont encore réussi à gagner 9 % de parts de marché, avec 136 000 souscriptions de plus qu’en 2018.
Dans les faits, les textes ont tenté de resserrer l’étau pour faciliter la vie des emprunteurs. Toutefois, comme nous pouvons le constater dans notre propre vécu ou autour de nous, les mesures dilatoires existent toujours. Par exemple, nous avons le droit de changer d’assurance à date d’échéance, mais cette date, qui la connaît hormis la banque ?
Deuxième argument avancé, la résiliation infra-annuelle (RIA) pénaliserait surtout les personnes les plus fragiles. J’avoue ne pas comprendre ce raisonnement, alors que, à ce jour, les contrats alternatifs représentent 23 % des contrats souscrits par les personnes âgées de plus de 60 ans. Celles-ci constituent la catégorie d’âge qui souscrit le plus souvent ce type de contrats. Elles ont donc compris qu’elles avaient davantage intérêt à changer de contrat pour des questions de prix et de garanties.
En d’autres termes, comment le fait de pouvoir choisir librement à tout moment sa date de résiliation pourrait mettre en difficulté les personnes les plus fragiles ? J’avoue tourner le problème dans tous les sens, je ne comprends pas.
Je veux revenir, par ailleurs, sur la suppression du questionnaire de santé, acté par un autre amendement phare du rapporteur. Le sujet n’est pas simple. Il paraît difficile d’accepter qu’il puisse exister encore des discriminations sur des critères de santé dans le domaine des assurances.
L’article 7 de la proposition de loi prévoyait que les signataires de la convention Aeras engagent rapidement une négociation afin non seulement de réduire les délais du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses, mais aussi d’étendre la grille de référence Aeras à d’autres pathologies ou maladies chroniques. Cette disposition n’a pas été retenue.
La suppression du questionnaire de santé sous conditions constitue un geste fort. C’est une belle symbolique, mais qui risque d’avoir des effets pervers.
D’une part, les assureurs n’auront pas d’autres choix que de prendre ce risque sur leur portefeuille et de le mutualiser par une prime de risque qu’ils feront partager à tous les assurés, de sorte que les tarifs augmenteront pour tous. La mesure est donc contraire à l’esprit initial de la proposition de loi, qui vise à favoriser le pouvoir d’achat des ménages.
D’autre part, cette suppression profitera essentiellement aux banques, qui continueront de refuser certains risques grâce à leur accès privilégié à des informations confidentielles, dont elles sont seules à disposer, notamment via les relevés bancaires. Malgré le beau message que constitue la suppression du questionnaire médical, le diable se cache dans les détails.
M. Jean-François Husson. Oh là là !
Mme Marie Evrard. Une telle mesure doit faire l’objet de discussions sérieuses, avec tous les acteurs concernés. Comme l’a indiqué le rapporteur général de la commission des finances, en séance, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, « pour atteindre les objectifs que l’on se fixe en la matière, il ne suffit pas de claquer des doigts et de le demander : il faut regarder de manière plus approfondie quelles contraintes s’imposent ».
M. Jean-François Husson. On a travaillé depuis !
Mme Marie Evrard. Mes chers collègues, nous avions dans les mains une belle proposition de loi, nous avons désormais un objet politique clivant, au détriment des consommateurs.
M. Vincent Segouin. N’importe quoi !
Mme Marie Evrard. Nous regrettons le choix qui a été fait par la majorité sénatoriale. Par nos amendements de rétablissement, nous essaierons de vous faire entendre raison. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Dans le cas contraire, nous faisons confiance à la navette parlementaire pour décadenasser définitivement ce marché, dans l’intérêt des emprunteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a beau être la patrie de Tocqueville, la liberté individuelle pâtit chez nous d’une image à tout le moins mitigée. Le mot reste attaché à un imaginaire sauvage, où David doit affronter Goliath sans sa fronde. On dit parfois que le libéralisme, c’est la loi de la jungle, où le plus fort écrase le plus faible. Je salue toutefois l’effort qu’ont bien voulu faire certains de mes collègues à la gauche de l’hémicycle, en matière de libéralisme.
M. Emmanuel Capus. En effet, c’est tout l’inverse, monsieur le ministre.
La libre concurrence, en particulier, a pour vocation première d’établir des règles qui garantiront la liberté de chacun, singulièrement la liberté des faibles contre la liberté des forts.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre. Bienvenue au Mouvement des jeunes Républicains (MJR) ! (Sourires.)
M. Emmanuel Capus. L’ambition du libéralisme économique, c’est que cette organisation, fondée sur des règles et sur la liberté, contribue à rendre notre société tout à la fois plus prospère, plus tolérante et plus juste.
À cet égard, cette proposition de loi nous offre un cas d’étude intéressant. Elle vise spécifiquement le marché de l’assurance emprunteur et elle y introduit davantage de liberté, en permettant à l’assuré de résilier son contrat à tout moment.
L’enjeu est important, car ce changement des règles du jeu devrait générer de nouvelles opportunités économiques, en introduisant la concurrence là où les acteurs établis disposent d’une position de force qui ressemble fort à une rente.
Nous avons surtout l’occasion de redonner du pouvoir aux consommateurs, en offrant aux emprunteurs la possibilité de faire jouer la concurrence sur un marché qu’ils connaissent mal.
Je ne m’appesantirai pas sur ce point, car nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des articles. Comme d’autres collègues, je proposerai de rétablir la version initiale du texte, en restaurant la résiliation à tout moment.
Je me contenterai de revenir sur trois arguments avancés par les rapporteurs contre cette mesure.
Le premier argument porte sur la compétitivité présumée des offres d’assurance crédit sur le marché, comme l’a indiqué Daniel Gremillet. On nous explique que, si les banques détiennent encore 88 % des parts de marché – j’ai noté que nous n’étions pas d’accord sur le chiffre –, c’est non parce qu’elles font de la rétention de clientèle, mais parce qu’elles proposent des offres très compétitives pour les assurés. (M. Vincent Segouin s’exclame.) C’est formidable ! Dans ce cas, les parts de marché des banques ne sont pas en danger et il n’y a donc aucune raison de s’opposer à la résiliation infra-annuelle.
Le deuxième argument concerne les risques de désagréments pour les consommateurs, qui peuvent être démarchés de manière excessive par des assureurs. Nous avons débattu de ce sujet en commission, mais les rapporteurs, sauf erreur de ma part, ne l’ont pas évoqué dans leurs interventions.
Cet argument est contestable. On a envie d’y croire, car on a tous reçu, au moins une fois, un SMS bidon sur le compte personnel de formation (CPF). Reste que l’on ne condamne pas une offre parce qu’elle induit une prospection commerciale.
Mieux vaut encadrer les pratiques que de supprimer les offres qui peuvent donner lieu à un démarchage – ou alors, il faudrait tout bonnement administrer toute l’économie, mais je ne crois pas que cela reflète la volonté de la majorité.
Le troisième argument porte sur la déstructuration du marché et la liquéfaction complète de la demande, qui rendraient toute offre solide impossible. En permettant aux emprunteurs de résilier leur contrat quand ils le souhaitent, ils en changeraient tout le temps, comme on zappe devant sa télévision ou comme on déroule un fil d’actualité sur son téléphone.
Cette crainte ne correspond pas à la réalité. Les consommateurs n’ont aucune envie de changer sans cesse d’assurance. Ils ont mieux à faire.
Cependant, lorsqu’ils se rendent compte qu’ils pourraient bénéficier d’une meilleure offre, ils n’ont pas envie d’attendre plusieurs mois que leur assureur leur envoie un document obscur qui leur indiquerait une démarche compliquée. Encore faut-il d’ailleurs que la compagnie s’acquitte de cette tâche. On peut alors être sûr qu’ils ne l’effectueront pas, précisément parce qu’ils auront, encore une fois, mieux à faire.
Mes chers collègues, je crois que notre rôle est de défendre le faible plutôt que le fort, en l’espèce le consommateur plutôt que la banque ou l’assureur. Je vous proposerai des amendements en ce sens.
Nos rapporteurs ne s’y sont d’ailleurs pas totalement trompés, puisqu’ils ont proposé une mesure importante sur la suppression, sous certaines conditions, du questionnaire de santé pour l’établissement d’un contrat d’assurance emprunteur.
M. Jean-François Husson. Un bond en avant !
M. Emmanuel Capus. À l’instar de Rémi Féraud ou encore de Catherine Deroche qui avait déposé un amendement à l’objet identique au mien, j’avais défendu, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, l’instauration de contrats inclusifs, c’est-à-dire des contrats qui ne tiendraient pas compte du passif médical des emprunteurs – le Sénat avait adopté nos amendements. Je crois que ce type de contrat de remplacement demeure la meilleure solution.
Je tiens en tout cas à affirmer une conviction : il est insupportable que les assurances proposent des offres dégradées aux personnes qui ont vaincu un cancer ou qui souffrent d’une pathologie chronique.
De telles discriminations pour raisons de santé ne sont tolérées dans aucun domaine de la société. Il n’y a aucune raison que l’assurance fasse exception.
M. Jean-François Husson. C’est pourtant ce que vous vous apprêtez à faire !
M. Emmanuel Capus. J’espère que nous pourrons faire bouger les lignes sur ce point. Le Sénat y gagnerait. Tel est l’objet des amendements que j’ai déposés.
M. Jean-François Husson. Cela dépend de vous !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, les taux d’intérêt sont historiquement bas – cela ne durera peut-être pas ! –, donc favorables aux acquéreurs. À la fin du mois de décembre dernier, les notaires se réjouissaient du dynamisme de l’immobilier en 2021.
Marqués par la crise sanitaire et les confinements successifs, de nombreux Français, en particulier ceux des métropoles, ont déménagé – ou voudraient le faire – vers des villes à taille humaine, près des littoraux ou à la campagne.
Pour les investisseurs, la pierre reste un placement intéressant.
Ces démarches vers l’accession à la propriété, qui passent en général par l’obtention d’un prêt, sont, pour certains, ardues et inégalitaires.
Bien évidemment, la question des revenus des emprunteurs entre en jeu. Malgré « l’argent à bas coût », on constate un resserrement de l’accès au crédit pour certains profils, comme les plus jeunes ou les plus modestes, qui, en outre, ne disposent pas d’un apport personnel suffisant.
De fait, l’application du ratio maximal d’endettement, qui inclut l’assurance emprunteur, augmente parfois significativement la mensualité et conduit au refus de certains prêts. Pour ceux qui obtiennent leur prêt, le prix de l’assurance est une charge pouvant se révéler non négligeable, alors même que l’assurance n’est juridiquement pas obligatoire.
Contrairement à un sentiment trop répandu, la question du coût de l’assurance emprunteur n’est pas marginale. Il en va de même pour le choix de l’assureur, puisqu’il est possible de souscrire une assurance emprunteur autre que celle que sa banque propose.
Dans les faits, malgré l’accroissement du nombre de contrats alternatifs dans la période récente, les banques dominent encore largement le secteur assurantiel pour les crédits immobiliers.
Pressé de vouloir conclure, devant respecter différents délais, l’emprunteur va généralement au plus simple et au plus rapide : l’assurance proposée par sa banque. En ces périodes de taux bas, peu rentables pour les banques, il me semble que l’assurance emprunteur offre à ces dernières des marges confortables.
De plus, tous les emprunteurs ne se trouvent pas sur un pied d’égalité. Ceux qui parviennent à faire appliquer leur droit de mise en concurrence sont souvent des cadres ; les ménages les moins aisés, soucieux d’obtenir leur crédit ainsi qu’un taux attractif, peuvent être contraints d’accepter l’offre d’assurance de la banque.
Plusieurs d’entre nous l’ont rappelé : diverses manœuvres, parfois qualifiées de dilatoires et souvent dénoncées par les associations de consommateurs, rendent les changements de contrat compliqués pour les emprunteurs. Toutes ces difficultés incitent à faire évoluer la situation.
J’en viens à une autre question d’égalité qui touche à l’âge et à la santé de l’emprunteur. En effet, ces critères entrent en considération lors de la conclusion d’une assurance de prêt. Nombreuses sont les contraintes : surprimes, questionnaires, examens de santé, visites médicales ou encore exclusions.
À juste titre, la commission des affaires économiques a souligné le caractère insupportable de cette situation pour les personnes engagées dans un projet de vie que représente l’acquisition d’une résidence.
Pour les personnes à risque aggravé de santé, la convention Aeras a représenté une certaine avancée. Toutefois, elle instaure un droit à l’oubli relativement encadré et la liste des pathologies est restreinte. Elle ne tient notamment pas compte des derniers progrès médicaux, qui conduisent à des traitements plus performants et à un gain d’espérance de vie.
Paradoxalement, compte tenu des différentes contraintes qui leur sont appliquées, en particulier d’importantes surprimes, les personnes à risque en matière de santé sont tout à fait rentables : ce sont d’excellents clients pour les assurances.
À raison, les associations de patients, qui mènent un travail remarquable en faveur des droits des malades et des anciens malades, attendent des évolutions, notamment en matière du raccourcissement du délai d’accès au droit à l’oubli et de son extension aux pathologies chroniques.
En conclusion, il ne s’agit pas de faire des banques et des assurances des boucs émissaires.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Pascal Allizard. Elles permettent à de nombreux Français de réaliser leurs projets. Toutefois, il est nécessaire d’aller vers davantage de transparence, d’information et de liberté en faveur du consommateur. Telle est l’intention des commissions.
En revanche, de sérieux doutes subsistent à propos des hypothétiques nouveaux gains de pouvoir d’achat que procurerait la résiliation à tout moment, qui pourrait pénaliser davantage les seniors et les publics vulnérables. C’est le principe même de la mutualisation qui se trouve mis en cause au profit d’une individualisation des contrats, alors même que le ratio de sinistres à primes reste largement favorable aux assureurs.
Mieux préserver les consommateurs, sauvegarder la mutualisation et permettre à tous, y compris les plus fragiles, de s’assurer dans les meilleures conditions : c’est dans ce sens que les rapporteurs ont travaillé et je les en remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, l’assurance emprunteur n’est pas obligatoire. Cependant, à la différence de bien des pays, le prêteur l’exige pour se prémunir du risque, notamment en cas de prêt immobilier. Malgré son coût, l’assurance emprunteur a le mérite d’éviter le recours à l’hypothèque, à la caution, au nantissement ou au privilège de prêteur de deniers, ce qui, convenons-en, facilite les transactions.
Nous avons$ pris connaissance du bilan détaillé du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) demandé par Bruno Le Maire au mois de juillet 2019. Sur l’ensemble des contrats d’assurance emprunteur, 75 % sont des offres bancaires, 13 % des offres internes aux banques et 12 % de véritables contrats alternatifs. La question se pose : 12 %, est-ce trop ou trop peu ? Quel est le degré de marge sur ces contrats ? Peut-on croire que, sur 100 euros de primes collectées, 32 euros seulement seraient reversés aux assurés, soit une marge deux fois plus élevée que sur les contrats d’habitation et trois fois plus que sur les contrats automobiles ?
Dès lors, il s’agit de veiller à la fois à la qualité et à la quantité de l’offre auprès de l’emprunteur. Celui-ci, soulagé d’avoir conclu un accord sur le nominal de son emprunt, n’a bien souvent ni le temps ni l’énergie de batailler sur l’assurance emprunteur, d’où les déconvenues et l’opportunité de la mise en concurrence.
La concurrence a produit ses effets. Dans son rapport, le CCSF relève une baisse généralisée des tarifs de 10 % à 40 % selon les cibles et pointe la segmentation tarifaire des contrats alternatifs, faisant craindre une démutualisation du marché. Pourtant, les banques baissent le prix de l’assurance des jeunes emprunteurs, mais relèvent celui des seniors : les tarifs ont baissé de 13 % à 26 % pour les personnes âgées de 25 ans à 45 ans, mais ont augmenté de 33 % pour les profils les plus âgés. En revanche, les tarifs des contrats alternatifs ont baissé sur toutes les cibles. Il y a donc bien un risque de démutualisation, mais celui-ci se vérifie davantage auprès des banques afin de lutter contre la concurrence et de préserver leur marge.
Dès lors, notre marge de progression est réelle. À cet égard, il nous paraît beaucoup plus utile d’apporter davantage de transparence et de lisibilité sur les différentes offres plutôt que de permettre de modifier le contrat à tout moment.
Dans l’intérêt du consommateur, bien des avancées sont souhaitables. Comme l’a indiqué Patrick Chauvet, le groupe Union Centriste validera celles qu’ont proposées les deux commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant à la suite de ma collègue Florence Blatrix Contat, je me concentrerai sur l’un des aspects de ce texte : le droit à l’oubli et l’évolution de la grille de référence de la convention Aeras. Nous l’avons tous souligné : c’est un sujet important, qui concerne de nombreux Français.
Nous avons tous été saisis par des associations représentant les malades. Que nous demandent-elles ? Quelles sont leurs revendications, que beaucoup d’entre nous estiment légitimes ?
Ces associations souhaitent tout d’abord réduire le délai du droit à l’oubli de dix à cinq ans pour les pathologies cancéreuses. Cela concerne 3,8 millions de Français qui souffrent – ou ont souffert – d’un cancer. Lors de la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à réduire de dix à cinq ans ce délai du droit à l’oubli.
M. Jean-François Husson. Amnésie !
M. Rémi Féraud. Je cite l’extrait de son programme : « Au moment de souscrire un contrat d’assurance ou d’emprunt, les malades de cancers et d’hépatite C n’auront plus à le mentionner dès cinq ans après leur rémission (contre dix ans aujourd’hui). Nous l’étendrons aussi à de nouvelles maladies. » Quel dommage que cette promesse n’ait pas été tenue, alors que nous arrivons à la fin du quinquennat.
M. Rémi Féraud. C’est ce que nous proposons au Sénat d’adopter. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
Les associations demandent l’extension des bénéficiaires de la convention Aeras aux pathologies chroniques comme le VIH. Cette convention ne concerne en effet aujourd’hui que les personnes atteintes ou guéries de cancer. La simple négociation prévue dans la version du texte issue de l’Assemblée nationale n’est pas satisfaisante. Nous estimons qu’il faut inscrire cette extension aux autres maladies chroniques dans cette proposition de loi.
Enfin, les associations sollicitent l’augmentation, voire la suppression, du plafond du montant pouvant être emprunté par une personne bénéficiaire de la convention Aeras. Celui-ci est actuellement fixé à 200 000 euros. Certes, la moyenne nationale pour les emprunts est légèrement inférieure, mais, dans la région parisienne ou les grandes métropoles, ce montant est trop faible pour permettre l’acquisition d’un logement de taille moyenne.
Sur tous ces points, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera des amendements de modification, en cohérence avec ce que proposent les rapporteurs, dont je veux saluer le travail.
Notre objectif est simple : il vise à rendre la convention Aeras plus inclusive, plus facile d’accès et plus efficace pour toutes les personnes atteintes de pathologies chroniques ou de cancers. Quel dommage que l’engagement de permettre l’accès à l’emprunt pour toutes ces personnes n’ait pas été tenu en cinq ans par la majorité présidentielle !
Nos propositions s’inscriront dans la continuité des amendements que notre groupe a déposés sur le projet de loi de finances pour 2022 et qui ont été adoptés par le Sénat. Le véritable enjeu est de lutter contre une discrimination et de permettre à des millions de Français de mener leurs projets, alors qu’ils en sont souvent empêchés durement et injustement par une dérive à la fois du principe et du fonctionnement de l’assurance emprunteur.
Ce texte est une occasion importante de faire bouger les lignes. Au Sénat, nous essaierons de travailler de la manière la plus consensuelle possible. Ne manquons pas cette occasion : c’est un progrès important et attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur des travées du groupe UC et LR, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, même lorsque l’on suit attentivement des dossiers depuis près de dix ans, comme c’est mon cas, il arrive que l’on rate une information. C’est ainsi que, lorsque j’ai pris connaissance de cette proposition de loi, j’ai compris que j’avais manqué un épisode du feuilleton législatif de l’assurance emprunteur !
Pourtant, dans cet hémicycle, je dois être l’une des rares parlementaires à avoir participé activement aux débats des lois Chatel, Lagarde, Hamon et de l’amendement Bourquin. J’ai même travaillé avec ce dernier sur les dispositions votées dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP. C’est dire si je mesure le chemin parcouru en une décennie sur les modalités de résiliation de cette assurance, qui a toujours été à part.
J’étais donc persuadée que les dispositions de 2020 étaient effectives. Rappelons qu’elles avaient fait l’objet de concertations avec différents intervenants et qu’elles clarifiaient le droit à changer d’assureur après un achat immobilier – une possibilité acquise très progressivement grâce aux nombreux combats menés par les associations de consommateurs et par les parlementaires.
Reconnaissons que le juste milieu entre la protection du consommateur, l’équilibre financier indispensable aux assureurs et l’ouverture du marché aux intervenants alternatifs n’est pas forcément facile à trouver.
Selon moi, les dispositions introduites dans la loi ASAP respectaient ces impératifs. Elles avaient d’ailleurs obtenu l’accord du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, fait suffisamment rare pour être souligné.
Dès lors, pourquoi faire autrement, hormis si des motifs électoralistes sous-tendent la proposition de loi débattue aujourd’hui ou si, comme c’est souvent le cas, le Gouvernement choisit de faire voter un texte émanant de sa majorité plutôt que du Sénat ?
Je salue le travail de nos deux rapporteurs qui réussissent, par leurs amendements, à opérer un équilibre harmonieux entre les attentes de tous.
J’en veux pour preuve la clarification importante de la date de résiliation qui a été introduite dans la loi ASAP.
Qu’apporterait la résiliation à tout moment proposée par les auteurs de la proposition de loi ? Selon moi, la remise en cause de la mutualisation existe vraiment, n’en déplaise à ceux qui, pour accroître leur part de marché, la nient. D’ailleurs, le Gouvernement s’y opposait voilà un an ! Rien n’a changé en un an, sinon la proximité d’une élection.
Le CCSF et les rapporteurs précisent bien que le nombre de contrats externes s’est accru de 46 % en deux ans. C’est considérable ! Cela prouve que la concurrence existe. Comment expliquer que les emprunteurs ne résilient pas leurs contrats à tour de bras ? Sans doute certains ne le souhaitent-ils pas, mais cette situation s’explique surtout par l’apparition des assureurs alternatifs, qui a conduit les banques à baisser leur taux et à proposer elles-mêmes des assurances alternatives.
L’objectif économique de la mise en concurrence est non de promouvoir telle ou telle catégorie de prestataires, mais de supprimer les situations de rente et de favoriser la fixation de prix justes au profit du consommateur.
Je crains que la version de ce texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ne conduise à des démarchages féroces et à leur corollaire, à savoir des décisions prises sous pression. Selon moi, souscrire une assurance emprunteur est une opération bien plus complexe que contracter une assurance automobile ou habitation et, surtout, bien plus lourde de conséquences.
M. Jean-François Husson. Très juste !
Mme Catherine Procaccia. Il est clair que les jeunes actifs en bonne santé seront les premiers à en profiter – tant mieux pour eux ! –, mais ils ne sont pas le seul public concerné.
M. Jean-François Husson. Bien sûr !
Mme Catherine Procaccia. La proposition de nos rapporteurs visant à supprimer le questionnaire médical est la véritable révolution de ce texte. J’avoue d’abord avoir été choquée par cette idée, mais, après la lecture attentive des arguments des commissions, je m’y suis ralliée. Cette suppression facilitera l’assurabilité de nombreuses personnes, parfois atteintes de maladies bénignes qui donnaient lieu à des surcoûts difficilement justifiables. Elle est beaucoup plus ambitieuse que la possibilité de supprimer son contrat à tout moment.
Parmi les exclus, j’aimerais que l’on évoque les plus âgés. Avez-vous déjà emprunté à 55 ans, 60 ans ou 65 ans ? Même si vous êtes actif et même si vous disposez d’un apport important, les banques refusent au motif que vous n’êtes plus assurable, bien que vous souhaitiez emprunter durant cinq ans et que les tables de mortalité vous créditent de vingt ans, voire davantage.
L’âge de 45 ans me paraît bas, d’autant que, selon le code du travail, l’employeur ne peut pas vous contraindre à partir à la retraite avant 70 ans. Tel est l’objet d’un amendement que j’ai déposé à l’article 7 bis. Ma proposition est peut-être prématurée, mais la réflexion sera poursuivie – un jour, nous serons tous concernés ! (Sourires.)
J’invite les personnes plaidant la résiliation des contrats à tout moment à essayer de l’appliquer d’abord à Canal Plus. Je mène ce combat depuis des années : il est impossible de résilier son abonnement – or celui-ci coûte aussi très cher ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner la qualité du travail des deux commissions sur ce texte important. Elles ont organisé de nombreuses auditions durant les mois de décembre et de janvier.
L’assurance emprunteur représente un marché d’environ 10 milliards d’euros par an. D’autres avant moi l’ont rappelé : elle constitue un enjeu important lors de la souscription d’un prêt immobilier permettant l’accession à la propriété. Les enjeux sont complexes d’un point de vue tant juridique qu’économique et financier. Monsieur le ministre, vous avez mis en évidence que 20 millions à 25 millions de contrats de ce type étaient actifs.
Les rapporteurs ont évoqué l’ouverture à la concurrence comme la hausse des tarifs de plus de 33 % pour les personnes âgées de plus de 55 ans. Ils ont insisté sur l’importance de prendre en compte le volet humain et la solidarité. S’ils souhaitent conserver le droit de résiliation actuel, ils préconisent, d’une part, de renforcer fortement les obligations d’information qui incombent aux prêteurs et aux assureurs, d’autre part, de simplifier la procédure de résiliation au profit de tous les assurés.
La notion d’équité est importante. C’est pourquoi a été supprimé en commission le questionnaire médical pour les prêts immobiliers de moins de 200 000 euros, qui arrivent à leur terme avant le soixante-cinquième anniversaire de l’emprunteur.
Messieurs les rapporteurs, vous avez indiqué que ce texte, composé de douze articles, offrait l’occasion d’évoluer fermement sur ce sujet et de remettre l’humain au cœur du dispositif.
M. Vincent Segouin. Exactement !
M. Marc Laménie. Vous avez précisé que la convention Aeras devait gagner en efficacité. Comme vous l’ont indiqué les associations que vous avez rencontrées, ce dispositif original et nécessaire atteint aujourd’hui ses limites.
Nous devons promouvoir une forte solidarité entre les assurés et soutenir les plus fragiles. Le volet humain est très important : en effet, l’accès à la propriété conditionne fortement le niveau de vie, notamment pour les retraités.
Nous devons tenir compte du travail de fond accompli par nos deux commissions. Au vu de la complexité de ce dossier et de l’importance de respecter la dimension humaine de la question, ce que de nombreux collègues ont souligné, le groupe Les Républicains soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur
TITRE IER
INFORMATION DE L’EMPRUNTEUR EN MATIÈRE DE DROIT DE RÉSILIATION DE L’ASSURANCE EMPRUNTEUR
Mme la présidente. Je rappelle que les amendements nos 14, 25 rectifié et 32 sont réservés après l’article 6.
Article 1er
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La date d’échéance à prendre en compte pour l’exercice du droit de résiliation mentionné à l’article L. 113-12 est, au choix de l’assuré, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par celui-ci ou toute autre date d’échéance prévue au contrat. »
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité est complété par une phrase ainsi rédigée : « La date d’échéance à prendre en compte pour l’exercice du droit de résiliation mentionné au premier alinéa du présent article est, au choix du membre participant, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par celui-ci ou toute autre date d’échéance prévue au contrat. »
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage les objectifs de l’article 1er, qui renforce significativement le droit au changement d’assurance emprunteur.
Dans sa rédaction initiale, cet article contribuait à la création d’un droit de résiliation infra-annuelle sans frais pour l’assuré. Il permettait aux emprunteurs de procéder à la résiliation et à la substitution de leur contrat d’assurance à tout moment au cours de la durée de leur prêt.
Sur ce sujet, je me réjouis des travaux menés par le rapporteur Daniel Gremillet et les membres de la commission des affaires économiques : via l’adoption de deux amendements, ils ont rétabli la procédure actuelle, autorisant ainsi la démarche de résiliation et de substitution dans les deux mois qui précèdent la date d’échéance du contrat.
Considérant que les gains à attendre d’une résiliation à tout moment seraient minimes, mais qu’une telle évolution serait très probablement préjudiciable au public âgé et fragile, l’article 1er prévoit désormais la disparition de la procédure dite Bourquin et étend la procédure dite Hamon, selon laquelle la résiliation pouvait avoir lieu à tout moment durant la première année du contrat.
Les dispositions prévues reprennent le principe de la proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur, adoptée à l’unanimité par le Sénat. Elles clarifient le droit actuel, en précisant ce que recouvre concrètement la notion de date d’échéance afin d’améliorer l’information de l’emprunteur.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié ter est présenté par MM. Capus, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled.
L’amendement n° 17 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 24 rectifié bis est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
L’amendement n° 31 est présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice de » sont remplacés par les mots : « Par dérogation à » et après les mots : « l’article L. 113-12 », sont insérés les mots : « à l’exception du quatrième alinéa » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la deuxième phrase, les mots : « par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 113-14 du code des assurances » ;
4° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
5° À la troisième phrase, la référence : « ou à l’article L. 113-12 du présent code » est supprimée.
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice du » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
4° La troisième phrase est ainsi modifiée :
a) Les mots : « par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 113-14 du code des assurances » ;
b) Les mots : « ou au premier alinéa du présent article » sont supprimés.
La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié ter.
M. Emmanuel Capus. Mes chers collègues, on ne va pas se mentir : en supprimant la disposition phare de cette proposition de loi, à savoir le droit à résiliation infra-annuelle pour les contrats d’assurance emprunteur, la commission des affaires économiques et la commission des finances ôtent au texte tout son intérêt.
Cet amendement tend donc à rétablir la rédaction initiale de l’article 1er qui, je le rappelle, a été voté à la quasi-unanimité, en tout cas par tous les groupes de l’Assemblée nationale. Voilà qui montre bien qu’il s’agit là non pas d’une question politique, mais, comme cela a été souligné tout à l’heure, d’une mesure de bon sens.
Voulons-nous ou non créer un nouveau droit pour le consommateur ? On ne retire rien à personne ! On ne demande pas l’aumône !
Le raisonnement est simple : tandis que la banque est dans une position de force, l’emprunteur est le faible. Il est déjà heureux d’avoir un prêt, parce qu’il s’agit d’un événement important, pour ne pas dire crucial, dans sa vie. Après tout, il n’en obtiendra pas un tous les jours et c’est peut-être le crédit de sa vie.
Ce que nous souhaitons, c’est rétablir un semblant d’égalité entre l’emprunteur et la banque, qui a, elle, tous les pouvoirs, notamment le pouvoir d’octroyer ou non un emprunt. Nous ne demandons pas plus.
D’autres amendements, également intéressants, visent à améliorer la rédaction de l’article, mais le plus simple reste de rétablir la faculté pour l’emprunteur de résilier son assurance à tout moment, de sorte qu’il n’ait pas à se préoccuper de savoir s’il respecte le délai prévu durant la première année du contrat ou l’échéance de la date anniversaire.
La simplicité et le bon sens, mes chers collègues, c’est la résiliation à tout moment. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 17.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Cet amendement identique vise à rétablir l’article 1er dans la rédaction résultant des travaux de l’Assemblée nationale.
Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué que les tarifs avaient déjà bien baissé, de l’ordre de 40 % ; j’ai les mêmes chiffres que vous, monsieur le rapporteur. Dans ces conditions, pourquoi s’arrêter en si bon chemin, alors que l’on sait que ce type de disposition, qui offre à l’emprunteur un droit à résiliation infra-annuelle de son contrat, conduit les établissements bancaires à faire des efforts ?
Cet effort est parfaitement soutenable, car nous parlons là d’un marché extrêmement rentable.
M. Jean-François Husson. Cela ne nous avait pas échappé !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Prenons le ratio de sinistres à primes. Sur le marché de l’assurance emprunteur, pour 100 euros de primes encaissées, 34 euros sont versés pour couvrir un sinistre. En comparaison, dans le secteur des assurances pris dans sa globalité, le ratio moyen est de l’ordre de 75 euros versés pour 100 euros encaissés.
Vous comprenez bien que ce delta correspond à la marge réalisée, donc à de potentiels frais de gestion. Il y a là une forme de rente qui, à notre sens, doit pouvoir être restituée au consommateur au travers de la mise en œuvre de la résiliation infra-annuelle.
Par ailleurs, nous pensons que l’adoption de cet amendement ne se traduira pas par une démutualisation des risques, tout simplement parce qu’il n’existe pas de mutualisation intergénérationnelle. Aujourd’hui, l’enjeu est surtout de mettre fin au caractère dysfonctionnel du marché.
Enfin, avec cet amendement, nous entendons aligner les caractéristiques du contrat d’assurance emprunteur sur celles de la plupart des autres contrats d’assurance.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié bis.
M. Henri Cabanel. Je partage les arguments avancés par M. Capus et M. le ministre. En revanche, je ne comprends pas très bien ceux du rapporteur, aux termes desquels la mise en place d’un droit de résiliation infra-annuelle présente un risque pour le souscripteur d’un contrat, dans la mesure où cela pourrait entraîner une hausse du tarif de son assurance, selon qu’il a tel ou tel profil.
Je vois tout à fait l’intérêt pour un emprunteur de renégocier à tout moment son contrat d’assurance. Aujourd’hui, par exemple, les contrats d’assurance habitation et automobile sont renégociables à tout moment.
Mme Catherine Procaccia. Sauf la première année !
M. Henri Cabanel. Ce droit à résiliation et cette faculté de faire établir des devis auprès de la concurrence – quand on le peut – donnent à l’emprunteur un véritable pouvoir de négociation vis-à-vis de son assureur, qui, de ce fait, baisse ses tarifs. À l’inverse, sans initiative de l’emprunteur, l’assureur maintient les tarifs prévus initialement au contrat.
Il me semble que le rétablissement de l’article 1er tel qu’il a été voté par l’Assemblée nationale contribuera à une baisse des tarifs, même si, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, les perspectives annoncées paraissent un peu optimistes.
Après tout, un euro est un euro et, même si le gain n’est à la fin que de 1 000 euros ou 2 000 euros, c’est toujours cela de pris.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour présenter l’amendement n° 31.
Mme Nadège Havet. J’observe que les amendements déposés à l’article 1er le sont par des sénateurs issus de cinq groupes politiques différents, qui ne s’entendent pas toujours sur tout, mais qui, sur ce sujet, s’unissent pour donner plus de liberté et de pouvoir d’achat au consommateur, donc s’opposer à tout ce qui peut ressembler à la sauvegarde d’une rente.
On peut toujours ajouter de l’information à l’information, mais, si le consommateur fait face à des interlocuteurs qui sont plus ou moins de mauvaise foi et qui délivrent des réponses au compte-gouttes, c’est bien lui qui, au bout du compte, sera lésé.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.
L’amendement n° 20 est présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice de » sont remplacés par les mots : « Par dérogation à » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
4° À la troisième phrase, la référence : « ou à l’article L. 113-12 du présent code » est supprimée.
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité est ainsi modifié :
1° Au début de la première phrase, les mots : « Sans préjudice du » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au » ;
2° À la même première phrase, les mots : « dans un délai de douze mois » sont remplacés par les mots : « à tout moment » ;
3° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « au plus tard quinze jours avant le terme de la période de douze mois susmentionnée » sont supprimés ;
4° À la troisième phrase, les mots : « ou au premier alinéa du présent article » sont supprimés.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 12.
M. Daniel Salmon. Comme nous l’avons dit, une véritable mise en concurrence donnerait davantage de pouvoir au consommateur et rééquilibrerait le rapport de force.
Aujourd’hui, selon les études, seuls les plus aisés, les plus agiles, les plus urbains, ont réellement la faculté de changer d’assurance emprunteur. Ils réussissent plus facilement à l’imposer à leurs banques, celles-là mêmes qui ont récemment annoncé des profits record pour l’année 2021.
À l’heure où le pouvoir d’achat est la priorité numéro un des Français, il n’y a pas de petit gain.
Le ministre l’a rappelé : l’ouverture à la concurrence du marché de l’assurance emprunteur a permis de faire baisser les prix de 40 %, ce qui montre bien qu’il existait des marges importantes – et je ne doute pas qu’il en reste encore.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Fabien Gay. Nous proposons nous aussi de rétablir l’article 1er tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.
Monsieur le rapporteur, je souhaite vous poser une question.
Un emprunteur peut à tout moment rembourser, renégocier, voire faire racheter par un autre établissement bancaire son crédit – attention, je ne parle pas de l’assurance ! Cela nous est à tous arrivé, mes chers collègues.
En revanche, quand il s’agit de son contrat d’assurance, certes, il pourrait le résilier à tout moment durant la première année, mais, passé ce délai, il lui faudrait attendre la date anniversaire du contrat. Vous ne trouvez pas cela étrange ? Pourquoi une telle distorsion ?
Par ailleurs, je n’ai toujours pas compris ce que les modifications introduites par la commission changeraient concrètement, y compris pour les banques. Après tout, on pourrait tout à fait débattre de l’instabilité que pourrait créer un droit à résiliation infra-annuelle des contrats.
M. le rapporteur a avancé un argument, que j’entends d’ailleurs : depuis que le droit à la résiliation a été élargi, le marché – dont 88 % des parts sont pourtant détenus par les banques et 12 % seulement par les autres acteurs – est devenu plus concurrentiel, au point que certains emprunteurs ont pu renégocier le tarif de leur assurance, tout en restant dans leur banque. C’est tout à fait exact : tout client peut aller voir son banquier, lui annoncer qu’il va partir et obtenir finalement de sa part un nouveau tarif l’incitant à ne pas changer d’établissement.
Pour autant, je le répète, cette situation mérite que l’on s’y arrête.
On parle par ailleurs de résiliation à tout moment, mais, en règle générale, un client ne se rend pas dix fois par an à sa banque ! Cette disposition vaut donc surtout pour le moment où il renégocie son crédit : à cette occasion, qui peut avoir lieu à tout moment de l’année, il devrait pouvoir renégocier aussi son assurance.
Cela me paraît d’une simplicité, disons, biblique. C’est pourquoi j’invite M. le rapporteur à répondre à nos arguments.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces six amendements visent tous à rétablir le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Je ne répéterai pas ce que j’ai dit lors de la discussion générale. Je parlerai de manière plus directe : aujourd’hui, ceux qui veulent revenir à une résiliation à tout moment des contrats d’assurance emprunteur n’ont pas regardé avec lucidité les progrès accomplis depuis les dernières évolutions législatives, notamment grâce au travail sénatorial.
N’oublions pas que tout est parti d’ici ! Je le dis, parce que nous étions tout de même un certain nombre sur ces travées à œuvrer en ce sens.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. J’ai entendu des propos qui me choquent terriblement, parce que, sans nos efforts à l’époque, nous n’aurions jamais trouvé de compromis.
Cet accord a été conclu non sans difficulté. La preuve en est que la commission mixte paritaire avait failli échouer. J’en sais quelque chose – cela me gêne d’en parler, car je n’aime pas parler de moi –, car je suis celui qui a trouvé la seule porte de sortie possible pour aboutir à une conclusion satisfaisante. Tout cela s’est passé à l’époque de l’amendement de Martial Bourquin – vous pouvez l’interroger à ce sujet.
Si je vous rappelle tout cela, mes chers collègues, c’est parce qu’à l’époque nous avons déjà eu ce débat : faut-il créer un droit à la résiliation à tout moment ou seulement à la date d’échéance annuelle du contrat ? À ce moment-là, nous avons unanimement décidé de mettre en œuvre une résiliation annuelle.
Évidemment, tout cela n’est pas parfait et c’est tout l’objet du travail réalisé au Sénat par les deux commissions. Aujourd’hui, le système fonctionne bien. Monsieur le ministre, si vous faisiez preuve d’un peu d’objectivité, vous reconnaîtriez que nous disons la vérité : le travail sénatorial a permis de restituer à nos concitoyens jusqu’à 40 % du montant de leur assurance emprunteur.
Je ne suis pas en train de dire pour autant que l’on ne peut pas aller plus loin.
D’ailleurs, le Sénat permet des avancées. Le texte adopté par l’Assemblée nationale ne contient pas un mot sur l’information des emprunteurs. Pas un mot ! Vous avez beau répéter qu’il faut que les emprunteurs puissent dénoncer leur contrat d’assurance à tout moment, s’ils ne sont pas au courant qu’ils peuvent le faire, à quoi bon ?
C’est pourquoi nous obligeons les assureurs à informer leurs clients une fois par an de leur droit de résiliation et des modalités d’exercice de ce droit.
Le rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) est très intéressant à cet égard. Il souligne les lacunes actuelles, que certains de nos collègues – je tiens à les en remercier – ont mentionnées, notamment le fait que certains emprunteurs « se font balader » – pardonnez-moi cette expression –, tout simplement parce que, faute d’avoir réagi à temps, ils doivent de nouveau attendre un an avant de pouvoir résilier leur contrat.
Les apports du Sénat permettront de sécuriser et de verrouiller le processus, en créant une obligation d’information annuelle. La commission préserve aussi la concurrence entre la banque assurance et les assureurs alternatifs.
Nous avons des chiffres, mais il faut aussi tenir compte des risques que l’on fait courir aux Français, monsieur le ministre. Il faut en effet veiller à ne pas trop déplacer le curseur. On sait que l’ouverture à la concurrence a entraîné une hausse de 33 % des tarifs pour les personnes les plus âgées, celles qui sont les plus à risque.
Notre rôle est de regarder avec lucidité le profil de l’ensemble des emprunteurs, de tous ceux pour qui l’acquisition d’un patrimoine immobilier représente un projet de vie. C’est dans cette logique que la commission des affaires économiques a travaillé : elle a renforcé l’obligation d’information, tout en maintenant la concurrence, qui, aujourd’hui, fonctionne bien.
Vous l’aurez compris, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 1 rectifié ter, 17, 24 rectifié bis et 31, ainsi que sur les amendements identiques nos 12 et 20, dont l’objet diffère des précédents en ce qu’il ne prévoit aucune coordination juridique.
J’ajoute un dernier mot à l’attention de Fabien Gay. Pour qui veut faire preuve de lucidité sur cette question, les choses sont très claires : sur ce marché, la concurrence est une réalité aujourd’hui, elle fonctionne ; on en a les preuves !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Dans un esprit inclusif, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’ensemble des amendements de rédaction globale de l’article 1er. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Je ne peux pas laisser les propos du rapporteur sans réponse.
Sophie Primas a fort justement souligné tout à l’heure qu’il ne fallait pas laisser croire que les sénateurs, ceux de la majorité en particulier, étaient les porte-parole des banques, quand bien même ils adopteraient la position de la commission. Elle a eu raison de le dire.
Pour ma part, je ne voudrais pas qu’on laisse croire, comme l’a fait le rapporteur, que les sénateurs qui déposent des amendements manquent de « lucidité », pour reprendre un terme qu’il a employé, ou ne travaillent pas. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) On ne peut pas tenir de tels propos : ce n’est pas tolérable non plus.
Contrairement à ce que pense le rapporteur, tous les sénateurs qui déposent des amendements travaillent. Moi, par exemple, j’ai déposé l’amendement n° 1 : certes, j’ai réfléchi vite, mais je peux vous assurer que j’ai travaillé ! Ce n’est pas bien de laisser penser qu’un sénateur manque de lucidité quand il dépose un amendement.
Dans le cas qui nous intéresse, il y a un choix à faire : soit on choisit de défendre une forme de rente, celle des banques, soit on choisit de revenir au dispositif adopté à l’unanimité par les députés, celui d’attribuer un pouvoir supplémentaire aux faibles, c’est-à-dire aux emprunteurs. Ce choix doit se faire en conscience, librement, sans subir d’anathème.
M. Henri Cabanel. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Lorsque, dans le cadre de l’examen du texte qui deviendra la loi Hamon, le ministre de l’époque a proposé de créer un droit à la résiliation à tout moment au cours de la première année, je m’y étais opposée, et ce pour une bonne raison : selon moi, durant cette première année, alors que l’on vient de négocier son crédit, que l’on doit déménager et s’installer, on a autre chose à faire et on n’a pas le temps de s’engager dans ce type de démarche. J’étais pour ma part favorable à ce que la résiliation du contrat ne soit possible qu’une fois passé le délai d’un an.
C’est la possibilité de changer d’assurance à tout moment lors des douze premiers mois qui a été votée ; or ce dispositif a finalement fait la preuve qu’il ne fonctionnait pas. Dès lors, pourquoi déciderait-on encore une fois aujourd’hui de faire de l’assurance emprunteur une assurance totalement à part ?
Si l’article 1er est rétabli dans sa rédaction, ce sera le seul type d’assurance que l’on pourra résilier non seulement au cours de la première année, mais ensuite à n’importe quel moment. Pour tous les autres contrats d’assurance – automobile, habitation… –, le souscripteur ne peut résilier son contrat qu’au terme d’un délai d’un an ; une fois qu’il a changé d’assurance, ce même délai d’un an s’applique.
Les auteurs de ces amendements proposent de créer un droit à la résiliation à n’importe quel moment, au bout de trois ou de six mois, par exemple. Bref, on ne fixe aucune limite et je ne vois pas comment un tel dispositif pourrait s’appliquer concrètement.
Pour moi, tout cela débouchera sur de fausses promesses et fera de nombreux déçus.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le rapporteur, vous êtes très habile, mais vous n’avez pas répondu à ma question.
L’enjeu n’est pas de faire en sorte que l’emprunteur puisse résilier son contrat tous les trois mois, tous les six mois ou tous les ans. Je vous parle d’une situation à laquelle chacun d’entre nous a été confronté, celle de la souscription d’un prêt à un moment donné de notre vie, avec un niveau de salaire donné.
Cinq ou dix ans plus tard, parce que sa carrière lui a permis d’évoluer et d’avoir une vie meilleure, un emprunteur souhaite renégocier son crédit et se dit qu’il pourrait obtenir un meilleur taux auprès de sa banque.
Il serait tout de même plus simple que le banquier l’informe à cette occasion qu’il peut renégocier en même temps son contrat d’assurance emprunteur, plutôt qu’il lui donne rendez-vous six, sept ou huit mois plus tard, à la date anniversaire de ce contrat, pour le renégocier. Cela constituerait un frein pour les consommateurs : c’est un vrai sujet !
Le rapporteur a également expliqué que tout allait bien en matière de concurrence – peut-être, mais tout le monde sait ce que c’est de faire un prêt à la banque : quand un client se présente pour un emprunt, le banquier lui présente systématiquement en même temps le crédit, le taux et l’assurance. En d’autres termes, il lui propose les produits maison. Voilà la réalité !
Là encore, si l’on veut introduire davantage de concurrence – dire que c’est moi qui défends cette idée ! (Sourires.) –, il faut rétablir l’article dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Monsieur le rapporteur, je vous ai écouté attentivement lorsque vous avez déclaré que vous vouliez renforcer l’obligation d’information du consommateur. Cela tombe très bien : comme j’ai moi-même déposé trois amendements dans ce but, je suis certain que vous y serez favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Je rappellerai deux éléments factuels.
Tout d’abord, quand un consommateur souscrit pour la première fois un contrat d’assurance emprunteur, en parallèle d’un crédit dont le montant est significatif, les choses sont simples : il fait certes jouer la concurrence, mais, généralement, le crédit et l’assurance qu’il choisit sont liés. (M. le ministre délégué proteste.) Monsieur le ministre, je ne fais que décrire une réalité que je connais bien pour l’avoir étudiée de près.
Quelque temps après, quand ce même consommateur veut renégocier son emprunt, ce qui devient fondamental, c’est le questionnaire médical, dont on discutera tout à l’heure, mais que l’on oublie trop souvent.
Personnellement, tout comme Catherine Procaccia, qui, à juste titre, a évoqué ce sujet, je n’étais pas forcément très favorable à la résiliation à tout moment des contrats de complémentaire santé. À cette époque, pour ce type de contrats, le problème était différent, puisqu’il n’y avait plus de questionnaire médical : il résidait plutôt dans les frais de gestion que pouvaient avoir à supporter les mutuelles – mais c’est un autre sujet.
Pour moi, la suppression du questionnaire médical dans certains cas est la mesure la plus importante de ce texte. C’est un véritable bouleversement, une innovation. Monsieur le ministre, si j’osais, je dirais même que c’est « disruptif » – je sais que le mot vous fera plaisir. (Sourires.)
Avec cette disposition, le Sénat est pionnier, car il impose une obligation de solidarité pour tenir compte des différences liées à l’état de santé des emprunteurs. Un peu à l’image de la sécurité sociale ou des assurances sociales, il mutualise le risque entre les bien-portants et les personnes ayant souffert d’une affection.
Par ce dispositif, on demande aux assureurs d’être eux-mêmes innovants. Or mon petit doigt me dit qu’un certain nombre d’acteurs actuels du marché ont envie de jouer le jeu de l’initiative prise par le Sénat, initiative qui, je le redis, bouleverse, voire bouscule !
Finalement, c’est ici, au Sénat, que nous demandons au Gouvernement de tenir l’engagement qu’a pris le candidat Emmanuel Macron devant les Français il y a cinq ans.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Je reviens sur les propos de Fabien Gay.
Quand un emprunteur renégocie son crédit, mon cher collègue, l’assurance est résiliée de fait, parce que les clauses bénéficiaires et les conditions d’emprunt ont changé.
Dans le cadre de ce texte, en réalité, nous ne discutons que de la résiliation de l’assurance emprunteur prise isolément, et non de sa résiliation lorsqu’elle est liée à la renégociation d’un emprunt.
Jusqu’à présent, les banques ont le quasi-monopole du marché, parce qu’elles jouent sur la date d’échéance du contrat, qui n’est précisée nulle part.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Vincent Segouin. À chaque fois qu’un client envoie une lettre de résiliation, la banque lui répond qu’il n’a pas mentionné la bonne date, qu’il s’agit de la date de déblocage du prêt, par exemple.
Je rejoins les propos de Jean-François Husson. À l’heure actuelle, souscrire un contrat d’assurance emprunteur implique de remplir un questionnaire médical. Un contrat de ce type doit donc être établi de manière sérieuse. Il faut éviter toute éventuelle déchéance de garantie au moment de son transfert.
M. Jean-François Husson. Voilà !
M. Vincent Segouin. C’est pourquoi il est préférable de fixer la date d’échéance du contrat à sa date anniversaire : on connaît ainsi à l’avance la date à laquelle il faudra avoir préparé son dossier, ce qui favorisera une prise d’effet sans accroc ni trou de garantie.
Je suis tout à fait favorable à ce qu’un consommateur puisse résilier à tout moment un contrat d’assurance automobile, un contrat d’assurance habitation ou une complémentaire santé, parce que leur souscription ne suppose aucun questionnaire médical et qu’il s’agit de contrats relativement simples – ce sont des contrats de masse, comme on les appelle. En revanche, il ne faut surtout pas l’envisager pour les contrats d’assurance emprunteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. J’interviens pour soutenir la position de la commission et notre rapporteur.
Selon vous, monsieur Capus, si notre assemblée adoptait ces amendements, elle ne retirerait rien aux consommateurs. C’est probablement sur ce point que nous avons une différence d’appréciation.
Nous pensons qu’une forme de démutualisation est déjà à l’œuvre. (M. Emmanuel Capus proteste.) Vous n’êtes peut-être pas d’accord, mais laissez-moi aller au bout de mon raisonnement.
Vous êtes jeune et bien portant, monsieur Capus, mais moi qui suis vieille, pour avoir souscrit un emprunt l’an dernier, je peux vous dire qu’aujourd’hui, quand on a plus de 55 ans, il faut se lever de bonne heure pour trouver une assurance emprunteur concurrentielle, d’autant que les taux ont augmenté ces derniers mois !
Nous voulons contrer ce processus de démutualisation, qui en est à ses débuts, mais qui est réel. Dire, comme vous le faites, que l’on ne retire rien aux consommateurs en votant ces amendements est inexact : tout dépend des consommateurs. En tout cas, c’est le point de vue de la commission au vu des éléments dont nous disposons.
J’ajoute au passage que j’aurais préféré que ce sujet soit traité dans le cadre d’un projet de loi, car nous aurions alors disposé d’une étude d’impact sérieuse (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) et d’éléments qui, certes, figurent dans le rapport de Daniel Gremillet, mais qui peuvent être interprétés de façon différente par les uns et les autres. Aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi ; nous avançons avec les documents à notre disposition, lesquels vont d’ailleurs plutôt dans notre sens.
Enfin, nous ne sauvegardons pas du tout une rente ! Je rappelle d’ailleurs que le Sénat est l’assemblée qui a ouvert le marché de l’assurance emprunteur à la concurrence. Nous n’empêchons pas plus la concurrence, puisque chacun a pu observer qu’elle était effective. Je m’inscris donc en faux par rapport à certains arguments qui ont été avancés.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié ter, 17, 24 rectifié bis et 31.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 92 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 277 |
Pour l’adoption | 78 |
Contre | 199 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, je suis également saisie d’une demande de scrutin public sur les amendements identiques nos 12 et 20. Puis-je considérer que le vote est identique sur ces amendements ? (Assentiment.)
En conséquence, les amendements identiques nos 12 et 20 ne sont pas adoptés.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 313-29 du code de la consommation est complété par les mots : « ainsi que les informations de nature à connaître son coût réel en distinguant le taux annuel effectif global du taux annuel effectif de l’assurance ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Par cet amendement, je vais tâcher de répondre au vœu de M. le rapporteur et renforcer la transparence.
Pour faire simple, dans les précontrats de prêt, on fait figurer à la fois le taux avec assurance et celui sans assurance. En revanche, ce n’est pas le cas dans les contrats définitifs.
Nous souhaitons que cette information précise apparaisse et soit détaillée sur toute la durée du crédit, car elle est importante. Il arrive par exemple que certains contrats soient profitables à leurs souscripteurs durant les huit ou dix premières années, et nettement moins au bout de vingt ou vingt-cinq ans.
Cette précision va, me semble-t-il, dans le sens de ce que souhaite le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Monsieur Gay, cet amendement est satisfait, puisque le code de la consommation prévoit déjà que le coût de l’assurance emprunteur doit être mentionné sur tout document fourni à l’emprunteur avant l’offre de prêt qui traite de ce sujet.
L’article L. 313-8 dudit code précise que ce coût est exprimé en taux annuel effectif de l’assurance, qui permet la comparaison par l’emprunteur de ce taux avec le taux annuel effectif global du crédit.
Cet amendement est d’autant plus satisfait qu’une fiche standardisée d’information doit être fournie à toute personne qui se voit proposer un contrat d’assurance emprunteur. Celle-ci mentionne le taux annuel effectif de l’assurance relatif à la totalité du prêt.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Gay, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 21 est retiré.
Article 2
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Aux articles L. 313-8 et L. 313-28, les mots : « de groupe » sont supprimés ;
2° L’article L. 313-30 est ainsi modifié :
a) A la première phrase, les mots : « de groupe » sont supprimés ;
b) La dernière phrase est ainsi rédigée : « Toute décision de refus est explicite et comporte l’intégralité des motifs de refus. » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle précise, le cas échéant, les informations et garanties manquantes. » ;
3° Après le même article L. 313-30, il est inséré un article L. 313-30-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 313-30-1. – Le prêteur est tenu de communiquer à l’emprunteur, sur un support papier ou sur tout autre support durable, la date de signature de l’offre de prêt, dès la réception de cette offre signée et de la mentionner sur toute documentation mise à la disposition de l’emprunteur et relative à son prêt. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 4
Supprimer ces alinéas.
II. - Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « résiliation », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « prévu au premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou au troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité. » ;
III. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
est explicite et comporte l’intégralité des motifs de refus
par les mots :
doit être explicite et motivée
IV. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
et garanties
V. – Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à mettre en cohérence l’article avec le rétablissement, pour l’assuré, du droit de résiliation du contrat d’assurance emprunteur. Il tend donc à rétablir la rédaction initiale de l’article 2.
Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « résiliation », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « prévu au premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances ou au troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité. » ;
II. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
est explicite et comporte l’intégralité des motifs de refus
par les mots :
doit être explicite et motivée
III. – Alinéas 7 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Cet amendement de cohérence est conforme à notre souhait de rétablir l’esprit initial de la proposition de loi.
Les ajouts de la commission ne nous semblent pas utiles et paraissent pleinement satisfaits par la rédaction antérieure. La notion d’« intégralité des motifs de refus », en particulier, alourdirait la rédaction du code de la consommation ; elle n’a que peu de valeur ajoutée et n’est pas une expression consacrée dans la réglementation financière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces deux amendements tendent à revenir à la rédaction issue de l’Assemblée nationale. Ils diffèrent légèrement par leur rédaction, l’amendement inspiré par le Gouvernement conservant la clarification du code de la consommation apportée par la commission.
Dès lors qu’ils visent à adapter le code de la consommation pour tenir compte de la résiliation à tout moment, mesure que nous venons de repousser, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements, mais je reconnais que le suspense quant à leur sort n’est pas insoutenable ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 6° de l’article L. 313-25 du code de la consommation, après le mot : « assurances », sont insérés les mots : « , garanties exigées ».
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement tend à renforcer la transparence et, de fait, l’information de l’emprunteur sur les garanties exigées par le prêteur lors de la conclusion du prêt.
Il est ainsi proposé que la liste des informations devant figurer dans l’offre de prêt soit complétée par les éléments relatifs aux garanties exigées par la banque pour l’octroi et le maintien du crédit. Cette information est importante, car la banque ne peut pas refuser un autre contrat d’assurance emprunteur s’il présente un niveau de garantie équivalent au contrat initial.
Aussi, cette information figurant dans l’offre de prêt prend un caractère contractuel. Non seulement elle permet à l’emprunteur de disposer d’un document de référence pendant toute la durée du prêt, mais elle facilite également la négociation d’une autre assurance.
Avec cet amendement, il s’agit donc d’apporter des outils supplémentaires à l’emprunteur et de renforcer l’effectivité du droit à changer d’assurance emprunteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Aujourd’hui, l’offre de prêt doit déjà mentionner la possibilité laissée à l’emprunteur de résilier l’assurance et les documents à transmettre pour ce faire. Cet amendement est donc satisfait par la rédaction actuelle du code de la consommation.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Blatrix Contat, l’amendement n° 40 est-il maintenu ?
Mme Florence Blatrix Contat. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Certes, cet amendement peut être considéré comme satisfait, dans la mesure où les informations sont précisées dans la fiche standardisée d’information, la FSI. Toutefois, il nous semble préférable qu’elles figurent au contrat.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Capus, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° de l’article L. 313-25 du code de la consommation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Mentionne le coût de l’assurance exprimé tel que prévu au L. 313-8 et notamment par l’indication du taux annuel effectif de l’assurance ;
« …° Mentionne les exigences du prêteur en termes de garanties d’assurance qui conditionnent l’octroi et le maintien du crédit ; ».
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Je défends avec grand plaisir cet amendement de Franck Menonville, qui va dans le même sens que l’amendement précédent, même si sa rédaction est quelque peu différente.
J’entends que certaines mesures sont déjà prévues dans le code de la consommation, mais nous demandons qu’une information complète figure dans le contrat de prêt.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent et pour les mêmes raisons, cette demande me semble pleinement satisfaite. Il est déjà prévu que les garanties exigées figurent explicitement, tant dans la notice que dans la fiche standardisée d’information. C’est dans la loi !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Capus, l’amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Emmanuel Capus. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – Après l’article L. 113-15-2 du code des assurances, il est inséré un article L. 113-15-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-15-3. – I. – Pour les contrats mentionnés à l’article L. 113-12-2, l’assureur informe chaque année l’assuré, sur support papier ou tout autre support durable, du droit de résiliation prévu à l’article L. 113-12, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter.
« Les manquements à cette obligation sont constatés et sanctionnés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans les conditions prévues à la section II du chapitre Ier du titre Ier du livre III.
« II. – Les manquements à cette obligation peuvent également être recherchés et constatés par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l’article L. 511-7 du même code.
« Ils sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.
« L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer, dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V dudit code, l’amende administrative prévue au présent II. »
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 313-29 est ainsi modifié :
a) Le mot : « et » est remplacé par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et indiquant que la date d’échéance du contrat d’assurance est, au choix de l’emprunteur, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par l’emprunteur ou toute autre date d’échéance prévue au contrat. » ;
2° Après le 29° de l’article L. 511-7, il est inséré un 30° ainsi rédigé :
« 30° De l’article L. 113-15-3 du code des assurances et de l’article L. 221-10-4 du code de la mutualité. »
III. – Après l’article L. 221-10-3 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 221-10-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-10-4. – I. – Pour les contrats d’assurance mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 221-10, la mutuelle ou l’union informe chaque année l’assuré, sur support papier ou tout autre support durable, du droit de résiliation prévu au premier alinéa du même article L. 221-10, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter.
« Les manquements à ces obligations sont constatés et sanctionnés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans les conditions prévues au livre V.
« II. – Les manquements au premier alinéa du I peuvent également être recherchés et constatés par les agents mentionnés aux articles L. 511-3 et L. 511-21 du code de la consommation, dans les conditions prévues à l’article L. 511-7 du même code.
« Ils sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.
« L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer, dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V dudit code, l’amende administrative prévue au présent II. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Capus, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled.
L’amendement n° 26 rectifié est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 113-15-3. – I. – Pour les contrats mentionnés à l’article L. 113-12-2, l’entreprise d’assurance met à la disposition de l’assuré, sur tout support durable, les informations relatives au droit de résiliation de ces contrats prévu au même article ainsi qu’aux modalités de résiliation et aux différents délais de notification et d’information que l’assuré doit respecter.
II. – Alinéas 8 à 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 313-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette notice indique la possibilité pour l’emprunteur de résilier le contrat d’assurance à tout moment à compter de la signature de l’offre de prêt. » ;
III. – Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 221-10-4. – I. – Pour les contrats mentionnés à l’article L. 221-10, la mutuelle ou l’union met à la disposition du membre participant, sur tout support durable, les informations relatives au droit de résiliation de ces contrats prévu au troisième alinéa du même article ainsi qu’aux modalités de résiliation et aux différents délais de notification et d’information que le membre participant doit respecter.
La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. Emmanuel Capus. Dans la mesure où il s’agit d’un amendement de cohérence avec une mesure qui a été présentée un peu plus tôt dans la discussion, mais qui n’a pas été retenue, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
M. Henri Cabanel. Je retire également cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
L’amendement n° 11, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer les mots :
dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000
par les mots :
de 12 000 € pour une personne physique et de 60 000
II. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000
par les mots :
de 12 000 € pour une personne physique et de 60 000
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. La proposition de loi renforce les sanctions administratives en cas de manquement aux obligations de transparence relatives au droit de résiliation. Nous soutenons bien évidemment cette disposition.
Toutefois, avec une sanction ne pouvant excéder 3 000 euros pour une personne physique, comme le prévoit actuellement le texte, il reste très rentable pour les banques et autres sociétés financières de ne pas informer leurs clients de la possibilité de résilier leur contrat d’assurance emprunteur.
Afin de rendre la sanction réellement dissuasive, il est donc proposé de porter son montant à 12 000 euros pour les particuliers. Afin de conserver l’écart prévu par le texte, ce même montant serait fixé à 60 000 euros pour une personne morale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Par définition, les sanctions en matière d’information du consommateur se doivent d’être dissuasives.
Je note toutefois un point dans l’objet de l’amendement : on distingue le caractère physique ou moral de la personne à qui est infligée la sanction, c’est-à-dire la personne contrevenant à la loi, et non l’emprunteur. En d’autres termes, même si, juridiquement, on prévoit une distinction entre sanction appliquée à une personne physique – 3 000 euros – et sanction appliquée à une personne morale – 15 000 euros –, dans les faits on verra uniquement infliger la sanction de 15 000 euros aux banques qui manqueraient à leurs obligations.
Je rappelle également qu’il s’agit d’une sanction administrative.
Pour toutes ces raisons, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. La cohérence a été invoquée à plusieurs reprises au cours de nos débats. C’est aussi par cohérence que le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Le code de la consommation prévoit déjà des amendes pour des manquements similaires sur d’autres types de produits assurantiels. Ce sont les quantums repris dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, c’est-à-dire dans la version issue des travaux de la commission.
Pour ne pas créer d’incohérence entre les différentes dispositions du code de la consommation, il semble nécessaire de s’en tenir là.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
Au 2° de l’article L. 313-8 du code de la consommation, après le mot : « assurance », sont insérés les mots : « sur une durée de huit ans et ».
Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Cet amendement tend à supprimer l’obligation d’informer l’emprunteur sur le coût de son assurance sur une durée de huit ans.
L’article 3 bis reprend une préconisation du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Sur le fond, nous y sommes pleinement favorables. Cela étant, l’obligation d’une telle information relève du domaine réglementaire. Nous attendons donc que le Gouvernement agisse en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’article 3 bis, ajouté dans le texte en commission à l’Assemblée nationale sur l’initiative de la rapporteure, a ensuite été supprimé en séance publique sur l’initiative du Gouvernement.
Or il semble de bon sens, puisqu’il prévoit que le coût de l’assurance emprunteur soit affiché, non seulement sur la durée du prêt, mais aussi sur huit ans, c’est-à-dire la durée moyenne d’un prêt dans les faits. Ainsi, l’emprunteur pourrait comparer avec plus d’efficacité et de pertinence les différentes offres d’assurance.
La loi prévoyant déjà de manière précise la façon dont le coût de l’assurance doit être exprimé, nous pensons que cette disposition relève bien, comme les autres, du domaine législatif. Il n’est nul besoin de passer par le pouvoir réglementaire pour cela : la disposition est suffisamment claire et détaillée en elle-même.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement n° 34.
Cette disposition relève bien du règlement, et non de la loi.
Quoi qu’il arrive, il faudra revoir la FSI à l’issue du processus législatif pour intégrer un certain nombre d’éléments requis. Naturellement, le Gouvernement s’y engage, il apportera cette précision concernant la durée de huit ans dans le cadre de l’arrêté qui sera rédigé.
Nous ne faisons que débattre de la norme, qu’elle soit réglementaire ou législative. Dans tous les cas, ce sera fait !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 bis.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 4
Au troisième alinéa de l’article L. 313-31 du code de la consommation, après le mot : « avenant », sont insérés les mots : « , dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la notification de cette décision à l’emprunteur, ».
Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article L. 313-31 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- les mots : « du deuxième alinéa de l’article L. 113-12 du code des assurances, » sont supprimés ;
- les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code des assurances » ;
- les mots : « des premier ou troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « du troisième alinéa » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « avenant », sont insérés les mots : « , dans un délai de dix jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution, » ;
2° L’article L. 313-32 est ainsi modifié :
a) Les mots : « du deuxième alinéa de l’article L. 113-12 du même code » sont supprimés ;
b) Les mots : « des premier ou troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « du troisième alinéa ».
La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Par cohérence, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 35 est retiré.
Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 4 bis (nouveau)
À l’article L. 313-32 du code de la consommation, après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « y compris son mode d’amortissement, ». – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre III du code de la consommation est ainsi modifiée :
1° Au début de la sous-section 2, il est ajouté un paragraphe 1 intitulé : « Sanctions civiles » et comprenant les articles L. 341-25 et L. 341-26 ;
2° La même sous-section 2 est complétée par un paragraphe 2 ainsi rédigé :
« Paragraphe 2
« Sanctions administratives
« Art. L. 341-26-1. – Le fait pour le prêteur de ne pas respecter l’une des obligations prévues au dernier alinéa de l’article L. 313-8 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. » ;
3° L’article L. 341-39 est abrogé ;
4° La sous-section 4 est complétée par un paragraphe 3 ainsi rédigé :
« Paragraphe 3
« Sanctions administratives
« Art. L. 341-44-1. – Le fait pour le prêteur de ne pas respecter l’une des obligations prévues aux articles L. 313-30 à L. 313-32 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
« Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V. »
Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000
par les mots :
de 12 000 euros pour une personne physique et de 60 000
II. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000
par les mots :
de 12 000 euros pour une personne physique et de 60 000
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Par cohérence également, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Le présent titre entre en vigueur quatre mois après la promulgation de la présente loi et s’applique aux contrats en cours à la date de son entrée en vigueur.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 27 rectifié est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
L’amendement n° 36 est présenté par Mme Evrard, M. Buis, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
quatre mois
par les mots :
un an
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié.
M. Henri Cabanel. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie Evrard, pour présenter l’amendement n° 36.
Mme Marie Evrard. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 36 est retiré.
Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Intitulé du titre Ier
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 14 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel.
L’amendement n° 25 rectifié est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
L’amendement n° 32 est présenté par Mmes Evrard et Schillinger, M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Droit de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur et autres mesures de simplification
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 14.
M. Daniel Salmon. Cet amendement n’ayant plus d’objet, je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 14 est retiré.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.
M. Henri Cabanel. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie Evrard, pour présenter l’amendement n° 32.
Mme Marie Evrard. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 32 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
TITRE II
DROIT À L’OUBLI ET ÉVOLUTION DE LA GRILLE DE RÉFÉRENCE DE LA « CONVENTION AERAS »
Avant l’article 7
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 29 rectifié est présenté par Mme Pantel, MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme N. Delattre.
L’amendement n° 46 est présenté par M. Féraud, Mme Blatrix Contat, MM. Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 1141-6 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes atteintes ou ayant été atteintes d’une pathologie pour laquelle l’existence d’un risque accru de décès ou d’invalidité n’a pas été attestée par les données de la science ne peuvent se voir appliquer ni majoration de tarifs ni exclusion de garantie au titre de cette même pathologie. »
II. – La première phrase du 1° de l’article 225-3 du code pénal est complétée par les mots : « à la condition d’être justifiées par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés ».
La parole est à Mme Guylène Pantel, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.
Mme Guylène Pantel. Cet amendement a pour objet de compléter le code de la santé publique et le code pénal s’agissant des personnes atteintes d’une pathologie pour laquelle l’existence d’un risque accru de décès ou d’invalidité n’est pas scientifiquement démontrée, en particulier dans leurs conditions d’accès au crédit.
Alors qu’il est prouvé depuis plusieurs années que, grâce aux traitements disponibles, l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH est identique à celle de la population générale, celles-ci continuent de se voir appliquer la surprime maximale de 100 % de leur assurance.
Dès lors, on peut envisager que les organismes d’assurance soient tenus d’apporter la preuve de la justification médicale et scientifique des cotisations supplémentaires qu’ils entendent facturer aux personnes présentant un risque aggravé de santé.
L’objet de cet amendement est donc de mettre fin à une pratique concernant certains emprunteurs potentiels qui n’apparaît plus justifiée au regard de l’état actuel de la médecine.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 46.
M. Rémi Féraud. Cet amendement constitue un véritable changement : ce serait non plus aux emprunteurs potentiels de prouver que leur état de santé n’engendre pas de sur-risque, mais à l’assureur d’en faire la démonstration.
On inverserait, en quelque sorte, la charge de la preuve, ce qui changerait significativement les choses pour un certain nombre de pathologies dont on sait aujourd’hui qu’elles n’entraînent pas de sur-risque. Je pense notamment aux personnes vivant avec le VIH, qui se voit parfois appliquer une surprime de 100 %.
Le renversement de la charge de la preuve permettrait de faire véritablement évoluer la question des surprimes d’assurance emprunteur.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous allons faire en sorte que la situation évolue sur cet aspect très lourd – nous parlons d’humain et de santé – de la question de l’assurance emprunteur.
Néanmoins, la commission demande le retrait de ces amendements identiques, non pas en raison d’un désaccord de fond, mais parce que je présenterai ultérieurement un amendement dont l’objet va encore plus loin ;…
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. … à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Madame Pantel, monsieur Féraud, vous avez cité l’exemple des personnes vivant avec le VIH : non seulement cette demande sera largement satisfaite, mais nous travaillerons aussi sur le droit à l’oubli et sur son extension à un certain nombre de maladies chroniques qui, aujourd’hui, entraînent des surcoûts significatifs des assurances emprunteurs.
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Husson. Il est d’accord avec la commission ! (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. En effet, monsieur Husson, le Gouvernement demande, comme la commission, le retrait de ces amendements identiques, mais pour des motifs légèrement différents.
Que les choses soient claires, mesdames, messieurs les sénateurs : le Gouvernement partage pleinement votre intention. Il n’y a pas de sujet là-dessus !
La convention Aeras (s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) se fonde systématiquement sur les études scientifiques disponibles. Nous avons donc pleinement confiance dans ce dispositif et dans les progrès régulièrement accomplis dans ce cadre.
En faisant référence aux « données de la science », ces amendements pourraient d’ailleurs créer une certaine instabilité s’ils étaient adoptés. En effet, on le sait, il serait toujours possible de trouver des études divergentes.
Pour notre part, nous croyons en ce cadre conventionnel. La démarche est peut-être moins impressionnante, mais elle nous semble tout aussi efficace pour obtenir des résultats et atteindre l’objectif, que, je le répète, nous partageons. C’est sur le chemin à emprunter que nous divergeons.
Mme le président. Madame Pantel, l’amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?
Mme Guylène Pantel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 29 rectifié est retiré.
Monsieur Féraud, l’amendement n° 46 est-il maintenu ?
M. Rémi Féraud. Cet amendement me paraît complémentaire du dispositif que nous adopterons ultérieurement. Toutefois, pour donner de la force à ce vote à venir du Sénat, je le retire, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 46 est retiré.
Article 7
I. – Les signataires de la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 du code de la santé publique engagent, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, une négociation sur la possibilité d’appliquer :
1° Pour les différentes pathologies cancéreuses, des délais plus courts que ceux mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 1141-5 du code de la santé publique, en particulier pour les pathologies pour lesquelles les délais applicables sont supérieurs à cinq ans ;
2° Pour davantage de pathologies autres que cancéreuses, les interdictions prévues au deuxième alinéa du même article L. 1141-5.
II. – Les signataires de la convention nationale mentionnée au I engagent, au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, une négociation sur une hausse du montant mentionné au 1° de l’article L. 1141-2-1 du code de la santé publique.
III. – L’instance de suivi et de propositions mentionnée au 10° de l’article L. 1141-2-1 du code de la santé publique adresse un rapport d’avancement au Gouvernement et au Parlement au plus tard neuf mois après la promulgation de la présente loi.
IV. – À défaut de mise en œuvre des I et II par les signataires de ladite convention nationale, les conditions d’accès à la convention, qui doivent faire l’objet d’une négociation, peuvent être fixées par décret en Conseil d’État. Ces conditions sont fixées à un niveau au moins aussi favorable pour les candidats à l’assurance que celles en vigueur à la date de publication de la présente loi.
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 38 rectifié est présenté par Mmes Estrosi Sassone et Thomas, MM. Bascher, Perrin et D. Laurent, Mme Canayer, MM. Panunzi, Daubresse et Grand, Mme Borchio Fontimp, MM. Rapin, Pellevat, J.P. Vogel et Saury, Mme Demas, MM. Rietmann et Cambon, Mme Deroche, MM. Mandelli, Calvet, Sol, Grosperrin et Meignen, Mmes M. Mercier, Jacques et Drexler, MM. Piednoir, Pointereau, Somon, Bacci et Bonnus, Mme Goy-Chavent, M. Chaize, Mme Imbert, MM. Burgoa et Anglars, Mmes F. Gerbaud, Garriaud-Maylam et Chauvin, MM. Lefèvre et Charon, Mmes Richer et Gruny, M. Belin, Mmes Gosselin et Di Folco, M. B. Fournier, Mmes Dumas et Malet, MM. Bouchet et Savin, Mmes Deseyne, Micouleau, Lassarade et Noël, MM. Brisson, C. Vial, Laménie, Sido et Genet et Mmes Dumont et Raimond-Pavero.
L’amendement n° 47 est présenté par M. Féraud, Mme Blatrix Contat, MM. Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 49 est présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 1141-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « cancéreuse », sont insérés les mots : « ou d’une pathologie chronique » ;
b) À la seconde phrase, après le mot : « cancéreuses », sont insérés les mots : « ou aux pathologies chroniques » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces interdictions s’appliquent indépendamment de l’âge de l’emprunteur et de la quotité empruntée. » ;
3° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans tous les cas, le délai au-delà duquel aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses et chroniques ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder cinq ans après la fin du protocole thérapeutique. Cette interdiction s’applique indépendamment de l’âge de l’emprunteur et de la quotité empruntée. » ;
4° Au dernier alinéa, les mots : « , notamment les pathologies » sont remplacés par le mot : « et ».
II. – Les signataires de la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 du code de la santé publique engagent dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, une négociation sur la possibilité d’étendre les dispositifs prévus aux deux premiers alinéas de l’article L. 1141-5 du même code aux pathologies autres que cancéreuses et chroniques. À défaut de mise en œuvre du présent II par les signataires de ladite convention, les conditions d’accès aux dispositifs prévus aux deux premiers alinéas dudit article L. 1141-5 sont fixés par décret.
La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.
Mme Marie-Christine Chauvin. Cet amendement vise un triple objectif : réduire le délai du droit à l’oubli de dix à cinq ans pour les pathologies cancéreuses ; étendre ce droit aux pathologies chroniques ; supprimer le plafond d’emprunt pour les personnes bénéficiant de la convention Aeras, c’est-à-dire en rémission depuis moins de cinq ans.
À l’issue des travaux législatifs de l’Assemblée nationale, l’article 7 ne permet toujours pas aux signataires de cette convention de négocier sur la possibilité d’en appliquer les bénéfices à de nouvelles pathologies et sur la possibilité de réduire le délai du droit à l’oubli, au détriment des personnes concernées et de leurs projets.
Pourtant, en matière de droit à l’oubli, le Gouvernement s’était engagé à ramener le délai à cinq ans après la fin du protocole de guérison, afin de permettre aux personnes ayant été atteintes d’une pathologie cancéreuse d’accéder à l’assurance emprunteur. Le Gouvernement a d’ailleurs rappelé cet engagement le 19 octobre dernier, à l’Assemblée nationale, sans néanmoins amender ce texte, qui est pourtant le véhicule législatif idoine.
Avec cet amendement, nous proposons plus de justice sociale, plus de solidarité entre les épargnants et plus d’égalité dans le dispositif de l’assurance emprunteur.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 47.
M. Rémi Féraud. Cet amendement vise à ramener de dix ans à cinq ans le délai maximal du droit à l’oubli et à étendre le bénéfice de l’accès à l’assurance emprunteur à d’autres pathologies chroniques que les seules pathologies cancéreuses, comme c’est aujourd’hui le cas.
Actuellement, la discrimination est très importante. Elle touche potentiellement plusieurs millions de nos concitoyens.
J’ai bien entendu M. le ministre nous renvoyer à la convention Aeras et à la négociation. En réalité, nous le voyons, cela n’est pas suffisant et ne permet pas de résoudre l’ensemble des situations.
Si des demandes émanent de plusieurs travées de la majorité ou de l’opposition sénatoriale pour que certains points soient inscrits dans la loi, c’est bien parce que les avancées constatées depuis 2015 ou 2016 sont trop modestes et que l’article 7, dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, ne nous semble pas permettre à lui seul une évolution suffisante et suffisamment rapide.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 49.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement vise quatre objectifs.
Le premier objectif est la réduction du délai du droit à l’oubli de dix à cinq ans pour les pathologies cancéreuses.
Le deuxième objectif est l’élargissement du champ d’application du droit à l’oubli aux maladies chroniques, souvent laissées de côté.
Le troisième objectif est la suppression du plafond de prêt de 320 000 euros actuellement appliqué pour bénéficier de la convention Aeras – celui-ci ne se justifie pas particulièrement, cette grille de référence n’empêchant pas l’assureur d’avoir accès aux informations médicales.
Le quatrième objectif est l’invitation faite aux signataires de la convention Aeras de discuter d’un élargissement de cette convention aux maladies ni cancéreuses ni chroniques, comme les maladies cardiaques.
Il s’agit d’insuffler davantage de justice et de solidarité dans le système de l’assurance emprunteur. Il est absolument anormal et insupportable que des personnes guéries ne puissent tourner la page de leur maladie et se lancer dans un projet de vie dans des conditions normales. Être constamment réduit à son ancienne maladie constitue une grande souffrance morale – et je ne parle même pas des personnes actuellement malades, dont l’espérance de vie n’est pas menacée, comme c’est le cas pour le VIH, déjà cité à de nombreuses reprises.
Ces amendements identiques témoignent d’une véritable convergence de vues sur la nécessité de faire enfin évoluer la loi sur ce sujet. Je m’en réjouis !
Je rappelle, par ailleurs, que les dispositions proposées s’appliqueront aux prêts qui ne sont pas déjà couverts par la suppression du questionnaire médical, cette suppression apportant aussi des réponses plus globales pour une catégorie de souscripteurs de ces assurances. Je vous proposerai donc, mes chers collègues, de renforcer encore le dispositif sur ce point précis dans la suite de cette discussion.
Je ne doute pas qu’il nous sera rétorqué qu’il faut laisser la convention Aeras fonctionner d’elle-même, mais – je parle d’expérience – c’est là l’assurance que les évolutions resteront tardives et lentes.
Toutes les associations de patients que nous avons entendues dans le cadre de nos travaux concluent à l’incapacité de la convention Aeras à régler le problème de l’accès à l’assurance emprunteur dans des conditions normales pour les personnes malades ou guéries. Le statu quo n’est plus tenable.
Je constate que nombre de nos collègues sénateurs sont parvenus aux mêmes conclusions, ce qui témoigne bien d’une réelle urgence.
On nous opposera aussi que les tarifs risquent d’augmenter. C’est très peu probable. En effet, le premier assureur qui augmenterait ses tarifs, au motif qu’il doit être inclusif et assurer des personnes malades, offrirait une publicité gratuite à tous ses concurrents ; or nous avons vu depuis le début des débats que les concurrents sont nombreux, prêts à accueillir les assurés quittant leur assureur en raison d’une hausse de prix. Les compagnies, me semble-t-il, ont tout intérêt à ne pas prendre ce risque.
Mme le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mme Pantel, MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mmes N. Delattre et Guillotin, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après le mot : « relative », la fin du quatrième alinéa de l’article L. 1141-5 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « à la pathologie cancéreuse quelle qu’elle soit ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder cinq ans après la fin du protocole thérapeutique et ce quel que soit l’âge du candidat à l’emprunt et la quotité empruntée. »
II. – Les signataires de la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 du code de la santé publique engagent, au plus tard, dans un délai de trois mois, à compter de la publication de la présente loi, une négociation sur la possibilité d’appliquer pour davantage de pathologies, autres que cancéreuses, les bénéfices décrits au deuxième alinéa de l’article L. 1141-5 du même code.
III. – À défaut de mise en œuvre du II du présent article par les signataires de ladite convention nationale, les conditions d’accès à ladite convention seront fixées par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Il est défendu, madame la présidente !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement n° 30 rectifié, qui est largement satisfait par les trois amendements identiques en discussion commune.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Nous évoquons un sujet important pour la vie de nombreux Français. Là aussi, il ne fait aucun doute que nous partageons tous le même objectif. Ce qui peut différer, c’est la façon dont nous pensons pouvoir l’atteindre.
Ainsi, les auteurs des amendements que nous examinons proposent d’emblée d’utiliser la voie législative pour fixer un certain nombre de paramètres, qu’il s’agisse du délai ou des plafonds. Le Gouvernement constate, quant à lui, que la voie conventionnelle peut fonctionner, dès lors qu’une volonté politique est exprimée.
D’ailleurs, c’est ce pari qu’a fait la même majorité sénatoriale en votant la loi de janvier 2007 fixant ce cadre conventionnel, qui, depuis lors, s’applique. Encore dernièrement, en 2018, les discussions qui ont été engagées ont permis d’enregistrer des progrès s’agissant des cancers pédiatriques.
L’article 7 exprime donc clairement et fortement la volonté politique du législateur : des délais plus courts pour les différentes pathologies cancéreuses ; prendre en compte davantage de pathologies autres que cancéreuses ; une augmentation du plafond des prêts pris en compte. C’est pourquoi nous pensons que la convention évoluera. Si, d’aventure, tel n’était pas le cas, alors, oui, nous serions collectivement fondés à emprunter la voie législative.
Ce débat nous renvoie à celui que nous avons eu sur la résiliation infra-annuelle (RIA). Lors de l’examen par l’Assemblée nationale de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, il s’était trouvé une majorité pour adopter un amendement autorisant celle-ci. À la suite de ce vote, il a été jugé préférable de faire confiance à la voie conventionnelle pour parvenir à un accord. Faute d’un tel accord, c’est la voie législative qui a primé.
De même, c’est Gérard Larcher qui a fait en sorte que l’article L. 1 du code du travail dispose que, dans ce domaine, et au nom du principe de subsidiarité, « tout projet de réforme […] fait l’objet d’une concertation salariale » avec les partenaires sociaux, le législateur et le Gouvernement reprenant la main à défaut d’accord.
En l’espèce, la logique est la même : fixer aux parties prenantes un cap clair – ce que prévoit l’article 7 –, leur faire confiance pour y travailler, donner ainsi sa chance au « produit » et, en l’absence de résultats, reprendre la main. (M. Jean-François Husson s’exclame.)
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable. Je le répète, sans esprit polémique : nous avons le même objectif, réduire les délais et augmenter le plafond d’emprunt.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Puisque je n’étais pas présente dans l’hémicycle lors de la présentation de ces amendements – et je sais gré à Marie-Christine Chauvin d’avoir défendu l’amendement n° 38 rectifié –, je veux remercier le rapporteur du travail que Rémi Féraud et moi-même avons mené avec lui pour rédiger ces amendements identiques particulièrement importants.
Cette avancée en matière de droit à l’oubli répond à une immense attente de tous les malades atteints d’un cancer ou d’une pathologie chronique. Alors même que c’était un engagement du président Macron, cela a été rappelé, force est de constater, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas prêt à aller jusqu’au bout, ce qui est extrêmement regrettable. (M. Jean-François Husson renchérit.)
Les associations représentant ces malades sauront s’en souvenir.
Mme Dominique Estrosi Sassone. En tout cas, alors même que l’on parle beaucoup de résilience, comment pourrait-on la refuser à ceux qui ont été durement éprouvés par la vie ? Voilà ce qu’ils attendent du Sénat ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Certes, et personne ne le nie, la convention Aeras a représenté un progrès et le droit à l’oubli, tel qu’il a été créé par différentes lois antérieures, a été un véritable motif de satisfaction. Toutefois, à l’examiner de plus près, je vois dans cette convention encore bien des frilosités et des manques. De fait, nous ne souhaitons pas voter un texte qui resterait par la suite lettre morte.
Je salue ces amendements identiques auxquels je suis très favorable, qui sont très importants non seulement pour les malades du cancer, mais aussi pour les personnes atteintes d’une pathologie chronique, par exemple le VIH ou l’insuffisance rénale. Ce que demandent les uns et les autres, c’est que cette évaluation de la convention Aeras se traduise par des actes et qu’elle donne lieu à des progrès.
Il est question de contrats d’assurance et il est donc important de « mettre de l’humain » dans les textes que nous votons. C’est important pour ces gens, de tous âges, qui ont déjà souffert. En particulier, il faut offrir, à l’issue de leur traitement, des perspectives à ceux qui ont été atteints d’un cancer pédiatrique, leur permettre de mener à bien des projets, d’avoir une vie normale.
Je remercie vraiment Daniel Gremillet et les auteurs et signataires des autres amendements identiques d’avoir conduit ce travail important pour les patients.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Les propos de M. le ministre semblent empreints de bienveillance et peut-être même de bon sens. Il n’empêche, le régime en vigueur date de la loi de 2016, qui confiait déjà le soin aux assureurs et aux associations de négocier les évolutions de cette convention.
Depuis lors, rien n’a changé, qu’il s’agisse du raccourcissement des délais ou de l’extension du droit à l’oubli à d’autres pathologies, sauf en ce qui concerne les personnes pour lesquelles un diagnostic a été établi entre 18 ans et 21 ans – mais cette mesure a été imposée par loi !
Cela fait donc cinq ans qu’ont été engagées des discussions : force est de constater qu’une mesure législative s’impose.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. J’irai dans le même sens.
Monsieur le ministre, le Gouvernement s’honorerait à écouter les voix qui s’expriment de plusieurs travées de cette assemblée. Comme je l’ai expliqué, dans le cadre de ce système assurantiel, nous voulons désormais franchir une nouvelle étape en termes non seulement de santé, mais également de solidarité.
Ce faisant, les acteurs de la place seront contraints de réduire à la fois leurs frais et leurs profits : un vote du Parlement a plus de poids qu’une négociation inaboutie depuis cinq ans ! D’ailleurs, le Président de la République, alors candidat, avait bien souligné qu’il ne s’était rien passé.
Nous vous proposons donc de fermer ensemble, Gouvernement et Parlement, cette parenthèse de cinq ans. J’ai entendu votre taquinerie sur ce premier mandat qui s’achève, monsieur le ministre : oui, les électeurs choisiront. Aujourd’hui, c’est l’ensemble des personnes atteintes de graves maladies chroniques et de bien d’autres affections ou pathologies qui nous attendent. Nous devons faire ensemble ce pari d’un dispositif permettant à la fois de réduire les frais d’assurance et d’élargir à tous les garanties apportées.
Encore une fois, j’invite le Gouvernement – je vous invite, monsieur le ministre – à nous écouter et à soutenir la proposition que vous font les rapporteurs.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces amendements sont essentiels. La dimension humaine doit être prise en considération et tout un chacun, quel que soit son âge, doit pouvoir se projeter dans la vie, même si, à un moment donné, il a été confronté à la maladie. Nous n’agissons pas au doigt mouillé.
Monsieur le ministre, vous avez tout à l’heure fait référence aux six années qui se sont écoulées depuis l’adoption de la loi de 2016. Fort de ce constat, on est en droit d’estimer qu’il est désormais nécessaire que le Parlement, sans remettre en cause la convention Aeras, se saisisse de cette question, tant il reste à faire.
D’ailleurs, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, notre collègue Catherine Deroche a, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, fait adopter à l’unanimité, me semble-t-il, par notre assemblée un amendement visant à créer un contrat d’assurance emprunteur inclusif.
Face à la déferlante médiatique sur ces vilains sénateurs qui suppriment la renégociation infra-annuelle, c’est un silence terrible qu’opposent les banquiers, les assureurs, les alternatifs et tout le monde associatif aux autres propositions que nous faisons. Pas la moindre remarque, même négative !
M. Emmanuel Capus. C’est vrai !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je le répète, face à cette grande attente sociétale, il est nécessaire de trancher. C’est ce que nous vous proposons de faire aujourd’hui.
Je remercie nos collègues qui ont accepté de retirer leurs amendements au profit de celui de la commission, sur lequel nous avons travaillé ensemble, de manière à parvenir à cette proposition consensuelle ô combien attendue par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je soutiens bien évidemment ces amendements identiques et la position du rapporteur.
Monsieur le ministre, la méthode que nous avons retenue diffère probablement de la vôtre. Tout à l’heure, vous avez cherché à réécrire l’histoire en affirmant avoir refusé la résiliation infra-annuelle à l’Assemblée nationale dans l’attente de rapports d’expertise.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Lisez, comme je l’ai fait, le compte rendu des débats, monsieur le ministre ! Je puis vous assurer – je ne parle pas ici de votre collègue Bruno Le Maire – que, si vous l’avez refusée, c’est parce que vous aviez exactement les mêmes doutes que ceux que nous avons exprimés aujourd’hui sur la démutualisation. Reprenez les débats !
Je le répète, nous avons une divergence non pas sur le fond – je vous en donne acte –, mais sur la forme et la méthode. Vous nous proposez de faire évoluer la convention Aeras et, si rien ne se passe, de légiférer ; face à quoi, nous préférons aller plus vite pour parvenir à un résultat, sans trop nous poser de questions, dans la mesure où nous nous en sommes déjà posé beaucoup. C’est ce qu’attendent les personnes concernées.
De même, vous nous avez indiqué le ratio de sinistres à primes de l’assurance emprunteur : en moyenne, sur 100 euros de primes perçues, seulement 34 euros sont décaissés en indemnisation de sinistres. Nous estimons qu’une partie de cet argent doit prioritairement profiter aux personnes ayant connu des soucis de santé. Le Sénat s’honorerait en votant ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. On va les voter !
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié, 47 et 49.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme le président. En conséquence, l’article 7 est ainsi rédigé, et les amendements nos 30 rectifié et 10 n’ont plus d’objet.
Mme le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 133-1 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les candidats à l’assurance relevant de la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 du code de la santé publique dans les limites d’âge et de montant définies par cette instance, ne peuvent se voir appliquer ni exclusion ni surprimes dans l’obtention d’une garantie invalidité et décès aux conditions de base du contrat standard de l’assureur. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement, dont l’objet s’inscrit dans la droite ligne de ce que nous venons de voter, traduit une ambition forte pour les plus fragiles, les malades, les célibataires et les plus âgés.
Nous nous adressons à ceux qui, ayant obtenu un crédit, rencontrent des difficultés à souscrire une assurance emprunteur. Nous proposons qu’ils puissent bénéficier à ce titre de garanties minimales sans surcoût et sans surprime. C’est là évidemment une mesure en faveur du pouvoir d’achat direct, une mesure de justice sociale tendant à une plus grande mutualisation des risques – nous venons d’en voter le principe.
Les banques seraient enfin obligées d’assumer une part du risque dont elles se défaussent sur les assureurs alternatifs. Je le rappelle, les assurances emprunteurs représentent 12 % du marché, mais assurent 40 % des emprunteurs les plus à risque.
On nous opposera peut-être le coût « insupportable » d’une telle mesure pour les banques. Pour anticiper cet argument, rappelons que, sur 100 euros de primes qu’elles empochent, elles gardent 68 euros ! En outre, notre amendement concerne seulement 157 000 dossiers sur les 4 millions qui sont traités annuellement, soit 3,8 % des cas. Cette exonération de surcoût ou d’exclusion sur la maladie bénéficierait donc à ceux qui rencontrent le plus de difficultés pour s’assurer, malgré la convention Aeras.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Mon cher collègue, cet amendement est largement satisfait par le dispositif que nous avons voté à l’article 7, qui supprime le questionnaire de santé dans certains cas, réduit le délai du droit à l’oubli et enjoint les signataires de la convention Aeras à engager de nouvelles négociations après la publication de la présente loi. Sa rédaction n’apporte rien de plus.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le rapporteur, j’entends vos propos. Nous venons en effet de voter des dispositions importantes en faveur des personnes malades. Par conséquent, je retire mon amendement.
Cependant, j’y insiste : d’autres catégories de personnes peuvent rencontrer des difficultés, en particulier les célibataires et les plus âgés, avec parfois des effets cumulatifs. Cela concerne tout de même 10 000, 20 000, peut-être même 50 000 individus. Or les amendements que nous venons de voter ne permettent pas de régler leur situation.
Toujours est-il que nous prenons acte de l’étape qui vient d’être franchie.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je souscris totalement à vos propos, mon cher collègue.
J’anticipe quelque peu, mais l’article 8 dispose que le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, un rapport sur les dispositifs permettant de tarifer le risque pour les pathologies couvertes par la convention Aeras. Je vous indique que la commission proposera de porter ce délai à deux ans pour mener à bien cette analyse. Cela me paraît très important.
Mme le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Menonville, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le chapitre III du titre III du livre Ier du code des assurances, il est inséré un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Contrat d’assurance-emprunteur inclusif
« Art L. 133-2. – Est un contrat d’assurance emprunteur inclusif, tout contrat destiné à couvrir un emprunt professionnel ou acquisition de résidence principale en décès, invalidité, incapacité ou perte d’emploi dont l’accès n’est soumis à aucun questionnaire de santé ni examen médical, qui est ouvert jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans minimum pour une échéance du contrat d’assurance jusqu’à l’âge de soixante-quinze ans minimum et pour une quotité empruntée allant jusqu’à 500 000 euros minimum. Un décret en Conseil d’État en définit le cahier des charges. »
II. – L’article 1001 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le 5° quater, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° À 25 % pour les contrats d’assurance souscrits en garantie du remboursement d’un prêt, à l’exception des contrats relevant de l’article L. 133-2 du code des assurances ; »
2° Le c du 6° est abrogé.
III. – Le 1° du II s’applique aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2022.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
VI. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement est rigoureusement identique à celui que nous avons adopté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022. Pour faire suite à ce qu’il a déclaré tout à l’heure, j’indique à M. Gremillet qu’il n’a aucunement été voté à l’unanimité. Je crois même que le rapporteur général avait émis un avis défavorable. (M. Jean-François Husson acquiesce.)
Le Sénat a donc pris ses responsabilités en votant cet amendement de Catherine Deroche tendant à créer un contrat d’assurance emprunteur inclusif. Rémi Féraud, pour le groupe SER, et moi-même avions également défendu chacun un amendement ayant le même objet. Ils avaient été déclarés sans objet après l’adoption de l’amendement de Mme Deroche, alors que tous trois avaient recueilli un avis défavorable du Gouvernement et de la commission.
Je défends ce soir une nouvelle fois mon amendement. Certes, les choses avancent et vont dans le bon sens, ainsi qu’en attestent les dispositions que nous venons d’adopter. Avec ce contrat d’assurance emprunteur inclusif, dans l’esprit de ce que vient de défendre Fabien Gay, nous proposons d’aller plus loin encore. Ce contrat spécifique couvrirait tout le monde, sans que soit pris en compte l’état de santé du souscripteur.
Puisque le rapporteur Gremillet a montré tout à l’heure l’intérêt qu’il porte à la légistique, la logique voudrait que le Sénat vote cet amendement, quasi identique à celui de Mme Deroche, qu’il a voté au mois de novembre dernier, ce dont je me félicite, à la seule différence qu’il va un peu plus loin.
J’ai bien compris que ce dispositif n’était plus d’actualité ; pour autant, il me paraît plus efficace.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je suis désolé d’avoir imaginé que l’amendement de Mme Deroche avait été voté à l’unanimité… Pardon de cette erreur d’appréciation ! (Sourires.)
Toutefois, l’amendement n° 6 rectifié étant pleinement satisfait par ceux que nous avons votés précédemment, j’en demande le retrait.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Pour sortir du débat extrêmement technique, je pose une question : qu’est-ce qui motive notre démarche, à laquelle, je crois, souscrit le Sénat dans sa majorité ?
Imagine-t-on un instant qu’un employeur puisse soumettre, au moment de son embauche, un questionnaire de santé à son salarié, par exemple pour se préserver de possibles risques d’absentéisme ? C’est inimaginable ! Dans aucune circonstance de la vie civile, on n’imagine une telle discrimination à raison de l’état de santé.
Je suis profondément choqué d’imaginer que, en 2022, nous acceptions encore que l’on puisse octroyer un droit à un crédit immobilier ou une garantie, en considération de l’état de santé d’une personne. C’est ce que nous faisons ce soir. Cette discrimination est à proprement parler inimaginable ; pourtant, on s’y est habitué. Si on leur posait la question, je pense que les Français prendraient conscience de cette injustice inacceptable.
Puisque nous travaillons tous ensemble ce soir pour faire avancer les choses, je retire mon amendement. Je salue par ailleurs l’adoption des amendements précédents. À tout le moins, je suis favorable à ce que l’on abandonne cette idée de prendre en compte la santé des gens avant de leur octroyer ou non un crédit.
Mme le président. L’amendement n° 6 rectifié est retiré.
Article 7 bis (nouveau)
Après l’article L. 113-2 du code des assurances, il est inséré un article L. 113-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-2-1. – Par exception au 2° de l’article L. 113-2, lorsque le contrat d’assurance a pour objet de garantir, en cas de survenance d’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant restant dû au titre d’un contrat de crédit mentionné au 1° de l’article L. 313-1 du code de la consommation, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, aucune information relative à l’état de santé, ni examen médical, de l’assuré ne peut être sollicité par l’assureur, sous réserve du respect de l’ensemble des conditions suivantes :
« 1° Le montant dû au titre du contrat de crédit est inférieur à 200 000 € ;
« 2° L’échéance de remboursement du crédit contracté est antérieure au soixante-cinquième anniversaire de l’emprunteur. »
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 18 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 39 est présenté par Mme Evrard, M. Buis et Mme Schillinger.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 18.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Cet amendement vise à supprimer cet article 7 bis, qui lui-même supprime, sous certaines conditions, le questionnaire médical.
Il n’y a pas d’un côté, les humains, de l’autre, les inhumains. Je tiens à le préciser, car c’est un peu ce qu’on a pu entendre…
M. Jean-François Husson. Ne caricaturez pas ! Nous sommes au Sénat !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. En effet, de telles affirmations ne sont pas dans les habitudes de cette maison !
La suppression du questionnaire médical pourrait entraîner un certain nombre d’effets collatéraux non négligeables. J’aimerais que le mieux soit l’ami du bien ; hélas ! vous connaissez le dicton…
Quels sont les risques ? Un certain nombre d’institutions s’inscriront dans une logique de tarification uniquement à l’âge.
Mme la présidente de la commission a indiqué tout à l’heure combien il est difficile de trouver une assurance emprunteur concurrentielle à partir de 55 ans ; il n’en est pas de même à 35 ans !
Mon propos n’est pas théorique : les complémentaires santé, qui ne pratiquent pas le questionnaire médical, appliquent une tarification qui varie de un à quatre, laquelle est souvent établie de manière sous-jacente en fonction de l’âge.
M. Jean-François Husson. Cela n’a rien à voir ! Vous mélangez tout !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Dans un autre domaine, celui de l’assurance automobile, on observe le phénomène inverse : la prime due par un jeune conducteur – souvent un jeune tout court – est bien plus élevée que celle qui est réclamée à un conducteur plus expérimenté et plus âgé.
La suppression du questionnaire médical risque donc, selon nous, d’entraîner de telles conséquences, alors même que le dispositif conventionnel a fait ses preuves.
Loin de moi l’idée de vouloir sanctifier la convention Aeras. Permettez-moi toutefois de citer quelques chiffres pour appuyer mon propos : 96 % des personnes présentant un risque aggravé de santé qui ont formulé une demande de tarification ont reçu une proposition d’assurance, à laquelle elles ont pu souscrire ; pour sept personnes sur dix, cette souscription s’est faite aux conditions du marché, sans surprime.
Chaque année, près de 500 000 personnes ont ainsi la possibilité d’emprunter – et c’est heureux.
Si le questionnaire médical est supprimé, certaines institutions seront peut-être tentées d’exclure de leurs garanties tel ou tel autre risque, telle ou telle autre pathologie, ce qui conduirait certaines personnes à se retrouver sans protection.
Aussi, nous estimons qu’il est important de conserver le cadre en vigueur ; à défaut, même si telle n’était pas l’intention de la commission en insérant cet article dans la proposition de loi, la situation des futurs emprunteurs pourrait s’en trouver plus défavorable qu’elle ne l’est à ce jour.
Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard, pour présenter l’amendement n° 39.
Mme Marie Evrard. Dans l’absolu, nous ne sommes pas défavorables à la suppression du questionnaire médical,…
Mme Catherine Deroche. C’est heureux !
Mme Marie Evrard. … mais peut-être pas si vite.
Les associations que nous avons reçues considèrent que la santé ne peut être un objet de discrimination, ce en quoi elles ont parfaitement raison. Reste qu’il est aussi de notre devoir d’entendre l’ensemble des acteurs : certains s’opposent fermement à cette suppression, avec des arguments que nous pouvons recevoir.
Aussi imparfaite soit-elle, la grille de référence Aeras apparaît comme un progrès pour l’accès des personnes les plus fragiles à l’emprunt. Les discussions doivent se poursuivre pour réduire les délais concernant le droit à l’oubli et étendre celui-ci à d’autres pathologies que les pathologies cancéreuses.
En l’état des discussions, il est prématuré de supprimer le questionnaire de santé, même sous conditions.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Monsieur le ministre, selon vous, les assureurs augmenteront certainement leurs tarifs. Nous savons ce qu’il en est : compte tenu des marges qu’ils réalisent sur ces produits, ce risque est infime.
C’est même plutôt l’inverse qui se passe aujourd’hui, serais-je tenté de dire : selon les témoignages que nous avons recueillis, les surprimes pour les conventionnés Aeras atteignent déjà 200 %, 300 % ou même 400 %, sans qu’il soit possible d’en débattre ! C’est bien là le problème, quand bien même ils sont assurés. C’est pourquoi nous proposons de réduire le délai du droit à l’oubli de dix ans à cinq ans pour les pathologies cancéreuses et de l’étendre aux pathologies chroniques.
Au contraire, je pense que le marché deviendra plus concurrentiel et que les acteurs accorderont une très grande attention à cette question de l’état de santé.
J’en viens à la question de l’âge. Plus de 70 % des emprunts immobiliers – donc des assurances emprunteur – sont contractés par des jeunes. La fin du questionnaire médical est une première réponse, à leur destination.
Pour nos autres concitoyens, qui sont plus âgés, notre réponse, c’est la réduction – d’ampleur – du délai du droit à l’oubli, de dix à cinq ans pour un certain nombre de maladies chroniques. Là encore, cela répond significativement à leur attente.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. J’irai dans le sens du rapporteur Daniel Gremillet, ce qui n’étonnera personne.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé que 96 % des personnes malades recevaient une proposition d’assurance. Vous avez oublié de préciser que, souvent, dans ce cas, une surprime était appliquée ou une exclusion de certaines affections.
M. Jean-François Husson. Il faut aller au fond des choses.
L’espérance de vie découle de données statistiques : c’est de l’actuariat. Par exemple, à 25 ans, on a moins de chances de décéder dans les vingt ans qui suivent que quand on a 50 ans. Entrent aussi en compte l’activité professionnelle, en fonction des risques qu’elle comporte, la pratique de certains sports, etc.
La concurrence jouera sur ces paramètres, et c’est normal ! À vous entendre, il faudrait une tarification construite sur un âge moyen unique.
M. Jean-François Husson. Personne ne vous croira une minute, monsieur le ministre !
La concurrence est libre, heureusement, et chacun travaillera avec ses réassureurs. Nous faisons le pari que le secteur privé assurantiel tiendra toute sa place et que la compétition stimulera la compétitivité et l’innovation. Les acteurs privés ont déjà accumulé beaucoup de données, comme vous le savez. Eh bien, au travail !
Mieux vaut se répéter que se contredire : je rappelle donc que les assureurs dégagent grosso modo aujourd’hui une marge de 70 %. Pour moi, il y a des économies à faire sur cette marge, sans que cela entraîne une augmentation des tarifs.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je ne veux pas être désagréable, monsieur le ministre, nous avons siégé sur les mêmes travées,…
Mme Catherine Deroche. … mais vous raisonnez de manière quelque peu technocratique.
Vous nous donnez des chiffres, vous rappelez que la convention existe – et c’est vrai que c’est un progrès, mais qui reste à évaluer. Pour autant, vous ne comprenez pas que le temps administratif n’est pas celui de la vraie vie – ou peut-être ne voulez-vous pas le comprendre !
M. Jean-François Husson. C’est plutôt cela !
Mme Catherine Deroche. Il faut entendre ce que disent les associations ou, par exemple, les jeunes qui ont été traités pour un cancer. Lorsque l’on a souffert d’une pathologie lourde, que l’on est en rémission, parfois en guérison, il est terrible de s’entendre dire que l’on n’a pas d’espoir de poursuivre sa vie comme tout un chacun. Or le temps administratif est, à cet égard, d’une grande cruauté.
Jean-François Husson l’a très bien dit : les assurances se feront concurrence, et cela les incitera à mettre de l’humain dans leurs prestations, ce qui est crucial. Prenez, autre exemple, les personnes atteintes du VIH : un traitement existe désormais, qui fait de cette maladie une pathologie qui se soigne, et de ces personnes des patients atteints d’une maladie chronique. Peut-on leur dire que cela ne fonctionne pas, qu’il faut encore attendre ? On leur dit cela sans arrêt. Ce n’est plus possible !
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Nous avons déjà connu ce modèle de contrat.
Avant les années 2 000, les complémentaires santé demandaient un questionnaire médical, avec des exclusions, des augmentations, des majorations… Lorsque ces questionnaires médicaux ont été supprimés, les tarifs des complémentaires santé n’ont pas augmenté – au contraire, puisque la concurrence a été ouverte.
Comment pouvez-vous, d’un point de vue humain, défendre le maintien d’un questionnaire médical, alors que cela revient à empêcher des jeunes souffrant d’une pathologie d’investir dans une habitation, de lancer leur entreprise, de faire quoi que ce soit, en réalité ? Pourquoi les bloquer avec un questionnaire médical qui ne prend pas en compte les progrès de la médecine ? C’est terrible !
La suppression du questionnaire médical est une avancée extraordinaire. Je ne vois pas comment vous pouvez la refuser.
M. Jean-François Husson. Cette position semble en train d’évoluer !
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, c’est simple : c’est une question de justice sociale – d’humanité, si vous préférez. La maladie – maladie chronique, cancer, dépression… – ne doit pas être un obstacle pour emprunter, quel que soit l’âge !
M. Vincent Segouin. Exactement !
M. Fabien Gay. Une fois que nous avons dit cela, nous avons fait le tour du débat.
Sinon, c’est la double peine – et il faut le dire.
Vous nous dites que l’un des effets de bord pourrait être l’augmentation des tarifs. Penchons-nous sur ce risque et contrôlons-le, tout simplement !
Ne tournons pas autour du pot toute la soirée : nous ne voulons pas de double peine en la matière, quel que soit l’état de santé d’une personne, surtout dans la période actuelle. Nous soutenons donc la position de la commission telle que l’a exposée le rapporteur. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 39.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Menonville, Capus, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
, sous réserve du respect de l’ensemble des conditions suivantes :
par les mots :
si l’échéance de remboursement du crédit contracté est antérieure au soixante-cinquième anniversaire de l’emprunteur.
II. – Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement de Franck Menonville va plus loin que celui de la commission : il vise à supprimer purement et simplement le plafond de 200 000 euros.
Mme le président. L’amendement n° 50, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Le montant dû au titre de la quotité assurée est inférieur à 350 000 € ;
II. – Alinéa 4
Remplacer le mot :
emprunteur
par le mot :
assuré
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que le montant dû au titre de la quotité assurée est inférieur à 350 000 euros. Un couple dont la quotité d’assurance est de cinquante-cinquante pourra ainsi emprunter jusqu’à 700 000 euros.
S’il est adopté, cet amendement rendra sans objet plusieurs amendements, qui seront donc satisfaits.
Mme le président. L’amendement n° 41, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le montant :
200 000
par le montant :
500 000
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. La commission a proposé de supprimer le questionnaire médical pour les personnes sollicitant une assurance emprunteur dans le cadre de l’acquisition de leur résidence principale. Cela contribuera à lutter contre les discriminations fondées sur l’état de santé, en limitant les possibilités de sélection médicale par les assureurs. Pour nombre d’entre nous, cela constitue un véritable progrès.
Nous souhaitons, en outre, porter le montant maximum à 500 000 euros. Nous ne tirons pas cette somme de nulle part : ce plafond est déjà appliqué par certaines banques à leurs clients.
Le coût total de cette mesure semble par ailleurs parfaitement supportable.
Mme le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes L. Darcos et Deroche, M. Milon, Mmes Doineau et Gruny, MM. Longeot et Cambon, Mme Thomas, MM. Perrin, D. Laurent, Détraigne et Houpert, Mme Borchio Fontimp, MM. Grand, Pellevat et Rietmann, Mmes Demas et Muller-Bronn, MM. Mandelli, Calvet et Grosperrin, Mmes M. Mercier et Drexler, M. Piednoir, Mme Puissat, M. Bacci, Mme Imbert, MM. Burgoa, Anglars, J.M. Arnaud, A. Marc et Lefèvre, Mme Vérien, MM. P. Martin, Chatillon et Charon, Mme Lassarade, M. Wattebled, Mme Guidez, M. Belin, Mme Di Folco, MM. Rapin, Saury et B. Fournier, Mme Dumas, MM. Bouchet et Genet, Mmes Micouleau et Noël, MM. Sido, Laménie, C. Vial, Hingray et Rojouan et Mme Dumont, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 3
Remplacer le montant :
200 000 €
par le montant :
350 000 €
II.- Alinéa 4
Remplacer le mot :
soixante-cinquième
par le mot :
soixante-dixième
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Cet amendement de Laure Darcos a pour objet, dans le même esprit que l’amendement de la commission, de revenir à un montant de 350 000 euros, et de fixer l’échéance de remboursement du crédit contracté à 70 ans, et non à 65 ans.
Mme le président. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le montant :
200 000 €
par le montant :
350 000 €
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Il s’agit d’un amendement de repli.
Dans un premier temps, la commission a fixé le montant maximal à 250 000 euros. Cet amendement a pour objet de le faire passer à 350 000 euros, ce qui est la position désormais adoptée par la commission.
Mme le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Menonville, Capus, Chasseing, Lagourgue, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled.
L’amendement n° 8 rectifié bis est présenté par Mme Procaccia, MM. Anglars, Burgoa et Calvet, Mmes Estrosi Sassone, Puissat et F. Gerbaud, MM. Chatillon, Regnard et Sol, Mme Joseph, M. Lefèvre, Mme Gruny et MM. Brisson, Charon et Genet.
L’amendement n° 28 rectifié est présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol, Requier et Roux et Mme Guillotin.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer le montant :
200 000 €
par le montant :
300 000 €
La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à fixer le montant maximal à 300 000 euros. Si nous adoptons l’amendement de la commission, il sera amplement satisfait.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.
Mme Catherine Procaccia. Je ne m’attendais pas à une telle générosité de la part du rapporteur ! (Sourires.)
Je pensais que notre amendement, qui tend à faire passer ce montant maximal de 200 000 euros à 300 000 euros, se ferait retoquer. Mais non, il y a encore plus généreux ! Je retire donc cet amendement.
Mme le président. L’amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.
M. Henri Cabanel. Je le retire, au profit de l’amendement n° 50 de la commission.
Mme le président. L’amendement n° 28 rectifié est retiré.
L’amendement n° 42, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° L’emprunteur a moins de 62 ans le jour de la signature de l’offre de prêt. »
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. La commission a voté la suppression du questionnaire médical.
Compte tenu de la durée actuelle des prêts, comprise en moyenne entre vingt ans et vingt-cinq ans, la condition d’âge risque de restreindre fortement la portée et l’ambition de la mesure proposée : au final ne seront concernés que des profils représentant un risque faible, c’est-à-dire les personnes de moins de 45 ans.
Cet amendement a donc pour objet d’exonérer du questionnaire médical toute personne qui contracte un prêt immobilier avant 62 ans. D’ailleurs, certaines banques appliquent déjà cette mesure à leurs clients.
Mme le président. Les deux derniers amendements sont identiques.
L’amendement n° 9 rectifié bis est présenté par Mme Procaccia, MM. Anglars, Burgoa et Calvet, Mmes Estrosi Sassone, Puissat et F. Gerbaud, MM. Chatillon, Regnard et Sol, Mme Joseph, M. Lefèvre, Mme Gruny et MM. Brisson, Charon et Genet.
L’amendement n° 44 est présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
soixante-cinquième
par le mot :
soixante-dixième
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.
Mme Catherine Procaccia. Selon le droit du travail, c’est à 70 ans, et non à 65 ans, qu’un employeur peut mettre son salarié à la retraite. Or, à 65 ans, plafond d’âge retenu par la commission – c’est-à-dire l’âge atteint après avoir contracté un prêt de vingt ans à 45 ans –, de nombreuses personnes sont encore en activité.
Cet amendement vise donc à porter le plafond d’âge à 70 ans, pour l’aligner sur ce que prévoit le droit du travail.
Mme le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l’amendement n° 44.
Mme Florence Blatrix Contat. Il est défendu, madame la présidente.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Si l’amendement de la commission est adopté, la plupart de ces amendements seront satisfaits. Je n’ai pas compris si l’amendement n° 4 rectifié était retiré…
M. Emmanuel Capus. Dans la mesure où il tend à supprimer le plafond du crédit, je le maintiens !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
Les amendements qui ont pour objet de fixer le montant maximal à 300 000 euros étant satisfaits par celui de la commission, qui tend à fixer ce montant à 350 000 euros, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Grâce à la quotité d’assurance, un plafond à 350 000 euros permet à un couple d’emprunter jusqu’à 700 000 euros.
Jean-Baptiste Blanc et moi-même avons auditionné nombre d’acteurs du secteur et nous avons compris qu’un plafond de 200 000 euros était insuffisant pour Paris intra-muros, comme pour d’autres villes, et posait un problème d’accessibilité, même si le montant moyen d’un prêt est, en France, inférieur à cette somme.
Nous avons également cherché un compromis sur l’âge, en nous arrêtant à 65 ans, car c’est généralement à cet âge que l’échéance de remboursement du crédit contracté intervient. Je rappelle que nous avons permis d’autres avancées, comme le droit à l’oubli et, pour un certain nombre de pathologies chroniques, la fin de l’exclusion ou le calcul de surprimes.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Ces amendements visent à bouger les curseurs, qu’il s’agisse du montant maximal du prêt ou de l’âge.
D’un point de vue principiel, le Gouvernement estime que la suppression du questionnaire médical aura des conséquences négatives. Nous aussi, nous avons beaucoup consulté : plusieurs associations de malades nous ont fait part de leurs craintes quant à la suppression de ce questionnaire médical. J’imagine qu’elles vous en ont également parlé.
Le texte de la commission fixait à 200 000 euros le montant en dessous duquel il n’y aurait pas de questionnaire médical. Le rapporteur propose désormais de fixer ce montant à 350 000 euros. Certains amendements visent même à le relever encore davantage.
Le montant moyen d’un prêt est de 190 000 euros. Avec un plafond à 350 000 euros, vous couvrez 90 % du marché. Cela revient à mettre fin à la convention Aeras pour 90 % des emprunteurs, soyons-en conscients – hélas, la concurrence ne conduira pas forcément à la modération tarifaire.
M. Vincent Segouin évoquait les complémentaires santé. Les faits sont têtus et les chiffres sont là : leurs tarifs n’ont pas baissé depuis 2000. La tarification varie considérablement – du simple au quadruple –, souvent en fonction de l’âge : il faut bien que ces organismes se fondent sur des éléments objectifs. Si les assureurs ne peuvent plus s’appuyer sur des données encadrées et régulées par la convention Aeras, ils vont en chercher d’autres, comme l’âge.
Si vous supprimez le questionnaire médical, il faut aller au bout de la logique. M. Gay proposait, dans un amendement qui n’a pas été jugé recevable, d’interdire aux banques de proposer des assurances à leurs clients. En effet, une banque connaît toutes les transactions de ses clients : autant vous dire qu’elle sait tout de leur mode de vie ou des problèmes qu’ils rencontrent. Elle est donc très bien placée pour modéliser les risques – or le texte n’en dit rien.
Nous avons tous des intentions louables, et je ne fais de procès à personne, mais il me semble que la méthode employée ne permettra pas d’atteindre l’objectif visé.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
Mme le président. En conséquence, les amendements nos 41, 7 rectifié, 48 rectifié, 5 rectifié et 42 n’ont plus d’objet.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je retire l’amendement n° 9 rectifié bis.
J’invite toutefois chacun d’entre vous à regarder, par curiosité, son espérance de vie dans les tableaux de mortalité, mes chers collègues. Vous verrez qu’à mesure que l’on vieillit l’espérance de vie s’accroît ! Il est donc dommage d’arrêter le compteur à 65 ans ou à 70 ans, âge où l’on a encore devant soi quelques belles années…
Mme le président. L’amendement n° 9 rectifié bis est retiré.
Madame Blatrix Contat, l’amendement n° 44 est-il maintenu ?
Mme Florence Blatrix Contat. Je le maintiens, madame la présidente.
Dans la mesure où l’âge de la retraite est repoussé, que l’on peut avoir encore envie d’emprunter et que l’on a, avec la retraite, des perspectives de revenus que les banques peuvent connaître, il me paraît important de repousser cet âge limite.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 7 bis, modifié.
(L’article 7 bis est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, un rapport présentant un dispositif permettant de garantir une mise en œuvre effective du 7° de l’article L. 1141-2-1 du code de la santé publique pour les pathologies couvertes par la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 du même code.
Mme le président. L’amendement n° 45, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce rapport évalue la mise en œuvre de l’article 7 bis de la présente loi notamment en termes d’égalité de traitement entre les emprunteurs, propose les ajustements éventuels des conditions relatives à l’âge et la quotité des prêts, ainsi que des conditions d’application de la suppression du questionnaire médical aux prêts professionnels.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise à compléter le rapport demandé au Gouvernement en y ajoutant une évaluation de la suppression du questionnaire médical prévue à l’article 7 bis. Nous souhaitons mesurer l’impact de cette réforme, prévoir, le cas échéant, les ajustements nécessaires et envisager, éventuellement, l’extension de cette mesure aux prêts professionnels.
Mme le président. Le sous-amendement n° 51, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement 45
I.– Au début
Ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
… – Remplacer les mots :
un an
par les mots :
deux ans
II.– Alinéa 2
Après le mot :
évalue
insérer le mot :
également
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 45.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 45, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 51, qui a pour objet de préciser que le rapport doit être rendu non pas après un an, mais après deux ans. Cette extension du délai permettra de construire les analyses sur des bases plus solides – cela aura alors toute sa pertinence, monsieur Gay –, notamment en ce qui concerne l’âge limite, qu’a souhaité modifier Catherine Procaccia.
Je vous remercie d’avoir déposé cet amendement. Il montre que, ces avancées significatives, voire historiques, nous ne les votons pas sans réflexion, analyse ni évaluation.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
Au plus tard le 31 décembre 2023, le Comité consultatif du secteur financier mentionné à l’article L. 614-1 du code monétaire et financier remet au Parlement un rapport sur le bilan de l’ouverture à la concurrence du marché de l’assurance emprunteur.
Ce rapport évalue notamment son impact sur le processus de mutualisation des risques et sur la segmentation des tarifs en fonction des profils de risque, sur l’évolution des tarifs proposés, sur le type et le niveau des garanties proposées aux emprunteurs dans les contrats d’assurance et sur leur évolution depuis six ans, ainsi que sur les capacités d’accès à l’emprunt immobilier des emprunteurs selon leur profil de risque.
Mme le président. L’amendement n° 43, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Kanner et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Michau, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
rapport
insérer les mots :
sur le bon fonctionnement de la faculté pour le consommateur de changer son contrat d’assurance emprunteur et
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Les travaux que nous menons depuis plusieurs années visent au renforcement de l’effectivité du droit des emprunteurs à changer d’assurance. Nous avons eu un débat sur la faculté de résiliation : doit-elle être infra-annuelle ou être possible uniquement à la date de renouvellement ?
Notre objectif, c’est que celui qui souhaite changer d’assurance soit correctement outillé pour exercer son droit, sans que cette démarche s’assimile à un parcours du combattant. L’information de l’emprunteur et la transparence sont des points essentiels, sur lesquels nous insistons dans ce texte.
Cet amendement vise à ce que le rapport déjà prévu à l’article 9 évalue également la fluidité et le bon fonctionnement de la faculté pour le consommateur de changer de contrat d’assurance emprunteur.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui tend à compléter le contenu de ce rapport d’évaluation, qui sera remis par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF).
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Nous sommes en communion : avis favorable également. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Allez donc jusqu’au bout ! Sinon, vous en serez quitte pour aller à confesse… (Nouveaux sourires.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je remercie l’ensemble de nos collègues et vous-même, monsieur le ministre, de ce dialogue, même si nous avons quelques divergences – c’est peu de le dire !
Il est clair que le texte qui résulte de nos débats reflète d’autres choix que ceux de l’Assemblée nationale, sur un sujet qui nous est pourtant cher à tous. Je ne fais pas de procès en sorcellerie à qui que ce soit, ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat. Nous avons tous la volonté de faire baisser les tarifs et d’améliorer le pouvoir d’achat des Français. Nous avons aussi en tête la nécessité de mettre davantage d’humanité dans les règles d’accession à l’assurance emprunteur pour les plus fragiles et ceux qui en sont le plus éloignés.
Nous pensons que le texte du Sénat renforcera l’information des emprunteurs, ce qui stimulera la concurrence, sans pour autant encourager le harcèlement téléphonique. Ce sera utile, et cela fera baisser les prix. De fait, nos méthodes sont différentes de celles qu’a choisies l’Assemblée nationale.
Nous avons osé bousculer des éléments, y compris dans la convention, qui paraissaient gravés dans le marbre depuis des années, et qu’il semblait impossible de faire évoluer.
Nous verrons bien, monsieur le ministre : nous ne prétendons pas détenir la vérité ! À cet égard, les amendements déposés sur les deux derniers articles sont bienvenus et j’en remercie les signataires, car ils renforceront le suivi et le contrôle de l’application de la loi. Si, dans deux ans, les effets ne sont pas ceux que nous escomptons, nous nous donnerons rendez-vous ici pour continuer à améliorer le texte.
C’est un combat du Sénat depuis longtemps, sur toutes les travées. Je veux rendre hommage à Martial Bourquin, qui en a pris l’initiative et a mené ce combat avec ténacité, ainsi qu’à notre rapporteur.
Rendez-vous donc dans deux ans, pour analyser les résultats de notre travail et, plus tôt, à l’occasion peut-être de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le rapporteur, je commencerai par saluer votre travail.
Nous voterons ce texte pour plusieurs raisons.
Nous avons mûrement pesé l’intérêt de la résiliation infra-annuelle. Nous nous sommes aussi inspirés du travail de Martial Bourquin, que je salue. Pour nous, l’essentiel est de rendre véritablement effectif le droit à la résiliation. L’obligation d’information de l’emprunteur y contribuera : les établissements devront rappeler chaque année à l’emprunteur la possibilité de résiliation, les modalités de celle-ci, la date d’échéance… Les articles 2 et 4, quant à eux, limiteront les mesures dilatoires. Par ailleurs, les sanctions administratives peuvent rendre le dispositif plus efficace.
La véritable avancée apportée par ce texte découle de ses articles 7 et 7 bis, qui faciliteront l’accès de tous au crédit à des coûts raisonnables. Ce texte réduira les discriminations et favorisera la justice sociale, la solidarité et l’égalité. Pour nous, il constitue un véritable progrès social.
Mme le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour libéraliser le marché de l’assurance emprunteur et lever les obstacles auxquels doivent faire face les consommateurs pour changer d’assurance emprunteur. Une loi de 2017 a ainsi introduit la faculté de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur, mais les consommateurs se sont rapidement heurtés à des difficultés qui ont eu pour conséquence de rendre ce droit peu effectif.
Les rapporteurs Daniel Gremillet et Jean-Baptiste Blanc, dont je salue ici le travail, ont fait le choix de renforcer le droit existant. Ils ont réintroduit le dispositif qui avait fait l’objet d’un consensus entre députés et sénateurs, avec le soutien du Gouvernement, lors de la discussion de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), mais qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif. Il s’agit de définir la date d’échéance permettant aux consommateurs de résilier leur assurance emprunteur, de demander aux banques de motiver leur refus de résiliation, le cas échéant, et de renforcer la communication des banques auprès de leurs clients sur leur droit de résiliation, ainsi que sur la procédure qu’ils doivent suivre.
La résiliation à tout moment que proposait ce texte issu de l’Assemblée nationale ferait courir un risque de démutualisation trop important. C’est un mouvement qui a d’ailleurs déjà commencé avec l’ouverture à la concurrence, mais qui est contenu pour le moment : les tarifs ont ainsi augmenté de 30 % pour les plus de 55 ans, selon le CCSF.
La possibilité de résilier à tout moment l’assurance emprunteur conduirait à une plus forte segmentation du marché au détriment des plus fragiles et de leur possibilité d’accéder à la propriété. Les profils jugés favorables, les cadres, les jeunes, les bien-portants, obtiendraient, certes, une diminution des coûts, mais certainement limitée, quand les profils moins favorables verraient les coûts de l’assurance augmenter sensiblement.
Mme le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires voteront cette proposition de loi avec un sentiment partagé.
D’un côté, nous avons l’impression d’une occasion manquée. L’annulation pure et simple de la résiliation infra-annuelle, mesure phare du texte, n’est pas une bonne décision.
De l’autre, nous avons tout de même un motif de satisfaction, même s’il n’est que partiel. En deux mois, le rapporteur général de la commission des finances a totalement changé d’avis sur le contrat d’assurance emprunteur inclusif. (M. Jean-François Husson le conteste.) C’est plutôt une bonne nouvelle. Par ailleurs, la suppression partielle du questionnaire de santé, proposée par la commission des affaires économiques, va également dans le bon sens.
Si nous avons donc un sentiment partagé, le fait que la commission des finances ait changé d’avis en deux mois me donne beaucoup d’espoir. Comme il y aura d’autres échéances dans deux mois, peut-être les différents protagonistes changeront-ils de nouveau d’avis et évolueront-ils dans le bon sens sur la question de la résiliation infra-annuelle.
Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard, pour explication de vote.
Mme Marie Evrard. Nous nous sommes opposés à la majorité sénatoriale sur les principaux points de ce texte remanié. Nous regrettons la suppression de la résiliation à tout moment. Même si le calendrier législatif est contraint par l’élection présidentielle, tout sera fait dans la navette parlementaire pour rétablir ce droit pour les consommateurs.
Dans l’immédiat, nous nous abstiendrons, afin de pouvoir avancer ensemble, même s’il reste encore beaucoup de chemin à faire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. On s’attaque à un mastodonte : 7 milliards d’euros et un quasi-monopole.
Cela étant, je salue le pas important que nous venons de faire : ce n’est pas tous les jours qu’une mesure de justice sociale est adoptée ici à la quasi-unanimité ! Je me réjouis que nul ne puisse désormais être discriminé à raison de sa santé pour emprunter.
En revanche, nous avons un désaccord avec la majorité sénatoriale sur l’article 1er. Nous considérons la suppression de la possibilité pour les consommateurs de résilier à tout moment comme un recul.
C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte, mais, vous l’aurez compris, il s’agit d’une abstention positive. (Sourires.)
Je souhaite formuler une dernière remarque, en écho à ce qui a été souligné par Mme la présidente de la commission et par nos collègues du groupe SER sur la manière dont nous légiférons. Nous devons, me semble-t-il, répondre également à la situation des 1 % qui ont accès au crédit, mais qui ne trouvent pas d’assurance emprunteur – nous avons déposé en commission un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable. Il y a là une vraie question de justice et d’égalité.
Peut-être faudrait-il envisager un dispositif sur le modèle du dernier recours pour le crédit, que nos collègues du groupe SER ont défendu. Pour notre part, nous continuerons à nous mobiliser sur ce dossier.
Je remercie nos collègues des débats que nous avons eus en commission et dans l’hémicycle.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Ainsi que Fabien Gay l’a souligné, nous nous attaquons à un quasi-monopole, et ce n’est pas simple !
Le texte contient des avancées, notamment grâce au débat qui vient d’avoir lieu. Toutefois, contrairement à ce que M. le rapporteur a pu indiquer à plusieurs reprises, la part du marché des banques est bien prépondérante ; il était donc nécessaire d’y remédier.
Nous regrettons vivement la modification apportée à l’article 1er. Il nous semblait vraiment important de rétablir la possibilité pour l’assuré de résilier son contrat à tout moment. J’ai d’ailleurs une incompréhension. D’aucuns n’ont de cesse d’invoquer la concurrence. Or, pour qu’il puisse y avoir concurrence, il faut permettre la résiliation ; l’information est utile, mais nous savons bien qu’elle ne suffit pas dans ce cas de figure.
Parmi les aspects intéressants du texte, je retiens la suppression, à l’article 7, du questionnaire médical, ainsi que l’accès à tous à l’assurance. Évidemment, nous nous en félicitons.
Néanmoins, l’ensemble reste peu satisfaisant, compte tenu du retour en arrière à l’article 1er. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
Mme le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je souhaite d’abord rendre hommage à tous ceux qui ont permis des avancées législatives dans l’intérêt des emprunteurs et des assurés. Je pense en particulier à notre ami Martial Bourquin.
Nous avons eu un débat sur l’article 1er. Nous prônions pour notre part le maintien dans le texte de la possibilité pour chacun de résilier à tout moment son contrat.
Certes, je reconnais que la proposition de loi contient des progrès et je salue le travail qui a été mené au profit des emprunteurs et des assurés. Toutefois, au regard de l’importance que revêt à nos yeux le dispositif supprimé à l’article 1er, notre groupe s’abstiendra.
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 93 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 277 |
Pour l’adoption | 277 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
9
Réforme de l’adoption
Adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer l’adoption (proposition n° 363, texte de la commission n° 372, rapport n° 371).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver ce soir pour cette nouvelle étape de la navette parlementaire de la proposition de loi visant à réformer l’adoption.
Le temps des regrets quant à l’échec de la commission mixte paritaire à un article près est passé. Il importe maintenant par-dessus tout de poursuivre le débat dans les meilleures conditions possible, de continuer à discuter des enjeux du texte, si possible de l’enrichir encore, et de nous projeter vers son adoption définitive et sa mise en œuvre, tant elle est attendue par de nombreuses familles, de nombreux professionnels et tant elle profitera à de nombreux enfants.
Les enfants à qui le texte profitera sont, bien entendu, ceux qui, malgré les améliorations successives de notre système d’adoption, sont encore trop nombreux à ne pas bénéficier du projet de vie qui, pourtant, pourrait répondre à leurs besoins et à leurs attentes.
Ce n’est en effet pas faire insulte à notre politique d’adoption, faite de nombreux contrôles et de vérifications nécessaires, que de dire qu’elle suscite des espoirs parfois déçus. C’est un système avec ses forces, ses succès, mais qui ne remplit pas encore entièrement les quatre objectifs fondamentaux sur lesquels nous devrions tous nous rejoindre. Je les rappelle.
Le premier objectif est de rendre davantage d’enfants adoptables dans notre pays.
On constate en effet aujourd’hui un manque de dispositions claires permettant de donner une famille à chaque enfant qui n’en aurait pas ou dont la famille ne serait plus en mesure de s’occuper de lui. Ce manque constitue une terrible rupture d’égalité, dont les conséquences peuvent être lourdes sur le développement personnel, affectif, psychologique de l’enfant.
C’est la force de ce texte que de rendre possible l’adoption de davantage d’enfants pour lesquels celle-ci représente un horizon souhaitable. C’est bien l’objet de l’article 4 : permettre à des enfants qui étaient privés jusqu’à présent d’une telle possibilité d’être adoptés de manière plénière après 15 ans par leurs beaux-parents, lorsqu’ils sont pupilles de l’État ou lorsqu’ils ont été judiciairement déclarés délaissés et sont donc dans des parcours de fragilité qui n’étaient pas suffisamment pris en compte.
J’insiste sur cette troisième possibilité, car elle vient évidemment compléter la loi de 2016 relative à la protection de l’enfant, qui a institué la procédure de délaissement. Celle-ci s’installe dans la pratique – je vous ai fait part des chiffres en première lecture – et permet de plus en plus de mettre fin au bon moment aux relations toxiques qui existent parfois – nous le savons – entre un enfant et ses parents. Il sera donc possible demain pour ces enfants, y compris au-delà de 15 ans, de s’inscrire dans des parcours beaucoup plus adaptés à leurs attentes et à leurs besoins. C’est là une grande avancée.
Je souligne également la force de l’article 8, qui permet au tribunal de prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, d’un mineur âgé de plus de 13 ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. C’est une mesure juste, simple, claire, sécurisante.
Le deuxième objectif sur lequel nous devrions nous rejoindre est de corriger un certain nombre d’incohérences ou de défaillances en matière d’adoption et, ce faisant, de sécuriser encore et toujours les parcours des enfants.
Cela passe avant tout par des règles claires, du type de celles que l’on retrouvera demain, grâce à ce texte. Celles-ci concernent d’abord les agréments, avec des conditions de candidature, de formation et d’accompagnement des futurs adoptants plus étoffées. Elles concernent ensuite la prohibition de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs, afin d’éviter le brouillage des lignes générationnelles. Elles concernent enfin le consentement des uns et des autres ; nous aurons, je le crois, l’occasion d’en débattre tout à l’heure.
Je pense tout d’abord au consentement des enfants, avec une prise en compte accrue de leur parole, par exemple en ce qui concerne le changement de nom. Je songe évidemment aussi au consentement des parents biologiques. J’ai bien noté que des inquiétudes s’exprimaient ici et à l’Assemblée nationale sur l’article 13 ; il convient évidemment de les dissiper pour ne pas laisser s’installer de malentendus ou prospérer de fausses informations.
C’est à cet effet que, par cohérence, le Gouvernement a déposé un amendement à l’article 13. Cela me donnera l’occasion d’entrer une nouvelle fois dans le détail de la mesure envisagée, qui doit être perçue non pas comme une quelconque remise en question des uns ou des autres, notamment des parents biologiques, mais bien plutôt comme une sécurisation des parcours.
Le troisième objectif est de faire évoluer les pratiques – la loi peut y contribuer –, pour garantir à la fois la sécurité et l’égal traitement des enfants.
Cela implique de faire la lumière sur un certain nombre de pratiques ne répondant pas aux standards de sécurité et de qualité élevés qui doivent être ceux d’un pays comme le nôtre en matière de protection de l’enfance.
Il en est ainsi de l’activité des organismes autorisés pour l’adoption (OAA). Je me permets de récuser une nouvelle fois le jugement peut-être un peu hâtif selon lequel l’encadrement de cette activité serait une condamnation ou une critique.
La grande majorité des OAA mènent un travail sérieux, salué par les acteurs du secteur de l’adoption. La majorité présidentielle a d’ailleurs tenu à le pérenniser en l’inscrivant dans la loi. C’est vrai à l’échelon national, via l’accompagnement que les OAA proposent aux départements – ce sera renforcé par ce texte, mais à sa juste place –, comme à l’international, en matière d’intermédiation des adoptions.
La France a développé un système, celui de l’aide sociale à l’enfance, dont l’existence même signale la préoccupation collective de garantir une intervention, un regard, une garantie publique de la sécurité des enfants. Ce système répond à un nombre de réglementations suffisant pour garantir la sécurité des enfants, même s’il faut toujours l’améliorer. Encore une fois, c’est ce que propose ce texte.
Il faut que toutes les démarches d’adoption, donc tous les enfants, puissent bénéficier des mêmes conditions de sécurité. Aucune situation ne peut justifier que certains enfants bénéficient du statut de pupille de l’État quand d’autres en seraient privés, quelles qu’en soient les raisons. Le statut de pupille de l’État est le plus protecteur pour les enfants.
L’autre part d’ombre sur laquelle j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer ici a trait aux adoptions internationales illégales. Je connais la préoccupation d’un certain nombre d’entre vous sur cette question.
J’ai annoncé que le Gouvernement lancerait des travaux afin de faire œuvre de transparence, de clarté et d’objectivité sur ces histoires, qui concernent un nombre important de nos concitoyens. Certains d’entre eux ont récemment pris la parole dans les médias ou sont venus me voir.
Les enjeux sont nombreux et le dialogue se poursuit en la matière entre les administrations concernées, c’est-à-dire mes services, mais également le ministère des affaires étrangères et le ministère de la justice.
Je souhaite que la démarche retenue puisse être clarifiée dans les prochaines semaines et que les travaux débutent avant la fin de ce mandat. Tel sera le cas.
Le dernier objectif tient à l’importance du combat collectif que nous devons mener pour faire progresser les droits des familles, de toutes les familles, pour reconnaître leur diversité et pour répondre à leurs attentes.
En ouvrant enfin l’adoption aux couples non mariés, ce texte est cohérent avec l’évolution de la société. Il reconnaît les attentes de nouveaux modèles familiaux tout aussi légitimes, portant tout autant de promesses que les autres. Il était temps, même si cela gênera peut-être un certain nombre d’acteurs opposés à plus d’inclusion dans notre société.
En assurant la cohérence avec la loi relative à la bioéthique, le texte apporte une solution adaptée aux difficultés rencontrées par certaines femmes ayant eu recours, avec l’entrée en vigueur de cette loi, à l’assistance médicale à la procréation (AMP) à l’étranger. Il le faut : c’est dans l’intérêt de l’enfant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne puis que regretter le choix fait de nouveau par votre commission des lois de supprimer l’article 9 bis. En cohérence avec la position que nous avons défendue depuis le début, je vous proposerai de le rétablir.
Enfin, en renforçant la diversité des conseils de famille et en réaffirmant un certain nombre de principes déontologiques, le texte garantit une meilleure prise en compte de la spécificité des multiples modèles familiaux qui font la richesse de notre société. C’est indispensable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à de très nombreux titres, les mesures du texte permettent d’ancrer fermement et définitivement l’adoption dans la protection de l’enfance et dans une modernité soucieuse du bien-être de tous les membres de notre société, en particulier des plus jeunes et des plus fragiles. Toutes ces dispositions sont pensées pour le seul bénéfice d’enfants pour qui l’adoption est un horizon synonyme d’épanouissement et de familles, pour qui celle-ci représente un horizon lumineux. De nombreux enfants l’attendent encore. De nombreuses familles sont prêtes à le faire. À nous de leur en donner enfin la possibilité.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir en nouvelle lecture est, je le rappelle, issue du rapport parlementaire remis par notre collègue Corinne Imbert et par la députée Monique Limon, rapport dont nous pouvions partager les ambitions et les constats.
La première ambition était de donner une famille à un enfant, et non l’inverse ; nous étions évidemment tous d’accord.
La seconde ambition était de faire face à la situation actuelle de l’adoption. Si l’on compte actuellement environ 10 000 agréments en cours de validité, il n’y a pas autant d’adoptions, notamment plénières : d’après les derniers chiffres en notre possession, celles-ci seraient de l’ordre de 3 000 par an.
Il reste encore des enfants qui ne trouvent pas de famille pour les adopter, alors qu’ils sont adoptables. Cela tient sans doute au fait que, nous le savons, environ un tiers des enfants sont à besoins spécifiques, parce qu’ils sont trop grands, ont des problèmes physiques ou psychologiques, sont en fratrie, voire cumulent ces différentes caractéristiques. Cela les rend vraisemblablement plus difficilement adoptables.
Le rapport parlementaire proposait des solutions. Certaines reprenaient les pratiques qui existent déjà dans les conseils départementaux. Je pense à la formation des membres du conseil de famille, qui prennent des décisions pour les enfants. Je pense également à l’information précise des parents potentiels qui vont solliciter un agrément sur les difficultés qu’ils pourront rencontrer, notamment avec les enfants à besoins spécifiques.
La volonté de faciliter l’adoption simple par rapport à l’adoption plénière, alors que les parents potentiels recherchent plutôt cette dernière, avait également été exprimée.
Cette proposition de loi découle de ce rapport. Si elle en reprend un certain nombre de propositions, elle prévoit également d’autres mesures qui n’étaient pas envisagées par Mmes Imbert et Limon, voire qui nous semblent aller à l’encontre de leur objectif : donner une famille à un enfant, et non l’inverse. De surcroît, aucun élément ne vient documenter le bien-fondé de telles dispositions.
C’est pourquoi la commission et le Sénat ont décidé en première lecture de ne valider que les propositions découlant logiquement du rapport et de rejeter ce qui n’était pas documenté et ne semblait pas aller dans le sens des travaux de Mmes Imbert et Limon.
A ainsi été retenue l’inscription dans la loi des bonnes pratiques, c’est-à-dire la formation et l’information des parties prenantes. A également été approuvée la possibilité d’élargir la base potentielle des adoptants en intégrant, outre les couples mariés, les personnes liées par un pacte civil de solidarité (PACS) ou vivant en concubinage. A été encore soutenue la possibilité offerte au juge de suppléer l’absence de consentement pour un mineur de plus de 13 ans, qui n’est pas en capacité d’exprimer le sien, ou un majeur protégé ; à l’époque, il n’existait aucune solution. Enfin ont été maintenus le bilan d’adaptabilité pour les pupilles et le suivi renforcé des jeunes enfants qui sont à l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Vous l’aurez compris, la commission mixte paritaire n’a pas pu aboutir sur le texte. J’y reviendrai dans quelques instants.
L’Assemblée nationale a donc examiné la proposition de loi en nouvelle lecture et elle a repris plusieurs dispositions introduites par le Sénat. Je n’en citerai que quelques-unes.
Certaines mesures relevaient tout simplement du bon sens. Vous vous en souvenez peut-être, les députés avaient proposé de pouvoir placer les enfants, comme cela se pratique pour l’adoption plénière, avant de procéder à une adoption simple. Or il se trouve que l’adoption simple concerne très majoritairement – à 90 % – l’enfant du conjoint et qu’il s’agit dans 80 % des cas de majeurs. Placer des enfants majeurs, et qui le sont parfois depuis longtemps, auprès d’un parent qui est l’époux de parent biologique n’avait donc aucun sens. L’Assemblée nationale a repris la modification apportée par le Sénat sur ce point.
Un autre renoncement peut, me semble-t-il, être salué. Dans un premier temps, l’Assemblée nationale avait totalement réécrit des pans entiers du code de l’action sociale et des familles, alors même que les changements introduits étaient minimes. Cela nous avait semblé contraire à l’objectif de lisibilité de la loi. Les textes sur lesquels les professionnels avaient l’habitude de travailler n’étaient pas tellement modifiés sur le fond, mais ils l’étaient totalement dans leur codification, rendant les choses beaucoup plus complexes. L’Assemblée nationale est revenue sur cette volonté de recodification intégrale des textes et s’est contentée d’introduire les modifications nécessaires.
Nous avons également décidé en commission de trouver des accords avec nos collègues députés. Nous avons ainsi renoncé à modifier un certain nombre de points que nous avions pourtant modifiés en première lecture.
Néanmoins, il nous a semblé nécessaire de revenir sur cinq sujets au cœur des positions que la commission et le Sénat avaient défendues en première lecture.
Premièrement, nous avons maintenu les conditions d’âge, 28 ans, et de durée de communauté de vie, deux ans, nécessaires pour adopter, alors que l’Assemblée nationale prévoyait de les réduire.
Deuxièmement, nous avons souhaité conserver la possibilité pour les familles de choisir si elles préfèrent remettre leur enfant aux services de l’ASE ou à un OAA. En l’état, aucun élément ne permet d’affirmer que la seconde option serait forcément mauvaise et que l’ASE serait la seule à pouvoir recueillir ces enfants. Dans la mesure où il n’y a pas de difficulté, nous n’avons pas compris pourquoi nous devrions priver les parents d’une telle possibilité. Au demeurant, il est ressorti des auditions que les parents optant pour l’OAA étaient souvent eux-mêmes passés par l’ASE et ne souhaitaient pas la même chose pour leurs enfants. C’est un choix qui me paraît extrêmement personnel.
Troisièmement, et c’est sur ce point que la commission mixte paritaire a achoppé, nous n’approuvons pas la possibilité de forcer – je le dis assez clairement – à l’adoption d’un enfant. Si deux femmes sont parties à l’étranger pour faire un enfant dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA) avant l’ouverture de cette possibilité en France, celle qui n’est pas la mère biologique a le choix entre l’adoption, depuis 2013, ou la reconnaissance de l’enfant, depuis la loi relative à la bioéthique.
Si aucune solution n’a été trouvée, cela signifie qu’un litige existe entre les deux femmes. Les députés ont choisi de le régler en forçant, en quelque sorte, la seconde femme à adopter. Je ne vois pas quel est l’intérêt de l’enfant de se retrouver au cœur d’un litige et de vivre une filiation forcée. Cette disposition a donc été supprimée.
Quatrièmement, et nous aurons l’occasion de nous exprimer sur ce point, le Gouvernement ayant déposé un amendement, les parents qui remettent leur enfant à un service social doivent être invités à s’exprimer sur leur consentement à l’adoption – c’est le cas jusqu’à présent. Nous avons considéré que cette nécessité n’apparaissait pas assez clairement dans le texte de l’Assemblée nationale. Nous avons donc opté pour une rédaction plus explicite, tout en précisant bien que c’est le conseil de famille, et non les parents, qui décide en dernier ressort de l’adoption.
Cinquièmement, et je pense que tout le monde ici comprendra bien nos motifs de désaccord, le Gouvernement sollicite un recours à la législation par ordonnances qui nous semble excessif. (M. Bruno Belin s’exclame.)
M. Jérôme Bascher. Encore !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cela porte sur des points extrêmement larges. Nous avons refusé, car il appartient au Parlement de légiférer sur la filiation.
Telles sont, mes chers collègues, les positions de la commission sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous revenons donc en cette fin de session parlementaire sur cette proposition de loi visant à réformer l’adoption, dont les conditions d’examen en nouvelle lecture, marquées par l’urgence et la précipitation, sont aussi peu satisfaisantes qu’en première lecture.
En outre, il nous manque toujours l’avis du Conseil d’État et une étude d’impact sur ce projet de loi déguisé. Au vu des divergences entre nos assemblées, ces documents auraient pu utilement éclairer nos travaux.
Pis, l’habilitation à légiférer par ordonnances, que nous avions supprimée en première lecture, a été rétablie par l’Assemblée nationale, ce qui nous semble particulièrement scandaleux alors que nous examinons une proposition de loi, et non un projet de loi.
M. Bruno Belin. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Le débat n’aura pas été sans heurts, comme en témoignent l’absence de compromis en commission mixte paritaire et les divergences qui demeurent entre nos deux assemblées sur des points essentiels.
Nous sommes bien loin de l’esprit consensuel qui devrait nous animer afin de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel est toujours d’avoir une famille, comme le rappelle le rapport Limon-Imbert.
Cette proposition de loi nous interroge également, car, loin de constituer une réforme globale de l’adoption, elle ressemble à un patchwork de mesures diverses aux enjeux aléatoires : diminution de l’âge des adoptants et de la durée de vie commune nécessaire, écart d’âge maximal entre l’adopté et l’adoptant, consentement pour l’adjonction du nom, sécurisation du statut des jeunes pupilles, etc.
La mesure la plus emblématique de ce texte demeure l’ouverture du droit à l’adoption aux couples non mariés, qu’ils soient en concubinage ou liés par un PACS. Nous sommes favorables à une telle mesure, qui va dans le sens des évolutions sociétales et libère l’adoption du carcan d’une vision réductrice de la famille. Cette mesure répond ainsi à une exigence légitime d’égalité de droits et de liberté de choix.
Pour autant, nous aurions souhaité que ce texte manie autant les symboles que les dispositifs opérationnels. Or il reste anecdotique face aux enjeux de l’adoption aujourd’hui.
Oui, trop d’enfants se retrouvent encore sans famille. Fin 2019, 10 263 agréments étaient en cours de validité. Il y avait parallèlement 3 248 pupilles de l’État, et seuls 706 ont pu été adoptés, soit un peu plus de 20 %. Je rappelle que 49 % des enfants pupilles, pour lesquels le projet de vie est un projet d’adoption, n’ont pas été adoptés, le conseil de famille n’ayant pas réussi à leur trouver une famille, notamment au regard de leurs difficultés.
Au regard de ces chiffres, ce n’est pas le changement de la composition du conseil de famille opéré par le texte qui résoudra le problème. On mesure ainsi les progrès à réaliser et le décalage entre ce texte et les véritables enjeux de modernisation de la procédure d’adoption, tant à l’intérieur de nos frontières qu’à l’international.
Alors que les départements jouent un rôle décisif dans ces procédures, cette proposition de loi n’aborde qu’à la marge ce sujet.
Nous estimons ainsi que la première urgence reste tout simplement d’appliquer le droit positif, notamment la loi du 14 mars 2016. Faute de moyens, on constate une grande iniquité territoriale.
Nous jugeons finalement maladroite la volonté de revenir, au détour de cette proposition de loi, sur les débats concernant la bioéthique. Ce sujet mérite mieux que des débats à la hussarde. Malheureusement, ce point relatif à l’adoption des enfants nés d’une PMA a constitué le principal point de blocage entre nos assemblées, loin de l’esprit du rapport Limon-Imbert.
Enfin, ce texte soulève de grandes incompréhensions et de grandes résistances, notamment chez les professionnels du droit ; ces obstacles ne sont pas totalement levés aujourd’hui.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, regrettant qu’une réforme ambitieuse de l’adoption n’ait pu aboutir, s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte part d’un constat que nous partageons tous : le régime juridique de l’adoption a des lacunes qu’il faut combler. En ce sens, le rapport de nos collègues Monique Limon et Corinne Imbert, intitulé Vers une éthique de l’adoption : donner une famille à un enfant, est à saluer.
En outre, si le régime juridique de l’adoption n’est plus approprié, c’est que la réalité de l’adoption n’est plus du tout la même aujourd’hui qu’hier.
L’adoption ne concerne désormais que très peu de mineurs venant de l’étranger – 244 en 2020 –, la plupart ayant un parcours de vie très compliqué nécessitant un accompagnement adapté.
Dans le même temps, en France, de trop nombreuses familles veulent adopter sans trouver de solutions, et de trop nombreux enfants restent sans famille.
En outre, le principal sujet a changé.
Quand on parle d’adoption, c’est non plus la famille adoptante qui prime, mais bien l’enfant. C’est sur lui que doit se concentrer notre attention, c’est lui que nous devons placer au cœur de nos dispositifs.
Nous devons offrir à cet enfant une famille qui l’aidera à grandir et à se développer harmonieusement.
L’adoption change, pour devenir pleinement un outil de protection de l’enfance, et le cadre légal doit lui aussi évoluer.
Les objectifs sont simples : mieux préparer les familles à l’adoption, notamment au regard des profils des enfants adoptables, faciliter l’adoption des enfants qui peuvent l’être, au besoin sous une forme simple, mieux former les parties prenantes de l’adoption.
Ce texte, que l’on pourra juger inabouti, comporte néanmoins de bonnes mesures. Tout d’abord, l’élargissement de l’adoption au concubinage et au PACS permet d’ouvrir l’adoption à un public plus large.
Dans le même temps, afin de fluidifier les procédures, le tribunal pourra prononcer l’adoption de mineurs de plus de 13 ans ou de majeurs protégés lorsqu’ils sont hors d’état d’y consentir. Ces adoptions concernent des enfants et des adultes présentant des besoins spécifiques ; à cet égard, il est utile de saluer le travail des organismes autorisés pour l’adoption (OAA), qui préparent les futurs parents.
D’ailleurs, toujours en matière d’accompagnement, les adoptions internationales individuelles seront désormais interdites. Il faudra obligatoirement passer à l’avenir par un OAA ou par l’Agence française de l’adoption (AFA) pour adopter un mineur résidant habituellement à l’étranger.
Je sais que cette disposition a fait débat, mais je reste convaincue que cet accompagnement est nécessaire, tant pour protéger les adoptants contre divers risques que pour lutter contre des dérives que l’on a pu connaître dans certains pays, avec une véritable exploitation du corps de la femme. Il n’est qu’à se rappeler l’histoire des fermes à bébés, mes chers collègues…
Ce texte apporte également des dérogations à l’interdiction de l’adoption plénière des mineurs de plus de 15 ans pour les enfants du conjoint, les pupilles de l’État ou des enfants déclarés judiciairement délaissés. C’est, je le crois, une mesure pleine de bon sens, qui permet de s’adapter à la réalité des familles d’aujourd’hui.
Cette proposition de loi entend aussi faciliter l’adoption simple, majoritaire en France, qui concerne bien souvent un majeur et qui est majoritairement réalisée dans un contexte intrafamilial. Le Sénat a supprimé la période de placement obligatoire pour les majeurs dans ce cas. En effet, il s’agit souvent d’adultes qui connaissent leur adoptant et qui ont souvent déjà un toit. Nous l’avons en revanche conservée pour les mineurs, les seuls pour qui ce placement chez l’adoptant aurait un sens.
Comme à l’issue de la première lecture, le texte reste donc incomplet, même si l’on peut saluer certains compromis trouvés par nos deux chambres. Notre rapporteur a repris la proposition de loi sur des points où la majorité sénatoriale considérait qu’il fallait encore avancer, et un certain nombre d’amendements viendront encore l’enrichir.
Même s’il reste imparfait, ce texte est utile à la protection de l’enfance. Le groupe Union Centriste le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, donner une famille à un enfant qui en est privé, quelle qu’en soit la raison : voilà un objectif qui ne peut que rassembler les parlementaires et recueillir l’engouement, si ce n’est l’assentiment, des acteurs œuvrant pour la protection de l’enfance.
S’il est urgent de faciliter les adoptions, il faut aussi que le désir d’avoir un enfant se plie au principe de l’intérêt supérieur de ce dernier.
Malgré les désaccords qui ont pu perdurer au cours de la navette parlementaire, la protection de l’enfant a été au cœur de nos débats. Plusieurs mesures vont dans le bon sens.
Ne peut être qu’encensée l’extension de l’adoption conjointe par un couple non marié, qui adapte enfin notre droit à la diversité et à l’évolution des cellules familiales. De même, prendre en compte une durée de vie commune plutôt qu’une durée de mariage correspondra mieux à la réalité des couples actuels, le mariage ne garantissant pas plus de stabilité ou de sécurité que le concubinage.
La préparation à la parentalité des futurs adoptants va également dans le sens de l’intérêt de l’enfant. La généralisation, dans tous les départements, de l’obligation de formation au profit des membres du conseil de famille était très attendue. De manière générale, toute aide à la parentalité, moment compliqué pour tous les parents, adoptants ou non, ne peut être que bénéfique.
Enfin, nous apportons tout notre soutien à l’amélioration du statut des pupilles de l’État.
En ce qui concerne l’interdiction de l’accueil direct d’enfants en France par les OAA, il n’est pas certain que cette mesure ne vienne pas freiner les adoptions.
Je tiens à saluer l’esprit constructif de la commission des lois, qui a consenti de nombreuses concessions, comme Mme le rapporteur l’a rappelé. Nous nous opposons néanmoins à la suppression de l’article 9 bis visant à établir la filiation de la mère d’intention dans le cas d’une AMP réalisée à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la bioéthique. Nous soutiendrons donc l’amendement du Gouvernement.
Il est incontestablement dans l’intérêt de l’enfant que la deuxième personne puisse l’adopter, y compris si la mère biologique s’y oppose. Même si elle n’a pas porté l’enfant, elle dispose le plus souvent d’un vécu commun avec ce dernier, dans le cadre d’un projet familial conçu à deux. Des conflits entre adultes n’ont à avoir de répercussions ni sur la filiation, qui constitue un acte social, ni sur les liens affectifs.
Cette disposition reste encadrée, puisque son application requiert une opposition de la mère biologique « sans motif légitime ». Il reviendra au juge de statuer au cas par cas, dans l’intérêt de l’enfant. Faisons-lui confiance !
Dans son rapport public thématique intitulé La protection de l’enfance – Une politique inadaptée au temps de l’enfant, publié en 2020, la Cour des comptes dénonçait l’empilement des délais qui se cumulent en matière de protection de l’enfance. Elle exprimait notamment ce regret : « Dans les faits, et bien que les outils existent, le devenir à long terme de l’enfant protégé est donc rarement pris en compte en France, où la priorité est celle du maintien des liens avec les parents à tout prix. »
Finalement, il s’agit plus d’un texte d’ajustement que d’une réforme globale qui aurait permis d’accélérer la prise en charge de ces nombreux enfants privés d’un cadre de développement affectif sécurisant et stable, dont la vie est en suspens et qui caressent des années durant l’espoir d’intégrer une famille.
Le parcours du combattant des adoptants ne sera pas plus allégé, laissant les enfants dans une longue période d’incertitude. Pour que l’enfant puisse être adopté, encore faut-il qu’il soit adoptable.
Certes, il ne faut pas précipiter les choses en toutes circonstances, mais il n’est pas inutile de les simplifier lorsque les conditions sont réunies. Surtout, il convient de consacrer à cette politique les moyens qu’elle mérite.
La proposition de loi entendait favoriser le recours à l’adoption comme outil de protection de l’enfance. Y parviendra-t-elle ? S’il est permis d’en douter, les quelques avancées contenues dans la proposition de loi conduiront très certainement le groupe RDSE à la voter, en fonction toutefois du sort qui sera réservé à l’article 9 bis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, donner une famille à un enfant lorsque son projet de vie correspond à l’adoption, tel est l’objectif de cette proposition de loi. Ce texte a fait l’objet d’un important travail au cours de la navette parlementaire, qui doit être souligné.
Je remplace ce soir Laurence Harribey, empêchée pour raisons de santé, qui a porté la parole des socialistes au cours de cette navette parlementaire. Je la salue et lui souhaite un prompt rétablissement.
Chaque année, 950 enfants sont adoptés dans notre pays. C’est peu, alors que l’on compte 2 700 pupilles de l’État et 14 000 agréments accordés à des familles pour accueillir et élever un enfant.
Par conséquent, cette proposition de loi tente d’apporter des réponses à cette situation humainement difficile.
Sur ce point, le texte contient plusieurs avancées que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tient à saluer.
Au stade de la première lecture, nous avions regretté l’absence de vision globale sur la protection de l’enfance, trois textes ayant été discutés en même temps sur le sujet au Parlement. Laurence Harribey, Laurence Rossignol et moi-même avions souligné qu’avant de légiférer il aurait été bienvenu de faire le bilan de la mise en œuvre du droit existant, en particulier de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance, comme des dispositions de la loi de 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État, dont les premiers mineurs bénéficiaires accèdent cette année à la majorité.
En revanche, nous avions salué dans ce texte une mesure phare que nous avons portée et défendue, à savoir l’élargissement de l’adoption aux personnes liées par un PACS ou en concubinage, qui a été approuvé par la commission des lois après un débat nourri.
L’ouverture du droit à l’adoption pour les couples pacsés ou en concubinage accompagne les évolutions de notre société, prenant acte, en quelque sorte, qu’il existe non pas un seul modèle familial, mais des familles plurielles, qui ont pour dessein la stabilité et la protection des enfants. Ainsi, l’exclusion de certaines familles de la possibilité d’adopter en raison de leur composition ou de leur statut conjugal n’existera plus sur le plan légal. C’est tant mieux.
Nous mesurons toutefois, avec les familles homoparentales, le chemin qui reste à parcourir dans certaines mentalités, dans certains cénacles, chez certains membres des conseils de famille pour accompagner cette avancée. Là encore, la promulgation de la loi ne saurait à elle seule réaliser ce progrès. L’État devra s’assurer de son application et de l’absence de comportements discriminatoires.
Un autre point du texte nous paraît important : l’idée de valoriser l’adoption simple pour permettre aux enfants adoptés de conserver le lien d’origine de leur filiation ainsi que leurs droits au sein de leur famille biologique.
De même, il nous paraît important de veiller à ce que le consentement des familles qui confient leur enfant soit éclairé.
Sur cet aspect, la rédaction proposée renforce les parents biologiques : ces derniers ont désormais la possibilité d’être accompagnés de la personne de leur choix afin de consentir à l’adoption, le consentement étant toujours recueilli par procès-verbal.
Je considère qu’il s’agit d’un acte protecteur pour l’enfant ainsi remis à l’aide sociale à l’enfance afin d’être admis en qualité de pupille.
Apportons à ce consentement ainsi renforcé toute la considération qu’il mérite. C’est un acte d’amour et de protection envers l’enfant, un acte d’autant plus difficile et grave qu’il s’incarne dans le cadre d’une séparation.
Au-delà de ces points d’accord, un point de désaccord majeur demeure avec la majorité de l’Assemblée nationale : celui du rétrécissement de l’activité des OAA.
Nous défendons la possibilité pour les familles de conserver une alternative à l’aide sociale à l’enfance pour confier leur enfant à l’adoption, en maintenant la possibilité pour les OAA de recueillir un enfant en France en vue de l’adoption.
Pour ceux qui doutent, rappelons que l’activité des OAA s’exerce dans notre pays sous le double contrôle des services départementaux et du juge des tutelles. Plutôt que d’interdire cette activité, il convient sans doute d’exercer un contrôle effectif sur les associations en question.
In fine, indépendamment des quelques amendements que nous proposons, qui relèvent plus de la clarification que de questions de fond, nous souscrivons au plus grand nombre des dispositions de ce texte. Elles sont parfois techniques, mais leur portée humaine est forte et elles répondent aux attentes de notre société, des enfants et des familles.
Pour ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard.
Mme Marie Evrard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’associe à cette intervention mon collègue Xavier Iacovelli.
Nous voici de nouveau réunis pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi de notre collègue députée Monique Limon visant à réformer l’adoption.
Fruit d’un travail transpartisan, ce texte répond à des objectifs que nous partageons pleinement : sécuriser le recours à l’adoption, avec le souci de donner une famille à l’enfant, et non l’inverse, renforcer également le statut de pupille de l’État, en partant de l’intérêt supérieur de l’enfant.
En première lecture, le texte a fait l’objet de modifications importantes de la part de notre rapporteur, dix articles ayant été supprimés.
Nos débats ont toutefois permis de conserver certaines avancées importantes du texte, notamment l’ouverture de l’adoption plénière aux concubins et aux couples pacsés, le principe d’un écart d’âge maximum de 50 ans entre l’adoptant et l’adopté, le renforcement de la formation et de la préparation des membres des conseils de famille et des candidats à l’adoption, l’amélioration de la prise en compte de la situation de l’enfant.
Nous avons également pu rétablir en séance, dans un objectif de sécurisation, l’interdiction des adoptions internationales individuelles.
Si la commission mixte paritaire a échoué, les travaux de nos deux assemblées en nouvelle lecture ont permis des compromis que je souhaite saluer.
La commission des lois a conservé un nombre important de dispositions réintroduites par l’Assemblée nationale. Celles-ci permettent de répondre aux objectifs du texte et sont pour certaines le fruit de rédactions de compromis que notre groupe a défendues en première lecture.
Je pense à l’extension des possibilités d’adoption plénière des enfants âgés de plus de 15 ans, essentielle pour favoriser l’adoption des pupilles de l’État et des enfants déclarés délaissés.
Je pense également au meilleur encadrement de la délivrance des autorisations aux OAA pour l’adoption internationale, cohérent avec les objectifs de sécurisation et de prévention des pratiques illicites. Nous nous en félicitons.
Je pense, enfin, à l’interdiction explicite de l’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs, tout en ménageant une dérogation conforme à l’intérêt de l’adopté.
Je veux ici saluer l’esprit de consensus qui a guidé les travaux de notre rapporteur dans cette nouvelle lecture.
Au-delà des clivages qui traversent cet hémicycle, notre objectif commun est de garantir l’intérêt supérieur de l’enfant et de sécuriser le recours à l’adoption.
Certes, des points de désaccord persistent.
C’est le cas de la suppression du dispositif transitoire d’établissement de la filiation des enfants nés par recours à l’AMP à l’étranger par un couple de femmes, alors même que celui-ci permet de garantir l’intérêt de l’enfant en permettant de sécuriser sa filiation.
De même, la faculté pour les OAA de recueillir des enfants pour l’adoption nationale comporte à notre sens un risque de dérives et s’inscrit en décalage avec l’objectif de renforcement du statut protecteur de pupille.
Malgré ces nuances, ce texte contient de belles avancées qui permettront de mieux prendre en compte la situation de l’enfant et de sécuriser les parcours. C’est pourquoi notre groupe le votera.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, nous constatons malheureusement que très peu d’enfants sont adoptés en France. Les chiffres sont parlants.
Au 31 décembre 2019, plus de 10 000 agréments étaient en cours de validité, mais 706 pupilles de l’État seulement sur les 3 248 recensés ont été adoptés. Trop d’enfants sont encore laissés sur le bord du chemin menant à l’adoption. Ce constat nous montre l’urgente nécessité de combler les lacunes juridiques de notre droit positif.
La proposition de loi que nous examinons ce soir en nouvelle lecture a pour objectif de refonder le modèle de l’adoption afin de permettre à chaque enfant de trouver le projet de vie le plus adapté et le plus sécurisant pour lui.
À cet égard, je souhaite exprimer deux regrets au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
En premier lieu, nous touchons, avec ce texte, à un sujet majeur et extrêmement sensible. Une initiative du Gouvernement par le dépôt d’un projet de loi aurait été préférable à une proposition de loi qui nous prive d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
En second lieu, nous ne sommes pas parvenus à un texte de compromis lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Celle-ci a achoppé sur une seule disposition : l’article 9 bis.
Au cours de l’examen du texte en commission en nouvelle lecture, le Sénat est revenu avec pertinence sur certaines mesures problématiques adoptées par nos collègues députés. Je pense tout d’abord aux conditions d’âge et de vie commune s’imposant aux couples candidats à l’adoption, figurant à l’article 2.
Sur ce point, le Sénat s’était unanimement positionné, en première lecture, en faveur du maintien du droit en vigueur. Or l’Assemblée nationale a rétabli, en nouvelle lecture, l’assouplissement de la durée de la communauté de vie, de deux à un an, et la diminution de l’âge requis pour adopter, de 28 ans à 26 ans. Cette évolution voulue par nos collègues députés ne nous semble pas réaliste et ne répond à aucune demande des associations.
J’en viens à l’intervention des organismes autorisés pour l’adoption, mentionnée à l’article 11 bis.
L’Assemblée nationale a rétabli, en nouvelle lecture, l’interdiction faite à ces organismes de recueillir des enfants en France en vue de l’adoption, souhaitant conférer ainsi un monopole à l’aide sociale à l’enfance. Nous ne partageons pas cette position. Bien au contraire, ces organismes constituent une alternative intéressante à l’ASE. Leur activité est encadrée et bénéfique pour tous. Là encore, nous préférons nous en tenir au droit en vigueur.
Enfin, je veux aborder la disposition à l’origine de l’échec de la commission mixte paritaire : l’article 9 bis, qui tend à régler les situations dans lesquelles la mère qui a accouché refuse « sans motif légitime » de faire une reconnaissance conjointe rétroactive pour établir la filiation de la mère d’intention. Il donne la possibilité à celle-ci de demander à adopter l’enfant dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi.
Or l’appréciation du « motif légitime », trop floue, est source d’insécurité juridique. Cet article semble finalement n’avoir pour objectif que de régler un litige entre adultes, sans prendre en considération l’intérêt de l’enfant.
Avant de conclure, je tiens à saluer la qualité des travaux et l’implication tout au long des débats de Mme le rapporteur, Muriel Jourda.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas une option, c’est une exigence universelle !
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte, qui a fait l’objet d’un remarquable travail de réécriture en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis, ce soir, pour examiner en nouvelle lecture cette proposition de loi visant à réformer l’adoption. Ce texte, qualifié de décevant par les acteurs de la protection de l’enfance, apparaît à certains égards dogmatique, alors même que le sujet, tout le monde en convient, est très sensible, voire parfois douloureux, pour bon nombre d’enfants et de familles.
Toutefois, la commission s’est efforcée de l’examiner, à chacune de ses lectures, sans jamais perdre de vue l’intérêt supérieur de l’enfant, et avec la ferme volonté de s’en tenir à une vision purement réaliste, en s’appuyant notamment sur les retours des associations et des acteurs de la protection de l’enfance.
C’est dans cet état d’esprit que nous avons souhaité maintenir le droit en vigueur à propos des critères requis pour qu’un couple puisse entamer la procédure d’adoption. En effet, il nous est apparu que l’assouplissement de ces critères voulu par l’Assemblée nationale s’affranchissait complètement de la réalité des situations des familles qui souhaitaient adopter.
Avec ce même pragmatisme, la commission vous propose également de maintenir la possibilité pour les organismes agréés d’accueillir des enfants en vue d’une adoption. Sur ce sujet si délicat, qui concerne le devenir de plusieurs milliers d’enfants, il est en effet souhaitable, et même essentiel, de maintenir une autre solution que l’aide sociale à l’enfance, tout en reconnaissant que ces organismes ne peuvent être exemptés d’un contrôle strict mené par les services départementaux et le juge des tutelles.
La commission a voulu aussi rétablir dans le texte le consentement à l’adoption des parents confiant à l’aide sociale à l’enfance leur enfant en vue de son admission au statut de pupille de l’État.
Je n’y reviendrai pas en détail, car je voudrais insister sur un autre point, qui a déjà été évoqué. J’ai été étonné, voire choqué, disons-le, que le Gouvernement se permette de demander la possibilité de légiférer par ordonnances sur un sujet aussi sensible. Le texte actuel n’est-il pas une vraie occasion de débat et de réforme ? Si le Gouvernement souhaite aborder d’autres modifications de la législation s’agissant de l’adoption, pourquoi ne pas les présenter, de la manière la plus transparente possible, dans le cadre de l’examen de ce texte ?
J’ai été choqué, mais pas étonné, puisque cette méthode est révélatrice de l’état d’esprit d’un Gouvernement qui fait vraiment tout son possible pour s’affranchir des débats parlementaires, pourtant au cœur de l’équilibre de nos institutions. À cet égard, je ne peux que m’associer à la position de notre rapporteur, Muriel Jourda, et de notre collègue Laurence Harribey.
Enfin, j’en viens à un des motifs de l’échec de la commission mixte paritaire. Dans le cas d’une PMA réalisée à l’étranger avant la loi relative à la bioéthique de 2021, l’Assemblée nationale a souhaité permettre l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, y compris quand la mère biologique « s’y oppose sans motif légitime ».
Au-delà du caractère assez flou de la notion de motif légitime, cela ne revient-il pas tout simplement à priver la mère biologique de son droit au consentement à l’adoption ? Cette disposition ne concerne d’ailleurs pas directement l’enfant, puisqu’il s’agit d’un litige entre deux personnes adultes. C’est à ces deux titres que la commission des lois a réitéré sa ferme intention de supprimer cette disposition qu’elle juge inadaptée, dans la mesure où elle n’a pas pour objectif premier l’intérêt supérieur de l’enfant.
Pour conclure, mes chers collègues, j’y insiste, notre groupe restera ferme sur les apports de la commission des lois, dont certains font l’objet d’un large consensus, nourri par l’attachement général à défendre l’intérêt supérieur de l’enfant. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avions eu l’occasion de le dire en première lecture, ce texte, s’il comporte quelques avancées, demeure cependant largement décevant.
Je commence par les avancées, étant quelqu’un de positif.
Bien sûr, nous saluons l’ouverture aux couples en concubinage et pacsés du droit à l’adoption, lequel ne sera plus réservé aux seuls couples mariés et aux personnes célibataires. C’est la fin d’une discrimination fondée sur rien d’autre qu’une vision traditionaliste de la famille, sans rapport réel avec l’intérêt de l’enfant, l’équilibre affectif et psychologique d’un enfant étant évidemment sans lien avec statut marital de ses parents.
D’autres articles ouvrent l’adoption plénière à des enfants de plus de 15 ans, qui étaient privés jusqu’à présent de cette possibilité. Il était temps de reconnaître ce droit à ces enfants, marqués par des parcours de vie hachés, parfois très difficiles.
Enfin, le renforcement des droits des pupilles de l’État constitue une mesure importante pour les droits de l’enfant. Seulement 706 enfants sur 3 248 bénéficiant de ce statut ont été adoptés, plus de trois enfants sur quatre se retrouvant sans solution.
Ce texte est néanmoins insuffisant à plusieurs égards : pas d’amélioration de la situation des enfants placés à l’aide sociale à l’enfance ; pas d’avancée sur l’accès aux origines des enfants nés dans le secret et admis de ce fait au statut de pupille de l’État ; silence également sur l’adoption internationale et ses pratiques illicites, même si je me réjouis des annonces faites par M. le secrétaire d’État un peu plus tôt.
Je voudrais terminer sur un point de la position du Sénat que, vous vous en doutez, je ne comprends vraiment pas. Il s’agit de la suppression en commission de l’article 9 bis, introduit par l’Assemblée nationale, et qui permet l’adoption, dans le cas d’une PMA effectuée à l’étranger, par la mère d’intention de l’enfant, si la mère qui a accouché s’y oppose sans motif légitime. Ce dispositif est évidemment protecteur pour l’enfant, et ce pour une raison très simple : un enfant ne devrait pas se voir privé d’un parent simplement à cause des conditions dans lesquelles ses parents se sont séparés. C’est un dispositif de surcroît nécessaire pour corriger un problème né d’une discrimination désormais légalement réparée : seules les lesbiennes peuvent aujourd’hui se retrouver dans ce genre de cas.
Imaginez une seconde ce refus appliqué aux couples hétérosexuels : franchement, qui, ici, pourrait s’opposer à ce qu’un père puisse être reconnu comme tel simplement parce que la mère, dont il s’est séparé avant la naissance, n’y consent pas ?
Vous nous dites que nous sommes dogmatiques, mais c’est plutôt l’inverse : c’est bien le refus de cette disposition, qui, à mon sens, est totalement dogmatique ! En effet, elle ne priverait que des couples de lesbiennes et leurs enfants de ce droit. Surtout, cette disposition est quand même très encadrée, l’article 9 bis disposant que « le juge prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige ».
On s’est donc opposé à une disposition prévoyant que l’intérêt de l’enfant primait et qu’un juge le faisait passer avant les affaires du couple, causant ainsi l’échec d’une commission mixte paritaire… Et c’est nous qui serions dogmatiques ? Honnêtement, je ne vous suis pas.
En ce qui nous concerne, au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, pas d’ambiguïté, nous voterons l’amendement du Gouvernement demandant le rétablissement de l’article 9 bis.
Vous l’aurez compris, nous sommes globalement déçus par le texte, mais, afin de rendre concrètes les quelques avancées qu’il contient, nous voterons néanmoins en sa faveur en fonction du sort qui sera réservé à l’article 9 bis.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer par saluer le travail et la présentation faits par Mme le rapporteur. Ce texte et l’enjeu qu’il représente méritaient une telle énergie, notamment pour mettre en avant les apports du Sénat.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de regarder ce texte à travers le prisme subjectif de mon expérience de dix-sept années passées dans un conseil départemental – conseil général à l’époque –, où, bien évidemment, nous abordions les dossiers relatifs à l’ASE et à l’adoption avec une détermination farouche, tant ils étaient importants pour l’avenir de ces enfants.
À cet instant, je voudrais avoir une pensée pour tous les personnels de l’ASE, qui font un travail extraordinaire, avec beaucoup d’abnégation, pour permettre à ces enfants, bien souvent, d’avoir une nouvelle vie, mais aussi avec la frustration, toujours présente, de ne pas pouvoir garantir des issues satisfaisantes aux dossiers dont ils sont responsables.
On reprochait bien des choses à ce monde de l’adoption et de l’aide sociale à l’enfance : trop de formalisme administratif, trop d’attente, trop de déceptions, trop de lenteur, et même un coût excessif, quand il fallait parler d’adoption internationale. Et l’enfant dans tout cela, me direz-vous ?
Finalement, on voit bien que c’est un parcours de souffrance, qui concerne les uns et les autres, et c’est pour cette raison qu’il est important de revoir le texte de 1966. Le rapport Limon-Imbert a ici toute sa valeur. Vous m’autoriserez d’insister naturellement sur le travail que notre collègue Corinne Imbert a fourni pour ce rapport, dont plusieurs points ont été repris par l’Assemblée nationale dans le texte qui nous rassemble ce soir.
S’il y a des progrès dans ce projet de loi, et la généralisation de l’adoption simple en est un, je crois que tout le monde ressent de la déception. J’ai fait partie de ces élus qui se sont beaucoup interrogés quand le Président de la République a nommé un secrétaire d’État à la protection de l’enfance : comment se fait-il que, sur une politique qui relève à 100 % des compétences des conseils départementaux, un ministre de tutelle vienne superviser l’action des élus locaux ?
Et puis, finalement, je l’ai dit publiquement et en commission, j’ai envie de saluer votre engagement. Ce que vous avez fait dans votre ministère a montré toute votre volonté sur ce sujet difficile. Pour autant, ce soir, je fais partie de ceux qui ressentent de la déception, parce que je m’attendais à un projet de loi et non pas à une proposition de loi. On aurait vu une véritable envie, un véritable courage, une véritable audace de la part du Gouvernement à présenter un projet de loi, ouvrant un grand débat comme le Sénat les aime.
Bien sûr, je suis partisan d’ouvrir tous les champs du possible. Tant mieux si l’on ouvre aujourd’hui la possibilité aux couples non mariés d’être candidats à l’adoption si c’est pour offrir à l’enfant une nouvelle vie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je vous propose de continuer nos travaux pour achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à réformer l’adoption
TITRE Ier
FACILITER ET SÉCURISER L’ADOPTION DANS L’INTÉRÊT DE L’ENFANT
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 2
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 343 est ainsi rédigé :
« Art. 343. – L’adoption peut être demandée par un couple marié non séparé de corps, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins.
« Les adoptants doivent être en mesure d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins deux ans ou être âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. » ;
2° L’article 343-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Le second alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « corps », sont insérés les mots : « ou lié par un pacte civil de solidarité » ;
– les mots : « son conjoint » sont remplacés par les mots : « l’autre membre du couple » et les mots : « ce conjoint » sont remplacés par le mot : « celui-ci » ;
3° L’article 343-2 est complété par les mots : « , du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
4° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 344, après le mot : « conjoint, », sont insérés les mots : « partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;
5° L’article 345-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
b) Le 1° est complété par les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
c) Au 1° bis, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
d) Aux 2° et 3°, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
6° L’article 346 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
7° À l’article 348-5, après le mot : « adopté », sont insérés les mots : « ou dans les cas d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
8° Au premier alinéa de l’article 353-1, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
9° Le second alinéa de l’article 356 est ainsi rédigé :
« Toutefois, l’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin laisse subsister sa filiation d’origine à l’égard de cette personne et de sa famille. Elle produit, pour le surplus, les effets d’une adoption par les deux membres du couple. » ;
10° Le début du deuxième alinéa de l’article 357 est ainsi rédigé : « En cas d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin ou en cas d’adoption d’un enfant par deux personnes, l’adoptant et l’autre membre du couple ou les adoptants… (le reste sans changement). » ;
11° Au troisième alinéa de l’article 360, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
12° L’article 363 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins, » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, après le mot : « conjoint, », sont insérés les mots : « du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin, » ;
– à la deuxième phrase, le mot : « époux » est remplacé par le mot : « personnes » ;
13° Le premier alinéa de l’article 365 est ainsi modifié :
a) Après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
a bis) Les mots : « du père ou de la mère » sont remplacés par les mots : « de l’un des parents » ;
b) Après la seconde occurrence du mot : « conjoint, », sont insérés les mots : « son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, » ;
14° L’article 366 est ainsi modifié :
a) Au 2°, après les deux occurrences du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot : « alliance », sont insérés les mots : « ou qui était liée par un pacte civil de solidarité » ;
15° Le premier alinéa de l’article 370-3 est ainsi rédigé :
« Les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par un couple, à la loi nationale commune des deux membres du couple au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de leur résidence habituelle commune au jour de l’adoption ou, à défaut, à la loi de la juridiction saisie. L’adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale des deux membres du couple la prohibe. »
Mme le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer les mots :
deux ans
par les mots :
un an
2° Remplacer le mot :
vingt-huit
par le mot :
vingt-cinq
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à abaisser l’âge minimum requis pour futurs adoptants de 28 ans à 25 ans, ainsi que la durée de la communauté de vie de deux ans à un an.
L’idée est simplement de corréler au maximum les conditions « naturelles » et « adoptives ». Sans parler d’adoption, on peut devenir parents après un an de communauté de vie, parfois bien avant l’âge de 25 ans, un âge où l’on est en tout cas assez mature pour avoir un projet parental.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission est évidemment défavorable, puisque nous avons fait un choix inverse, en maintenant le droit en vigueur.
Pourquoi ? Précisément parce qu’on ne peut pas, me semble-t-il, comparer le projet parental concernant un enfant conçu dans un couple avec celui d’une adoption. C’est ce qui est ressorti des auditions que nous avons menées. Il est plus complexe d’établir un lien de filiation adoptive, d’autant plus que l’adoption concerne bien souvent des enfants à besoins spécifiques, ce qui requiert une stabilité et une maturité supplémentaires.
Un parent de 26 ans, avec une communauté de vie hors ou dans le mariage d’un an, ne paraît pas en mesure d’assurer l’intérêt de l’enfant.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. De façon transparente, je suis opposé depuis le début à ce que l’on touche aux dispositions actuelles. Je ne suis pas convaincu qu’abaisser à un an la durée de vie commune et l’âge du candidat à l’adoption à 25 ans assure et garantisse l’intérêt supérieur de l’enfant. Par ailleurs, je ne vois pas trop à quels problèmes cela permettrait de répondre.
Cette mesure était défendue par la majorité à l’Assemblée nationale, et je m’y étais, à titre personnel, plutôt opposé, même si j’avais émis un avis de sagesse en première lecture.
C’est aussi la position que j’avais adoptée en première lecture au Sénat et que je réitère ce soir.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 3
(Suppression maintenue)
Article 4
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article 345 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « âge, », sont insérés les mots : « ou dans les cas prévus à l’article 345-1 et aux 2° et 3° de l’article 347, » ;
2° Le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».
Mme le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Di Folco, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
le
par les mots :
la seconde occurrence du
La parole est à Mme Catherine Di Folco.
Mme Catherine Di Folco. Il s’agit d’un amendement de correction légistique.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
(Non modifié)
Le titre VIII du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 351 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « est réalisé par » sont remplacés par les mots : « prend effet à la date de » ;
– le mot : « abandonné » est remplacé par le mot : « délaissé » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les futurs adoptants accomplissent les actes usuels de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant à partir de la remise de celui-ci et jusqu’au prononcé du jugement d’adoption. » ;
2° À l’article 361, la référence : « 350 » est remplacée par la référence : « 348-7 » ;
3° Après le même article 361, il est inséré un article 361-1 ainsi rédigé :
« Art. 361-1. – Le placement en vue de l’adoption est réalisé par la remise effective aux futurs adoptants d’un pupille de l’État ou d’un enfant déclaré judiciairement délaissé. » – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Après l’article 343-2 du code civil, il est inséré un article 343-3 ainsi rédigé :
« Art. 343-3. – L’adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs est prohibée. Toutefois, le tribunal peut prononcer l’adoption s’il existe des motifs graves que l’intérêt de l’adopté commande de prendre en considération. » – (Adopté.)
Article 7
(Non modifié)
I. – Le titre VIII du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° A Au premier alinéa de l’article 348, les mots : « son père et de sa mère » sont remplacés par les mots : « ses deux parents » ;
1° Au début de l’article 348-3, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le consentement à l’adoption doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier s’il est donné en vue d’une adoption plénière, et sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant. » ;
2° Le dernier alinéa de l’article 370-3 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « dans les conditions définies au premier alinéa de l’article 348-3 » ;
b) La seconde phrase est supprimée.
II. – Au dernier alinéa de l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « deuxième et troisième » sont remplacés par les mots : « troisième et dernier ».
Mme le président. L’amendement n° 10, présenté par Mme Di Folco, est ainsi libellé :
I. − Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article 345, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
II. − Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Catherine Di Folco.
Mme Catherine Di Folco. Là encore, il s’agit d’un amendement de correction légistique.
Mme le président. Heureusement que vous êtes là, ma chère collègue ! (Sourires.)
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.
(L’article 7 est adopté.)
Article 8
(Non modifié)
Après l’article 348-6 du code civil, il est inséré un article 348-7 ainsi rédigé :
« Art. 348-7. – Le tribunal peut prononcer l’adoption, si elle est conforme à l’intérêt de l’adopté, d’un mineur âgé de plus de treize ans ou d’un majeur protégé hors d’état d’y consentir personnellement, après avoir recueilli l’avis d’un administrateur ad hoc ou de la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. » – (Adopté.)
Article 9
(Non modifié)
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article 357 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement est requis. » ;
2° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 363, le mot : « majeur » est remplacé par les mots : « âgé de plus de treize ans ».
Mme le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Remplacer le mot :
âgé de plus de treize ans
par les mots :
capable de discernement
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. C’est un amendement qui a pour objet de remplacer « âgé de plus de 13 ans » par les termes « capable de discernement » concernant le recueil du consentement lors du changement de prénom d’un enfant. Il nous paraît plus judicieux de prévoir cette formule, la fixation d’un âge, 13 ans en l’occurrence, étant par nature arbitraire.
C’est bien la capacité de discernement qui peut être à l’origine du consentement. Il n’existe pas d’âge minimum, par exemple, dans le cas d’un divorce ou d’une séparation de corps, pour le recueil de l’avis de l’enfant. Il nous semble que ce doit être le cas pour le changement de prénom.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
Effectivement, la notion de discernement est utilisée en droit de la famille, mais jamais comme critère justifiant qu’un enfant puisse donner son consentement. Un enfant donne son avis lorsqu’il est capable de discernement, ce qui reste à l’appréciation du juge.
En l’occurrence, rien n’interdit au juge d’entendre l’enfant de 13 ans pour avoir son avis, mais le discernement n’est pas un critère de consentement ; c’est un critère d’avis. Le consentement est fixé à un âge, certes arbitraire, mais cela paraît plus raisonnable dans l’architecture du droit de la famille.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. C’est un avis similaire, pour les mêmes raisons.
J’ajoute que la notion de discernement n’est pas liée à un âge. Elle peut différer d’un enfant à un autre en fonction du contexte, et il faut en laisser l’appréciation au juge, sans la relier à un âge prédéfini. C’est ainsi qu’il faut l’appréhender en droit et en pratique.
Mme le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À titre exceptionnel, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l’acte de naissance de l’enfant refuse la reconnaissance conjointe prévue au IV de l’article 6 de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, la femme qui n’a pas accouché peut demander à adopter l’enfant, sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et de l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger avant la publication de la même loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puisse lui être opposée l’absence de lien conjugal ni la condition de durée d’accueil prévue au premier alinéa de l’article 345 du code civil. Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige. Il statue par une décision spécialement motivée. L’adoption entraîne les mêmes effets, droits et obligations qu’en matière d’adoption de l’enfant du conjoint, du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement du Gouvernement est cohérent avec notre position depuis le début de l’examen de cette proposition de loi. Nombre d’entre vous l’ont évoqué lors de la discussion générale, il s’agit de rétablir l’article 9 bis, qui permet à une femme qui n’a pas accouché d’adopter l’enfant issu d’une AMP réalisée à l’étranger, malgré le refus de la femme qui a accouché.
C’est un dispositif transitoire, très encadré, comme l’ont rappelé certains d’entre vous, pour régler la situation de ces couples de femmes qui ont eu recours à une assistance médicale à la procréation à l’étranger et qui se sont séparés depuis le projet parental commun. Mais il y avait bien un projet parental, et c’est ce qui compte.
Il s’agit d’un mécanisme exceptionnel, j’y insiste. La simple opposition de la femme qui a accouché ne peut suffire, et le juge doit s’assurer que son refus n’a pas de motif légitime. Si tel est le cas, le juge établit le lien de filiation à l’égard de la seconde femme. En d’autres termes, l’adoption ne sera prononcée que si ce refus n’est pas légitime et si, bien évidemment, elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.
Cet article vise ainsi à mettre en place un dispositif dans l’intérêt de l’enfant, qui, pour nous tous ici, doit demeurer la seule boussole. Il s’agit non pas d’imposer à quelqu’un, contre son gré, l’adoption d’un enfant, mais bien de sécuriser la situation de l’enfant.
Certains ont objecté que cela concernait non pas l’enfant, mais les deux parents. Seulement, dans la réalité, l’enfant est souvent piégé au sein d’un conflit parental, et cette disposition permet justement de l’en extraire.
Par ailleurs, imaginez le cas, que certains considéreront comme marginal, où la mère biologique décède. (M. Jérôme Bascher s’exclame.) Je le sais, la loi doit être d’ordre général, mais il faut avoir ce cas à l’esprit : l’enfant se retrouve alors sans aucune filiation.
Tout cela pour vous dire que cette mesure est vraiment pensée dans l’intérêt de l’enfant. Pour ces raisons, et parce que le dispositif est encadré et transitoire, nous proposons au Sénat de rétablir l’article 9 bis.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Nous nous sommes tous exprimés sur ce sujet, dans un sens ou dans un autre, et force est de constater que nous n’avons pas la même analyse que M. le secrétaire d’État ou que notre collègue Mme Vogel sur cet amendement.
Là encore, je vais m’exprimer en reprenant des propos qui ont été tenus par des représentants d’associations que nous avons auditionnés. On peut discuter de l’intérêt de l’enfant, qui se retrouve effectivement pris dans un conflit. Et, dans ce conflit, c’est donner satisfaction à la femme qui n’est pas la mère que de reconnaître ce lien de filiation. En l’occurrence, l’enfant n’est pas au cœur du débat, car il va de toute façon devenir un enjeu pour un couple séparé.
En fait, à nos yeux, c’est vouloir faire reconnaître un lien de filiation de façon forcée. En effet, monsieur le secrétaire d’État, l’objet de votre amendement indique bien qu’il s’agit d’imposer un second lien de filiation.
Madame Vogel, vous vous êtes indignée tout à l’heure du fait que l’on refuserait à un couple homosexuel ce que l’on autoriserait à un couple hétérosexuel. Je ne crois pas que l’on puisse faire cette comparaison, parce que, dans un couple hétérosexuel, la filiation est établie si elle correspond à une réalité. Si tel n’est pas le cas, elle peut être contestée. C’est là, me semble-t-il, que la discrimination pourrait intervenir, c’est-à-dire entre deux parents, hétérosexuels ou homosexuels, dont l’un ne serait pas le vrai parent biologique : à l’un on refuserait un lien adoptif, tandis qu’on l’autoriserait à l’autre. Or, dans un couple hétérosexuel, un homme qui voudrait se déclarer le père alors qu’il ne l’est pas devrait adopter. En aucune façon, on ne forcerait la mère à accepter l’adoption de cet enfant, comme cet amendement tend à le faire, dans le cas d’un couple homosexuel.
À mes yeux, je le répète, la comparaison n’est pas pertinente. Je maintiens donc la position de la commission, qui est de dire qu’il ne faut pas imposer un second lien de filiation, pour reprendre l’objet de votre amendement, monsieur le secrétaire d’État.
Mme le président. En conséquence, l’article 9 bis demeure supprimé.
Article 10
(Non modifié)
I. – Le chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 225-2 est ainsi modifié :
aa) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’agrément a pour finalité l’intérêt des enfants qui peuvent être adoptés. Il est délivré lorsque la personne candidate à l’adoption est en capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs.
« L’agrément prévoit une différence d’âge maximale de cinquante ans entre le plus jeune des adoptants et le plus jeune des enfants qu’ils se proposent d’adopter. Toutefois, s’il y a de justes motifs, il peut être dérogé à cette règle en démontrant que l’adoptant est en capacité de répondre à long terme aux besoins mentionnés au deuxième alinéa du présent article. » ;
a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « après avis » sont remplacés par les mots : « sur avis conforme » ;
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant la durée de validité de l’agrément, le président du conseil départemental ou, en Corse, le président du conseil exécutif propose aux personnes agréées des réunions d’information. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 225-3 est ainsi rédigé :
« Elles suivent une préparation, organisée par le président du conseil départemental ou, en Corse, par le président du conseil exécutif, portant notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives, médicales, juridiques et culturelles de l’adoption, compte tenu de la réalité de l’adoption nationale et internationale, ainsi que sur les spécificités de la parentalité adoptive. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 225-8, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
II et III. – (Supprimés)
IV. – Au 4° de l’article L. 622-6 du code général de la fonction publique, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « quatrième ». – (Adopté.)
Article 10 bis
(Non modifié)
Au début du chapitre III du titre VIII du livre Ier du code civil, il est ajouté un article 370-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 370-2-1. – L’adoption est internationale :
« 1° Lorsqu’un mineur résidant habituellement dans un État étranger a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers la France, où résident habituellement les adoptants ;
« 2° Lorsqu’un mineur résidant habituellement en France a été, est ou doit être déplacé, dans le cadre de son adoption, vers un État étranger, où résident habituellement les adoptants. » – (Adopté.)
Article 10 ter
(Non modifié)
À titre dérogatoire, les agréments en vue d’adoption en cours de validité à la date du 11 mars 2020 peuvent être prolongés pour une durée de deux ans par le président du conseil départemental ou, en Corse, par le président du conseil exécutif pour les bénéficiaires dont le dossier de demande a été enregistré par une autorité étrangère et dont l’agrément est toujours valide à la date de promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
Article 11
(Non modifié)
L’article L. 225-1 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président du conseil départemental ou, en Corse, le président du conseil exécutif peut faire appel à des associations pour identifier, parmi les personnes agréées qu’elles accompagnent, des candidats susceptibles d’accueillir en vue de l’adoption des enfants à besoins spécifiques. » – (Adopté.)
Article 11 bis
I. – La section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifiée :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 225-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-11. – Tout organisme, personne morale de droit privé, qui sert d’intermédiaire pour l’adoption ou le placement en vue d’adoption de mineurs de quinze ans doit avoir obtenu une autorisation préalable d’exercer cette activité, délivrée par le président du conseil départemental du siège social de l’organisme ou, en Corse, du président du conseil exécutif, après avis du ministre chargé de la famille et du ministre des affaires étrangères.
« Toutefois, l’organisme autorisé dans un département peut servir d’intermédiaire pour l’adoption internationale dans d’autres départements, sous réserve d’adresser préalablement une déclaration de fonctionnement au président de chaque conseil départemental concerné. Le président du conseil départemental peut à tout moment interdire l’activité de l’organisme dans le département si cet organisme ne présente pas de garanties suffisantes pour assurer la protection des enfants ou des futurs adoptants. » ;
2° bis L’article L. 225-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-12. – Les organismes autorisés à servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs résidant habituellement à l’étranger doivent être habilités par le ministre des affaires étrangères pour chaque État dans lequel ils envisagent d’exercer leur activité. » ;
2° ter Après le même article L. 225-12, il est inséré un article L. 225-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-12-1. – La durée de l’autorisation et de l’habilitation prévues aux articles L. 225-11 et L. 225-12 est fixée par voie réglementaire. » ;
2° quater À l’article L. 225-13, les mots : « , le cas échéant, » sont supprimés ;
3° L’article L. 225-14 est abrogé ;
4° et 5° (Supprimés)
II. – Les organismes, personnes morales de droit privé, qui étaient autorisés à servir d’intermédiaire pour l’adoption ou le placement en vue d’adoption de mineurs de quinze ans avant la promulgation de la présente loi sont autorisés à poursuivre leur activité pendant une durée de deux ans à compter de cette promulgation.
Les organismes autorisés, personnes morales de droit privé, qui étaient habilités par le ministre des affaires étrangères à exercer leur activité au profit de mineurs étrangers avant la promulgation de la présente loi sont autorisés à poursuivre cette activité pendant une durée de deux ans à compter de cette promulgation.
III à V. – (Supprimés)
Mme le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
ou le placement en vue d’adoption de mineurs de quinze ans
par les mots :
de mineurs résidant habituellement à l’étranger
II. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
ou le placement en vue d’adoption de mineurs de quinze ans
par les mots :
de mineurs étrangers
III. – Alinéa 15
Rétablir les III à V dans la rédaction suivante :
III. – L’article L. 225-19 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « ou le placement en vue d’adoption de mineurs de quinze ans » sont remplacés par les mots : « de mineurs résidant habituellement à l’étranger » ;
b) Après la référence : « L. 225-11 », sont insérés les mots : « ou l’habilitation prévue à l’article L. 225-12 » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait de recueillir sur le territoire français des mineurs en vue de les proposer à l’adoption. »
IV. – Le chapitre Ier du titre VIII du livre Ier du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 348-4 est ainsi rédigé :
« Art. 348-4. – Lorsque les parents, l’un des deux ou le conseil de famille consentent à l’admission de l’enfant à la qualité de pupille de l’État en le remettant au service de l’aide sociale à l’enfance, le choix de l’adoptant est laissé au tuteur, avec l’accord du conseil de famille des pupilles de l’État. » ;
2° À la fin de l’article 348-5, les mots : « ou à un organisme autorisé pour l’adoption » sont supprimés ;
2° bis L’article 349 est abrogé ;
3° Au premier alinéa de l’article 353-1, les mots : « , d’un enfant remis à un organisme autorisé pour l’adoption » sont supprimés.
V. – L’interdiction de recueillir sur le territoire français des mineurs en vue de les proposer à l’adoption prévue au 2° du III du présent article entre en vigueur deux mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je me permets de préciser que le Gouvernement n’a pas cherché à rétablir tout ce qui avait été supprimé par le Sénat…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le Sénat non plus !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Sénat non plus, vous avez raison, mais, sur d’autres textes, des rapporteurs ont pu m’en faire le reproche. (Sourires.)
Cependant, sur quelques points essentiels, il nous semblait important de nous représenter devant vous avec nos propositions. Nous ne l’avons pas fait, d’ailleurs, sur les habilitations à légiférer par ordonnances, qui, pourtant, avaient été récrites, suivant les sages conseils du Sénat et de l’Assemblée nationale, pour les circonscrire à deux objets très précis de nature légistique. Mais passons…
L’amendement n° 5 vise à rétablir la rédaction de l’article 11 bis adoptée à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Il s’agit de réintroduire l’interdiction du recueil direct d’enfants en France par les organismes autorisés pour l’adoption, les fameux OAA.
Cette interdiction, je vous le redis, est conforme à l’intérêt de l’enfant, car elle garantit que tous les enfants privés définitivement de la protection de leur famille d’origine bénéficieront du statut de pupille de l’État. Or c’est le statut le plus protecteur pour les enfants.
Vous avez dit, madame la rapporteure, que cela ne concernait qu’une OAA et six enfants par an en moyenne.
Vous nous avez dit également, madame la rapporteure, que les personnes que vous aviez auditionnées étaient souvent des parents, surtout des mères, qui étaient eux-mêmes passés par l’aide sociale à l’enfance et qui ne souhaitaient pas remettre leur enfant dans cet environnement. Je ne porte évidemment aucun jugement sur ce point, mais il faut savoir que nous parlons de nourrissons qui vont être confiés à l’ASE pendant deux ou trois mois au maximum, avant de trouver une famille. Il est faux de dire qu’ils vont rester des années, voire la moitié de leur enfance ou toute leur enfance dans le giron de l’ASE. Ne laissons pas croire cela.
Cette interdiction ne prive pas les enfants d’une quelconque chance.
Un argument revient souvent, mais vous ne l’avez pas repris, madame la rapporteure : les enfants recueillis par des OAA seraient plus facilement adoptés que les enfants confiés à l’ASE. Ce n’est pas la réalité !
La majorité des enfants recueillis en France par des OAA ne présentent pas de besoins spécifiques et n’auront pas la moindre difficulté à trouver des parents, dans le respect des règles de déontologie et de transparence applicables à ces procédures, qui ne sont, il faut le dire, pas toujours totalement, complètement, parfaitement appliquées par les OAA qui recueillent des enfants.
Pour autant, c’est vrai, les OAA ont une vraie expertise sur l’accompagnement, des départements notamment, en matière d’adoption des enfants à besoins spécifiques. D’ailleurs, dans votre texte, vous consacrez cette expertise. Et cette mission qui est exercée par un certain nombre d’OAA en France aujourd’hui pourra évidemment être poursuivie demain. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de rassurer personnellement le représentant d’un organisme qui était assez inquiet à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale : ils pourront continuer d’agir auprès des départements.
Seulement, il y a une différence entre le recueil d’enfants et l’accompagnement des départements, des parents, sur l’adoption d’enfants à besoins spécifiques, un domaine dans lequel, je le répète, ils ont une vraie expertise, que je salue.
Il y a aujourd’hui cinq OAA encore autorisés à recueillir des enfants : la Confédération française pour l’adoption (COFA), Vivre en famille, SOS Emmanuel, La Cause et La Famille adoptive française.
Or seule cette dernière structure fait encore, pour cinq enfants par an sur la France entière, du recueil d’enfants, c’est-à-dire du placement sous leur responsabilité chez des assistants familiaux.
Les autres, et plus particulièrement SOS Emmanuel France, que j’avais eu en direct au téléphone, ne recueillent plus de mineurs. Ils assurent cependant une préparation, un accompagnement des candidats à l’adoption, et travaillent en lien étroit avec les départements au profit des pupilles de l’État à besoins spécifiques. Je le répète et j’y insiste, cette dernière compétence n’est absolument pas remise en cause. Au contraire, elle est confortée par la présente proposition de loi, qui prévoit expressément dans son article 11 que les départements peuvent prendre appui sur ces associations dans la recherche de familles adoptantes pour des pupilles pour lesquels un projet d’adoption est souhaité.
Nous souhaitons donc conforter les OAA en France sur cette mission-là, mais nous souhaitons aussi consacrer le monopole de l’ASE, du système public, avec toutes les garanties qu’offre pour l’enfant le statut de pupille de l’État, s’agissant du recueil des enfants en vue d’une adoption.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons que cet article 11 bis soit récrit.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je ne dirai qu’un seul mot, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi ?
Le parti pris de la commission est le suivant : on ne change pas la loi parce qu’on en a envie, on la change parce qu’il existe une raison légitime de le faire, parce que cette modification résout une difficulté.
Vous avez rappelé l’état actuel des OAA en France et la situation en matière de recueil des enfants, mais aucun élément ne justifie que l’on modifie quoi que ce soit. Les enfants qui ne bénéficient pas du statut de pupille de l’État sont parfaitement traités par les OAA, qui continuent de les recueillir.
Si tout fonctionne bien, il n’y a, je le répète, aucune raison de modifier l’existant. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 11 bis.
(L’article 11 bis est adopté.)
Article 11 ter
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
I bis. – Le I n’est pas applicable aux candidats à l’adoption titulaires d’un agrément en cours de validité à la date de publication de la présente loi et dont le dossier d’adoption a été enregistré auprès de l’autorité centrale mentionnée à l’article L. 148-1 du code de l’action sociale et des familles au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.
II. – (Supprimé) – (Adopté.)
Article 11 quater
(Non modifié)
La section 4 du chapitre V du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifiée :
1° (Supprimé)
1° bis L’article L. 225-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-18. – Le pupille de l’État placé en vue de l’adoption et les adoptants bénéficient, pendant la durée du placement en vue de l’adoption, d’un accompagnement par le service de l’aide sociale à l’enfance.
« Le mineur placé en vue de l’adoption ou adopté par l’effet d’une décision étrangère qui n’est pas l’enfant du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin de l’adoptant et les adoptants bénéficient d’un accompagnement par l’organisme mentionné à l’article L. 225-11 ou, à défaut, par le service de l’aide sociale à l’enfance, à compter de l’arrivée du mineur au foyer de l’adoptant et pendant une durée d’un an.
« L’accompagnement prévu au présent article est prolongé si les adoptants en font la demande ou s’ils s’y sont engagés envers l’État d’origine de l’enfant. Dans ce dernier cas, il s’effectue selon le calendrier déterminé au moment de l’engagement. » ;
2° et 3° (Supprimés)
Mme le président. L’amendement n° 11, présenté par Mmes Harribey, Meunier et de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement tend à supprimer l’article 11 quater.
En effet, nous ne sommes pas favorables à l’interdiction de l’accueil des mineurs en vue de l’adoption par les organismes autorisés pour l’adoption en France. La majorité des acteurs de la petite enfance s’accorde à reconnaître l’importance d’un accompagnement après l’adoption à la fois de l’enfant et de ses parents adoptifs pour la réussite du projet parental, mais le caractère obligatoire prévu dans la proposition de loi initiale est contesté.
En effet, dès lors que l’adoption est prononcée, y compris en vertu d’une décision étrangère, les adoptants sont des parents de plein exercice et l’intervention d’un tiers ne devrait pas pouvoir leur être imposée autrement que sur décision d’un juge, en cas de danger pour la santé, la sécurité ou la moralité de l’enfant.
Cet accompagnement post-adoption, qui ne serait obligatoire qu’en cas d’adoption internationale, pourrait être analysé comme une immixtion injustifiée dans la vie privée de la famille et comme une forme de discrimination.
Telle est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer l’article 11 quater et de conserver le droit en vigueur.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je l’ai indiqué précédemment, la commission n’a souhaité modifier que cinq points saillants du texte. Cependant, la position que vient d’exposer parfaitement notre collègue Michelle Meunier était celle du Sénat en première lecture.
Aussi l’avis de la commission est-il favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’article 11 quater, dont vous proposez la suppression, prévoit l’accompagnement par les services de l’aide sociale à l’enfance des pupilles placés en vue de l’adoption, ainsi que des enfants adoptés en vertu d’une décision étrangère. Pourtant, cet accompagnement nous semble essentiel, car il permet d’apporter une aide, des conseils, dans les premiers temps de découverte et d’affiliation entre l’enfant placé en vue de l’adoption ou adopté et ses parents.
Par ailleurs, le pupille placé en vue de l’adoption reste sous la responsabilité du tuteur et du conseil de famille jusqu’au prononcé de l’adoption. Il revient à ces derniers de s’assurer de la bonne intégration de l’enfant au sein de sa famille adoptive et, le cas échéant, de prendre toutes les mesures qui seraient nécessaires si des difficultés venaient à apparaître.
Enfin, l’accompagnement des enfants adoptés en vertu d’une décision étrangère répond à une attente forte des pays d’origine, chaque adoptant prenant un engagement moral auprès de ces derniers, qu’il nous revient de garantir à leurs côtés dans le cadre des relations que nous entretenons avec ces pays.
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à l’amendement de suppression de l’article 11 quater.
Mme le président. En conséquence, l’article 11 quater est supprimé, et l’amendement n° 13 n’a plus d’objet.
Article 11 quinquies
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À la fin, les mots : « étrangers de quinze ans » sont remplacés par les mots : « résidant habituellement à l’étranger » ;
2° (Supprimé) – (Adopté.)
Article 11 sexies
(Supprimé)
TITRE II
RENFORCER LE STATUT DE PUPILLE DE L’ÉTAT ET AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DES CONSEILS DE FAMILLE
Article 12
(Non modifié)
L’article L. 225-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées : « Les enfants admis à la qualité de pupille de l’État en application des articles L. 224-4 et L. 224-8 bénéficient, dans les meilleurs délais, d’un bilan médical, psychologique et social, qui fait état de l’éventuelle adhésion de l’enfant à un projet d’adoption, si l’âge et le discernement de l’enfant le permettent. Un projet de vie est ensuite défini par le tuteur avec l’accord du conseil de famille. Ce projet peut être une adoption, si tel est l’intérêt de l’enfant. » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un nouveau bilan peut être réalisé à tout moment, à la demande du tuteur en accord avec le conseil de famille ou du mineur lui-même si son âge et son discernement le permettent, notamment si un projet d’adoption est envisagé pour le pupille. » ;
3° Au second alinéa, le mot : « ce » est remplacé par le mot : « le ». – (Adopté.)
Article 13
I. – L’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° A Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , le cas échéant avec l’assistance d’une personne de leur choix » ;
1° Au 4°, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents » ;
2° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l’enfant est remis au service par ses parents ou l’un d’eux, selon le 2° ou 3° de l’article L. 224-4, ceux-ci consentent à son admission dans le statut de pupille de l’État, après avoir été éclairés sur ses conséquences, s’agissant notamment de la possibilité pour le conseil de famille de consentir à une adoption en application du 2° de l’article 347 du code civil, si tel est l’intérêt de l’enfant.
« Dans ce cas, le ou les parents sont également invités à consentir eux-mêmes à l’adoption de l’enfant dans les conditions de l’article 348-3 du même code, après avoir été informés que la décision de faire bénéficier l’enfant d’un projet d’adoption, la définition du projet d’adoption, simple ou plénière suivant les circonstances particulières à la situation de l’enfant, ainsi que le choix des adoptants éventuels sont assurés par le tuteur, avec l’accord du conseil de famille en application de l’article L. 225-1 du présent code.
« Ces consentements sont portés sur le procès-verbal. »
II. – (Non modifié)
Mme le président. L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Rédiger ainsi ces trois alinéas :
« Lorsque l’enfant est remis au service par ses parents ou par l’un d’eux, selon les 2° ou 3° de l’article L. 224-4, ceux-ci doivent consentir expressément à l’admission de l’enfant à la qualité de pupille de l’État. Ils sont incités à communiquer les informations médicales connues les concernant.
« Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie et éclairé sur les conséquences de l’admission à la qualité de pupille de l’État, ouvrant notamment la possibilité pour l’enfant de bénéficier d’un projet d’adoption en application du 2° de l’article 347 du code civil.
« Le consentement à l’admission de l’enfant à la qualité de pupille de l’État emportant la possibilité de son adoption est porté sur le procès-verbal. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous voici parvenus à l’un des derniers aspects importants du texte sur lesquels il nous semblait nécessaire de revenir : la question du consentement des parents à l’admission au statut de pupille de l’État. Il s’agit de clarifier, si cela était nécessaire, l’intention du Gouvernement.
Nous vous proposons de réintroduire l’article 13 dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, car elle clarifie l’état du droit. Fondamentalement, c’est de cela qu’il s’agit. Je vous vois venir, monsieur Bascher, vous allez me dire : « À quoi bon, si c’est déjà le droit ? » Il est parfois nécessaire, notamment pour les professionnels, de clarifier les choses afin que le droit soit bien appliqué.
À l’heure actuelle en effet, le code de l’action sociale et des familles prévoit que les parents sont invités à consentir à l’adoption lorsqu’ils remettent leur enfant à l’aide sociale à l’enfance en vue de son admission au statut de pupille de l’État, mais l’article 349 du code civil indique que ce droit appartient in fine au conseil de famille.
Ainsi, quand bien même les parents ne consentiraient pas à l’adoption, dans les faits, le conseil de famille, s’il considère que c’est dans l’intérêt de l’enfant, peut passer outre le refus ou l’absence de consentement des parents. Inversement, ce n’est pas parce que les parents ont consenti à l’adoption de leur enfant lorsqu’ils l’ont remis à l’aide sociale à l’enfance que ce dernier sera nécessairement adopté. Pour cela, il est nécessaire que le conseil de famille prenne une décision en ce sens.
En conclusion, la rédaction actuelle du code de l’action sociale et des familles produit les mêmes effets juridiques que la disposition adoptée par l’Assemblée nationale, mais induit les parents en erreur sur la réalité de leurs droits et contribue ainsi à alimenter l’idée que le statut de pupille de l’État a pour seul objectif de déboucher sur une adoption. Or l’adoption peut ne pas être dans l’intérêt d’un pupille de l’État, par exemple lorsque l’enfant a tissé des liens forts avec sa famille d’accueil ou lorsqu’il ne souhaite pas être adopté.
C’est pourquoi il est proposé de clarifier ces règles, sans réduire aucunement le champ du consentement des parents. Paradoxalement, on nous a beaucoup reproché de vouloir, avec cette disposition, passer outre le consentement des parents ou de le mettre en cause. C’est tout le contraire !
Les parlementaires ont ainsi ajouté un certain nombre de dispositions qui permettent d’éclairer le consentement des parents au moment où celui-ci est exprimé et de ne pas les entretenir dans l’illusion que le consentement qu’ils donneraient en première intention pourrait être renversé par une absence de consentement au moment de l’adoption.
Pour toutes ces raisons, il nous semble important que cet article 13 puisse être rétabli dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
Nous n’avons pas la même conception de la clarté ou de la clarification, me semble-t-il, monsieur le secrétaire d’État !
Le mécanisme est le suivant : les parents remettent l’enfant, consentent à son admission au statut de pupille de l’État. En l’état actuel du droit, ils sont aussi invités à consentir à l’adoption. Ensuite, il revient au conseil de famille, sur proposition du tuteur, de prendre une décision en la matière.
Dans le texte que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d’État, il est indiqué que les parents consentent à l’admission au statut de pupille de l’État et que ce statut emporte consentement à une éventuelle adoption.
Le texte que la commission des lois a rédigé et approuvé me paraît plus clair puisqu’il distingue précisément tous les processus de décision, mais aussi les décisionnaires.
Il prévoit que lorsque « l’enfant est remis au service par ses parents ou par l’un d’eux […], ceux-ci consentent à son admission dans le statut de pupille de l’État […]. Dans ce cas, le ou les parents sont également invités à consentir eux-mêmes à l’adoption de l’enfant […], après avoir été informés que la décision de faire bénéficier l’enfant d’un projet d’adoption, la définition du projet d’adoption […], ainsi que le choix des adoptants éventuels, sont assurés par le tuteur avec l’accord du conseil de famille ».
Cet article semble bien plus clair que celui que propose le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État – je suis navrée de le dire ainsi –, car il y apparaît bien que les processus décisionnels se font en plusieurs étapes.
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je répète que c’est une illusion, car c’est le conseil de famille qui décide in fine de l’adoption.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est ce que je viens de dire !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. On ne redemande pas le consentement de la famille au moment de l’adoption.
Il ne faut pas laisser croire aux familles qu’elles auront à exprimer leur consentement au moment de l’adoption et qu’elles pourront donc s’y opposer. C’est ce que laisse sous-entendre votre argument. Si le conseil de famille considère que, dans son intérêt, l’enfant doit être adopté, il le sera. En réalité, on maintient les familles dans une illusion.
Madame la rapporteure, je vous invite à vous reporter à la page 68 du guide Les enfants pupilles de l’État, qui sert aux départements et aux conseils de famille pour cheminer en ces matières. Vous y trouverez le modèle du procès-verbal de recueil de l’enfant à la suite d’une remise à l’aide sociale à l’enfance par son unique parent ou ses deux parents. Je vous parle bien ici de la première étape, la remise de l’enfant à l’aide sociale à l’enfance. Il est indiqué à la fin de ce procès-verbal : « M. X et/ou Mme Y ont expressément consenti à l’adoption de leur enfant. »
Dans les faits, lorsqu’ils remettent l’enfant à l’aide sociale à l’enfance, les parents consentent déjà à ce qu’il soit in fine adopté si le conseil de famille estime que c’est dans son intérêt. C’est bien au conseil de famille qu’il appartient de prendre cette décision.
Nous vous proposons donc de rendre le droit plus clair et cohérent avec la pratique. Il s’agit de ne pas revenir sur cette pratique, contrairement à ce que vous proposez avec cette rédaction.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je pense que chacun voudra que nous terminions assez rapidement ce débat, mais permettez-moi de rappeler que la pratique aujourd’hui, c’est le code civil.
Le problème, c’est que le code civil et le code de l’action sociale et des familles ne sont pas tout à fait rédigés en des termes concordants. Aujourd’hui, le code civil précise que les parents sont invités à consentir.
Je rappelle les propos très justes qui ont été tenus par notre collègue Michelle Meunier lors de la discussion générale : il est extrêmement important que les parents, lorsqu’ils font ce dernier acte de parents qui est de remettre leur enfant à l’aide sociale à l’enfance, puissent faire savoir ultérieurement à ce dernier qu’ils ont souhaité qu’il ait une nouvelle vie de famille avec d’autres parents. Il est important de le préciser, comme la commission l’a fait dans sa rédaction.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 14
(Non modifié)
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 224-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 224-2. – Les membres du conseil de famille sont nommés par le représentant de l’État dans le département ou, en Corse, par le représentant de l’État dans la collectivité de Corse, en considération de l’intérêt porté à la politique publique de protection de l’enfance, en fonction de leur aptitude ainsi que de leur disponibilité.
« Outre le tuteur, chaque conseil de famille comprend :
« 1° Un membre titulaire et un membre suppléant d’associations de pupilles ou d’anciens pupilles ou de personnes admises ou ayant été admises à l’aide sociale à l’enfance dans le département ;
« 2° Deux membres titulaires et deux membres suppléants d’associations familiales concourant à la représentation de la diversité des familles, dont un membre titulaire et un membre suppléant d’associations de familles adoptives ;
« 3° Un membre titulaire et un membre suppléant d’associations d’assistants familiaux ;
« 4° Deux représentants du conseil départemental et deux suppléants, désignés par lui sur proposition de son président ou, en Corse, un représentant de la collectivité de Corse et un suppléant, désignés par l’Assemblée de Corse ;
« 5° Une personnalité qualifiée titulaire et un suppléant, que leur compétence et leur expérience professionnelles en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein ;
« 6° Une personnalité qualifiée titulaire et un suppléant, que leur expérience et leur compétence professionnelles en matière médicale, psychologique ou sociale qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein.
« Le mandat de ses membres est de six ans. Nul ne peut exercer plus de trois mandats, dont plus de deux en tant que titulaire.
« À chaque renouvellement d’un conseil de famille des pupilles de l’État, les membres nouvellement nommés bénéficient d’une formation préalable à leur prise de fonction, dans des conditions définies par décret.
« Dans l’intérêt des pupilles de l’État, les membres titulaires veillent à être présents à chaque réunion du conseil de famille des pupilles de l’État ou, à défaut, à se faire remplacer par leur suppléant.
« Les membres du conseil de famille sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Le représentant de l’État dans le département ou, en Corse, le représentant de l’État dans la collectivité de Corse peut mettre fin au mandat des membres du conseil de famille en cas de manquement caractérisé à leurs obligations.
« Il est institué, dans chaque département, un conseil de famille supplémentaire lorsque le nombre de pupilles suivis par les conseils de famille existants est supérieur à cinquante. » ;
2° L’article L. 224-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 224-3. – Sauf disposition contraire, les décisions et délibérations de toutes natures du conseil de famille des pupilles de l’État sont susceptibles de recours.
« Ce recours est ouvert :
« 1° Au tuteur ;
« 2° Aux membres du conseil de famille ;
« 3° Aux personnes à qui le service de l’aide sociale à l’enfance a confié un pupille de l’État pour en assurer la garde et qui souhaitent l’adopter, pour les décisions et délibérations relatives à ce projet d’adoption.
« Le recours est porté devant le tribunal judiciaire. Le délai de recours est de quinze jours. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat.
« L’appel est ouvert aux personnes mentionnées aux 1° et 2°, même si elles ne sont pas intervenues à l’instance. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 224-3-1, la référence : « quatrième alinéa » est remplacée par la référence : « 4° ».
II. – (Supprimé)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 14, présenté par Mme Doineau, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Y compris le tuteur qui n’y vote pas, le conseil de famille est composé de :
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement vise à proposer une rédaction différente de l’alinéa 4, qui, en l’état, laisse subsister un droit de vote du tuteur au sein du conseil de famille des pupilles de l’État.
Dans la tutelle de droit commun, le tuteur est membre du conseil de famille. A priori, il n’est donc pas choquant qu’il puisse en être de même dans la tutelle des pupilles de l’État, d’autant que, en l’absence du tuteur, le conseil ne peut pas siéger valablement.
Ayant présidé un conseil de famille pendant de longues années, je parle en connaissance de cause.
Plus significatif, dans la tutelle de droit commun, le tuteur ne vote pas. En effet, le législateur de 2007 a entendu préserver les rôles bien distincts des deux organes de la tutelle. En ce qui concerne la gouvernance de la vie de l’enfant, il a laissé le « pouvoir législatif » au conseil et un « pouvoir exécutif » au tuteur, celui-ci étant le représentant légal de l’enfant.
Il apparaît donc discutable que, demain, l’ensemble des pouvoirs puissent être concentrés entre les mains du tuteur, lui offrant en outre la possibilité d’être élu président du conseil de famille et d’avoir voix prépondérante en cas de partage des voix, ce qui n’aurait pu être le cas dans la tutelle de droit commun, où le conseil de famille est présidé par le juge des tutelles.
Pour respecter, dans l’intérêt des enfants pupilles, la philosophie même de la tutelle, le partage nécessaire des prérogatives de l’un et de l’autre, le présent amendement tend à s’aligner sur la tutelle de droit commun, ce qui correspond au dispositif du code civil.
Cet amendement a été travaillé en lien avec Enfance et familles d’adoption.
Mme le président. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Harribey et Meunier, M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
Outre le tuteur,
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Dans la tutelle de droit commun, le tuteur ne vote pas. En effet, depuis 2007, le législateur a entendu préserver les rôles distincts des deux organes de la tutelle. En ce qui concerne la gouvernance de la vie de l’enfant, il a laissé le législatif au conseil et l’exécutif au tuteur, celui-ci étant le représentant légal de l’enfant.
Il ne nous apparaît donc pas judicieux, si le présent texte devait être adopté en l’état, que l’ensemble des pouvoirs puissent être concentrés entre les mains du tuteur, lui offrant en outre la possibilité d’être élu président du conseil de famille et d’avoir voix prépondérante en cas de partage des voix, ce qui n’aurait pu être le cas dans la tutelle de droit commun, où le conseil de famille est présidé par le juge des tutelles.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose donc de conserver le droit en vigueur : le tuteur est présent au sein du conseil de famille, conserve ses prérogatives en matière de représentation légale de l’enfant et son rôle d’observateur et de secrétaire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Madame la présidente, la commission est d’accord avec les objectifs similaires de ces deux amendements, mais elle a préféré la rédaction de l’amendement présenté par Mme Meunier, qui vise à revenir au droit existant.
Elle émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 7 et demande le retrait de l’amendement n° 14.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. À l’inverse, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Le tuteur, vous l’avez dit, est pleinement intégré au sein du conseil de famille afin de lui permettre de participer de façon effective aux décisions prises dans l’intérêt du pupille. Actuellement, le tuteur doit prendre des décisions « en accord avec le conseil de famille ». Or, en pratique, lorsque le conseil de famille n’est pas d’accord avec le tuteur, c’est bien lui qui vote. Le conseil de famille prend les décisions et le tuteur ne peut pas y prendre part.
Désormais, il pourra effectivement siéger, voter et exercer son droit de recours. Son rôle de tuteur, qui consiste à exercer l’autorité parentale et à représenter les intérêts de l’enfant, est ainsi renforcé.
Le tuteur n’est pas seul et ne dispose pas des pleins pouvoirs, comme vous l’avez évoqué. Il n’est qu’une voix parmi toutes celles du conseil de famille. Il n’y a donc pas concentration ou amalgame entre les différentes responsabilités exercées. À l’inverse, les dispositions que nous défendons lui permettent pleinement d’exercer l’autorité parentale et de représenter l’intérêt de l’enfant.
Tel est le sens de la rédaction que nous avions adoptée et que je vous propose de conserver.
Mme le président. Madame Doineau, l’amendement n° 14 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Doineau. Non, je le retire, madame le président.
Mme le président. L’amendement n° 14 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 10
Remplacer les mots :
Une personnalité qualifiée titulaire et un suppléant
par les mots :
Deux personnes qualifiées titulaires et deux suppléants
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement vise à supprimer la présence au sein du conseil de famille d’une personnalité qualifiée compétente en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations et à prévoir celle de deux personnes qualifiées titulaires et de deux suppléants ayant des compétences en matière médicale, psychologique ou sociale.
Il est à mon avis difficilement compréhensible que la défense des postulants à l’adoption se fasse à l’intérieur des conseils de famille, au détriment des enfants, privant ces derniers du regard et de l’expertise d’un psychiatre, d’un conseiller d’éducation, d’un juriste ou même d’un ancien responsable d’une maison d’enfants.
Ces deux personnes qualifiées vont participer à la définition du projet de vie de l’enfant pupille de l’État, en prenant en compte leurs besoins spécifiques.
Cet amendement a également été travaillé avec Enfance et familles d’adoption.
Mme le président. L’amendement n° 8, présenté par Mmes Harribey et Meunier, M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer les mots :
Une personnalité qualifiée titulaire et un suppléant
par les mots :
Deux personnes qualifiées titulaires et deux suppléants
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 8 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 12 rectifié bis ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission est favorable.
Il s’agit en effet de supprimer la présence au sein du conseil de famille d’une personne qualifiée en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations, cette disposition ayant été introduite au cours de la discussion à l’Assemblée nationale.
Nous ne sommes pas pour les discriminations, mais nous estimons, comme l’a indiqué notre collègue Élisabeth Doineau, que la présence de cette personnalité qualifiée est dans l’intérêt des parents.
Pour lutter contre les discriminations, il faut apprendre les bonnes pratiques au sein du conseil de famille et y faire de la formation. Le conseil de famille doit être composé de personnes qui prennent des décisions dans l’intérêt de l’enfant et non pas dans celui des parents potentiels.
Le rétablissement de la composition du conseil de famille tel qu’il existe nous paraissant être une bonne mesure, nous émettons un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous sommes tous évidemment guidés, je le répète, y compris le conseil de famille, par l’intérêt de l’enfant avant toute chose. Pour autant, les conseils de famille doivent respecter un certain nombre de principes auxquels nous sommes également tous attachés.
Or la pratique a montré, et je vous renvoie à cet égard à ce qui s’est passé en Seine-Maritime, il y a deux ou trois ans…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il ne s’était rien passé !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il ne s’était rien passé ? Ah bon ? L’IGAS a dit que, s’il n’y avait pas de problème systémique,…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Voilà !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … il y avait tout de même eu un problème en Seine-Maritime. Elle a par ailleurs préconisé, tout comme le Comité consultatif national d’éthique et le Conseil national de la protection de l’enfance que j’avais également saisis par ailleurs, que soient rappelés un certain nombre de principes déontologiques.
Une charte rappelant les principes républicains, rien d’autre, a été rédigée et signée, sachez-le, par l’ensemble des préfets et des conseils de famille de notre territoire. Dans cet esprit, les députés et le Gouvernement, qui les accompagne, ont considéré qu’il était important de désigner au sein des conseils de famille une personne qualifiée en raison de ses compétences en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations.
Le conseil de famille comprend une personne compétente en matière de protection de l’enfance et en matière médicale, psychologique ou sociale et une personne compétente en matière d’éthique et de lutte contre les discriminations. Un tel équilibre nous semble nécessaire. Nous pensons que l’intérêt supérieur de l’enfant reste préservé.
Par ailleurs, nous considérons qu’il ne faut pas ajouter au sein de ce conseil des personnalités supplémentaires, au risque de poser des problèmes à un certain nombre de petits départements qui, on le sait, rencontrent déjà des difficultés pour composer leur conseil de famille et atteindre les quorums nécessaires.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – La section 3 du chapitre IV du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifiée :
1° et 2° (Supprimés)
3° La première phrase de l’article L. 224-11 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Les associations départementales des personnes accueillies en protection de l’enfance représentent et accompagnent ces personnes. Elles participent à l’effort d’insertion sociale des personnes accueillies en protection de l’enfance. » – (Adopté.)
TITRE III
AMÉLIORER LES AUTRES DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE L’ENFANT
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 17
(Non modifié)
L’article 411 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 411. – La tutelle est déclarée vacante s’il est impossible de mettre en place une tutelle avec un conseil de famille ou d’admettre l’enfant à la qualité de pupille de l’État. Dans ce cas, le juge des tutelles la défère à la collectivité publique compétente en matière d’aide sociale à l’enfance. La tutelle ne comporte alors ni conseil de famille ni subrogé tuteur.
« La tutelle est levée dès que l’enfant peut être admis à la qualité de pupille de l’État. » – (Adopté.)
˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙
Article 19
(Non modifié)
La présente loi est applicable sur tout le territoire de la République, sauf en Nouvelle-Calédonie.
Pour l’application de l’article L. 224-3 du code de l’action sociale et des familles dans les collectivités d’outre-mer, la référence au tribunal judiciaire est remplacée, en tant que de besoin, par la référence au tribunal de première instance. – (Adopté.)
Mme le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à réformer l’adoption.
(La proposition de loi est adoptée.)
10
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 27 janvier 2022 :
De dix heures trente à treize heures trente :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à combattre le harcèlement scolaire (texte de la commission n° 324, 2021-2022).
À quinze heures :
Proposition de loi visant à faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et à créer les instituts régionaux de formation, présentée par Mme Samantha Cazebonne (procédure accélérée ; texte de la commission n° 316, 2021-2022) ;
Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à combattre le harcèlement scolaire (texte de la commission n° 324, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 27 janvier 2022, à zéro heure quarante.)
nomination de membres de commissions mixtes paritaires
La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour faire partie des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires sont :
Titulaires : M. François-Noël Buffet, Mmes Catherine Di Folco, Muriel Jourda, Nathalie Goulet, Angèle Préville, MM. Jean-Yves Leconte et Ludovic Haye ;
Suppléants : Mmes Nadine Bellurot, Jacqueline Eustache-Brinio, Marie Mercier, MM. Hervé Marseille, Jérôme Durain, Jean-Yves Roux et Éric Bocquet.
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Sophie Primas, MM. Daniel Gremillet, Jean-Baptiste Blanc, Patrick Chauvet, Mme Florence Blatrix Contat, M. Rémi Féraud et Mme Marie Evrard ;
Suppléants : MM. Jérôme Bascher, Yves Bouloux, Mmes Marie-Christine Chauvin, Sylvie Vermeillet, M. Jean-Claude Tissot, Mme Guylène Pantel et M. Fabien Gay.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER