Mme Cathy Apourceau-Poly. Ah, ça, c’est bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Le plein emploi, enfin, c’est permettre une meilleure orientation dès l’enseignement secondaire et offrir des formations tout au long de la vie.
C’est ainsi que nous pourrons affronter les défis de demain et former dans les prochaines années un million de jeunes dans les métiers d’avenir, notamment dans les domaines de la transition écologique et du numérique.
Enfin, le plein emploi, c’est la garantie de continuer à créer des richesses et à financer notre modèle social.
Nous dirons les choses clairement, à vous, comme aux Français : notre système social est un paradoxe ; c’est à la fois l’un des plus généreux et l’un de ceux où l’on travaille le moins longtemps. Aujourd’hui, on part à la retraite plus tard chez la totalité de nos voisins européens.
Aussi, pour la prospérité de notre pays et la pérennité de notre système par répartition, pour bâtir de nouveaux progrès sociaux, pour qu’aucun retraité avec une carrière complète ne gagne une pension inférieure à 1 100 euros par mois, pour sortir de situations où le même métier ne garantit pas la même retraite, oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Pierre Louault. Très bien !
Mme Cathy Apourceau-Poly. La messe est dite !
M. Pascal Savoldelli. Jusqu’à 65 ans ! Jouez cartes sur table !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La réforme que nous mènerons ne sera pas uniforme. Elle devra tenir compte des carrières longues, de la pénibilité et de l’emploi des seniors. Cette réforme, nous la mènerons en concertation étroite avec les partenaires sociaux et nous vous associerons le plus en amont possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose ensuite d’apporter des réponses radicales à l’urgence écologique. Devant ce défi, nous devons faire bloc et sortir de la querelle entre les radicaux et les pragmatiques. Nous devons changer, nous adapter et bâtir une écologie de progrès, car la révolution écologique permettra des innovations, fera émerger des filières nouvelles et créera des emplois d’avenir.
Nous avons déjà réalisé des avancées significatives, mais, pour atteindre la neutralité en carbone en 2050 et réduire nos émissions de 55 % d’ici à 2030, nous devons mener une action encore plus résolue et organisée.
Des concertations seront lancées dès septembre prochain pour bâtir une loi d’orientation énergie-climat. Tout le monde doit en prendre sa part.
Tous les ministères : le Président de la République m’a confié la charge de la planification écologique, et chacun aura une feuille de route climatique avec, des objectifs à tenir.
Toutes les filières : nous définirons avec elles des objectifs de réduction d’émission, un calendrier et des moyens pour le respecter.
Tous les territoires : par leurs compétences, les collectivités sont au cœur de notre transition écologique. Bien souvent, elles ont également été des précurseurs. Nous avancerons avec les élus locaux et nous définirons des stratégies adaptées avec eux. C’est pourquoi nous avons créé un ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Par notre action, nous avons les moyens d’être la première grande nation à sortir des énergies fossiles. Nous y parviendrons grâce à un mix énergétique plus équilibré autour des énergies renouvelables et du nucléaire.
Nous aurons besoin de piloter parfaitement notre transition énergétique. C’est pourquoi j’ai confirmé, aujourd’hui, l’intention de l’État de détenir 100 % du capital d’EDF. Cette évolution permettra à cette entreprise de renforcer sa capacité à mener, dans les meilleurs délais, des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique.
Nous mènerons la transition énergétique, aussi, en consommant moins. Nous devons nous préparer à toutes les décisions possibles de la Russie. Même si nous sommes moins exposés, nous serions tout de même impactés. Dès maintenant, nous nous préparons donc à tous les scénarios. Je ne mentirai pas : nous avons les moyens de tenir, mais il faudra agir.
Plus largement, nous devons décarboner tous les pans de notre économie et de notre vie.
Cela vaut dans l’industrie, et nous nous appuierons sur les 50 milliards d’euros d’investissements d’avenir de France 2030.
Cela vaut pour le logement : nous continuerons, grâce aux succès du précédent quinquennat, et nous rénoverons 700 000 logements par an.
Mme Sophie Primas. Les succès du précédent quinquennat, vraiment ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cela vaut pour notre agriculture. J’y reviendrai.
Ce sera le cas pour les transports, enfin. Nous voulons permettre à chacun, quel que soit le territoire où il habite, d’avoir accès à un moyen de transport propre.
Nous agirons pour le ferroviaire, en prolongeant les investissements de ces dernières années pour les petites lignes, pour les trains de nuit et pour les lignes du quotidien.
Nous offrirons à chacun une solution de rechange à la voiture thermique. Chaque Français devra avoir accès à une voiture à zéro émission, notamment grâce aux primes à la conversion et à un système de location longue durée à moins de 100 euros par mois.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que nous partageons l’ambition d’une République de l’égalité des chances, celle du refus de l’assignation à résidence, celle qui rompt les inégalités de destins.
C’est dès la naissance que tout se joue.
Par le chantier des « mille premiers jours », comme par le service public de la petite enfance que nous voulons bâtir avec les collectivités, nous voulons répondre au problème à la racine. Notre objectif est de trouver des solutions de garde pour les enfants de moins de 3 ans, d’offrir les 200 000 places d’accueil manquantes et d’agir en particulier pour les parents, le plus souvent les mères, qui élèvent seules leurs enfants.
Bâtir la République de l’égalité des chances, c’est agir aussi pour l’école.
Celle qui conforte les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui –, mais aussi qui prépare aux savoirs de demain, comme le codage informatique.
Celle qui garantit l’égalité et ne renonce jamais à l’excellence.
Celle qui offre des savoirs, mais aussi prépare à des métiers. Nous voulons rapprocher l’enseignement secondaire et les métiers et réformer le lycée professionnel.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous aurons à mieux associer les enseignants à la transformation de l’école. Nous devons revaloriser leurs salaires et construire, avec eux, les évolutions de leur profession.
Dans la ligne du plan « Marseille en grand », lancé par le Président de la République, nous voulons donner des marges de manœuvre et d’adaptation aux établissements, en fonction de leurs besoins et de leurs territoires. Une concertation avec la communauté éducative, les élus et les associations sera lancée dès septembre prochain.
Pour que notre jeunesse continue de faire vivre les valeurs républicaines, mon gouvernement continuera de déployer le service national universel.
Nous continuerons de promouvoir notre université et notre enseignement supérieur. Cela passe par un travail pour l’égalité des chances, par la simplification du système de bourse et par l’amélioration des conditions de vie et d’études de nos jeunes.
Construire l’égalité réelle, c’est partager les moyens de l’émancipation, le sport comme la culture.
À l’aube des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il nous faut bâtir une nation sportive, qui partage le goût de l’exercice physique, du dépassement et de l’effort.
À nous aussi de bâtir une nation culturelle, qui valorise, soutient et protège son patrimoine, ses créateurs, ses industries créatives. Le pass Culture est une réussite. Aussi, nous l’étendrons dès la classe de sixième et amplifierons l’éducation artistique et culturelle.
Sans une santé de qualité, il n’y a pas d’égalité des chances. En ville comme en ruralité, nous faisons face à un manque de soignants, et les effets de la suppression du numerus clausus ne se feront pas sentir immédiatement.
Le défi de la santé, c’est d’abord celui de la prévention. Pour dépister, pour prévenir, il nous faut agir ensemble, avec les élus, en particulier les maires, et activer tous les leviers : qualité de l’air, habitat, conditions de vie.
Nous aurons aussi à poursuivre le soutien à nos soignants. Nous avons tous été les témoins admiratifs et reconnaissants de leur engagement lors de la crise du covid-19.
Le Ségur de la santé a permis de grandes avancées, notamment en termes de rémunérations, mais la situation est encore loin d’être réglée.
Pour cet été, nous avons pris des mesures d’urgence. Il faut maintenant voir plus loin et construire des solutions durables. Cela veut dire renforcer l’attractivité des métiers du soin, permettre aux soignants d’être au maximum auprès des patients et renforcer la coopération entre les professionnels de santé.
À nous, tous ensemble, avec les élus locaux, les professionnels de santé et les patients, de moderniser et d’adapter l’offre de soins pour chaque territoire.
Des concertations seront lancées dès septembre prochain, partout sur le territoire. Nous voulons en priorité trouver des solutions contre les déserts médicaux. Je sais combien le Sénat partage cette priorité.
Je veux ajouter, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous n’avons pas encore tourné la page du covid-19. L’épidémie reprend fort ces derniers jours. À l’heure actuelle, notre système de soins n’est pas affecté, mais nous devons rester extrêmement prudents et vigilants.
La République de l’égalité des chances, c’est celle qui offre une vie sereine à tous les âges.
Nous devons faire croître l’espérance de vie en bonne santé et assurer une meilleure prise en charge que ce soit à domicile ou en maison de retraite. Cela passe par l’aménagement des logements de nos aînés – c’est le sens de MaPrimeAdapt’ – et par l’amélioration de la vie de nos aînés en maisons de retraite.
Après les témoignages insoutenables des derniers mois sur ces établissements, nous avons renforcé les contrôles. Nous devons maintenant construire les Ehpad de demain : mieux médicalisés, ouverts et humains.
D’ici à 2027, nous devons recruter 50 000 infirmiers et aides-soignants. Ce défi est aussi immense qu’indispensable, compte tenu de la révolution démographique à laquelle nous faisons face. Nous y parviendrons en renforçant l’attractivité des professions.
Nous réussirons ce défi avec les départements. C’est ensemble que nous bâtirons un service public du grand âge à la hauteur.
Vous le savez, le quinquennat précédent a porté une attention particulière à rendre notre société plus inclusive.
Le handicap, c’est 12 millions de Français. Toutes nos familles sont concernées. Toutes attendent que nous poursuivions notre effort pour renforcer l’accessibilité, pour l’autonomie et pour une meilleure reconnaissance des personnels de l’accompagnement.
Nous aborderons tous ces sujets lors de la conférence nationale du handicap qui se tiendra au début de 2023.
J’ajoute que, avec vous, avec les associations, mon gouvernement réformera l’allocation aux adultes handicapés, en partant du principe de la déconjugalisation. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Murmures sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Le Sénat a déjà voté cette mesure !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Il s’agira d’une réforme en profondeur. Elle était très attendue.
Enfin, je crois qu’il n’y a pas d’égalité des chances sans sécurité. Cette conviction, je la tiens de mon histoire, de mon parcours. Je la tiens de mes fonctions de préfète. Je la tiens de mes échanges avec les Français.
Comme beaucoup de maux, l’insécurité touche d’abord ceux qui sont les plus démunis. Elle brise des jeunes, emporte des familles. Elle touche les zones rurales comme les zones urbaines.
L’insécurité est une inégalité, une des plus odieuses, des plus inacceptables. Avec mon gouvernement, je suis déterminée à agir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue que, dans ce domaine, nous pouvons faire beaucoup et ensemble.
Nous avons en commun la volonté d’assurer une vie sereine à tous nos concitoyens.
Nous avons en commun le soutien, la confiance et l’exigence pour nos forces de l’ordre.
Durant le précédent quinquennat, des avancées ont été réalisées : 10 000 policiers et gendarmes ont été recrutés ; notre sécurité civile a été renforcée ; nous avons prolongé l’action menée depuis 2015, pour mieux lutter contre le terrorisme et pour nos services de renseignement.
Je vous propose d’écrire la prochaine étape ensemble, autour d’une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Nous voulons agir plus encore pour la sécurité du quotidien ; préparer notre police aux défis du futur, notamment la cyberdélinquance ; amplifier encore notre lutte contre les trafics.
Pour y parvenir, nous vous proposerons de renforcer encore les moyens du ministère de l’intérieur.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Pour mieux assurer l’ordre républicain, nous créerons 11 nouvelles unités de forces mobiles. Pour lutter contre ce que trop de Français vivent comme des zones blanches de sécurité, nous créerons 200 nouvelles brigades de gendarmerie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ce défi, j’y tiens. Je suis élue d’un département rural. J’ai été préfète d’une région largement rurale.
Ce défi, vous y tenez. Je sais combien la chambre des territoires est attentive à cette égalité devant la sécurité.
Toutefois, les moyens supplémentaires ne sont qu’une partie de la solution. Cette dernière passe aussi par le refus de toute impunité. Nous voulons doubler le temps de présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique d’ici à 2030 et réformer la filière de l’investigation.
La solution, c’est aussi une justice efficace, rapide, dont les décisions sont respectées. Les États généraux de la justice, lancés par le Président de la République, nous ont montré le besoin de moyens et de méthodes nouvelles.
Nous voulons restaurer la confiance entre la justice et nos citoyens, répondre aux attentes des personnels et garantir, toujours, l’indépendance de la justice.
Pour aider les magistrats à faire leur métier, nous recruterons 8 500 personnels de justice supplémentaires. Nous vous proposerons ces moyens dans un projet de loi de programmation pour la justice.
Nous voulons aussi que les peines soient exécutées, de même que nous entendons lutter contre la surpopulation carcérale. Quelque 15 000 places de prison seront construites dans les prochaines années.
Je veux dire ici un mot d’un sujet qui me tient à cœur : la lutte contre les violences, sexuelles, sexistes et intrafamiliales. Elle impose la mobilisation de tous les acteurs : forces de l’ordre, justice, associations, élus. Le combat se poursuivra, je m’y engage.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je souhaite également que nous continuions à avancer dans notre lutte contre toutes les discriminations. L’égalité entre les femmes et les hommes, notamment, est la grande cause de ce quinquennat ; croyez bien qu’elle sera au cœur de l’engagement de la seconde Première ministre de notre pays que je suis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la pandémie, la guerre en Ukraine et les crises migratoires nous ont rappelé que notre souveraineté est à la fois profondément française et profondément européenne.
Sans l’Europe, pas de vaccins, pas de sanctions concertées contre la Russie, pas de réponse efficace pour nos frontières. Aussi, je vous propose de consolider notre souveraineté au sein de l’Europe – de bâtir une France plus forte, dans une Europe plus indépendante.
Cela passe par la souveraineté énergétique face au risque de dépendance à l’égard du gaz et du pétrole russes, mais cette souveraineté française et européenne se construit aussi par l’industrie et le numérique. Ces dernières années, grâce à des baisses d’impôts et à des réformes courageuses, nous avons porté un coup d’arrêt à la désindustrialisation. Il faut poursuivre cette dynamique.
C’est pourquoi nous vous proposerons de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dans la loi de finances pour 2023.
M. Loïc Hervé. C’est une erreur !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Cette mesure, c’est de la compétitivité pour nos entreprises, surtout pour les petites et moyennes entreprises (PME) et pour les très petites entreprises (TPE).
En m’adressant à vous, je devine votre préoccupation. Je le dis donc : nous compenserons cette perte de ressources pour nos collectivités. (Exclamations.)
Notre souveraineté industrielle, c’est aussi investir dans les secteurs d’avenir comme l’alimentation, l’énergie, le spatial, les biomédicaments ou l’électronique.
Notre souveraineté, c’est aussi une recherche qui fait la fierté de notre pays. Nous voulons continuer à valoriser et simplifier le métier de chercheur.
Notre souveraineté, enfin, c’est assurer l’avenir de la filière agricole. Et je sais combien ce défi vous importe, comme à moi.
Avec les acteurs, avec vous, nous bâtirons une loi d’orientation et d’avenir pour notre agriculture. Celle-ci devra permettre de répondre à tous les défis de l’agriculture, en particulier aux départs massifs à la retraite des prochaines années.
C’est d’abord une meilleure rémunération ; le soutien à la transmission des exploitations, à l’entrepreneuriat ; la poursuite de notre soutien massif à l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, avec l’assurance récolte, avec des moyens de protection des exploitations ; l’investissement pour de nouvelles productions, notamment de protéines végétales ; la protection, dans les accords internationaux, contre la concurrence déloyale des pays qui ne respectent pas nos critères sociaux et environnementaux.
C’est une politique d’alimentation qui respecte chacun des acteurs et leur donne une juste rémunération.
Beaucoup a été fait lors du précédent quinquennat ; nous devons continuer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c’est également tenir nos frontières.
Au niveau européen, nous poursuivrons le travail entamé sous la présidence française.
Au niveau national, nous resterons fidèles à notre tradition d’asile. Mais pour que cette politique soit juste, nous devons poursuivre l’accélération du traitement des demandes.
À ceux que nous accueillons, nous devrons offrir une meilleure intégration par le travail. Nous devons également reconduire plus rapidement ceux dont la demande d’asile a été refusée.
Je veux le dire aussi : disposer d’un titre de séjour en France impose de respecter ses lois. Nous serons intransigeants.
En matière d’immigration irrégulière, nous continuerons notre lutte à tous les niveaux. Nous créerons une « force des frontières ». Nous poursuivrons notre combat contre les passeurs. Ils organisent de véritables trafics d’êtres humains. Ils doivent être poursuivis et sanctionnés.
Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, enfin, c’est notre souveraineté stratégique.
Le contexte géopolitique est un rappel sévère. Nous devons pouvoir nous défendre. Nous devons pouvoir faire entendre notre voix.
Partout et dans tous les milieux, nos armées se battent pour notre liberté – parfois au péril de la vie de nos soldats. Je veux dire à nos armées notre confiance et notre soutien. Je veux leur rendre hommage, et avoir une pensée pour nos soldats tombés au combat, pour les familles endeuillées et pour tous ceux revenus des terrains d’opération meurtris dans leur chair ou dans leur esprit. (Vifs applaudissements.)
Le contexte et les désordres du monde nous obligent. Nous devons disposer d’un modèle d’armée complet, équilibré et modernisé. Un modèle d’armée cohérent et capable d’agir.
Le précédent quinquennat a permis un effort sans précédent depuis la fin de la guerre froide pour nos armées, et nous avons respecté l’exécution de la loi de programmation militaire. Nous devons maintenant poursuivre et amplifier cet investissement.
Le Président de la République annoncera prochainement les contours d’une nouvelle loi de programmation militaire. Il donnera une vision et un cap à nos armées, comme à notre industrie de défense.
Nous tiendrons notre rôle. Nous agirons en cohérence avec nos ambitions européennes et nos alliés de l’OTAN.
Nous devons également fortifier la résilience de la Nation. Par une réserve renforcée, par des actions auprès de notre jeunesse, par le travail sur la mémoire et par l’attention portée à nos anciens combattants, nous renforcerons le lien armée-Nation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un contexte géopolitique bouleversé, dans un monde qui n’est pas encore sorti de la pandémie, dans un pays qui connaît une situation politique inédite, nous avons de nombreux défis à relever.
Ma réponse, notre réponse avec tout le Gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, tient dans une ambition forte et dans une méthode nouvelle.
Dans les années qui viennent, le Sénat sera plus que jamais au cœur de la recherche de compromis et de la volonté de construction. (Exclamations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Une nouvelle étape commence, et comme je l’ai demandé aux députés tout à l’heure, je vous propose de bâtir, ensemble. Nous pouvons le faire.
Rassemblés autour de nos valeurs, celles de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité.
Rassemblés autour de la volonté d’agir.
Rassemblés autour de majorités d’idées.
Rassemblés autour de l’ambition de rendre notre pays plus fort, plus solide, mieux préparé pour affronter les défis de demain.
J’ai confiance en nous. J’ai confiance en notre capacité à relever les défis de l’avenir ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, madame la Première ministre, nous avons écouté votre déclaration de politique générale. Nous l’avons même écoutée très attentivement, non seulement parce que vous avez su habilement flatter notre patriotisme sénatorial (Sourires.), mais aussi parce que rarement un tel exercice aura aussi bien porté son nom.
En effet, à la crise géopolitique que vous avez évoquée, à la crise sanitaire, à la crise sociale et économique, s’ajoute désormais en France une crise politique et civique. Or, avec une France en voie de fracturation et des Français en voie de sécession, cette crise politique est générale.
Naturellement, il serait profondément injuste de mettre sur le dos d’Emmanuel Macron à la fois cette fracturation et cette sécession. Mais il serait tout aussi injuste de ne pas reconnaître que, depuis cinq ans, tout s’est aggravé.
La fracturation s’est aggravée. Regardez la carte électorale de la France lors des précédentes élections : vous avez là l’image d’une France en pièces détachées. Jamais le vote des Français n’a autant dépendu de leurs revenus, de leur diplôme, de leur âge, de leur territoire.
Vous avez évoqué l’assignation des Français. Or tout se passe comme si les Français étaient assignés dans leurs différences.
C’est un aveu d’échec et un terrible paradoxe pour celui qui avait théorisé la disparition des clivages. Les clivages sont de retour, chers collègues. Ils sont de retour, plus radicaux encore dans leur forme politique – voyez l’Assemblée nationale –, et peut-être plus dangereux lorsqu’ils échappent aux catégories politiques.
Madame la Première ministre, si vous voulez vraiment réparer les fractures françaises, vous devez parler aux Français comme à un seul peuple. Plus de Français qui ne sont rien, plus de premiers de cordée, plus de Gaulois réfractaires.
Car la sécession s’est accélérée, et ce, à cause du « en même temps » – un « en même temps » qui n’aura rien réglé et qui aura tout abîmé.
Il n’aura rien réglé parce que de zigzag en tête-à-queue, d’un revirement à l’autre, ce président virevoltant s’est enfermé dans l’impuissance. Et Jupiter s’est transformé en Gulliver, pris dans les fils de ses propres contradictions.
Permettez-moi d’en donner deux exemples.
Vous avez beaucoup parlé de souveraineté, notamment énergétique. Or vous avez fermé Fessenheim, une centrale nucléaire, et nous allons rouvrir Saint-Avold, une centrale à charbon !
Bien entendu, nous ne nous opposerons pas a priori à la nationalisation d’EDF que vous avez évoquée. Mais ce n’est qu’un moyen, qui ne suffira en rien. Traitez aussi la question de la tarification de l’électricité au niveau européen ! Deux grands pays, l’Espagne et le Portugal, l’ont fait très récemment, au mois de mai.
Vous avez parlé de la souveraineté alimentaire de l’Europe. Or nous venons d’apprendre que l’Union européenne avait conclu un accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, pays qui ne respecte pas les normes que nous imposons à nos agriculteurs en matière de pesticides ! À quoi cela rime-t-il ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. À rien !
M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, vous n’avez pas sollicité la confiance de l’Assemblée nationale, mais vous voulez retrouver – et vous avez raison – la confiance des Français.
Si vous le voulez vraiment, renoncez au « en même temps ». Faites des choix clairs, des choix nets. Donnez une boussole, fixez un cap : c’est ce que nous vous demandons d’abord. Or cela tombe bien parce que, comme vous l’avez sous-entendu, et même un peu souligné, l’époque a radicalement changé.
Le Président de la République avait évoqué un tournant marqué par le retour du tragique. Oui, la guerre en Europe marque le retour du tragique.
Mais l’économie, dont le ministre se tenait à votre place cet après-midi, est elle aussi marquée par le retour du tragique, c’est-à-dire par celui de la réalité : ce sont des taux qui ne sont plus négatifs, et qui sont même en train de s’envoler, suivis par l’inflation.
Vous avez dit que la dette serait remboursée par la croissance. Non, parce que la croissance fléchit, et que la parité entre l’euro et le dollar est en train de s’effondrer, renchérissant l’inflation importée.
Il faut donc abandonner le « en même temps », c’est-à-dire renoncer à la politique de l’argent facile. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Qui peut croire que, demain, les nations qui compteront dans le monde seront celles qui ont dépensé sans compter ? Qui peut croire un seul instant que les nations qui ne tiennent pas leurs comptes tiendront demain leur rang sur la scène internationale ?
Le « quoi qu’il en coûte » aura été terrible, non pas seulement parce qu’il aura coûté à notre pays des centaines de milliards d’euros, dont la Cour des comptes a d’ailleurs indiqué à plusieurs reprises que la dépense était sans lien avec la crise de la covid-19, mais parce qu’il aura emporté un changement culturel, qui nous aura finalement coûté davantage.
Ce changement a introduit cette torsion dans le rapport au travail, cette fausse croyance qui consiste à laisser penser aux Français que l’État peut tout, qu’il peut pourvoir à tout, et que l’amélioration du sort de chacun dépend in fine, non pas des volontés individuelles ni des fruits du travail, mais de l’État.
Madame la Première ministre, vous n’obtiendrez rien de nous, rien, si vous n’abandonnez pas ce « quoi qu’il en coûte » !
Dès cet été, dans le débat à venir sur le pouvoir d’achat, nous ne cautionnerons pas de nouvelles dépenses si elles ne sont pas gagées…