M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer les conditions d’accès au SNDS prévues dans cet article pour évaluer les traitements en vie réelle.
Certes, les industriels doivent déjà remplir des conditions particulières liées au régime de protection des données personnelles, mais il n’existe pas aujourd’hui de disposition juridique tangible permettant d’obtenir un retour de la part des industriels à la suite de l’accès au SNDS, ou de s’assurer de la validité scientifique de la recherche menée
C’est précisément ce à quoi l’article 20 remédie : l’évaluation en vie réelle des traitements par les industriels doit faire l’objet d’une étude remise à l’ANSM et d’une validation du protocole de recherche.
On ne saurait autoriser l’accès à une base de données aussi précieuse que le SNDS sans ces garanties et contreparties minimales, qui vont dans le sens de l’application du principe de transparence, corollaire du plein déploiement des données du SNDS pour favoriser les recherches sur les traitements innovants.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 24 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par Mmes Lassarade et Deseyne, MM. Milon, Savary, Burgoa, Paccaud et Karoutchi, Mmes Garriaud-Maylam et Jacques, MM. Joyandet, Sol, Lefèvre, Gremillet, Longuet et D. Laurent, Mme Gruny, M. Panunzi, Mme M. Mercier, MM. Laménie et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Belin, Mme Gosselin et M. Bonhomme.
L’amendement n° 13 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac, Fialaire, Gold, Guiol, Requier, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le 8° de l’article L. 1462-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De mettre à jour trimestriellement les données du système national des données de santé mentionné à l’article L. 1461-1. »
La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l’amendement n° 3.
Mme Florence Lassarade. En 2019, la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé a permis la création de la plateforme des données de santé, dite Health Data Hub.
Le décret n° 2021-848 du 29 juin 2021 relatif au traitement de données à caractère personnel dénommé « système national des données de santé » prévoit les modalités de gouvernance et de fonctionnement du SNDS, dont le périmètre est étendu à de nouvelles bases de données. Il permet ainsi au Health Data Hub d’être coresponsable du traitement du SNDS, au même titre que la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Structure publique, le Health Data Hub a pour ambition d’accompagner des porteurs de projets en leur permettant d’accéder à des données de santé pour trouver des solutions améliorant la santé des personnes.
Ces données proviennent majoritairement du SNDS, en particulier de sa « base principale », qui rassemble les données issues de l’assurance maladie : données de prise en charge des soins, codage détaillé des médicaments délivrés et des actes techniques des médecins, des consultations médicales et paramédicales, des dispositifs médicaux et des prélèvements biologiques. Elles proviennent également des établissements de santé, ou encore de Santé publique France.
La création de cet outil prometteur a été saluée par les acteurs du système de santé. Ceux-ci attirent également notre attention sur les enjeux relatifs à la constitution des bases de données et à leur renouvellement.
Afin de permettre l’optimisation des projets de recherche, les chercheurs recommandent de mettre à jour régulièrement les bases de données disponibles. Ainsi, ils disposeraient de données actualisées qui leur offriraient une meilleure vue de l’état de santé des Français et de leurs besoins médicaux.
Par conséquent, nous proposons par cet amendement que la mise à jour de la base principale du SNDS se fasse trimestriellement et non plus annuellement.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. Ces amendements identiques visent à obtenir de la plateforme des données de santé qu’elle mette à jour trimestriellement les données du SNDS.
Nous ne pourrons leur être favorables, et cela pour plusieurs raisons.
Formellement, dans la mesure où la disposition proposée vise à garantir la mise en œuvre concrète d’une mission assignée au SNDS, il s’agit d’une disposition réglementaire et non législative. La référence faite par Mme Lassarade, dans l’objet de l’amendement, au décret du 29 juin 2021, confirme, s’il en était besoin, que la loi n’est pas le véhicule adéquat pour une telle disposition.
Sur le fond, pour ce qui concerne la base principale du SNDS, la disposition proposée serait inutile, voire vraisemblablement contre-productive. En effet, les données ambulatoires font déjà l’objet d’une mise à jour mensuelle ; dès lors, il n’apparaît pas utile de proposer une mise à jour trimestrielle.
Les données hospitalières font également l’objet de remontées mensuelles donnant lieu à une version consolidée annuelle, qui permet d’ajuster progressivement les données des mois précédents pour en améliorer la qualité.
La référence est annuelle pour des raisons de qualité et de fiabilité des données. Si la période de référence était trimestrielle, on observerait des variations trop importantes d’un trimestre à l’autre, dues à des effets de rattrapage, ce qui réduirait fortement la fiabilité des données et leur intérêt pour les chercheurs.
Toutefois, grâce au dispositif de fast track mis en œuvre depuis la crise sanitaire, si un chercheur souhaite effectuer une étude sur des données trimestrielles, il peut le faire. Elles seront simplement de moindre qualité que les données annuelles consolidées.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Lassarade, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Florence Lassarade. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
Madame Guillotin, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
Mme Véronique Guillotin. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 20.
(L’article 20 est adopté.)
Article 21
L’article 65 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Au 3°, les mots : « ainsi que la prise en charge des prestations par les organismes d’assurance maladie complémentaire » sont remplacés par les mots : « et ceux mis en œuvre par les organismes d’assurance maladie complémentaire pour assurer la prise en charge des prestations » ;
3° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Les données concernant la santé des personnes et traitées pour la prise en charge des prestations par les organismes d’assurance maladie complémentaire mentionnés au I ne peuvent être traitées avec pour finalité l’exclusion de garanties des contrats d’assurance et la modification de cotisations ou de primes d’assurance d’un individu ou d’un groupe d’individus présentant un même risque. » – (Adopté.)
Article 22
Après l’article L. 1462-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1462-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1462-1-1. – L’hébergement et la gestion des données du système national des données de santé mentionné à l’article L. 1461-1, réunies, organisées et mises à disposition par le groupement d’intérêt public mentionné à l’article L. 1462-1, sont assurés par un ou plusieurs opérateurs soumis à l’article L. 1111-8 relevant exclusivement de la juridiction de l’Union européenne. »
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
L’hébergement et la gestion
par les mots :
L’hébergement, la gestion et la protection
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement – mon ultime tentative de modifier ce texte ! (Sourires.) – vise à renforcer les mesures relatives à l’hébergement et à la gestion des données figurant à cet article, en faisant figurer la protection des données parmi les prérogatives qui ne peuvent être attribuées qu’à des acteurs européens.
Cet ajout peut paraître anodin, mais il aurait pour double avantage de garantir la maîtrise du stockage des données de bout en bout et de favoriser le développement d’acteurs européens de la cybersécurité dans le domaine de la santé.
La protection des données me semble être un enjeu d’importance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure. Pardonnez-moi, ma chère collègue, mais il va me falloir émettre de nouveau un avis défavorable !
L’article 22 tire les conséquences de plusieurs avis rendus par la CNIL à la suite de l’arrêt Schrems II du 16 juillet 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne. Cet arrêt avait remis en cause l’accord Privacy Shield conclu avec les États-Unis, au motif que le caractère extraterritorial de la législation américaine ne permettait pas un niveau de protection des données de citoyens européens équivalent à celui que garantit le règlement général sur la protection des données (RGPD).
Il réservait ainsi à un opérateur placé sous juridiction de l’Union européenne l’hébergement et la gestion des données du SNDS.
Dans la mesure même où il sera placé sous juridiction européenne, l’opérateur verra sa politique de gestion des données soumise au RGPD, qui offre des garanties de protection parmi les plus élevées au monde. L’article 22 remplit donc l’objectif de votre amendement, qui est dès lors sans objet.
Aussi, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Paoli-Gagin, l’amendement n° 26 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. Non, je le retire, monsieur le président. C’est la Bérézina ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’article 22.
(L’article 22 est adopté.)
Article 23
Les conséquences financières résultant pour l’État et les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il me semble important, en conclusion de ce débat, de revenir sur plusieurs points, en écho aux propos que j’ai tenus dans la discussion générale.
Je regrette vraiment que nous n’ayons pas saisi l’occasion que constituait l’examen de cette proposition de loi pour nous donner les outils susceptibles de contrebalancer le pouvoir des industriels du médicament. Des exemples ont été donnés par des membres de notre groupe, mais aussi sur d’autres travées, pour illustrer les prix absolument exorbitants qui ont été fixés pour certains médicaments, dans la plus grande opacité. Cela a un coût énorme pour l’assurance maladie ; or aucun contre-pouvoir n’existe aujourd’hui.
L’urgence serait donc de créer des outils permettant de réguler ce système ; la crise sanitaire en a rendu cette nécessité encore plus évidente. Le premier de ces outils serait un pôle public du médicament.
Il conviendrait aussi de ne pas aller dans le sens des demandes du LEEM, le syndicat des entreprises du médicament, qui a un grand pouvoir de lobbying et qui influence, à mon grand regret, un nombre important de nos collègues.
Je le redis : si le Gouvernement ne s’érige pas en contre-pouvoir, la loi sera faite par ceux qui pensent avant tout à leurs profits, même en période de pandémie, sans se préoccuper réellement de l’intérêt du plus grand nombre. C’est dommageable !
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je voudrais en quelques mots expliquer le vote du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur cette proposition de loi.
À l’issue de nos débats, certains points du texte demeurent inacceptables pour notre groupe. C’est le cas, comme je l’avais exprimé dans la discussion générale, du rattachement des CPP aux CHU, qui met en danger l’indépendance de ces comités.
Nous constatons, comme les membres de la majorité, que les CPP manquent de moyens, mais l’idée selon laquelle leur rattachement aux CHU permettrait un accroissement de leurs ressources nous semble illusoire.
Bien au contraire, comme nous l’a exprimé le représentant de l’Institut national du cancer lors de son audition, au lieu de partager leurs ressources, les CHU pourraient tout aussi bien s’approprier celles des CPP, au détriment de ces derniers. Cette mesure me paraît donc aussi inefficace que dangereuse.
Nous aurions aussi aimé trouver un accord sur les enjeux relatifs aux prix des médicaments, que Laurence Cohen vient d’évoquer.
La transparence de ces prix est fondamentale pour notre groupe. Il est indispensable de prendre en compte le coût réel de production des médicaments dans la fixation de leur prix, ainsi que les investissements publics dans la recherche dont les industriels ont pu bénéficier. Il aurait été intéressant d’élargir à ces critères l’expérimentation prévue dans ce texte.
Enfin, nous estimons inutile et même dangereux de soumettre les recherches en sciences humaines portant sur la santé à l’évaluation des comités d’éthique de la recherche et de la protection des personnes. Du fait de l’étendue des recherches potentiellement concernées, cette évaluation comporte un risque d’atteinte aux principes de liberté de la recherche.
Aussi, au vu de ces éléments, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra sur ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’innovation en santé.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je tiens à remercier nos collègues qui ont voté ce texte, aboutissement d’un travail de plusieurs années sur l’accès à l’innovation en santé. Bien évidemment, le texte n’est pas complet ; nous l’avons centré sur quelques points.
Je voudrais également faire remarquer que l’on peut ne pas être favorable à un pôle public du médicament sans forcément être à la solde des laboratoires !
Lorsque j’ai commencé ce travail sur l’accès au médicament, il y a deux ou trois ans, avec Véronique Guillotin et Yves Daudigny, j’avais deux objectifs : d’une part, le patient doit accéder le plus tôt possible aux médicaments innovants ; d’autre part, il faut rester attentif à ce que nous disent les chercheurs et les professionnels qui soignent les patients atteints de maladies graves et rares avec ces médicaments.
C’est cela qui a été notre boussole, et non un lobbying quelconque ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mmes Véronique Guillotin et Vanina Paoli-Gagin applaudissent également.)
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 23 février 2022 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat sur cette déclaration, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’engagement de la France au Sahel.
De dix-huit heures trente à vingt heures puis de vingt et une heures trente à minuit :
(Ordre du jour réservé au groupe SER)
Proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social, présentée par M. Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues (texte n° 337, 2021-2022) ;
Proposition de loi visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire, présentée par Mme Laurence Rossignol et plusieurs de ses collègues (texte n° 64, 2021-2022)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER