Mme Sophie Primas. Nous ne l’avons pas votée !
M. Jean Castex, Premier ministre. … n’avait pas atteint son objectif. Nous l’avons admis, sinon nous n’aurions pas proposé un deuxième texte ! Nous surveillons d’ailleurs de très près, comme le lait sur le feu, les négociations commerciales en cours et je profite de cette tribune pour dire très clairement à tous les professionnels que ces négociations ne sauraient se conclure au détriment de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et du RDSE.)
C’est tout de même un changement de pied par rapport à certains textes que l’on a connus, dont l’objectif premier était la baisse des prix par la concurrence ! Égalim était donc un sujet central.
Les textes, adoptés à l’unanimité, sur la revalorisation des petites retraites agricoles, d’abord pour les anciens exploitants, puis pour leurs conjoints, sont une autre avancée majeure à mettre au crédit de ce quinquennat, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP. – M. André Guiol applaudit également.) Vous le savez d’autant mieux que vous les avez approuvés !
Je conclus. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh oui, je vous aime tellement que je pourrais garder le micro tout l’après-midi… (Sourires.)
Monsieur le sénateur Patriat, qui connaissez si bien ces sujets, vous avez évoqué les catastrophes climatiques. J’étais chef du Gouvernement, lorsque s’est produite la plus terrible des catastrophes météorologiques depuis des décennies, qui a frappé nombre de vos départements – c’était au printemps dernier. Vous l’avez tous reconnu, la réaction du Gouvernement a été à la hauteur.
Mme Pascale Gruny. On n’a pas dit cela !
M. Jean Castex, Premier ministre. Nous sommes également intervenus ces dernières années en faveur de la filière porcine ou encore des éleveurs. Certes, je ne suis pas le premier chef de gouvernement à avoir débloqué des crédits en cas de crise agricole,…
Mme Pascale Gruny. En effet…
M. Jean Castex, Premier ministre. … mais au-delà de la conjoncture, nous vous avons proposé un changement complet de l’assurance récolte et cela a abouti à un accord en commission mixte paritaire. Depuis quand entendais-je parler de ce sujet ? (Mme Sophie Primas proteste.) Depuis des années ! Eh bien, nous l’avons fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)
situation en ukraine (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Yves Leconte. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La situation en Ukraine est au cœur de nos inquiétudes du moment. Les récentes décisions de Vladimir Poutine représentent une menace pour l’Europe, mais aussi pour le monde. Un peuple qui, voilà huit ans, s’est levé pour arracher son droit à une perspective européenne est aujourd’hui menacé. Il est menacé, parce qu’il a revendiqué cette liberté et cette indépendance qui nous relient aujourd’hui à lui. Nos destins sont maintenant liés.
La France a appelé ses ressortissants à quitter l’Ukraine. Partir pour protéger sa famille, pour se protéger ou rester pour accomplir sa mission, pour marquer sa solidarité avec ses proches, c’est un choix qui appartient à chacun, en conscience, et qui peut évoluer, mais la France lance un appel pour inciter à quitter l’Ukraine.
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : comment faire si les avions se font rares et chers ? Comment faire si personne n’attend nos concitoyens en France ? Beaucoup disposent de solutions, mais que faire pour accueillir les autres ? Quelles dispositions sont prises par le centre de crise et de soutien du ministère ?
L’anxiété croît en Ukraine. Plus de 200 000 personnes vivent sur la ligne de contact et sont directement menacées. Le nombre de morts et de blessés augmente chaque jour ; un important exode est à craindre. Nombreux sont ceux qui se mobilisent pour faire face à une telle situation, en espérant qu’elle n’adviendra pas. Les besoins sont immenses : médicaments, équipements de traumatologie, soutien psychologique, accueil des réfugiés…
Quel sera l’apport de la France et de l’Union européenne face à ces besoins et à ces menaces ? Que préparons-nous dans ce cadre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Leconte, vous avez rappelé la gravité de la situation, déjà évoquée par plusieurs sénateurs.
Vous soulignez la dimension humanitaire et humaine de cette crise, notamment en ce qui concerne la situation de nos ressortissants. Il s’agit bien évidemment de notre priorité. Nous avons – c’est la responsabilité du Quai d’Orsay – adapté à trois reprises nos recommandations pour les voyageurs et pour nos ressortissants sur place au cours du mois de janvier ; nous l’avons encore fait le week-end dernier face à la dégradation de la situation.
Nous demandons d’évidence à tous les voyageurs d’éviter de se rendre en Ukraine. Nous avons également indiqué à nos ressortissants qu’il était nécessaire et plus prudent, sauf motif impérieux, de quitter l’Ukraine.
Comme vous le savez, la communauté française dans ce pays s’élevait, au début de la crise, à environ un millier de personnes, principalement des binationaux. Il faut évaluer les situations au cas par cas : certains par nécessité, d’autres par engagement ou par solidarité peuvent faire le choix de rester en Ukraine et d’accompagner leurs proches.
Nous avons mobilisé notre ambassade qui reste ouverte et opérationnelle, certes dans un format resserré compte tenu de la situation, pour accompagner nos ressortissants et traiter chaque situation, conformément à l’instruction donnée par Jean-Yves Le Drian au centre de crise et de soutien, lequel analyse chacune de ces situations et chaque cas particulier en lien avec notre poste consulaire.
Vous évoquez aussi l’aspect humanitaire de cette crise, au-delà de la situation de nos propres ressortissants et de la communauté française ou franco-ukrainienne. La France est au rendez-vous depuis le début de la semaine. Les autorités ukrainiennes ont fait appel au mécanisme de protection civile de l’Union européenne, qui permet d’apporter, ici de manière préventive, un certain nombre d’équipements de santé et de protection.
La France a fait partie des cinq premiers pays européens à répondre à cet appel, dès lundi dernier. Nous avons déjà acheminé, depuis mardi, du matériel pour protéger, le cas échéant, non seulement la communauté française, mais aussi les Ukrainiens.
La solidarité avec l’Ukraine est absolue et nous continuerons de la mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.
M. Jean-Yves Leconte. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Nous ne devons oublier personne : ceux qui ont besoin d’être accueillis doivent avoir les moyens de voyager s’ils décident de rentrer. Cela doit être dit et répété !
Devant l’importance de la menace, il est essentiel de mettre en place des dispositifs qui soient à la hauteur des risques encourus par l’ensemble des Ukrainiens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
dématérialisation des services publics
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Il y a bientôt un an, le Sénat a adopté la proposition de loi du groupe RDSE relative à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique. Le constat est clair et partagé sur toutes les travées de notre hémicycle : près de 14 millions de Français sont exclus de notre société de plus en plus numérique par manque d’équipement, de réseau ou, surtout, de compétences.
Ces difficultés touchent d’abord les plus fragiles : les personnes en situation de précarité sociale ou de handicap, les personnes âgées et les étrangers.
Plus grave, c’est dans l’accès aux services publics que les difficultés sont les plus importantes, puisque 40 % de la population ne se sent pas à l’aise avec les démarches en ligne. Cette situation entraîne un recul particulièrement inquiétant de l’accès aux droits.
Malgré les efforts déployés – je pense notamment aux maisons France Services –, une partie de la population demeure exclue ou en difficulté face aux démarches permettant d’accéder à ses droits, qui sont pourtant légitimes.
Dans son rapport publié la semaine dernière, la Défenseure des droits dresse une nouvelle fois le même constat : plus de 80 % des réclamations qui lui sont adressées concernent les services publics, quasiment toujours en lien avec un problème de dématérialisation ou d’impossibilité pour l’usager d’échanger avec l’agent s’occupant de son dossier.
Trois ans après son précédent rapport, sur lequel j’avais déjà interrogé le Gouvernement, la situation a peu évolué. C’est désormais à l’usager de s’adapter aux services publics, souligne la Défenseure des droits. Il s’agit d’un renversement de la responsabilité : l’accès aux droits repose désormais sur l’usager plutôt que sur l’administration.
Madame la ministre, nous entrons aujourd’hui dans la phase de déploiement de l’espace numérique de santé (ENS), qui va entraîner une dématérialisation accélérée dans un domaine hautement sensible.
Pouvez-vous nous préciser comment, dans ce domaine comme dans l’ensemble des services publics, l’accès aux droits de nos concitoyens peut être garanti ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Nadia Sollogoub et M. André Gattolin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord vous dire que nous partageons pleinement vos alertes. Depuis 2017, la politique du Gouvernement en la matière tient en quelques mots essentiels : avoir un service public efficace, plus proche des Français et humain.
Notre ambition est très concrète : il revient au service public de s’adapter, et non aux Français. Pour réaliser leurs démarches, nos concitoyens doivent avoir le choix entre un service de proximité, notamment à travers les espaces France Services – on en trouve vingt-cinq dans votre département –, un contact téléphonique ou, le cas échéant, des outils numériques.
Nous avons donc choisi de ne pas choisir (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) entre des moyens différents, parce que les Français doivent pouvoir bénéficier d’un service public qui leur correspond.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, l’espace numérique en santé. Nous nous sommes engagés à mettre en place un accompagnement physique pour toute démarche dématérialisée. En ce qui concerne l’espace numérique de santé, cet accompagnement pourra être assuré soit par un pharmacien soit par tout autre professionnel de santé. Pour toutes les autres démarches, les Français pourront se tourner vers les maisons France Services, comme nous nous y sommes engagées avec Jacqueline Gourault.
Nous prenons très au sérieux les alertes de la Défenseure des droits, qui est une vigie essentielle. Ainsi, nous avons entamé un travail résolu avec les associations d’aide aux plus fragiles et aux plus vulnérables. J’étais, la semaine dernière, en Eure-et-Loir, dans une maison France Services – dispositif encore trop peu connu des Français –, puis avec le préfet et toutes les associations qui accompagnent les plus fragiles, les familles rurales, les retraités…
Nous avons demandé, avec Jacqueline Gourault, que ces Français parfois déconnectés, parce qu’ils n’ont pas été formés, parce qu’ils n’ont pas accès au numérique ou parce qu’ils ne connaissent pas assez les maisons ou espaces France Services, puissent être accompagnés, dans chaque département, dans les mois qui viennent.
Jusqu’à la dernière minute, ce gouvernement continuera de considérer qu’il n’y a pas de fatalité à la fermeture, qu’il faut accompagner chacun et mettre de l’humain sur le terrain.
Contrairement aux gouvernements du précédent quinquennat, nous n’avons pas considéré qu’il n’y avait rien à faire, sinon à subir le mouvement. Certes, ce mouvement est inexorable, mais nous pouvons faire beaucoup pour accompagner chacun dans ses démarches auprès des services publics et ceux-ci doivent rester accessibles, proches et humains. (Protestations sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
conséquences économiques et sociales du rachat du quotidien la provence
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et porte sur l’épisode judiciaire que traverse une nouvelle fois le quotidien La Provence, lequel devient hélas, au fil des années, la figure éponyme des turbulences que traverse la presse française.
À l’heure où une commission d’enquête mène en nos murs un travail de fond sur la concentration dans les médias, les conditions qui président à la procédure de cession visant le rachat de 89 % des parts de La Provence revêtent une acuité particulière et nous interrogent à plus d’un titre.
Elles nous interrogent en premier lieu sur les procédures de rachat d’organismes de presse. Verrouillée en amont par le biais d’une clause d’agrément, la procédure de cession d’actifs a dévoyé le droit applicable censé garantir le pluralisme de la presse, et cela pour flécher le rachat de la société dans les mains d’un seul homme.
Comment ne pas s’indigner quand le quatrième pouvoir, garant de l’information des citoyens et de la vitalité démocratique, est menacé de prédation par l’oligarchie économique ?
Comment ne pas réagir, alors que nous connaissons et que vous connaissez l’importance de ce groupe de presse pour Marseille, pour la région Sud et pour la Corse, garant de la diffusion et de la pluralité de l’information et des opinions ?
Comment l’État, pourtant créancier principal dans cette procédure, peut-il rester silencieux et accepter la cession d’un journal, responsable d’une mission citoyenne, dont le prix de rachat reste le seul élément déterminant sans qu’aucun impératif sur le volet social ni sur l’indépendance des rédactions ne soit formulé ?
Comment pouvez-vous laisser cette procédure être le triste reflet de l’effondrement démocratique en France sans réagir ?
Comment, enfin, madame la ministre, laisser l’avenir de 850 emplois en Provence et en Corse et de six entreprises, outre celui de deux titres de la presse régionale, encourir un tel risque, alors même que le Président de la République ne cesse de communiquer sur l’importance de la réindustrialisation du pays et sur la préservation de l’emploi ?
Dans quelle mesure comptez-vous agir pour répondre à ces enjeux politiques, économiques et sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Marie-Arlette Carlotti et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur les turbulences que traverse le titre La Provence.
Comme vous l’avez souligné, ce quotidien régional extrêmement important, diffusé à 75 000 exemplaires, tient particulièrement au cœur des Marseillais, mais également à celui des Corses, puisque ce groupe détient le titre Corse-Matin, seul quotidien insulaire.
Vous l’avez également souligné, cette procédure de rachat concerne 89 % des parts, à savoir celles que détenait M. Bernard Tapie. Il ne revient pas à l’État d’intervenir dans cette procédure : c’est au tribunal de commerce de juger du meilleur repreneur à la fois sur le plan financier et social et sur celui des investissements à réaliser pour faire en sorte que ces quotidiens marchent. Il s’agit d’une question extrêmement importante.
Nous suivons cette procédure avec une grande attention comme nous le faisons à chaque fois. Je veux rappeler, monsieur le sénateur, que nous avons consacré 480 millions d’euros à la presse quotidienne dans le cadre du plan de relance pour lui permettre de continuer d’exister malgré les turbulences.
Bien entendu, il sera possible de mobiliser le Fonds stratégique pour le développement de la presse pour qu’il verse, en tant que de besoin, une subvention.
Nous suivons avec une particulière attention le sort des 850 salariés concernés. Il s’agit certes d’une procédure privée, mais l’État n’en est pas absent pour autant. Je vous en donne ma garantie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
politique du gouvernement en matière de sécurité intérieure
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté.
Il s’agit de la dernière séance de questions d’actualité du quinquennat, puisque le Parlement suspendra ses travaux à la fin de la semaine pour cause d’élection présidentielle. Cette séance sonne donc l’heure des bilans. À cet égard, nous avons une question à vous poser en matière de sécurité.
Nous n’avons eu de cesse, ces dernières années, de constater une forte augmentation du nombre des agressions à l’encontre des personnes physiques. Les chiffres dont nous disposons, portés à notre connaissance par vos propres services, indiquent que, depuis 2017, les coups et blessures volontaires ont augmenté de 18 %, les risques de 60 %, les agressions sexuelles de 38 % et que les menaces contre les élus ont été multipliées par trois !
Cette question intéresse particulièrement les Français et force est de constater que, malgré les efforts que vous avez annoncés et que nous avons accompagnés à l’occasion d’avis budgétaires ou de votes, les résultats ne sont pas là.
Ma question est très simple : que s’est-il passé depuis 2017 pour en arriver à une telle augmentation ? Quelles explications pouvez-vous nous donner ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Buffet, vous êtes président de la commission des lois et, en cette dernière séance de questions d’actualité, je souhaite tout d’abord saluer le travail que votre prédécesseur, M. Philippe Bas, vous-même et l’ensemble des membres de votre commission avez mené durant ce quinquennat. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est mérité !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous avons eu à débattre de sujets difficiles, nous avons parfois affiché des désaccords profonds, mais toujours dans le respect et avec le sens de l’intérêt général. Je tenais à vous en remercier.
Les chiffres que vous avez cités sont effectivement extrêmement préoccupants. Le climat de violence à l’encontre des élus nous inquiète. Vous savez à quel point sous sommes mobilisés sur cette question : le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur ont pris des circulaires, des formations ont été dispensées aux maires, le GIGN intervient également pour mieux protéger les élus… De nombreuses mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre.
En ce qui concerne les violences faites aux personnes, vous n’êtes pas sans savoir que nous avons déployé un certain nombre de dispositifs pour inciter les victimes, notamment les femmes et les victimes de violences intrafamiliales, à davantage porter plainte, en s’adressant aux forces de l’ordre. C’est la raison pour laquelle nous assistons à une explosion des dépôts de plainte – c’est ce que l’on appelle un contentieux de masse –, y compris pour des faits anciens. La police et la gendarmerie apportent désormais des réponses à ce qui était auparavant considéré comme des banalités, des drames conjugaux, des faits divers ou des crimes passionnels et qui sont désormais dénoncés.
Sur le quinquennat, l’augmentation budgétaire cumulée atteint 10 milliards d’euros et il y a 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. L’engagement pris en 2017 par le Président de la République est donc bien tenu.
Le ministre de l’intérieur a donné des impulsions fortes, notamment dans le cadre du Beauvau de la sécurité.
M. François Bonhomme. Pour quels résultats ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Faut-il faire encore plus ? Oui, bien évidemment. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a présenté à Nice, à l’invitation du maire de la ville, Christian Estrosi, la prochaine grande loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), portée par le ministre de l’intérieur, qui nous permettra de mieux protéger encore les Français dans la droite ligne de ce que nous faisons depuis 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Madame la ministre, je vous remercie de vos remerciements, que je pourrais vous renvoyer… (Sourires.)
Je peux comprendre votre argumentation sur les violences faites aux femmes : un effort réel de libération de la parole est mené.
Mais en ce qui concerne les risques, nous parlons d’une augmentation de plus de 60 % ! De même, la violence sur les élus est croissante : la semaine dernière encore, un maire du Rhône a été agressé.
Je suis encore plus inquiet à la lecture du rapport de la Cour des comptes qui souligne très clairement que les augmentations budgétaires et les policiers supplémentaires n’ont pas eu d’effet sur les violences. Je n’arrive pas à m’expliquer ce manque de résultat. Il s’agira, je le crois, de l’un de vos échecs, en tout cas de l’une de vos erreurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
bilan de la politique agricole du gouvernement (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
En matière agricole, le programme d’Emmanuel Macron mettait en avant en 2017 deux grandes priorités : le rééquilibrage de la valeur au sein des filières et les pesticides.
Au début du quinquennat, le discours de Rungis et les États généraux de l’alimentation ont pu faire croire à une réelle volonté de changer la donne.
Le Président de la République promettait ainsi une loi pour « permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé ». La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim 1), très modestement corrigée par la loi Égalim 2, comme M. le Premier ministre vient de le rappeler, a rapidement montré toutes les limites de la théorie du ruissellement appliquée à l’agroalimentaire, avec une baisse du prix d’achat aux producteurs en 2019.
Bilan : un constat d’échec unanimement partagé, sauf au sein de la grande distribution…
Le candidat Emmanuel Macron avait également promis un « calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides […] et le développement d’alternatives ».
Cinq ans plus tard, toujours pas de calendrier et presque toujours autant de pesticides. On constate, en outre, un manque de transparence, puisque le nombre de doses unitaires (NODU), indicateur de référence du plan Écophyto, n’a toujours pas été publié pour 2020, alors qu’il aurait dû l’être en décembre 2021. Pouvez-vous nous le donner aujourd’hui, monsieur le ministre ?
Quant aux alternatives, une première brèche a été ouverte avec la réautorisation des néonicotinoïdes pour la filière betteraves. À quoi bon rechercher des alternatives, si le Gouvernement accepte de détricoter la loi à la demande ?
Bilan : un nouvel échec, de l’aveu même du Président de la République, sur le glyphosate qui devait être interdit sous trois ans et dont les ventes ont à peine baissé de 2 %.
La déclinaison que vous allez faire de la politique agricole commune (PAC) avec le plan stratégique national (PSN), monsieur le ministre, confirme encore le choix d’une orientation qui se traduit par la chute du nombre d’exploitations et d’emplois, l’insuffisance des revenus des agriculteurs et une dépendance à des substances nocives pour la santé et l’environnement.
Ainsi, l’augmentation du seuil d’accès à l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) va encore entraîner la disparition de petites fermes. Dans mon département, la Loire, soixante-neuf exploitations sont concernées.
Au final, vous avez tourné le dos à vos objectifs initiaux pour conforter un modèle agro-industriel qui se noie dans ses propres dérives.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il est temps de changer de direction ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Tissot, il me semble qu’au fond nous ne partageons pas la même vision. Vous me répondrez qu’il est beau, en démocratie, d’avoir des visions différentes…
Notre vision a pour objectif l’indépendance et la souveraineté agroalimentaires de notre pays. Dans votre intervention, pas une fois vous n’avez évoqué la mission nourricière de notre agriculture. C’est trop facile de l’oublier ! (MM. Jean-Claude Tissot et Thierry Cozic protestent.)
Notre méthode consiste à remettre la science et la raison au centre de tout, ce qui est plus courageux que d’aller dans le sens du vent, au gré de prises de position, d’injonctions et du fameux « y’a qu’à, faut qu’on ». Pour quelqu’un qui connaît aussi bien l’agriculture que vous, monsieur Tissot, il me semble que remettre science et raison à leur juste place devrait être fondamental. Et vous savez combien je me suis engagé dans ce combat pour plus de science et de raison dans nos politiques agricoles.
Et quid des résultats, monsieur le sénateur ? Vous évoquez les produits phytosanitaires : depuis 2017, les substances les plus préoccupantes ont été réduites de 93 % et celles classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction dans les catégories 1 et 2 (CMR1 et CMR2) de 40 %.
Vous parlez souvent du bio : depuis 2017, nous avons doublé les surfaces agricoles en bio pour prendre la première place européenne.