Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa, M. Pierre Cuypers.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
mesures d’aide à la suite du passage de cyclones à la réunion
M. Jean-Louis Lagourgue ; M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer.
M. Roger Karoutchi ; M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; M. Roger Karoutchi.
crise ukrainienne et dépendance de l’union européenne au gaz russe
M. François Bonneau ; Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique ; M. François Bonneau.
M. Fabien Gay ; M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.
bilan de la politique agricole du gouvernement (i)
M. François Patriat ; M. Jean Castex, Premier ministre.
M. Jean-Yves Leconte ; M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; M. Jean-Yves Leconte.
dématérialisation des services publics
M. Éric Gold ; Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques.
conséquences économiques et sociales du rachat du quotidien la provence
M. Paul Toussaint Parigi ; Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture.
politique du gouvernement en matière de sécurité intérieure
M. François-Noël Buffet ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. François-Noël Buffet.
bilan de la politique agricole du gouvernement (ii)
M. Jean-Claude Tissot ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
bilan de la politique du gouvernement en matière de logement
Mme Dominique Estrosi Sassone ; Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
impact de la dette publique sur les collectivités locales
Mme Amel Gacquerre ; M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
situation des finances publiques
Mme Christine Lavarde ; M. Jean Castex, Premier ministre ; Mme Christine Lavarde.
M. Thierry Cozic ; Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.
politique du gouvernement en matière d’éducation
M. Max Brisson ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; M. Max Brisson.
réquisition des personnels médicaux en outre-mer
Mme Chantal Deseyne ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Chantal Deseyne.
3. Allocution de M. le président du Sénat
M. Jean Castex, Premier ministre
Suspension et reprise de la séance
4. Engagement de la France au Sahel. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. Jean Castex, Premier ministre
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
Mme Florence Parly, ministre des armées
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Suspension et reprise de la séance
5. Garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée. – Discussion d’une proposition de loi
Discussion générale :
M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur de la commission des affaires sociales
6. Communication d’avis sur des projets de nominations
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
7. Garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée. – Suite de la discussion et rejet d’une proposition de loi
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de M. Patrick Kanner. – Rejet par scrutin public n° 109.
Rejet de l’article.
Amendement n° 2 de M. Patrick Kanner. – Rejet par scrutin public n° 110.
Rejet de l’article.
Amendement n° 3 de M. Patrick Kanner. – Adoption.
Rejet, par scrutin public n° 111 de l’article
Article 5 – Rejet par scrutin public n° 112.
Rejet, par scrutin public n° 113, de l’article
Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n’est pas adoptée.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État
8. Maintien du versement de l’allocation de soutien familial. – Rejet d’une proposition de loi
Discussion générale :
Mme Laurence Rossignol, auteure de la proposition de loi
Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Rejet, par scrutin public n° 114, de l’article.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Rejet, par scrutin public n° 115 de l’article.
Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n’est pas adoptée.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa,
M. Pierre Cuypers.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’invite chacun à respecter, au cours de nos échanges, l’expression des uns et des autres, ainsi que son temps de parole.
mesures d’aide à la suite du passage de cyclones à la réunion
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le ministre, en l’espace d’un mois, La Réunion aura connu deux épisodes cycloniques particulièrement intenses, avec, comme conséquence principale, de sérieux dommages pour les infrastructures agricoles du territoire.
Alors que l’île connaît un contexte économique très contraint, en raison notamment de la persistance de la crise sanitaire, le passage des cyclones Batsirai, voilà quelques semaines, et Emnati, le week-end dernier, a plongé le monde agricole de La Réunion dans une nouvelle situation inquiétante.
Les pertes se chiffrent aujourd’hui à plus de 47 millions d’euros. À l’échelle de l’île, près de 1 000 hectares ont été ravagés par la violence de ces cyclones. Derrière ces chiffres se cachent des pertes de revenus et de trésorerie pour des exploitants dont les finances sont déjà très tendues.
Face à cette situation, l’État a répondu présent – cela mérite d’être souligné – par l’intermédiaire du ministre des outre-mer, qui a rapidement déclenché la procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle. Je salue cette réactivité du Gouvernement, en espérant que l’ensemble du territoire, soit vingt-quatre communes, bénéficie de la reconnaissance de l’état de calamité agricole.
Néanmoins, il est à mon sens indispensable que l’État aille plus loin dans la démarche, en mettant en place des mesures complémentaires d’aide permettant au monde agricole de panser ses plaies et de relever rapidement la tête.
Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si une suite favorable sera accordée à la demande des agriculteurs réunionnais de bénéficier d’une prolongation des mesures liées à la covid, comme le dispositif des prêts garantis par l’État (PGE), ou de la mise en place d’un fonds d’aide exceptionnelle d’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Nassimah Dindar et M. Martin Lévrier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Lagourgue, j’étais à La Réunion il y a quelques jours à la suite du passage du cyclone Batsirai ; malheureusement, un deuxième cyclone a frappé l’île et cette partie de l’océan Indien.
Fort heureusement – il faut commencer par cela –, il n’y a pas eu de victimes parmi nos concitoyens. Toutefois, les dégâts matériels sont importants et, vous l’avez souligné, ce sont les agriculteurs qui paient le tribut le plus important à ces catastrophes climatiques.
Votre question était directe ; j’y répondrai de la même manière. Pour les agriculteurs, nous allons mettre en œuvre quatre actions.
En premier lieu, nous allons réduire tous les délais d’instruction. Pour instruire les différents dossiers, les délais classiques sont d’un an ; nous allons les ramener à cinq mois, délai minimal que peuvent garantir les services de l’État, en lien avec la chambre d’agriculture de votre territoire.
En deuxième lieu, je viens de valider le déclenchement du fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM) pour vingt communes de La Réunion. La situation des autres communes va être étudiée prochainement.
Cela nous permettra, en troisième lieu, de déclencher la procédure de reconnaissance de l’état de calamité agricole dès le mois de mars prochain, donc dans un délai particulièrement réduit.
En quatrième lieu, enfin, en réaction aux problèmes de trésorerie que vous évoquiez, Julien Denormandie, Olivier Dussopt et moi-même allons transmettre aux différents organismes collecteurs la consigne de faire preuve de bienveillance pour ce qui concerne les différentes échéances fiscales ou sociales, afin de permettre aux exploitations de passer ce cap.
J’ajoute que, effectivement, nous allons maintenir les prêts garantis par l’État pour les agriculteurs de La Réunion, afin de permettre à ceux-ci de passer ce cap de trésorerie, qui sera difficile.
La solidarité nationale est là ; nous le devons à l’ensemble des Réunionnais, en particulier aux agriculteurs.
situation internationale
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, n’avez-vous pas le sentiment qu’il faut redéfinir la politique étrangère de la France ?
Voilà quelques mois, le Président de la République lance un ultimatum au Liban. Le Hezbollah, tenu par l’Iran, répond non et il ne se passe rien…
Quelque temps plus tard, nous demandons – nous exigeons ! – le retrait des forces azéries et des milices turques d’Arménie. Erdogan dit non et il ne se passe rien…
En Afrique, nos troupes ont lutté courageusement contre les djihadistes. Aujourd’hui, les milices russes du groupe Wagner tiennent le Mali et la Centrafrique et les gouvernements africains nous demandent de quitter les pays en question…
Il y a quelques jours, le Président de la République négocie avec Vladimir Poutine, il pense obtenir une désescalade ; immédiatement, les troupes russes envahissent le Donbass et menacent le reste de l’Ukraine…
Alors, monsieur le Premier ministre, n’avez-vous pas le sentiment que, face à des gens qui, eux, ne respectent pas le droit international, le simple respect de celui-ci nous affaiblit ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes. (Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Karoutchi, peut-être pourrions-nous faire preuve sur ce sujet, grave, d’un peu de responsabilité et de hauteur de vue. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Que le monde qui nous entoure soit dangereux et difficile, c’est un fait. Que la France ne puisse en décider autrement, c’est une réalité. Néanmoins, le bilan que vous avez tiré, de manière partiale et partielle, ne reflète pas tout à fait, je crois, la réalité des choses. (Nouvelles protestations.)
À chaque occasion depuis cinq ans, la France, le Président de la République, a pris ses responsabilités.
Quand le président Trump est sorti de l’accord de Paris, c’est la France, avec ses partenaires européens, qui a sauvé cet accord et qui a permis que celui-ci survive jusqu’à la réintégration des États-Unis.
Quand la crise sanitaire a frappé tous les pays du monde, c’est nous qui avons pris l’initiative de faire du vaccin un bien public mondial et de nous protéger par une initiative européenne. (Mêmes mouvements.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Avec quel résultat !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Quand il y a eu des crises internationales, le Président ne s’est jamais dérobé à ses responsabilités, quel que soit le moment, quel que soit le contexte, électoral ou autre. Il a pris des risques ; c’est ainsi que se fait la politique internationale.
Si l’on vous avait écoutés, notamment si l’on avait écouté votre collègue député, M. Christian Jacob, qui disait il y a quinze jours qu’il fallait dialoguer davantage avec M. Poutine, nous n’aurions rien fait. Le Président de la République a tenté cette chance. Fallait-il faire autrement ? Je ne le crois pas.
Que les choses soient compliquées, nous n’avions aucune naïveté à cet égard, mais considérez ce qui s’est passé de manière plus approfondie. Permettez-moi de prendre l’exemple de l’Europe. La France a été de retour, elle a été efficace. (Les protestations reprennent sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous avons permis que soit adopté un plan de relance européen qui a sauvé notre économie et préservé l’Europe. Nous avons toujours agi en coordination européenne.
Enfin, à l’occasion de la crise qui nous occupe aujourd’hui, ne vous en déplaise, l’unité et la fermeté internationales, nous les avons construites ; c’est la France qui a pris – vous nous l’avez réclamé – les initiatives en la matière ces derniers temps. (Mêmes mouvements.) C’est la France qui a pris ses responsabilités pour essayer d’élaborer une réponse.
On peut dire que le monde n’est pas dans une situation facile, mais il est difficile d’en imputer la responsabilité au Président de la République.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas ce que j’ai fait !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Nous avons toujours pris nos responsabilités.
Pour prendre un dernier exemple, qui nous tient à cœur tant à vous qu’à moi, monsieur le sénateur Karoutchi – celui de l’Arménie –, vous pourriez saluer les résultats obtenus ces dernières semaines par l’engagement du Président de la République, notamment lors du sommet du Partenariat oriental en décembre dernier, à savoir la libération d’un certain nombre de prisonniers.
M. Bruno Retailleau. Huit !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Reconnaissez donc au moins avec honnêteté les avancées quand il y en a. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d’État, je vous parle de problèmes de fond et vous reportez la question sur le Président de la République… Je ne suis pas en campagne électorale, moi ! (Rires et exclamations sur diverses travées, ainsi que parmi les membres du Gouvernement.)
Les membres du Gouvernement ne sont pas censés réagir dans l’hémicycle, monsieur le président ! Vous êtes au Parlement, mesdames, messieurs les ministres, pas dans votre bureau ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est un scandale !
M. Roger Karoutchi. Je dis simplement que, face à des pays comme l’Iran, la Chine, la Russie ou la Turquie, qui ne respectent pas le droit international ni les règles du multilatéralisme d’après-guerre, vous, nous, tous les Européens, sommes faibles ! Les Kurdes, les Arméniens, les Libanais, les Africains comptent sur une Europe forte, sur une France forte. Changeons de politique en France et en Europe pour être forts ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
crise ukrainienne et dépendance de l’union européenne au gaz russe
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. François Bonneau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Alors que l’est de l’Europe semble sur le point de s’embraser, je voudrais d’abord avoir une pensée, comme vous tous, mes chers collègues, pour les Ukrainiens, pris, depuis huit ans, dans une spirale de violence, au mépris du droit international.
La France, quant à elle, ne peut penser que ce conflit n’aura aucun impact sur elle. Le risque est particulièrement grand en matière énergétique. Comme les autres pays européens, notre pays est durablement dépendant du gaz russe. Il faut donc se préparer à une rupture d’approvisionnement, que celle-ci soit voulue ou subie.
Cela aura deux conséquences potentielles : premièrement, en cas de rupture totale, un épuisement de nos stocks de gaz ; deuxièmement, en cas de rupture partielle, une répercussion rapide sur le prix de l’électricité en Europe.
En effet, le prix de l’électricité sur le marché européen se fonde principalement sur le prix du gaz. Aussi, si les relations venaient à se distendre encore, ce conflit armé pourrait avoir un effet majeur sur l’économie française et le pouvoir d’achat de nos concitoyens, déjà très entamé par l’inflation récente.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il envisagé l’impact des sanctions qui seraient infligées à la Russie ? Disposez-vous d’une stratégie dans l’hypothèse où ce risque se réaliserait ? À l’échelon européen, peut-on découpler une fois pour toutes le prix du gaz de celui de l’électricité ? Enfin, comment comptez-vous gérer les possibles pénuries de gaz et d’électricité à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Monsieur le sénateur François Bonneau, vous l’avez dit, le président Poutine a pris une décision grave pour l’Ukraine et pour la sécurité du continent européen. La situation à la frontière est très préoccupante.
Le Président de la République mène une action résolue pour faire face à ce danger d’escalade (Quelques exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais, quant à la question que vous posez, je veux tout d’abord vous dire que, même si la Russie devait cesser ses exportations – cela n’est pas à l’ordre du jour actuellement –, nous ne courrions pas de risque d’approvisionnement en matière énergétique, qu’il s’agisse de carburant ou de gaz. Nous disposons par exemple d’importants stocks stratégiques de pétrole, qui couvrent près de quatre-vingt-dix jours – soit trois mois – de consommation, pour nous permettre de faire face à des perturbations d’approvisionnement.
Je veux donc être très claire à ce sujet : les Français ne risquent pas de manquer au cours des prochains mois de gaz ou de carburant, en particulier pour se chauffer.
Pour ce qui concerne les prix de l’énergie, le Gouvernement surveille la situation de très près. Nous avons démontré, au cours des derniers mois, notre capacité à agir chaque fois que cela s’est avéré nécessaire pour protéger le pouvoir d’achat des Français. Je citerai simplement l’indemnité inflation exceptionnelle de 100 euros ou encore les boucliers tarifaires en matière de gaz et d’électricité.
Je me suis entretenue hier soir avec la commissaire européenne à l’énergie, Kadri Simson, et nous avons discuté de tous ces points et de la bonne coordination au sein de l’Union européenne sur ces questions. Nous avons également des contacts réguliers avec le gouvernement des États-Unis pour envisager des actions coordonnées, si la situation le justifiait.
Ainsi, le Gouvernement est pleinement mobilisé, il protégera, comme il a su le faire au cours des derniers mois, non seulement notre approvisionnement en énergie, mais encore le pouvoir d’achat des Français.
J’ajoute que, pour ce qui se rapporte à la fixation des prix, nous avons déjà eu, il y a un certain temps, des discussions avec la Commission européenne pour réviser ce que l’on appelle le market design ;…
M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut surtout un programme nucléaire !
M. Bruno Retailleau. La langue de la France, c’est le français !
Mme Barbara Pompili, ministre. … je crois que c’est le bon moment pour reprendre ces discussions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. François Bonneau, pour la réplique.
M. François Bonneau. La dépendance de l’Europe au gaz russe est passée, en dix ans, de 24 % à 40 %. Passer au gaz naturel liquéfié, qui peut représenter une solution de substitution, sera coûteux et long. Il est urgent de mettre en place une politique énergétique qui diminue notre dépendance envers le gaz russe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Alain Marc applaudit également.)
situation en ukraine (i)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, Vladimir Poutine a décidé unilatéralement, lundi soir, de reconnaître les républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk.
Cette décision, inacceptable et dangereuse, intervient après la non-application des accords de Minsk. L’atteinte portée à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et l’imminence d’un conflit armé constituent un échec collectif de toutes les parties en présence.
Pourtant, l’escalade continue. L’Allemagne a annoncé hier après-midi la suspension de l’autorisation du gazoduc Nord Stream 2 ; les États-Unis et l’Union européenne annoncent de nouvelles sanctions économiques, alors que celles qui ont été prises jusqu’ici contre le régime de Poutine ont été contre-productives, servant ce dernier et renforçant ses élans ultranationalistes.
Plus inquiétant encore, l’OTAN, institution belliciste et obsolète, survivance de la Guerre froide, s’est réunie hier avec les autorités ukrainiennes, alors que plusieurs de ses membres se déclarent prêts à se déployer en Lituanie.
Depuis 2014, les exactions nourrissent les haines et le poison nationaliste, notamment dans le Donbass. Pour susciter l’apaisement dans la région, il faut en finir avec l’esprit de vengeance et de haine. Notre responsabilité, celle de la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, mais aussi celle de tous les dirigeants politiques, en Europe et dans le monde, est de se dresser résolument contre la guerre et de n’avoir à l’esprit que les intérêts des peuples ukrainien, russe et européens. Ces intérêts sont mutuels, ils se résument en un mot : la paix, non pas comme une étape suivant la guerre, mais bien comme un projet politique requérant des efforts considérables, de part et d’autre, pour en créer, par l’action politique et diplomatique, les conditions réelles.
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous faisons humblement une proposition : organiser, sous l’égide de l’ONU, une conférence extraordinaire paneuropéenne de coopération et de sécurité collective, incluant la Russie et l’Ukraine. Pour nous, c’est le moment de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je pense que nous en convenons tous dans cet hémicycle, et c’est la position constante du Gouvernement et du Président de la République, les efforts nécessaires doivent être accomplis sans relâche, encore aujourd’hui, pour préserver la paix.
En revanche, je ne partage pas votre analyse sur le rôle dans cette affaire de l’OTAN, « organisation belliciste », dites-vous. Je vous demande pardon, mais, considérant la situation dans laquelle nous nous trouvons, il faut être très simple et très clair : nous savons où sont nos alliances, elles sont dans l’Union européenne et dans l’OTAN. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Ce n’est pas nous – et ce n’est pas non plus l’OTAN, les États-Unis d’Amérique ou l’Europe – qui avons voulu un conflit et violé gravement le droit international. Il faut quand même en revenir aux faits !
Nous avons eu ce débat précédemment, on ne peut pas reprocher à la France d’avoir ménagé ses efforts pour ouvrir la voie à la diplomatie, à une solution politique et à la paix, mais, il faut le constater ensemble, ce sont la Russie et le président Poutine qui, en début de semaine, ont choisi le chemin d’une très grave violation du droit international.
Cela aboutit à une réaction d’unité et de fermeté européennes et occidentales – nous l’assumons – au travers de l’imposition, aujourd’hui même, de sanctions coordonnées avec nos principaux partenaires et décidées à l’échelon européen.
Vous évoquez le fait d’avancer vers une solution dans le cadre des Nations unies. Nous l’avons proposé, puisque le Président de la République a demandé dès lundi dernier une réunion d’urgence du Conseil de sécurité – c’est notre responsabilité en tant que membre permanent. Or force est de constater, là encore, que la Russie n’a pas accepté de prendre ce chemin diplomatique et de paix.
Nous ne sommes certainement pas dans la surenchère ou dans la provocation. Nous sommes dans la réponse, proportionnée, mais extrêmement ferme, à des agressions et à des violations territoriales décidées par le président Poutine et la Russie.
Nous devons le constater, mais, soyez-en sûr, nos efforts diplomatiques se poursuivront et je salue le fait que vous les souteniez. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
bilan de la politique agricole du gouvernement (i)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, samedi prochain, le Salon international de l’agriculture de Paris ouvrira ses portes et des centaines de milliers de Français s’y rendront.
Ce salon est un hymne aux territoires, à la ruralité, à l’agriculture ; c’est un moment d’excellence et de célébration du Made in France, un moment de rencontre entre les villes et les campagnes autour de découvertes et d’échanges. C’est un rendez-vous d’autant plus attendu que l’édition de 2021 a été annulée à cause de la pandémie. C’est un lieu où la profession agricole fait découvrir ses réussites, mais où elle fait aussi remonter ses inquiétudes, parfois ses désespoirs, voire ses colères.
Au cours des dernières années, la profession agricole a dû faire face à des crises – climatique, sanitaire, financière – auxquelles tous ensemble, Gouvernement et Parlement, nous avons apporté des réponses.
Il est temps, monsieur le Premier ministre, de faire un bilan des réformes accomplies, pour lesquelles nous avons su allier une vision claire et ambitieuse à une méthode fondée sur la concertation. Je pense à France Relance et au plan Protéines pour accroître notre souveraineté alimentaire ; je pense également aux lois Égalim en faveur de la rémunération des agriculteurs, au doublement de la surface exploitée en bio, à la protection des sols, au développement des circuits courts, aux retraites agricoles et, plus récemment, à l’assurance récolte et au plan massif lancé à la suite du Varenne agricole de l’eau.
Mes chers collègues, pour la plupart d’entre vous, vous avez voté ces projets et propositions de loi. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous avons su prendre des initiatives correspondant à notre modèle social et économique et répondant à l’urgence climatique.
Monsieur le Premier ministre, en quoi toutes ces réformes, qui ont jalonné les cinq dernières années (M. François Bonhomme s’exclame.), permettront-elles à notre agriculture d’être au rendez-vous de la troisième révolution agricole, fondée sur le numérique, la robotique et la génétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Il choisit ses interlocuteurs !
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur François Patriat, je vous remercie de me donner l’occasion… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est parce que c’est la dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement que vous êtes si nostalgiques ? (Rires.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Pas pour nous !
M. Jean Castex, Premier ministre. Revenons à l’objet de la question.
Je vous remercie de votre question, monsieur Patriat, qui me donne l’occasion, disais-je, de rendre hommage, avec l’ensemble des sénateurs, à nos agriculteurs (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE et UC.), à quelques jours de l’ouverture d’un événement très important pour eux et pour la Nation : le Salon international de l’agriculture.
Pendant la crise sanitaire, nos agriculteurs ont toujours été au rendez-vous. Pas un seul jour, au cours de cette crise, la France n’a manqué de quoi s’alimenter. (Mme Sophie Primas proteste.)
C’est un élu d’un département très rural et natif d’un département encore plus rural qui vous le dit, les agriculteurs sont absolument indispensables à notre Nation, ils luttent courageusement contre des transformations considérables, que vous vivez aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, dans les territoires dont vous êtes élus.
Puisque c’est la dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement, vous me permettrez de rendre également hommage à mon ministre de l’agriculture, Julien Denormandie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.) Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez vu agir dans vos départements, vous connaissez les relations et la confiance qu’il a su instaurer avec les agriculteurs. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous pouvez protester, mais je vous dis ce que je pense, je suis là pour cela. Vous êtes libres de ne pas être d’accord, mais j’affirme qu’il a su drainer la confiance de cette profession malgré les graves difficultés qu’elle traverse.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Denormandie Premier ministre ! (Sourires.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Je vais vous dire pourquoi il a réussi à le faire. Parce qu’il est talentueux, bien sûr, mais surtout parce que nous déployons une politique agricole extrêmement ambitieuse. Nous sommes aux côtés des agriculteurs de France. De la même façon que la réindustrialisation de notre pays figure parmi nos priorités, le soutien à l’agriculture nous semble indispensable.
Je ne vous citerai pas toutes les réformes que nous avons conduites… (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Il ne fallait pas m’interroger ! (Rires.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Ridicule !
M. Jean Castex, Premier ministre. Que cherchons-nous à faire ensemble, puisque nous partageons, je le sais, les mêmes objectifs ? À faire en sorte que les agriculteurs puissent vivre de leur travail ! C’est notre priorité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.) Et Dieu sait s’ils travaillent !
Je citerai deux réformes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous en sommes à l’initiative, mais vous les avez votées, alors ne criez pas ! Il y a d’ailleurs un processus intéressant à observer à propos des lois Égalim 1 et 2.
Nous avons reconnu que la loi Égalim 1…
Mme Sophie Primas. Nous ne l’avons pas votée !
M. Jean Castex, Premier ministre. … n’avait pas atteint son objectif. Nous l’avons admis, sinon nous n’aurions pas proposé un deuxième texte ! Nous surveillons d’ailleurs de très près, comme le lait sur le feu, les négociations commerciales en cours et je profite de cette tribune pour dire très clairement à tous les professionnels que ces négociations ne sauraient se conclure au détriment de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et du RDSE.)
C’est tout de même un changement de pied par rapport à certains textes que l’on a connus, dont l’objectif premier était la baisse des prix par la concurrence ! Égalim était donc un sujet central.
Les textes, adoptés à l’unanimité, sur la revalorisation des petites retraites agricoles, d’abord pour les anciens exploitants, puis pour leurs conjoints, sont une autre avancée majeure à mettre au crédit de ce quinquennat, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP. – M. André Guiol applaudit également.) Vous le savez d’autant mieux que vous les avez approuvés !
Je conclus. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh oui, je vous aime tellement que je pourrais garder le micro tout l’après-midi… (Sourires.)
Monsieur le sénateur Patriat, qui connaissez si bien ces sujets, vous avez évoqué les catastrophes climatiques. J’étais chef du Gouvernement, lorsque s’est produite la plus terrible des catastrophes météorologiques depuis des décennies, qui a frappé nombre de vos départements – c’était au printemps dernier. Vous l’avez tous reconnu, la réaction du Gouvernement a été à la hauteur.
Mme Pascale Gruny. On n’a pas dit cela !
M. Jean Castex, Premier ministre. Nous sommes également intervenus ces dernières années en faveur de la filière porcine ou encore des éleveurs. Certes, je ne suis pas le premier chef de gouvernement à avoir débloqué des crédits en cas de crise agricole,…
Mme Pascale Gruny. En effet…
M. Jean Castex, Premier ministre. … mais au-delà de la conjoncture, nous vous avons proposé un changement complet de l’assurance récolte et cela a abouti à un accord en commission mixte paritaire. Depuis quand entendais-je parler de ce sujet ? (Mme Sophie Primas proteste.) Depuis des années ! Eh bien, nous l’avons fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)
situation en ukraine (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Yves Leconte. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La situation en Ukraine est au cœur de nos inquiétudes du moment. Les récentes décisions de Vladimir Poutine représentent une menace pour l’Europe, mais aussi pour le monde. Un peuple qui, voilà huit ans, s’est levé pour arracher son droit à une perspective européenne est aujourd’hui menacé. Il est menacé, parce qu’il a revendiqué cette liberté et cette indépendance qui nous relient aujourd’hui à lui. Nos destins sont maintenant liés.
La France a appelé ses ressortissants à quitter l’Ukraine. Partir pour protéger sa famille, pour se protéger ou rester pour accomplir sa mission, pour marquer sa solidarité avec ses proches, c’est un choix qui appartient à chacun, en conscience, et qui peut évoluer, mais la France lance un appel pour inciter à quitter l’Ukraine.
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : comment faire si les avions se font rares et chers ? Comment faire si personne n’attend nos concitoyens en France ? Beaucoup disposent de solutions, mais que faire pour accueillir les autres ? Quelles dispositions sont prises par le centre de crise et de soutien du ministère ?
L’anxiété croît en Ukraine. Plus de 200 000 personnes vivent sur la ligne de contact et sont directement menacées. Le nombre de morts et de blessés augmente chaque jour ; un important exode est à craindre. Nombreux sont ceux qui se mobilisent pour faire face à une telle situation, en espérant qu’elle n’adviendra pas. Les besoins sont immenses : médicaments, équipements de traumatologie, soutien psychologique, accueil des réfugiés…
Quel sera l’apport de la France et de l’Union européenne face à ces besoins et à ces menaces ? Que préparons-nous dans ce cadre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Leconte, vous avez rappelé la gravité de la situation, déjà évoquée par plusieurs sénateurs.
Vous soulignez la dimension humanitaire et humaine de cette crise, notamment en ce qui concerne la situation de nos ressortissants. Il s’agit bien évidemment de notre priorité. Nous avons – c’est la responsabilité du Quai d’Orsay – adapté à trois reprises nos recommandations pour les voyageurs et pour nos ressortissants sur place au cours du mois de janvier ; nous l’avons encore fait le week-end dernier face à la dégradation de la situation.
Nous demandons d’évidence à tous les voyageurs d’éviter de se rendre en Ukraine. Nous avons également indiqué à nos ressortissants qu’il était nécessaire et plus prudent, sauf motif impérieux, de quitter l’Ukraine.
Comme vous le savez, la communauté française dans ce pays s’élevait, au début de la crise, à environ un millier de personnes, principalement des binationaux. Il faut évaluer les situations au cas par cas : certains par nécessité, d’autres par engagement ou par solidarité peuvent faire le choix de rester en Ukraine et d’accompagner leurs proches.
Nous avons mobilisé notre ambassade qui reste ouverte et opérationnelle, certes dans un format resserré compte tenu de la situation, pour accompagner nos ressortissants et traiter chaque situation, conformément à l’instruction donnée par Jean-Yves Le Drian au centre de crise et de soutien, lequel analyse chacune de ces situations et chaque cas particulier en lien avec notre poste consulaire.
Vous évoquez aussi l’aspect humanitaire de cette crise, au-delà de la situation de nos propres ressortissants et de la communauté française ou franco-ukrainienne. La France est au rendez-vous depuis le début de la semaine. Les autorités ukrainiennes ont fait appel au mécanisme de protection civile de l’Union européenne, qui permet d’apporter, ici de manière préventive, un certain nombre d’équipements de santé et de protection.
La France a fait partie des cinq premiers pays européens à répondre à cet appel, dès lundi dernier. Nous avons déjà acheminé, depuis mardi, du matériel pour protéger, le cas échéant, non seulement la communauté française, mais aussi les Ukrainiens.
La solidarité avec l’Ukraine est absolue et nous continuerons de la mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.
M. Jean-Yves Leconte. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Nous ne devons oublier personne : ceux qui ont besoin d’être accueillis doivent avoir les moyens de voyager s’ils décident de rentrer. Cela doit être dit et répété !
Devant l’importance de la menace, il est essentiel de mettre en place des dispositifs qui soient à la hauteur des risques encourus par l’ensemble des Ukrainiens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
dématérialisation des services publics
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Il y a bientôt un an, le Sénat a adopté la proposition de loi du groupe RDSE relative à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique. Le constat est clair et partagé sur toutes les travées de notre hémicycle : près de 14 millions de Français sont exclus de notre société de plus en plus numérique par manque d’équipement, de réseau ou, surtout, de compétences.
Ces difficultés touchent d’abord les plus fragiles : les personnes en situation de précarité sociale ou de handicap, les personnes âgées et les étrangers.
Plus grave, c’est dans l’accès aux services publics que les difficultés sont les plus importantes, puisque 40 % de la population ne se sent pas à l’aise avec les démarches en ligne. Cette situation entraîne un recul particulièrement inquiétant de l’accès aux droits.
Malgré les efforts déployés – je pense notamment aux maisons France Services –, une partie de la population demeure exclue ou en difficulté face aux démarches permettant d’accéder à ses droits, qui sont pourtant légitimes.
Dans son rapport publié la semaine dernière, la Défenseure des droits dresse une nouvelle fois le même constat : plus de 80 % des réclamations qui lui sont adressées concernent les services publics, quasiment toujours en lien avec un problème de dématérialisation ou d’impossibilité pour l’usager d’échanger avec l’agent s’occupant de son dossier.
Trois ans après son précédent rapport, sur lequel j’avais déjà interrogé le Gouvernement, la situation a peu évolué. C’est désormais à l’usager de s’adapter aux services publics, souligne la Défenseure des droits. Il s’agit d’un renversement de la responsabilité : l’accès aux droits repose désormais sur l’usager plutôt que sur l’administration.
Madame la ministre, nous entrons aujourd’hui dans la phase de déploiement de l’espace numérique de santé (ENS), qui va entraîner une dématérialisation accélérée dans un domaine hautement sensible.
Pouvez-vous nous préciser comment, dans ce domaine comme dans l’ensemble des services publics, l’accès aux droits de nos concitoyens peut être garanti ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Nadia Sollogoub et M. André Gattolin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord vous dire que nous partageons pleinement vos alertes. Depuis 2017, la politique du Gouvernement en la matière tient en quelques mots essentiels : avoir un service public efficace, plus proche des Français et humain.
Notre ambition est très concrète : il revient au service public de s’adapter, et non aux Français. Pour réaliser leurs démarches, nos concitoyens doivent avoir le choix entre un service de proximité, notamment à travers les espaces France Services – on en trouve vingt-cinq dans votre département –, un contact téléphonique ou, le cas échéant, des outils numériques.
Nous avons donc choisi de ne pas choisir (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) entre des moyens différents, parce que les Français doivent pouvoir bénéficier d’un service public qui leur correspond.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, l’espace numérique en santé. Nous nous sommes engagés à mettre en place un accompagnement physique pour toute démarche dématérialisée. En ce qui concerne l’espace numérique de santé, cet accompagnement pourra être assuré soit par un pharmacien soit par tout autre professionnel de santé. Pour toutes les autres démarches, les Français pourront se tourner vers les maisons France Services, comme nous nous y sommes engagées avec Jacqueline Gourault.
Nous prenons très au sérieux les alertes de la Défenseure des droits, qui est une vigie essentielle. Ainsi, nous avons entamé un travail résolu avec les associations d’aide aux plus fragiles et aux plus vulnérables. J’étais, la semaine dernière, en Eure-et-Loir, dans une maison France Services – dispositif encore trop peu connu des Français –, puis avec le préfet et toutes les associations qui accompagnent les plus fragiles, les familles rurales, les retraités…
Nous avons demandé, avec Jacqueline Gourault, que ces Français parfois déconnectés, parce qu’ils n’ont pas été formés, parce qu’ils n’ont pas accès au numérique ou parce qu’ils ne connaissent pas assez les maisons ou espaces France Services, puissent être accompagnés, dans chaque département, dans les mois qui viennent.
Jusqu’à la dernière minute, ce gouvernement continuera de considérer qu’il n’y a pas de fatalité à la fermeture, qu’il faut accompagner chacun et mettre de l’humain sur le terrain.
Contrairement aux gouvernements du précédent quinquennat, nous n’avons pas considéré qu’il n’y avait rien à faire, sinon à subir le mouvement. Certes, ce mouvement est inexorable, mais nous pouvons faire beaucoup pour accompagner chacun dans ses démarches auprès des services publics et ceux-ci doivent rester accessibles, proches et humains. (Protestations sur les travées du groupe SER. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
conséquences économiques et sociales du rachat du quotidien la provence
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et porte sur l’épisode judiciaire que traverse une nouvelle fois le quotidien La Provence, lequel devient hélas, au fil des années, la figure éponyme des turbulences que traverse la presse française.
À l’heure où une commission d’enquête mène en nos murs un travail de fond sur la concentration dans les médias, les conditions qui président à la procédure de cession visant le rachat de 89 % des parts de La Provence revêtent une acuité particulière et nous interrogent à plus d’un titre.
Elles nous interrogent en premier lieu sur les procédures de rachat d’organismes de presse. Verrouillée en amont par le biais d’une clause d’agrément, la procédure de cession d’actifs a dévoyé le droit applicable censé garantir le pluralisme de la presse, et cela pour flécher le rachat de la société dans les mains d’un seul homme.
Comment ne pas s’indigner quand le quatrième pouvoir, garant de l’information des citoyens et de la vitalité démocratique, est menacé de prédation par l’oligarchie économique ?
Comment ne pas réagir, alors que nous connaissons et que vous connaissez l’importance de ce groupe de presse pour Marseille, pour la région Sud et pour la Corse, garant de la diffusion et de la pluralité de l’information et des opinions ?
Comment l’État, pourtant créancier principal dans cette procédure, peut-il rester silencieux et accepter la cession d’un journal, responsable d’une mission citoyenne, dont le prix de rachat reste le seul élément déterminant sans qu’aucun impératif sur le volet social ni sur l’indépendance des rédactions ne soit formulé ?
Comment pouvez-vous laisser cette procédure être le triste reflet de l’effondrement démocratique en France sans réagir ?
Comment, enfin, madame la ministre, laisser l’avenir de 850 emplois en Provence et en Corse et de six entreprises, outre celui de deux titres de la presse régionale, encourir un tel risque, alors même que le Président de la République ne cesse de communiquer sur l’importance de la réindustrialisation du pays et sur la préservation de l’emploi ?
Dans quelle mesure comptez-vous agir pour répondre à ces enjeux politiques, économiques et sociaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Marie-Arlette Carlotti et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur les turbulences que traverse le titre La Provence.
Comme vous l’avez souligné, ce quotidien régional extrêmement important, diffusé à 75 000 exemplaires, tient particulièrement au cœur des Marseillais, mais également à celui des Corses, puisque ce groupe détient le titre Corse-Matin, seul quotidien insulaire.
Vous l’avez également souligné, cette procédure de rachat concerne 89 % des parts, à savoir celles que détenait M. Bernard Tapie. Il ne revient pas à l’État d’intervenir dans cette procédure : c’est au tribunal de commerce de juger du meilleur repreneur à la fois sur le plan financier et social et sur celui des investissements à réaliser pour faire en sorte que ces quotidiens marchent. Il s’agit d’une question extrêmement importante.
Nous suivons cette procédure avec une grande attention comme nous le faisons à chaque fois. Je veux rappeler, monsieur le sénateur, que nous avons consacré 480 millions d’euros à la presse quotidienne dans le cadre du plan de relance pour lui permettre de continuer d’exister malgré les turbulences.
Bien entendu, il sera possible de mobiliser le Fonds stratégique pour le développement de la presse pour qu’il verse, en tant que de besoin, une subvention.
Nous suivons avec une particulière attention le sort des 850 salariés concernés. Il s’agit certes d’une procédure privée, mais l’État n’en est pas absent pour autant. Je vous en donne ma garantie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
politique du gouvernement en matière de sécurité intérieure
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté.
Il s’agit de la dernière séance de questions d’actualité du quinquennat, puisque le Parlement suspendra ses travaux à la fin de la semaine pour cause d’élection présidentielle. Cette séance sonne donc l’heure des bilans. À cet égard, nous avons une question à vous poser en matière de sécurité.
Nous n’avons eu de cesse, ces dernières années, de constater une forte augmentation du nombre des agressions à l’encontre des personnes physiques. Les chiffres dont nous disposons, portés à notre connaissance par vos propres services, indiquent que, depuis 2017, les coups et blessures volontaires ont augmenté de 18 %, les risques de 60 %, les agressions sexuelles de 38 % et que les menaces contre les élus ont été multipliées par trois !
Cette question intéresse particulièrement les Français et force est de constater que, malgré les efforts que vous avez annoncés et que nous avons accompagnés à l’occasion d’avis budgétaires ou de votes, les résultats ne sont pas là.
Ma question est très simple : que s’est-il passé depuis 2017 pour en arriver à une telle augmentation ? Quelles explications pouvez-vous nous donner ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Buffet, vous êtes président de la commission des lois et, en cette dernière séance de questions d’actualité, je souhaite tout d’abord saluer le travail que votre prédécesseur, M. Philippe Bas, vous-même et l’ensemble des membres de votre commission avez mené durant ce quinquennat. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est mérité !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous avons eu à débattre de sujets difficiles, nous avons parfois affiché des désaccords profonds, mais toujours dans le respect et avec le sens de l’intérêt général. Je tenais à vous en remercier.
Les chiffres que vous avez cités sont effectivement extrêmement préoccupants. Le climat de violence à l’encontre des élus nous inquiète. Vous savez à quel point sous sommes mobilisés sur cette question : le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur ont pris des circulaires, des formations ont été dispensées aux maires, le GIGN intervient également pour mieux protéger les élus… De nombreuses mesures ont d’ores et déjà été mises en œuvre.
En ce qui concerne les violences faites aux personnes, vous n’êtes pas sans savoir que nous avons déployé un certain nombre de dispositifs pour inciter les victimes, notamment les femmes et les victimes de violences intrafamiliales, à davantage porter plainte, en s’adressant aux forces de l’ordre. C’est la raison pour laquelle nous assistons à une explosion des dépôts de plainte – c’est ce que l’on appelle un contentieux de masse –, y compris pour des faits anciens. La police et la gendarmerie apportent désormais des réponses à ce qui était auparavant considéré comme des banalités, des drames conjugaux, des faits divers ou des crimes passionnels et qui sont désormais dénoncés.
Sur le quinquennat, l’augmentation budgétaire cumulée atteint 10 milliards d’euros et il y a 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. L’engagement pris en 2017 par le Président de la République est donc bien tenu.
Le ministre de l’intérieur a donné des impulsions fortes, notamment dans le cadre du Beauvau de la sécurité.
M. François Bonhomme. Pour quels résultats ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Faut-il faire encore plus ? Oui, bien évidemment. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a présenté à Nice, à l’invitation du maire de la ville, Christian Estrosi, la prochaine grande loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), portée par le ministre de l’intérieur, qui nous permettra de mieux protéger encore les Français dans la droite ligne de ce que nous faisons depuis 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Madame la ministre, je vous remercie de vos remerciements, que je pourrais vous renvoyer… (Sourires.)
Je peux comprendre votre argumentation sur les violences faites aux femmes : un effort réel de libération de la parole est mené.
Mais en ce qui concerne les risques, nous parlons d’une augmentation de plus de 60 % ! De même, la violence sur les élus est croissante : la semaine dernière encore, un maire du Rhône a été agressé.
Je suis encore plus inquiet à la lecture du rapport de la Cour des comptes qui souligne très clairement que les augmentations budgétaires et les policiers supplémentaires n’ont pas eu d’effet sur les violences. Je n’arrive pas à m’expliquer ce manque de résultat. Il s’agira, je le crois, de l’un de vos échecs, en tout cas de l’une de vos erreurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
bilan de la politique agricole du gouvernement (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
En matière agricole, le programme d’Emmanuel Macron mettait en avant en 2017 deux grandes priorités : le rééquilibrage de la valeur au sein des filières et les pesticides.
Au début du quinquennat, le discours de Rungis et les États généraux de l’alimentation ont pu faire croire à une réelle volonté de changer la donne.
Le Président de la République promettait ainsi une loi pour « permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé ». La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim 1), très modestement corrigée par la loi Égalim 2, comme M. le Premier ministre vient de le rappeler, a rapidement montré toutes les limites de la théorie du ruissellement appliquée à l’agroalimentaire, avec une baisse du prix d’achat aux producteurs en 2019.
Bilan : un constat d’échec unanimement partagé, sauf au sein de la grande distribution…
Le candidat Emmanuel Macron avait également promis un « calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides […] et le développement d’alternatives ».
Cinq ans plus tard, toujours pas de calendrier et presque toujours autant de pesticides. On constate, en outre, un manque de transparence, puisque le nombre de doses unitaires (NODU), indicateur de référence du plan Écophyto, n’a toujours pas été publié pour 2020, alors qu’il aurait dû l’être en décembre 2021. Pouvez-vous nous le donner aujourd’hui, monsieur le ministre ?
Quant aux alternatives, une première brèche a été ouverte avec la réautorisation des néonicotinoïdes pour la filière betteraves. À quoi bon rechercher des alternatives, si le Gouvernement accepte de détricoter la loi à la demande ?
Bilan : un nouvel échec, de l’aveu même du Président de la République, sur le glyphosate qui devait être interdit sous trois ans et dont les ventes ont à peine baissé de 2 %.
La déclinaison que vous allez faire de la politique agricole commune (PAC) avec le plan stratégique national (PSN), monsieur le ministre, confirme encore le choix d’une orientation qui se traduit par la chute du nombre d’exploitations et d’emplois, l’insuffisance des revenus des agriculteurs et une dépendance à des substances nocives pour la santé et l’environnement.
Ainsi, l’augmentation du seuil d’accès à l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) va encore entraîner la disparition de petites fermes. Dans mon département, la Loire, soixante-neuf exploitations sont concernées.
Au final, vous avez tourné le dos à vos objectifs initiaux pour conforter un modèle agro-industriel qui se noie dans ses propres dérives.
Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il est temps de changer de direction ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Tissot, il me semble qu’au fond nous ne partageons pas la même vision. Vous me répondrez qu’il est beau, en démocratie, d’avoir des visions différentes…
Notre vision a pour objectif l’indépendance et la souveraineté agroalimentaires de notre pays. Dans votre intervention, pas une fois vous n’avez évoqué la mission nourricière de notre agriculture. C’est trop facile de l’oublier ! (MM. Jean-Claude Tissot et Thierry Cozic protestent.)
Notre méthode consiste à remettre la science et la raison au centre de tout, ce qui est plus courageux que d’aller dans le sens du vent, au gré de prises de position, d’injonctions et du fameux « y’a qu’à, faut qu’on ». Pour quelqu’un qui connaît aussi bien l’agriculture que vous, monsieur Tissot, il me semble que remettre science et raison à leur juste place devrait être fondamental. Et vous savez combien je me suis engagé dans ce combat pour plus de science et de raison dans nos politiques agricoles.
Et quid des résultats, monsieur le sénateur ? Vous évoquez les produits phytosanitaires : depuis 2017, les substances les plus préoccupantes ont été réduites de 93 % et celles classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction dans les catégories 1 et 2 (CMR1 et CMR2) de 40 %.
Vous parlez souvent du bio : depuis 2017, nous avons doublé les surfaces agricoles en bio pour prendre la première place européenne.
Mme Sophie Primas. Et les prix ?
M. Laurent Duplomb. Et les débouchés ?
M. Julien Denormandie, ministre. En ce qui concerne la rémunération, connaissez-vous beaucoup de mandatures qui remettent l’ouvrage sur le métier ? C’est ce que nous avons fait en adoptant la loi Égalim 2, reconnaissant ainsi qu’Égalim 1 n’allait pas assez loin. Ce n’est généralement pas ce que font les politiques, mais nous l’avons fait et nous nous battons, comme l’a rappelé M. le Premier ministre.
Je voudrais enfin profiter de cette dernière séance de questions d’actualité pour remercier l’ensemble du Parlement. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec vous.
M. Bruno Retailleau. Nous aussi !
M. Julien Denormandie, ministre. Nous avons souvent eu des désaccords, mais nous avons su travailler en bonne intelligence pour trouver des solutions. (M. Bruno Sido applaudit.) Je voudrais saluer tout particulièrement la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et Laurent Duplomb (Marques d’amusement sur les travées du groupe Les Républicains.) et vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que la politique du dépassement fonctionne dans le monde agricole.
Je suis persuadé que cette politique peut fonctionner ailleurs et je vous invite par conséquent à la choisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
bilan de la politique du gouvernement en matière de logement
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et j’espère qu’il y répondra… (Marques d’amusement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voilà cinq ans, le candidat Emmanuel Macron promettait un choc de l’offre afin de faire baisser les prix de l’immobilier. Il promettait la construction de 60 000 logements étudiants et de répondre aux besoins des ménages aux revenus les plus modestes.
Force est de constater, cinq ans après, que le nombre de permis de construire et de mises en chantier est passé sous la barre symbolique des 400 000.
Cette crise du logement, peut-être l’une des plus graves pour notre pays depuis celle de l’hiver 1954 qui avait conduit l’abbé Pierre à lancer son appel, est le fruit de décisions ayant pénalisé l’ensemble du secteur : baisse de cinq euros des aides personnalisées au logement (APL), réduction du loyer de solidarité supportée par les bailleurs sociaux, augmentation du taux de TVA à 10 % pour le logement social, fin de l’aide aux maires bâtisseurs, zigzags sur le prêt à taux zéro (PTZ), fin de l’APL accession, attaque contre la maison individuelle…
La politique du logement d’Emmanuel Macron n’aura été que coups de rabot successifs, louvoiements et dérobades qui auront fait payer aux Français le prix fort de cet immobilisme. (Protestations sur les travées du groupe RDPI.)
Monsieur le Premier ministre, quelle est votre réponse face à un décalage si grand entre les promesses du Président de la République et la réalité de son échec en matière de logement ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Valérie Létard, Annick Billon et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Dominique Estrosi Sassone, je voudrais tout d’abord saluer votre engagement sur la question du logement, ainsi que celui de Mmes Valérie Létard, Vivianne Artigalas et Marie-Noëlle Lienemann qui travaillent sur ce sujet depuis de nombreuses années.
Nous avons avancé ensemble dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS) pour aboutir à un accord en commission mixte paritaire et du projet de loi Climat et résilience. Je salue le travail réalisé au Sénat sur la question du logement.
Comme vous le savez, madame la sénatrice, le nombre des permis de construire s’élève à 470 000 sur les douze derniers mois et il atteint 2,27 millions sur le quinquennat, soit 100 000 de plus que pendant le quinquennat précédent. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST. – Marques d’ironie sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Le nombre des mises en chantier est également plus élevé durant ce quinquennat que durant le précédent.
Nous avons su redresser la construction neuve, qui a repris en France. Il est important de le souligner. (Mêmes mouvements.)
Nous avons aussi investi comme jamais dans la rénovation énergétique des logements, que ce soit au travers des certificats d’économie d’énergie ou de la mise en place de MaPrimeRénov’, une véritable révolution à laquelle nous consacrons 2,5 milliards d’euros – 1 million de Français ont déjà déposé un dossier. En cette période où les prix de l’énergie sont chers et alors que la rénovation énergétique est bonne pour le pouvoir d’achat, la planète et nos artisans, nous sommes au rendez-vous.
Nous n’avons pas laissé les plus fragiles sur le côté, puisque nous avons ouvert 200 000 places d’hébergement d’urgence et permis à 330 000 personnes d’avoir accès à un logement, en particulier de nombreuses personnes qui vivaient dans la rue.
Nous avons livré 57 000 logements étudiants et 16 000 logements pour les jeunes.
Nous avons encore des besoins, c’est certain, mais nous faisons tout pour soutenir l’offre.
J’ajoute que l’une des jolies réussites de ce quinquennat aura été la multiplication par dix du nombre de personnes sans caution ni garant bénéficiant de la garantie Visale : 660 000 contrats ont ainsi été signés.
Comme vous le voyez, durant ce quinquennat, nous aurons été au rendez-vous sur la question du logement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, je suis au regret de vous dire que la politique du logement d’Emmanuel Macron aura été un zigzag permanent, sans cap, sans vision, sans réforme d’ampleur.
À travers cette politique du logement et ses échecs, le Président de la République aura une nouvelle fois montré sa déconnexion avec les aspirations des Français. (Protestations sur les travées du RDPI). Une autre politique du logement était possible et elle l’est toujours. Il sera urgent, demain, d’entreprendre de véritables réformes pour répondre à ce besoin essentiel : permettre à chaque Français d’offrir un toit à sa famille ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Michelle Meunier et Valérie Létard applaudissent également.)
impact de la dette publique sur les collectivités locales
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Amel Gacquerre. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes alerte sur la situation des finances publiques. Elle souligne que leur redressement imposera de réaliser 9 milliards d’euros d’économies supplémentaires par an jusqu’en 2027.
Monsieur le ministre, les élus locaux sont très inquiets de cette situation. Ils craignent ce que l’on pourrait appeler « l’effet Hollande » : entre 2013 et 2018, la dotation globale de fonctionnement (DGF) est passée de 41 milliards d’euros à 27 milliards. Sous le quinquennat de François Hollande et le début de celui d’Emmanuel Macron, les dotations aux collectivités ont donc servi de variable d’ajustement pour redresser les comptes publics.
Il serait catastrophique pour les collectivités que cela se reproduise. Et ce, pour trois raisons.
Premièrement, les finances locales ont été plombées par la crise sanitaire. Les charges qui en ont découlé n’ont jamais été intégralement compensées. Encore hier, ma collègue sénatrice Jocelyne Guidez évoquait la compensation financière insuffisante pour la mise en place du service minimum d’accueil des enfants dans les écoles.
Deuxièmement, l’autonomie fiscale locale a été substantiellement réduite par la suppression de la taxe d’habitation.
Troisièmement, les collectivités sont mises à contribution pour des chantiers colossaux, qu’il s’agisse de la transition énergétique ou du logement.
La préoccupation des élus locaux est d’autant plus grande que les recettes fiscales locales ont été plus dynamiques que prévu en 2021, ce qui pourrait servir de prétexte pour amputer encore les dotations.
Monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous nous garantir que la DGF ne sera pas, une fois de plus, une variable d’ajustement et l’instrument du redressement des comptes publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, vous m’interrogez à la fois sur la situation des finances locales et sur les perspectives en matière de dotation.
Votre question tombe à pic, si vous me permettez cette expression : j’ai présenté ce matin aux associations d’élus et aux responsables des délégations aux collectivités territoriales du Parlement le bilan de l’exécution comptable des collectivités pour 2021.
Il s’agit d’une année de reprise, ce qui est une bonne nouvelle. Les recettes fiscales sont dynamiques ; les compensations apportées pendant la période de crise ont joué le rôle que nous attendions. Nous constatons à la fois une reprise très forte de l’épargne brute et de l’épargne nette des collectivités, une capacité à faire face aux engagements et une dynamique pour l’année 2022 qui s’annonce particulièrement bonne.
À titre d’exemple, les fractions de TVA affectées aux collectivités régionales, départementales ou intercommunales vont augmenter de 6 %, soit 2 milliards d’euros.
Par ailleurs, comme vous le savez, la révision des valeurs locatives de 3,4 % pour 2022 va entraîner une progression des recettes de la taxe foncière de 1,6 milliard d’euros.
À la fin de l’exercice 2021 et au regard de leurs niveaux d’épargne brute et de trésorerie, on peut dire que la situation des collectivités est globalement meilleure – il y a toujours des situations particulières – qu’au début du quinquennat.
Cela a été possible, parce que nous avons maintenu l’enveloppe globale de la DGF à 27 milliards d’euros et parce que nous avons maintenu les dotations d’investissement à leur niveau.
Cela a également été possible, parce que, au moment de la crise sanitaire, nous avons mobilisé un filet de sécurité de 9,3 milliards d’euros sur deux ans pour aider les collectivités à compenser les pertes de recettes fiscales et domaniales et accompagner leurs régies. Nous avons mobilisé 2,5 milliards d’euros d’aides exceptionnelles à l’investissement et nous avons accompagné les autorités organisatrices de mobilité.
Ce gouvernement, madame la sénatrice, a tenu un engagement majeur du Président de la République, à savoir la stabilité des dotations, la visibilité, ainsi que la compensation intégrale des recettes fiscales que nous avons supprimées à l’occasion de telle ou telle réforme – je pense notamment à celle de la taxe d’habitation.
Permettez-moi un trait de malice. Vous me demandez de prendre un engagement : si ce que nous avons fait depuis cinq ans vous convient davantage que ce qui avait été réalisé précédemment, gardez-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Sophie Primas. C’était un gouvernement que vous souteniez, à l’époque…
situation des finances publiques
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. « Il nous faudra engager des réformes structurelles et réduire les dépenses publiques. Ne laissons pas croire aux Français que l’on pourra réduire la dette uniquement par la croissance. »
Monsieur le Premier ministre, ces paroles ne sont pas celles d’un représentant de l’une de vos oppositions. Ce sont les propos tenus par l’un de vos ministres devant la commission des finances du Sénat.
Des mots à la réalité, il y a un grand pas !
Déjà, en 2017, le candidat Macron appelait au sérieux et à la responsabilité en matière de finances publiques, car, selon son document programme, « l’État est lourdement endetté ».
Son premier engagement était de réduire les déficits en réalisant 60 milliards d’euros d’économies. Cinq ans plus tard, comme le rapporteur général de la commission des finances le rappelle assez souvent, la dépense courante a augmenté de 60 milliards d’euros…
Son deuxième engagement était de faire des choix et de cibler un petit nombre de dépenses prioritaires. Cinq ans plus tard, après le « quoi qu’il en coûte » sanitaire, nous vivons depuis quelques mois le « quoi qu’il en coûte » électoral ! Pas moins de 25 milliards d’euros de dépenses supplémentaires ont été annoncés depuis le mois de juillet dernier, hors plan de relance et hors plan France 2030.
Le rapport sur la France du Fonds monétaire international (FMI) publié le 26 janvier préconise de revenir à un déficit de 3 % dès 2025 et de procéder à un ajustement budgétaire important à partir de 2023.
Vous avez décidé de reporter après les échéances électorales la publication du programme de stabilité et du programme national de réforme. Pour autant, la représentation nationale et les Français sont en droit de connaître les réformes structurelles que vous envisagez de mettre en œuvre. Ma question est simple : quelles sont-elles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous abordez un sujet grave et structurel auquel, croyez-le bien, j’attache une importance toute particulière.
Je pourrais vous répondre longuement, car l’équilibre des finances publiques – je veux le dire à tous nos concitoyens – est un sujet qui, comme vous le soulignez, doit être traité avec beaucoup de respect. La restauration des comptes publics est en effet une question de souveraineté !
Premier élément : jusqu’à ce qu’un « tout petit » événement soit venu frapper le pays au début de l’année 2020, les finances publiques de la France étaient en voie de redressement ! (On le conteste à droite.) C’est un fait, quoi que vous puissiez en dire !
En 2019, dernier exercice comptable clôturé avant le début de la crise, le déficit public était repassé en dessous de la barre des 3 %. Ce n’est pas moi qui le dis, d’autant que je n’étais pas Premier ministre à l’époque, c’est la Commission européenne.
Dois-je rappeler que la procédure engagée par la Commission européenne contre la France pour déficit excessif était encore en cours au début du quinquennat et qu’elle a été levée avant le début de la crise sanitaire ? Voilà les faits ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
On peut dire que ce n’est pas assez, que cela ne va pas assez vite. On peut aussi dresser un historique des finances publiques, j’y suis prêt !
Puis est arrivée la crise, qui a été considérable, brutale et profonde.
M. Laurent Duplomb. Elle a eu lieu dans tous les pays !
M. Dominique de Legge. Elle a bon dos !
M. Jean Castex, Premier ministre. Pas du tout ! C’est simplement la vérité ! Et nous devons être fiers de ce que nous avons fait !
La crise sanitaire – nous en avons beaucoup parlé ici – a eu des conséquences économiques considérables. En 2020, le PIB a chuté de 9 %. Je fais partie de ceux qui ont bien connu la précédente grave crise que la France a traversée, celle des subprimes de 2008-2009. À cette occasion, le PIB avait chuté de 3 % : c’était déjà considérable, mais c’est trois fois moins qu’en 2020 !
M. Vincent Segouin. Et l’Allemagne ?
M. Jean Castex, Premier ministre. Le Président de la République a décidé de mettre en place le « quoi qu’il en coûte » pour éviter que notre économie, c’est-à-dire ses entreprises et leurs salariés, ne s’effondre. Immédiatement après, nous avons mis en œuvre un plan de relance à hauteur de 100 milliards d’euros, auquel vous avez fait allusion.
Il était absolument indispensable de prendre ces décisions. Elles ont permis de faire la différence avec la crise de 2008-2009 durant laquelle la France, qui le voulait, n’avait pas pu prendre de telles mesures.
Ces mesures étaient nécessaires ; elles ont fonctionné, parce qu’elles ont été décidées dans un cadre européen coordonné. Vous savez d’ailleurs toutes et tous que 40 % du plan de relance français sera remboursé par l’Union européenne.
Vous savez aussi toutes et tous qu’une telle politique budgétaire ne peut fonctionner que si elle s’accompagne d’une politique monétaire adaptée. La Banque centrale européenne a joué son rôle en ce sens et elle continue de le faire. Tout cela marche (Remarques ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.), puisque la France a enregistré 7 % de croissance en 2021.
Mme Sophie Primas. Après une baisse de 9 %…
M. Jean Castex, Premier ministre. Vous avez cité le FMI ; je lis toutes ses publications !
Je connais également bien cette noble institution qu’est la Cour des comptes. J’ai pris connaissance de son dernier rapport et je sais comment elle travaille, rassurez-vous !
Selon le rapport du FMI, la France devait retrouver la croissance qu’elle connaissait en 2019, soit avant la crise, au début de l’année 2022. Les Françaises et les Français ont atteint cet objectif à l’été 2021 !
Évidemment, cela a accru notre déficit budgétaire et notre dette. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Et ce n’est pas grave ?
M. Jean Castex, Premier ministre. Nous avons une stratégie de redressement, mais ce ne sera pas la purge que nous avons subie entre 2011 et 2012. (Ah ! à gauche.)
Cette purge, qui nous a été en partie imposée par l’Union européenne et que nous payons encore selon tous les experts, n’a pas eu l’effet escompté. Elle a relancé le chômage, alors que celui-ci se trouve aujourd’hui au plus bas et à un niveau que nous ne connaissions plus depuis des années ! (On ironise à droite.)
Pensez aux jeunes ! Lors de la précédente crise, le chômage des jeunes avait explosé de 31 % ; aujourd’hui, il baisse de 10 %. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
Ce résultat, nous le devons à l’apprentissage. Vous y avez toujours été favorables ; nous l’avons fait, puisque nous avons formé 725 000 apprentis l’année dernière, et c’est au bénéfice de nos concitoyens. On n’avait jamais vu cela ! (Mme Sophie Primas proteste.)
Il faut tout d’abord redresser la croissance pour diminuer notre déficit budgétaire. Il faut ensuite définir une trajectoire : 5 % cette année, cap sur 3 % en 2027. Cet objectif est jugé raisonnable par les organismes de prévision ; il peut être atteint grâce à des réformes structurelles, en particulier celle des retraites, qui doit venir au bon moment – l’art de la réforme, c’est de choisir le bon moment ! (Mmes Sophie Primas et Dominique Estrosi Sassone s’esclaffent.)
La France, par son travail, remboursera ses dettes et se félicitera des choix économiques qui ont été faits pendant la gestion de cette crise ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d’avoir pris le temps de me répondre. Vous avez parlé de stratégie, mais je n’en ai décelé aucune dans vos propos !
Vous avez aussi évoqué le redressement des finances publiques entre 2017 et 2019. Or, si l’on met en base 100 la dette des pays de l’Union européenne en 2017, la dette de la France n’évoluait pas, tandis que celles de l’Irlande et des Pays-Bas, par exemple, diminuaient de 15 points. Vous vous réjouissez d’une stabilité, mais d’autres pays ont amélioré leur situation durant la même période !
Vous avez parlé de souveraineté au sujet de nos dépenses publiques. C’est une question tellement importante que le ministre de l’économie a dû préciser, dans sa réponse à la Cour des comptes, que la qualité de la dette française n’était pas en cause au regard de notre situation…
Si Emmanuel Macron, ancien conseiller à l’Élysée, ancien ministre de l’économie, puis Président de la République, avait géré les finances de la France comme l’ont été celles de l’Allemagne, notre pays enregistrerait aujourd’hui 1 000 milliards d’euros de dette en moins, soit l’équivalent de dix plans de relance ou de trente plans France 2030 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
recapitalisation d’edf
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance. En son absence, c’est certainement Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable qui me répondra…
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a annoncé une recapitalisation du groupe UDF… (Rires et applaudissements sur de nombreuses travées.) Je voulais bien sûr parler du groupe EDF – c’est un lapsus révélateur ! (Nouveaux rires.)
De prime abord, cette décision est louable, mais cela semble aussi être un peu l’arbre qui cache la forêt. De fait, l’État actionnaire est de nouveau tombé dans ses pires travers. Les 2,1 milliards d’euros que vous allez faire payer au contribuable vont compenser d’une main ce que votre mesure sur le plafonnement tarifaire a pris de l’autre.
Par cette recapitalisation, le Président candidat, qui se veut le Président du pouvoir d’achat, devient celui du pouvoir de rachat ! Or ce rachat se fait au détriment de l’intérêt général pour restaurer la confiance des investisseurs privés.
La confiance n’a pas de prix et il va en falloir au vu de l’ampleur des chantiers qui attendent EDF dans les cinquante prochaines années.
Comme je le déplorais il y a un mois, ce tour de passe-passe masque mal votre absence de vision à long terme en faveur d’une politique énergétique sérieuse en France. La politique du carnet de chèques ne peut pas constituer l’horizon indépassable de vos investissements en matière d’énergie.
Nous avons déjà perdu cinq ans, nous ne pouvons plus attendre. La crise ukrainienne nous prouve que nous devons être le moins dépendants possible d’entités extérieures.
Au-delà de la question énergétique, c’est un problème de souveraineté nationale qui s’impose à nous, et ce alors que nous évoluons dans un monde de plus en plus conflictuel.
Il faut absolument que l’État agisse en stratège. Il y va de la protection du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Vos « mesurettes » ne contiennent que trop peu la flambée des factures d’énergie que vit le pays.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures structurelles envisagez-vous de prendre afin de garantir la pérennité et la viabilité financière du groupe EDF, conditions sine qua non au maintien d’une politique énergétique économiquement soutenable pour tous nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le sénateur Cozic, je ne vous apprendrai rien, car je sais que Bruno Le Maire a eu l’occasion de vous le rappeler : EDF traverse un moment quelque peu particulier.
La production d’électricité en 2022 sera faible. Elle sera même au plus bas du fait de l’arrêt de plusieurs réacteurs, ce qui représente une perte de 11 milliards d’euros de revenus pour le groupe.
M. François Bonhomme. Il ne faut pas s’en étonner !
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Dans le même temps, le Président de la République a annoncé depuis Belfort, il y a quelques jours, la nécessité d’investir dans la construction de six nouveaux réacteurs pressurisés européens, ou EPR, d’étudier la construction de huit autres et de lancer cinquante nouveaux champs éoliens.
Vous le savez, nous limitons l’augmentation de la facture d’électricité des Français à 4 %. Vous parlez de « mesurette » : il s’agit tout de même d’une grosse mesurette, puisque cet effort, considérable, d’EDF représente un coût estimé entre 7,7 milliards d’euros et 8,4 milliards !
M. François Bonhomme. Cela ne marche qu’une fois !
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Dans ces conditions, nous n’aurons de cesse de le rappeler : l’État n’abandonne pas et n’abandonnera pas EDF.
En qualité d’actionnaire de contrôle d’EDF, l’État soutient totalement le plan d’action de l’entreprise, adopté par son conseil d’administration il y a quelques jours. L’augmentation du capital de 510 millions d’actions se traduira pour l’État, qui détient près de 84 % du capital, par une souscription de 415 millions, avec maintien du droit préférentiel, ce qui représente un apport à EDF de la part de l’État de 2,1 milliards d’euros.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, l’État va prolonger, au moins pour les exercices 2022 et 2023, son engagement actuel, qui consiste à percevoir ses dividendes en titres, comme le proposera l’entreprise à l’ensemble de ses actionnaires.
Il s’agit donc d’un double engagement, à la fois pour aujourd’hui et pour demain. L’État réaffirme ainsi sa confiance dans la direction de l’entreprise et dans l’ensemble de ses salariés, ce qui permettra à EDF de restaurer ses comptes, tout en continuant d’investir dans l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
politique du gouvernement en matière d’éducation
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, c’est la Cour des comptes qui le dit – il est donc inutile de vous mettre, comme hier, en colère contre moi – : la performance du système éducatif français reste médiocre malgré l’importance des moyens mobilisés, les systèmes scolaires les plus performants sont ceux qui donnent le plus de place à chaque établissement, qui fédèrent la communauté éducative autour d’un projet et qui encouragent les enseignants à être novateurs.
Que constate la Cour des comptes pour la France ? Une autonomie des établissements très encadrée, un système éducatif très centralisé et une chaîne managériale qui contrôle fortement les marges d’action des établissements.
C’est encore la Cour qui note que seulement 10 % des décisions éducatives sont prises au niveau des établissements et 2 % à peine en autonomie totale.
Ma question est donc simple : monsieur le ministre, vous qui êtes depuis cinq ans aux manettes, que pensez-vous de ce constat implacable de la Cour des comptes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Max Brisson, comme à chaque fois, je vais devoir répondre non seulement à votre question, mais aussi à ce que vous direz ensuite, puisque vous vous ménagez toujours un temps important pour la réplique…
Je ferai un bilan général à la lumière des remarques de la Cour des comptes, dont je pourrais partager l’essentiel des observations.
Sur la question de l’autonomie des établissements, la réforme du lycée – j’ai l’impression que ce point vous a échappé – conduit à une bien plus grande autonomie des établissements, car l’équipe éducative, ainsi que les lycéens disposent de plus de choix.
Puisque votre question porte plus globalement sur notre bilan, je veux souligner que, de 2017 à 2022, les élèves de primaire ont progressé en France – la Cour des comptes connaît elle aussi ces chiffres.
Je pourrais vous parler de beaucoup de choses – les devoirs faits au collège, la réforme du lycée, les cités éducatives, les vacances apprenantes –, car dorénavant le ministère de l’éducation nationale regroupe aussi la jeunesse et les sports.
Mais puisque le temps me manque, je me concentrerai sur ce que j’ai affiché comme étant ma première priorité, à savoir lire, écrire, compter et respecter autrui.
Comme vous aimez les chiffres, j’en citerai quelques-uns. Pour lire à voix haute en CE1, l’écart était de 14,5 points entre les réseaux d’éducation prioritaire et le reste du pays, il est de 7,8 points à la fin de ce quinquennat. Pour comprendre des phrases lues, les élèves qui entrent en CE1 ont gagné 1 point, alors même que l’Unesco estime que, du fait de la crise sanitaire, les élèves ayant dix ans sont, dans le monde, 50 % de plus désormais à ne pas maîtriser les savoirs fondamentaux.
Oui, notre politique de l’école primaire commence à porter ses fruits. Les savoirs fondamentaux se sont renforcés. Nous serons certainement l’un des rares pays à avoir atteint cet objectif malgré la très grave crise sanitaire que nous avons traversée. Fort heureusement, la France a échappé à la crise éducative : nous devons en être fiers !
J’en profite pour remercier l’ensemble des professeurs de France et des personnels de l’éducation nationale et toutes les collectivités locales pour le rôle qu’ils ont joué en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Monsieur le ministre, cet après-midi, tous vos collègues ont été beaux joueurs. Pas vous !
Vous aviez fait beaucoup de promesses.
Vous aviez promis de donner davantage d’autonomie aux équipes éducatives. Bilan : il n’y a jamais eu autant de discours prescriptifs, de circulaires et de vade-mecum.
Vous aviez promis de donner la priorité à l’école primaire. Bilan : 28 % des élèves ont une maîtrise insuffisante des mathématiques.
Vous aviez promis de redonner aux professeurs toute leur place dans la société. Bilan : 93 % des professeurs de collège estiment que leur profession n’est plus appréciée et 1 500 d’entre eux ont démissionné en 2021.
Vous aviez promis de retisser le lien de confiance entre la société et l’école. Bilan : 53 % des Français estiment que l’école fonctionne mal, 65 % sont pessimistes quant à son avenir, cette proportion atteignant près de 80 % chez les enseignants.
Je sais que, du haut de votre gestion solitaire, vous ne voulez pas entendre ce que vous disent les enseignants et les Français : non, définitivement, monsieur le ministre, l’école ne se porte pas mieux aujourd’hui qu’en 2017 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
réquisition des personnels médicaux en outre-mer
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le ministre, face à la dégradation de la situation sanitaire en Martinique et en Guadeloupe, vous avez lancé au début du mois d’août un appel à la solidarité nationale, invitant les soignants à se porter volontaires pour partir en renfort dans les Antilles.
Plusieurs centaines de soignants se sont ainsi portés volontaires pour venir prêter main-forte aux hôpitaux surchargés.
L’arrêté du 17 août 2021 portant diverses dispositions relatives à l’indemnisation des professionnels de santé en exercice, retraités ou en cours de formation réquisitionnés dans le cadre de l’épidémie de covid-19 prévoit l’indemnisation de ces soignants.
Or, à ce jour, des centaines de soignants attendent toujours d’être rémunérés pour leur travail. Il semblerait en effet que cet arrêté ministériel prévoie la rémunération des médecins et des infirmiers, mais qu’il ait oublié tous les autres : aides-soignants, laborantins, kinésithérapeutes, etc.
Selon la presse, six mois après cet arrêté, plusieurs centaines de soignants auraient ainsi travaillé gratuitement pour garantir la continuité des soins dans un contexte d’urgence sanitaire. Si tel est le cas, ce n’est pas acceptable !
Monsieur le ministre, comment se fait-il que des centaines de soignants qui se sont portés volontaires pour aller sur le front du covid ne soient toujours pas rémunérés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice Deseyne, avant toute chose, que cette ultime question lors de cette dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement soit l’occasion pour nous tous de saluer les milliers de personnels mobilisés depuis deux ans pour apporter un appui déterminant à la gestion des conséquences de la crise du covid à laquelle nous avons tous été confrontés, notamment nos concitoyens en outre-mer.
Depuis le début de la crise sanitaire, nous avons mobilisé toutes les énergies et les ressources disponibles grâce à des renforts, mais aussi par des livraisons massives de matériels de dépistage, de protection et de vaccination ou encore par des opérations inédites d’évacuation sanitaire.
La solidarité nationale a joué à plein pour l’ensemble des territoires ultramarins qui ont connu des périodes difficiles pendant ces deux années. Ainsi, 9 000 professionnels de santé ont été envoyés en renfort dans ces territoires pour faire face à l’urgence.
La très grande majorité d’entre eux – fort heureusement ! – a été rémunérée à la suite de cette mobilisation.
Il existait toutefois un retard de rétribution financière pour une centaine d’aides-soignants, qui étaient vacataires, sans emploi ou retraités et qui, contrairement aux aides-soignants salariés réquisitionnés, n’étaient pas couverts – c’était un oubli – par l’arrêté interministériel de réquisition du 17 août 2021.
D’autres personnels mobilisés – une soixantaine environ – connaissaient un retard de paiement pour la même raison, notamment les masseurs-kinésithérapeutes que vous avez évoqués.
Le ministère s’est immédiatement saisi de cette question pour trouver une solution rapide afin de les indemniser et de régulariser cette situation qui n’était pas acceptable – vous avez eu raison de le dire, je partage ce point de vue.
L’arrêté du 17 août 2021 a été modifié le 14 janvier 2022 pour permettre à la rémunération des aides-soignants non salariés et des autres personnels que j’évoquais. Les caisses primaires d’assurance maladie procèdent d’ores et déjà au versement. La régularisation des situations a débuté dès la mise à jour de l’arrêté. Ces versements prendront bien évidemment en compte, comme pour les autres professions mentionnées dans l’arrêté, l’ensemble des rémunérations et des primes associées. Les versements sont en cours et la situation va se régulariser dans les prochains jours. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.
Mme Chantal Deseyne. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces précisions.
Je comprends que l’arrêté modificatif du mois de janvier devrait permettre de régulariser la situation des personnels concernés, mais il faut avoir conscience que certains d’entre eux se trouvent dans des difficultés financières depuis six mois.
C’est très bien de saluer l’engagement des soignants sur le front de la crise sanitaire, mais cette reconnaissance passe aussi par une juste rémunération ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
3
Allocution de M. LE président du Sénat
M. le président. À l’occasion de ces dernières questions d’actualité au Gouvernement inscrites à notre ordre du jour avant la suspension, je tenais à vous remercier, monsieur le Premier ministre, pour la constance de votre participation. Malgré certains irritants, j’ai cru comprendre que vous vous sentiez bien au Sénat… (Sourires.)
Permettez-moi d’associer à ces remerciements ceux des membres de votre gouvernement qui ont également contribué, par leur présence fidèle, à la vitalité de nos débats.
Je salue particulièrement Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, pour la qualité de nos échanges. (Applaudissements.)
À compter de la fin de cette semaine, nos travaux parlementaires sont simplement suspendus. Nos instances, nos commissions, nos délégations, nos missions d’information, nos commissions d’enquête poursuivent leurs nombreux travaux de contrôle.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que vous pourrez naturellement continuer à interroger le Gouvernement dans les prochaines semaines à travers les questions écrites. (Marques d’ironie à gauche et à droite.)
Or, à l’approche de la fin de la législature, le nombre de questions en attente ne cesse d’augmenter. À titre d’exemple, j’espère qu’il ne m’en voudra pas de le citer, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports n’a répondu à aucune question depuis le 22 juillet dernier… (Huées à droite et à gauche.)
Monsieur le Premier ministre, je compte sur vous pour que cette période permette de combler ce déficit. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, le Sénat assurera, comme vous le savez, la continuité des institutions et restera disponible, s’il apparaissait nécessaire de nous réunir en séance plénière dans la période qui va s’ouvrir.
Ainsi, le Premier ministre me recevra vendredi avec les présidents des groupes politiques et le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la situation en Ukraine.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements.)
M. Jean Castex, Premier ministre. À mon tour de vous remercier, monsieur le président, ainsi que l’ensemble du Sénat. Il existe fort naturellement des différences de sensibilité et de position ; ces divergences sont légitimes dans une démocratie.
Depuis que j’ai l’immense honneur d’occuper mes fonctions de chef du Gouvernement, c’est-à-dire depuis juillet 2020, nous avons beaucoup travaillé au service de notre pays.
En dehors de la crise sanitaire et des textes législatifs que celle-ci a nécessités, le Gouvernement et le Parlement ont eu une activité intense. Ainsi, l’activité législative a été équivalente à celle de la période antérieure au covid – ce calcul n’est peut-être pas rigoureusement exact, mais je ne dois pas être loin de la réalité.
Finalement, nous avons donc doublé notre travail et notre action au service de nos concitoyens. Je tenais à le souligner devant vous, car cela n’aurait pu se faire sans une collaboration étroite entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
J’ai essayé d’exercer ma fonction dans le plus grand respect des assemblées parlementaires, qu’il s’agisse de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Vous avez parlé d’« irritants », monsieur le président. Certes, il y en a eu quelques fois, mais je vous ai toujours dit ce que je pensais avec sincérité et dans le seul but de rechercher l’intérêt général.
Ce respect dû aux assemblées parlementaires tient aussi au respect qui est le mien à l’égard de la Constitution et des institutions de la Ve République auxquelles j’ai pu, à de multiples reprises, dire mon profond attachement. Ce respect est encore plus nécessaire dans les moments de crise, de tension et de très fortes difficultés, comme ceux que notre pays traverse depuis de longs mois.
Je vous adresse donc, monsieur le président, mes remerciements particuliers. Je salue également les institutions qu’ensemble nous avons créées – je pense aux comités de liaison que nous avons mis en place pour renforcer le lien entre l’exécutif et le législatif. Je remercie aussi chacun des présidents de groupe, toutes tendances confondues, avec lesquels je pense avoir noué des relations de respect et de confiance.
Bonne route à notre démocratie parlementaire ! (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Engagement de la France au Sahel
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à l’engagement de la France au Sahel.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la semaine dernière, le Président de la République, entouré des présidents du Conseil européen, de l’Union Africaine et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), a annoncé, en lien avec nos partenaires européens et africains, les principes d’un engagement renouvelé au Sahel.
Cette décision s’inscrit en cohérence avec l’annonce de la réorganisation de notre dispositif faite par le chef de l’État au mois de juin dernier, tout en prenant acte d’une dégradation des conditions politiques de notre présence au Mali.
Elle a été prise collégialement, dans un cadre partenarial totalement préservé, aussi bien avec nos alliés africains qu’européens. Elle traduit – je le dis d’emblée – notre volonté et notre détermination à poursuivre notre engagement, selon l’esprit de Takuba, dans la lutte contre les groupes terroristes islamistes au Sahel.
Cette nouvelle donne nous conduit à renouveler et à adapter notre dispositif, en accélérant les évolutions décidées ces deux dernières années, en particulier lors des sommets de Pau et de N’Djamena.
Ces considérations m’ont conduit, monsieur le président, à demander, en ma qualité de chef du Gouvernement, à ce que soit soumise à la représentation nationale une déclaration au titre de l’article 50-1 de la Constitution portant sur la réarticulation de notre engagement au Sahel. Cette déclaration sera suivie d’un débat.
Depuis plus de neuf années maintenant, l’action des gouvernements qui se sont succédé a été marquée par la plus grande transparence dans l’information des assemblées parlementaires. J’en veux pour preuve la constance avec laquelle votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous l’impulsion de son président, que je salue tout particulièrement, a travaillé sur ce sujet, auditionnant régulièrement les ministres et les chefs militaires concernés et produisant des travaux d’une très grande qualité.
Au-delà, le débat que nous allons avoir doit permettre de répondre aux interrogations des Françaises et des Français. Il est également l’occasion de nous incliner de nouveau devant le sacrifice de nos cinquante-neuf soldats morts au Sahel au service de notre pays depuis le mois de janvier 2013. J’ai en cet instant une pensée toute particulière pour eux, pour leurs familles et pour leurs camarades blessés. Je veux également dire à tous nos militaires qui mettent leur engagement et leur courage au service de la sécurité des peuples sahéliens combien notre fierté est grande et notre soutien total.
Plus largement, l’action de la France au Sahel est également l’œuvre de beaucoup – diplomates, gendarmes, policiers, agents de l’État ou personnels du secteur privé –, qui incarnent partout notre pays.
Nous ne l’oublions pas, comme nous n’oublions ni nos journalistes, enlevés et assassinés à Kidal en novembre 2013, ni nos jeunes humanitaires qui ont perdu la vie au Niger, en août 2020, lâchement abattus par des terroristes fanatisés – l’une de mes premières missions en tant que Premier ministre fut d’assister à l’arrivée de leurs dépouilles à l’aéroport d’Orly.
J’ai également une pensée pour nos ressortissants, dont la sécurité fait l’objet de toute notre attention.
Enfin, je veux solennellement réaffirmer notre soutien et notre amitié aux populations sahéliennes, qui sont en première ligne face aux groupes armés et qui subissent de plein fouet l’insécurité, alors qu’elles vivent souvent dans une extrême pauvreté.
Notre débat doit être, dans ce contexte, empreint de dignité et de responsabilité, quand par ailleurs les fausses informations et les manipulations en tout genre nourrissent les soupçons et les fantasmes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre présence au Sahel est fondée depuis le premier jour sur un objectif clair : lutter, à la demande des pays de la région, contre les groupes terroristes et contribuer à en protéger les populations. Nous avons, de ce point de vue, obtenu des résultats incontestables.
En 2013, le Mali était au bord de l’effondrement et son armée n’était que l’ombre d’elle-même. Le nord du pays était passé sous le contrôle de groupes armés liés à Al-Qaïda et la décision courageuse du président Hollande de répondre positivement à l’appel pressant des autorités maliennes et de la région a permis d’enrayer une offensive djihadiste qui avait atteint le centre du pays et menaçait Bamako.
En quelques semaines, par une action audacieuse et déterminée de nos forces armées, la progression des groupes terroristes a été stoppée et les repaires djihadistes du nord du pays ont été démantelés.
Si nous avons empêché le Mali de s’effondrer, nous avons également neutralisé les projets d’installation d’un proto-État inspiré par l’idéologie islamiste la plus radicale. La création d’une zone sanctuaire pour les groupes terroristes, qui aurait constitué un péril mortel pour la région et pour notre sécurité, a été entravée.
Je veux rappeler ici que notre présence militaire au Sahel, dans le cadre multilatéral qui est le sien, nous a permis depuis lors et jusqu’à récemment encore des succès significatifs. Nos armées n’ont laissé aucun répit aux groupes terroristes, qu’ils soient affiliés à Al-Qaïda ou à Daech. Les objectifs qui leur avaient été fixés ont été, pour l’essentiel, atteints.
Je veux en particulier rappeler l’élimination de plusieurs chefs internationaux de ces mouvements : ceux de la filiale sahélienne d’Al-Qaïda, que nous avons combattue dès 2013 et dont nous avons neutralisé les principaux responsables, parmi lesquels leur numéro un en juin 2020 – l’émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), membre du haut-commandement d’Al-Qaïda –, mais aussi ceux de Daech.
Au sommet de Pau, au début de 2020, les chefs d’État se sont accordés – je vous le rappelle – pour concentrer leurs efforts contre la filiale de Daech au Sahel, l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), qui s’installait dans la zone dite « des trois frontières », aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Ces efforts ont été couronnés de succès, puisque nous avons neutralisé les quatre plus hauts cadres de cette organisation entre mai et septembre 2021, dont son fondateur. En plus d’affaiblir durablement les organisations terroristes, cela a modifié l’envergure de leurs ambitions, les amenant à renoncer à l’instauration d’un califat territorial.
Par notre action résolue contre le terrorisme – je veux solennellement le rappeler devant la Haute Assemblée et surtout devant les Françaises et les Français, qui se demandent parfois pourquoi nous sommes là-bas –, nous participons activement à la protection de nos compatriotes dans la région et nous empêchons les groupes djihadistes de créer une base territoriale et d’acquérir la liberté d’action leur permettant de se projeter dans des attaques qui pourraient toucher le sol national.
Ces succès, nous ne les avons évidemment pas obtenus seuls. Ils sont d’abord le fruit d’une volonté des États sahéliens de traiter ensemble les défis qui se posaient à eux au travers du G5 Sahel, que nous soutenons activement.
Un autre élément essentiel de notre action politique visait à impliquer de manière croissante les États européens dans notre démarche, avec une véritable prise de conscience chez nos partenaires que la sécurité, non pas seulement de la France, mais aussi de l’Europe, se jouait également dans cette région du monde.
Aujourd’hui, grâce à l’action patiente et persévérante de la France et de l’Union européenne, au travers de la mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM Mali), l’armée malienne a été reconstituée. C’était une priorité stratégique et nous avons eu un rôle déterminant dans cette reconstruction, en formant plus de 15 000 cadres et soldats.
La force Takuba, au sein de laquelle dix pays européens se sont progressivement engagés aux côtés de l’armée malienne, incarne également cette évolution du rôle de l’Europe et ce que les Européens sont capables de réaliser dans des environnements sécuritaires complexes.
Autre orientation majeure bien connue du Sénat, l’approche globale qui est la nôtre : à travers quatre piliers complémentaires, de nombreux acteurs se sont mobilisés dans le souci de produire une réponse large et transversale aux immenses défis de la région. Le terrorisme, mais aussi, plus globalement, l’insécurité prospèrent, en prenant appui sur la pauvreté, ainsi que sur la faiblesse, voire parfois l’absence, de l’État et de ses services aux populations.
La réponse de fond au phénomène insurrectionnel et au terrorisme, ce sont des autorités démocratiquement légitimes, c’est la présence de l’État de droit, c’est le développement économique et social. Et c’est sans doute l’Alliance Sahel, née en 2017 et consolidée au sommet de Pau en janvier 2020, qui incarne le mieux cet engagement de la communauté internationale dans toutes les directions, avec plus d’un millier de projets de développement financés.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, notre action s’est fondée sur le principe, rappelé avec force le 17 février dernier par le Président de la République, selon lequel l’intervention d’une armée étrangère ne peut se substituer à l’action d’un État souverain ni s’émanciper d’un cadre multilatéral.
Or, en sortant du cadre de la transition, les autorités maliennes ont clairement choisi de rompre avec la communauté internationale. La France et ses partenaires, africains et européens, se devaient de tirer toutes les conséquences de ce choix grave du pouvoir malien.
La communauté internationale a aujourd’hui comme interlocuteurs au Mali des autorités de fait, issues d’un double coup d’État et qui ont renié, un par un, leurs engagements. Dans quelques jours, vous le savez, il aurait dû y avoir des élections au Mali, consacrant la fin d’une période de transition qui dure déjà depuis plus de dix-huit mois. Il n’en sera rien, car la logique qui prévaut est le maintien au pouvoir de la junte le plus longtemps possible.
La Cédéao et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont placé le Mali sous un ensemble de sanctions très strictes. L’Union européenne, la communauté internationale et, bien sûr, la France sont pleinement solidaires de cette décision.
Ce régime a par ailleurs fait le choix de s’appuyer sur une organisation privée, bien connue, de mercenaires russes, Wagner, dont le modèle économique repose sur la prédation des richesses des pays dans lesquels elle opère. Nous le constatons en particulier en Centrafrique : cette milice nourrit la guerre, car la guerre la nourrit. Ses exactions contre les populations et ses entraves à la mission des Nations unies sont multiples et documentées, sacrifiant les conditions d’une paix durable.
L’appui européen et international dans lequel la France s’inscrivait, et s’inscrit toujours, à la demande des autorités maliennes, s’exerçait quant à lui sans aucune contrepartie financière ni intérêts cachés.
Il n’est aujourd’hui plus possible de nous investir dans un pays dont les autorités ne souhaitent plus coopérer ni avec les Européens ni avec leurs voisins africains, et entravent leur capacité d’action, à l’image du mauvais procès fait récemment à nos alliés danois qui souhaitaient s’engager dans la force Takuba.
Peut-on imaginer un seul instant poursuivre nos efforts diplomatiques et financiers et notre coopération, alors que nous sommes accusés de mettre en œuvre un agenda caché qui irait à l’encontre des intérêts du peuple malien ? La prise en compte de cette réalité impose de repenser notre dispositif, en le repositionnant en dehors du territoire malien, toujours dans l’objectif de lutter contre les terroristes.
Sur le plan militaire, nous serons amenés à fermer les bases de Gossi, Ménaka et Gao. La manœuvre s’effectuera en bon ordre et en sécurité, comme l’a précisé le Président de la République, et durera entre quatre et six mois.
Nous allons d’ailleurs renforcer notre dispositif logistique à partir de la métropole. Les opérations seront conduites de manière intégrée avec nos partenaires de Takuba, car la France assume son rôle de nation-cadre et agit en responsabilité. Elles devront aussi être exécutées en bonne intelligence et en coordination avec les forces armées maliennes et la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) ; nous nous y employons d’ores et déjà avec Mme la ministre des armées.
Nous conduisons ces opérations selon notre calendrier et notre organisation, en donnant la priorité à la sécurité de nos soldats et à celle de nos ressortissants. Le Niger a fait part de sa disponibilité pour faciliter cette évolution du dispositif, nous permettant ainsi de faire transiter nos flux logistiques jusqu’aux ports du golfe de Guinée, mais aussi d’envisager notre redéploiement dans les autres pays de la région – j’y reviendrai.
Notre appui au peuple malien, que nous respectons profondément, sera préservé au travers des programmes de l’Alliance Sahel, sous réserve que ces programmes ne puissent faire l’objet de détournements pour financer des mercenaires ou le terrorisme. Nous continuerons d’œuvrer pour que la Minusma puisse pleinement remplir son mandat au profit de la protection des populations et en soutien de la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger.
C’est donc sur des bases renouvelées que nous allons, mesdames, messieurs les sénateurs, poursuivre notre engagement contre les groupes terroristes au Sahel. Car il n’y a pas que l’attitude de la junte au pouvoir au Mali qui conduit la France et ses alliés à adapter leur approche et à réarticuler leur dispositif. Il nous faut tout autant prendre en compte l’état de la menace terroriste, qui a évolué sous l’effet de l’action conduite par la coalition liguée contre elle.
Ne pouvant constituer un sanctuaire, les groupes liés à Al-Qaïda ont dû se disséminer dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. L’attaque du 9 février dernier au nord du Bénin, dans laquelle l’un de nos compatriotes a été tué et à laquelle nous avons vigoureusement réagi en neutralisant dans le sud du Burkina Faso, où ils avaient trouvé refuge, une quarantaine de terroristes, en témoigne avec une douloureuse actualité.
Cette reconfiguration de la menace terroriste, au-delà des évolutions au Mali, nous conduit donc aussi à adapter notre stratégie et notre organisation.
La première évolution de notre engagement est précisément en lien avec la dissémination de la menace. Malgré la défection de la junte malienne, le G5 Sahel demeure un cadre pertinent pour coordonner les actions.
Cependant, il y a aujourd’hui nécessité d’adapter la réponse, en l’élargissant aux zones périphériques du Sahel, et la France continuera de jouer un rôle fédérateur. Nous parlons ici de zones vulnérables, situées aux frontières nord de pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Togo ou le Ghana. Nous nous appuierons pour cela sur le cadre multilatéral existant de l’initiative dite d’Accra, toujours en lien évidemment avec la Cédéao.
Nous sommes déjà en pourparlers avec les pays de la région. Mais je veux ici être clair : la lutte contre le terrorisme ne sera gagnée localement que par les Africains eux-mêmes. Dès lors, nous devons leur apporter un appui adapté, en construisant l’avenir avec eux, avec méthode et sans précipitation.
Nous avons donc la volonté, partagée avec nos partenaires, d’être encore davantage en soutien des États et de leurs populations, en partant de leurs besoins pour pouvoir mieux y répondre. En complément de ce qui se fait déjà en matière de coopération et d’aide au développement, nous nous appuierons sur l’Alliance Sahel, laquelle, depuis 2017, permet de fournir ce soutien aux acteurs locaux qui déploient des politiques publiques et des programmes en matière de développement.
Ainsi, un effort doit être clairement porté sur le volet civil de prévention, au travers d’actions concrètes en soutien de secteurs clés ; je pense notamment à l’éducation, à la justice ou au domaine social, qui permettent d’affirmer la présence de l’État et de renforcer les sociétés civiles.
La deuxième évolution réaffirmée par le Président de la République jeudi dernier, à l’issue des concertations approfondies conduites avec l’ensemble de nos partenaires, concerne la physionomie de notre présence militaire dans un contexte de très grande sensibilité des opinions publiques et, je l’ai dit, d’évolution de la menace terroriste.
Notre approche doit être encore plus intégrée qu’elle ne l’est déjà. Il s’agit de mettre en œuvre un dispositif plus souple, plus agile, plus modulable, reposant sur des implantations dont la taille et la localisation doivent être revues – nous l’avons déjà évoqué avec le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Christian Cambon. Ce redéploiement s’effectuera d’abord au Niger, puis dans les pays voisins, selon les décisions prises ensemble.
La France dispose dans la région, je vous le rappelle, de forces prépositionnées en République de Côte d’Ivoire et au Sénégal, qui pourront venir en appui des États et de leurs forces de défense et de sécurité, lorsque cela est nécessaire et sur leur demande. Elle conduit également des actions de coopération, civile et militaire, au profit des États du golfe de Guinée, qui pourront être développées ou réorientées.
À l’image de ce que nous avons construit précédemment, nous voulons poursuivre notre engagement, avec nos alliés européens, selon le même « esprit de Takuba » qui a fait la réussite de ces opérations.
La présence de la France au Sahel doit évoluer, non pas seulement parce que l’évolution de la position du gouvernement malien de fait a changé, mais, bien sûr, en partie pour cela.
La France – c’est son honneur – respecte profondément la souveraineté des États. C’est l’État malien qui a sollicité, avec ceux de la zone, l’intervention de la France et de la communauté internationale en 2013. Nous prenons acte du changement radical opéré par la junte malienne, mais nous ne renonçons en rien à ce qui est la justification majeure de notre présence au Sahel : la lutte contre le terrorisme islamiste pour protéger la zone et les populations qui y vivent et pour assurer la sécurité de notre pays.
Nous avons obtenu de réels succès, dans des conditions extrêmement difficiles et qui le demeurent, grâce à l’engagement exceptionnel de nos soldats et parfois au prix de la vie de certains d’entre eux.
Nous continuerons d’appliquer les principes fondamentaux qui structurent notre intervention, dont nous nous sommes attachés à renforcer l’effectivité et la concrétisation ces dernières années, et qui vont guider la phase nouvelle qui s’ouvre : le multilatéralisme avec, bien sûr – je l’ai dit – les États de la zone, ce qui n’est pas simple au vu de la fragilité de beaucoup d’entre eux et des graves difficultés qu’ils doivent affronter, mais aussi avec l’implication politique et militaire de nos partenaires et amis européens.
Là encore, le Sénat connaît toutes les contingences qui peuvent freiner ce mouvement. Mais nous avons, patiemment, agi et progressé : c’est l’intérêt de l’Afrique, de l’Europe et de la France qui a joué, joue et continuera à jouer un rôle essentiel auprès de l’Union européenne en la matière.
Second principe : le recours à une approche de plus en plus globale et prenant davantage en compte les intérêts des populations, des sociétés civiles et des opinions publiques. Leur acceptation est aussi une clé de la réussite de nos interventions.
Les questions majeures de sécurité sont imbriquées avec d’autres problématiques. Ai-je besoin de rappeler ici, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, la vision qui est la nôtre et que nous portons en matière d’aide au développement, notamment depuis la loi novatrice et ambitieuse proposée par le Gouvernement et votée à l’unanimité l’été dernier ?
Là encore, nous avons collectivement progressé, en dépit d’innombrables difficultés, car ainsi va le monde.
C’est bien dans ce cadre global, et pour mieux en assurer l’effectivité, que s’inscrit la réorganisation de notre dispositif militaire, en réponse aux évolutions des réalités géopolitiques de cette zone et, plus globalement, de l’ensemble du monde. Cette réorganisation est, je le crois, profondément conforme aux intérêts de la France, de l’Afrique et de l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat est un peu particulier. En effet, comme vous venez de le rappeler, monsieur le Premier ministre, il intervient après la décision du Président de la République et l’annonce de celle-ci de retirer nos forces du Mali pour les redéployer ailleurs au Sahel.
Je ne veux pas polémiquer, car dans ce débat nous devons être à la bonne hauteur.
À la bonne hauteur, d’abord, pour nos armées. Nous avons envoyé combattre nos militaires là-bas pendant près de dix ans sur un terrain très difficile et ils l’ont fait au nom de la France.
À la bonne hauteur, aussi, pour les cinquante-neuf soldats qui y ont laissé leur vie et auxquels nous pensons tous ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons. Je tiens à dire à leurs familles – certaines nous écoutent peut-être – qu’ils ne sont pas morts pour rien. Ils sont morts pour la France, ils sont morts pour nos valeurs, ils sont morts pour protéger le sol français de potentielles attaques terroristes et ils sont tombés au champ d’honneur pour que le Sahel ne tombe pas entre les mains des pires ennemis de la France.
Je veux dire aussi, madame la ministre des armées, que nous pouvons, et nous devons même, être fiers de ce qu’ont fait nos armées en Afrique. Monsieur le Premier ministre, vous l’avez rappelé, Serval a été un succès : en deux mois, 400 djihadistes ont été tués et les principales villes du nord du Mali ont été libérées. En quelques semaines, les principales bases de ces terroristes ont été neutralisées. Sans l’intervention de la France au Sahel et au Mali, nous aurions eu Raqqa là-bas. Il faut le redire, nous aurions en réalité eu la constitution d’un proto-État, d’un État islamiste, d’un califat au cœur du Sahel.
Rappelons ici solennellement, au début de ce débat, ce qu’ont fait nos militaires, ce qu’a fait l’armée française en Afrique. Nous devons être conscients que très peu d’armées auraient pu faire de même dans ces conditions, sur un territoire aussi large et avec des moyens finalement assez limités.
Le mérite de ces soldats nous oblige.
Il nous oblige à être nous-mêmes, ici sur le sol français, intransigeants face aux menées islamistes, sans jamais que notre main tremble. Le front est extérieur, mais il est aussi intérieur !
Mais il nous oblige aussi à faire en sorte que le redéploiement de nos soldats et leur retrait se déroulent dans la dignité, madame la ministre. J’espère que vous nous donnerez les garanties que ce retrait sera totalement sécurisé.
Être à la bonne hauteur signifie, enfin, avoir un débat honnête.
Franchement, à quoi servirait un débat convenu, débordant d’autosatisfaction ? Cela ne nous empêche pas de reconnaître, comme je viens de le faire, que Serval a été un succès et que nous avons ensuite engrangé des victoires avec l’opération Barkhane. Vous avez rappelé, monsieur le Premier ministre, que nos troupes ont tué le leader d’AQMI en juin 2020 et que l’État islamique dans le Grand Sahara avait été pratiquement neutralisé.
Mais on ne peut pas s’arrêter là : allons au-delà et approfondissons l’analyse. Avec non pas l’opération Serval, mais sa continuation, Barkhane, nous avons fait un pari. Celui-ci reposait sur notre capacité à pouvoir contenir ces groupes armés, en attendant la relève des forces locales. Ce pari, nous n’avons pas pu le gagner, parce que nous avons perdu la course de vitesse entre l’érosion naturelle dans le temps d’opinions publiques manipulées et la montée en puissance des forces locales. De nos jours, la guerre informationnelle fait presque partie des armes conventionnelles et il faut la contrer, ce que nous n’avons pas su bien faire.
En regardant aujourd’hui la situation d’un point de vue politique, diplomatique ou militaire et avec un peu d’objectivité, que constate-t-on ?
L’influence de la France en Afrique, dans cette zone, a-t-elle été renforcée ? Je ne le crois pas.
La menace djihadiste a-t-elle été fortement réduite ? Je ne le crois pas non plus. Elle a plutôt augmenté et elle atteint désormais d’autres pays, en particulier dans le golfe de Guinée.
Que s’est-il donc passé ? Je pense que les succès n’ont pas été exempts d’erreurs, d’ordre militaire et diplomatique.
Pour Barkhane et sa prolongation, l’erreur militaire a consisté, lorsque nous avons engagé l’opération, à penser que nous pouvions nous disperser. Je vous rappelle qu’à l’époque nous étions engagés – sans doute était-ce nécessaire – dans l’opération Sentinelle et en Irak, mais au vu du format de nos armées, se diviser et se disperser, c’était finalement s’affaiblir, car on ne gagne ce genre de guerre qu’en tapant vite et très fort.
Autre élément concernant l’aspect militaire, nous nous sommes bercés d’un certain nombre d’illusions. C’était beaucoup présumer que de penser qu’en très peu de temps nous pouvions relever une armée comme celle du Mali, qui était l’une des plus faibles et des plus corrompues d’Afrique.
Il était illusoire de croire que la force du G5 Sahel, même s’il fallait sans doute la mettre en place, pouvait exister en tant que telle, sans la perfusion française, sans l’habitude et la culture de la planification issue d’états-majors communs – en réalité, une telle grammaire de l’intervention sur le terrain est essentielle, si l’on veut être efficace.
Vous avez parlé, monsieur le Premier ministre, de « l’esprit de Takuba » : pour filer la métaphore, Takuba relevait effectivement d’une dimension immatérielle en quelque sorte. Si vous enlevez les 400 militaires français de Takuba, que reste-t-il ? Seulement l’esprit !
Quant à la Minusma, peut-être faut-il reconnaître, mes chers collègues, qu’elle a toujours été incapable de faire autre chose que de se protéger elle-même, et encore avec l’appui de nos forces ?
Voilà pour l’aspect militaire. Mais, selon moi, les erreurs les plus importantes ont été d’ordre diplomatique.
La première erreur d’analyse a été faite, lorsque le Président de la République a annoncé – en juin 2021, me semble-t-il – juste après le sommet de Pau, sans grande concertation avec nos partenaires africains, un retrait progressif.
Cette décision a envoyé un double signal.
D’abord à la junte, qui l’a saisi comme un prétexte – j’approuve évidemment, monsieur le Premier ministre, ce que vous avez dit sur la junte – pour se jeter dans les bras de Wagner et d’une autre puissance que la France.
Ensuite à nos propres partenaires, qui étaient réticents à s’engager davantage. Au moment même où ils ont entendu que nous allions nous retirer, certes progressivement, il ne fallait pas croire que, dans un mouvement inverse, eux allaient substantiellement s’engager. C’est en ce sens que je pense qu’une erreur diplomatique a été commise.
Mais la plus grande erreur concerne la politique africaine. Cette erreur date du discours du Président de la République de Ouagadougou, très tôt dans son quinquennat, en novembre 2017, lorsqu’il a procédé à une réinterprétation de la politique africaine : celle-ci devait se baser notamment sur la société civile africaine – c’était là encore un pari. Or les représentants de cette société civile étaient souvent issus, en fait, de la diaspora africaine et de la grande bourgeoisie – une représentation qui pouvait donc être contestable. Et nous nous sommes détournés des autorités – de fait ou de droit, peu importe – et de ceux qui gouvernaient un certain nombre de pays.
Nous avons par exemple créé le Conseil présidentiel pour l’Afrique et, de proche en proche, nous avons désorienté nos partenaires. Je veux rappeler que, dans un certain nombre de réunions, par exemple au cours d’ateliers, la voix donnée aux autorités publiques était une voix parmi d’autres. Cela a conduit à une profonde désorientation et à un affaiblissement notre politique africaine.
Une fois cela dit, que faire désormais ? Se retirer pour tirer un trait sur tout ce que nous avons fait ? Évidemment non. Je vous rejoins, monsieur le Premier ministre : il faut bien sûr rester au Sahel, se redéployer dans les conditions que vous avez évoquées il y a quelques instants – je n’y reviens pas –, notamment à Niamey, au Niger.
Mais il faudra aussi, pour l’avenir, tirer un certain nombre de leçons de cette expérience. Ce que m’inspire non pas Serval, mais Barkhane et sa continuation, ce sont trois leçons sur les illusions françaises.
La première illusion, c’est qu’on ne peut pas, dans un État quasi failli, aboutir à des résultats, si l’action militaire ne se combine pas efficacement avec une action civile de développement. C’est une illusion très occidentale. En définitive, la France peut être une force d’action rapide en Afrique, c’est-à-dire qu’elle peut être un pompier qui éteint l’incendie, mais elle ne peut pas être le gendarme qui restaure l’ordre. Ce premier point est important et c’est, je le redis, une illusion largement partagée en Occident.
La deuxième illusion, c’est l’illusion européenne. Peut-on « se servir » des opérations extérieures (OPEX) comme d’un terrain d’entraînement pour constituer un embryon d’armée européenne ? Cet exercice montre très vite ses limites, comme je l’ai dit précédemment : sans la France, Takuba avait des difficultés à exister et, en réalité, derrière Takuba il y avait la France.
La troisième illusion, c’est la politique africaine. Entre l’angélisme dont nous semblons faire preuve et la realpolitik que d’autres puissances – je pense à la Russie ou à la Chine – déploient sur le continent, il y a sans doute une marge. Cette marge, c’est le réalisme : il s’agit de dialoguer avec les autorités qui sont en place, même si elles sont peu recommandables – c’est le propre de la diplomatie… Le réalisme est absolument nécessaire, si l’on veut avoir demain une diplomatie un peu efficace.
Pour terminer et évoquer l’avenir, il faut d’abord redire que, parmi les – désormais – vingt-sept États membres de l’Union européenne, nous sommes le seul pays qui dispose d’un modèle complet d’armée capable de se projeter à l’extérieur : c’est un élément fondamental qu’il faudra entretenir. Nous, parlementaires, nous ne l’oublierons pas dans les prochains projets de loi de finances – n’est-ce pas, cher Christian Cambon ?
Second élément de conclusion, l’Afrique est un continent en devenir démographique et elle est instable. Mais l’avenir de l’Afrique nous concerne et engage notre destin. Au travers de toutes nos actions, pas seulement militaires, mais également diplomatiques ou par le biais de l’Agence française de développement (AFD) – et Dieu sait si, dans cette enceinte, nous avons réclamé beaucoup plus de transparence –, nous devons parvenir à une meilleure articulation de l’action militaire avec, si j’ose dire, l’action civile et humanitaire.
La France, et surtout l’Europe, est la première puissance humanitaire. Il faut demain convaincre les populations. Car quelle est la situation actuellement ? Si hier la présence de la France était souhaitable, elle est désormais redoutée, et même presque repoussée.
Recombinons nos forces, parce que la France doit rester en Afrique : c’est notre histoire, mais c’est aussi un destin commun et notre avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le Premier ministre, il y a trois semaines, lors d’une question d’actualité au Gouvernement, le président du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vous a demandé de bien vouloir accepter d’inscrire ce débat à notre ordre du jour. C’est un enjeu démocratique et une bonne manière de construire une politique internationale efficace et durable.
Tout au long de ce quinquennat, le président Macron a préféré une approche descendante de la relation entre les pouvoirs exécutif et législatif. La preuve en est que ce débat arrive après la décision présidentielle ! Ce n’est donc plus véritablement un débat… Pour autant, il serait dommageable d’en faire un moment d’opposition caricaturale ou un quitus des décisions élyséennes.
Avant toute autre considération, nous pensons avec gravité à celles et ceux qui ne sont plus là. Ils sont morts pour la France, pour ce qu’elle est et représente, ici et dans le monde, pour ces trois mots qui la fondent : liberté, égalité, fraternité.
J’ai une pensée émue pour leurs familles et leurs proches. Mes fonctions passées m’ont amené à les rencontrer et j’ai pu mesurer leur courage dans ces épreuves tragiques. Je veux leur dire que la flamme du souvenir ne s’éteindra jamais. Elle ne compensera ni le chagrin ni la tristesse de celles et de ceux qui restent, mais notre mémoire ne les oubliera pas.
Permettez-moi aussi d’apporter notre soutien unanime à tous les blessés et à leurs familles. La République est et sera à leurs côtés.
Ici, je veux saluer le travail du service de santé des armées et des personnels de l’Institution nationale des Invalides. Sans eux, aucune projection de nos armées ne serait possible.
Alors que le départ du Mali est annoncé, comme vous nous l’avez confirmé, monsieur le Premier ministre, nous pensons à toutes les ONG qui œuvrent sur le terrain au service des populations locales et à tous ces journalistes qui, par leur travail, permettent de faire vivre la liberté et la démocratie.
J’ai ici une pensée pour Olivier Dubois, enlevé dans la région de Gao il y a dix mois et dont la famille, sans nouvelles, attend le soutien du gouvernement français.
Depuis neuf ans, les armées françaises sont engagées dans un théâtre d’opération complexe et font preuve d’un professionnalisme sans faille.
Répondant à l’appel du gouvernement malien, menacé par des groupes djihadistes, nos troupes sont intervenues en quelques heures en 2013 sur décision du président François Hollande. L’opération Serval a consisté à se projeter rapidement et à porter l’initiative aux confins du Sahel pour protéger la démocratie et les populations menacées, ni plus ni moins. Cette opération n’a jamais été une offensive de conquête.
Il faut le dire et le redire, les armées françaises et européennes n’ont à aucun moment été des forces d’occupation. À chaque instant, elles se sont inscrites dans un cadre relationnel clair avec l’ensemble des cinq pays concernés géographiquement par l’opération Barkhane, dont le Mali en premier lieu.
Barkhane a été lancée pour procéder à une autonomisation des forces armées locales, singulièrement cette armée malienne fortement affaiblie et incapable de faire face à la menace qui l’acculait en janvier 2013.
En ce sens, l’accord signé le 16 juillet 2014 entre les ministres malien et français de la défense précisait que l’opération Barkhane identifie les principaux domaines de coopération de défense : échange d’informations et consultations régulières sur les problèmes sécuritaires, formation, conseil, entraînement et équipement.
Bien entendu, il s’agissait de permettre au Mali de faire front face à la poussée djihadiste, de raffermir sa souveraineté, celle d’un pays démocratique, et de lui donner la stabilité nécessaire pour administrer librement l’ensemble de son territoire, au service des Maliennes et des Maliens. Il ne s’agissait pas de construire un autre État ou d’imposer tel ou tel parti au peuple malien.
Voilà ce qu’étaient les objectifs de l’opération Barkhane, ni plus ni moins.
Dans ce contexte, les armées françaises n’ont jamais été défaites sur le terrain militaire. À chaque instant, ces femmes et ces hommes, tous ces personnels des armées de terre, de l’air et de mer, qu’ils fussent en première ligne ou en soutien, tous ont affronté le feu ; qu’ils œuvrent dans l’ombre ou la lumière, toutes et tous ont su se distinguer.
Aujourd’hui, il nous revient, à nous parlementaires, au nom de tous les Français, de les honorer. En ces instants, nous affirmons que les annonces de ces derniers jours ne sont pas celles d’une défaite militaire, mais qu’elles sont la marque visible et durable d’un manque de clairvoyance de la part de l’exécutif quant à la stratégie de la France au Sahel.
Ce que nous pointons, c’est non pas tant la décision de quitter le Mali que le fait qu’elle soit prise sous la contrainte et non pour répondre à un agenda politique.
La première contrainte, c’est le rejet de la présence française, notamment avec le revirement de l’opinion publique. Ces mêmes citoyens qui avaient applaudi en 2013 l’intervention dans les rues de Bamako, Tombouctou et Gao et partout ailleurs dans le pays manifestent aujourd’hui pour le départ des Français.
C’est là le fruit d’une savante stratégie d’influence diligentée par Moscou, qui franchit une ligne de plus avec l’arrivée de la société Wagner.
Il y a, ensuite, une contrainte diplomatique liée aux relations avec le pouvoir central de Bamako. Le dialogue ne pouvait qu’être rompu, tôt ou tard, avec cette junte qui privatise le pouvoir.
Après l’expulsion de notre ambassadeur – une humiliation pour la France ! –, la junte exige désormais le départ immédiat des troupes internationales.
Un retrait précipité et désordonné représenterait une faille dans laquelle s’engouffreraient les terroristes qui souhaitent porter des coups à nos forces. Nous appelons à la plus grande vigilance et à ce que la sécurité de l’ensemble des personnels soit totalement garantie. Je salue vos propos tenus hier à l’Assemblée nationale, monsieur le Premier ministre, sur le fait que le retrait ne nous serait pas imposé dans le temps et que la sécurité de nos troupes serait assurée.
Vient, enfin, une triple contrainte – tactique, politique et sécuritaire – avec l’arrivée de la milice Wagner. Après s’être déployée partout en Afrique de l’Est selon un axe nord-sud, de la Libye au Mozambique, la Russie se déploie en Afrique de l’Ouest. L’afflux massif d’éléments russes est un risque supplémentaire et direct.
Comment mener des opérations sur zone avec la présence de ces fous de guerre dans le secteur ? Nous ne pouvons pas prendre le risque d’être assimilés à ces gens qui font commerce de la violence et des exactions. Nos forces armées portent haut les valeurs de la démocratie et de la lutte implacable contre le djihadisme.
Avec le départ des forces européennes, ce sont les Maliennes et les Maliens qui se trouvent sous la menace des hordes de Wagner. L’histoire est déjà écrite.
Quand la junte n’aura plus la trésorerie, les hommes de Wagner se payeront directement sur la bête. Comme en République centrafricaine, le pillage deviendra la norme. Malheureusement, après la terreur djihadiste, la population payera le prix du sang et des larmes.
Tout cela pour quoi ? Les officiers de la junte sont des rentiers, sans considération pour le devenir du Mali ou du peuple malien. Le pouvoir a été volé à la démocratie par la force. Le nouveau pouvoir est maintenu par la force – un pouvoir qui ne sert qu’un petit nombre dont le seul objectif est de s’enrichir, un pouvoir qui ne redistribue rien aux citoyens.
Dans cette affaire, ce qui restera, ce n’est pas tant la décision de partir ni celle d’y être allé. Ce qui restera, c’est l’instabilité et le manque d’anticipation. Quelle a été la stratégie de la France au Mali et au Sahel durant ces cinq dernières années ?
Quid des fameuses « lignes rouges » posées par votre gouvernement depuis 2017 ? Force est de constater que, si elles ont existé, ces lignes rouges n’auront eu de cesse de battre en retraite. Elles apparaissent désormais comme autant de vaines tentatives, de coups de poker, à l’intention de Bamako et de Moscou. Des expérimentations diplomatiques qui n’ont pas fonctionné !
L’annonce du départ n’est pas un choix stratégique, mais une décision contrainte autant par la succession des évènements au Mali que par l’impossibilité pour nos partenaires européens de poursuivre cette présence.
Le Gouvernement s’est retrouvé dos au mur.
Le débat prévu en mai au Bundestag sur le mandat encadrant le déploiement des troupes allemandes, le terme du mandat de la Minusma en juin prochain, le non-renouvellement d’ores et déjà décidé de l’engagement des troupes suédoises ou belges au sein de Takuba : tous ces éléments ont formalisé la véritable ligne rouge, non pas celle que l’on se fixe dans le cadre d’une stratégie claire, mais celle que les évènements nous imposent.
Or gouverner, c’est prévoir. La prise de décision du Président de la République est imposée sous la pression. Dès lors, nous pouvons revoir toutes les sorties diplomatiques de la France depuis 2017 sur la question du Sahel, et même de l’Afrique, à travers ce prisme.
Le sommet de Pau, les réunions avec les autres chefs d’État, la publicité d’un Président de la République chef des armées, tout cela n’aura eu aucune prise sur le déroulé de l’histoire.
En matière de politique étrangère, nous ne sommes pas loin d’observer que le Président de la République n’aura procédé qu’à des gesticulations.
Après avoir tenu la main de Trump en 2018, il a enchaîné les dialogues stériles avec ce président américain et avec Poutine.
Au Liban, l’initiative française n’a débouché sur rien. Une grande partie de l’opinion et des médias libanais considère que le Président de la République n’aura pas apporté de solutions et aura, somme toute, accentué les difficultés.
Et puis, il y a eu toute la stratégie de la France dans la zone indo-pacifique, tombée, en une annonce, avec le retrait de l’Australie du contrat relatif à la vente de sous-marins français. Sur ce sujet, nous considérons que de nombreuses interrogations demeurent entières.
Toutes les intuitions du Président de la République et du Gouvernement se seront heurtées à l’épreuve des faits ! La crise en Ukraine en sera, hélas, un exemple de plus, même s’il faut chercher la paix jusqu’au bout.
La politique étrangère n’est pas une simple affaire de communication politique consistant à créer un buzz par un nouveau coup d’éclat. Elle ne peut pas se résumer à quelques envolées sans lendemain. En matière de relations internationales, il n’y a pas de formule magique. Il faut de la méthode, de l’exactitude et de l’assiduité.
Ce qui fait le rayonnement de la France, ce sont la stabilité des valeurs qu’elle défend, le sérieux de ses engagements, sa faculté à voir plus loin, comme en Irak en 2003.
À la fin de ce quinquennat, la France quitte le Mali par la petite porte. Et le Gouvernement tente d’esquiver le travail essentiel d’introspection et d’amélioration dont notre pays a besoin quant à sa politique internationale. On nous explique que tout va bien, que rien ne change vraiment, puisque Barkhane continuera à partir de pays limitrophes, et qu’en conséquence la France demeurerait clairvoyante au Sahel.
Mais des questions concrètes restent sans réponse. Entre autres choses, quid du survol de l’espace aérien malien pour protéger la Minusma et porter des coups aux bandes de terroristes ?
Barkhane n’est qu’un exemple des nombreux autres embarras du gouvernement actuel en matière de politique étrangère. Alors que la compétition internationale s’est très fortement accrue et que les superpuissances se réarment, ce qui pose inéluctablement le risque de la guerre, c’est toute notre politique étrangère que nous devons interroger : de la formation aux métiers de notre diplomatie à notre réseau consulaire ; de l’aide au développement à la francophonie ; des grandes orientations de notre stratégie dans le monde à notre place dans l’Europe.
La France doit se redéfinir pour être en capacité de faire face aux enjeux tels qu’ils se présentent.
C’est le prix de notre amélioration collective ; c’est le socle de nos nécessaires unité et continuité républicaines quant aux questions d’affaires étrangères et de défense. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bruno Sido applaudit également.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’initiative du Gouvernement, qui a demandé l’inscription de cette déclaration suivie d’un débat à l’ordre du jour de notre Assemblée.
Compte tenu des annonces faites par le Président de la République la semaine dernière, il s’avérait indispensable d’évoquer aujourd’hui l’avenir de l’intervention française au Sahel.
Je tiens à rendre hommage, au nom de mon groupe, à nos soldats engagés dans cette zone et à tous les régiments qui se sont succédé durant toutes ces années, mais aussi aux cinquante-neuf militaires qui ont perdu la vie dans le cadre des opérations Serval, puis Barkhane. Nos pensées vont à leurs familles, à leurs proches et à leurs frères d’armes.
La France est engagée au Mali depuis 2013. Neuf ans après, force est de constater que ni l’opération militaire française ni l’aide internationale n’ont permis d’engager le pays dans la voie de l’apaisement. Ce pays est de façon récurrente dévasté par les violences et une anomie politique.
La décolonisation a créé le Mali sur les bases de l’ancien Soudan français, regroupant des populations n’ayant historiquement que peu de relations. Depuis 1960, l’instabilité politique, oscillant entre multipartisme et coups d’État militaires, a favorisé une situation chaotique que même la Constitution adoptée en 1992, pourtant d’inspiration française, n’a pas pu apaiser.
Les accords pour la paix et la réconciliation au Mali, issus du processus d’Alger de 2015, n’ont que très peu été mis en œuvre. Aucun des cinq piliers sur lesquels se fondent ces accords n’a été appliqué de façon satisfaisante. Trois phénomènes destructeurs de la cohésion sociale marquent aujourd’hui le Mali : les violences armées, la corruption des autorités en place, la progression des groupes djihadistes.
Un fossé s’est accentué entre la position de la France, qui souhaite éradiquer le djihadisme, et les autorités locales, qui souhaitent entrer en négociation avec certaines composantes.
Ainsi, la volonté de constituer une armée malienne nationale semble vouée à l’échec tant les divergences entre le nord et le sud sont prégnantes.
Le Mali n’est prêt à accepter ni un État très centralisé ni un éclatement, comme auraient pu le laisser supposer les accords d’Alger. Dans ces conditions, comment vouloir imposer le retour de l’État et, de façon sous-entendue, de la démocratie ?
Il convient de rappeler que la crise malienne a une origine protéiforme : la rébellion touareg précipitée par la chute du régime libyen, la multiplication des groupes armés terroristes et les nombreux conflits communautaires au centre et au nord.
C’est dans un climat très lourd, début 2020, que le président Emmanuel Macron a réuni ses homologues sahéliens pour un sommet à Pau. Même si certains ont critiqué la méthode, c’est à cette occasion que l’État islamique dans le Grand Sahara a été désigné comme ennemi prioritaire.
C’est également à cette occasion que les États de la région ont réaffirmé collectivement leur souhait de voir la France les épauler dans la lutte contre le terrorisme.
Les coups d’État de 2020 et de 2021 ont engendré des complications supplémentaires. Le Conseil national de transition a remis en cause les avancées acquises précédemment, allant jusqu’à repousser à une échéance lointaine le processus de transition démocratique. Une ligne rouge a été franchie en fin d’année, avec l’arrivée de membres de groupes paramilitaires russes.
Le désengagement des forces françaises lancé à l’automne dernier a constitué une première réponse à cette situation.
Car la junte militaire au pouvoir n’est pas à une provocation près : remise en cause des accords de défense et de la présence danoise au sein de la force Takuba, interdiction du survol du territoire malien par les appareils participant à l’opération Barkhane.
Toutes les nations contribuant à la force Barkhane ont de plus en plus de mal à faire entendre aux dirigeants sahéliens qu’il est nécessaire de mieux gouverner et de réformer les forces de sécurité.
Après le coup d’État au Burkina Faso, seul le Niger conserve une gouvernance légitime dans la zone d’intervention de Barkhane.
Certes, nous ne pouvons plus demeurer dans un pays où nous ne sommes plus les bienvenus et alors que de profonds désaccords concernant les modalités de règlement de la crise subsistent entre la France et le Mali. Une succession d’événements dans cette région du Sahel a contribué à la montée du sentiment anti-français, rendant impossible le maintien de la force Barkhane au Mali.
Cependant, une question demeure sans réponse : à quel moment et pour quelles raisons une force militaire de protection se transforme-t-elle soudain, dans l’imaginaire local, en une force d’occupation ?
L’officialisation, jeudi dernier, du retrait militaire du Mali par la France et ses partenaires européens me paraît l’option la plus sûre pour nos soldats et la plus adaptée pour nous permettre de poursuivre notre engagement au Sahel et d’étendre notre soutien aux pays voisins du golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest.
Alors que les groupes terroristes veulent métastaser dans l’ensemble de la région et se rapprocher des poumons économiques d’Abidjan et de Dakar, notre mobilisation dans cette zone reste indispensable. Elle doit bien entendu rester coordonnée avec les États voisins, tout particulièrement avec le Niger, dans le respect des procédures constitutionnelles de ces pays.
En effet, le Niger est le membre du G5 Sahel le plus susceptible de figurer au cœur du redéploiement du dispositif militaire de lutte contre le terrorisme. Si son principe en est acté, le rapprochement du Niger avec la France et ses partenaires nécessite un travail de pédagogie auprès de l’opinion, ainsi qu’une validation démocratique de la part des citoyens nigériens.
C’est pourquoi le ministre des affaires étrangères du Niger a annoncé que, dès le mois prochain, le Premier ministre nigérien engagerait la responsabilité de son gouvernement sur cette question sensible au cours d’un vote de l’Assemblée nationale de ce pays.
Un certain nombre de questions restent cependant en suspens.
Tout d’abord, madame la ministre, monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer en ce qui concerne la restructuration de notre dispositif militaire et son articulation avec les autorités du Niger et des autres pays de la sous-région ?
Concernant notre départ du Mali, le Président de la République a déclaré que la fermeture concrète des bases françaises de Gao, Ménaka et Gossi prendrait entre quatre et six mois.
Cette manœuvre devra être rapide et très sécurisée face aux potentielles attaques des groupes armés terroristes, mais elle sera également complexe et devra s’inscrire dans le cadre d’un processus coordonné avec les partenaires africains et européens. De surcroît, les mouvements ne seront pas facilités à partir du début de la saison des pluies au mois de mai.
Par ailleurs, quel avenir pour Takuba ? La task force répondait à des besoins spécifiques des militaires maliens. Cet engagement unique valait pour ce pays. Il faudra donc une phase de redéfinition, afin de savoir si les pays contributeurs sont prêts à poursuivre leur mission au profit de nouveaux partenaires.
Enfin, je pense aux enjeux liés à l’EUTM Mali, à l’EUCAP Sahel Mali, une mission civile de l’Union européenne pour aider les forces de sécurité intérieure, ainsi qu’à la Minusma. Ces dispositifs, dans lesquels plusieurs pays européens sont engagés, devront être revus et adaptés à un contexte nouveau.
La situation actuelle impose un questionnement auquel nous devons nous confronter avec réalisme : la France a-t-elle les moyens de rester le seul leader de la lutte contre le djihadisme ?
À l’heure de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, nous devons insuffler un débat sur la possibilité d’un partenariat européen durable pour lutter contre le terrorisme, et cela bien au-delà de Takuba.
Dans le même temps, il est désormais urgent d’agir diplomatiquement dans les pays de la sous-région pour favoriser le retour à une transition démocratique qui redonnerait de la légitimité aux représentants issus d’éventuelles élections.
Même si Barkhane est une addition de succès tactiques aboutissant, pour certains, à un échec stratégique et diplomatique, quitter le Mali ne veut pas pour autant dire abandonner la lutte contre le terrorisme. Quitter le Mali ne signifie pas renoncer à la sécurité de la France et de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Alain Richard et André Gattolin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nos premières pensées dans ce débat vont à nos soldats, aux femmes et aux hommes d’exception engagés dans la bande sahélo-saharienne. Leur combativité et leur abnégation méritent tout notre respect. Je veux leur témoigner, au nom de mes collègues, notre soutien résolu, notre fierté et notre reconnaissance profonde.
Aux cinquante-neuf soldats morts au Sahel pour la France, pour la défense de la liberté et de notre sécurité, ainsi qu’à leurs familles, je rends l’hommage déférent qui leur est dû. Leur mémoire restera intacte, la Nation n’oubliera jamais leur sacrifice. Nous pensons aussi avec affection à leurs frères d’armes blessés. Leur action n’a pas été vaine ; ils n’ont pas été vaincus.
Sans la contre-offensive réussie de l’opération Serval en 2013, lancée à la demande du président Traoré, la stratégie d’occupation territoriale des djihadistes aurait réussi et l’État malien se serait très probablement effondré.
Sans Serval, le Mali serait devenu un puzzle de territoires faillis ne disposant d’aucune cohésion étatique. Au contraire, le processus démocratique avait alors pu reprendre ; les régions du nord ont été libérées et la progression des djihadistes vers le sud a été stoppée.
Par la suite, la France n’a jamais ménagé ses efforts pour mobiliser, avec succès, ses partenaires européens et internationaux aux côtés des militaires de Barkhane, afin de contrer la stratégie d’expansion et de déstabilisation régionale des groupes armés terroristes au Sahel, c’est-à-dire, d’une certaine façon, aux frontières de l’Europe.
Je ne fais qu’évoquer les multiples succès tactiques et militaires obtenus au long de cet engagement.
Au cours des neuf dernières années, notre action commune a abouti à la création d’un cadre international solidaire et fiable permettant de répondre à ces défis. Ce cadre, scellé à Pau, n’est pas uniquement militaire. Il apporte aussi un soutien au déploiement de l’État, des administrations territoriales ou des services de base ; il concerne également la reconquête du contrôle de leur propre territoire par les États de la région. Il a abouti à l’Alliance Sahel, qui reste un acquis solide.
Cependant, au Mali, les multiples épisodes de formation ou de reformation de bandes armées terrorisant la population et prétendant combattre au nom de l’islam ont aussi été l’effet de défaillances répétées des autorités en place devant les échecs de développement, de la sous-scolarisation, facilitant des propagandes primitives, ou du discrédit lié à la corruption.
Plus largement que les gouvernements, dans l’ensemble des milieux responsables et dirigeants du Mali, dont les autorités religieuses, toutes les énergies n’ont pas été mobilisées pour rétablir le dialogue et organiser les forces de développement.
La persistance des attaques terroristes et la recréation de ces mouvements ne pouvaient pas être surmontées par les seules armées alliées, les forces maliennes étant souvent par ailleurs au-dessous de leurs missions.
Dans ce contexte, entendre les autorités de fait maliennes avancer que la France aurait failli à son engagement envers leur pays est tout simplement intolérable et irrespectueux envers nos soldats ; cela relève de la manipulation la plus médiocre.
Prenant le pouvoir à la suite de deux putschs successifs, la junte militaire malienne est revenue sur son engagement d’organiser des élections à brève échéance. Elle ne donne désormais plus aucune perspective de transition civile crédible avant 2025.
Je ne parle même pas de la mise en œuvre de l’accord de paix entre forces maliennes signé à Alger, qui ne progresse plus ; pis encore, il est quasiment jeté aux oubliettes.
Notre décision de quitter le Mali a été prise après que cette junte a multiplié déclarations et actions hostiles à notre égard et a tout fait pour entraver notre action militaire, laquelle nous avait pourtant été confiée par un gouvernement malien légal. C’est ainsi que nous avons été empêchés de survoler l’espace aérien malien et que notre ambassadeur a été contraint de quitter le territoire en urgence.
Nous ne pouvons donc qu’approuver pleinement le Président de la République, quand il dit que « nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait, dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés ».
Nous prenons acte, avec responsabilité, du choix du pouvoir malien de s’écarter de tous ses partenaires constructifs.
La junte s’est enfermée dans une logique d’isolement, de provocation et de confrontation à l’égard tant de la Cédéao que de ses autres partenaires africains et internationaux. En agissant de la sorte, ce pouvoir de fait s’est aussi éloigné des intérêts et de la sécurité de sa propre population, d’autant plus qu’il a maintenant fait le choix de la société privée russe Wagner.
Comment ne pas condamner cette décision de préférer utiliser le peu de fonds publics disponibles pour rétribuer des mercenaires russes plutôt que pour financer le déploiement de services publics au bénéfice du peuple malien ou encore pour lutter contre la dégradation de la situation humanitaire et l’insécurité alimentaire ?
Nous connaissons le mode opératoire déstabilisateur de Wagner. Il passe par le recrutement et l’envoi d’agents militaires privés d’une zone de conflit à une autre, par l’intimidation de la population, par des violations répétées du droit international humanitaire, par l’alimentation de la violence et de l’instabilité, ainsi que par l’apparition de sociétés de concession et d’exploitation des ressources naturelles du pays, tout simplement afin de les piller.
Ce que je dis n’est pas une spéculation, cela correspond à ce qu’endure aujourd’hui la population centrafricaine et à ce qui s’est passé en Libye, en Syrie ou en Ukraine dans le Donbass. Les Maliens sont donc les premières victimes de cette situation.
De plus, l’expérience centrafricaine et l’observation des exactions des mercenaires russes contre la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (Minusca) ne peuvent que nous préoccuper s’agissant de la Minusma, d’autant qu’une fois les troupes françaises redéployées hors du Mali celle-ci ne disposera plus d’un soutien aérien français immédiat en cas de difficultés.
Dans ces conditions, le 13 décembre dernier, l’Union européenne a décidé de prendre des sanctions que nous devons évidemment soutenir.
Personne n’est dupe. Nous connaissons l’implication de la Russie dans la fourniture d’armes et le soutien matériel au déploiement de Wagner, au Mali comme ailleurs. Ne feignons pas de croire que la Russie n’a aucun agenda géopolitique au Sahel !
Nous ne sommes pas non plus dupes des activités de propagande et de manipulation de l’information. Certaines sont conduites à des fins politiques par des États tels que la Russie, la Chine ou la Turquie. D’autres sont menées par les autorités maliennes elles-mêmes pour détourner les critiques et les frustrations des Maliens. Ces activités ont certainement alimenté injustement le sentiment anti-français dans divers secteurs de la société malienne.
Nous le savons : la guerre de l’information fait rage au Sahel et il est à regretter que nous n’ayons que trop peu réussi à contrer ces attaques.
Monsieur le Premier ministre, il s’agit là d’une priorité importante : donnons-nous à l’avenir les moyens de mener efficacement cette contre-offensive de l’information, notamment en mobilisant notre audiovisuel extérieur.
Finalement, la réarticulation de notre engagement militaire au Sahel était nécessaire. Acté dès le sommet de N’Djamena avant d’être précisé en juin dernier par le Président de la République, le passage d’une logique d’opération extérieure à un dispositif de coopération accrue semble mieux adapté face à une menace qui s’est diffusée, et prolonge « l’esprit de Takuba » que vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre.
Cette nouvelle logique partenariale sera déterminante pour que nous nous adaptions aux évolutions des groupes armés terroristes en Afrique de l’Ouest et à leur propagation vers les pays du golfe de Guinée.
Le Niger et le Tchad, qui ont quant à eux démontré leur solidité politique, seront des partenaires opérationnels essentiels. De même, en plus du G5 Sahel, l’initiative d’Accra, autour du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo et du Bénin, deviendra une base de mobilisation efficace.
Je veux en concluant saluer la volonté de « mettre davantage les populations au cœur de notre stratégie de lutte contre les groupes terroristes » et de sortir ces dernières de leur place de victimes pour en faire un « premier rempart contre ces groupes », comme, monsieur le Premier ministre, vous venez de le rappeler.
Ce « sursaut civil » ne doit pas être un vœu rituel. Il est impératif pour nous de réussir son accompagnement, en déployant des programmes civils et sociaux répondant aux besoins locaux. Nous restons aux côtés du peuple malien et nous maintenons l’espoir que le renouvellement de notre politique de développement saura y contribuer utilement.
C’est dans cet esprit de résistance que nous approuvons les choix cohérents, offensifs et solidaires du Président de la République, que le Gouvernement nous a présentés avec clarté. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, la dramatique situation au Mali et le bilan désastreux de l’intervention militaire française ont des causes profondes, non pas conjoncturelles.
C’est par là qu’il faut commencer pour que nous puissions en tirer des leçons. Les États de la zone sahélienne font partie des nombreux États du Sud depuis longtemps affaiblis, saignés et désarmés par l’ajustement structurel libéral.
Si les armées africaines sont faibles, c’est parce qu’elles ont subi les mêmes logiques de délitement que la société et les États dans les domaines économique, fiscal, sanitaire, alimentaire, éducatif, judiciaire ou sécuritaire.
La violence endémique a prospéré dans les plaies de cette crise multidimensionnelle. Telle est la toile de fond de la crise sécuritaire que connaît cette région depuis dix ans.
Il y a un an, au nom de mon groupe, j’avais pointé l’impasse représentée par l’opération Barkhane, quarante-deuxième expédition militaire française en Afrique depuis les indépendances.
Qu’avions-nous dit à l’époque ? Je me permets une citation : « La situation humaine, politique et économique du Mali empire. Dans ce contexte de déstabilisation sociale et politique, les islamistes continuent de développer leur sinistre entreprise. Les leçons des guerres menées au nom de la “guerre contre le terrorisme” ne sont pas tirées. À chaque fois, les pays sont laissés en proie au chaos pour des décennies. La désintégration de la Libye en est un exemple. Elle est d’ailleurs directement à l’origine d’une partie des violences armées dans le nord du Mali. Dans quel état laisserons-nous le Mali et les autres pays de la région si nous poursuivons dans cette voie ? »
Nous avons poursuivi. Mais ce constat a été dressé plusieurs mois avant l’arrivée au pouvoir du colonel Goïta et la venue de Wagner au Mali ! Les responsabilités politiques françaises dans le désastre actuel ne peuvent pas être niées, parce qu’il était prévisible.
Sur les cartes du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, près de 90 % du territoire malien est en rouge, contre 10 % il y a dix ans. Voilà le résultat de la militarisation à tout va ! Les victoires tactiques contre les djihadistes, que vous n’avez pas cessé d’invoquer pour justifier la poursuite de Barkhane, n’ont en vérité jamais tari le terreau de recrutement des entrepreneurs de violence.
Les chiffres des violences sont en augmentation constante depuis 2015. En 2021, près de 2 000 événements violents ont été recensés au Sahel, provoquant la mort de plus de 4 800 personnes pour cette seule année. La violence des groupes djihadistes contre les civils représente 60 % de ces violences. Une part non négligeable est donc également imputable aux forces de sécurité et de défense, dont celles de l’armée française.
À titre d’exemple, je veux rappeler le bombardement français de Bounti, au Mali, qui avait fait dix-neuf morts civils, et plus récemment, les 20 et 27 novembre 2021, les morts et les blessés graves lors de manifestations au Niger et au Burkina Faso contre le passage d’un convoi militaire français.
Cette guerre a aussi coûté la vie à cinquante-neuf de nos miliaires, dont nous saluons évidemment la mémoire.
La lumière sur l’ensemble de ces violences n’est pas encore faite – elle devra l’être.
Aujourd’hui, notre armée va quitter le Mali, mais s’agit-il véritablement d’un « changement de paradigme » comme l’a déclaré Emmanuel Macron ? Rien ne l’indique, au contraire, puisque nous voulons nous redéployer au Sahel avec les mêmes objectifs, en forçant cette fois la main au Niger, semble-t-il, pour nous y installer, avec très probablement les mêmes résultats demain.
Dans ce contexte de forte dégradation de l’image de la France, nous continuons de vouloir tirer les ficelles de régimes et d’États africains fragilisés, au moyen de prises de position à géométrie variable selon qu’il s’agisse du Tchad, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Mali ou du Burkina Faso. Nous appuyons les sanctions extrêmement dures de la Cédéao contre le Mali, alors qu’elles punissent un peuple malien en souffrance, mais aussi par ricochet les populations des pays limitrophes et les diasporas, notamment en France.
Alors, que faire ?
Il y a un an, nous demandions un plan de retrait programmé et concerté. Vous ne nous avez pas écoutés et aujourd’hui, acculés, vous niez l’évidence de l’échec.
Nous demandions ce plan pour y substituer un nouvel agenda politique, économique et de sécurité durable pour le Mali et la région, enfin tourné vers un développement de l’Afrique par les Africains.
Depuis dix ans, nous avons dépensé trente fois plus pour intervenir militairement que pour financer l’aide publique au développement (APD). En 2021, l’APD au Mali s’élevait à 28 millions d’euros, contre près de 900 millions pour Barkhane…
L’APD, absolument nécessaire, ne suffira d’ailleurs pas, même si elle est augmentée et mieux ciblée. C’est la refondation de notre relation à l’Afrique qui doit être mise à l’ordre du jour.
Que l’on ne me dise pas que la Françafrique est finie ! Ou alors, que l’on m’explique pourquoi, l’an dernier, nous avons précipité le ravalement de façade du franc CFA en eco, sans réelle concertation avec les parlements africains, coupant ainsi l’herbe sous le pied à tout projet de construction d’une souveraineté monétaire africaine.
Que l’on m’explique aussi ce que faisaient le 24 janvier dernier Nicolas Sarkozy et Yannick Bolloré dans le bureau de ce cher ami de la France, Alassane Ouattara, si ce n’est pour convaincre ce dernier d’avaler la couleuvre de la vente des concessions portuaires d’Afrique de l’Ouest du groupe Bolloré au géant italien MSC, alors même que la fin de ces concessions pourrait conduire à une reprise en main souveraine de ces infrastructures stratégiques ?
Oui, il faut décidément changer d’époque ! Mais surtout, il faut arrêter de seulement le dire, et le faire vraiment !
Dans le domaine sécuritaire, à l’issue d’une renégociation des accords avec les pays concernés, notre appui militaire doit être recentré sur le soutien exclusif aux armées locales, en retenant, si ces pays le souhaitent, la formule d’un comité d’état-major conjoint des forces africaines.
Formations et transferts de technologies aux armées nationales doivent être programmés pour rompre avec une dépendance quasi exclusive vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale. Le retrait des troupes françaises doit être décidé en concertation avec les pays de la zone sahélienne. L’unité du Mali doit être garantie et les accords d’Alger renégociés.
Comme nous le proposons dans le cadre de la campagne présidentielle, démilitariser les relations internationales est une urgence, que ce soit en Europe, en Afrique ou ailleurs. Inspirons-nous de la feuille de route de Lusaka pour faire taire les armes en Afrique. Luttons contre les trafics d’armes, cessons de vendre des armes à des États du golfe Persique qui entretiennent des relations troubles avec les mouvements djihadistes.
Surtout, refondons nos relations économiques. Je terminerai, en rappelant quelques-unes de nos propositions à ce sujet.
Premièrement, il faut avancer urgemment vers la suppression des paradis fiscaux offshore, qui permettent un accès rapide aux richesses illégalement acquises et servent le pillage du continent africain.
Les flux financiers illégaux participent chaque année à la fuite de près de 1 000 milliards de dollars du continent. Dans cette logique, nous réaffirmons également que 10 % de l’aide publique au développement devrait être dédié au soutien et au renforcement des systèmes fiscaux des pays en développement.
Deuxièmement, il faut aider à la construction d’une souveraineté monétaire africaine, sans laquelle tout financement du développement est structurellement handicapé. La tutelle du franc CFA et de l’eco doit cesser. La France doit agir en vue de changer les critères d’allocation des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (FMI) et en faveur d’une réaffectation des droits de tirage spéciaux (DTS) non utilisés. Notre groupe a déposé une proposition de résolution en ce sens.
Enfin, troisièmement, il faut réviser la logique actuelle des échanges économiques et des traités de libre-échange. Ces derniers maintiennent ces pays dans une économie extravertie, contre toute logique de développement de leurs ressources endogènes, humaines ou économiques ; ils les empêchent d’affronter les immenses défis du siècle à venir liés au développement humain et à la lutte contre le réchauffement climatique.
L’intérêt commun de la France, du Mali et des pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest est la reconquête par ces pays des moyens de leur propre développement. Toute autre voie empreinte d’instrumentalisation au service d’influences exclusives dans la guerre d’influence des puissances est vouée à l’échec : ces dix dernières années nous le montrent avec éclat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. André Guiol. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis quelques mois, la relation entre Paris et Bamako tenait de plus en plus de la « chronique d’une mort annoncée ». Jeudi dernier, la décision de désengager les troupes françaises du Mali est en effet l’aboutissement d’un engrenage n’offrant plus d’autre solution.
Comment en sommes-nous arrivés à cette « trajectoire de rupture », comme l’a qualifiée le Président de la République ?
C’est certain, l’installation au pouvoir de la junte du colonel Goïta en mai dernier et l’arrivée de Maïga à la tête du gouvernement malien ont marqué un tournant dans les relations entre la France et le Mali.
Nous devons cependant nous interroger sur les ressorts qui ont poussé à remettre en cause la présence française au Mali. Il nous appartient de tirer des enseignements de cette situation, par respect pour les cinquante-neuf morts, dont cinquante-trois soldats français morts pour la France, et pour les nombreux blessés qui nous écoutent probablement cet après-midi et qui ont payé un lourd tribut à l’affaiblissement des groupes djihadistes.
Grâce à leur courage et à leur engagement, nos soldats ont contribué à ce que bon nombre d’attentats soient évités sur notre territoire.
En effet, depuis neuf ans, plusieurs grands chefs islamistes et nombre de leurs petites mains ont été éliminés, dont l’émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, tué en juin 2020.
Avant cela, en 2013, n’oublions pas la première réussite de nos soldats dans le cadre de l’intervention Serval : l’arrêt de la progression des terroristes, la préservation de l’État malien et le maintien de l’intégrité territoriale du Mali, conformément à la mission confiée à l’époque par le président Hollande.
Cependant, gagner la guerre ne fait pas gagner la paix. En l’espèce, la capitalisation politique par Bamako des gains militaires sur le terrain a sans doute manqué. La reconquête des territoires n’a pas été suivie d’une politique de services auprès des populations. Par conséquent, dans certaines zones rurales, les Maliens sont plus enclins à laisser s’installer les organisations terroristes.
Dans ces conditions, la première question consiste à savoir si nos opérations extérieures peuvent s’éterniser face à un État qui reste indéfiniment failli.
En outre, notre présence militaire sur le terrain doit être accompagnée par une action humanitaire menée conjointement avec ces États. Ne faudrait-il pas systématiquement conditionner le maintien des forces françaises à un projet de reconquête institutionnelle locale clairement établi par le pouvoir en place ? Nos propres soldats ont aussi besoin d’un tel objectif pour comprendre le sens de leur mission, lorsque celle-ci dure près d’une décennie.
La seconde interrogation consiste à se demander si l’on doit rester coûte que coûte, alors que l’acceptabilité par les populations locales n’est plus au rendez-vous. La France a toujours une équation compliquée à résoudre, lorsqu’elle intervient dans les pays qui gardent un mauvais souvenir du temps colonial.
Au Mali, on a pu observer depuis quelques années combien la colère grandissait à l’encontre de la présence militaire française. Pourtant, en 2013, la France y avait été appelée directement par Bamako et était soutenue par l’Union européenne, ainsi que par l’ONU.
Cependant, sur la durée, il est bien difficile pour notre pays de ne pas être assimilé à son ancienne image de puissance coloniale, en particulier lorsque cette dernière est instrumentalisée tant par les autorités locales que par Wagner et ses fake news.
Aussi, dans une partie de l’Afrique, il devient évident que la France a tout intérêt à se fondre au sein d’une force multilatérale. S’agissant du Mali, on ne peut pas nier que cela ait été tenté : Minusma, G5 Sahel et force Takuba.
Mais le redimensionnement de Barkhane décidé à Pau, conjugué à la lenteur de la montée en charge des forces spéciales européennes, a laissé la France en première ligne.
Ces réflexions invitent à méditer sur l’idée que la défense européenne ne doit pas se limiter à des manœuvres ou à des alliances industrielles en matière d’armement. Il faut franchir un cap plus important sur le plan opérationnel, car c’est toute la sécurité de l’Europe qui se joue au Mali.
C’est un dossier de plus, monsieur le Premier ministre, qui doit être porté par la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
Sur le plan diplomatique, quelles autres leçons pouvons-nous tirer de l’expérience malienne ?
Une de ces leçons, assez sensible, consiste à savoir si, dans certaines configurations, nous ne devrions pas lutter contre nos tabous, qui ne sont pas forcément ceux des populations concernées.
Lorsqu’un pouvoir en crise décide de tenir un dialogue inclusif, y compris avec Al-Qaïda, quelle position adopter ? La France est prisonnière du terrorisme qui a fait de trop nombreuses victimes sur son sol. Mais sommes-nous en mesure de poser des conditions dans des territoires où la situation est aussi complexe ?
Le président Keïta voulait négocier avec les deux principaux chefs maliens affiliés à Al-Qaïda, car les indépendantistes touaregs leur apparaissaient comme leurs premiers ennemis.
Léopold Sédar Senghor a écrit : « Ce que veulent les esprits distingués, qu’ils soient de l’Ouest ou de l’Est, c’est nous imposer une civilisation européenne, nous en imprégner sous la couleur de l’universel. » À certains égards, cela peut faire sens.
Enfin, il me reste à évoquer la politique de développement, une véritable urgence pour le Mali, qui est au 184e rang sur l’échelle définie par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Comment l’Agence française de développement pourra-t-elle assurer la continuité de ses projets dans un environnement sécuritaire plus qu’incertain ?
Certes, le retrait de Barkhane du Mali ne signifie pas l’abandon du Sahel, le Gouvernement l’a rappelé. Pour autant, quelles digues allons-nous construire et avec qui ?
Le Burkina Faso, soucieux de son indépendance et en proie à un putsch ?
Le Niger, dans lequel la présence française est assumée, mais parfois fragilisée, comme on l’a vu avec l’épisode de Téra ?
Avec l’Algérie, tapie dans l’ombre pour reprendre en main le dossier malien, mais avec qui nos relations sont fluctuantes ?
Quant aux ensembles régionaux, la Cédéao ou l’Union africaine, les seules sanctions économiques ne sauraient suffire.
Nous le constatons : dans un monde en permanence en mouvement, enclin à des intérêts divergents, à des modèles sociétaux éloignés et à des religions instrumentalisées, peuplé d’hommes et de femmes baignant soit dans l’abondance, soit dans la pauvreté, les conflits sont potentiellement partout – et ce n’est pas la situation ukrainienne qui me démentira…
Quelles leçons devons-nous en tirer ?
D’abord, que seule la recherche du bonheur de chaque individu semble universelle !
Nous aurons ainsi appris que la réponse militaire, aussi nécessaire soit-elle, doit être accompagnée par un engagement sur le terrain pour éduquer les populations, développer les territoires concernés et lutter contre la pauvreté, si nous ne voulons pas être rejetés par ceux-là mêmes qui nous avaient réclamé de l’aide.
Je ne suis pas sûr que ceux qui sont censés nous remplacer, plus animés par la convoitise des richesses naturelles, fassent mieux que nous pour le bonheur du peuple malien ou pour l’éradication du terrorisme. Rendez-vous est pris !
Pour terminer, la France est intervenue pour défendre ses légitimes intérêts sécuritaires et pour répondre à l’appel d’un pays menacé par le terrorisme.
Une campagne de dénigrement, lancée contre elle, avec les moyens modernes de communication, vient vérifier le vieil adage politique : l’important n’est pas ce qui est vrai, mais ce qui est cru !
C’est aussi cette leçon que nous devons tirer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Olivier Cigolotti applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, malgré la distance qui les sépare, les événements du Mali et de l’Ukraine ont un point commun : ils sont une étape dans la dissipation d’une grandiose et merveilleuse illusion.
Le temps dévoile les lignes de force de l’histoire. Il nous enseigne que le XVIIe siècle fut celui des monarchies absolues et de l’ordre westphalien, le XVIIIe celui des Lumières et de l’avènement des démocraties, le XIXe celui de la révolution industrielle et de la domination du monde par l’Occident.
Le XXe siècle fut celui du combat à mort des démocraties contre les totalitarismes. Par deux fois, les premières ont failli le perdre. Le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin a signé leur victoire. L’illusion fut de la croire définitive. Douze ans plus tard, en 2001, cette douce illusion s’est effondrée en même temps que les tours jumelles de Manhattan. Depuis, chaque année qui passe apporte un nouveau démenti à ceux qui y croiraient encore.
Lorsque Samuel Huntington a publié en 1996 Le Choc des civilisations, dans l’euphorie de la victoire des démocraties, il fut loin de convaincre.
Trente ans plus tard, l’histoire nous montre qu’il était visionnaire. Les conflits idéologiques de la guerre froide ont disparu, remplacés par les lignes de fracture entre civilisations. C’est le retour des religions, des nationalismes, des zones d’influence et de l’affaiblissement de l’universalisme au profit des particularismes.
Mauvaise nouvelle pour nous, car à la perte de notre prépondérance s’ajoute le fait que nous sommes les seuls ou presque à nous revendiquer de la démocratie dans un océan de régimes illibéraux, dictatoriaux, religieux, militaires ou totalitaires.
Le Mali en est un bon exemple, où nous affrontons la conjonction du djihadisme islamiste, de soudards anachroniques prétendant lutter contre le colonialisme soixante ans après l’indépendance, de la Chine dans le domaine économique et de la Russie dans le domaine militaire et politique.
Certains demandent de quand datent nos difficultés au Mali. La réponse est simple : du début. Ce que je dis là peut surprendre tant Serval fut un succès, mais Serval n’était pas le début.
Le début, et nous y sommes un peu pour quelque chose, c’est, en 2011, lors de notre « guerre humanitaire » en Libye – étrange oxymore inventé par des éditorialistes enivrés de la démocratie victorieuse et des ONG appelant à l’aide sur le terrain –, après avoir stoppé les colonnes de chars de Kadhafi chargeant sur Benghazi, nous nous sommes détournés, laissant s’aggraver la guerre civile, les affrontements des tribus, la disparition des frontières, l’explosion des groupes djihadistes dans tout le Sahel, boostés par les trafics d’armes, d’argent, d’êtres humains et de drogue.
Voilà pourquoi, succédant à Serval victorieux, Barkhane n’a jamais eu que deux issues possibles : ne jamais finir ou finir un jour par le départ sans victoire définitive.
Le drame des pays du Sahel, c’est que, lorsque la démocratie est défaillante, la place est libre pour les deux solutions les pires : l’extrémisme religieux et les centurions. Le djihadisme menace désormais jusqu’au golfe de Guinée et les coups d’État se multiplient.
C’est ce qu’a très bien compris le dictateur paranoïaque de Moscou, qui n’a aucun projet positif au Mali – ni ailleurs ! – et dont le seul but est d’en chasser les autres, en installant à Bamako un quarteron de colonels formés à Moscou et en dépêchant, après le Mozambique et la Centrafrique, les mercenaires de Wagner de triste mémoire. C’est là que l’Ukraine fait écho au Mali.
Incarnation du ressentiment, l’homme qui s’est juré de revenir par la ruse ou par la force sur le rabougrissement de son empire a un cauchemar : que l’Ukraine marche vers la démocratie et qu’elle réussisse, parce que l’exemple serait contagieux chez lui. Alors que 150 000 soldats sont massés à la frontière et déjà entrés pour certains en Ukraine, il se présente comme l’agressé ! Ce qui est effarant, c’est que certains ici même le croient.
Dans leur combat contre les dictatures, les démocraties ont un énorme handicap. Elles ont en leur sein une cinquième colonne, les populistes d’extrême droite et d’extrême gauche, qui ont un flair infaillible pour renifler les despotes. De Le Pen à Mélenchon en passant par Zemmour, c’est à qui gagnera le concours du meilleur caniche.
N’importe quelle personne saine d’esprit ne peut qu’être effarée par l’invraisemblable litanie des violations du droit international par la Russie : invasion de la Géorgie, soutien aux sécessions de l’Ossétie, de l’Abkhazie et de la Transnistrie, crimes contre l’humanité en Tchétchénie et en Syrie, annexion de la Crimée, soulèvement du Donbass, pressions sur la Moldavie et les pays Baltes, dénonciation maladive de l’OTAN, cyberattaques massives, chasse aux ONG, destruction du Boeing de la Malaysia Airlines, assassinat manqué de Navalny, exil forcé pour Khodorkovski et Kasparov, assassinats réussis de Politkovskaïa, Litvinenko, Markelov, Bourbourova, Magnitski, Beresovski, Nemtsov et bien d’autres – et, aujourd’hui, l’invasion.
Pourtant, les populistes continuent de brailler que les responsables sont les Américains. L’antiaméricanisme rance de la vieille extrême droite anti-anglo-saxonne et de la vieille extrême gauche anticapitaliste, la vieille rancune est toujours là : comment pardonner aux Américains de nous avoir sauvés trois fois au XXe siècle ?
Pour ces tyrannophiles, tout aussi responsables sont les dirigeants européens, cette Europe qu’ils détestent et qu’ils veulent abattre, cette Europe qui propose à ses partenaires tout ce que Poutine, comme eux-mêmes, ne peut supporter, la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et la solidarité entre les États membres. Ils rabâchent au mot près la propagande de l’ex-colonel du KGB : la nation ukrainienne n’existe pas, l’Ukraine fait partie de la sphère de la Russie, la Russie a été humiliée depuis la chute du mur. Aucun mot, bien sûr, de l’humiliation durant cinq décennies des Polonais, des Tchèques, des Hongrois et de toutes les autres victimes de l’occupation soviétique, à commencer par les Ukrainiens.
Depuis trois jours, c’est encore plus écœurant : ils s’aplatissent devant Poutine et pilonnent Macron. Ils ne parlent que de souveraineté, mais ils réclament la soumission de l’Ukraine.
Que les extrêmes tiennent ces discours de collabos est dans l’ordre des choses. Ce qui est affligeant, c’est qu’ils déteignent sur la droite républicaine (Mme la ministre des armées acquiesce.), dont une partie est déjà zemmouro-poutinisée et une autre si complaisante avec Poutine qu’elle me donne, quand je l’écoute, l’impression d’entendre le « toc-toc » du parapluie de Daladier sur les pavés de Munich.
Comme j’aimerais entendre enfin l’un de ses membres poser cette question : qui imagine le général de Gaulle entrer au conseil d’administration d’oligarques russes complices de Poutine et corrompus jusqu’à la moelle ?
Si j’évoque Munich, c’est qu’en 1938 les nazis expliquaient que la nation autrichienne n’existait pas, comme Poutine explique que la nation ukrainienne est une fiction. Ils disaient vouloir défendre les minorités allemandes dans les Sudètes, comme Poutine prétend défendre les « Russes ethniques » du Donbass. Il est plus que temps de se souvenir de cette phrase de Karl Marx : ceux qui oublient l’histoire sont condamnés à la revivre. Nous sommes aujourd’hui en train de la revivre. (Mme la ministre des armées acquiesce.)
Pour en revenir au Mali, je pourrais donner à mon tour mon avis sur la façon de partir, de nous redéployer au Sahel, d’organiser en urgence la protection de nos alliés du golfe de Guinée où les djihadistes sont déjà à l’œuvre. Le Premier ministre l’a fait avant moi : il me suffit de dire que je partage son analyse.
Je ne peux terminer mon intervention sans un hommage particulier à nos soldats qui se battent depuis dix ans dans des conditions dantesques ni une pensée pour les cinquante-neuf d’entre eux qui sont morts au combat.
Certains prétendent qu’ils sont morts pour rien, ce qui est ignoble, ne serait-ce que parce que, depuis dix ans, ils nous ont protégés en empêchant au Mali l’installation d’un califat islamiste d’où seraient immanquablement planifiés des attentats en Europe.
Enfin, ils sont le symbole et le guide de ce dont nous risquons tous d’avoir énormément besoin dans les temps qui s’annoncent, au Sahel comme en Europe : le courage. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, à quoi bon débattre ? Quelles conséquences notre discussion aura-t-elle sur la politique du Gouvernement ? Un débat parlementaire, c’est bien, mais un débat avant l’annonce des décisions, c’est mieux, et un débat avec vote avant l’annonce des décisions, c’est une démocratie qui fonctionne.
Ce n’est pas sur la politique étrangère et militaire de la France, pas plus qu’ailleurs, que le Gouvernement se sera illustré par une considération marquée et une véritable prise en compte du Parlement lors de ce quinquennat. Comme d’habitude, tous, nous avons dû attendre patiemment la parole présidentielle.
Ce n’est guère une surprise : un seul vote de la représentation nationale est intervenu pour autoriser l’intervention militaire au Mali de 2013, un seul vote pour plus de neuf années d’engagement, une période durant laquelle le périmètre d’intervention s’est agrandi et les orientations stratégiques ont évolué.
Pourtant, jamais le Parlement ne s’est prononcé formellement. Toujours, la prise de décision s’est trouvée confinée au palais de l’Élysée. L’image d’une telle pratique n’en est que plus saisissante en comparaison de ce qui se passe chez nos voisins européens. Oui, donner sa place au Parlement prend du temps, mais ce n’est que bien peu au regard de la durée pendant laquelle les décisions prises auront des conséquences.
Le retrait des forces armées françaises du territoire malien, nous y souscrivons. La situation politique au Mali est devenue insoutenable et ne permet plus un engagement militaire viable. Entre le refus par la junte au pouvoir d’organiser des élections, des manifestations anti-françaises empêchant des convois militaires et la présence de 800 hommes de la société privée militaire Wagner, les conditions opérationnelles pour nos soldats ne sont plus garanties.
Je tiens à exprimer, avec le groupe GEST, mes pensées pour les cinquante-neuf militaires morts au Sahel depuis 2013, leurs familles et leurs proches, ainsi que pour les nombreux blessés.
Nous souscrivons à la décision de retrait, mais elle ne rend pas la suite de la politique française au Sahel plus aisée : un retrait amène des questions et des défis pour les prochains mois.
Vous l’avez évoqué, monsieur le Premier ministre, ceux-ci concernent d’abord la mise en œuvre concrète et pratique : comment opérer la fermeture des bases de Ménaka, Gossi et Gao, alors que plus la présence française diminuera, plus nos soldats seront vulnérables à des attaques, alors que des protestations anti-françaises pourraient bloquer les opérations et, surtout, alors que les relations avec la junte au pouvoir qui exige un retrait immédiat de nos troupes sont de plus en plus difficiles ? Sur quelle aide de nos partenaires pouvons-nous compter dans cette logistique d’ampleur avec des délais aussi courts ?
Notre retrait du Mali pose aussi des questions plus stratégiques sur l’avenir des missions multilatérales de la Minusma, avec ses 13 000 Casques bleus, et de l’EUTM Mali. Comment assurer la protection de ces personnels, qui jusque-là est garantie par les forces armées françaises au Mali ?
Au-delà de ces problèmes immédiats, des questions de fond se posent, auxquelles il faudra répondre pour que les leçons soient tirées de l’échec de notre intervention au Mali et que soit dressé un véritable bilan de ces neuf dernières années.
Il faut en effet avoir l’honnêteté et l’intelligence de le dire : des erreurs ont été commises. Or c’est bien cela qui manque cruellement dans les prises de parole gouvernementales : présenter le retrait du Mali comme le résultat de l’arrivée de la junte au pouvoir et du facteur Wagner, c’est d’abord occulter les raisons qui ont rendu possibles les deux coups d’État et ne pas établir une analyse pertinente de la situation sahélienne.
C’est ignorer les travers de nos relations avec certains États du Sahel, où – il faut le dire – nous avons soutenu pendant des décennies des dirigeants autoritaires dont les politiques pouvaient difficilement mener à une stabilité régionale de long terme.
C’est ignorer la faiblesse des perspectives politiques de la sortie de crise et nier la verticalité des méthodes qui ont sous-tendu notre coopération – l’exemple le plus frappant fut la convocation sommaire de nos partenaires à Pau il y a deux ans.
Si le Gouvernement refuse de prendre en compte ces critiques, il prend le risque que l’impasse politique et militaire du Mali se répète là où les forces armées françaises seront redéployées.
La volonté d’élargissement de l’intervention militaire à des partenaires européens au sein de la task force Takuba n’a pas connu non plus un enthousiasme débordant, quand bien même le Gouvernement n’a eu de cesse de la présenter comme un succès, omettant évidemment de préciser les chiffres des forces engagées.
La situation politique n’est pas meilleure : en un an, trois des pays où intervient la France ont été l’objet de coups d’État militaires. Ces événements rendent la coopération multilatérale ardue, notamment pour le G5 Sahel dans lequel la France plaçait de l’espoir.
Enfin, on ne peut balayer d’un revers les protestations anti-françaises, bien qu’elles soient instrumentalisées par d’autres puissances.
Cette instrumentalisation s’appuie sur une défiance préexistante alimentée par un manque de transparence sur les opérations militaires françaises. C’est particulièrement le cas concernant des frappes à Bounti au mois de janvier 2021, qui ont causé la mort de dix-neuf civils selon la mission des Nations unies. Là où il y a le soupçon s’installe la méfiance, terreau du rejet. Si les dernières décennies d’interventions militaires à travers le monde nous ont bien appris une chose, c’est que l’on ne peut intervenir dans un autre pays contre sa population.
Les écologistes l’ont toujours dit : aucune solution militaire ne peut advenir sans solution politique. Nous n’avons cessé de regretter le manque de prise en compte des contextes ultralocaux et des problématiques communautaires dans la conduite stratégique des opérations. De même, il aurait fallu dépasser enfin le tabou des discussions avec certains groupes armés dont les demandes sont profondément politiques : les refuser comme interlocuteurs revenait tout bonnement à enterrer une perspective de sortie de crise.
Parce qu’aucune solution militaire ne peut advenir sans solution politique, ce sont les besoins des populations qui doivent être placés au centre de la stratégie française. Ce « sursaut civil », qui n’a pas eu lieu après son annonce au sommet de N’Djamena, doit arriver rapidement.
Parce qu’aucune solution militaire ne peut advenir sans solution politique, l’aide publique au développement en direction des pays du Sahel doit être plus substantielle et mieux ciblée pour répondre aux besoins réels des populations locales.
L’aide humanitaire doit aussi être augmentée : 2,5 millions de personnes ont dû quitter leur foyer et 15 millions de Sahéliens vivent de l’aide humanitaire. Aujourd’hui, les besoins humanitaires ne sont assurés qu’à 48 %, selon les ONG. Quand, en 2020, 880 millions d’euros sont consacrés à l’intervention militaire, seulement 28 millions sont dévolus à l’aide humanitaire. C’est cette balance qu’il faut rééquilibrer à l’avenir.
Parce qu’aucune solution militaire ne peut advenir sans solution politique, la présidence française du Conseil de l’Union européenne doit être l’occasion d’élaborer un grand traité entre l’Union européenne et l’Union africaine, non un texte de libre-échange qui ouvre la porte des pays africains à la prédation des multinationales européennes, mais un texte de coopération sur des sujets essentiels tels que l’eau, la sécurité alimentaire, le climat ou le numérique.
Déployons une stratégie globale alliant militaires, diplomatie et développement, sinon la réorientation de la présence de la France au Sahel ne sera qu’un nouvel enlisement pour la prochaine décennie. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. André Gattolin applaudit également.)
(Mme Valérie Létard remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Cigolotti et Joël Guerriau applaudissent également.)
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, les interventions des orateurs des groupes ont été très riches, ce dont je les remercie. Elles démontrent amplement l’utilité de débattre ici, au sein du Parlement.
Voilà un an, ici même, nous débattions justement de la poursuite de l’opération Barkhane. Nous étions déjà préoccupés par l’expansion du terrorisme au Burkina Faso et par le premier coup d’État au Mali. Pour autant, il nous restait quelques raisons d’espérer : succès militaires contre les groupes terroristes, montée en puissance de Takuba, renforcement du G5 Sahel. Ces tendances dessinaient alors un avenir possible pour Barkhane.
Un an plus tard, la réalité est tout autre.
Les provocations constantes de la junte de Bamako nous ont tous indignés, d’autant plus insupportables que cinquante-trois de nos militaires ont fait le sacrifice de leur vie. À mon tour, en cet instant, je m’incline devant leur mémoire et ai une pensée douloureuse pour leurs familles et pour leurs compagnons. Du reste, à chaque fois que l’un des leurs revient pour un dernier voyage aux Invalides, je tiens à y être présent au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
Ensuite, comment serait-il matériellement possible de poursuivre Barkhane, alors que la junte a remis en cause nos propres accords militaires ? Comment mener des opérations au sein d’une population abreuvée par la propagande anti-française ? Dès lors, la décision du Président de la République de quitter le Mali était nécessaire, elle était de bon sens.
Ne renions pas pour autant ce que nous avons fait au Mali. Au contraire, nous pouvons être fiers de l’action de nos militaires. Nous avons agi conformément à nos valeurs, en nous souciant aussi du sort des populations sahéliennes, elles-mêmes si férocement ciblées par les djihadistes.
En vérité, cette situation confirme l’analyse que le Sénat ne cesse de développer : l’enjeu du développement revêt une dimension essentielle dans la stabilisation du Sahel. Dans ce domaine encore, la France a répondu présent !
Le Sénat s’est toujours engagé pour que les moyens soient à la hauteur des enjeux. Peu à peu, les montants ont suivi : rappelons que, sur les cinq dernières années, le Sahel a reçu de notre part 2,2 milliards d’euros de dons. Nous souhaitons encore plus de rapidité, plus d’efficacité dans nos actions visant à nourrir, à former, à soigner les populations lorsqu’elles sont sécurisées. La pauvreté est en effet le terreau qui nourrit l’extrémisme.
D’un point de vue strictement militaire, Barkhane nous aura permis de progresser sur le front de la défense européenne. Nous avons pu convaincre – c’est l’un de vos succès, monsieur le Premier ministre – plusieurs de nos partenaires européens de nous rejoindre dans Takuba, de partager notre engagement et d’accroître significativement notre capacité d’agir ensemble, développant ainsi une culture stratégique commune. C’est une bonne chose à l’heure où tant de tensions se manifestent dans notre continent.
Après Barkhane, nous devrons donc tenir compte de ces acquis.
À présent, quels sont les enjeux qui justifient une poursuite de notre engagement dans la région ?
Il faut bien sûr endiguer l’extension de la menace terroriste vers le golfe de Guinée. Des attaques ont lieu en Côte d’Ivoire ou au Bénin. Une autre « zone des trois frontières » est susceptible de devenir un foyer terroriste à la jonction du Bénin, du Niger et du Burkina Faso. Les États y sont quasiment et dramatiquement absents et les filières terroristes y sont déjà installées, pouvant se connecter avec d’autres organisations terroristes au nord du Nigéria.
La stabilité des États du golfe de Guinée est essentielle ! C’est là que se trouvent les grands gisements de croissance et d’emploi. C’est là qu’une partie des Sahéliens choisit chaque année d’émigrer. Notre destin est donc lié à celui de cette région. L’évolution inquiétante que nous constatons peut sans doute encore être inversée par une action civile et militaire vigoureuse, éclairée par les succès, mais aussi par les enseignements et les déconvenues de Barkhane.
Par ailleurs, nous ne pouvons rester sans réaction face à certaines puissances qui étendent leur zone d’influence. Déjà, en République centrafricaine, l’installation du groupe Wagner, avec son cortège d’exactions, de mise en coupe réglée des ressources et de violentes campagnes anti-françaises, nous avait alertés. Aujourd’hui, malheureusement, le Mali prend le même chemin.
Pourtant, ce que fait la Russie en Centrafrique ou au Mali n’a rien à voir avec ce qu’y a fait la France. Alors que nous mobilisons notre armée pour combattre les terroristes et que l’Agence française de développement investit des centaines de millions d’euros, les mercenaires du groupe Wagner servent de garde prétorienne à un pouvoir déliquescent et se payent sur l’exploitation des richesses de ces malheureux pays, sans aucune retombée pour les populations.
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, qu’allons-nous faire maintenant ?
Tirer les leçons du passé, voilà qui est nécessaire. Faire les bons choix pour l’avenir est sans doute plus important encore.
Il nous paraît en effet important de prendre du recul. La précipitation risque de nous replonger dans les mêmes difficultés, les mêmes pièges fatals à Barkhane. Ce qui doit guider nos choix, c’est bien une nouvelle idée du rôle que la France peut jouer dans la région, voire dans l’Afrique tout entière. C’est non d’un simple replâtrage que nous avons besoin, mais d’une réflexion sur une nouvelle stratégie de la France en Afrique – sinon, cela ne marchera pas !
Ainsi, ce redéploiement dont on parle ne doit pas ressembler à une simple translation de Barkhane au Niger. Certes, le Tchad est loin à l’est et le Burkina Faso sort d’un coup d’État, donc nos options sont limitées.
Toutefois, n’y a-t-il pas un immense risque que tout se passe au Niger comme cela vient de se passer au Mali ? Les campagnes d’opinion anti-françaises y ont déjà commencé ! Je rappelle que le président nigérien Bazoum a essuyé une tentative de coup d’État deux jours seulement avant son investiture… Si vous ne vous assurez pas d’avoir le soutien sans faille de ce pays et des pays où vous positionnerez notre armée, vous leur ferez peut-être un cadeau empoisonné.
Il faudra aussi assurer la sécurité de nos militaires pendant cette phase de transfert. Nous le savons, c’est une opération très complexe, à haut risque, qui doit être planifiée avec le plus grand soin. Or la junte malienne nous met sous pression. Il faut qu’elle sache que nous prendrons le temps d’assurer la sécurité de nos soldats. (Mme la ministre des armées acquiesce.)
Par ailleurs, vous envisagez pour la suite un déploiement d’implantations plus petites, moins visibles, un soutien à géométrie variable à base de formation ou de conseillers militaires, peut-être même d’interventions « à la demande ». Là encore, réfléchissons bien, car, même si ce n’est évidemment pas votre intention, cela pourrait fortement ressembler à un interventionnisme que nous avons souhaité abandonner il y a quelques années déjà dans nos relations avec le continent. Il faudra donc bien expliquer les choses.
En outre, une telle stratégie permettrait-elle de concentrer des moyens suffisants pour être efficaces face aux groupes terroristes ? Rien n’est moins certain en raison des distances, donc des opérations dont la nature va changer.
Enfin, qu’en sera-t-il du soutien de nos alliés dans cette nouvelle configuration, après la fin de Takuba ? Avez-vous déjà obtenu des assurances des uns ou des autres ? Madame la ministre des armées, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, vous nous le direz dans vos réponses.
Au-delà de l’action de la France et de ses partenaires, nous avons des interrogations sur les intentions et sur les capacités des acteurs de la région. Le G5 Sahel peut-il se relever des récents coups d’État ? Les armées locales seront-elles toujours soutenues par la communauté internationale ? Qu’en sera-t-il par exemple de l’EUTM, organisme de formation financé par plusieurs pays, notamment européens, si important pour que les armées africaines soient à la hauteur ?
Par ailleurs, le président algérien a déclaré il y a quelques jours que la relation franco-algérienne « prenait une nouvelle tournure ». Monsieur le ministre, allez-vous saisir cette occasion d’impliquer davantage l’Algérie dans la stabilisation de la région ?
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, vous le voyez, nos interrogations, nos doutes, disons-le, sont encore nombreux. Nous souhaitons que le Parlement soit informé régulièrement et de manière transparente sur l’évolution de notre dispositif.
Je rappelle que, entre l’autorisation du Sénat en 2013 et le débat sur Barkhane que nous avons obtenu il y a un an, huit années se sont écoulées sans que le Parlement débatte spécifiquement de ce sujet ! Il faut mettre à votre honneur d’avoir organisé deux débats, monsieur le Premier ministre. Souhaitons que cette tendance se poursuive, car les débats avec le Parlement sont importants.
C’est là une condition du contrôle démocratique et, plus largement, du soutien de l’ensemble de nos compatriotes à notre stratégie de lutte contre le terrorisme.
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, c’est un combat nouveau qui commence, mobilisant un engagement sans faille de nos armées, mais aussi une agilité plus forte de l’aide au développement. Vous le savez, nous le savons tous, c’est à ce prix que la France retrouvera son influence et contribuera efficacement à son combat pour la paix. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP. – Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a clairement expliqué le Premier ministre, de profonds bouleversements politiques et sécuritaires en Afrique de l’Ouest, au Sahel, tout particulièrement au Mali, ont conduit le Président de la République à prendre la décision d’engager une nouvelle étape de la transformation de l’opération Barkhane.
Avant de répondre à vos questions, j’aimerais me joindre à vos pensées et rendre hommage aux cinquante-neuf militaires morts au Sahel depuis le début de l’opération Serval en 2013. Je veux aussi rendre hommage à ceux qui ont été blessés, dans leur chair et dans leur esprit, en combattant farouchement le terrorisme. Leurs sacrifices, de même que l’engagement tout aussi exemplaire des 125 000 soldats français qui se sont succédé au Mali année après année, n’ont pas été vains.
Nos militaires ont fait un travail extraordinaire. Ils se sont relayés au Mali pendant neuf ans, depuis 2013, pour lutter contre le terrorisme. Sans leur professionnalisme, sans leur détermination et leur ardeur au combat, le Mali aurait peut-être connu le destin qui fut celui de l’Irak et de la Syrie à partir de 2014, lorsque, au fil de ses conquêtes territoriales, Daech bâtissait un sanctuaire du terrorisme islamiste.
Aujourd’hui, le Mali n’est pas un sanctuaire terroriste. La situation depuis 2013 a en effet beaucoup évolué, à commencer par la situation politique, car le pays est désormais dirigé par une junte militaire qui a rompu tous ses engagements. La conséquence directe des choix effectués par cette junte, c’est que les conditions de notre engagement ne sont plus réunies. Nous avons donc pris la décision, en pleine concertation avec nos partenaires européens et sahéliens, j’y insiste, de quitter le Mali.
Cette décision acte un état de fait : nous ne pouvons pas continuer un combat militaire aux côtés d’une junte qui a clairement signifié sa volonté de rupture avec ses partenaires régionaux, en particulier la Cédéao, et européens, notamment la France.
Nous quittons donc le Mali, mais nous disons les choses franchement : nous aurions pu y rester plus longtemps, si les circonstances avaient été différentes.
Il faut bien comprendre que les seuls bénéficiaires de ces turpitudes politiques, ce sont les groupes terroristes ! Nous en avons conscience et c’est pourquoi nous allons continuer de lutter contre le terrorisme dans la région, mais avec des moyens plus légers, plus agiles. Nous allons continuer cette lutte avec nos partenaires européens et africains dans le cadre d’une stratégie collective adaptée aux évolutions de la menace.
Nous prendrons évidemment en compte le fait que le terrorisme s’étend de façon dangereuse vers l’Afrique de l’Ouest. Nous allons en conséquence intensifier notre coopération de défense avec les pays du golfe de Guinée.
Je vais maintenant répondre à quelques-unes des questions que vous avez posées au cours de ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs. Je vous prie de bien vouloir m’excuser, car je ne serai pas exhaustive, mais je suis sûre que le ministre de l’Europe et des affaires étrangères complétera mon propos.
Pourquoi partons-nous du Mali ?
Pour répondre à cette question, il faut naturellement se souvenir des raisons pour lesquelles nous y sommes allés. C’est à la demande des États de la région que les armées françaises sont présentes au Sahel depuis 2013. Pendant neuf ans, l’État malien, de même que ses voisins, a réclamé, soutenu et favorisé la présence militaire française sur son sol pour lutter contre le terrorisme.
Au cours de ces neuf années, la méthode a certes évolué, mais les résultats ont toujours été là, parce que nos militaires ont été à la hauteur, mais aussi parce que le gouvernement malien rendait leurs missions possibles. Ces missions étaient doubles : affaiblir les groupes terroristes et accompagner la montée en puissance des forces armées maliennes.
Or, depuis quelques mois, les autorités maliennes, ou plutôt la junte, ont fait le choix de la rupture diplomatique et de la provocation politique. Dans ces conditions, nous ne sommes plus en mesure de conduire nos missions de façon satisfaisante.
En ne respectant pas le calendrier électoral et en faisant appel aux mercenaires de Wagner, la junte a fait le choix d’un modèle et de valeurs qui ne sont pas les nôtres. En expulsant du Mali les représentants de la Cédéao, en renvoyant les forces spéciales danoises, en expulsant l’ambassadeur de France et en insultant publiquement les membres du gouvernement français, elle a rejeté notre appui et a choisi l’isolement.
Aujourd’hui, cette junte entrave l’action de nos forces sur le terrain. Les conditions politiques et opérationnelles ne sont donc plus réunies pour rester. C’est une question de cohérence.
Non, nous ne quittons pas le Mali à cause du développement d’un sentiment anti-français, contrairement à ce que certains d’entre vous ont dit.
J’ajoute que ce phénomène est tout de même difficilement mesurable, d’autant moins qu’il est déformé par la loupe des réseaux sociaux, dont les analyses elles-mêmes ne sont pas épargnées par les phénomènes de manipulation. Nos compétiteurs ont en effet tout intérêt à donner l’impression que ce sentiment est désormais présent partout.
Je peux vous dire que, partout où l’opération Barkhane a été déployée, elle a toujours été bien accueillie par les populations locales avec lesquelles nos militaires entretiennent des liens quotidiens. En conséquence, si nous partons, c’est uniquement à cause de la rupture du cadre politique imposée par la junte malienne.
Ce départ est-il un constat d’échec ?
En neuf ans, nous avons neutralisé les principaux chefs des groupes terroristes, nous avons désorganisé leur structure, nous avons détruit leur ancrage territorial, nous les avons obligés à fuir et à se cacher. Où en serait le Mali aujourd’hui, ainsi que les pays de la région, si nous n’avions pas fait ce travail ?
S’il y a échec, c’est celui de la junte, qui n’a pas la volonté politique de mener avec détermination la lutte contre les groupes armés terroristes et qui n’a pas obtenu de résultats d’un point de vue politique. Souvenez-vous-en : il n’y a eu aucune avancée à la suite de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali.
Je l’ai dit, nos objectifs étaient militaires. Il s’agissait de contrer les groupes terroristes, notamment l’action de leurs chefs. Le Premier ministre a détaillé les succès que nous avions remportés tant contre les chefs d’Al-Qaïda que contre ceux de Daech.
Notre autre objectif était la formation des armées sahéliennes. Nous avons formé des milliers de militaires sahéliens. Nous les avons entraînés, nous les avons accompagnés sur le terrain et nous avons combattu à leurs côtés.
En 2013, les forces armées maliennes étaient très peu formées, très mal entraînées, sous-équipées et insuffisamment encadrées. L’armée de terre comprenait 7 000 hommes dotés d’équipements obsolètes ; l’armée de l’air 1 000 hommes et des moyens aériens inadaptés.
Désormais, l’armée malienne est forte de 40 000 hommes, que nous avons grandement contribué à former, à entraîner et à équiper. Aujourd’hui, cette armée est bien plus forte et elle a montré sur le terrain qu’elle était capable de faire face aux groupes armés terroristes, ce qui est une très grande réussite.
Vous le savez, rien n’est définitivement acquis, mais nous avons placé les groupes terroristes à portée des armes maliennes. Il appartiendra au Mali d’entretenir cela.
Enfin, nous avons permis le retour de l’État malien à certains endroits. Je ne détaillerai pas ce point, sur lequel le ministre de l’Europe et des affaires étrangères reviendra. Nous avons en outre revu fondamentalement notre aide au développement.
Alors ce n’est pas parce que l’on se quitte en mauvais termes qu’il n’y a rien à retenir des actions menées. Que ceux qui osent parler d’échec examinent les résultats de l’opération Barkhane ! Qu’ils considèrent l’état du Mali en 2013 et qu’ils m’expliquent comment nous aurions dû faire pour atteindre une victoire totale !
Nombreux sont les commentateurs qui expliquent ce que nous aurions dû faire. Pour ma part, je vous redirai très simplement ce que nous avons fait.
Nous avons redonné espoir à une population qui vit sous la terreur terroriste. Nous avons traité directement et avec courage une menace très dangereuse et nous assumons aujourd’hui nos actes et notre décision. Nous ne pouvons pas rester au Mali, alors nous partons. La France, notamment les soldats français, a littéralement empêché la formation d’un sanctuaire terroriste au Mali.
Bien sûr, il faut s’adapter à l’évolution de la menace. Une opération militaire n’est pas une décision gravée dans le marbre. Serval, Barkhane : ces deux opérations ont sans cesse été adaptées à la menace terroriste, laquelle se propage et descend vers le sud. Nous répondons à cette évolution.
Dans le domaine militaire, l’idée est de se réarticuler pour prendre en compte cette nouvelle géographie de la menace. Nous réduisons par ailleurs notre empreinte et privilégions une présence plus diffuse, plus intégrée avec les forces armées avec lesquelles nous coopérons.
La force Takuba va elle aussi évoluer, mais son esprit va perdurer. C’est d’ailleurs ce que nos partenaires européens souhaitent. Si certains ici ont pu considérer que Takuba était finalement peu de chose, je leur rappelle que ce que nous avons réussi à faire en deux ans, c’est ce que l’on attendait de l’Europe de la défense depuis cinquante ans.
Nous avons monté une coalition européenne avec dix États militairement capables et politiquement volontaires ; une coalition entre Européens, avec des soldats d’élite européens, qui sont allés au combat contre des groupes terroristes. Quant aux résultats de Takuba, ils sont significatifs et ont largement dépassé les attentes initiales.
Dès lors, peut-on dire de Takuba qu’elle serait une « illusion » ? Je ne suggère pas d’utiliser cette expression, par égard pour ceux qui ont mené l’opération ayant permis la neutralisation d’une trentaine de djihadistes entre le 1er et le 6 février dans le Liptako malien. Cette opération a été menée par les forces spéciales de Takuba et les forces armées maliennes qu’elles accompagnent.
Je pense non seulement que la force Takuba a atteint son objectif opérationnel, mais également que son départ du Mali ne signera pas sa fin. D’ailleurs, le 17 février, le président Bazoum s’est dit prêt à accueillir un dispositif européen comparable sur le territoire nigérien, car il estime que les capacités des forces spéciales européennes permettent de répondre à la menace des groupes armés terroristes. J’en suis, pour ma part, la première convaincue. Des échanges auront donc lieu ces prochains jours avec nos partenaires à ce sujet.
Autre question : la lutte contre le terrorisme s’arrête-t-elle aujourd’hui ? La réponse à cette question – il n’y a pas de grand suspens – est évidemment non ! Nous allons poursuivre avec nos partenaires africains et nos alliés européens notre engagement. Je l’ai dit, c’est la forme de notre présence qui évolue, parce qu’elle dépend de la volonté des États de la région, parce qu’elle s’adapte à la réalité de la menace. Nos opérations continuent donc.
Wagner est-il la cause de notre départ ? Je l’ai déjà dit, la réponse est : non ! La cause, c’est la rupture provoquée par la junte malienne. Wagner est le symptôme de la volonté de la junte de se maintenir au pouvoir à tout prix et de s’isoler de la communauté internationale. Ce sont ces choix-là qui nous posent problème.
Je ne sais pas s’il est utile de rappeler quel est le « modèle » de Wagner, puisque ce groupe s’est déjà déployé dans un certain nombre de pays. Ce que l’on peut dire, c’est que c’est un système fondé sur la violence, sur les exactions à l’égard des populations et sur la prédation des ressources des États. Ce système, loin de diversifier les partenariats du Mali, va conduire ce pays à s’isoler.
Pour terminer, je répondrai à une question que beaucoup ont posée cet après-midi sur Barkhane : les éventuels contacts avec Wagner, d’une part, les conditions du désengagement au Mali, d’autre part.
Nous prenons toutes les mesures pour assurer la sécurisation de ce désengagement. Nous nous préparons évidemment au pire. La mission des militaires est d’ailleurs de toujours se préparer au pire. Nous continuons de suivre activement le déploiement de Wagner sur le terrain et nous travaillons aux conditions de notre désengagement. Nous nous tenons prêts à réagir avec la plus grande fermeté en cas de menace sur la force Barkhane. Je veux être très claire devant vous : nous ne tolérerons aucune provocation et aucune entrave durant notre redéploiement.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
Mme Florence Parly, ministre. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de céder la parole au ministre de l’Europe et des affaires étrangères, permettez-moi, alors que le Parlement s’apprête à suspendre ses travaux, de vous remercier pour la qualité des débats que nous avons ici, au Sénat, au cours des cinq dernières années, que ce soit lors de l’examen, puis de l’adoption de la loi de programmation militaire, lors des débats de contrôle en séance publique ou bien encore lors de nos échanges en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La défense nationale, la protection des Français sont autant d’enjeux qui dépassent largement les clivages partisans, autant d’enjeux aussi qui nous rassemblent tous.
Monsieur le président Cambon, j’ai pleinement conscience que l’information transparente et régulière des parlementaires participe à la compréhension de l’action du Gouvernement par l’ensemble des Français. Nous nous tiendrons naturellement à votre disposition, comme nous l’avons toujours fait, pour continuer de vous rendre compte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure ce débat, je commencerai par me réjouir de la qualité des interventions des orateurs, de leur rigueur et de l’absence de polémique, s’agissant d’un enjeu considérable pour nous-mêmes et pour les pays d’Afrique.
Je poursuivrai en vous faisant part de mon émotion personnelle. J’étais ministre de la défense, lorsque le président Hollande a pris la décision – courageuse, je crois – d’engager les forces françaises au Mali. J’ai présidé aux obsèques du chef de bataillon Damien Boiteux, premier tombé, dès le premier jour de l’intervention Serval. Je me souviens avoir inauguré dans les jardins de la résidence de l’ambassade de France à Bamako la stèle sur laquelle ont été inscrits au fil du temps les noms des cinquante-neuf morts pour la France, pour le Mali et pour notre sécurité.
J’avoue ressentir à la fois de la tristesse et de la colère, lorsque je constate que les autorités qui se sont imposées par la force au Mali n’éprouvent pas de reconnaissance pour ces actions, pour notre soutien, ou lorsque j’entends nos propres forces être traitées de « forces d’occupation », voire de « mercenaires » par ceux dont les prédécesseurs ont appelé la France au secours à un moment particulièrement dramatique. La présence française a permis d’éviter que le Mali ne devienne un État djihadiste.
Voilà ce que je tenais à vous dire, au moment précis où nous avons pris une décision de réarticulation de nos dispositifs, qui passe par l’abandon de nos positions initiales au Mali.
Je ne reviendrai pas sur toutes les interventions, seulement sur quelques points qui m’apparaissent utiles pour contribuer à éclairer la situation.
Monsieur Retailleau, permettez-moi de revenir sur le calendrier, dans lequel il est toujours un peu difficile de se retrouver. Le surge, c’est au sommet de Pau, en janvier 2020 ; le sursaut civil, c’est à N’Djamena, en février 2021. Il s’agit de deux étapes différentes. La décision de réduction a été prise en juin 2021 et la décision de reconfiguration vient d’être prise.
Au-delà des aspects militaires et des questions d’adaptation, sur lesquels je reviendrai dans un instant, il y a un sujet dont on ne parle plus jamais, alors qu’il me paraît essentiel : si échec il y a, c’est celui de l’accord d’Alger.
Monsieur Gontard, il existe une solution politique : c’est l’accord d’Alger, qui a été signé en 2015 par l’ensemble des acteurs. Cet accord, obtenu après des négociations menées par la diplomatie algérienne, validé par le Conseil de sécurité des Nations unies et soutenu par l’Union africaine, prévoyait la réintégration des groupes armés signataires dans les forces maliennes, une décentralisation, une mise en valeur des capacités du nord du pays. Une solution politique est donc sur la table !
Nous devons nous interroger : comment se fait-il que l’accord d’Alger, solution politique intervenue peu après le début de l’opération Serval, soit resté lettre morte ? Certains ont intenté un procès tout à l’heure, mais les responsabilités sont peut-être à chercher du côté de ceux qui n’ont pas voulu mettre en œuvre cet accord. La question demeure.
Si la situation est celle que nous connaissons aujourd’hui, c’est bien parce qu’il n’y a pas eu de volonté de mettre en œuvre l’accord d’Alger. J’ajoute pour répondre à une remarque du président Cambon : je ne crois pas qu’il y ait eu de refus de la diplomatie algérienne ; il me semble plutôt que l’inertie a été telle que tout le monde a abandonné !
J’ai régulièrement participé à des réunions au cours desquelles il était question de mettre en œuvre cet accord, mais rien ne se faisait réellement. Je pense que la cause de l’échec – on n’en parle pas assez – est bien là. Reste à en identifier les responsables. Je le dis, les anciens responsables politiques maliens – pas la junte, dont j’ai dit tout ce que je pensais – portent une lourde responsabilité à cet égard. Il faut appeler les choses par leur nom !
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Todeschini, je ne suis pas sûr que nous soyons tous conscients aujourd’hui de la diffusion du terrorisme sur une grande partie du continent africain.
Nous ne sommes plus dans la situation de 2013, lorsqu’une opération djihadiste fondait sur Konna, Mopti et Bamako. Aujourd’hui, on assiste à une dissémination du terrorisme non seulement au Mali et dans la zone des trois frontières, mais aussi, au-delà, dans le golfe de Guinée – plusieurs d’entre vous l’ont évoqué –, au Nigéria, au Tchad, en Somalie ou tout récemment au Mozambique. Et cette dissémination est le fait de plusieurs groupes : Al-Qaïda, Daech, Boko Haram, les Shebab, etc.
L’inquiétude sur la sécurité s’étend désormais au continent africain. C’est sans doute l’enjeu le plus important.
M. Todeschini a dit que, bien que nous soyons intervenus au Mali, nous n’avons pas vaincu le terrorisme. Le problème, c’est que cette question devient un enjeu africain.
M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce n’est pas une critique, monsieur le sénateur ! Vous, vous vous êtes montré un peu critique ; moi, pas du tout.
Je veux que nous prenions conscience de ce phénomène, qui est sans doute la préoccupation majeure des responsables africains aujourd’hui. Cette question a d’ailleurs été au centre de la dernière assemblée générale de l’Union africaine il y a quinze jours, au cours de laquelle le président du Sénégal, Macky Sall, a été élu président de l’organisation. Cette question est également majeure pour notre avenir à nous, Européens, au même titre que les risques en provenance du Moyen-Orient.
Monsieur Richard, il est vrai que nous devons faire des efforts en termes de contre-offensive dans le domaine de l’information. Si le terrorisme pénètre partout, certaines manipulations sont le fait d’États, et pas seulement de la Russie, et nécessitent un partenariat nouveau avec les Africains. J’y reviendrai.
Il est vrai, comme l’a dit M. Retailleau, qu’il est difficile d’agir dans un État quasi failli. C’est un constat ! C’est bien dans les interstices, dans les failles des États affaiblis et non structurés, que se développe le terrorisme. C’est une raison supplémentaire d’accompagner les pays africains dans l’affirmation de leur démocratie, en particulier grâce à des partenariats avec l’Union européenne.
Mme la ministre des armées y a fait référence, mais je le rappelle à mon tour, notre position au Sahel, à la fois militaire et civile, n’a cessé d’évoluer.
Nous sommes passés d’un engagement proche d’une substitution à l’armée malienne – c’était au début de l’opération Barkhane – à un partenariat avec cette armée, puis à un engagement étendu : à l’ensemble du Sahel, dans une logique de soutien à la force conjointe du G5 Sahel, puis à d’autres pays voisins ; à nos partenaires européens et internationaux – mise en place de la Minusma, de la mission EUTM Mali et de la force Takuba. Nous avons donc toujours été dans le mouvement.
J’ajoute que notre action a été régulièrement soutenue – certains semblent ne pas l’avoir relevé – par des résolutions des Nations unies. La question de la Minusma a toujours fait l’objet d’un débat annuel au Conseil de sécurité – le prochain aura lieu à la fin du mois de mai prochain.
Cette mutation et cette agilité d’adaptation se traduisent aussi dans le domaine civil.
Il a été fait état d’insuffisances de développement. Je rappelle que, parallèlement à la mise en œuvre de l’opération Barkhane, après Serval, nous avons lancé l’Alliance Sahel, avec les Allemands. L’Alliance Sahel réunit vingt-cinq États : les cinq pays africains du Sahel et vingt partenaires extérieurs, dont l’Allemagne, la France et plusieurs pays européens. Elle est présidée par l’Espagne. Depuis son lancement, elle a mobilisé 22 milliards d’euros pour l’ensemble de la zone. Grâce à elle, près de 6 millions de Sahéliens disposent désormais d’eau potable, 600 000 foyers ont accédé à l’électricité, et quelque 2 300 magistrats ont été formés.
Parallèlement à l’action militaire, nous avons mobilisé nos partenaires, européens en particulier, pour que l’Alliance Sahel devienne une réalité. L’Agence française de développement (AFD) y a contribué de manière significative, avec d’autres : ce n’est pas uniquement une affaire française.
Il importe surtout, lorsque des territoires sont libérés de la présence terroriste, d’accompagner immédiatement le retour de l’État. Si on ne le fait pas, on laisse la porte ouverte au retour d’autres terroristes. Vous avez bien noté que Daech et Al-Qaïda sont en conflit entre eux et que cette conflictualité contribue en elle-même à la diffusion du terrorisme.
M. Retailleau soulevait la question de la présence de l’État. Le retour de l’État dans les territoires libérés est essentiel : retour de l’école, retour du dispensaire, de la sous-préfecture, là où il y en a… (M. le président de la commission des affaires étrangères acquiesce.)
L’évolution du terrorisme dans les cinq pays concernés montre bien que c’est là où l’État est revenu que la sérénité et la paix ont progressé. C’est le cas de la Mauritanie, soumise voilà quelques années encore au terrorisme. C’est le cas du Niger, dont le président, M. Bazoum, avait pour préoccupation principale de faire en sorte qu’aussitôt après le retrait des forces terroristes, l’État reprenne sa place.
Nous sommes donc dans une logique de transformation permanente de notre action. C’est pourquoi le Président de la République a souhaité, en partenariat avec les Européens et en concertation avec nos partenaires africains, réarticuler notre dispositif civil comme militaire. Nous travaillons actuellement à la redéfinition de ce dispositif.
Mme la ministre des armées a évoqué une partie de cette adaptation, dans le domaine militaire, pour alléger notre présence sur le terrain et mieux l’intégrer aux forces des États qui le demanderont. À cet égard, Takuba a joué un rôle de laboratoire ; son esprit souffle toujours, monsieur le président Cambon. J’ai eu l’honneur de participer tout à l’heure au conseil des ministres allemand, sous la présidence du Chancelier, pour y évoquer les questions dont nous parlons. J’y ai senti l’attention des Allemands à la nécessité de continuer à viser ces objectifs de sécurité. Nous devons donc poursuivre notre sensibilisation à l’idée que notre partenariat avec l’Afrique sur le plan militaire est une composante de notre propre sécurité.
Nous allons aussi ajuster notre dispositif civil, en développant une approche préventive partout où ce sera possible. L’objectif est d’empêcher les régions les plus vulnérables de basculer, dans tous les secteurs, et tout particulièrement dans les pays qui bordent le Golfe par le nord : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo et Bénin. Ces pays sont demandeurs d’un partenariat avec les Européens pour leur stabilisation, vu la montée des périls et des menaces qu’ils observent dans l’ensemble de la région.
Nous faisons tout cela dans le cadre de la coalition internationale pour le Sahel, car il y en a une, comme il y a une coalition internationale contre Daech. Les soixante partenaires qui la composent sont essentiellement européens, mais elle compte aussi parmi ses membres des organisations internationales. Elle va continuer son travail pour faire face aux enjeux que pose la montée en puissance du terrorisme dans cette partie de l’Afrique.
Le président des affaires étrangères, avec d’autres, a insisté sur la nécessité de refonder notre relation avec le continent africain. Cela me paraît indispensable. C’est précisément ce qu’a initié le Président de la République lors du sixième sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine, qui s’est déroulé en fin de semaine dernière à Bruxelles ; nous y avons acté une alliance nouvelle avec le continent africain. L’Union européenne s’y est affirmée comme premier partenaire du continent et les Africains sont prêts à se mobiliser pour une nouvelle donne de la relation entre l’Afrique et l’Europe qui permette à l’Afrique de rebondir après la pandémie et intègre les enjeux de souveraineté sanitaire et vaccinale de l’Afrique.
La mobilisation des droits de tirage spéciaux (DTS) pour l’Afrique, qu’évoquait M. Laurent, est actée depuis ce sommet, à hauteur de 100 milliards de dollars ; c’est une initiative française, du Président de la République. (M. le Premier ministre le confirme.)
Nous devons donc continuer à investir dans les infrastructures, pour une transition énergétique juste, et dans le développement d’ensembles agroécologiques reconnus et respectés. Un des grands enjeux pour le Sahel, monsieur Gontard, sera de faire en sorte que ce qu’on appelle la muraille verte soit effectivement mis en œuvre par l’ensemble des acteurs. Je suis heureux que l’ancien président Issoufou soit considéré comme le leader de cette opération, comme cela sera annoncé lors d’un forum que nous organisons dans dix jours à Montpellier.
C’est donc une nouvelle donne qui commence avec l’Afrique, ainsi que dans nos relations avec le Sahel, et avec le Mali.
Je termine par une observation personnelle. À mon sens, dans cette nouvelle donne, nous ne devons pas abandonner la population malienne et les forces vives de la société civile malienne à la junte. Je veux profiter de cette tribune pour lancer à cette population, pour laquelle je me suis mobilisé pendant dix ans, un message de soutien et d’amitié. Des liens très forts, tissés par l’Histoire et par les diasporas en France, nous unissent à la population malienne. Ces liens, nous ne les oublierons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Cadic. Bravo !
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement relative à l’engagement de la France au Sahel.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social, présentée par M. Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues (proposition n° 337, résultat des travaux de la commission n° 506, rapport n° 505).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui part d’un constat que nous pouvons dresser sur toutes les travées de cet hémicycle : depuis plusieurs décennies, nous avons pris l’habitude de vivre dans une société où le chômage de masse est non plus une exception, mais – hélas ! – la règle.
Pourtant, nous le savons, le chômage est un poison lent, qui mine nos sociétés et fait peser un risque toujours plus grand sur notre modèle social, tout en favorisant – nous le voyons encore aujourd’hui – le populisme sur le plan politique, autre menace pour notre démocratie.
La reprise économique qui fait suite à deux ans de crise pandémique permet au Gouvernement de se réjouir des bons chiffres du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT). S’il convient en effet de nous féliciter qu’actuellement, une partie des Français trouvent du travail plus facilement, même si c’est souvent en contrat à durée déterminée (CDD) ou en intérim, l’heure n’est pas aux réjouissances, contrairement à ce que pourraient laisser penser les déclarations de plusieurs ministres : avec 5 659 000 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi au quatrième trimestre 2021, toutes catégories confondues – A, B et C –, le chômage leste d’un poids trop important notre société.
Comment nous réjouir quand nous connaissons déjà les terribles effets de la réforme de l’assurance chômage ? Cette réforme, monsieur le secrétaire d’État, est celle du Gouvernement auquel vous appartenez. Ses effets sont déplorables sur les plus précaires et sur ceux qu’elle a fait basculer dans la précarité. (M. le secrétaire d’État le conteste.)
Certes, des mesures d’accompagnement à l’intention de la population sans emploi ou en contrat précaire existent. Elles sont nécessaires. Nous avions d’ailleurs proposé à plusieurs reprises, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, de les étendre, avec le revenu minimum jeunesse. Nous nous sommes malheureusement heurtés au mur de la majorité sénatoriale, mais aussi à l’opposition du Gouvernement. Pour rejeter notre proposition, vous n’aviez qu’une chose à nous opposer : l’insertion par l’emploi ; en d’autres termes, « changer de trottoir ». Comme si l’un excluait l’autre ! Ce n’est pas le cas. Nous le prouvons aujourd’hui avec cette proposition de loi, audacieuse, qui suscitera un débat, mais qui mérite d’être étudiée avec attention.
Nous nous attaquons ici au chômage de longue durée, synonyme d’exclusion sociale pour les personnes qui y sont confrontées et de perte de richesse pour la société. Est considérée comme chômeur de longue durée toute personne n’ayant pas exercé d’activité durant un an. En 2020, les chômeurs de longue durée représentaient près de 40 % des demandeurs d’emploi en France. Le phénomène n’est donc pas marginal, et il n’est plus acceptable.
Redonner aux chômeurs de longue durée la possibilité d’avoir accès à un emploi est une priorité, afin de leur éviter d’atteindre un point de non-retour qui les condamne souvent à un déclassement social irrémédiable. Avec cette proposition de loi, nous voulons rendre effectif le droit d’obtenir un emploi, qui est inscrit dans notre Constitution. Nous proposons que l’État puisse le garantir pour les chômeurs de longue durée qui le souhaitent.
Avec les deux laboratoires d’idées que sont Hémisphère Gauche et l’Institut Rousseau, que je salue ici, nous sommes partis d’un constat : la pénurie d’emplois résulte non pas d’un manque de travail, mais de l’organisation du marché du travail. Parmi les victimes de cette pénurie, certains se retrouvent durablement éloignés de l’emploi, avec la précarité sociale, psychologique et sanitaire que cela comporte. Le phénomène se reproduit de génération en génération.
Nous pensons que le rôle de l’État, en concertation avec les territoires et les élus locaux, est de corriger une telle injustice et de tout mettre en œuvre pour que la relégation d’une partie de la population ne soit jamais une fatalité, un invariant, un problème insoluble.
Nous proposons donc à chaque personne au chômage depuis plus d’un an et qui en fait la demande, une offre d’emploi à temps choisi, payée au SMIC horaire. Ces emplois donneront les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’un CDI classique. L’objectif est de fournir un emploi à toutes les personnes durablement exclues du marché du travail. Si le dispositif se fonde sur l’émancipation par le travail, il n’impose rien. Cela permettra d’éviter à une partie de la population de s’enliser dans la trappe à pauvreté qu’est le chômage de longue durée, et augmentera les possibilités pour les personnes concernées de rebondir ensuite vers un emploi mieux rémunéré.
Monsieur le secrétaire d’État, si vous étiez cohérent avec vos propositions vous devriez soutenir ce dispositif d’insertion par l’emploi.
Oui, pour répondre à la potentielle demande, il nous faudrait créer un million d’emplois ! Je vois déjà venir le procès en utopie. Mais, je le souligne, créer ce million d’emplois aurait un coût inférieur à celui des politiques qui sont actuellement menées pour lutter contre le chômage.
Je souhaite saluer le travail du rapporteur, Jean-Luc Fichet. Mon groupe reprendra les amendements qu’il avait déposés. Ceux-ci, s’ils n’ont malheureusement pas été adoptés en commission, améliorent sensiblement le texte sur plusieurs points.
Pour atteindre notre objectif, nous rendons possible une montée en charge des dispositifs existants de contrats aidés, dans les secteurs marchand et non marchand, et nous développons l’insertion par l’activité économique.
Nous avons également souhaité nous appuyer sur la fameuse expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), un dispositif juste, porté notamment par l’ancien député Grandguillaume. Cette expérimentation a fait ses preuves et est reconnue par tous les acteurs sur le territoire. Plutôt que de la généraliser de manière anticipée à travers un dispositif pérenne, nous souhaitons supprimer le plafond d’extension à soixante territoires, afin de permettre à tous les projets partenariaux et territoriaux existants, s’ils respectent le cahier des charges de l’association, d’intégrer le dispositif. Nous proposons également de simplifier l’habilitation de nouveaux territoires, en la rendant possible par la prise d’un simple arrêté préfectoral : un amendement en ce sens sera présenté. La question de la formation sera aussi prise en compte dans l’expérimentation.
Parce que nous pensons que l’État et les collectivités doivent s’engager dans une démarche innovante, permettant d’adapter réellement l’emploi à la transition écologique, nous avons orienté notre texte vers un déploiement d’emplois dits verts. Pour embarquer tous les citoyens dans la dynamique de transition écologique et faciliter son acceptation sociale, l’État doit pouvoir offrir aux Français des perspectives nouvelles, notamment en faveur des personnes les plus éloignées de l’emploi.
Nous considérons que cette approche inclusive et solidaire est le préalable à toute transition écologique d’envergure. À l’heure actuelle, les éco-activités, qui produisent des biens ou services ayant pour finalité la protection de l’environnement ou la gestion des ressources, mobilisent à peine 1,8 % de l’emploi en France. C’est bien trop peu. Elles concernent l’agriculture biologique, la protection de la nature, des paysages, de la biodiversité, le recyclage, la récupération des eaux, la recherche, le développement ou encore l’ingénierie des énergies renouvelables. Autant de nouvelles compétences, mes chers collègues, qui vont se déployer dans les prochaines années, et c’est tant mieux. À nous de les encourager ! Déjà, un certain nombre d’emplois peuvent être rapidement créés localement, en fonction de besoins identifiés dans chaque bassin de vie.
J’évoquais les procès en utopie qui, comme toujours, ne manqueront pas de fleurir. Quand on propose un dispositif novateur, on se heurte souvent au mur du conservatisme. J’affirme donc ici que le financement de cette garantie à l’emploi ne poserait aucun problème. À terme, ce dispositif permettra même d’économiser de l’argent public. L’organisation non gouvernementale (ONG) ATD Quart Monde a estimé en 2015 les coûts du chômage d’exclusion, c’est-à-dire le chômage de longue durée, à 36 milliards d’euros par an pour la puissance publique. Amorcer le financement de ce million d’emplois verts coûterait moins de la moitié de cette somme, à comparer également aux 137 milliards d’euros de profits enregistrés par les groupes du CAC 40 en 2021…
En supprimant la flat tax, que vous avez créée, en instaurant un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, en annulant la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production prévue par le plan de relance, et qui représente 10 % de son coût, et en augmentant le taux de la taxe les transactions financières, nous nous donnons les moyens d’enclencher cette dynamique vertueuse. À terme, cette garantie à l’emploi sera financée par la puissance publique, notamment à travers l’activation des dépenses liées au chômage, c’est-à-dire par la transformation en salaires des allocations et des aides sociales que perçoivent les chômeurs.
C’est le meilleur moyen de lutter contre le prétendu « assistanat », concept qui revient si souvent dans la bouche de certains de nos collègues ici présents.
Le bilan des politiques de lutte contre le chômage menées depuis quarante ans est décevant. Celles-ci n’ont pas permis d’éradiquer le chômage de longue durée. Avec cette proposition audacieuse, sociétale, vertueuse, offrons la possibilité de sortir d’une telle ornière !
Mes chers collègues, je vous invite à ne pas laisser passer l’occasion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la création d’une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée vise à donner une portée concrète au droit d’obtenir un emploi proclamé par le préambule de la Constitution de 1946.
Rendre effectif ce droit nécessite non seulement de créer des emplois, mais aussi d’aller à la rencontre des personnes qui en sont privées, de les accompagner vers et dans l’emploi et d’assurer leur formation professionnelle.
La privation d’emploi ne se réduit pas à la catégorie administrative des demandeurs d’emploi de longue durée, qui rassemble 2,6 millions de personnes selon l’Insee. Elle concerne aussi de nombreuses personnes, découragées ou invisibles, qui n’apparaissent pas dans les chiffres du chômage. L’ampleur du phénomène, sa persistance et ses conséquences sur notre cohésion sociale justifient que tout soit mis en œuvre pour l’éradiquer.
À cette fin, la proposition de loi déposée par Patrick Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) mobilise plusieurs outils existants, relevant de l’économie sociale et solidaire, qui ont vocation à jouer un rôle complémentaire.
Premièrement, les contrats aidés concernent les personnes connaissant des difficultés d’accès à l’emploi, mais pouvant être orientées directement vers un milieu ordinaire de travail. L’employeur reçoit alors une aide à l’insertion professionnelle, pendant une durée limitée. Unifiés depuis 2010 dans le contrat unique d’insertion, ils prennent la forme du contrat d’accompagnement dans l’emploi dans le secteur non marchand et du contrat initiative emploi dans le secteur marchand. Ces contrats ont plus souvent été utilisés comme outil conjoncturel de réduction du chômage que comme véritable solution à l’appui des politiques d’insertion.
Afin de donner à ces contrats toute leur place dans la mise en œuvre et de la garantie à l’emploi et d’éviter l’alternance de mesures de freinage et de relance, qui compromet leur mobilisation rapide en période de crise, l’article 3 de la proposition de loi fixe à compter de 2023 un nombre minimum de 200 000 contrats aidés dans le secteur non marchand ; l’article 4 prévoit un minimum de 50 000 contrats aidés dans le secteur marchand.
Deuxièmement, l’insertion par l’activité économique (IAE) vise à faciliter l’insertion professionnelle de personnes éloignées de l’emploi, pendant une durée limitée en principe à vingt-quatre mois, au moyen de modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement au sein de structures spécialisées, les structures d’insertion pour l’activité économique (SIAE). L’IAE est devenue un instrument central des politiques de l’emploi, mais les ambitions quantitatives affichées par le Gouvernement, atteindre 240 000 postes dans l’ensemble des SIAE à la fin du quinquennat, restent encore très largement théoriques.
Afin de soutenir le développement du secteur, l’article 2 impose à compter de 2023 un minimum de 100 000 contrats au sein des entreprises d’insertion.
Troisièmement, l’expérimentation TZCLD constitue, dans les territoires concernés, la solution du dernier ressort, la voiture-balai de la garantie à l’emploi. Initiée en 2016, elle permet à des personnes privées durablement d’emploi d’être embauchées en CDI à temps choisi au sein d’entreprises à but d’emploi (EBE). En postulant que personne n’est inemployable et en visant l’exhaustivité, elle apparaît aujourd’hui comme la nouvelle frontière du développement des politiques de lutte contre le chômage d’exclusion.
L’article 1er, prenant acte du succès de cette expérimentation, vise à la pérenniser sans attendre 2026 et à accélérer son expansion. Le nombre de territoires participants serait quintuplé tous les deux ans, dans la limite des collectivités territoriales volontaires et du nombre de territoires encore non couverts. Sa cible serait également élargie aux personnes âgées de moins de 25 ans privées durablement d’emploi depuis six mois et domiciliées depuis au moins trois mois dans l’un des territoires participants.
Nous avons cependant entendu les réserves des acteurs de l’expérimentation, avec lesquels nous avons eu des échanges approfondis. Pour respecter le caractère de projet expérimental et la démarche du territoire, qui sont au cœur du dispositif TZCLD, il serait opportun de remplacer ces dispositions par une suppression du plafond actuel de soixante territoires, auquel il ne peut être dérogé que par un décret en Conseil d’État. Ainsi, tous les projets émergents remplissant les conditions du cahier des charges pourraient être admis dans l’expérimentation sans plus attendre, par arrêté du ministre chargé de l’emploi.
La proposition de loi vise également à orienter cet investissement en faveur de l’inclusion de chômeurs de longue durée vers des activités contribuant à la lutte contre la crise environnementale. Cette orientation n’apparaît pas contradictoire avec l’IAE, qui a depuis longtemps investi des activités liées au développement durable, comme la gestion des déchets. De même, dans les TZCLD, la transition écologique représente 38 % des activités des EBE.
Afin de systématiser une telle approche, l’article 3 prévoit que les aides au titre d’un contrat unique d’insertion ou d’un contrat initiative emploi ne peuvent être accordées que si le contrat porte sur des activités ayant pour finalité la protection de l’environnement ou la gestion des ressources.
Concernant les contrats aidés, dans le secteur marchand, l’article 4 conditionne l’aide au poste à l’atteinte par l’employeur de la neutralité carbone ou à son engagement dans la décarbonation de ses activités. Je considère que cette orientation est souhaitable si elle reste souple et ne conduit pas à limiter le développement de ces contrats.
Je veux le rappeler, l’expérimentation TZCLD et, plus généralement, la garantie à l’emploi portent en elles-mêmes la source de leur propre financement. En effet, le chômage de longue durée représente pour la collectivité un coût de plus de 30 milliards d’euros par an au titre des seules allocations chômage, sans compter ses conséquences en matière de consommation, de dépenses sociales et de recettes fiscales et sociales.
Par conséquent, lutter contre ce fléau qu’est la privation d’emploi, c’est dégager à terme des économies substantielles.
Pour autant, parallèlement au dispositif ambitieux qu’elle prévoit, et dans le souci d’en assurer le financement, la proposition de loi contient un projet de réforme fiscale de grande ampleur, à même d’entraîner un surcroît de recettes fiscales de 10 milliards à 11 milliards d’euros.
Les quatre piliers sur lesquels repose la réforme contribueraient en outre à la résorption des inégalités économiques et sociales, dont la croissance constitue, en période de sortie de crise plus encore que jamais, un obstacle fondamental à la convergence de toutes les énergies et de la cohésion nationale.
La première de ces réformes consiste en l’annulation d’une partie des mesures de baisse des impôts de production intervenues en 2021. Si de telles dispositions se sont révélées utiles pendant la crise sanitaire, il n’est pas juste que toutes les entreprises, même celles qui dégagent des profits importants tout en contribuant au réchauffement climatique, en aient bénéficié.
L’article 5, qui prévoit leur annulation, permettrait donc d’associer les entreprises au financement de la solidarité nationale à hauteur de 7 milliards d’euros, ce qui se justifie tout particulièrement à l’heure où la croissance atteint des niveaux sans précédent.
La deuxième réforme concerne l’imposition des grandes fortunes. En la matière, l’article 6 prévoit le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sous la forme d’un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital.
Pour mémoire, le Gouvernement a supprimé l’ISF en 2018. Il lui a substitué l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui repose sur les seuls biens immobiliers, afin d’inciter à l’acquisition de titres de capital d’entreprises françaises plutôt qu’à la rente immobilière. Au terme de mes auditions, il est apparu qu’aucune étude ne permettait pour l’heure d’affirmer que l’objectif avait été atteint. Bien au contraire ! À ce jour, une seule chose est certaine : la suppression de l’ISF a largement profité aux plus riches.
L’article 7 prévoit en outre de supprimer le prélèvement forfaitaire unique (PFU), créé en 2018 et devenu l’option par défaut pour l’imposition des revenus du capital.
Enfin, dernière réforme fiscale, et non des moindres, l’instauration d’une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières, prévue à l’article 8, pourrait permettre de produire des recettes supplémentaires, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros.
Il s’agirait là d’une juste contribution des marchés financiers au financement de la lutte contre le chômage de longue durée. C’est d’autant plus légitime que la bonne santé de ces marchés ne s’est jamais démentie depuis le début de la crise sanitaire.
Face à l’urgence sociale et à la crise environnementale, nous devons parvenir à articuler les enjeux du droit à l’emploi, de la transition écologique et de la justice fiscale sans les opposer.
La commission des affaires sociales n’a pas adopté la proposition de loi. Je le regrette. À titre personnel, je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain présente aujourd’hui sa proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.
Le Gouvernement partage évidemment le diagnostic sur la nécessité de donner à chacun, sans exception, la possibilité d’accéder à un emploi pour trouver sa place dans la société. Un tel objectif fait d’ailleurs partie de ceux qui doivent nous rassembler assez largement au sein de cet hémicycle.
Monsieur Kanner, j’ai bien compris que vous jugiez notre bilan en matière d’emploi insuffisant. Permettez-moi néanmoins de souligner quelques éléments.
L’émancipation par le travail a été, du premier au dernier jour du quinquennat, au cœur de nos préoccupations et des réformes que nous avons mises en œuvre.
Je serai clair : si je partage votre diagnostic, le Gouvernement et moi-même sommes en désaccord avec votre proposition, qui pourrait, selon moi, plutôt fragiliser la situation de l’emploi, en déstabilisant les acteurs et en détricotant des réformes majeures.
Nous souscrivons donc à l’objectif de votre texte, mais nous n’approuvons pas les moyens de l’atteindre.
Tout d’abord, la pérennisation et l’extension progressive à tout le territoire de l’expérimentation TZCLD nous semblent prématurées.
Monsieur le rapporteur, vous avez défendu avec vigueur cette expérimentation, dont, encore une fois, nous sommes convaincus de l’intérêt. Nous l’avons nous-mêmes soutenue, tout comme d’ailleurs une large part de l’hémicycle.
Il convient de nous en tenir au texte en vigueur et de ne pas aller plus vite que la musique. La loi du 14 décembre 2020 est tout de même relativement récente. Elle comporte des éléments d’extension à cinquante nouveaux territoires tandis que neuf territoires ont déjà été habilités depuis son entrée en vigueur. Avançons donc progressivement.
Par ailleurs, l’expérimentation nécessite à chaque fois de construire un nouveau dispositif et de vérifier localement ses conséquences et ses performances.
Notre action s’inscrit donc dans l’esprit que vous souhaitez, mais la montée en charge de l’expérimentation ne doit pas se faire au pas de course – j’allais dire au pas de charge – ni au détriment de la qualité des parcours, des personnes et des projets de territoire.
Cette assemblée connaît bien les territoires. Elle sait le temps qu’il est parfois nécessaire de prendre pour que de telles expérimentations se traduisent en réussite.
Ensuite, la création de 100 000 contrats supplémentaires relevant de l’IAE d’ici à 2023 est un objectif louable. Mais vous semblez ignorer les efforts qui ont déjà été engagés.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit ainsi de développer le nombre de parcours d’insertion, alors que cette démarche est déjà au cœur de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Dans le cadre de cette stratégie, plus de 100 000 nouveaux bénéficiaires devaient être accueillis dans l’insertion par l’activité économique entre 2018 et 2022 et orientés vers les métiers en tension.
Pour atteindre cet objectif malgré la crise, nous avons fortement soutenu le secteur, si bien que la moitié du chemin a déjà été parcourue, avec 55 000 personnes supplémentaires accompagnées en 2021 par rapport à 2017.
Prenons l’exemple du département du Nord, qui nous rassemble, monsieur Kanner. Nous nous sommes, l’un et l’autre, rendus plusieurs fois chez Vitamine T, l’un des leaders français de l’insertion par l’activité économique. Or ce groupe a déjà fait évoluer cette réalité : il compte aujourd’hui 3 349 salariés en parcours d’insertion.
Je donne cet exemple, car il est très vivant dans mon département et ma région, mais également car il est connu d’un certain nombre de sénateurs qui, peut-être, ont aussi ce type de références dans leur territoire.
Si l’on élargit à présent légèrement le spectre à l’action de ma collègue Brigitte Klinkert, chargée de l’insertion, 400 millions d’euros ont été alloués aux structures d’insertion par l’activité économique pour les aider, d’une part à surmonter la crise sanitaire et, d’autre part, à se moderniser et se positionner sur des secteurs porteurs, comme le bâtiment et les travaux publics (BTP), sur les métiers du numérique, les hôtels, cafés et restaurants, mais encore les métiers de transition écologique que vous avez évoqués.
Des initiatives sont d’ores et déjà lancées pour continuer de sécuriser cet objectif de 100 000 bénéficiaires supplémentaires en 2022.
Les dispositifs que nous mettons en place permettent déjà d’atteindre votre objectif, puisque, à une exception près, liée à la crise sanitaire, le nombre mensuel de personnes en parcours en IAE n’est jamais tombé sous la barre des 100 000 depuis 2017. Votre objectif est donc déjà atteint.
Enfin, le recours aux contrats aidés ne nous semble pas être le levier le plus approprié pour développer les emplois verts dans les secteurs public et privé.
J’ai bien noté, monsieur le rapporteur, les objectifs intéressants que vise la proposition de loi en la matière. Ils sont également les nôtres.
Pour le coup, vous risquez de faire une synthèse. Mais peut-être essayez-vous de faire du « en même temps » sur ce sujet… (M. le rapporteur sourit.) En ce qui nous concerne, nos objectifs sont très clairs.
Par les articles 3 et 4, vous souhaitez adapter l’emploi à la transition écologique en créant 200 000 contrats aidés d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) au sein de l’économie sociale et solidaire, dans les collectivités et les associations, ainsi que 50 000 contrats aidés dans le secteur marchand.
Considérer ces aides comme de simples subventions encourageant à la mise en œuvre de la transition écologique serait très clairement, à mon avis, une forme de dévoiement des contrats aidés.
Nous en avons d’ailleurs déjà discuté avec certains d’entre vous, lorsque nous avons nous-mêmes transformé un certain nombre de dispositifs de contrats aidés. Les collectivités locales et territoriales s’étaient inquiétées, à l’époque, de la question des ressources.
À plusieurs reprises, nous avons aussi échangé sur l’importance de l’accompagnement et sur la nécessité d’orienter vers des métiers d’avenir, d’où notre choix de l’ensemble des métiers en tension.
Mieux vaut ne pas courir plusieurs lièvres à la fois. Cela nuirait à l’activité des acteurs engagés dans l’insertion des plus éloignés de l’emploi.
En réalité, nous pensons qu’il est possible, sans confondre les outils, de mener de front les deux combats : insertion des publics éloignés de l’emploi et réussite de la transition écologique. C’est là, monsieur le rapporteur, que réside peut-être notre divergence.
Certains employeurs ont d’ailleurs déjà recours aux contrats aidés quand ils souhaitent développer leur engagement en matière écologique. D’autres utilisent des outils différents, comme le service civique. Que dire au maire de mon territoire qui a recruté une personne en service civique pour ce type d’activité ? Ne serait-il plus concerné ? Devrait-il se tourner vers un autre type de contrat ?
Mme Corinne Féret. Cela n’a rien à voir !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Ces dispositifs doivent conserver leur lisibilité.
Pour adapter les emplois aux nouvelles compétences, rendues nécessaires, il est vrai, par la transition écologique notamment, nous avons par ailleurs mis en place des outils plus adéquats.
Pour rappel, le Gouvernement a engagé près de 15 milliards d’euros au titre du plan d’investissement dans les compétences (PIC), afin d’accompagner les demandeurs d’emploi.
Par ailleurs, le plan de réduction des tensions de recrutement est doté d’une enveloppe très significative de 1,4 milliard d’euros. Il doit soutenir en particulier le développement des formations associées à une promesse d’embauche dans les secteurs en tension.
Ce plan porte d’ailleurs une attention particulière aux demandeurs d’emploi de longue durée. À cet égard, je sens dans votre expression, monsieur le rapporteur, la volonté de leur proposer une solution. Mais c’est précisément l’objectif de ce plan ! (Mme Monique Lubin s’exclame.)
De plus, dans une forme de « en même temps », nous accompagnons ces derniers non seulement par une aide de 8 000 euros versée aux entreprises qui les recrutent, mais aussi par une aide directe de 1 000 euros, versée aux demandeurs d’emploi de longue durée qui se forment aux métiers en tension, une manière de récompenser leur engagement pour le travail.
Enfin, la commande publique et privée me semble être un levier de transformation plus efficace que les aides au poste. J’ai eu l’occasion d’en débattre avec certains d’entre vous, notamment lors de campagnes électorales précédentes, dans le cadre des nouvelles obligations de clauses sociales et environnementales imposées par la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience ». En la matière, les collectivités locales, territoriales et régionales ont un rôle à jouer ; vous en conviendrez.
Votre titre II n’est ni plus ni moins qu’un détricotage des mesures que nous avons mises en place jusqu’à présent ; sans doute ne vous conviennent-elles pas.
Dans ces conditions, vous le comprendrez, le Gouvernement appelle à ne pas adopter la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
6
Communication d’avis sur des projets de nominations
Mme la présidente. Conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 13 et à celles de l’article 56 de la Constitution, la commission des lois a fait connaître qu’elle a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable à la nomination de M. François Séners – vingt voix pour, une voix contre – et un avis défavorable à celle de Mme Jacqueline Gourault – douze voix pour, seize voix contre – aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, elle a émis un avis favorable – vingt-huit voix pour, une voix contre – à la reconduction de M. Julien Boucher aux fonctions de directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
7
Garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée
Suite de la discussion et rejet d’une proposition de loi
Mme le président. La séance est reprise.
Nous reprenons l’examen de la proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.
Discussion générale (suite)
Mme le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à réduire le nombre de chômeurs de longue durée en investissant dans les emplois de la filière écologique et du lien social.
Au quatrième trimestre 2021, le nombre de chômeurs était évalué en France à 2,2 millions de personnes, dont environ 700 000 sans emploi depuis au moins un an, auxquels il faut ajouter 2 millions de chômeurs sans emploi ne rentrant pas dans les critères de Pôle emploi.
Le texte s’appuie sur les travaux des associations, notamment ceux de l’organisation non gouvernementale ATD Quart Monde, que je remercie, sur le coût du chômage de masse pour la société.
Il est légitime de s’interroger sur le coût pour la société du fait qu’il y ait 4 millions de personnes sans emploi. Ce coût est loin de se limiter à la prise en charge de l’indemnisation chômage. Le chômage de masse se traduit également par une perte de création de richesse, une perte de rentrées de cotisations sociales pour la sécurité sociale, une baisse de la consommation et des dommages psychosociaux pour des familles entières.
Lorsque ma collègue Cathy Apourceau-Poly a rencontré les anciens salariés de Bridgestone, toujours à la recherche d’une solution, elle a ressenti combien la perte d’emploi représentait pour eux un coût non seulement financier, mais aussi, et surtout, humain.
Je tiens à le rappeler, contrairement à ce que croit le Président de la République, pour qui il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi, dans la vraie vie, ce n’est pas aussi simple. La perte d’un emploi est aussi la perte des relations sociales, la perte de mise en pratique de ses talents.
La proposition de loi apporte un discours positif, et non de culpabilisation des chômeurs, en permettant à chaque personne au chômage depuis plus d’un an de bénéficier d’un emploi dans le secteur social et de la reconstruction écologique.
Le texte propose une refonte de la fiscalité, par le rétablissement des impôts de production, l’instauration d’un impôt de solidarité sur la fortune sous la forme d’un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, la suppression de la flat tax et l’augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières. Voilà une série de mesures que nous soutenons, pour les avoir défendues à chaque discussion budgétaire.
Nous ne pouvons que regretter que cette réforme de justice sociale n’ait pas été entreprise entre 2012 et 2017.
Devant les défis des nouvelles technologies et de la révolution informationnelle, il nous paraît indispensable de proposer des perspectives durables, avec un accompagnement et une formation des privés d’emploi.
Contre la précarité de l’emploi, il est nécessaire d’apporter des solutions qui ne se limitent pas au recrutement de 200 000 CDD.
Tel est le sens de notre proposition de sécurité de l’emploi et de la formation, associée à un plan de recrutement public, à une augmentation générale des salaires de 30 % dans la fonction publique et à l’augmentation du SMIC à 1 500 euros.
Il faut également accorder des droits nouveaux aux salariés dans les entreprises, abroger un certain nombre de lois, notamment les lois El Khomri et les ordonnances Macron, et revenir sur la réforme de l’assurance chômage.
Nous regrettons donc – nous l’avons dit en commission – que cette proposition de loi n’aille pas suffisamment loin. Pour l’ensemble de ces raisons, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’abstiendront sur ce texte.
Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de saluer la clarté du rapport de M. Jean-Luc Fichet, et de remercier le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d’avoir inscrit à notre ordre du jour cette proposition de loi visant à créer une garantie d’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans les activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.
Le texte a certes le mérite de proposer un projet de société, de s’engager pour la lutte contre le chômage, d’y apporter des réponses et de rappeler à cet hémicycle que le chômage de masse sur plusieurs générations mine la société de l’intérieur et qu’à force de s’inscrire dans le paysage français, il a fini par rendre l’élite du pays apathique, découragée, voire, pis, a conduit à ce que l’on s’y habitue et que l’on se réjouisse d’un taux à 8 %.
Le plan de lutte contre le chômage de longue durée est décliné de manière exhaustive dans la proposition de loi. Il est détaillé financièrement, avec une précision et un sens de l’équilibre qui font de cette proposition de loi un texte aux allures de projet de loi, voire de programme présidentiel. D’ailleurs, la commission des finances aurait pu être sollicitée pour l’examiner.
Vouloir garantir un emploi aux chômeurs de longue durée est une intention louable. Comment s’y opposer ? On le peut d’autant moins que le droit à l’emploi serait – je dis « serait », car nombre de juristes estiment qu’il y a eu, à la Libération, une confusion entre les termes « droit à l’emploi » et « droit au travail » – un principe constitutionnel.
Une autre intention louable est d’aller chercher la main-d’œuvre là où elle fait défaut. Nous savons que les besoins sont nombreux.
D’après l’Insee, la moitié des agriculteurs en activité partiront à la retraite d’ici à 2030. Dans le secteur des transports routiers, entre 40 000 et 50 000 emplois sont non pourvus. Les besoins pourraient atteindre 100 000 postes dans les cinq années à venir.
Les armateurs nous alertent sur le manque d’officiers et de marins. Sur ce point, le dispositif proposé ne semble pas apporter de véritable solution.
Selon un rapport de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), on comptait en 2020, parmi les trente métiers les plus en tension dans le marché du travail, les ingénieurs du bâtiment et des travaux publics, mais aussi les charpentiers, les couvreurs, les plombiers, les métalliers ou encore les chaudronniers. La présente proposition de loi y pourvoira-t-elle ? Le métier de couvreur sera-t-il considéré comme une activité utile à la reconstruction écologique si l’entreprise n’est pas qualifiée ou ne se spécialise pas, par exemple, dans le recouvrage du toit à la chaux ?
Par conséquent, voici la principale opposition à cette proposition de loi.
Vous élaborez un plan financier complexe, par l’instauration notamment d’un nouvel impôt dit de solidarité sociale et climatique sur le capital. Pourquoi pas ? Vous accélérez des expérimentations sur le terrain, modifiant la nature et le rythme de celles-ci.
Mais vous alourdissez aussi le budget de l’État de 7 milliards d’euros par la diminution de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et l’abaissement de la contribution économique territoriale (CET) pour financer une orientation vers les activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social. C’est une orientation, certes, louable, mais arbitraire ; certains diront idéologique !
C’est ce que rappelle M. Jean-Luc Fichet dans son rapport, lorsqu’il estime que certaines entreprises pourraient être exclues de la liste des entreprises socialement et écologiquement responsables, alors qu’elles opèrent dans des secteurs tout de même stratégiques – vous en conviendrez – pour l’économie française ou qu’elles sont créatrices d’emplois ou de forte valeur ajoutée.
Par cette proposition de loi, vous avez voulu introduire une hiérarchie des activités, entre secteurs essentiels et non essentiels, hissant ainsi la protection de l’environnement et les métiers du lien social devant toute autre activité.
Un flou demeure d’ailleurs sur la définition de ce que vous appelez « activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social ». Je me demande si l’activité des cafetiers et restaurateurs en fait partie. Dans la négative, les restaurateurs devront, comme à Narbonne – souvenez-vous ! –, prendre leurs propres initiatives et augmenter par exemple les salaires de 30 % pour attirer la main-d’œuvre, la préserver et faire face aux pénuries.
Une telle hiérarchisation et contestable. Pourquoi ne pas proposer une proposition de loi garantissant un emploi aux chômeurs de longue durée pour des activités utiles à la culture, à l’éducation, au développement du sens civique et citoyen ?
Quoi qu’il en soit, une autre question se pose : comment peut-on présenter un texte visant à orienter vers les métiers de demain comme la reconstruction écologique sans évoquer une seule fois la question de la formation ?
Vous avez préféré recourir à la création d’un nouvel impôt qui, comme votre proposition de loi, doit être acceptable parce qu’il contient dans son intitulé une référence à la solidarité sociale et au climat.
Il est vrai que les expérimentations ou les dispositifs existants comme l’insertion par l’activité économique ou les contrats aidés peuvent être améliorés ou faire l’objet de réflexions.
Vous me permettrez néanmoins de ne pas entrer plus avant dans le détail des mesures financières de cette proposition de loi quand le groupe Union Centriste, que je représente aujourd’hui, n’en partage pas la philosophie générale.
Aussi notre groupe ne votera-t-il pas ce texte.
Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2021 a connu une baisse importante du chômage.
Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a ainsi reculé de 12,6 %, ce qui représente 480 000 chômeurs de moins.
Il semblerait également que, après avoir atteint un pic au premier trimestre 2021, le chômage de longue durée ait entamé une légère décrue en fin d’année. Il représente toutefois encore 49,6 % du total des demandeurs d’emploi.
Par ailleurs, si l’on regarde les chiffres de plus près, le nombre de chômeurs inscrits depuis au moins deux ans a augmenté. Les personnes les plus éloignées de l’emploi sont les premières frappées par les crises et souvent les dernières à bénéficier de la reprise.
Derrière ces chiffres égrenés régulièrement, n’oublions pas qu’il y a des personnes détruites par des carrières brisées ou par des fractures de vie ; elles ont perdu leur confiance en elles et, parfois, leur dignité.
Nous connaissons les conséquences humaines et sanitaires de l’absence d’emploi. De plus en plus d’associations, d’organisations syndicales et de professionnels de santé nous alertent sur le traumatisme que constitue le chômage et sur ses effets délétères sur la santé physique et psychique.
Comme le rappelait un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), perdre son emploi en France, où la population se distingue par un véritable investissement dans la valeur travail, qui vient parfois supplanter d’autres dimensions de la vie, c’est perdre son identité sociale, voire sa valeur sociale.
Coupables d’avoir perdu leur emploi, les personnes finissent par s’isoler socialement. Le traumatisme du chômage se traduit également par une surmortalité, par une détérioration de la santé physique et mentale et par des conduites addictives plus fréquentes.
Quand le chômage dure plusieurs années, il fait naître chez beaucoup un sentiment d’exclusion, un traumatisme que les psychiatres assimilent à une période de deuil.
Dans ces conditions, nul doute que la lutte contre le chômage de longue durée doit être une priorité. C’est l’objet de la proposition de loi présentée par groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui vise à mobiliser plusieurs dispositifs d’insertion professionnelle.
Nous souscrivons pleinement à l’objectif de nos collègues. Personne ne doit en effet s’accommoder d’un taux de chômage récurrent.
Pour autant, penser un tel combat sous le seul prisme des emplois aidés risque de nous faire passer à côté du défi majeur que notre pays doit relever.
Les emplois aidés sont malheureusement bien souvent des contrats précaires. Ils constituent malheureusement aussi une aubaine pour certains employeurs. Dans le secteur marchand, seulement 25 % des contrats aidés débouchent ensuite sur un emploi.
Nous regrettons en outre que la proposition de loi ne comporte pas de volet formation, pilier pourtant indispensable.
Le Premier ministre a annoncé au mois de septembre dernier sa volonté de former 1,4 million de demandeurs d’emploi en 2022. Pour éviter que la reprise ne laisse au bord de la route les publics vulnérables, Pôle emploi devrait déployer le parcours de remobilisation expérimenté depuis quelques mois, qui doit permettre aux chômeurs sans activité depuis deux ans ou plus de retrouver un emploi ou une formation dans une période de six mois.
Enfin, la pérennisation du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) qui est proposée semble prématurée. La loi du 14 décembre 2020 a prévu une évaluation de l’expérimentation, afin qu’elle puisse être prolongée, élargie ou pérennisée.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE s’abstiendra majoritairement sur la présente proposition de loi.
Mme le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Monique Lubin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans l’un de ses articles, Alain Supiot dénonce le « renversement qui consiste à traiter le travail non pas comme la cause, mais comme un effet de la richesse ». Avec la proposition de loi présentée aujourd’hui, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat s’oppose à un tel renversement.
Nous rappelons que le travail est cause de richesse. Il l’est avant tout par ce qu’il permet de produire directement des biens et des services. En ce sens, c’est un bienfait dispensé par le travailleur. Il l’est également parce que toute personne qui travaille et qui bénéficie pour ce faire d’un droit dédié et protecteur est en mesure de contribuer à la vie de la société et à la qualité du tissu social dans les meilleures conditions.
A contrario, le chômage de masse est, à plusieurs titres, profondément délétère. Il a d’abord des coûts psychosociaux et en matière de santé publique. Il leste les finances publiques en affaiblissant les recettes de l’assurance sociale et en nécessitant, par exemple, la mise en place de politiques d’accompagnement.
Même, voire surtout, dans des périodes comme celle que nous traversons, où les chiffres de l’emploi sont meilleurs, nous nous devons d’être vigilants et d’impulser des politiques exigeantes au profit des personnes encore enlisées dans le chômage de longue durée.
Derrière ces données sympathiques se cachent en effet certaines vérités qui ne sont pas toutes bonnes à dire. Nous constatons en effet une amélioration de la situation de l’emploi, mais il y a encore 5,6 millions de personnes inscrites au chômage. Il faut savoir également que les radiations contribuent à la statistique optimiste mise en avant par le Gouvernement, puisqu’elles représentent 9,4 % des sorties des listes de Pôle emploi. Or leur nombre a bondi de 45 % depuis un an ! Il faut se poser la question du rôle que joue la réforme de l’assurance chômage dans un tel accroissement !
Nous avons un devoir de volontarisme pour ceux qui alimentent encore les chiffres du chômage et pour ceux qui sont sortis des radars. Il n’y a pas de personne inemployable ; il y a seulement des compétences mal identifiées et mal valorisées.
La présente proposition de loi, déposée par notre président de groupe Patrick Kanner, a donc pour objectif de lutter contre le phénomène en créant une garantie à l’emploi pour les personnes qui en ont été privées durablement.
Nous partons d’un constat : le besoin en travail est inépuisable, mais les travailleurs se heurtent à une structuration du marché du travail défaillante.
Je me permets d’ailleurs de réfuter ici une idée reçue : non, les entreprises ne pâtissent pas massivement d’une situation dans laquelle les postes seraient non pourvus ni d’une pénurie de main-d’œuvre ! Pôle emploi a, en effet, publié le 10 février dernier une étude soulignant qu’en 2021, sur les 3,1 millions d’offres qui y étaient déposées et clôturées, seuls 6 % des recrutements s’étaient soldés par un abandon faute de candidats.
Selon le préambule de la Constitution de 1946, chacun a le « devoir de travailler » et le « droit d’obtenir un emploi ». C’est pour tendre vers cet objectif que nous avons déposé la présente proposition de loi.
Pour ce faire, nous nous appuyons sur trois piliers : la montée en puissance de l’expérimentation TZCLD ; le développement de l’IAE ; le développement des contrats aidés. On ne présente plus ces dispositifs et expérimentations. Le choix est cependant trop souvent fait en France, dans le cadre des politiques publiques, de ne pas les consolider ni de les conforter une fois installés et ayant fait leurs preuves. Au contraire, les pouvoirs publics choisissent plutôt de passer à l’expérimentation ou au dispositif suivant. Il faut aller plus loin.
Avec TZCLD et l’insertion par l’activité économique, notamment, nous avons les éléments d’une politique à destination des chômeurs de longue durée sur lesquels il faut faire fond. Ils comportent en effet une dimension « formation » des plus précieuses, qu’elle soit formalisée en tant que telle ou expérientielle.
Par ailleurs, si un amendement bienvenu du rapporteur tend à remplacer la « conditionnalité verte » pour les contrats d’accompagnement dans l’emploi par une approche essentiellement incitative, il n’en reste pas moins que la présente proposition de loi témoigne de notre souci de protection de l’environnement. C’est vers cela qu’il faut tendre.
Il en va de même pour le troisième amendement du rapporteur, relatif aux contrats initiative emploi (CIE) ; il est proposé de limiter la conditionnalité de neutralité carbone aux entreprises de plus de 250 salariés.
Dans le cadre du développement de l’économie sociale et solidaire que nous soutenons en appuyant le travail du tissu associatif, des coopératives et de toutes les entreprises concernées, nous prônons le verdissement de tous les emplois susceptibles de connaître une telle évolution.
Notre approche est bien une approche systémique. C’est pour cela qu’elle repose sur trois piliers différents.
C’est également la raison pour laquelle nous reprenons avec plaisir l’observation qui nous a été faite en commission, selon laquelle notre proposition de loi participerait de la politique générale, avec un volet de politique sociale et un volet de politique fiscale.
C’est très exactement cela. Face à l’ampleur des enjeux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous contenter de politiques à courte vue et sans ambition.
L’intérêt de notre démarche est par ailleurs de s’appuyer sur des expérimentations et des manières de procéder nécessitant un travail sur le temps long, impliquant les acteurs locaux, qui ont pris le temps de bien connaître leur territoire et de développer une vision le concernant.
Ces acteurs ne sont pas uniquement investis dans une démarche volontariste. Ils doivent également faire la démonstration de l’existence d’un projet pour le territoire et les populations concernées. Nous affirmons en effet, au diapason du secteur associatif et des parties prenantes, que, loin des logiques descendantes, c’est bien par la coconstruction pensée et menée à l’échelon local avec des modalités partout différentes que nous sommes susceptibles de trouver les moyens de faire face aux défis qui sont les nôtres aujourd’hui.
Je termine en remerciant notre rapporteur, Jean-Luc Fichet, et notre président de groupe, Patrick Kanner, du travail fourni sur la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays connaît un problème structurel de chômage de longue durée depuis quarante ans. En 2020, selon l’OCDE, les chômeurs de longue durée représentaient 36,7 % des demandeurs d’emploi en France. Un taux en chute de 8 points depuis 2017, preuve d’une politique de l’insertion efficace et volontaire.
Pour autant, et bien que la reprise économique se confirme, beaucoup d’entreprises peinent à recruter dans de nombreux secteurs, souvent en manque de main-d’œuvre avant la crise.
Comme vous, monsieur Kanner, j’affirme qu’il n’y a ni fatalité au chômage en France ni impuissance des politiques économiques. C’est l’esprit de la proposition de loi que vous avez déposée et que nous examinons aujourd’hui.
Composé de huit articles, le texte vise à garantir des emplois pour les chômeurs de longue durée dans les activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social de notre pays. Il a trois objets principaux : pérenniser l’expérimentation TZCLD ; définir un objectif de 100 000 contrats supplémentaires relevant de l’insertion par l’activité économique (IAE) d’ici à 2023 ; instituer 200 000 emplois aidés CUI-CAE ciblés sur les éco-activités.
Pour le financement, le texte s’appuie sur l’annulation de la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production, la mise en place d’un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, la suppression du prélèvement forfaitaire unique introduit en 2018 et l’augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières. Je me dois de rappeler ici que la forte baisse du chômage est en partie liée à la visibilité fiscale retrouvée par les entreprises ces cinq dernières années.
Non, le chômage n’est pas une fatalité ! J’en veux pour preuve la baisse du taux de chômage à laquelle notre majorité a contribué, lui permettant d’atteindre les 7,4 % au quatrième trimestre 2021, son plus bas niveau depuis 2008.
Et ce n’est pas tout : Emmanuel Macron a fait de l’insertion par le travail un des piliers de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Une volonté définie dans le pacte d’ambition pour l’IAE, dont l’un des objectifs était d’augmenter de 25 % le nombre de postes dans ce secteur d’ici à 2022, offrant une chance à 100 000 salariés supplémentaires.
Par ailleurs, pour répondre aux tensions de recrutement, le Gouvernement a lancé voilà cinq mois un plan ambitieux de 1,4 milliard d’euros, avec un volet inédit dédié à la formation de ce public.
Dans une logique d’« aller vers », Pôle emploi a ainsi recontacté tous les chômeurs de longue durée fin 2021, et les « packs de remobilisation » seront déployés partout d’ici au mois de juin. De plus, le plan prévoit de mobiliser 240 millions d’euros pour étendre les aides à l’embauche de 8 000 euros dans le cadre des contrats de professionnalisation, aujourd’hui réservés aux jeunes. Quelque 100 000 d’entre eux ont ainsi retrouvé un emploi entre octobre 2021 et novembre 2021. Les dispositifs en vigueur sont efficaces.
L’expérimentation TZCLD a elle aussi prouvé son efficacité. Aussi, nous avons déjà voté, dans cette assemblée, son renforcement. Souvenez-vous, c’était il y a un an : la loi de décembre 2020 a élargi le dispositif à cinquante nouveaux territoires en plus des dix initiaux. La durée de l’expérimentation a été étendue à cinq ans et son financement est assuré par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, dont le rôle est étendu également.
Parce que les dispositifs mis en place par le Gouvernement répondent déjà aux objectifs de ce texte, parce que nous sommes en désaccord avec le financement que vous proposez, parce que le coût de celui-ci n’est pas soutenable et parce que nous avons prouvé qu’on pouvait faire beaucoup mieux avec moins, notre groupe votera contre cette proposition de loi. (M. Joël Guerriau applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les chiffres du chômage sont au plus bas depuis quinze ans. Fin 2021, la population active comptait 7,4 % de chômeurs, chiffre légèrement supérieur à la moyenne de la zone euro, située à 7 %. La dynamique actuellement observée dessine un chemin favorable.
Pour aller plus loin, la proposition de loi que nous examinons vise à lutter contre le chômage de longue durée en instaurant une garantie d’emploi grâce à des centaines de milliers d’emplois subventionnés par l’État et financés par une réforme fiscale consistant à rétablir l’ISF et à annuler l’allégement de 10 milliards d’euros des impôts de production.
Ces moyens apparaissent en réel décalage avec la situation actuelle. Nous savons que le chômage touche principalement les moins diplômés, les moins qualifiés, les personnes en situation de handicap ou ayant des problèmes de santé, les jeunes et les seniors. Nous savons également que les difficultés d’accès au logement et à la mobilité sont parfois des freins qui éloignent les demandeurs d’emploi du marché du travail. Nous savons enfin que nombre de chefs d’entreprise connaissent des problèmes de recrutement.
Nous pouvons réduire les distorsions entre marché du travail et compétences des demandeurs d’emploi avec la formation et l’accompagnement vers l’insertion. Formation des jeunes, avec l’apprentissage, dont nous connaissons les excellents résultats, mais également avec les nouvelles mesures lancées par le Gouvernement. Je pense ainsi au contrat d’engagement jeune, qui s’inscrit dans la continuité du plan « 1 jeune, 1 solution », mis en place au mois de juillet 2020, qu’il faudra bien sûr évaluer.
Il apparaît également essentiel de renforcer le taux d’encadrement des demandeurs d’emploi par les conseillers du service public de l’emploi. La création de 1 400 nouveaux postes en 2022 va dans le bon sens. Mais nous devons aller plus loin : il existe de fortes disparités entre les territoires, certaines agences comptant un conseiller pour 350 demandeurs d’emploi. Si nous voulons mettre toutes les chances de leur côté, il faudrait augmenter ce taux de moitié.
Nous devons aussi renforcer la concertation avec les partenaires sociaux, proposer des solutions personnalisées aux problèmes de logement, de santé, de mobilité, de maîtrise de la langue française et parfois d’addictions. Une constellation de dispositifs de soutien existe. Ainsi, il serait utile de réaliser une cartographie de ces aides de l’État et des collectivités, évaluer leur efficacité, leurs modalités d’attribution et sécuriser les reprises d’activité. Retrouver du travail peut se révéler coûteux en matière de frais de transport, de garde d’enfants ou de déménagement. Il est indispensable de lever ces obstacles pour une insertion durable dans l’emploi.
Je ne suis pas contre le dispositif TZCLD, tant s’en faut, mais l’assurance de sa neutralité économique est un préalable à sa généralisation.
Je ne pense pas que le chemin du plein emploi passe par un amoncellement de dispositifs coûteux et illisibles. Ce qu’il faut, c’est une meilleure coordination entre nos politiques de l’emploi et le marché du travail. Redonnons du sens et de la valeur au service public de l’emploi en améliorant la qualité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Enfin, profitons de l’expérience des seniors, un atout précieux pour de nombreux chômeurs de longue durée. Le développement du mentorat à tous les âges de la vie est un facteur de lien social et de réussite collective : ne le négligeons pas !
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne partage pas le projet de société qu’incarne cette proposition de loi, dans sa dimension sociale comme dans sa dimension fiscale. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Frédérique Puissat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie M. Kanner et ses collègues du groupe SER d’avoir inscrit à notre ordre du jour cette proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social.
Notre collègue Jean-Luc Fichet a conduit plusieurs auditions. Je le remercie de son travail.
Au-delà de nos divergences, sur lesquelles je reviendrai, le texte met en exergue la « valeur travail », dont l’importance transcende nos groupes politiques et les travées de cette assemblée. Le travail est facteur de progrès social. Il est l’axe de lutte contre les inégalités. Perdre un emploi entraîne une altération du niveau de vie et demeure un traumatisme social. Et quand la perte d’emploi dure et que les mois s’écoulent, les motivations s’affaiblissent pour laisser place à un certain désespoir, qui peut se révéler un obstacle supplémentaire au moment de postuler à des entretiens d’embauche. Nous pouvons nous accorder sur ce constat.
Cependant, comme je l’ai souligné précédemment, des divergences existent, et elles sont forcément nombreuses.
D’abord, sur le fond, je suis un peu surprise de l’article 1er de cette proposition de loi, qui pérennise le dispositif TZCLD, alors même que l’encre du projet de loi visant à prolonger son expérimentation et à étendre le dispositif est à peine sèche. Cela me permet de rappeler la proposition de loi de 2020, votée par une très grande majorité de cet hémicycle, dont les articles 4, 5 et 6 concernaient ce dispositif. Le texte rappelait que celui-ci avait, à sa création, en 2016, trois objectifs : éradiquer le chômage de longue durée dans les dix premiers territoires expérimentaux ; mesurer les effets positifs du retour à l’emploi ; vérifier l’équation financière sur lequel il repose. Les coûts directs et indirects de la privation durable d’emploi ne sont pas supérieurs au coût d’un emploi rémunéré au SMIC.
J’entends çà et là que ce dispositif serait à l’origine d’un certain nombre de réussites. Je me permets d’insister sur le fait que les évaluations sont nombreuses, coûteuses – elles atteignent quasiment 100 000 euros –, mais également contrastées. Si tel n’avait pas été le cas, nous l’aurions bien entendu inscrit définitivement dans notre paysage social. Mais, comme elles le sont, nous avons fait le choix, volontairement et ensemble, de prolonger l’expérimentation et de l’étendre à un certain nombre de territoires.
J’ai bien vu, monsieur le rapporteur, que vous aviez nuancé votre approche par rapport au texte initial, en précisant que vous souhaitiez aller au-delà des cinquante plus dix territoires, avec un cliquet que vous proposez de lever. Je rappelle tout de même que la ministre s’était engagée en commission mixte paritaire à ce qu’il n’y ait pas de limites sur les soixante territoires et que l’on puisse étudier au cas par cas la situation. Vous avez levé le décret, c’est-à-dire que vous n’avez pas poussé la refonte de l’expérimentation, contrairement à ce qui avait été annoncé préalablement. En tout état de cause, nous considérons que ce dispositif doit encore faire ses preuves. C’est pour cette raison que nous avons opté pour la prolongation de l’expérimentation.
Les articles 2 et 3 visent à amplifier les dispositifs aidés : 100 000 postes en CUI-CIE et 200 000 emplois CUI-CAE en collectivités ciblés sur les éco-activités. Nous partageons l’analyse selon laquelle les dispositifs d’accès et de retour à l’emploi sont fondamentaux, notamment lorsqu’ils s’appuient sur les structures du service public de l’emploi et les outils d’insertion professionnelle. Mais décréter que les besoins des demandeurs d’emploi nécessitent de quasiment doubler le nombre des places en SIAE et des emplois en parcours emploi compétences, c’est faire une erreur d’appréciation sur les forces humaines disponibles sur le terrain. C’est aussi refuser de s’attaquer à la racine des problèmes ; à cet égard, nos collègues Brigitte Devésa et Maryse Carrère ont souligné, entre autres points, les enjeux de formation. C’est nier, enfin, la réalité des tensions de recrutement en activités classiques que nous rencontrons dans de nombreux secteurs aujourd’hui.
J’en viens au titre II. Nous y retrouvons sans surprise les sujets de divergence classiques : une nouvelle forme d’imposition, à savoir un impôt annuel de solidarité sociale et climatique, la suppression de la flat tax, l’annulation de la baisse des impôts de production, une hausse de la taxe sur les transactions financières, le tout pour financer les 17 milliards d’euros de mesures pour le moins coûteuses. Malgré tout le respect que nous avons pour vous, chers collègues du groupe SER, nous ne nous retrouvons pas sur de telles approches.
Sur la forme, je me permets simplement d’évoquer le tweet de Laurent Grandguillaume, à qui nous devons le texte sur l’expérimentation et qui a été surpris du dépôt de cette proposition de loi. Il a sans doute manqué un brin de concertation ; certes, je crois que cela a eu lieu après.
Pour toutes ces raisons, de fond et de forme, nous confirmons la position que nous avons adoptée en commission des affaires sociales, et nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe écologiste se réjouit que la présente proposition de loi du groupe socialiste nous permette de débattre d’une autre approche en matière de lutte contre le chômage, notamment de longue durée. Cette autre approche qui prouve bien que l’on n’a pas tout essayé.
En effet, le principe de la garantie d’emploi est l’une des pièces maîtresses d’un cadre théorique élaboré par les économistes de la théorie moderne de la monnaie aux États-Unis, et plus spécifiquement par la chercheuse Pavlina Tcherneva.
M. René-Paul Savary. Qui ça ? (Rires.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce principe rompt avec la théorie néoclassique, chère à la Commission européenne, du taux de chômage d’équilibre de long terme, taux qui se situerait à 8,2 % pour la France. En deçà, les salaires réels augmenteraient trop et provoqueraient inflation et baisse des profits. Il faut donc se résoudre à ce taux de chômage ou le faire baisser par des réformes structurelles qui affaiblissent le rapport de force au détriment des salariés. Ainsi en est-il de la réforme de l’assurance chômage.
Une autre manière de faire baisser ce taux réside dans les cadeaux fiscaux. Mais le fait de subventionner les emplois ne soutient en fait que les profits et les distributions de dividendes. Ainsi, les exonérations pour les entreprises se sont révélées hautement inefficaces en matière de création d’emplois : à peine 160 000 emplois créés en 2018, selon le comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), pour un coût cette année-là de plus de 40 milliards d’euros, soit une somme bien plus exorbitante que le dispositif présenté ici, évalué à 17 milliards d’euros.
En proposant à grande échelle, à chaque personne au chômage depuis plus d’un an qui en fait la demande une offre d’emploi effective, à temps choisi, a minima au SMIC horaire, et ce en mobilisant tous les chemins possibles de l’insertion, la proposition de loi rompt avec une pensée économique incapable de juguler le chômage et pose le premier jalon d’une nouvelle conquête sociale : la garantie à l’emploi pour tous les Français.
Le texte repose sur le postulat que personne n’est inemployable avec un accompagnement et une formation adaptés. Par ailleurs, il cible des cadres prioritaires d’activités sur les territoires qui sont la protection de l’environnement et l’aide aux personnes. Il vise en particulier à répondre à des besoins locaux non satisfaits dans la transition écologique, qui nécessite beaucoup d’emplois, des emplois porteurs de sens, au contraire des bullshit jobs, conceptualisés par l’anthropologue David Graeber.
Si la proposition de loi marque une volonté politique en rupture avec la doxa néolibérale, son ambition et sa mise en œuvre sont bien « localistes » et relèvent des territoires, via une gouvernance partagée. C’est le cas des projets de TZCLD, dont l’extension à tous les territoires prêts sera favorisée, sans exclure d’autres projets ayant leurs propres spécificités et respectant le cadre de la garantie d’emploi.
Complémentaire du revenu minimum garanti, la garantie d’emploi pour tous se justifie d’abord par l’urgence de mettre fin au chômage de longue durée, drame social absolu, principale entrée dans la grande pauvreté et l’exclusion sociale, et dont le coût est alarmant. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il serait responsable de la mort de 10 000 à 14 000 personnes par an en France. Il favorise les addictions, double le risque de suicide. De plus, il s’accompagne d’une perte massive de compétences des chômeurs, sans parler de ses conséquences sur les finances publiques. Lié à plusieurs déterminants sociaux, dont le handicap, il représente un énorme gâchis humain et mine la cohésion sociale, comme le potentiel de croissance des économies, d’après une recommandation du Conseil de l’Union européenne.
Les chômeurs de longue durée seront donc la priorité d’une telle garantie.
Parce que la garantie d’emploi entraîne l’avènement d’une société où l’emploi est conditionné non plus par les seuls besoins de rentabilité du capital, mais par les besoins communs démocratiquement définis, parce que cette garantie permet la participation de chacun à la solidarité organique chère à Durkheim, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 1983, le taux de chômage en France n’est jamais passé en dessous de la barre des 7 %, même en période de croissance soutenue.
Depuis cette époque, les gouvernements successifs semblent avoir abandonné l’idée que leur action pourrait ramener le pays au plein emploi. On se souvient de ce cinglant aveu d’échec du président François Mitterrand, resté célèbre : « Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ».
Nous partageons les préoccupations des auteurs de la proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social. Il est en effet inquiétant de voir notre société s’habituer à un chômage endémique, qui mine la compétitivité économique et la cohésion sociale. Toutefois, le texte que nous examinons ce soir est une nouvelle illustration de la capacité des socialistes à aborder le problème du chômage à l’envers. (M. Patrick Kanner s’exclame.)
Il s’est installé depuis longtemps un taux de chômage structurel, en réalité indépendant des fluctuations de l’activité économique ou même des interventions conjoncturelles de l’État.
L’argument selon lequel le chômage, qu’il soit de longue durée ou non, aurait pour cause l’absence de « garantie à l’emploi » participe d’une conception dont les auteurs n’ont jamais rien appris des erreurs commises depuis quarante ans.
La France accumule des politiques de l’emploi basées sur la dépense publique sans aborder les causes profondes du chômage structurel. La proposition de loi s’inscrit – hélas ! – dans cette lignée. Cette dernière se base sur une interprétation très particulière du préambule de la Constitution de 1946, selon lequel chacun a le « droit d’obtenir un emploi ». Ses auteurs en concluent qu’il faudrait rendre effective la garantie de l’emploi pour tous les Français.
Or le droit d’obtenir un emploi s’entend pour les pouvoirs publics comme une obligation non pas de résultat, mais de moyens.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel rappelle qu’il appartient au législateur de « poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir un emploi en vue de permettre l’exercice de ce droit au plus grand nombre d’intéressés ».
Le travail ne se décrète pas : à moins de socialiser toute l’économie privée, il n’existera jamais de garantie à l’emploi.
Le texte présuppose également que la dépense publique serait encore le meilleur moyen de remédier au chômage de longue durée.
Les articles 3 et 4 réactivent ainsi 200 000 emplois aidés CUI-CAE dans le secteur non marchand, et réservent les CUI-CIE aux emplois qualifiés de « verts » du secteur marchand. Ils ne prennent absolument pas en compte le bilan désastreux qui a été fait des emplois aidés par la Cour des comptes en 2018.
Abandonnés dans tous les pays comparables à la France, ils représentent le coût le plus onéreux de toutes les politiques de l’emploi, alors même qu’ils sont inefficaces pour la réinsertion professionnelle.
En 2020, 37 % des personnes sans emploi peuvent être considérées comme des chômeurs de longue durée. C’est autant qu’en Allemagne, moins qu’en Italie, mais plus qu’en Espagne, 32 %, qu’aux Pays-Bas, 24 %, qu’au Royaume-Uni, 20 %, sans parler des États-Unis et du Canada, avec seulement 5 %. Si l’on observe le poids de l’État dans chacun de ces pays, il est très difficile de constater un lien entre efficacité de l’action contre le chômage de longue durée et forte intervention publique.
Par ailleurs, le groupe socialiste profite de bonnes intentions écologiques et sociales pour promouvoir son idéologie fiscale, ce qui nous apparaît inacceptable. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Les 17 milliards d’euros utilisés pour financer les mesures envisagées ne feront qu’affaiblir nos entreprises et réduire le patrimoine des Français.
Augmenter les impôts de production, créer un impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, en plus de l’impôt sur la fortune immobilière, et supprimer le prélèvement forfaitaire unique sur les capitaux mobiliers : voilà des mesures plus guidées par un socialisme fiscal que par une vraie volonté de réduire le chômage. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe SER.)
J’en viens au dispositif TZCLD ; il paraît plus sage d’attendre la fin de l’expérimentation dans deux ans que de le pérenniser dès maintenant.
Mes chers collègues, on ne mettra pas fin au chômage de longue durée en orientant une partie des chômeurs vers des emplois déconnectés de l’économie réelle, qui ne correspondent pas forcément à leurs besoins. Ceux-ci sont, de surcroît, précaires, mal rémunérés et financés in fine par des hausses d’impôt.
Au contraire, la fin du chômage de longue durée sera le fruit de réformes structurelles du fonctionnement global de l’économie : prélèvements et transferts sociaux, simplification administrative, négociations du temps de travail dans les entreprises et, surtout, politiques de l’éducation et de la formation professionnelle. C’est ainsi que l’on créera des emplois durables, dans l’industrie ou la logistique, par exemple, des emplois adaptés à l’économie et aux besoins des Français.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains n’est pas favorable à cette proposition de loi dispendieuse, qui ne répond pas aux besoins des personnes sans emploi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Ce qui nous réunit ce soir, c’est la volonté de proposer un emploi aux demandeurs d’emploi de longue durée, c’est-à-dire de plus de vingt-quatre mois.
J’ai évoqué dans mon propos liminaire le pacte de remobilisation pour les chômeurs de très longue durée, auquel le Gouvernement a dédié 1,4 milliard d’euros. Cet engagement est en train de porter ses fruits. Ce dispositif vise le même public que la proposition de loi. Nous le voyons bien, ce qui est mis en œuvre aujourd’hui fonctionne.
Tout à l’heure, Martin Lévrier disait que l’on peut sans doute faire mieux pour moins cher. L’investissement de 1,4 milliard d’euros que nous avons consenti permet déjà à plus de 170 agences de Pôle emploi de déployer ce pacte de remobilisation ; toutes les agences le feront d’ici à la fin du mois de mai. Tous ces chômeurs de très longue durée, au nombre de 800 000, seront concernés par ce pacte.
Je me suis rendu à Argenteuil et à Rouen pour participer aux séquences de formation offertes à ces demandeurs d’emploi. Ils s’y retrouvent en petits groupes pour recevoir des conseils en évolution professionnelle, avec un conseiller entreprises de Pôle emploi, mais également un psychologue du travail. En effet, nous savons tous que le demandeur de longue durée rencontre souvent des difficultés pour exprimer ses besoins. Il a besoin qu’on l’aide à reconstruire sa confiance en lui. C’est bien ce que nous faisons aujourd’hui.
Nous pouvons partager les objectifs de cette proposition de loi, mais ce ne sont ni les bons moyens ni la bonne méthode. Pour autant, je crois que nous parvenons à exaucer le souhait de ses auteurs : donner à chacun sa place dans la société au travers du travail.
Mme le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social
TITRE Ier
DISPOSITIF VISANT À CRÉER UNE GARANTIE À L’EMPLOI POUR LES CHÔMEURS DE LONGUE DURÉE
Article 1er
La loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » est ainsi modifiée :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et au dispositif “territoire zéro chômeur de longue durée” ;
2° L’intitulé du titre II est ainsi rédigé : « Dispositif territorial visant à supprimer le chômage de longue durée (Articles 9 à 11) » ;
3° L’article 9 est ainsi modifié :
a) Au II, les mots : « Pour une durée de cinq ans à » sont remplacés par le mot : « A » et les mots : « une expérimentation » par les mots : « un dispositif » ;
b) Au II, après les mots : « est mise en place, dans », sont insérés les mots : « au moins » ;
c) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Le nombre de territoires participant à ce dispositif est quintuplé tous les deux ans à compter de l’entrée en vigueur des dispositions du présent titre, sur la base du nombre minimal de territoires défini au premier alinéa du présent II. Cet accroissement est mis en œuvre dans les conditions définies à l’article 10 de la présente loi ; dans la limite des collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale ou groupes de collectivités territoriales volontaires ainsi que du nombre de territoires encore non couverts. » ;
d) Au quatrième alinéa, les mots : « Cette expérimentation » sont remplacés par les mots : « Ce dispositif » ;
e) Au cinquième alinéa, les mots : « L’expérimentation est mise en place » sont remplacés par les mots : « Le dispositif est mis en place » ;
f) Le III est abrogé ;
g) La première phrase du IV est ainsi rédigée : « Tous les douze mois à compter de la promulgation de cette loi, un comité scientifique réalise l’évaluation de l’expérimentation du dispositif afin de déterminer les axes d’amélioration possibles. » ;
h) La troisième phrase du IV est ainsi rédigée : « Elle propose le cas échéant des mesures afin d’adapter la gouvernance du dispositif, les critères d’éligibilité des personnes concernées ou les activités économiques éligibles afin de maximiser le rapport entre les résultats obtenus en termes d’insertion économique et d’externalités positives générées, et le coût induit pour les finances publiques. » ;
i) Au V, les mots : « Les rapports mentionnés aux III et IV sont adressés » sont remplacés par les mots : « Le rapport mentionné au III est adressé » ;
j) Après le VI, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« VI. – Les délais mentionnés au V sont réduits pour les personnes âgées de moins de 25 ans à 6 mois de privation d’emploi malgré l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi, et à 3 mois de durée minimum de domiciliation dans l’un des territoires participant au dispositif. » ;
k) Au VII, les mots : « à l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « au dispositif » ;
l) Au IV, la référence : « IV » est remplacée par la référence : « III » ;
m) Au V, la référence : « V » est remplacée par la référence : « IV » ;
n) Au VI, la référence : « VI » est remplacée par la référence : « V » ;
4° L’article 10 est ainsi modifié :
a) Aux premier, deuxième et cinquième alinéas, les mots : « d’expérimentation territoriale » sont remplacés par les mots : « de lutte territoriale » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « de l’expérimentation prévue » sont remplacés par les mots : « du dispositif prévu » ;
c) Au troisième alinéa, les mots : « à l’expérimentation prévue » sont remplacés par les mots : « au dispositif prévu » et les mots : « pour mener l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « pour participer au dispositif » ;
d) Au troisième alinéa, les mots : « pendant une durée de trois ans » sont supprimés.
5° L’article 11 est ainsi modifié :
a) Aux premier, septième et onzième alinéas, les mots : « d’expérimentation territoriale » sont remplacés par les mots : « de lutte territoriale » ;
b) Au I, les mots : « pour la durée de l’expérimentation mentionnée à l’article 9 » sont supprimés ;
c) Au I, après les mots : « les conditions mentionnées au » sont insérés les mots : « V et » ;
d) Aux quatrième et quinzième alinéas, les mots : « de l’expérimentation mentionnée » sont remplacés par les mots : « du dispositif mentionné » ;
e) Au cinquième alinéa, les mots : « de l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « du dispositif » ;
f) Aux onzième et quatorzième alinéas, les mots : « à l’expérimentation mentionnée » sont remplacés par les mots : « au dispositif mentionné » ;
g) Au onzième et quatorzième alinéas, les mots : « de l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « du dispositif » ;
h) Au douzième alinéa, les mots : « à l’expérimentation » sont remplacés par les mots : « au dispositif » ;
i) La première phrase du V est ainsi rédigée : « Si à la suite de l’évaluation mentionnée au III de l’article 9, les conditions de mise en œuvre du dispositif mentionné au II du même article 9 sont modifiées, les entreprises conventionnées dans les conditions définies au I de l’article 11 qui deviendraient non éligibles reçoivent une notification du fonds de lutte territoriale contre le chômage de longue durée signifiant la fin de la prise en charge d’une fraction des rémunérations dans le cadre du dispositif. » ;
j) Au VI, la référence : « IV » est remplacée par la référence : « III » ;
k) Au VI, après les mots : « relatives aux personnes mentionnées au », sont insérés les mots : « V et ».
Mme le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Kanner, Mme Lubin, M. Fichet, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le II de l’article 9 de la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « soixante » est remplacé par les mots : « chacun des » ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. La rédaction initiale de l’article 1er pouvait, non pas porter à confusion, mais créer un émoi auprès de celles et ceux qui soutiennent le dispositif TZCLD. Nous nous en sommes expliqués avec les animateurs de l’association et avec son président, Laurent Grandguillaume.
Je remercie notre rapporteur, qui a pris toutes les dispositions nécessaires pour avoir les contacts utiles. Les discussions nous ont permis d’aboutir à une nouvelle version de l’article, que j’ai l’honneur de vous soumettre par cet amendement.
Plutôt que de généraliser de manière anticipée l’expérimentation, car le dispositif reste bien expérimental, via un mécanisme que la mouture initiale de notre texte entendait rendre pérenne, nous vous proposons de supprimer le plafond de soixante territoires, actuellement en vigueur. Je puis vous le confirmer, le nombre actuel d’initiatives locales en la matière dépasse déjà soixante. Dès lors, supprimer ce plafond permettrait à tous les projets partenariaux et territoriaux existants d’intégrer cette expérimentation, dans la mesure évidemment où ils répondent au cahier des charges.
Il est également proposé de simplifier l’habilitation des nouveaux territoires concernés, qui relèverait d’un simple arrêté ministériel, et non d’un décret en Conseil d’État, conformément à une demande formulée de longue date par l’association.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Le dispositif TZCLD apparaît aujourd’hui comme le projet le plus innovant et le plus prometteur en matière de lutte contre le chômage de longue durée.
Dans la rédaction initiale de l’article 1er, nous entendions transformer l’expérimentation en un dispositif pérenne et accélérer son extension. Mais les acteurs concernés, avec qui j’ai eu des échanges approfondis, estiment qu’une généralisation serait prématurée.
Par conséquent, afin de respecter le caractère expérimental du projet et la démarche de l’association qui le pilote, le présent amendement vise à remplacer le dispositif de l’article 1er par une suppression de la limite actuelle de soixante territoires. Rappelons qu’actuellement, un décret en Conseil d’État est nécessaire pour y déroger dans le cadre de la deuxième phase de l’expérimentation.
Outre les dix-neuf territoires désormais habilités, le fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée recense 152 projets émergents en France. Aux termes de cet amendement, tous les projets qui remplissent les conditions du cahier des charges seraient admis dans l’expérimentation sans plus attendre par un simple arrêté du ministre chargé de l’emploi.
L’association considère que le nombre de soixante territoires doit être un minimum. Elle soutient donc la rédaction proposée.
L’avis de la commission sur cet amendement est cependant défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Comme je l’ai déjà expliqué dans mon propos liminaire, sur un tel sujet, l’encre est à peine sèche. Je crois qu’un assez large consensus avait été trouvé pour l’application de l’expérimentation sur soixante territoires. D’ailleurs, c’était l’objet des réponses de Mmes Élisabeth Borne et Brigitte Klinkert.
Par ailleurs, comme le rappelait tout à l’heure Mme Puissat, il reste encore un certain nombre de choses à démontrer en la matière. Ce n’est pas faire injure à cette expérience innovante – elle l’est ; vous avez raison, monsieur le rapporteur ! – que de demander à ses acteurs d’en exposer les résultats. Un comité scientifique a donc été mis en place, afin que nous puissions valider l’ensemble des résultats.
Nous nous inscrivons dans une démarche de confiance vis-à-vis de l’expérimentation TZCLD, qui a été construite par une loi toute récente. Je propose d’en rester là.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient cet amendement.
En effet, si Mme la ministre a bien donné en commission mixte paritaire l’assurance que le seuil de soixante expérimentations devait être compris non pas comme un plafond, mais comme un plancher pouvant donner lieu à des dérogations, autant l’affirmer sans ambiguïté et de façon non discrétionnaire.
En supprimant ce seuil, plafond ou plancher, nous souhaitons établir que toute expérimentation territoriale qui serait mature et respecterait le cahier des charges doit pouvoir candidater à l’habilitation. Cela permettra d’ailleurs de mailler plus finement le territoire : il pourrait y avoir des expérimentations dans tous les départements. Je confirme qu’il est a priori question de quatre-vingts territoires matures. Cela permettrait d’enrichir l’évaluation sommative que vous évoquez, monsieur le secrétaire d’État, grâce à la diversité des projets défendus.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 109 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 238 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er n’est pas adopté.)
Article 2
I. – À compter de 2023, le nombre de contrats mentionnés à l’article L. 5132-5 du code du travail en vigueur ne peut être inférieur à cent mille.
II. – L’État conclut les conventions mentionnées à l’article L. 5132-4 du code du travail nécessaires afin d’atteindre cet objectif.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 n’est pas adopté.)
Article 3
L’article L. 5134-21 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté la référence : « I. – » ;
2° Le premier alinéa est complété par les mots : « sous réserve du respect des conditions mentionnées au II du présent article » ;
3° Après le sixième alinéa, sont insérés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Les aides à l’insertion professionnelle au titre d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi ne pourront être accordées que si le contrat comprend des activités qui produisent des biens ou services ayant pour finalité la protection de l’environnement ou la gestion de ressources.
« III. – À compter de 2023, le nombre de ces contrats en vigueur ne peut être inférieur à deux cent mille. »
Mme le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Kanner, Mme Lubin, M. Fichet, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 5134-30 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’aide à l’insertion professionnelle peut être réduite si les activités faisant l’objet du contrat d’accompagnement dans l’emploi n’ont pas pour finalité la protection de l’environnement ou la gestion de ressources. »
II. – À compter de 2023, le nombre de contrats d’accompagnement dans l’emploi définis à l’article L. 5134-20 du code du travail ne peut être inférieur à deux cent mille.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. L’article 3 prévoit que les aides octroyées au titre d’un contrat aidé dans le secteur non marchand ne pourront être accordées que si ce contrat porte sur des activités ayant pour finalité la protection de l’environnement ou la gestion de ressources.
Il nous est cependant apparu que limiter les CUI et les CAE à ces seules activités pourrait se révéler trop restrictif et mettre en péril le fonctionnement de certaines associations accomplissant des actions utiles au lien social. Or celles-ci répondent tout autant aux objectifs de la présente proposition de loi.
Afin de conserver ce levier volontariste en faveur de la conversion écologique des emplois tout en prenant mieux en compte les contraintes du terrain, nous proposons de remplacer cette conditionnalité par la possibilité de réduire l’aide au poste si les activités faisant l’objet du contrat n’ont pas pour finalité la protection de l’environnement ou la gestion de ressources.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. La conditionnalité environnementale introduite dans cet article procède d’une démarche volontariste, que je soutiens. Mes auditions ont cependant fait apparaître qu’elle pourrait constituer un facteur limitant.
Par conséquent, cet amendement vise, comme je l’avais proposé en commission, à remplacer la conditionnalité par la possibilité de réduire l’aide au poste si les activités faisant l’objet du contrat aidé n’ont pas pour finalité la protection de l’environnement ou la gestion de ressources. Il me semble que cette solution est équilibrée et permet de remplir les objectifs de la proposition de loi sans compromettre le fonctionnement de l’économie sociale et solidaire.
Cependant, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. J’entends M. le rapporteur affirmer qu’une telle disposition ne mettrait pas en difficulté les autres pans de l’économie sociale et solidaire ou de l’insertion. Pour ma part, j’estime que tel serait le cas.
Aujourd’hui, au total, près de 100 000 contrats aidés sont signés par des collectivités et des associations dans d’autres domaines que celui de la transition écologique. Certes, nous sommes évidemment favorables à l’accompagnement de la transition écologique dans notre pays. Comme je l’ai rappelé dans mon propos liminaire, c’est dans la loi Climat et résilience que nous avons pris les moyens nécessaires pour ce faire. Il me semble donc que nous avons d’autres leviers que ceux que vous proposez aujourd’hui.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra cet amendement.
Les écologistes ont toujours été attachés à la conditionnalité environnementale et sociale des aides publiques. Rien d’anormal à ce que les aides à l’insertion professionnelle accompagnent la transition écologique, compte tenu des besoins énormes et urgents de chaque territoire en la matière. Cette relation congruente se vérifie massivement : 45 % des activités de l’expérimentation TZCLD se rapportent à la transition énergétique et écologique.
La chercheuse Pavlina Tcherneva, que j’ai déjà évoquée dans la discussion générale, inclut la garantie d’emploi dans un plan national permettant de prendre soin tant de l’environnement que des individus. En fait, la dynamique qui part des territoires s’oriente d’elle-même vers des activités sociales et soucieuses de l’environnement. Ainsi, dans son étude de 2021 sur les expérimentations, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) souligne que les entreprises à but d’emploi ont su, pendant la crise sanitaire par exemple, se mobiliser de manière automatique pour s’investir dans des activités socialement utiles à leurs territoires, que ce soit pour fournir des équipements et des dispositifs sanitaires de base ou pour prendre en charge les personnes les plus fragiles.
Il reste légitime pour la puissance publique d’abonder les emplois participant à cette nécessaire transition ou, de façon peut-être plus positive, d’acter que l’aide serait moindre dans le champ des autres activités.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 110 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 78 |
Contre | 264 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 n’est pas adopté.)
Article 4
L’article L. 5134-66 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté la référence : « I. – » ;
2° Les deuxième et quatrième alinéas sont complétés par les mots : « sous réserve du respect des conditions mentionnées au II du présent article » ;
3° Après le quatrième alinéa, sont insérés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Les aides à l’insertion professionnelle au titre d’un contrat initiative-emploi ne pourront être accordées que si au moins l’une des quatre conditions suivantes est respectée :
« a) L’employeur a atteint la neutralité carbone au cours de l’exercice comptable précédent, définie comme un équilibre entre les émissions par les sources et les absorptions par les puits de gaz à effet de serre résultant de ses activités et de l’usage des biens et services qu’il produit ;
« b) L’employeur s’est engagé dans la décarbonation de ses activités, définie comme la diminution de la différence observée, sur le précédent exercice comptable, entre les émissions par les sources et les absorptions par les puits de gaz à effet de serre résultant de ses activités et de l’usage des biens et services qu’il produit par rapport à l’exercice comptable antérieur ;
« c) L’employeur appartient à la catégorie des microentreprises mentionnée à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;
« d) La période entre l’immatriculation de l’établissement, dans les conditions mentionnées à l’article L. 210-6 du code de commerce, et la conclusion du contrat mentionné à l’article L. 5134-69 du présent code est inférieure à deux ans. ».
« III. – À compter de 2023, le nombre de ces contrats en vigueur ne peut être inférieur à cinquante mille. »
Mme le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Kanner, Mme Lubin, M. Fichet, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« c) Le contrat est conclu dans une entreprise employant moins de deux cent cinquante salariés ;
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. L’article 4 prévoit que les aides octroyées au titre d’un contrat aidé dans le secteur marchand ne pourront être accordées que si l’employeur a atteint la neutralité carbone ou s’est engagé dans la décarbonation de ses activités.
La proposition de faire des CUI et CAE un levier d’incitation à la décarbonation des modes de production est pertinente si l’on veut accompagner la transition écologique tout en créant de nouvelles opportunités d’emploi.
Néanmoins, en matière de contrats initiative emploi, nous souhaitons ne soumettre à cette condition de neutralité carbone que les entreprises de plus de 250 salariés. En effet, en dessous de ce seuil, les PME ne sont pas forcément capables de produire des informations sur leur empreinte carbone.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. Les contrats aidés dans le secteur marchand peuvent être à la fois un levier de création d’emplois et un mode d’incitation à la décarbonation des modes de production. L’article 4 va dans le bon sens, en réorientant le CIE dans une perspective de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Toutefois, nous ne souhaitons pas interdire de fait aux PME de recourir aux CIE en faisant peser sur elles une contrainte administrative et des coûts prohibitifs. Rappelons que seules les entreprises de plus de 500 salariés, ou de 250 salariés dans les outre-mer, sont actuellement assujetties à l’obligation de réalisation d’un bilan carbone réglementaire.
Cet amendement vise donc à exonérer les entreprises de moins de 250 salariés de la condition de neutralité carbone prévue par l’article 4.
Cependant, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous avez essayé de trouver une solution en vous fondant sur la taille de l’entreprise, en ne faisant peser l’obligation de décarbonation que sur les entreprises de plus de 250 salariés.
Les chiffres démontrent que ce type de contrats s’adresse essentiellement aux TPE et PME. Les entreprises de plus de 250 salariés occupent une place plus marginale. Il serait donc presque contre-intuitif par rapport à votre objectif initial de se limiter à ces entreprises, car ce serait perdre l’effet de volume que vous cherchiez.
Certes, monsieur Kanner, je ne vous ferai pas reproche de votre volonté de trouver un consensus autour de cette proposition. J’aurais cependant envie de vous proposer autre chose et de faire un peu de publicité à des dispositifs qui ne sont peut-être pas assez connus ; la responsabilité en incombe certainement au Gouvernement.
Je pense notamment au volontariat territorial en entreprise vert, ou VTE vert, qui permet à des TPE et à des ETI de recruter de jeunes diplômés ou des étudiants qui peuvent les aider à se développer et à s’engager dans la transition écologique. C’est une autre forme de réponse au problème qui vous préoccupe. Nous avons donc déjà dans notre arsenal des réponses techniques qui permettent d’aller dans le sens que vous souhaitez.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement. Mais, vous le voyez, nous pouvons converger sur les objectifs avec d’autres outils.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 76 |
Contre | 253 |
Le Sénat n’a pas adopté.
TITRE II
DU FINANCEMENT DU DISPOSITIF VISANT À CRÉER UNE GARANTIE À L’EMPLOI POUR LES CHÔMEURS DE LONGUE DURÉE
Article 5
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
II. – Les articles du code général des collectivités territoriales modifiés par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
III. – L’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 modifié par l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est rétabli dans sa rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
IV. – Les IV, V et VI de l’article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 sont abrogés.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 5.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 112 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 238 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 6
Après le chapitre premier du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts, le chapitre I bis est ainsi rétabli :
« CHAPITRE I BIS
« Impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital
« Section I
« Champ d’application
« I. – Personnes imposables
« Art. 885 A. – Sont soumises à l’impôt annuel de solidarité sociale et climatique sur le capital, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à 1 800 000 € :
« 1° Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ou hors de France.
« Toutefois, les personnes physiques mentionnées au premier alinéa qui n’ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont leur domicile fiscal en France ne sont imposables qu’à raison de leurs biens situés en France.
« Cette disposition s’applique au titre de chaque année au cours de laquelle le redevable conserve son domicile fiscal en France, et ce jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France ;
« 2° Les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France.
« Sauf dans les cas prévus aux a et b du 4 de l’article 6, les couples mariés font l’objet d’une imposition commune.
« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l’article 515-1 du code civil font l’objet d’une imposition commune.
« Les conditions d’assujettissement sont appréciées au 1er janvier de chaque année.
« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 R ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital.
« II. – Présomptions de propriété
« Art. 885 C. – Les dispositions de l’article 754 B sont applicables à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital.
« Section II
« Assiette de l’impôt
« Art. 885 D. – L’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital est assis et les bases d’imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.
« Art. 885 E. – L’assiette de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l’article 885 A, ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci.
« Dans le cas de concubinage notoire, l’assiette de l’impôt est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant à l’un et l’autre concubins et aux enfants mineurs mentionnés au premier alinéa.
« Art. 885 F. – Les primes versées après l’âge de soixante-dix ans au titre des contrats d’assurance non rachetables souscrits à compter du 20 novembre 1991 et la valeur de rachat des contrats d’assurance rachetables sont ajoutées au patrimoine du souscripteur.
« Toutefois, la créance que le souscripteur détient sur l’assureur au titre de contrats, autres que ceux mentionnés à l’article L. 132-23 du code des assurances, qui ne comportent pas de possibilité de rachat pendant une période fixée par ces contrats doit être ajoutée au patrimoine du souscripteur.
« Art. 885 G. – Les biens ou droits grevés d’un usufruit, d’un droit d’habitation ou d’un droit d’usage accordé à titre personnel sont compris dans le patrimoine de l’usufruitier ou du titulaire du droit pour leur valeur en pleine propriété. Toutefois, les biens grevés de l’usufruit ou du droit d’usage ou d’habitation sont compris respectivement dans les patrimoines de l’usufruitier ou du nu-propriétaire suivant les proportions fixées par l’article 669 dans les cas énumérés ci-après, et à condition, pour l’usufruit, que le droit constitué ne soit ni vendu, ni cédé à titre gratuit par son titulaire :
« a. Lorsque la constitution de l’usufruit résulte de l’application des articles 767, 1094 ou 1098 du code civil. Les biens dont la propriété est démembrée en application d’autres dispositions, et notamment de l’article 1094-1 du code civil, ne peuvent faire l’objet de cette imposition répartie ;
« b. Lorsque le démembrement de propriété résulte de la vente d’un bien dont le vendeur s’est réservé l’usufruit, le droit d’usage ou d’habitation et que l’acquéreur n’est pas l’une des personnes visées à l’article 751 ;
« c. Lorsque l’usufruit ou le droit d’usage ou d’habitation a été réservé par le donateur d’un bien ayant fait l’objet d’un don ou legs à l’État, aux départements, aux communes ou syndicats de communes et à leurs établissements publics, aux établissements publics nationaux à caractère administratif et aux associations reconnues d’utilité publique.
« Art. 885 G bis. – Les biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire ou ceux éventuellement acquis en remploi, ainsi que les fruits tirés de l’exploitation de ces biens ou droits, sont compris dans le patrimoine du constituant pour leur valeur vénale nette.
« Art. 885 G ter. – Les biens ou droits placés dans un trust défini à l’article 792-0 bis ainsi que les produits qui y sont capitalisés sont compris, pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition, selon le cas, dans le patrimoine du constituant ou dans celui du bénéficiaire qui est réputé être un constituant en application du II du même article 792-0 bis.
« Le premier alinéa du présent article ne s’applique pas aux trusts irrévocables dont les bénéficiaires exclusifs relèvent de l’article 795 ou sont des organismes de même nature relevant de l’article 795-0 A et dont l’administrateur est soumis à la loi d’un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
« Art. 885 G quater. – Les dettes contractées par le redevable pour l’acquisition ou dans l’intérêt de biens qui ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital dû par l’intéressé ou qui en sont exonérés ne sont pas imputables sur la valeur des biens taxables. Le cas échéant, elles sont imputables à concurrence de la fraction de la valeur de ces biens qui n’est pas exonérée.
« Section III
« Biens exonérés
« Art. 885 H. – Les exonérations prévues en matière de droits de mutation par décès par les articles 787 B et 787 C, les 4° à 6° du 1 et les 3° à 8° du 2 de l’article 793 et les articles 795 A et 1135 bis ne sont pas applicables à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital.
« Les parts de groupements forestiers sont exonérées à concurrence des trois quarts de la fraction de la valeur nette correspondant aux biens visés au 3° du 1 de l’article 793 et sous les mêmes conditions.
« Les biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du code rural et de la pêche maritime et ceux donnés à bail cessible dans les conditions prévues par les articles L. 418-1 à L. 418-5 du même code, qui ne sont pas en totalité qualifiés de biens professionnels en application de l’article 885 P, sont exonérés d’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital à concurrence des trois quarts lorsque la valeur totale des biens loués quel que soit le nombre de baux n’excède pas 101 897 € et pour moitié au-delà de cette limite, sous réserve que la durée du bail soit au minimum de dix-huit ans et que les descendants du preneur ne soient pas contractuellement privés de la faculté de bénéficier des dispositions de l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime.
« Sous les conditions prévues au 4° du 1 de l’article 793, les parts de groupements fonciers agricoles et de groupements agricoles fonciers, soumis aux dispositions de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole et de la loi n° 70-1299 du 31 décembre 1970 relative aux groupements fonciers agricoles, qui ne sont pas en totalité qualifiés de biens professionnels en application de l’article 885 Q sont, sous réserve que les baux à long terme ou les baux cessibles consentis par le groupement répondent aux conditions prévues au troisième alinéa, exonérées à concurrence des trois quarts, si la valeur totale des parts détenues n’excède pas 101 897 € et pour moitié au-delà de cette limite.
« Art. 885 I. – Les objets d’antiquité, d’art ou de collection ne sont pas compris dans les bases d’imposition à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital.
« Cette exonération s’applique également aux parts de sociétés civiles mentionnées au troisième alinéa de l’article 795 A à concurrence de la fraction de la valeur des parts représentatives des objets d’antiquité, d’art ou de collection.
« Les droits de la propriété industrielle ne sont pas compris dans la base d’imposition à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital de leur inventeur.
« Les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans la base d’imposition à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital de leur auteur. Cette exonération s’applique également aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des producteurs de vidéogrammes.
« Art. 885 I bis. – Les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d’imposition à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, à concurrence des trois quarts de leur valeur si les conditions suivantes sont réunies :
« a. Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation pris par le propriétaire, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit avec d’autres associés ;
« b. L’engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote attachés aux titres émis par la société s’ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote de la société.
« Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l’engagement collectif de conservation qui ne peut être inférieure à deux ans. Les associés de l’engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l’engagement. Ils peuvent également admettre un nouvel associé dans l’engagement collectif à condition que cet engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans.
« La durée initiale de l’engagement collectif de conservation peut être automatiquement prorogée par disposition expresse, ou modifiée par avenant. La dénonciation de la reconduction doit être notifiée à l’administration pour lui être opposable.
« L’engagement collectif de conservation est opposable à l’administration à compter de la date de l’enregistrement de l’acte qui le constate. Dans le cas de titres admis à la négociation sur un marché réglementé, l’engagement collectif de conservation est soumis aux dispositions de l’article L. 233-11 du code de commerce.
« Pour le calcul des pourcentages prévus au premier alinéa, il est tenu compte des titres détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement collectif de conservation visé au a et auquel elle a souscrit. La valeur des titres de cette société bénéficie de l’exonération partielle prévue au premier alinéa à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond à la participation ayant fait l’objet de l’engagement collectif de conservation.
« L’exonération s’applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement de conservation.
« Dans cette hypothèse, l’exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l’objet d’un engagement de conservation.
« Le bénéfice de l’exonération partielle est subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif.
« En cas de non-respect des dispositions du huitième alinéa par suite d’une fusion entre sociétés interposées, l’exonération partielle accordée au titre de l’année en cours et de celles précédant cette opération n’est pas remise en cause si les signataires respectent l’engagement prévu au a jusqu’à son terme. Les titres reçus en contrepartie de la fusion doivent être conservés jusqu’au même terme.
« En cas de non-respect des dispositions du huitième alinéa par suite d’une donation ou d’une cession de titres d’une société possédant une participation dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement de conservation ou de titres d’une société possédant une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement de conservation, l’exonération partielle accordée au titre de l’année en cours et de celles précédant l’opération n’est pas remise en cause, sous réserve que l’opération intervienne entre associés bénéficiaires de cette exonération partielle et que les titres reçus soient au moins conservés jusqu’au terme du délai prévu au d. Dans cette hypothèse, le cessionnaire ou le donataire bénéficie de l’exonération partielle au titre des années suivant celle de la cession ou de la donation, sous réserve que les titres reçus soient conservés au moins jusqu’au même terme.
« c. À compter de la date d’expiration de l’engagement collectif, l’exonération partielle est subordonnée à la condition que les parts ou actions restent la propriété du redevable ;
« d. L’exonération partielle est acquise au terme d’un délai global de conservation de six ans. Au-delà de ce délai, est seule remise en cause l’exonération partielle accordée au titre de l’année au cours de laquelle l’une des conditions prévues aux a et b ou au c n’est pas satisfaite ;
« e. L’un des associés mentionnés au a exercé effectivement dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement collectif de conservation pendant les cinq années qui suivent la date de conclusion de cet engagement, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l’une des fonctions énumérées au 1° de l’article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ;
« e bis. Les parts ou actions ne sont pas inscrites sur un compte PME innovation mentionné à l’article L. 221-32-4 du code monétaire et financier. Le non-respect de cette condition par l’un des signataires pendant le délai global de conservation de six ans mentionné au d entraîne la remise en cause de l’exonération partielle dont il a bénéficié au titre de l’année en cours et de celles précédant l’inscription des parts ou actions sur le compte PME innovation ;
« f. La déclaration visée au I de l’article 885 W doit être appuyée d’une attestation de la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement collectif de conservation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été remplies l’année précédant celle au titre de laquelle la déclaration est souscrite ;
« Dans un délai de trois mois à compter du terme de l’engagement de conservation mentionné au d ou de la demande de l’administration, le redevable adresse à l’administration une attestation certifiant que la condition prévue au c a été satisfaite ;
« En cas de détention indirecte des parts ou actions faisant l’objet des engagements de conservation mentionnés aux a et c, chacune des sociétés composant la chaîne de participation transmet aux personnes soumises à ces engagements, dans les cas prévus aux premier et deuxième alinéas du présent f, une attestation certifiant du respect, à son niveau, des obligations de conservation ;
« g. En cas de non-respect de la condition prévue au a par l’un des signataires, l’exonération partielle n’est pas remise en cause à l’égard des signataires autres que le cédant si :
« 1° Soit les titres que ces autres signataires détiennent ensemble respectent la condition prévue au b et ceux-ci les conservent jusqu’au terme initialement prévu ;
« 2° Soit le cessionnaire s’associe à l’engagement collectif à raison des titres cédés afin que le pourcentage prévu au b demeure respecté. Dans ce cas, l’engagement collectif est reconduit pour une durée minimale de deux ans pour l’ensemble des signataires.
« Au-delà du délai minimum prévu au b, en cas de non-respect des conditions prévues aux a et b, l’exonération partielle n’est pas remise en cause pour les signataires qui respectent la condition prévue au c ;
« h. En cas de non-respect des conditions prévues au a ou au b par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A ou d’une augmentation de capital, l’exonération partielle accordée au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas remise en cause si les signataires respectent l’engagement prévu au a jusqu’à son terme. Les titres reçus en contrepartie d’une fusion ou d’une scission doivent être conservés jusqu’au même terme. Cette exonération n’est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au b n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire ;
« i. En cas de non-respect de la condition prévue au c par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A ou d’une augmentation de capital, l’exonération partielle accordée au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas remise en cause si les titres reçus en contrepartie de ces opérations sont conservés par le redevable. De même, cette exonération n’est pas remise en cause lorsque la condition prévue au c n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire ;
« j. En cas de non-respect des conditions prévues aux a, b ou c par suite d’une offre publique d’échange préalable à une fusion ou une scission, l’exonération partielle n’est pas remise en cause, dès lors que cette fusion ou cette scission est opérée dans l’année qui suit la clôture de l’offre publique d’échange ;
« k. En cas de non-respect des conditions prévues aux a et c par suite d’un apport partiellement rémunéré par la prise en charge d’une soulte consécutive à un partage ou d’un apport pur et simple de titres d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ou d’une société possédant directement une participation dans une telle société, dans les conditions prévues au f de l’article 787 B, l’exonération partielle n’est pas remise en cause ;
« l. En cas de non-respect de l’engagement de conservation prévu au a par l’un des héritiers, donataires ou légataires, à la suite de la cession ou de la donation, à un associé de l’engagement collectif, d’une partie des parts ou actions qui lui ont été transmises à titre gratuit, l’exonération partielle dont a bénéficié le cédant ou le donateur n’est remise en cause qu’à hauteur des seules parts ou actions cédées ou données ;
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux sociétés.
« Art. 885 I ter. – I. – 1. Sont exonérés les titres reçus par le redevable en contrepartie de sa souscription au capital initial ou aux augmentations de capital, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l’exercice de l’activité, à l’exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, d’une petite et moyenne entreprise au sens de l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, si les conditions suivantes sont réunies au 1er janvier de l’année d’imposition :
« a. La société exerce exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater, et notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d’immeubles ;
« b. La société a son siège de direction effective dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
« 2. L’exonération s’applique également aux titres reçus par le redevable en contrepartie de sa souscription en numéraire au capital d’une société satisfaisant aux conditions suivantes :
« a) La société vérifie l’ensemble des conditions prévues au 1, à l’exception de celle tenant à son activité ;
« b) La société a pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au a du 1.
« L’exonération s’applique alors à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur des titres reçus en contrepartie de sa souscription au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés vérifiant l’ensemble des conditions prévues au 1.
« 3. L’exonération s’applique dans les mêmes conditions aux parts de fonds d’investissement de proximité définis par l’article L. 214-31 du code monétaire et financier dont la valeur des parts est constituée au moins à hauteur de 20 % de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés exerçant leur activité ou juridiquement constituées depuis moins de cinq ans vérifiant les conditions prévues au 1 du I de l’article 885-0 V bis.
« 4. L’exonération s’applique dans les mêmes conditions aux parts de fonds communs de placement dans l’innovation définis par l’article L. 214-30 du code monétaire et financier et de fonds communs de placement à risques et de fonds professionnels de capital investissement définis respectivement aux articles L. 214-28 et L. 214-160 dont l’actif est constitué au moins à hauteur de 40 % de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés exerçant leur activité ou juridiquement constituées depuis moins de cinq ans, vérifiant les conditions prévues au 1 du I de l’article 885-0 V bis du présent code.
« L’exonération est limitée à la fraction de la valeur des parts de ces fonds représentative de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés vérifiant les conditions prévues au même 1.
« II. – Un décret fixe les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux sociétés ainsi qu’aux gérants de fonds visés au I.
« Art. 885 I quater. – I. – Les parts ou actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d’imposition à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, à concurrence des trois quarts de leur valeur, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale dans cette société comme salarié ou mandataire social, ou y exerce son activité principale lorsque la société est une société de personnes soumise à l’impôt sur le revenu visée aux articles 8 à 8 ter.
« L’exonération est subordonnée à la condition que les parts ou actions restent la propriété du redevable pendant une durée minimale de six ans courant à compter du premier fait générateur au titre duquel l’exonération a été demandée.
« L’activité mentionnée au premier alinéa du présent I doit correspondre à une fonction effectivement exercée par le redevable et donner lieu à une rémunération normale, dans les catégories imposables à l’impôt sur le revenu des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 et des jetons de présence imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au regard des rémunérations du même type versées au titre de fonctions analogues dans l’entreprise ou dans des entreprises similaires établies en France. Cette rémunération doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l’intéressé est soumis à l’impôt sur le revenu dans les mêmes catégories, à l’exclusion des revenus non professionnels.
« Les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés bénéficient du régime de faveur lorsque le redevable exerce une activité éligible dans chaque société et que les sociétés en cause ont effectivement des activités, soit similaires, soit connexes et complémentaires.
« L’exonération s’applique dans les mêmes conditions aux titres détenus dans une société qui a des liens de dépendance avec la ou les sociétés dans laquelle ou lesquelles le redevable exerce ses fonctions ou activités au sens du a du 12 de l’article 39.
« Lorsque l’exonération s’applique à des parts ou actions de plusieurs sociétés, la condition de rémunération normale mentionnée au troisième alinéa est appréciée dans chaque société prise isolément et la condition relative au seuil des revenus mentionnée au même troisième alinéa est respectée si la somme des rémunérations perçues au titre des fonctions exercées dans ces différentes sociétés représente plus de la moitié des revenus mentionnés audit troisième alinéa.
« L’exonération s’applique dans les mêmes conditions aux parts de fonds communs de placement d’entreprise visés aux articles L. 214-164 et suivants du code monétaire et financier ou aux actions de sociétés d’investissement à capital variable d’actionnariat salarié visées à l’article L. 214-166 du même code. L’exonération est limitée à la fraction de la valeur des parts ou actions de ces organismes de placement collectif représentative des titres de la société dans laquelle le redevable exerce son activité principale ou de sociétés qui lui sont liées dans les conditions prévues à l’article L. 233-16 du code de commerce. Une attestation de l’organisme déterminant la valeur éligible à l’exonération partielle doit être jointe à la déclaration visée au I de l’article 885 W.
« II. – Les parts ou actions mentionnées au I et détenues par le redevable depuis au moins trois ans au moment de la cessation de ses fonctions ou activités pour faire valoir ses droits à la retraite sont exonérées, à hauteur des trois quarts de leur valeur, d’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, sous réserve du respect des conditions de conservation figurant au deuxième alinéa du I.
« III. – En cas de non-respect de la condition de détention prévue au deuxième alinéa du I et au II par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A, l’exonération partielle accordée au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas remise en cause si les titres reçus en contrepartie sont conservés jusqu’au même terme. Cette exonération n’est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au deuxième alinéa du I et au II n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.
« IV. – L’exonération partielle prévue au présent article est exclusive de l’application de tout autre régime de faveur.
« Art. 885 J. – La valeur de capitalisation des rentes viagères constituées dans le cadre d’une activité professionnelle ou d’un plan d’épargne retraite populaire prévu à l’article L. 144-2 du code des assurances, moyennant le versement de primes régulièrement échelonnées dans leur montant et leur périodicité pendant une durée d’au moins quinze ans et dont l’entrée en jouissance intervient, au plus tôt, à compter de la date de la liquidation de la pension du redevable dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse ou à l’âge fixé en application de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, n’entre pas dans le calcul de l’assiette de l’impôt. L’exonération bénéficie au souscripteur et à son conjoint.
« Art. 885 K. – La valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie est exclue du patrimoine des personnes bénéficiaires ou, en cas de transmission à titre gratuit par décès, du patrimoine du conjoint survivant.
« Art. 885 L. – Les personnes physiques qui n’ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables sur leurs placements financiers.
« Ne sont pas considérées comme placements financiers les actions ou parts détenues par ces personnes dans une société ou personne morale dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l’actif total de la société. Il en est de même pour les actions, parts ou droits détenus par ces personnes dans les personnes morales ou organismes mentionnés au deuxième alinéa du 2° de l’article 750 ter.
« Section IV
« Biens professionnels
« Art. 885 N. – Les biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels.
« Sont présumées constituer une seule profession les différentes activités professionnelles exercées par une même personne et qui sont soit similaires, soit connexes et complémentaires.
« Sont considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues par une personne mentionnée au premier alinéa dans une ou plusieurs sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés lorsque chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues à l’article 885 O bis pour avoir la qualité de biens professionnels.
« Art. 885 O. – Sont également considérées comme des biens professionnels les parts de sociétés de personnes soumises à l’impôt sur le revenu visées aux articles 8 et 8 ter lorsque le redevable exerce dans la société son activité professionnelle principale.
« Les parts détenues par le redevable dans plusieurs sociétés de personnes constituent un seul bien professionnel lorsque les sociétés ont des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires.
« Sont également considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues par une personne mentionnée au premier alinéa dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés si chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues à l’article 885 O bis pour avoir la qualité de biens professionnels.
« Art. 885 O bis. – Les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes :
« 1° Être, soit gérant nommé conformément aux statuts d’une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d’une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions.
« Les fonctions mentionnées au premier alinéa du présent 1° doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale, dans les catégories imposables à l’impôt sur le revenu des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux et revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62, au regard des rémunérations du même type versées au titre de fonctions analogues dans l’entreprise ou dans des entreprises similaires établies en France. Cette rémunération doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l’intéressé est soumis à l’impôt sur le revenu dans les mêmes catégories, à l’exclusion des revenus non professionnels ;
« 2° Posséder 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs. Les titres détenus dans les mêmes conditions dans une société possédant une participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions sont pris en compte dans la proportion de cette participation ; la valeur de ces titres qui sont la propriété personnelle du redevable est exonérée à concurrence de la valeur réelle de l’actif brut de la société qui correspond à la participation dans la société dans laquelle le redevable exerce ses fonctions.
« Sont considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés lorsque chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues par le présent article pour avoir la qualité de biens professionnels. Toutefois, la condition de rémunération prévue à la seconde phrase du second alinéa du 1° est respectée si la somme des rémunérations perçues au titre des fonctions énumérées au premier alinéa du même 1° dans les sociétés dont le redevable possède des parts ou actions représente plus de la moitié des revenus mentionnés à la même phrase.
« Lorsque les sociétés mentionnées au deuxième alinéa ont des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires, la condition de rémunération normale s’apprécie au regard des fonctions exercées dans l’ensemble des sociétés dont les parts ou actions constituent un bien professionnel.
« Le respect de la condition de possession de 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société prévue au premier alinéa n’est pas exigé après une augmentation de capital si, à compter de la date de cette dernière, le redevable remplit les trois conditions suivantes :
« a) Il a respecté cette condition au cours des cinq années ayant précédé l’augmentation de capital ;
« b) Il possède 12,5 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société, directement ou par l’intermédiaire de son conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ;
« c) Il est partie à un pacte conclu avec d’autres associés ou actionnaires représentant au total 25 % au moins des droits de vote et exerçant un pouvoir d’orientation dans la société.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la condition de possession de 25 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société n’est pas exigée des gérants et associés visés à l’article 62.
« Sont également considérées comme des biens professionnels les parts ou actions détenues directement par le gérant nommé conformément aux statuts d’une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, le président, le directeur général, le président du conseil de surveillance ou le membre du directoire d’une société par actions, qui remplit les conditions prévues au 1° ci-dessus, lorsque leur valeur excède 50 % de la valeur brute des biens imposables, y compris les parts et actions précitées.
« Sont également considérées comme des biens professionnels, dans la limite de 150 000 €, les parts ou actions acquises par un salarié lors de la constitution d’une société créée pour le rachat de tout ou partie du capital d’une entreprise dans les conditions mentionnées aux articles 220 quater ou 220 quater A tant que le salarié exerce son activité professionnelle principale dans la société rachetée et que la société créée bénéficie du crédit d’impôt prévu à ces articles.
« Art. 885 O ter. – Seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel.
« N’est pas considérée comme un bien professionnel la fraction de la valeur des parts ou actions de la société mentionnée au premier alinéa représentative de la fraction du patrimoine social d’une société dans laquelle elle détient directement ou indirectement des parts ou actions non nécessaire à l’activité de celle-ci ou à l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société mentionnée au premier alinéa.
« Aucun rehaussement n’est effectué sur le fondement du deuxième alinéa à raison des éléments pour lesquels le redevable, de bonne foi, n’est pas en mesure de disposer des informations nécessaires.
« Art. 885 O quater. – Ne sont pas considérées comme des biens professionnels les parts ou actions de sociétés ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier.
« Art. 885 O quinquies. – Le redevable qui transmet les parts ou actions d’une société avec constitution d’un usufruit sur ces parts et actions à son profit peut retenir, pour l’application de l’article 885 G, la qualification professionnelle pour ces titres, à hauteur de la quotité de la valeur en pleine propriété des titres ainsi démembrés correspondant à la nue-propriété lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« a) Le redevable remplissait, depuis trois ans au moins, avant le démembrement, les conditions requises pour que les parts et actions aient le caractère de biens professionnels ;
« b) La nue-propriété est transmise à un ascendant, un descendant, un frère ou une sœur du redevable ou de son conjoint ;
« c) Le nu-propriétaire exerce les fonctions et satisfait les conditions définies au 1° de l’article 885 O bis ;
« d) Dans le cas de transmission de parts sociales ou d’actions d’une société à responsabilité limitée, ou d’une société par actions, le redevable doit, soit détenir directement ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leur frère ou sœur, en usufruit ou en pleine propriété, 25 % au moins du capital de la société transmise, soit détenir directement des actions ou parts sociales qui représentent au moins 50 % de la valeur brute de ses biens imposables, y compris les parts et actions précitées.
« Art. 885 P. – Les biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du code rural et de la pêche maritime et ceux donnés à bail cessible dans les conditions prévues par les articles L. 418-1 à L. 418-5 du même code sont considérés comme des biens professionnels à condition, d’une part, que la durée du bail soit au minimum de dix-huit ans et, d’autre part, que le preneur utilise le bien dans l’exercice de sa profession principale et qu’il soit le conjoint du bailleur, l’un de leurs frères et sœurs, l’un de leurs ascendants ou descendants ou le conjoint de l’un de leurs ascendants ou descendants.
« Les biens ruraux donnés à bail, dans les conditions prévues aux articles du code rural et de la pêche maritime précités, à une société à objet principalement agricole contrôlée à plus de 50 % par les personnes visées au premier alinéa, sont considérés comme des biens professionnels à concurrence de la participation détenue dans la société locataire par celles des personnes précitées qui y exercent leur activité professionnelle principale.
« Les biens ruraux, donnés à bail dans les conditions prévues au premier alinéa, lorsqu’ils sont mis à la disposition d’une société mentionnée au deuxième alinéa ou lorsque le droit au bail y afférent est apporté à une société de même nature, dans les conditions prévues respectivement aux articles L. 411-37 et L. 411-38 du code rural et de la pêche maritime, sont considérés comme des biens professionnels dans les mêmes proportions et sous les mêmes conditions que celles définies par ce dernier alinéa.
« Art. 885 Q. – Sous les conditions prévues au 4° du 1 de l’article 793, les parts de groupements fonciers agricoles et de groupements agricoles fonciers soumis aux dispositions de la loi complémentaire à la loi d’orientation agricole n° 62-933 du 8 août 1962 et de la loi n° 70-1299 du 31 décembre 1970 relative aux groupements fonciers agricoles sont considérées comme des biens professionnels, sous réserve que ces parts soient représentatives d’apports constitués par des immeubles ou des droits immobiliers à destination agricole et que les baux consentis par le groupement ainsi que leurs preneurs répondent aux conditions prévues à l’article 885 P.
« Lorsque les baux répondant aux conditions prévues à l’article 885 P ont été consentis à une société à objet principalement agricole contrôlée à plus de 50 % par les personnes visées au premier alinéa, les parts du groupement sont considérées comme des biens professionnels à concurrence de la participation détenue dans la société locataire par celles des personnes précitées qui y exercent leur activité professionnelle principale.
« Lorsque les biens ruraux donnés à bail dans les conditions prévues au premier alinéa sont mis à la disposition d’une société mentionnée au deuxième alinéa ou lorsque le droit au bail y afférent est apporté à une société de même nature, dans les conditions prévues respectivement par les articles L. 411-37 et L. 411-38 du code rural et de la pêche maritime, les parts du groupement sont considérées comme des biens professionnels dans les mêmes proportions et sous les mêmes conditions que celles définies par ce dernier alinéa.
« Art. 885 R. – Sont considérés comme des biens professionnels au titre de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital les locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes louant directement ou indirectement ces locaux, qui, inscrites au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels, réalisent plus de 23 000 € de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62.
« Section V
« Évaluation des biens
« Art. 885 S. – La valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 761, un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire. En cas d’imposition commune, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l’abattement précité.
« Art. 885 T bis. – Les valeurs mobilières cotées sur un marché sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date d’imposition.
« Art. 885 T ter. – Les créances détenues, directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés interposées, par des personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France, sur une société à prépondérance immobilière mentionnée au 2° du I de l’article 726, ne sont pas déduites pour la détermination de la valeur des parts que ces personnes détiennent dans la société.
« Section VI
« Calcul de l’impôt
« Art. 885 U. – 1. Le tarif de l’impôt est fixé à :
(En pourcentage) |
||
« |
Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine |
Tarif applicable |
N’excédant pas 800 000 € |
0 |
|
Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 300 000 € |
0,50 |
|
Supérieure à 1 300 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 € |
0,70 |
|
Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 5 000 000 € |
1 |
|
Supérieure à 5 000 000 € et inférieure ou égale à 10 000 000 € |
1,25 |
|
Supérieure à 10 000 000 € |
1,50 |
« 2. Pour les redevables dont le patrimoine a une valeur nette taxable égale ou supérieure à 1 800 000 € et inférieure à 1 900 000 €, le montant de l’impôt calculé selon le tarif prévu au tableau du 1 est réduit d’une somme égale à 57 000 € – 3 % P, où P est la valeur nette taxable du patrimoine.
« Art. 885-0 V bis. – I. – 1. Le redevable peut imputer sur l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital 50 % des versements effectués au titre :
« 1° Des souscriptions en numéraire :
« a) Au capital initial de sociétés ;
« b) Aux augmentations de capital de sociétés dont il n’est ni associé ni actionnaire ;
« c) Aux augmentations de capital d’une société dont il est associé ou actionnaire lorsque ces souscriptions constituent un investissement de suivi, y compris après la période de sept ans mentionnée au troisième alinéa du d du 1 bis du présent I, réalisé dans les conditions cumulatives suivantes :
« – le redevable a bénéficié, au titre de son premier investissement au capital de la société bénéficiaire des versements, de l’avantage fiscal prévu au premier alinéa du présent 1 ;
« – de possibles investissements de suivi étaient prévus dans le plan d’entreprise de la société bénéficiaire des versements ;
« – la société bénéficiaire de l’investissement de suivi n’est pas devenue liée à une autre entreprise dans les conditions prévues au c du 6 de l’article 21 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ;
« 2° Des souscriptions de titres participatifs, dans les conditions prévues au 1°, dans des sociétés coopératives de production définies par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production ou dans d’autres sociétés coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.
« Les souscriptions mentionnées aux 1° et 2° confèrent aux souscripteurs les seuls droits résultant de la qualité d’actionnaire ou d’associé, à l’exclusion de toute autre contrepartie notamment sous la forme de garantie en capital, de tarifs préférentiels ou d’accès prioritaire aux biens produits ou aux services rendus par la société.
« Cet avantage fiscal ne peut être supérieur à 45 000 € par an.
« 1 bis. La société bénéficiaire des versements mentionnée au 1 doit satisfaire aux conditions suivantes :
« a) Elle est une petite et moyenne entreprise au sens de l’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 précité ;
« b) Elle n’est pas qualifiable d’entreprise en difficulté au sens du 18 de l’article 2 du même règlement ;
« c) Elle exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif réglementé de rachat de la production ou bénéficiant d’un contrat offrant un complément de rémunération défini à l’article L. 314-18 du code de l’énergie, des activités financières, des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l’article 885 O quater du présent code et des activités de construction d’immeubles en vue de leur vente ou de leur location et des activités immobilières ;
« d) Elle remplit au moins l’une des conditions suivantes au moment de l’investissement initial :
« – elle n’exerce son activité sur aucun marché ;
« – elle exerce son activité sur un marché, quel qu’il soit, depuis moins de sept ans après sa première vente commerciale. Le seuil de chiffre d’affaires qui caractérise la première vente commerciale au sens du présent alinéa ainsi que ses modalités de détermination sont fixés par décret ;
« – elle a besoin d’un investissement en faveur du financement des risques qui, sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50 % de son chiffre d’affaires annuel moyen des cinq années précédentes ;
« e) Ses actifs ne sont pas constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d’œuvres d’art, d’objets de collection, d’antiquités, de chevaux de course ou de concours ou, sauf si l’objet même de son activité consiste en leur consommation ou en leur vente au détail, de vins ou d’alcools ;
« f) Elle a son siège de direction effective dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ;
« g) Ses titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation français ou étranger au sens des articles L. 421-1 ou L. 424-1 du code monétaire et financier, sauf si ce marché est un système multilatéral de négociation où la majorité des instruments admis à la négociation sont émis par des petites et moyennes entreprises au sens de l’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 précité ;
« h) Elle est soumise à l’impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ou y serait soumise dans les mêmes conditions si son activité était exercée en France ;
« i) Elle compte au moins deux salariés à la clôture de l’exercice qui suit la souscription ayant ouvert droit à la présente réduction, ou un salarié si elle est soumise à l’obligation de s’inscrire à la chambre de métiers et de l’artisanat ;
« j) Le montant total des versements qu’elle a reçus au titre des souscriptions mentionnées au présent I et au III et des aides dont elle a bénéficié au titre du financement des risques sous la forme d’investissement en fonds propres ou quasi-fonds propres, de prêts, de garanties ou d’une combinaison de ces instruments n’excède pas 15 millions d’euros.
« k) elle figure sur la liste des sociétés agréées par l’État au titre des entreprises socialement et écologiquement responsables. Les modalités d’octroi de cet agrément, pour une période de deux années renouvelables, sont fixées par décret en Conseil d’État. La liste est publiée chaque année au plus tard le 1er octobre.
« 2. L’avantage fiscal prévu au 1 s’applique, dans les mêmes conditions, aux souscriptions effectuées par des personnes physiques en indivision. Chaque membre de l’indivision peut bénéficier de l’avantage fiscal à concurrence de la fraction de la part de sa souscription représentative de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés vérifiant les conditions prévues au 1 bis.
« 3. L’avantage fiscal prévu au 1 s’applique également aux souscriptions en numéraire au capital d’une société satisfaisant aux conditions suivantes :
« a) La société vérifie l’ensemble des conditions prévues au 1 bis, à l’exception de celle prévue au c, d, i et j ;
« b) La société a pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au c du 1 bis ;
« d) La société a exclusivement pour mandataires sociaux des personnes physiques ;
« e) La société n’est pas associée ou actionnaire de la société au capital de laquelle elle réinvestit, excepté lorsque le réinvestissement constitue un investissement de suivi remplissant les conditions cumulatives prévues au c du 1° du 1 ;
« f) La société communique à chaque investisseur, avant la souscription de ses titres, un document d’information précisant notamment la période de conservation des titres pour bénéficier de l’avantage fiscal visé au 1, les modalités prévues pour assurer la liquidité de l’investissement au terme de la durée de blocage, les risques générés par l’investissement et la politique de diversification des risques, les règles d’organisation et de prévention des conflits d’intérêts, les modalités de calcul et la décomposition de tous les frais et commissions, directs et indirects, et le nom du ou des prestataires de services d’investissement chargés du placement des titres.
« g) Elle bénéficie de l’agrément mentionné au k du 1. bis du I du présent article.
« Le montant des versements effectués au titre de la souscription par le redevable est pris en compte pour l’assiette de l’avantage fiscal dans la limite de la fraction déterminée en retenant :
« – au numérateur, le montant des versements effectués, par la société mentionnée au premier alinéa au titre de la souscription au capital dans des sociétés vérifiant l’ensemble des conditions prévues au 1 bis, entre la date limite de dépôt de la déclaration devant être souscrite par le redevable l’année précédant celle de l’imposition et la date limite de dépôt de la déclaration devant être souscrite par le redevable l’année d’imposition. Ces versements sont ceux effectués avec les capitaux reçus au cours de cette période ou de la période d’imposition antérieure lors de la constitution du capital initial ou au titre de l’augmentation de capital auquel le redevable a souscrit ;
« – au dénominateur, le montant des capitaux reçus par la société mentionnée au premier alinéa au titre de la constitution du capital initial ou de l’augmentation de capital auquel le redevable a souscrit au cours de l’une des périodes mentionnées au numérateur.
« Un décret fixe les conditions dans lesquelles les investisseurs sont informés annuellement du montant détaillé des frais et commissions, directs et indirects, qu’ils supportent et celles dans lesquelles ces frais sont encadrés. Pour l’application de la phrase précédente, sont assimilées aux sociétés mentionnées au premier alinéa du présent 3 les sociétés dont la rémunération provient principalement de mandats de conseil ou de gestion obtenus auprès de redevables effectuant les versements mentionnés au 1 ou au présent 3, lorsque ces mandats sont relatifs à ces mêmes versements.
« La société adresse à l’administration fiscale, à des fins statistiques, au titre de chaque année, avant le 30 avril de l’année suivante et dans des conditions définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget, un état récapitulatif des sociétés financées, des titres détenus ainsi que des montants investis durant l’année. Les informations qui figurent sur cet état sont celles arrêtées au 31 décembre de l’année.
« II. – 1. Le bénéfice de l’avantage fiscal prévu au I est subordonné à la conservation par le redevable des titres reçus en contrepartie de sa souscription au capital de la société jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription.
« La condition relative à la conservation des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital s’applique également à la société mentionnée au premier alinéa du 3 du I et à l’indivision mentionnée au 2 du I.
« En cas de remboursement des apports aux souscripteurs avant le 31 décembre de la septième année suivant celle de la souscription, le bénéfice de l’avantage fiscal prévu au I est remis en cause, sauf si le remboursement fait suite à la liquidation judiciaire de la société.
« 2. En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au premier alinéa du 1 par suite d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A, l’avantage fiscal mentionné au I accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas remis en cause si les titres reçus en contrepartie sont conservés jusqu’au même terme. Cet avantage fiscal n’est pas non plus remis en cause lorsque la condition de conservation prévue au premier alinéa du 1 n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire ou d’une cession réalisée dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
« En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au premier alinéa du 1 du II en cas de cession stipulée obligatoire par un pacte d’associés ou d’actionnaires, ou en cas de procédure de retrait obligatoire à l’issue d’une offre publique de retrait ou de toute offre publique au sens de l’article L. 433-4 du code monétaire et financier, l’avantage fiscal mentionné au I accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant ces opérations n’est pas non plus remis en cause si le prix de vente des titres cédés, diminué des impôts et taxes générés par cette cession, est intégralement réinvesti par le cédant, dans un délai maximum de douze mois à compter de la cession, en souscription de titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au 1 bis du I, sous réserve que les titres ainsi souscrits soient conservés jusqu’au même terme. Cette souscription ne peut donner lieu au bénéfice de l’avantage fiscal prévu au 1 du I, ni à celui prévu à l’article 199 terdecies-0 A.
« En cas de non-respect de la condition de conservation prévue au premier alinéa du 1 du II en cas d’offre publique d’échange de titres, l’avantage fiscal mentionné au I accordé au titre de l’année en cours et de celles précédant cette opération n’est pas non plus remis en cause si les titres obtenus lors de l’échange sont des titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au 1 bis du même I et si l’éventuelle soulte d’échange, diminuée le cas échéant des impôts et taxes générés par son versement, est intégralement réinvestie, dans un délai maximal de douze mois à compter de l’échange, en souscription de titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au 1 bis du I, sous réserve que les titres obtenus lors de l’échange et, le cas échéant, souscrits en remploi de la soulte soient conservés jusqu’au terme du délai applicable aux titres échangés. La souscription de titres au moyen de la soulte d’échange ne peut donner lieu au bénéfice de l’avantage fiscal prévu au 1 du I, ni à celui prévu à l’article 199 terdecies-0 A.
« En cas de non-respect de la condition de conservation des titres prévue au premier alinéa du 1 du fait de leur cession plus de trois ans après leur souscription, l’avantage fiscal mentionné au I accordé au titre de la souscription des titres cédés n’est pas remis en cause, quelle que soit la cause de cette cession, si le prix de vente des titres cédés, diminué des impôts et taxes générés par cette cession, est intégralement réinvesti par le cédant, dans un délai maximum de douze mois à compter de la cession, en souscription de titres de sociétés satisfaisant aux conditions mentionnées au 1 bis du I. Les titres ainsi souscrits doivent être conservés jusqu’au terme du délai mentionné au premier alinéa du 1. Cette souscription ne peut donner lieu au bénéfice de l’avantage fiscal prévu au 1 du I, ni à celui prévu à l’article 199 terdecies-0 A.
« Le 1 du présent II ne s’applique pas en cas de licenciement, d’invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, du décès du souscripteur ou de son conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité soumis à une imposition commune. Il en est de même en cas de donation à une personne physique des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital de la société si le donataire reprend l’obligation de conservation des titres transmis prévue au 1 du présent II et s’il ne bénéficie pas du remboursement des apports avant le terme mentionné au dernier alinéa du même 1. À défaut, la reprise de la réduction d’impôt obtenue est effectuée au nom du donateur.
« Les conditions mentionnées à l’avant-dernier alinéa du 1 du I et aux c, e et f du 1 bis du même I doivent être satisfaites à la date de la souscription et de manière continue jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de cette souscription. À défaut, l’avantage fiscal prévu audit I est remis en cause.
« 3. L’avantage fiscal prévu au I accordé au titre de l’année en cours et des précédentes fait l’objet d’une reprise au titre de l’année au cours de laquelle la société ou le redevable cesse de respecter l’une des conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du 1 ou au dernier alinéa du 2.
« III. – 1. Le redevable peut imputer sur l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital 50 % du montant des versements effectués au titre de souscriptions en numéraire aux parts de fonds communs de placement dans l’innovation mentionnés à l’article L. 214-30 du code monétaire et financier et aux parts de fonds d’investissement de proximité mentionnés à l’article L. 214-31 du même code ou d’un organisme similaire d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
« L’avantage prévu au premier alinéa ne s’applique que lorsque les conditions suivantes sont satisfaites :
« a) Les personnes physiques prennent l’engagement de conserver les parts de fonds jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription ;
« b) Le porteur de parts, son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin notoire soumis à une imposition commune et leurs ascendants et descendants ne doivent pas détenir ensemble plus de 10 % des parts du fonds et, directement ou indirectement, plus de 25 % des droits dans les bénéfices des sociétés dont les titres figurent à l’actif du fonds ou avoir détenu ce montant à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la souscription des parts du fonds ;
« c) Le fonds doit respecter au minimum le quota d’investissement de 70 % prévu au I de l’article L. 214-30 du code monétaire et financier et au I de l’article L. 214-31 du même code. Ce quota doit être atteint à hauteur de 50 % au moins au plus tard quinze mois à compter de la date de clôture de la période de souscription fixée dans le prospectus complet du fonds, laquelle ne peut excéder quatorze mois à compter de la date de constitution du fonds, et à hauteur de 100 % au plus tard le dernier jour du quinzième mois suivant.
« Les versements servant de base au calcul de l’avantage fiscal sont retenus après imputation des droits ou frais d’entrée et à proportion du quota d’investissement mentionné au premier alinéa du présent c que le fonds s’engage à atteindre. Un décret fixe les conditions dans lesquelles les porteurs de parts sont informés annuellement du montant détaillé des frais et commissions, directs et indirects, qu’ils supportent et dans lesquelles ces frais sont encadrés.
« 2. L’avantage fiscal prévu au 1 ne peut être supérieur à 18 000 € par an. Le redevable peut bénéficier de l’avantage fiscal prévu audit 1 et de ceux prévus aux 1, 2 et 3 du I au titre de la même année, sous réserve que le montant imputé sur l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital résultant de ces avantages n’excède pas 45 000 €.
« 3. L’avantage fiscal obtenu fait l’objet d’une reprise au titre de l’année au cours de laquelle le fonds ou le redevable cesse de respecter les conditions prévues au 1.
« Le premier alinéa du présent 3 ne s’applique pas lorsque la condition prévue au a du 1 du présent III n’est pas respectée en cas de licenciement, d’invalidité correspondant au classement dans les catégories prévues aux 2° et 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, de décès du souscripteur ou de son conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité soumis à une imposition commune.
« 4. Sont exclues du bénéfice de l’avantage fiscal prévu au 1 les parts de fonds donnant lieu à des droits différents sur l’actif net ou sur les produits du fonds ou de la société, attribuées en fonction de la qualité de la personne.
« IV. – Les versements ouvrant droit à l’avantage fiscal mentionné au I ou au III sont ceux effectués entre la date limite de dépôt de la déclaration de l’année précédant celle de l’imposition et la date limite de dépôt de la déclaration de l’année d’imposition.
« V. – L’avantage fiscal prévu au présent article ne s’applique ni aux titres figurant dans un plan d’épargne en actions mentionné à l’article 163 quinquies D ou dans un plan d’épargne salariale mentionné au titre III du livre III de la troisième partie du code du travail, ni à la fraction des versements effectués au titre de souscriptions ayant ouvert droit aux réductions d’impôt prévues aux f ou g du 2 de l’article 199 undecies A, aux articles 199 undecies B, 199 terdecies-0 A, 199 terdecies-0 B, 199 unvicies ou 199 quatervicies du présent code.
« Les souscriptions réalisées par un contribuable au capital d’une société dans les douze mois suivant le remboursement, total ou partiel, par cette société de ses apports précédents n’ouvrent pas droit à l’avantage fiscal mentionné au I.
« Les souscriptions réalisées au capital d’une société holding animatrice ouvrent droit à l’avantage fiscal mentionné au I lorsque la société est constituée et contrôle au moins une filiale depuis au moins douze mois. Pour l’application du présent alinéa, une société holding animatrice s’entend d’une société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
« Le redevable peut bénéficier de l’avantage fiscal prévu au présent article et de celui prévu à l’article 885-0 V bis A au titre de la même année, sous réserve que le montant imputé sur l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital résultant des deux avantages n’excède pas 45 000 €.
« Par dérogation à l’alinéa précédent, la fraction des versements pour laquelle le redevable demande le bénéfice de l’avantage fiscal prévu au présent article ne peut donner lieu à l’application de l’article 885-0 V bis A.
« VII. – Un décret fixe les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux sociétés visés au I, ainsi qu’aux gérants et dépositaires de fonds visés au III.
« Le montant des frais et commissions directs et indirects imputés au titre d’un même versement mentionné aux 1 à 3 du I ou au 1 du III du présent article par les sociétés mentionnées au premier alinéa du 3, par les gérants et dépositaires de fonds mentionnés au III, par les sociétés et les personnes physiques exerçant une activité de conseil ou de gestion au titre du versement ou par des personnes physiques ou morales qui leur sont liées, au sens des articles L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-10 du code de commerce, ne peut excéder un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie, dont le niveau tient compte du montant du versement, de la valeur liquidative des fonds et des distributions effectuées.
« Par dérogation au deuxième alinéa du présent VII, le montant des frais et commissions directs et indirects imputés au titre d’un même versement peut, dans des circonstances exceptionnelles, excéder ce plafond lorsque le dépassement correspond en totalité à des frais engagés pour faire face à une situation non prévisible indépendante de la volonté des personnes mentionnées au même deuxième alinéa et dans l’intérêt des investisseurs ou porteurs de parts.
« Sans préjudice des sanctions que l’Autorité des marchés financiers peut prononcer, tout manquement à ces interdictions est passible d’une amende dont le montant ne peut excéder dix fois les frais indûment perçus.
« Art. 885-0 V bis A. – I. – Le redevable peut imputer sur l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, dans la limite de 50 000 €, 75 % du montant des dons en numéraire et dons en pleine propriété de titres de sociétés admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger effectués au profit :
« 1° Des établissements de recherche ou d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, d’intérêt général, à but non lucratif et des établissements d’enseignement supérieur consulaire mentionnés à l’article L. 711-17 du code de commerce ;
« 2° Des fondations reconnues d’utilité publique répondant aux conditions fixées au a du 1 de l’article 200 ;
« 3° Des entreprises d’insertion et des entreprises de travail temporaire d’insertion mentionnées aux articles L. 5132-5 et L. 5132-6 du code du travail ;
« 4° Des associations intermédiaires mentionnées à l’article L. 5132-7 du même code ;
« 5° Des ateliers et chantiers d’insertion mentionnés à l’article L. 5132-15 du même code ;
« 6° Des entreprises adaptées mentionnées à l’article L. 5213-13 du même code ;
« 6° bis Des groupements d’employeurs régis par les articles L. 1253-1 et suivants du code du travail qui bénéficient du label GEIQ délivré par le Comité national de coordination et d’évaluation des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification ;
« 7° De l’Agence nationale de la recherche ;
« 8° Des fondations universitaires et des fondations partenariales mentionnées respectivement aux articles L. 719-12 et L. 719-13 du code de l’éducation lorsqu’elles répondent aux conditions fixées au b du 1 de l’article 200 ;
« 9° Des associations reconnues d’utilité publique de financement et d’accompagnement de la création et de la reprise d’entreprises dont la liste est fixée par décret.
« Ouvrent également droit à la réduction d’impôt les dons et versements effectués au profit d’organismes agréés dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies dont le siège est situé dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. L’agrément est accordé aux organismes poursuivant des objectifs et présentant des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France entrant dans le champ d’application du présent I.
« Lorsque les dons et versements ont été effectués au profit d’un organisme non agréé dont le siège est situé dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, la réduction d’impôt obtenue fait l’objet d’une reprise, sauf lorsque le contribuable a produit dans le délai de dépôt de déclaration les pièces justificatives attestant que cet organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France répondant aux conditions fixées par le présent article.
« Un décret fixe les conditions d’application des douzième et treizième alinéas et notamment la durée de validité ainsi que les modalités de délivrance, de publicité et de retrait de l’agrément.
« II. – Les dons ouvrant droit à l’avantage fiscal mentionné au I sont ceux effectués entre la date limite de dépôt de la déclaration de l’année précédant celle de l’imposition et la date limite de dépôt de la déclaration de l’année d’imposition.
« III. – La fraction du versement ayant donné lieu à l’avantage fiscal mentionné au I ne peut donner lieu à un autre avantage fiscal au titre d’un autre impôt.
« Le redevable peut bénéficier de l’avantage fiscal prévu au présent article et de celui prévu à l’article 885-0 V bis au titre de la même année, sous réserve que le montant imputé sur l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital résultant des deux avantages n’excède pas 45 000 €.
« Par dérogation à l’alinéa précédent, la fraction des versements pour laquelle le redevable demande le bénéfice de l’avantage fiscal prévu au présent article ne peut donner lieu à l’application de l’article 885-0 V bis.
« IV. – Le bénéfice de l’avantage fiscal prévu au I est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis et à la condition que soient jointes à la déclaration d’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital prévue au I de l’article 885 W, ou fournies dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de ladite déclaration, des pièces justificatives attestant le total du montant et la date des versements ainsi que l’identité des bénéficiaires.
« V. – Un décret fixe les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux personnes mentionnées au I.
« Art. 885-0 V bis B. – L’article 885-0 V bis s’applique, dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions, aux souscriptions en numéraire au capital des entreprises solidaires d’utilité sociale mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail, sous les réserves suivantes :
« 1° Les exclusions prévues au c du 1 bis du I du même article 885-0 V bis relatives à l’exercice d’une activité de construction d’immeubles ou immobilière, sous réserve que la société exerce une activité de gestion immobilière à vocation sociale, ainsi qu’à l’exercice d’une activité financière, ne sont pas applicables aux entreprises solidaires ;
« 2° Les conditions fixées au d du même 1 bis ne s’appliquent pas aux entreprises solidaires mentionnées aux 3° et 4° du présent article ;
« 3° La condition prévue au j du 1 bis du I de l’article 885-0 V bis ne s’applique pas aux versements au titre de souscriptions effectuées au capital des entreprises solidaires mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail qui ont exclusivement pour objet :
« a) Soit l’étude, la réalisation ou la gestion de construction de logements à destination de personnes défavorisées ou en situation de rupture d’autonomie et sélectionnées par une commission de personnes qualifiées, la société bénéficiant d’un agrément de maîtrise d’ouvrage en application des articles L. 365-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation ;
« b) Soit l’acquisition, la construction, la réhabilitation, la gestion et l’exploitation par bail de tous biens et droits immobiliers en vue de favoriser l’amélioration des conditions de logement ou d’accueil et la réinsertion de personnes défavorisées ou en situation de rupture d’autonomie ;
« c) Soit l’acquisition, la gestion et l’exploitation par bail rural de tous biens ruraux bâtis et non bâtis en vue de favoriser l’installation ou l’agrandissement d’exploitations agricoles.
« Le bénéfice de la dérogation mentionnée au présent 3° est subordonné au respect des conditions suivantes :
« – la société ne procède pas à la distribution de dividendes ;
« – la société réalise son objet social sur le territoire national ;
« 4° Par dérogation au j du 1 bis du I de l’article 885-0 V bis, la limite des versements est fixée à 2,5 millions d’euros par an pour les entreprises solidaires d’utilité sociale qui ont exclusivement pour objet l’exercice d’une activité financière.
« Art. 885 V bis. – I. – L’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre, d’une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l’étranger au titre des revenus et produits de l’année précédente, calculés avant imputation des seuls crédits d’impôt représentatifs d’une imposition acquittée à l’étranger et des retenues non libératoires et, d’autre part, 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels de l’année précédente, après déduction des seuls déficits catégoriels dont l’imputation est autorisée par l’article 156, ainsi que des revenus exonérés d’impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire réalisés au cours de la même année en France ou hors de France.
« Cette réduction ne peut excéder la plus élevée des sommes suivantes :
« – 50 % du montant de cotisation résultant de l’application de l’article 885 U ;
« – 11 390 €.
« Les revenus distribués à une société passible de l’impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable sont réintégrés dans le calcul prévu au premier alinéa du présent I, si l’existence de cette société et le choix d’y recourir ont pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, en bénéficiant d’un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du même premier alinéa. Seule est réintégrée la part des revenus distribués correspondant à une diminution artificielle des revenus pris en compte pour le calcul prévu audit premier alinéa.
« En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du deuxième alinéa du présent I, le litige est soumis aux dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales. »
« II. – Les plus-values ainsi que tous les revenus sont déterminés sans considération des exonérations, seuils, réductions et abattements prévus au présent code, à l’exception de ceux représentatifs de frais professionnels.
« Lorsque l’impôt sur le revenu a frappé des revenus de personnes dont les biens n’entrent pas dans l’assiette de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital, il est réduit suivant le pourcentage du revenu de ces personnes par rapport au revenu total.
« Section VII
« Obligations des redevables
« Art. 885 W. – I. Les redevables doivent souscrire au plus tard le 15 juin de chaque année une déclaration de leur fortune déposée au service des impôts de leur domicile au 1er janvier et accompagnée du paiement de l’impôt.
« La valeur brute et la valeur nette taxable du patrimoine des concubins notoires et de celui des enfants mineurs lorsque les concubins ont l’administration légale de leurs biens sont portées sur la déclaration de l’un ou l’autre des concubins.
« II. – Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l’article 515-1 du code civil doivent conjointement signer la déclaration prévue au 1 du I.
« III. – En cas de décès du redevable, les dispositions du 2 de l’article 204 sont applicables. La déclaration mentionnée au 1 du I est produite par les ayants droit du défunt dans les six mois de la date du décès. Le cas échéant, le notaire chargé de la succession peut produire cette déclaration à la demande des ayants droit si la succession n’est pas liquidée à la date de production de la déclaration.
« IV. – L’administration fiscale indique au plus tard le 15 mai de l’année d’imposition aux redevables assujettis à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital au titre de l’année précédente la valeur brute des éléments de leur patrimoine dont elle a connaissance. Elle adresse également ces informations aux redevables non assujettis à l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital au titre de l’année précédente lorsque la valeur brute des éléments de leur patrimoine dont elle a connaissance excède le seuil prévu au premier alinéa de l’article 885 A.
« V. – Un décret détermine les modalités d’application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux personnes mentionnées aux articles 242 ter à 242 ter E.
« Art. 885 X. – Les personnes possédant des biens en France sans y avoir leur domicile fiscal ainsi que les personnes mentionnées au 2 de l’article 4 B peuvent être invitées par le service des impôts à désigner un représentant en France dans les conditions prévues à l’article 164 D.
« Toutefois, l’obligation de désigner un représentant fiscal ne s’applique ni aux personnes qui ont leur domicile fiscal dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement de l’impôt, ni aux personnes mentionnées au 2 du même article 4 B qui exercent leurs fonctions ou sont chargées de mission dans l’un de ces États. »
« Art. 885 Z. – Lors du dépôt de la déclaration d’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital mentionnée au I de l’article 885 W, les redevables doivent joindre à leur déclaration les éléments justifiant de l’existence, de l’objet et du montant des dettes dont la déduction est opérée. »
B. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 83, la référence : « ou 199 terdecies-0 B » est remplacée par la référence : « , 199 terdecies-0 B ou 885-0 V bis » ;
2° À l’article 150 duodecies, la référence : « 978 » est remplacée par la référence : « 885-0 V bis A » ;
3° Au a de l’article 150-0 B bis, la référence : « du 1 du III de l’article 975 » est remplacée par la référence : « de l’article 885 O bis » ;
4° Le 3 du I de l’article 150-0 C est ainsi modifié :
– au a, la référence : « du 1 du III de l’article 975 » est remplacée par la référence : « l’article 885 O bis » ;
– au h, la référence : « du 1 du III de l’article 975 » est remplacée par la référence : « de l’article 885 O bis » ;
5° Au 1° ter du II et au III de l’article 150 U, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
6° Au a du 1° du IV bis de l’article 151 septies A, la référence : « du 1 du III de l’article 975 » est remplacée par la référence : « de l’article 885 O bis » ;
7° Au 1° du III de l’article 151 nonies, la référence : « du 1 du III de l’article 975 » est remplacée par la référence : « de l’article 885 O bis » ;
8° Au premier alinéa du 2 du I de l’article 167 bis, les références : « à l’article 758 et au dernier alinéa du I de l’article 973 » sont remplacées par les références : « aux articles 758 et 885 T bis » ;
9° Au premier alinéa du 1° et aux 2° et 3° du I, au second alinéa du IV, au premier alinéa du 1 et aux 2 et 3 du VI, au deuxième alinéa du VI ter A et aux premier et second alinéas du VI quater de l’article 199 terdecies-0 A, les mots : « , dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017 » sont supprimés ;
10° L’article 199 terdecies-0 AA est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « , dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017 » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
11° L’article 199 terdecies-0 B est ainsi modifié :
a) Au c du I, la référence : « du 1 du III de l’article 975 » est remplacée par la référence : « de l’article 885 O bis » ;
b) Le premier alinéa du III est complété par les mots : « ou à la réduction d’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital prévu à l’article 885-0 V bis » ;
12° À la première phrase du 4 de l’article 199 terdecies-0 C, la référence : « , ou 199 terdecies-0 B » est remplacée par les références : « , 199 terdecies-0 B ou 885-0 V bis » ;
13° Au trentième alinéa de l’article 199 undecies B, la référence : « ou 199 terdecies-0 A » est remplacée par les références : « 199 terdecies-0 A ou 885-0 V bis » ;
14° Au cinquième alinéa du IV de l’article 199 undecies C, les mots : « de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 terdecies-0 A » sont remplacés par les mots : « des réductions d’impôt prévues aux articles 199 terdecies-0 A et 885-0 V bis » ;
15° Au 3 du I de l’article 208 D, la référence : « du 1 du III de l’article 975 » est remplacée par la référence : « de l’article 885 O bis » ;
16° À l’intitulé du titre IV de la première partie du livre premier, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
17° À l’article 757 C, la référence : « 978 » est remplacée par la référence : « 885-0 V bis A » ;
18° Au 2 du b et au d de l’article 787 B, la référence : « du 1 du III de l’article 975 » est remplacée par la référence : « de l’article 885 O bis » ;
19° Le chapitre II bis du titre IV de la première partie du livre premier est abrogé ;
20° L’article 990 J est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « 977 » est remplacée par la référence : « 885 U » ;
b) Le III est ainsi rédigé :
« III. – Le prélèvement est dû :
« 1° Pour les personnes qui ont en France leur domicile fiscal au sens de l’article 4 B, à raison des biens et droits situés en France ou hors de France et des produits capitalisés placés dans le trust ;
« 2° Pour les autres personnes, à raison des seuls biens et droits autres que les placements financiers mentionnés à l’article 885 L situés en France et des produits capitalisés placés dans le trust.
« Toutefois, le prélèvement n’est pas dû à raison des biens, droits et produits capitalisés lorsqu’ils ont été :
« a) Inclus dans le patrimoine, selon le cas, du constituant ou d’un bénéficiaire pour l’application de l’article 885 G ter et régulièrement déclarés à ce titre par ce contribuable ;
« b) Déclarés, en application de l’article 1649 AB, dans le patrimoine d’un constituant ou d’un bénéficiaire réputé être un constituant en application du 3 du II de l’article 792-0 bis, dans les cas où le constituant ou le bénéficiaire n’est pas redevable de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital compte tenu de la valeur nette taxable de son patrimoine, celui-ci incluant les biens, droits et produits capitalisés placés dans le trust.
« Le prélèvement est assis sur la valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition des biens, droits et produits capitalisés composant le trust.
« La consistance et la valeur des biens, droits et produits capitalisés placés dans le trust sont déclarées et le prélèvement est acquitté et versé au comptable public compétent par l’administrateur du trust au plus tard le 15 juin de chaque année. À défaut, le constituant et les bénéficiaires, autres que ceux mentionnés aux a et b du présent III, ou leurs héritiers sont solidairement responsables du paiement du prélèvement.
« Le prélèvement est assis et recouvré selon les règles et sous les sanctions et garanties applicables aux droits de mutation par décès. » ;
21° Au second alinéa du I de l’article 1391 B ter, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
22° À l’article 1413 bis, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
23° Au c du 3° de l’article 1605 bis, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
24° Le dernier alinéa du 1 de l’article 1653 B est complété par les mots : « ou de la déclaration d’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
25° Le 8 du II de la section I du chapitre Ier du livre II est abrogé ;
26° Le II de l’article 1691 bis est ainsi modifié :
a) Le 2 est ainsi modifié :
– au premier alinéa du c, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés, deux fois, par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » et les deux occurrences du mot : « imposable » sont supprimées ;
– au second alinéa du même c, les quatre occurrences du mot : « imposable » sont supprimées ;
– à la fin de la seconde phrase du d, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
b) Au premier alinéa du 3, la référence : « 982 » est remplacée par la référence : « 885 W » ;
27° À l’intitulé de la section IV du chapitre premier du livre II, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
28° Au premier alinéa de l’article 1716 bis, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
29° À l’intitulé du VII-0 A de la section IV du chapitre premier du livre II, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
30° À l’article 1723 ter-00 B, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
31° Au troisième alinéa du 1 du IV de l’article 1727, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
32° Au dernier alinéa de l’article 1728, la référence : « 982 » est remplacée par la référence : « 885 W » ;
33° L’article 1730 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
b) Le c du 2 est ainsi rétabli :
« Aux sommes dues au titre de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital. » ;
34° Au dernier alinéa de l’article 1731 bis, les mots : « sur le capital immobilière, l’avantage prévu à l’article 978 ne peut » sont remplacés par les mots : « de solidarité sur le capital, les avantages prévus aux articles 885-0 V bis et 885-0 V bis A ne peuvent » ;
35° L’article 1723 ter-00 A est ainsi rétabli :
« Art. 1723 ter-00 A. – I. – L’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital est recouvré et acquitté selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions que les droits de mutation par décès.
« II. – Ne sont pas applicables aux redevables mentionnés au I de l’article 885 W :
« 1° Les dispositions des articles 1715 à 1716 A relatives au paiement en valeur du Trésor ou en créances sur l’État ;
« 2° Les dispositions des articles 1717, 1722 bis et 1722 quater relatives au paiement fractionné ou différé des droits ;
« 3° Les dispositions du 3 de l’article 1929 relatives à l’inscription de l’hypothèque légale du Trésor. » ;
36° À la première phrase du quatrième alinéa, à la première phrase du cinquième alinéa, deux fois, à la première phrase du sixième alinéa, deux fois, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa, deux fois, et à la première phrase du dernier alinéa, deux fois, de l’article 1763 C, les mots : « dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017 » sont supprimés ;
37° Au dernier alinéa de l’article 1840 C, la référence : « I de l’article 982 » est remplacée par la référence : « III de l’article 885 W ».
II. – À l’article L. 822-8 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « sur la fortune immobilière en application de l’article 964 » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital en application de l’article 885 A ».
III. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Aux intitulés du II de la section II du chapitre premier du titre II de la première partie et du B de ce même II, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
2° L’article L. 23 A est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » et les mots : « du patrimoine mentionné à l’article 965, notamment de l’existence, de l’objet et du montant des dettes dont la déduction est opérée et de l’éligibilité et des modalités de calcul des exonérations ou réductions d’impôt dont il a été fait application » sont remplacés par les mots : « de leur patrimoine » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
3° À l’article L. 59 B, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
4° À l’article L. 72 A, la référence : « 983 » est remplacée par la référence : « 885 X » et les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
5° À l’article L. 102 E, la référence : « 978 » est remplacée par la référence : « 885-0 V bis A » ;
6° Au premier alinéa de l’article L. 107 B, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
7° Au 1 du I de l’article L. 139 B, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, en application du I de l’article 885 W du même code, » ;
8° À l’intitulé de la section IV du chapitre IV du titre II de la première partie, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
9° L’article L. 180 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » et la référence : « 982 » est remplacée par la référence : « 885 W » ;
b) Au second alinéa, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » et les mots : « et des annexes mentionnées au même article 982 » sont remplacés par les mots : « mentionnée au même article 885 W » ;
10° À l’article L. 181-0-A, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » et les mots : « et les annexes mentionnées à l’article 982 » sont remplacés par les mots : « mentionnée à l’article 885 W » ;
11° À l’intitulé du III de la section IV du chapitre IV du titre II de la première partie, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
12° À l’article L. 183 A, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
13° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 199, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
14° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 247, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
15° Au premier alinéa de l’article L. 253, les mots : « ou, pour les redevables de l’impôt sur la fortune immobilière, au rôle de cet impôt, » sont supprimés.
IV. – Au premier alinéa du V de l’article L. 4122-8 du code de la défense, la référence : « 982 » est remplacée par la référence : « 885 W ».
V. – Le livre II du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Au IV de l’article L. 212-3, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 214-121, la référence : « 976 » est remplacée par la référence : « 885 H » ;
3° Au premier alinéa, au troisième alinéa du d du 1° et au premier alinéa du b du 2° du I de l’article L. 214-30, les mots : « dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017 » sont supprimés ;
4° Au a du 4° du I de l’article L. 214-31, les mots : « dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017 » et les mots : « dans cette même rédaction » sont supprimés ;
5° Le IV de l’article L. 221-32-5 est ainsi modifié :
a) Le A est ainsi modifié :
– à la première phrase du 1° et au 2, les mots : « dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017 » sont supprimés ;
– à la seconde phrase du 1°, les mots : « dans cette même rédaction » sont supprimés ;
b) Le C est ainsi modifié :
– le 2 est ainsi rédigé :
« 2. Les parts ou actions souscrites dans le compte PME innovation ne peuvent ouvrir droit à l’avantage fiscal résultant de l’article 885 I quater dudit code. La souscription de ces mêmes parts ou actions ne peut ouvrir droit aux réductions d’impôts prévues aux articles 199 undecies A, 199 undecies B, 199 terdecies-0 A, 199 terdecies-0 C, 199 unvicies et 885-0 V bis du même code. » ;
– au 3, les mots : « de l’article 787 B » sont remplacés par les mots : « des articles 787 B et 885 I bis ».
VI. – L’article L. 122-10 du code du patrimoine est ainsi rétabli :
« Art. L. 122-10. – Les règles fiscales applicables aux objets d’antiquité, d’art ou de collection pour l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital sont fixées à l’article 885 I du code général des impôts. »
VII. – Le premier alinéa du V de l’article 25 quinquies de la loi n° 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par les mots : « et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code ».
VIII. – La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifiée :
1° À la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article 5, les mots : « sur la fortune immobilière » sont remplacés par les mots : « de solidarité sociale et climatique sur le capital » ;
2° Le premier alinéa de l’article 6 est complété par les mots : « et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code ».
IX. – L’article 49 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est abrogé.
X. – A. – Le A du I est applicable à compter du 1er janvier 2022.
B. – 1. Le B du I et les II à VIII s’appliquent au titre de l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital dû à compter du 1er janvier 2022.
2. Les dispositions modifiées ou abrogées par le B du I et les II à VIII continuent de s’appliquer, dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2021, à l’impôt sur la fortune immobilière dû jusqu’au titre de l’année 2021 incluse.
C. – Par dérogation au B du présent IX, le 19° du B du I est applicable à compter du 1er janvier 2022.
Par exception, les dons et versements ouvrant droit à la réduction d’impôt prévue à l’article 978 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2021, effectués entre la date limite de dépôt de la déclaration mentionnée à l’article 982 du même code, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2021, au titre de l’impôt sur la fortune immobilière dû au titre de l’année 2021, et le 31 décembre 2021, sont imputables, dans les conditions prévues à l’article 978 précité dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2021, sur l’impôt de solidarité sociale et climatique sur le capital dû au titre de l’année 2021.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 n’est pas adopté.)
Article 7
I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
II. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
III. – Les articles du code de la construction et de l’habitation modifiés par l’article de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
IV. – Les articles du code de la sécurité sociale modifiés par l’article de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
V. – Les articles du livre des procédures fiscales modifiés par l’article de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
VI. – Les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont abrogés.
Mme le président. Mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’article 7, je vous informe que, comme les articles précédents n’ont pas été adoptés, si celui-ci ne l’était pas non plus, l’article 8 deviendrait sans objet.
En conséquence, il n’y aurait dans ce cas plus lieu de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, tous les articles la constituant ayant été rejetés ou étant devenus sans objet. Aucune explication de vote sur l’ensemble ne sera possible.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote sur l’article.
M. Patrick Kanner. Sauf miracle dans cet hémicycle – mais je ne crois plus aux miracles depuis bien longtemps –, nous allons tout droit vers la disparition totale de la proposition de loi, ce que je regrette bien évidemment.
Chers collègues de la droite de l’hémicycle, nous sommes contents de vous retrouver fidèles à vos positions : bien à droite ! J’ai entendu parler de « socialisme fiscal »… Il est vrai que cela fait bientôt dix ans que vous n’êtes plus au pouvoir. Je crains d’ailleurs que cela ne continue ; c’est ce que le chien Douglas m’a dit tout à l’heure ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mais, au moins – je vous le dis avec beaucoup d’amitié – dans ce cadre, soyez innovants, comme nous pouvons l’être !
Que voulions-nous accomplir ce soir, hormis recevoir le succès d’estime que nous prévoyions ? Nous voulions envoyer un message à celles et ceux qui aujourd’hui sont plus qu’au bord du chemin ; ils sont dans le fossé, et ce depuis de nombreuses années, de génération en génération. Cette population ne demande qu’à être reconnue, ce qui ne sera pas le cas ce soir.
Monsieur le secrétaire d’État, vous et ceux qui vous entourent avez toujours porté l’idée du ruissellement et des premiers de cordée, l’idée que la main invisible du marché pourrait tout régler. Vous avez pourtant fini par découvrir qu’il y avait des fractures dans notre pays – celles des gilets jaunes, celles des laissés pour compte de la crise sanitaire – et qu’il fallait leur apporter des réponses. Vous avez même parfois découvert l’intérêt de mesures presque keynésiennes, mais vous ne les avez prises que le dos dans les cordes, parce que vous ne pouviez pas faire autrement.
Ce n’est pas notre conception. Nous croyons à la force de l’État. Nous pensons que celui-ci doit intervenir pour tendre la main à celles et ceux qui ont aujourd’hui besoin de solidarité.
Tel était le sens de cette proposition de loi, qui va prospérer dans d’autres milieux plus politiques, dans le cadre de l’élection présidentielle. Je regrette qu’aucun de nos arguments n’ait pu être pris en considération ce soir. Mais nous continuerons notre combat ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 7.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 113 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 91 |
Contre | 238 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 8
Les pertes de recettes résultant pour l’État et les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe prévue par l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
Mme le président. Je rappelle que, les articles précédents n’ayant pas été adoptés, l’article 8 est devenu sans objet.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été rejetés ou étant devenus sans objet, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi visant à créer une garantie à l’emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social n’est pas adoptée.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne prends pas la parole pour me féliciter du rejet de cette proposition de loi ; ce serait par trop discourtois envers M. Kanner. Je veux en revanche saluer le travail de notre rapporteur.
Je souhaite également exprimer à M. le secrétaire d’État, puisque c’est la dernière séance que nous passons ensemble, mes remerciements pour tout le travail que nous avons accompli ensemble. Nous n’avons pas toujours été d’accord sur les textes soumis à notre examen, mais je tiens à saluer votre travail et à remercier votre cabinet de ces mois de travail en commun. (Applaudissements sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains et UC, sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur. Je veux remercier les administrateurs qui m’ont accompagné tout au long des auditions que j’ai menées sur ce texte, ainsi que les membres et la présidente de notre commission. Je tiens aussi à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, de votre travail et de votre accompagnement. Je déplore que le travail de rapporteur soit parfois ingrat, notamment quand l’avis de la commission ne va pas dans le sens que je souhaitais, mais je vous remercie cependant de cette excellente séance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous remercie, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, de vos propos à mon égard et à l’égard de mon cabinet.
J’ai toujours plaisir à venir travailler au Sénat, avec l’ensemble de ses membres, en raison notamment de la qualité des débats. On peut avoir des avis opposés, mais les exprimer avec une tranquillité d’esprit qui facilite le débat démocratique.
Monsieur Kanner, je crois pour ma part à la coexistence d’une responsabilité individuelle et d’une responsabilité collective. Les deux sont nécessaires. L’objectif, que nous partageons, je crois, est de ne laisser personne au bord du chemin et encore moins dans le fossé. C’est bien ce que j’ai essayé de faire avec vous pendant ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)
8
Maintien du versement de l’allocation de soutien familial
Rejet d’une proposition de loi
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire, présentée par Mme Laurence Rossignol et plusieurs de ses collègues (proposition n° 64, résultat des travaux de la commission n° 508, rapport n° 507).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la proposition de loi.
Mme Laurence Rossignol, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très heureuse de vous soumettre cette proposition de loi, la dernière de cette législature.
L’examen de ce texte se situe entre la Saint-Valentin et le 8 mars ; il n’y avait pas meilleure date pour une proposition de loi visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse ! (Sourires.)
Cette proposition de loi, que notre collègue rapporteure Michelle Meunier va vous présenter dans quelques instants, est courte – deux articles – et simple : elle vise à supprimer un alinéa de l’article L. 523-2 du code de la sécurité sociale. Surtout, elle constitue à mes yeux le premier volet d’une politique globale de soutien aux familles monoparentales, qui inclurait également la fin de l’imposition des pensions alimentaires, le prolongement jusqu’à 12 ans d’un complément spécifique de libre choix du mode de garde et l’instauration d’un délai avant le retrait des majorations des prestations sociales soumises à une condition d’isolement.
Notre politique familiale, dont nous pouvons être fiers, est caractérisée, entre autres, par sa grande souplesse d’adaptation aux évolutions de la société. Elle accompagne, par exemple, le travail des femmes par le soutien aux divers modes d’accueil des jeunes enfants : crèches, assistantes maternelles. Elle a progressivement substitué la notion de parents et de parentalité à celle de famille et elle est neutre par rapport aux formes de famille, car elle est centrée sur l’enfant et sur la protection de celui-ci.
Près d’un quart des familles sont désormais composées d’un seul parent. Et, dans 82 % des cas, ce parent est une femme. C’est la raison pour laquelle je parle souvent de « mères monoparentales ».
Bien entendu, toutes ces mères monoparentales ne sont pas en situation d’isolement, d’absence de pension alimentaire – beaucoup en perçoivent une, fort heureusement – ou de pauvreté. Néanmoins, sur les 4 millions d’enfants qui vivent dans une famille monoparentale, 1,4 million vivent sous le seuil de pauvreté. Il est donc nécessaire d’aider les familles monoparentales pour protéger les enfants, notamment de la pauvreté.
J’évoquais il y a quelques instants l’agilité et l’adaptabilité de la politique familiale ; il en est allé ainsi de la transformation, en 1984, de l’« allocation orphelin » en allocation de soutien familial (ASF).
Toutefois, la suspension du versement de cette allocation en cas de remise en couple du parent bénéficiaire, que ce couple soit formel ou informel, me paraît aujourd’hui anachronique. Aussi, dans cet esprit d’adaptation constante de la politique et des prestations familiales aux évolutions de la société, le moment me paraît venu de supprimer cette suspension lorsque le parent bénéficiaire construit un nouveau couple.
En réalité, la suspension de l’ASF en cas de remise en couple, formel ou informel, je le répète, procède d’un postulat : il se créerait dans cette situation une nouvelle solidarité intrafamiliale, grâce au nouveau conjoint, par le nouveau conjoint. Or, pour reprendre le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales de juillet 2021, cette solidarité intrafamiliale liée à une nouvelle remise en couple « est loin d’être systématiquement une réalité ». En effet, il est fréquent que le nouveau compagnon soit lui-même séparé et acquitte une pension alimentaire, versée à la mère de ses enfants, quand elle en a la garde.
Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur une incohérence qui me paraît importante. Lorsqu’une mère séparée perçoit, du père de ses enfants, de son ex-conjoint, une pension alimentaire, celle-ci est versée y compris quand ce parent le parent bénéficiaire se remet en couple. Le juge aux affaires familiales ne décide pas de la suspension du versement de la contribution à l’éducation et à l’entretien des enfants acquittée par le parent séparé et prévue par la convention, au motif que la mère aurait un nouveau conjoint. L’ex-conjoint continue bien de verser la pension alimentaire lorsque la mère a un nouveau couple, crée une nouvelle famille.
Lorsqu’il n’y a pas de pension alimentaire, parce que le père est défaillant, est insolvable, n’existe pas ou a disparu – parmi les bénéficiaires de l’ASF, on trouve les enfants orphelins, les enfants nés sans filiation paternelle identifiée et les enfants ayant une filiation, mais dont les pères ne versent pas la pension alimentaire –, la solidarité nationale, via la caisse d’allocations familiales (CAF), se substitue au père défaillant. Or, dans ce cas, on suspend le versement de l’allocation.
Il y a là une incohérence sur laquelle j’appelle votre attention ; il ne viendrait bien évidemment à l’idée de personne de proposer que la pension alimentaire ne soit plus versée en cas de remise en couple du parent bénéficiaire.
Le maintien de l’ASF après remise en couple du parent allocataire n’est pas une idée totalement nouvelle. Il avait déjà été expérimenté en 2014.
À ce stade de mon intervention, je me propose de faire une petite parenthèse historique, car M. le secrétaire d’État, qui, lui aussi, est très content de nous voir pour la dernière fois dans cette législature,…
Mme Laurence Rossignol. … va profiter de ce moment pour nous présenter, comme ses collègues avant lui, tout le bilan de toute la politique du Gouvernement au cours des cinq dernières années (M. le secrétaire d’État brandit le texte de son intervention.), afin de nous expliquer tout ce que le Gouvernement a fait pour les familles monoparentales. Aussi, avant même qu’il ne le fasse, je souhaite faire un petit rappel historique.
La garantie des impayés de pensions alimentaires a été créée et expérimentée en 2014 – tout n’a pas commencé en 2017, contrairement à ce que j’entends parfois à propos de tous les domaines (Sourires.) –, généralisée en 2016 et l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa) a été créée au mois de janvier 2017.
M. Patrick Kanner. Vive la gauche !
Mme Laurence Rossignol. Ensuite, le Gouvernement, et je l’en remercie,…
Mme Laurence Rossignol. … a poursuivi sur cette lancée et a approfondi, amélioré ce qui avait été institué ; les fondations étaient là pour faire encore plus et encore mieux.
Quand nous avons instauré, en 2014, la garantie des impayés de pensions alimentaires (GIPA), nous avions prévu le maintien pendant six mois de son versement, sous forme expérimentale. Néanmoins, au moment de sa généralisation, la technostructure administrative s’est mobilisée fortement pour supprimer ce maintien pendant six mois alors qu’aucune conclusion de l’expérimentation n’avait été tirée.
Nous n’avons jamais pu obtenir de cette technostructure de savoir si cette expérience avait été concluante ou non. De mon point de vue, elle l’avait été. Mais, vous le savez, la force technocratique s’impose parfois à tous. Ce fut le cas en l’occurrence…
Je vous raconte tout cela pour vous montrer que cette idée n’est pas totalement farfelue, qu’elle a déjà été expérimentée et que les éléments que l’on a pu obtenir des CAF étaient positifs.
C’est la raison pour laquelle mes collègues et moi revenons vers le Sénat pour lui demander de continuer de faire évoluer notre politique familiale.
Nos collègues de la droite aimeraient, je le sais, une grande réforme de la politique familiale. Je ne crois pas aux grandes réformes de la politique familiale ; les choses ne se sont jamais produites ainsi. Pour différentes raisons, la politique familiale évolue avec la société ; elle s’adapte en permanence.
En outre, je ne suis pas sûre de souhaiter une telle réforme, parce qu’il n’est pas certain que les fondamentaux, que nombre d’entre nous partageons, seraient respectés par la grande réforme libérale des politiques familiales qui pourrait tout à fait voir le jour, vu l’air du temps…
Aussi, à défaut d’une grande réforme, je vous propose d’adopter une réforme petite, mais essentielle pour les familles monoparentales, mettant fin à un anachronisme et posant les fondements d’un grand plan en faveur des familles monoparentales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de son espace réservé, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a demandé l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi, déposée par notre collègue Laurence Rossignol, visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire.
Je ne m’attarderai pas sur l’article 2 du texte. Il s’agit d’une demande de rapport au Gouvernement sur la diversité des situations familiales et sur leur prise en compte par notre régime fiscal. Cela a été souligné, un quart des familles françaises sont désormais monoparentales, contre 12 % en 1990. Plus largement, les modèles familiaux, qui ne sauraient donc se résumer à la famille nucléaire, ou les façons de « faire famille » évoluent, si bien qu’il me paraît essentiel d’engager une réflexion sur l’adaptation de notre fiscalité à ces changements. C’est pourquoi je suis personnellement favorable à l’adoption de cet article. Toutefois, la commission, fidèle à sa position sur les demandes de rapport, l’a rejeté.
L’article 1er est le cœur du dispositif ambitieux promu dans le texte. Il s’agit de ne plus conditionner le versement de l’allocation de soutien familial à l’isolement du parent bénéficiaire.
Cette allocation est une prestation de la branche famille versée sans condition de ressources à un public spécifique. Elle a été accordée à plus de 800 000 foyers en 2021 pour l’éducation des enfants privés du soutien d’au moins un parent. Quelque 1,3 million d’enfants en sont bénéficiaires. Son montant est forfaitaire pour chaque enfant : 116 euros si l’enfant est privé de l’aide d’un de ses parents et 155 euros si les deux parents sont absents.
En 1984, l’ASF a pris, le relais de « l’allocation orphelin ». Elle englobe désormais des situations beaucoup plus diverses que les seuls enfants de parents décédés. Elle est versée à la personne ayant la charge d’un enfant dont la filiation n’est pas établie à l’égard d’au moins un des parents. Elle permet également de remplacer la pension alimentaire si l’un des parents ne la verse pas ou est reconnu comme étant hors d’état faire face à son obligation, en raison principalement de son insolvabilité. Dans le cas où le parent se soustrait, même partiellement, à son obligation de versement de la créance alimentaire, l’ASF est versée à titre d’avance au parent créancier, à charge pour la caisse d’allocations familiales de recouvrer la pension alimentaire auprès du parent débiteur.
Ainsi que Laurence Rossignol l’a rappelé – je la remercie d’ailleurs d’avoir remis les pendules à l’heure –, un vaste mouvement de réforme engagé depuis 2014 contre les impayés de pensions alimentaires a permis une montée en charge de cette ASF recouvrable. Enfin, depuis 2016, une ASF différentielle permet de compléter la pension alimentaire si cette dernière est fixée à un montant inférieur à celui de cette allocation.
En parallèle des critères d’éligibilité, le parent assumant la charge effective et permanente de l’enfant reçoit l’ASF sous stricte condition d’isolement. L’allocation cible donc les seules familles monoparentales et cesse d’être versée si le parent reprend une vie commune, quel que soit le statut de celle-ci : mariage, pacte civil de solidarité (PACS), concubinage. Selon la Caisse nationale des allocations familiales, environ 24 600 parents auraient ainsi perdu le bénéfice de l’ASF non recouvrable en 2020 parce qu’ils avaient choisi de se remettre en couple.
De prime abord, ce ciblage peut paraître fondé, en raison de la surexposition des familles monoparentales à la précarité : 40 % des enfants vivant dans une famille monoparentale sont considérés comme pauvres, selon l’Insee. Les dépenses d’ASF, qui s’élevaient à 1,79 milliard d’euros en 2020, sont donc essentielles pour ces familles.
Néanmoins, en faisant perdre le bénéfice de l’ASF aux parents qui se remettent en couple, la condition d’isolement emporte de nombreux effets pervers. Elle est source d’incohérences et, par conséquent, d’incompréhension pour les familles concernées.
Tout d’abord, une telle condition dissuade certains parents isolés de reprendre une vie commune avec un nouveau conjoint, par crainte de remettre en cause l’équilibre fragile de leurs finances. Ainsi, 70 % des bénéficiaires de l’ASF se situent sous le deuxième décile de la distribution des revenus. Les familles monoparentales aux revenus les plus modestes sont même plus nombreuses à recevoir une ASF qu’une pension alimentaire. La perte de 116 euros par enfant n’est donc pas négligeable pour ces familles précaires, dont une partie choisit de sacrifier ses projets de vie conjugale ou maritale pour des raisons matérielles.
Du point de vue de l’efficacité des politiques publiques, ce découragement à sortir de la monoparentalité est d’autant plus regrettable que, en moyenne, le niveau de vie des parents isolés augmente après la remise en couple. En reprenant une vie commune, ces personnes peuvent réaliser des économies d’échelle sur les charges de la vie courante. Elles peuvent également concilier leurs vies familiale et professionnelle en se libérant de certains fardeaux de la monoparentalité. Aussi la remise en couple peut-elle favoriser la reprise d’une activité professionnelle alors que 35 % des parents isolés sont sans emploi.
Le ciblage sur les parents isolés du droit à l’ASF agit ainsi comme une barrière maintenant les familles dans une « trappe à l’isolement » et plus encore une « trappe à pauvreté ».
Pour ce qui concerne les personnes ayant tout de même choisi de se remettre en couple, la perte de l’ASF réduit mécaniquement leur autonomie financière au sein de leur nouveau ménage. Les parents isolés, dont 82 % sont des mères, risquent de se retrouver dans une relation de dépendance à l’égard de leur nouveau conjoint pour l’éducation et l’entretien de leur propre enfant. Cette situation n’est pas souhaitable en soi.
De plus, ce serait un postulat erroné que de considérer que le nouveau conjoint contribue systématiquement aux frais d’entretien de l’enfant. Il n’y est tenu par aucune obligation juridique, surtout en dehors du mariage. Par ailleurs, il peut avoir lui-même des enfants à charge et disposer de revenus modestes, voire être un ancien parent isolé ayant perdu le bénéfice de l’ASF.
Enfin, la restriction du bénéfice de l’ASF aux seuls parents isolés ne se justifie pas du point de vue de l’intérêt supérieur des enfants. Quel que soit le statut marital ou conjugal du parent avec lequel ils vivent, ils demeurent privés du soutien du second parent. La condition d’isolement s’appliquant au versement de l’allocation n’a donc aucune raison d’être. La perte de l’ASF au bénéfice de leur éducation est d’autant plus incohérente que les parents créanciers qui se remettent en couple ne connaissent pas pour autant de suspension de leurs droits à une pension alimentaire. Cette différence de traitement pénalise les bénéficiaires de l’ASF, alors même qu’ils se trouvent dans une situation de plus grande vulnérabilité.
Pour toutes ces raisons, la suppression de la condition d’isolement paraît nécessaire. Elle a d’ailleurs été recommandée par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge dans son rapport du 28 septembre dernier.
Bien entendu, d’autres paramètres des dispositifs en faveur des familles monoparentales mériteraient d’être réformés dans une approche plus globale. Je pense notamment à la prise en compte inégale des pensions alimentaires et de l’ASF dans les bases ressources des prestations sociales ou de l’impôt sur le revenu. Ce traitement différencié rend paradoxalement préférable le versement d’une ASF à celui d’une pension alimentaire.
Il n’en demeure pas moins qu’en maintenant le versement de l’allocation aux parents éligibles ne remplissant plus la condition d’isolement, nous avons la possibilité d’adopter une mesure de bon sens, sans attendre une réforme d’ampleur de la politique familiale.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, à titre personnel, je suis favorable à l’adoption de l’article 1er. Toutefois, la commission l’a repoussé, de même que l’ensemble de la proposition de loi. C’est donc le texte initialement déposé que nous nous apprêtons à examiner. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici réunis – avec plaisir « tout court », comme à chaque fois depuis ma nomination… – pour examiner la proposition de loi visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire.
Vous contestez, madame la rapporteure, le mécanisme de suspension de l’allocation, puisqu’il imposerait au parent bénéficiaire, pour reprendre l’exposé des motifs, « de choisir entre la solitude et la dépendance économique ».
Avant même de commenter sur le fond votre proposition, je tiens à rappeler que le Gouvernement partage pleinement votre préoccupation de soutenir les parents isolés en répondant au mieux et durablement à leurs besoins. J’aurai l’occasion d’y revenir plus tard – vous avez vu juste, madame Rossignol –, en détaillant les mesures spécifiques déployées par ce gouvernement depuis maintenant cinq ans. Je dresserai également quelques perspectives, en cette période particulière.
Un tel soutien paraît bien sûr indispensable quand on sait que les familles monoparentales, qui représentent aujourd’hui plus d’un quart des foyers, sont pour plus d’un tiers d’entre elles en situation de précarité.
Toutefois, je considère que votre proposition de maintenir le versement de l’allocation de soutien familial pour le parent bénéficiaire en cas de remise en couple, par PACS, mariage ou concubinage aurait pour conséquences de vider cette prestation de son sens et de brouiller l’ensemble de notre politique familiale.
L’ASF a été créée en 1970, en remplacement de l’allocation aux orphelins, afin de soutenir les personnes qui assument seules la charge effective et permanente d’un enfant de moins de 20 ans privé de l’aide d’un ou de ses deux parents. Cette allocation, créée pour aider financièrement les parents isolés, changerait donc de nature avec votre proposition, dans un sens qui me semble à la fois peu justifié socialement, risqué juridiquement, peu cohérent avec notre système de prestations familiales et, enfin, coûteux financièrement.
Ce serait peu justifié socialement, tout d’abord, car la remise en couple restaure les économies d’échelles qui avaient disparu à la suite de la séparation. Les données de l’Insee le démontrent : le taux de pauvreté des enfants est de 40,5 % pour ceux qui vivent avec un seul parent, contre 15,5 % pour les enfants dont les parents sont en couple.
Ce serait juridiquement risqué, ensuite, puisque cela conduirait les couples dont l’un des membres a été préalablement en situation monoparentale à bénéficier d’un montant de prestation supérieur aux couples non préalablement séparés. Cette différence de traitement entre les couples me paraît difficilement défendable et serait probablement constitutive d’une rupture d’égalité.
Ce serait donc risqué juridiquement, mais également budgétairement. L’ASF n’est pas, rappelons-le, une prestation versée sous condition de ressources. La suppression de la condition d’isolement entraînerait une hausse significative du nombre d’allocataires, posant nécessairement la question du coût d’une telle réforme, donc de son financement. En viendrions-nous à faire le choix de subordonner le bénéfice de la prestation à une condition de ressources qui n’existe pas aujourd’hui ? Je ne pense pas cela souhaitable.
Ces deux risques, juridique et budgétaire, sont du reste d’autant plus grands que, si nous suivions votre logique, il s’ensuivrait rapidement que tous les autres dispositifs favorables aux familles monoparentales devraient eux aussi être étendus au-delà de la remise en couple. Je pense à la majoration du montant et du plafond du complément de mode de garde, à la majoration du plafond de l’allocation de base et des primes à la naissance et à l’adoption de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) ou encore à la majoration du plafond du complément familial.
Il me semble enfin qu’une telle évolution brouillerait, je l’indiquais, la lisibilité de notre système d’aides : quelle différence ferait-on en effet entre une ASF versée à des familles monoparentales ou en couple et les prestations familiales qui ne nécessitent pas de condition d’isolement et visent à couvrir les dépenses d’entretien des enfants ? En l’absence de grande différence, pourquoi deux aides ?
C’est là le risque le plus pernicieux, car en en tirant le fil, vous voyez que votre proposition pourrait conduire certains à considérer que ces dispositifs spécifiques aux familles monoparentales, mais qui seraient étendus aux familles ex-monoparentales remises en couple, ne font que doublonner le droit commun à toutes les familles. Il en faudrait alors peu pour que les mêmes en appellent ensuite à leur suppression – nous serons d’accord, je pense, pour considérer que cela n’est pas souhaitable – ou au retour à la situation initiale, dont le détour aura permis de constater qu’elle était dès le début équilibrée…
Ainsi, madame la rapporteure, l’article 1er de ce texte me semble proposer une solution inadaptée à un problème pourtant réel, celui de la fragilité des familles monoparentales. Nous nous sommes déjà beaucoup mobilisés pour celles-ci, mais, chaque fois que nous pourrons encore amplifier notre action en leur faveur, nous le ferons.
J’en termine avec l’ASF en soulignant que le principal problème réside, selon moi, dans son taux trop élevé de non-recours. En effet, une étude menée par la CAF de Gironde en 2018 a démontré qu’environ 15 % des bénéficiaires potentiels de l’ASF n’y recourraient pas. Près de 200 000 foyers seraient ainsi concernés à l’échelle nationale. C’est un taux de non-recours très élevé, qui doit nous préoccuper et nous conduire à mobiliser de nouveaux moyens pour détecter les bénéficiaires potentiels et aller à leur rencontre.
Cela passe notamment par le déploiement de dispositifs dits de datamining, qui permettent, sur le fondement de recoupements de données, de détecter des familles potentiellement concernées. La CNAF a déjà lancé une telle démarche en se fondant sur ses propres données. Elle pourra prochainement le faire en s’appuyant également sur les informations d’autres organismes de sécurité sociale, un décret en ce sens devant paraître d’ici au mois de mai.
De la même manière, les CAF et les MSA développent des parcours spécifiques pour les familles en fragilité, qui permettent de procéder à des détections de droits auxquels les foyers ne savent parfois même pas qu’ils peuvent y prétendre.
Nul doute que le déploiement de ce type de services constituera un axe fort de la prochaine de la prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la CNAF ; les concertations devraient débuter dans les semaines à venir.
Au-delà de ces évolutions, il s’agira à l’avenir d’amplifier les actions en faveur des familles monoparentales, que nous avons mises en œuvre dès le début du quinquennat. Bien évidemment, je peux entendre que des mesures avaient été prises avant 2017.
Je pense tout d’abord au service public des pensions alimentaires, dont vous avez rappelé la genèse, madame Rossignol, et que je connaissais en dépit de ma jeunesse en politique. Ce service permet aussi bien d’assurer le versement intermédié des pensions que leur recouvrement en cas d’impayés. En effet, pour une femme, parfois pour un homme, un défaut de paiement n’est pas qu’un accident comptable ou un simple sujet de trésorerie. Ce type d’insécurité financière peut être un véritable drame qui plonge des familles, des enfants dans la pauvreté.
Aujourd’hui, le service d’intermédiation fonctionne, plus de 60 000 personnes ayant déposé une demande. Toutefois, dans leur immense majorité, ces mêmes personnes ont déjà vécu un impayé de pension, alors même que notre objectif est d’intervenir avant tout impayé, dans un souci de prévention.
Pour aller plus loin, pour mieux protéger, nous avons décidé de généraliser cette intermédiation. Nous le faisons avec vous, puisque vous l’avez votée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Dès le 1er mars prochain, elle sera systématiquement mise en place lors de la fixation de la pension par le juge, à moins que les deux parents ne le refusent expressément. Comme vous le savez, l’efficacité de ce système a été éprouvée au Québec.
Je forme le vœu que la prochaine période nous donne l’occasion de poursuivre sur le chemin de l’adaptation de notre politique à cette réalité familiale qu’est la gestion de l’après-séparation, car plusieurs questions cruciales restent posées, en dépit des efforts considérables consentis et des progrès majeurs accomplis des dernières années.
Il s’agira notamment de parfaire encore la garantie de recouvrement des pensions, de reconsidérer le niveau de notre soutien aux plus modestes d’entre elles et de mettre sérieusement à l’étude la question de l’adéquation entre les règles de partage des aides familiales et les réalités vécues par les familles. Il faudra aussi clarifier l’étendue des devoirs de la solidarité conjugale à l’égard des beaux-enfants.
Je pense aussi à nos aides à la garde d’enfant, défi pour toutes les familles et casse-tête trop souvent insoluble pour les familles monoparentales. Nous avons pris des mesures fortes en la matière, en particulier avec la majoration de 30 % du montant du complément de mode de garde en 2018 pour les familles monoparentales.
Je rappelle également que 2 millions d’euros supplémentaires ont été votés par la CNAF, au printemps 2021, pour soutenir financièrement des centres de loisirs sur des horaires élargis, de dix-huit heures à vingt heures, pour faire en sorte que, dans les territoires où les trajets domicile-travail sont très longs, par exemple en seconde couronne, les enfants ne soient pas livrés à eux-mêmes de la fin des cours jusqu’au retour de leurs parents à la maison. Ce sont ainsi 580 000 nouvelles heures d’accueil en soirée qui seront financées à hauteur de 80 % jusqu’à fin 2022.
Il nous faudra, demain, aller plus loin et achever la construction entamée d’une société plus accueillante pour toutes les familles. Car nous voulons leur garantir l’accès à des congés et à des services à la fois mieux adaptés à leurs aspirations, mais surtout essentiels pour l’organisation de leur vie quotidienne.
L’universalité des services aux familles est attendue, très probablement encore plus par les familles monoparentales que par les autres. Elle permettra non seulement de mieux les protéger de la pauvreté, en complément des aides financières, mais aussi et surtout de leur donner les outils pour s’en prémunir durablement par elles-mêmes, par exemple en se formant, en prenant ou en reprenant un emploi.
C’est l’horizon que le Président de la République a tracé et auquel le Conseil économique, social et environnemental travaille à ma demande : un droit garanti à un accueil du jeune enfant à un prix raisonnable et similaire par une assistante maternelle ou en crèche partout sur notre territoire. C’est avant tout aux familles monoparentales que bénéficiera cette révolution, car il s’agit bien d’une révolution, du droit enfin consacré à la garde d’enfant dans notre pays.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis fier d’avoir donné aux familles monoparentales toute leur place dans notre politique familiale, dans la lignée de ce qui a pu être fait auparavant. J’ai confiance dans le fait que nous poursuivrons demain dans cette voie.
Madame la rapporteure, vous partagez cette ambition, et j’en suis heureux. Nous divergeons sur votre proposition, et j’en suis marri. Mais sachons nous garder, ensemble, de mesures parfois trop vite imaginées et conçues et concentrons nos efforts sur les problèmes concrets des familles qu’il nous reste à résoudre : faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, ainsi que l’accès à l’emploi ; concevoir des offres nouvelles qui puissent alléger leur charge mentale avec des solutions de répit ; faire en sorte que toute famille monoparentale puisse bénéficier d’une meilleure qualité de vie. Pour cela, vous me trouverez toujours à vos côtés. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule, je voudrais rappeler que le premier objectif assigné à la politique familiale française est de compenser les charges de famille selon une logique de redistribution horizontale.
Cependant, en réformant au coup par coup, année après année, rabotage après rabotage, les aides aux familles ont perdu leur cohérence en raison d’un empilement d’aides disparates aux conditions d’attribution variables. Ces dispositifs sont devenus souvent illisibles pour le commun des mortels, ce qui tend à les rendre moins efficaces et à créer des inégalités de situation, voire parfois des phénomènes d’échappement ou, comme cela a été souligné, de non-recours.
Lorsque j’étais rapporteure de la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’ai regretté à de multiples reprises le manque d’ambition de notre politique familiale, qui s’est contentée d’être la variable d’ajustement des politiques budgétaires des gouvernements successifs.
Je remercie donc Mme Laurence Rossignol de mettre à notre agenda, par le biais de sa proposition de loi, la situation des familles monoparentales, qui représentent 25 % des familles aujourd’hui, comme l’a rappelé Mme la rapporteure. Plus largement, ce texte nous permet de débattre de notre politique familiale, à laquelle il est urgent de redonner un vrai souffle, au-delà du renforcement de quelques dispositifs ciblés. Elle devrait évoluer qualitativement vers l’accompagnement de chaque enfant.
Soit dit en passant, l’ouverture du droit aux allocations familiales dès le premier enfant me paraît être une piste à développer sérieusement, comme l’a proposé mon collègue Olivier Henno.
M. Guillaume Chevrollier. Très bien !
Mme Élisabeth Doineau. Beaucoup d’incompréhension, et à raison, perdure autour de l’attribution ou non de l’allocation de soutien familial.
Contrairement à la pension alimentaire, les droits à l’ASF sont interrompus lorsque le parent bénéficiaire fait état d’une nouvelle situation de vie conjugale ou maritale, ce qui crée un fort sentiment d’injustice ; vous l’avez très bien exprimé.
Cependant, il faut bien comprendre que la question de la pension alimentaire est un effet de la séparation du premier couple et que son versement doit être réglé avec le payeur, l’ASF venant simplement en garantie lorsque le payeur ne peut plus s’en acquitter. Cette forme de « garantie » a transformé la fonction initiale de l’ASF, qui visait les orphelins. Cela a créé une confusion certaine.
Il est utile de rappeler que les enfants mineurs vivant en famille monoparentale sont deux fois plus touchés par la pauvreté que l’ensemble des enfants, soit plus de 40 % d’entre eux. Nous sommes tous insatisfaits de cette situation.
Ces chiffres démontrent ainsi tout l’enjeu économique que revêt la situation amoureuse du parent ayant la charge de l’enfant. Face à cette réalité, la perte de l’allocation de soutien familial peut entraîner un risque accru de dépendance économique vis-à-vis du nouveau partenaire.
Aussi, la proposition de loi qui nous est soumise est pertinente de ce point de vue. Néanmoins, je regrette que le texte aborde la question de l’ASF sans remettre à plat ce que la Cour des comptes a identifié comme étant problématique, c’est-à-dire sans clarifier le dispositif en prévoyant des mesures particulières pour les orphelins ou pour les enfants dont le lien de filiation n’est pas légalement établi avec le second parent et d’autres dispositions dans les autres cas.
Une autre voie, certainement coûteuse, aurait consisté à proposer dans le texte initial une revalorisation de l’allocation, qui s’élève aujourd’hui à 116,11 euros par enfant, voire de l’indexer sur un pourcentage du SMIC. (Mme Laurence Rossignol applaudit.) En effet, lorsqu’il s’agit de remplacer une pension alimentaire, peut-on aujourd’hui considérer que le montant de l’allocation est suffisant ?
Nous considérons qu’il existe bien un sujet à éclaircir et nous avons entendu les demandes des associations. Toutefois, le groupe Union Centriste considère que la proposition de loi, en n’ouvrant pas l’ensemble du sujet, offre une solution incomplète. Nous aurions préféré étudier un texte réformant plus en profondeur le sujet, voire posant la question de l’interaction de l’ensemble des prestations, afin d’envisager les aides sociales à la famille dans leur globalité.
Par conséquent, le groupe Union Centriste s’abstiendra.
Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, faut-il maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire ? Voilà la question qui nous est posée aujourd’hui.
Je tiens à remercier nos collègues du groupe socialiste pour cette proposition de loi qui nous permet d’évoquer ces familles monoparentales, dont on ne parle que trop peu.
En effet, à une situation familiale souvent difficile s’ajoute une situation financière délicate, avec, dans 82 % des cas, une mère souvent contrainte à une activité partielle, donc précaire, et avec des revenus faibles.
Par ses conditions d’octroi, l’allocation de soutien familial est une aide importante et souvent primordiale pour les plus de 800 000 familles concernées. Le débat sur son individualisation mérite d’être soulevé tant les difficultés que cette allocation peut poser sont réelles.
La perte de revenu à la suite du retour à une vie de couple concernerait 24 000 parents. Je partage complètement les propos de la rapporteure lorsqu’elle indique que cela peut constituer un frein à une remise en couple : le manque à gagner est parfois trop important pour ces familles, qui appartiennent en grande majorité aux déciles les plus faibles.
Rien n’indique dans les faits que les nouveaux conjoints participent à la vie, à l’éducation et à l’assistance financière de l’enfant. Le non-maintien de l’ASF lors d’un retour à une vie de couple peut même aggraver la vulnérabilité de ces familles, qui risquent d’entrer dans une relation de dépendance vis-à-vis du nouveau conjoint.
Plus globalement, ces débats ne sont pas si éloignés de ceux que nous avons pu avoir voilà quelques semaines autour de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).
Dans les deux situations, un seul et même objectif doit nous guider : permettre l’indépendance face à une difficulté de la vie et faire en sorte qu’aucune considération financière ne puisse influencer des choix de vie. S’y ajoute, dans le cas de l’ASF, la question de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Aussi, cette suspension du versement de l’allocation de soutien familial en cas de retour à une vie de couple pour l’un des parents est d’autant plus incompréhensible qu’il n’existe pas de condition d’isolement pour le versement de la pension alimentaire. Comment expliquer cette différence entre deux types de familles monoparentales ?
Au-delà de l’incompréhension, ce statu quo vient nourrir la fraude. À ce titre je regrette que la majorité sénatoriale ne donne pas davantage d’écho à cette proposition de loi.
Si la réforme des politiques sociales est nécessairement continue, je souhaite que l’élection présidentielle vienne remettre dans le débat des sujets tels que celui de l’allocation aux adultes handicapés ou encore celui du non-recours aux aides sociales ; près de 10 milliards d’euros supplémentaires pourraient ainsi être mobilisés chaque année.
Si je suis favorable à la proposition de loi, certains d’entre nous, plus partagés, souhaitent une remise à plat de cette allocation et des objectifs qui lui sont affectés ou encore une réforme plus globale de nos politiques sociales.
Vous l’aurez compris, dans leur grande majorité, les membres du groupe RDSE voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui représente une avancée majeure pour les parents isolés.
L’allocation de soutien familial a pour objectif d’aider à l’éducation d’enfants privés du soutien d’au moins un des parents, défaillant ou absent. Elle vise en priorité les femmes monoparentales, plus vulnérables et surexposées à la pauvreté. L’ASF est versée à 807 000 familles et bénéficie à 1,3 million d’enfants.
Actuellement, dès lors que le parent se met en couple, le versement de cette allocation est supprimé. La présente proposition de loi de ma collègue Laurence Rossignol, dont nous connaissons la détermination à défendre l’intérêt des enfants – et je salue ici son travail incessant –, vise à supprimer la condition d’isolement pour bénéficier de l’ASF, afin de permettre à des parents en famille recomposée de continuer de la percevoir.
En effet, ce mécanisme de suspension repose sur l’hypothèse contestable et moralement inacceptable que le nouveau partenaire de vie contribue automatiquement à l’éducation des enfants.
L’obligation alimentaire est alors déportée sur une personne qui n’a aucun lien de parenté avec l’enfant. D’ailleurs, dans la plupart des situations, cette hypothèse ne repose sur aucune réalité concrète.
Mais certains parents isolés sont contraints de faire un choix : se remettre en couple et renoncer à l’allocation, au risque de se retrouver avec des difficultés financières encore plus prégnantes, ou renoncer à une nouvelle vie de couple. C’est inacceptable : l’octroi de l’allocation ne doit pas être lié à un critère de conjugalité.
La France compte aujourd’hui près de 2 millions de familles monoparentales, soit une famille sur quatre, qui sont deux fois plus touchées par le chômage et la précarité. Elles sont constituées à 85 % de mères et de leurs enfants. Leur nombre est en forte augmentation du fait de la hausse des séparations.
D’après l’Insee, 12,5 % des femmes tombent dans la pauvreté après une séparation. Cette situation nécessiterait la reconnaissance d’un statut de « monoparent » permettant de bénéficier d’un accompagnement dans la vie quotidienne. Cette proposition trouvera sa place dans la campagne présidentielle.
Derrière la qualification de « famille monoparentale » se cache une réalité quotidienne très compliquée. Ces mères isolées doivent jongler entre l’éducation des enfants, une forte charge mentale, l’organisation de la prise en charge de chaque enfant et, lorsque c’est possible, une activité professionnelle parfois difficile à assumer.
Elles doivent faire de nombreux sacrifices qui entraînent inévitablement des conséquences non seulement sur leur activité professionnelle, emploi ou formation, mais aussi sur leur vie personnelle, ce qui les empêche de disposer de moments de répit.
La constitution de réseaux d’entraide est rendue difficile par cette faible disponibilité. Pour nombre de mères monoparentales, se mettre en couple représente une occasion de les soulager de la charge familiale qui pèse sur leurs seules épaules.
Celles qui ne peuvent se passer de l’ASF pour leur survie matérielle sont contraintes de rester célibataires, avec un niveau de vie médian avoisinant 1 180 euros mensuels, bien en deçà du revenu médian national. La moitié de ces familles vivraient avec ce faible niveau de revenu.
En 2020, 24 000 parents auraient perdu le bénéfice de cette allocation, parce qu’ils ont choisi de se remettre en couple. La perte de l’ASF peut entraîner un risque accru de dépendance économique vis-à-vis du nouveau partenaire. Le ciblage de l’ASF sur les seuls parents isolés constitue donc une double peine pour ces personnes.
Le bénéfice de l’ASF aux seuls parents isolés déclenche une forme de « trappe à l’isolement », comme cela a déjà été dit, qui constitue une entrave à la remise en couple.
Par ailleurs, en raison de la complexité des conditions d’octroi, l’allocation de soutien familial est touchée par un important phénomène de non-recours, auquel s’ajoute un non-recours volontaire, les mères concernées préférant renoncer à cette allocation pour éviter d’engager un litige avec leur ancien conjoint défaillant.
Ainsi, près d’un parent isolé sur deux serait éligible à l’ASF, mais ne la réclamerait pas. Cette condition d’isolement constitue un obstacle supplémentaire à l’octroi de cette allocation, déjà difficilement accessible. En supprimant cette condition, le texte propose une réponse concrète à une incohérence des modalités d’attribution de l’ASF.
L’allocation de soutien familial doit être considérée comme une allocation versée au parent assumant seul l’éducation de ses enfants, indépendamment de sa situation de couple, souvent non stabilisée.
Le maintien de l’allocation aux parents éligibles, indépendamment de la condition d’isolement, est une mesure de justice sociale qui permettra aux familles concernées de ne pas basculer dans la précarité.
Les familles monoparentales étant principalement constituées par des mères, cette mesure de bon sens permettrait à ces femmes de conserver leur indépendance économique vis-à-vis de leur nouveau partenaire.
Ainsi, à l’issue de nos discussions, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera favorablement et sans réserve pour cette proposition de loi, qui aidera à la subsistance des personnes en situation de monoparentalité et rendra moins difficile la situation de précarité que vivent la moitié d’entre elles. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (M. Joël Guerriau applaudit.)
M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’allocation de soutien familial, anciennement allocation parent isolé (API), est versée pour soutenir les parents qui élèvent seuls leur enfant.
En 2020, 815 000 foyers français en ont bénéficié, pour un coût total de 1,79 milliard d’euros. Cette prestation est conditionnée à l’isolement du parent bénéficiaire : lorsque ce dernier se remet en couple, il en perd le bénéfice.
Mes chers collègues, en 2020, la France comptait 2 millions de familles monoparentales, soit 24,7 % de l’ensemble des familles, soit deux fois plus qu’en 1990. L’augmentation de la proportion de ces familles et des familles recomposées constitue un fait social auquel les dispositifs socio-fiscaux ont dû s’adapter.
De plus, les chiffres de l’Insee ne prêtent pas à controverse : dans un tiers des familles monoparentales, le parent avec lequel les enfants résident la plupart du temps n’a pas d’emploi.
Cette réalité appelait des réponses fortes soit par le biais de prestations ciblant spécifiquement les parents isolés, soit en prévoyant une majoration des montants accordés, soit au travers de plafonds de ressources pour ces publics. C’est le cas pour le RSA, mais aussi, par exemple, pour la majoration du plafond du complément de mode de garde.
Ces majorations spécifiques perdent leur effet dès lors que le parent isolé s’unit à un nouveau partenaire de vie. L’article 1er de la proposition de loi déposée par Mme Laurence Rossignol vise à supprimer le conditionnement du célibat pour obtenir l’allocation de soutien familial en partant du postulat que le nouveau partenaire de vie n’a aucune obligation de s’impliquer dans les dépenses liées à la prise en charge des enfants de la personne avec laquelle il entend s’unir.
Le second article de la proposition de loi tend à demander au Gouvernement un rapport sur la diversité des situations familiales et leur prise en compte par la fiscalité.
Si le texte est louable dans ses intentions, il soulève un certain nombre de réserves pour trois raisons essentielles.
Premièrement, les nouvelles dispositions risqueraient de remettre en cause l’application des autres dispositifs précités mis en œuvre au profit des parents isolés.
Deuxièmement, une telle mesure risquerait de n’avoir qu’un faible effet sur les publics les plus précaires que notre politique familiale entend cibler en priorité. En effet, force est de le constater, les enfants qui grandissent avec un couple, au sein d’une famille recomposée ou non, ont un meilleur niveau de vie que ceux qui évoluent au sein d’une famille monoparentale.
Troisièmement, alors que la France consacre à la politique familiale un pourcentage de son PIB plus important que la moyenne de l’Union européenne ou de l’OCDE, il eût été indispensable que le coût financier de cette proposition de loi soit chiffré.
Par ailleurs, nous savons que 85 % des foyers monoparentaux sont constitués de femmes. Il est d’évidence que cette proposition de loi cherche à améliorer leur indépendance économique. Ce sujet a régulièrement été la priorité du Gouvernement. Nous avons ainsi voté, par exemple, une facilité de garde d’enfants pour les parents engagés dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle, éligibles à l’ASF. Nous croyons profondément qu’en accompagnant la prise en charge des enfants et l’insertion du parent sans emploi, nous aidons ces familles.
De même, nous avons réformé les pensions alimentaires.
Enfin, n’oublions pas que le taux de non-recours à l’ASF est extrêmement élevé. C’est sur ce point que nous devons concentrer toute notre attention et nos intentions.
Pour ces raisons, et malgré le fait que nous partagions bien évidemment l’objectif affiché, notre groupe votera en majorité contre cette proposition de loi. (M. Joël Guerriau applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Joël Guerriau. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans la volonté du bien-être des enfants, puisqu’elle tend à revoir l’une des conditions d’attribution de l’allocation de soutien familial.
Cette allocation n’est perçue que dans des cas particuliers. Il faut respecter plusieurs modalités pour en bénéficier dont celle de n’être ni marié, ni lié par un PACS, ni même en concubinage.
L’allocation de soutien familial a évolué au cours de son histoire, mais nous devons garder en tête que le destinataire reste et doit demeurer l’enfant. Nous parlons de son éducation et de son avenir. Je salue la réflexion menée autour de ce texte, ainsi que l’engagement qu’il suscite et la qualité de nos débats.
Nous comprenons les difficultés auxquelles font face les familles percevant cette allocation. Les familles monoparentales sont souvent confrontées à des préoccupations particulières et persistantes.
Nous entendons aussi les arguments qui ont été avancés : la dépendance économique vis-à-vis du nouveau conjoint, la situation familiale de ce dernier ou encore sa volonté ou non d’implication dans l’éducation de l’enfant.
Nous comprenons bien la volonté qui sous-tend ce texte, mais ce qui est proposé ne répond pas à toutes nos interrogations. J’évoquerai seulement deux points qui ont été soulevés en commission.
Premièrement, il me paraît essentiel d’assumer la recomposition de la famille en prenant en compte l’éducation et la charge des enfants dans les cas de mariage ou de PACS. Et ce d’autant plus que certains ont avancé le fait que le parent ayant l’enfant à charge pourrait préférer rester seul en raison de problèmes de fiscalité. Il est regrettable que des considérations fiscales prévalent sur la recomposition d’une famille.
Pour autant, dans le cas du mariage et du PACS, les nouveaux conjoints et les enfants, même en cas de garde partagée, font partie du même foyer fiscal et bénéficient de fait d’un quotient familial pouvant réduire leur niveau d’imposition.
Ainsi, il serait nécessaire d’approfondir tous ces mécanismes pour prendre en considération la différence entre les situations de fait et de droit.
Deuxièmement, il faut mener une réforme en profondeur du système des allocations plutôt que d’adopter de petites modifications, aussi importantes soient-elles.
Cette réforme globale ne pourra se faire que si nous évaluons le système actuel dans son ensemble : ses faiblesses comme ses forces devront être clairement identifiées. L’une de ces faiblesses réside dans le contrôle du bon fonctionnement du système.
Malheureusement, les fraudes aux allocations familiales sont très nombreuses, notamment les fraudes à la résidence ou à l’isolement. Il faut lutter contre ce phénomène.
Un rapport de la Cour de comptes du mois de septembre 2020 évalue les fraudes sociales détectées à environ 1 milliard d’euros et entre 14 milliards et 45 milliards d’euros les fraudes non détectées, ce qui est énorme. Avant d’élargir l’accès aux allocations, ne faudrait-il pas au préalable récupérer ce qui est injustement perçu par les fraudeurs ?
Mettre de l’ordre dans le contrôle et se lancer dans une réforme profonde du système est bien plus que nécessaire. Cela nous permettra surtout de concentrer nos efforts en faveur de nos concitoyens qui en ont le plus besoin, au premier rang desquels les familles monoparentales.
Si nous partageons l’idée générale qui se dégage de la proposition de loi, nous préférerions qu’une réflexion plus approfondie nous permette d’engager une réforme de plus grande ampleur. Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra. (M. Martin Lévrier applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire.
Créée par la loi du 22 décembre 1984, l’ASF est financée par la branche famille. Il s’agit d’une prestation familiale pouvant être versée au père seul, à la mère seule ou à toute autre personne ayant recueilli un enfant et en ayant la charge effective et permanente.
Fin 2019, 802 000 familles bénéficiaient de l’ASF, soit une dépense de 1,79 milliard d’euros. L’allocation de soutien familial est versée sans condition de ressources. Son montant s’élève à 116 euros par mois et par enfant à charge. Elle est attribuée par les CAF ou les MSA. Elle peut également l’être pour compléter une pension alimentaire dont le montant est inférieur à 116 euros ou être versée à titre d’avance quand cette dernière n’est pas réglée par l’autre parent. Dans ce cas, la CAF engage une procédure de recouvrement auprès de celui-ci pour la récupérer.
Cette prestation est accordée au parent ayant la charge de l’enfant sous réserve de son isolement. Elle cesse donc d’être versée si le père ou la mère titulaire du droit à l’allocation revit en couple ou si les enfants sont en garde alternée. Il s’agit d’une prestation destinée à l’enfant.
Selon l’Insee, on compte en France plus de 2 millions de familles monoparentales, soit environ une famille sur quatre. Les familles monoparentales sont particulièrement exposées aux situations de précarité en raison de ressources financières moindres et d’un risque de chômage plus élevé que celles formées d’un couple avec enfant.
C’est pourquoi le système français prend déjà en compte la monoparentalité par de nombreux dispositifs. Ainsi, les parents isolés peuvent aussi prétendre au système de double plafond favorable mis en place pour le complément familial, à la modulation à la hausse du montant de certaines prestations légales ou à l’allongement de la durée de versement de la prestation partagée d’éducation de l’enfant, qui peut être allouée pendant six mois supplémentaires en cas de monoparentalité.
Les parents isolés peuvent également bénéficier de l’Agepi (aide à la garde d’enfants pour parent isolé), afin de faire garder un ou plusieurs enfants de moins de dix ans lorsqu’ils retrouvent un emploi à temps plein ou à temps partiel ou lorsqu’ils entreprennent une formation. Ils bénéficient aussi d’une demi-part fiscale supplémentaire pour le calcul de leur impôt, qui est également accordée au parent seul, sans personne à charge et ayant élevé seul ses enfants pendant au moins cinq ans.
La proposition de loi va plus loin en demandant le maintien du versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire.
Je pose donc la question : tous les dispositifs destinés aux parents isolés devront-ils, à terme, être aussi maintenus en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire ? Ça n’a pas de sens !
L’ASF vise à apporter un soutien ciblé aux familles monoparentales en raison de la situation particulièrement précaire dans laquelle elles se trouvent. Le maintien de cette allocation n’a pas lieu d’être à partir du moment où le parent isolé se remet en couple. La suspension du versement de l’ASF repose en effet sur le postulat que le nouveau conjoint participe à l’entretien de l’enfant.
Mme Laurence Rossignol. C’est précisément ce que je dénonce.
Mme Chantal Deseyne. Le vrai problème est que, depuis le quinquennat de François Hollande, le détricotage de notre politique familiale est continu.
Les mesures d’économies mises en œuvre par les gouvernements successifs ont eu des répercussions directes sur le budget des familles, qu’il s’agisse de la modulation des allocations familiales, de la suppression du complément de libre choix d’activité majoré ou de la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).
Il serait plus opportun de proposer des mesures afin d’apporter des réponses adaptées aux inquiétudes des familles monoparentales quant à la conciliation de leur vie professionnelle et de leur vie familiale.
Il faut développer, entre autres, des solutions d’accueil pour les jeunes enfants, supprimer les conditions de ressources du complément de libre choix du mode de garde et permettre aux parents isolés ainsi qu’aux couples de travailler sans encourir un reste à charge dissuasif pour la garde à domicile comme pour les crèches et les assistantes maternelles.
Le mouvement doit être inversé autour d’un nouvel universalisme. Ce sont toutes les familles qui doivent être soutenues ! La politique familiale constitue un investissement pour l’avenir qui ne peut se contenter de modifications mineures. Notre politique familiale a besoin d’un vrai sursaut !
Il faut avoir le courage de remettre à plat toute la politique familiale et privilégier le principe d’universalité plutôt que d’aménager à la marge les allocations spécifiques. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains ne soutiendra pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si les inégalités femmes-hommes puisent souvent leurs sources dans la structure hétéronormative qui cadre les relations, c’est la séparation conjugale qui révèle brutalement les inégalités creusées durant toute la vie du couple.
Dans leur ouvrage Le genre du capital - Comment la famille reproduit les inégalités, les chercheuses Céline Bessière et Sibylle Gollac soulignent que les effets différenciés d’une séparation résultent de stratégies économiques genrées ayant eu lieu durant la relation du couple.
La conséquence d’une répartition inégale des rôles économiques dans le couple, tant des stratégies de dépenses différenciées que de la division genrée du travail professionnel et du travail domestique gratuit, explique que le prix de la rupture est encore aujourd’hui chèrement payé par les femmes. En effet, une séparation conduit à une perte moyenne de niveau de vie de 19 % pour les femmes, contre seulement 2,5 % pour les hommes.
Ces inégalités vont perdurer, puisque dans presque 84 % des cas, les familles monoparentales sont constituées de mères et 40 % des enfants de ces familles sont pauvres. Ces mères sont davantage au chômage, occupent plus souvent des postes précarisées et suivent des carrières plus heurtées.
Aussi, venant compenser parfois la faiblesse de certaines pensions alimentaires, les parents bénéficiaires de l’allocation de soutien familial appartiennent pour plus de 70 % d’entre eux aux 20 % des ménages les plus pauvres.
La suppression de cette allocation dans le cadre de la reconstitution d’une nouvelle famille repose sur le postulat que cette dernière est automatiquement créatrice de nouvelles solidarités rendant caduques cette prestation. En réalité, la recomposition d’un couple n’efface pas pour autant la situation personnelle vulnérable d’une majorité de ces parents. Par ailleurs, on ne sort pas de la précarité en se mettant simplement en couple, surtout si le nouveau partenaire est lui aussi précaire.
Perdre, lors d’une remise en couple, cette prestation dont l’objet est de soutenir les frais d’éducation de l’enfant, c’est perdre une marge d’autonomie financière et créer de nouveau une dépendance économique et symbolique.
Car ce nouvel espace de solidarité n’entraîne pas nécessairement pour le nouveau partenaire des obligations envers l’enfant identiques à celles qu’aurait eues le parent dont il est privé. La prestation doit donc demeurer attachée à la situation inchangée de l’enfant. Là réside son sens profond.
Enfin, on ne peut exclure la désincitation à s’engager pour les plus fragiles du fait de la baisse immédiate de revenus accompagnant la perte de cette prestation de soutien, d’autant plus essentielle que les niveaux de revenus sont faibles.
En conséquence, le maintien du versement de cette allocation, indépendamment de la situation affective du parent qui assure l’éducation de l’enfant, permet de stabiliser la situation. Il peut alors s’engager dans une nouvelle relation sans effet collatéral sur une allocation dont l’objet et la fonction n’ont aucunement disparu.
Le texte de loi proposé vise à tenir compte de l’augmentation des familles recomposées et à adapter le droit aux évolutions sociétales.
Pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, le fait de s’attaquer aux trappes à pauvreté ou à l’isolement comme aux inégalités de genre qui les traversent reste une priorité et une urgence. Aussi, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier nos collègues socialistes, particulièrement Laurence Rossignol et Michelle Meunier, d’avoir mis en lumière cette problématique assez peu connue, qui nécessite un changement.
En se plongeant dans le dispositif de l’allocation de soutien familial et de son ancêtre, l’allocation d’orphelin, on constate que la législation n’a que peu suivi l’évolution de la société et la composition des ménages. Cette prestation apparaît aujourd’hui anachronique, fondée sur un critère de célibat fixé par la loi du 23 décembre 1970.
L’année 1970 est l’année où a été instaurée l’autorité parentale conjointe, supprimant la notion de « chef de famille » du code civil. C’est aussi l’année du cinquième anniversaire de la loi autorisant les femmes à travailler et à ouvrir un compte en banque sans le consentement et l’autorisation préalable de leur mari. Il faudra encore attendre vingt-trois ans pour que s’affirme le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale à l’égard de tous les enfants, quelle que soit la situation des parents.
À travers ces quelques rappels historiques, il s’agit de mieux comprendre l’esprit du législateur au moment de la création de ce dispositif et de prendre la mesure de son inadaptation aujourd’hui !
En réalité, ce critère de célibat est inopérant à plus d’un titre.
Premièrement, si le Pacs et le mariage sont des modalités d’union comportant une obligation de solidarité entre les conjoints, ce n’est pas le cas, par exemple, du concubinage. L’automaticité faite entre relation amoureuse officialisée et partage financier des charges n’a donc pas de réalité tangible.
Deuxièmement, et malgré l’obligation de solidarité que j’évoquais précédemment, il est impossible d’établir que chaque couple marié ou pacsé partage bien les charges financières.
Troisièmement, le dispositif actuel est facilement contournable, puisqu’il suffit aux parents célibataires engagés dans une nouvelle relation de ne pas l’officialiser. Or cette décision a des conséquences non négligeables sur le court terme, le moyen terme et le long terme en matière de fiscalité ou encore de succession, et ce au détriment des parents célibataires.
Par ailleurs, ce critère maintient l’ambiguïté sur le destinataire final de l’allocation. Est-ce l’enfant ou le parent célibataire ? Pour nous, c’est bien l’enfant qui doit en être le bénéficiaire. Fonder son attribution sur le statut matrimonial des parents est une aberration qui crée une rupture d’égalité entre les enfants.
Enfin, ce critère est profondément injuste puisque son instauration revient à demander aux parents célibataires soit d’abandonner leur allocation de soutien familial et de se mettre, en quelque sorte, sous la coupe financière du nouveau conjoint, soit de renoncer à une vie de couple pour conserver le bénéfice de cette prestation. C’est d’autant plus problématique qu’il s’agit ici d’un dispositif concernant les familles les plus fragiles du point de vue économique et social.
Selon les chiffres de l’Insee de septembre dernier, les familles monoparentales sont celles qui habitent le plus dans des logements surpeuplés, où le taux de pauvreté des enfants est largement supérieur au taux de pauvreté moyen pour la même classe d’âge et où le taux de non-emploi des parents est supérieur.
Les mères, qui représentent 82 % de l’ensemble des familles monoparentales, sont plus mal loties que les pères. Elles vivent avec plus d’enfants en moyenne, sont plus souvent en situation de pauvreté et moins souvent en situation d’emploi. Lorsqu’elles travaillent, elles occupent plus fréquemment des emplois précaires ou exercent des métiers moins rémunérateurs.
Dans ce contexte, l’ASF constitue une ressource essentielle pour que ces familles puissent espérer s’en sortir financièrement. Il n’est donc pas acceptable qu’un critère aussi injuste et incohérent que le célibat présumé vienne remettre en question cette prestation. C’est pourquoi le groupe CRCE votera la proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire
Article 1er
I. – Le second alinéa de l’article L. 523-2 du code de la sécurité sociale est supprimé.
II. – La perte éventuelle de recettes résultant du I du présent article pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Je remercie l’ensemble des collègues qui ont apporté un soutien bienveillant à ce texte, par abstention ou par vote favorable.
La proposition de loi vise à mettre en évidence une situation incohérente et in fine empreinte d’un moralisme très archaïque.
Le texte que mes collègues et moi proposons de supprimer dispose que l’ASF cesse d’être versée lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l’allocation de soutien familial se marie, conclut un pacte civil de solidarité – il s’agit là de situations juridiques ! – ou vit en concubinage.
Je me suis replongée dans la manière dont la CAF identifie des situations de concubinage, qui sont par définition des situations sans encadrement juridique. La situation de concubinage se définit par une communauté d’intérêts sur le plan affectif et matériel. Or la charge matérielle et affective des enfants n’est malheureusement pas systématique, tant s’en faut, en cas de remise en couple ! Le concubinage se définit également par un contrôle de la notoriété de la vie commune établie à partir d’enquêtes de voisinage auprès des services de police et de gendarmerie.
Si une personne retourne habiter chez ses parents, où elle bénéficiera d’un soutien matériel, puisque sa contribution aux charges locatives sera moins importante, et affectif, elle continuera de percevoir l’allocation de soutien familial. Idem si elle va vivre avec une amie, à moins d’une enquête de voisinage très poussée pour sur la nature de cette relation.
En revanche, si elle vit avec un homme, il y aura présomption de relation affective et suspension de l’allocation de soutien familial. Je trouve cela assez curieux !
C’est dire à quel point le second alinéa de l’article L. 523-2 du code de la sécurité sociale est anachronique et moraliste ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme le président. Je vais mettre aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
M. Patrick Kanner. Cette séance est le dernier espace réservé de notre session avant la pause. Manifestement, l’intérêt pour les chômeurs de longue durée ou pour les situations évoquées par Mme Rossignol ne mobilise pas totalement la majorité sénatoriale, ce qui nous amène à multiplier les scrutins publics.
Je le regrette, car cela ne donne pas une bonne image du fonctionnement de notre démocratie ni de la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 114 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 268 |
Pour l’adoption | 103 |
Contre | 165 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, un rapport relatif à la diversité des façons de faire famille et à leurs conséquences sur la fiscalité.
Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été supprimés.
Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Nous l’avons dit il y a peu lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Olivier Henno, nous ressentons tous, malgré des angles de vue différents, le besoin d’une vraie réflexion collective sur notre politique familiale, ses enjeux et, surtout, son objet.
Comme l’a souligné Élisabeth Doineau, une des évolutions principales de la politique familiale est qu’elle est désormais centrée sur l’enfant, ce qui change la donne.
Pourquoi une telle demande de rapport ? Parce que la politique familiale repose effectivement sur les prestations familiales versées par les CAF, mais aussi sur les politiques fiscales. J’ai évoqué tout à l’heure la question de l’imposition des pensions alimentaires, le plus souvent perçues par les mères, alors que le père, lui, les déduit de ses revenus imposables. Nous aimerions avoir des éléments de la part des services fiscaux sur les effets de cette situation. Les questions de déconjugalisation et d’autonomie fiscale se posent également.
Je m’adresse en particulier à mes collègues de la droite du Sénat, qui ont soutenu la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, leur réflexion ne peut pas s’arrêter à cette seule allocation ! C’est l’ensemble de nos politiques sociales et familiales qui, sans être forcément totalement revues, doivent faire l’objet d’une analyse plus poussée. Voilà pourquoi nous devrions pouvoir disposer d’éléments d’information. Le Sénat, en cohérence avec les propositions de loi dont il est à l’origine, pourrait exceptionnellement voter en faveur de cette demande de rapport. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote sur l’article.
M. Hussein Bourgi. Être majoritaire dans une assemblée est un honneur, mais cela confère aussi quelques obligations. Parmi ces obligations, il faut notamment s’astreindre à une présence minimale et ne pas recourir systématiquement aux artifices de procédures ainsi qu’aux scrutins publics, comme cela a été le cas ce soir !
Depuis que je siège au Sénat, j’observe qu’il existe des règles de courtoisie républicaine : quand un groupe politique de la majorité ou de l’opposition présente une proposition de loi dans sa niche parlementaire, chaque groupe politique doit s’astreindre à assurer une présence et à nourrir le débat.
On ne peut pas, comme vous le faites ce soir, jurer, la main sur le cœur, que la précarité des chômeurs de longue durée ou des familles monoparentales sont des sujets graves et de sérieux, et empêcher le débat lorsqu’il a lieu. C’est une attitude que je regrette sincèrement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mmes Catherine Deroche et Frédérique Puissat. Nous débattons !
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet article 2 est en quelque sorte satisfait. Sur le fond, je rejoins néanmoins les propos de la sénatrice Laurence Rossignol quant à l’utilité de conduire une réflexion en profondeur au sujet de l’évolution de notre politique familiale. J’ai d’ailleurs commandé trois rapports en ce sens, dont certains ont été cités par les différents intervenants.
La première étude, demandée à IGAS et à l’IGF, porte sur la revue des dépenses en matière de politique familiale. Il existe effectivement une dimension socialo-fiscale très importante de notre politique familiale qui ne correspond plus forcément, selon l’IGAS et l’IGF, à la réalité des familles contemporaines. Il y aura probablement un grand soir de la politique familiale à faire dans notre pays. Peut-être surviendra-t-il dans les semaines, les mois ou les années qui viennent.
Deux autres rapports ont été commandés au Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA). Le premier portera sur le bilan des vingt dernières années en termes de politiques familiales. Le second dressera un panorama des familles contemporaines en se focalisant sur quatre typologies : les familles monoparentales, les familles homoparentales, les familles nombreuses, qui demeurent une composante importante des familles actuelles, et les familles recomposées, que j’ai évoquées dans mon intervention liminaire.
Certes, la question de la séparation, de la recomposition et des droits envers les beaux-enfants reste encore à explorer dans notre politique familiale. Mais il n’en demeure pas moins que l’article 2 de cette proposition de loi est, d’une certaine manière, satisfait. J’invite donc tous ceux qui s’intéressent à ces sujets à se plonger dans les trois rapports : ils y trouveront matière à réflexion.
Par ailleurs, je rejoins aussi l’évolution qui a été pointée par Élisabeth Doineau. Le parti qui a été le mien depuis trois ans a été de considérer que les débats relatifs à la politique familiale avaient tendance à tourner, depuis vingt à trente ans, autour des seules questions fiscales ou sociales. Faut-il bouger le quotient familial ? Faut-il modifier le niveau des allocations ?
Les débats se sont souvent concentrés, voire limités, à ce genre de considérations. Cela ne signifie pas que la dimension monétaire n’est pas importante et que la question de la redistribution horizontale ne demeure pas une composante pertinente de la politique familiale.
Pour autant, nous assumons le fait que la politique familiale soit également une politique sociale de redistribution verticale. Cet aspect était présent dès le plan de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui plaçait l’enfant au cœur de cette stratégie.
Par ailleurs, force est de constater que l’universalité des allocations familiales est devenue en quelque sorte un totem. Il conviendrait d’aller plutôt vers une universalité des services en passant d’une politique familiale à une politique d’accompagnement à la parentalité, qui place l’enfant au cœur du système.
Prendre l’enfant comme prisme de la politique familiale permet de redécouvrir totalement ce domaine. C’est ce que nous essayons de faire depuis trois ans, notamment au travers de la politique des 1 000 premiers jours de l’enfant, mais c’est un champ qui reste encore largement à explorer.
Pour conclure, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, des trois ans partagés en votre compagnie, qui ont été fort riches, passionnants, intéressants et intenses. Je salue également tous ceux qui concourent au quotidien à faire en sorte que nous puissions débattre afin que la démocratie reste vivace dans notre pays ! (Applaudissements.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 2.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 115 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 268 |
Pour l’adoption | 103 |
Contre | 165 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Tous les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi visant à maintenir le versement de l’allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire n’est pas adoptée.
9
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée aujourd’hui, jeudi 24 février 2022 :
À dix heures trente :
Débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.
À quatorze heures trente :
Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, relative au choix du nom issu de la filiation (texte n° 529, 2021-2022) ;
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au monde combattant (texte de la commission n° 492, 2021-2022) ;
Deuxième lecture de la proposition de loi pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public (texte de la commission n° 504, 2021-2022) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture (texte de la commission n° 513, 2021-2022) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d’accéder à internet (texte de la commission n° 516, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 24 février 2022, à zéro heure quinze.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER