M. le président. Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d’être donné lecture au Sénat.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à vingt et une heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

9

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, qui s’est réunie le 30 juin dernier, sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observation, je considère que ces conclusions sont adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SESSION EXTRAORDINAIRE 2021-2022

Mercredi 6 juillet 2022

À 15 heures

- Ouverture de la session extraordinaire

- Lecture d’une déclaration du Gouvernement

À 21 heures

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution

• Intervention des orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non-inscrits

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 juillet à 15 heures

Mardi 12 juillet 2022

À 14 h 30

- Éloge funèbre de Catherine Fournier

À 15 h 15 et, éventuellement, le soir

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur le bilan de la présidence française de l’Union européenne

• Temps attribué à la commission des affaires européennes, auteure d’une demande de débat sur le sujet : 10 minutes

• Intervention des orateurs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non-inscrits

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 11 juillet à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne (texte n° 514, 2021-2022)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 juillet à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 juillet matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 juillet à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 juillet à 14 heures

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 juillet à 15 heures

Mercredi 13 juillet 2022

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 13 juillet à 11 heures

Mardi 19 juillet 2022

À 14 h 30

- Éloge funèbre d’Olivier Léonhardt

À 15 h 15 et, éventuellement, le soir

- cinq conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant révision de l’accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l’océan Indien (texte n° 408, 2021-2022)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention de coopération judiciaire internationale entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations unies, représentée par le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie (texte n° 417, 2021-2022)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Autorité bancaire européenne relatif au siège de l’Autorité bancaire européenne et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (texte n° 525, 2021-2022)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar relatif au statut de leurs forces (texte de la commission n° 461, 2021-2022)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains (texte de la commission n° 510, 2021-2022)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : vendredi 15 juillet à 15 heures

- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Réunion de la commission pour élaborer son rapport : mardi 19 juillet matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 19 juillet à l’ouverture de la discussion générale

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 juillet à l’issue de la discussion générale

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 juillet à 15 heures

Mercredi 20 juillet 2022

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 20 juillet à 11 heures

À 16 h 30 et, éventuellement, le soir

- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19

Ce texte sera envoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 juillet à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 19 juillet matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mercredi 20 juillet à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 juillet début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 juillet à 15 heures

Mardi 26 juillet 2022

À 14 h 30

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur le projet de programme de stabilité pour 2022-2027

• Temps attribué à la commission des finances, auteure d’une demande de débat sur le sujet : 15 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes

• Intervention des orateurs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non-inscrits

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 25 juillet à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 25 juillet à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 25 juillet à 15 heures

Mercredi 27 juillet 2022

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 27 juillet à 11 heures

À 16 h 30

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 26 juillet à 15 heures

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents : mardi 19 juillet 2022 à 18 heures

10

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

Madame la Première ministre, il s’agit là de votre première intervention au Sénat en tant que chef du Gouvernement. Je vous souhaite sincèrement une pleine réussite dans ces fonctions.

Je salue également les membres du Gouvernement : certains siègent au banc des ministres pour la seconde fois aujourd’hui ; d’autres ont des souvenirs de cette maison ; à tous, je souhaite la bienvenue.

Madame la Première ministre, dans un courrier daté d’hier, je vous ai proposé de faire évoluer les relations entre l’exécutif et le Parlement, afin de concrétiser la nouvelle méthode annoncée par le Président de la République, notamment dans son discours du 7 mai dernier. Je compte sur votre prise en considération attentive de ces propositions ; nous aurons l’occasion d’en parler plus avant. (Mme la Première ministre le confirme.)

Enfin, je salue le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui assiste à sa première séance du Sénat en cette qualité.

La parole est à Mme la Première ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques heures, j’ai prononcé devant l’Assemblée nationale la déclaration de politique générale de mon gouvernement.

Par respect pour nos institutions, par attachement pour notre Parlement et pour le bicamérisme, par engagement pour nos territoires, j’ai souhaité, ce soir, m’adresser à vous.

De mes années au service de l’État, de mes cinq ans comme membre du Gouvernement et de ces premières semaines comme Première ministre, j’ai tiré une conviction qui n’a cessé de se consolider : je n’imagine pas la République sans le Sénat. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC, Les Républicains et SER.)

M. Roger Karoutchi. C’est parfait ainsi : on peut s’arrêter là ! (Sourires.)

M. le président. Poursuivez ainsi, madame la Première ministre ! (Nouveaux sourires. – Mme la Première ministre rit.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Vous êtes à la fois les relais des préoccupations des Français, la voix des élus locaux et des territoires, la force d’équilibre et d’apaisement de nos institutions.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Les Français se sont exprimés dans les urnes. Ils nous ont appelés à trouver des solutions communes et à répondre ensemble aux défis qu’ils affrontent. Ils nous ont demandé des débats francs, mais respectueux. Ils ont voulu des propositions fortes et des compromis. Ils ont exigé de l’action, mais, au préalable, de l’écoute des forces vives, des territoires et de tout un chacun.

Bâtir des solutions ensemble en écoutant les propositions de tous, en s’appuyant sur nos territoires et en restant fidèles à nos valeurs, c’est la méthode du Sénat depuis longtemps.

Un sénateur du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Depuis toujours !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous devrons nous inspirer de l’expérience et des pratiques du Sénat. (Exclamations et vifs applaudissements.)

M. Jean-François Husson. Attention, il va falloir tenir la distance ! (Sourires.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. À l’heure où s’ouvre une nouvelle étape de notre histoire politique, nous avons plus que jamais besoin de vous.

Ce soir, en m’adressant à vous, je vous parle avec responsabilité et humilité.

Je vous parle avec responsabilité, car les années qui viennent de s’écouler ont été éprouvantes pour bon nombre de nos concitoyens.

M. Loïc Hervé. C’est vrai !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. On a parlé d’années de crise. J’ai surtout vu chez les Français le courage, la force de caractère et la volonté : grâce à eux, la France n’a jamais baissé la tête, et notre pays a tenu.

Je tiens à saluer les deux Premiers ministres qui m’ont précédée, Édouard Philippe et Jean Castex. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.) J’ai eu l’honneur de servir dans leurs gouvernements et de mener avec eux des réformes essentielles. J’ai été au côté de ces deux hommes d’État, qui ont traversé les difficultés et les épreuves avec force et droiture. Ils sont des exemples.

Je vous parle avec responsabilité, car je connais, comme vous, tous les défis qui nous attendent.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est le rappel douloureux que la paix est fragile. Monsieur le président du Sénat, je vous sais très attentif à la situation ukrainienne. Je sais aussi que vous serez dans quelques heures à Kiev.

Cette guerre a des conséquences concrètes : l’inflation, notamment dans le secteur de l’énergie, pèse sur le pouvoir d’achat des Français, et les perspectives économiques s’assombrissent.

Par ailleurs, l’épidémie de covid-19 n’a peut-être pas dit son dernier mot : nous devons rester vigilants.

Le réchauffement climatique devient chaque seconde plus inéluctable.

L’insécurité gâche encore le quotidien de trop de nos concitoyens.

Les inégalités territoriales sont autant de fractures pour le pacte républicain. Elles menacent l’unité de notre pays.

Dès lors, nous avons la responsabilité d’agir. Nous le devons aux Français, et mon gouvernement s’y emploiera avec force.

Ces dernières semaines, à quatre reprises, les Français ont choisi entre les différents projets présentés à leurs suffrages. Ils ont réélu le Président de la République, puis élu, à l’Assemblée nationale, une majorité relative.

Dans ce résultat, nous entendons la volonté de dialogue accru et de construction commune. Dans le verdict des urnes, nous percevons des inquiétudes, des peurs et des colères. Dans l’abstention, trop forte, nous devinons aussi de la défiance et, parfois, de la résignation.

Beaucoup de Français n’ont plus confiance en la politique, en nos institutions, pour leur apporter des solutions concrètes et changer leur quotidien. Nous devons leur répondre.

Cela passe d’abord par une action résolue, par des résultats concrets, qui se voient et changent le quotidien des Français – j’y reviendrai.

Cela implique sans doute aussi des changements institutionnels. Mais on ne modifie pas les institutions sans consulter, sans dégager un consensus. Le Sénat sera pleinement associé à ces réflexions et à la mise en œuvre des évolutions de nos institutions. Sous l’égide du Président de la République, une commission transpartisane sera instituée à la rentrée pour y parvenir.

Répondre au message des Français, c’est changer certaines pratiques. Bâtir des compromis, ce n’est pas se renier : c’est choisir de construire autour de ce que nous avons en commun. Ce n’est pas mettre de côté nos différences : c’est assumer les clivages et les désaccords, mais refuser les postures. En cela, le Sénat a été précurseur.

Mon gouvernement partage avec vous bon nombre de priorités et même, sans aucun doute, de solutions.

Dans certains domaines et pour certains textes, au-delà de ce que la Constitution prévoit, le travail parlementaire pourra commencer dans cet hémicycle avant de se prolonger à l’Assemblée nationale.

Ainsi, le Sénat pourra pleinement agir comme force de coconstruction, au service des territoires et des Français. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. Emmanuel Capus. Excellente idée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Répondre au message des Français, cela veut dire associer, en donnant la parole à tous.

Mon gouvernement consultera les corps intermédiaires et les forces vives de notre pays. Nous mènerons chaque réforme en lien avec les partenaires sociaux. Nous serons à l’écoute de tous nos compatriotes, de leurs aspirations et de leurs idées. Nous agirons, surtout, en lien étroit avec les élus locaux.

Les élus locaux sont les premiers interlocuteurs des Français et les meilleurs connaisseurs de leurs territoires. Ils sont les visages du courage et de l’engagement. Ils sont en première ligne face à toutes les urgences. Ils sont les premiers innovateurs, bien souvent précurseurs pour les mobilités ou pour la transition écologique.

La crise sanitaire nous l’a montré une fois de plus : pour aider nos concitoyens, ils étaient présents ; pour mener la campagne de vaccination, ils étaient présents ; pour expliquer, alerter, et accompagner, ils étaient présents. Je tiens à leur rendre hommage. Pour chaque projet, mon gouvernement les associera et les écoutera. Pour chaque défi, nous nous inspirerons de leurs idées et de leurs actions.

Parce que les élus locaux ont besoin de visibilité et de stabilité, il n’y aura pas de grand bouleversement dans les compétences des collectivités territoriales. Parce qu’ils doivent avoir les moyens d’agir, nous définirons avec eux un agenda territorial, en cherchant un accord sur des objectifs et des moyens, notamment financiers.

Les élus locaux doivent avoir du poids. Le conseiller territorial peut être l’occasion d’une complémentarité plus forte entre les départements et les régions. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Sur ce sujet, nous lancerons des concertations approfondies l’année prochaine.

Surtout, les élus locaux et, plus largement, les territoires, doivent pouvoir prendre les décisions adaptées au contexte local.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je le crois fermement : répondre au message des Français, cela passe par des solutions au plus près du terrain.

Les cinq dernières années ont été l’occasion de premiers pas.

M. Jean-François Husson. De tout petits pas !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous avons entamé le retour des services publics partout dans notre pays. Plus de 2 000 maisons France Services ont vu le jour. Notre objectif est simple : pas un Français avec une maison France Services à plus de trente minutes de chez lui.

Nous avons avancé dans le déploiement de notre couverture mobile et haut débit ; nous avons investi pour faire revenir la vie et l’activité dans le centre des villes et des bourgs ; nous avons donné aux collectivités les moyens de solutions différenciées.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je veux dire ici un mot de la Corse. Le cycle des discussions engagé avec les élus et les forces vives sera relancé dans les prochains jours.

Il doit aboutir à des solutions concrètes pour tous les Corses, notamment pour les jeunes, pour le travail, pour le logement, pour la transition écologique, pour le développement économique et la sécurité.

Nous sommes prêts à aborder tous les sujets, y compris institutionnels ; à les discuter en toute transparence, dans un esprit constructif et responsable. Ne cédons toutefois pas à la facilité ; répondons, au cas par cas, à ce qui bloque ou ne fonctionne pas.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous proposer une méthode d’action pour les années qui viennent. (Ah ! sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Il est temps de rendre son sens au mot « égalité ». Trop longtemps, nous avons cru qu’il signifiait qu’une règle unique, dictée depuis Paris, devait s’appliquer partout, toujours et sans adaptation possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel et M. Bruno Sido applaudissent également.)

L’égalité réelle, ce n’est pas un carcan. C’est nous fixer des ambitions communes et trouver les solutions adaptées pour les atteindre. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, qui peut réellement affirmer que les enjeux de santé sont les mêmes dans le centre de Lyon ou dans les banlieues de Pointe-à-Pitre ?

Qui peut réellement penser que les écoliers des quartiers nord de Marseille font face aux mêmes défis que ceux des villages du Calvados ?

Bien sûr, il y a des enjeux communs, mais la justice territoriale, ce sont des solutions différenciées ; la cohésion des territoires, ce sont des marges de manœuvre données.

Pour la santé, pour l’éducation, pour la transition écologique, pour la ruralité, pour la ville, nous associerons les élus, les habitants, les associations. Avec eux, nous dresserons des constats ; avec eux, nous trouverons des solutions ; avec eux, nous donnerons des moyens.

Je souhaite ici avoir un mot particulier pour nos compatriotes des outre-mer. Voilà quelques jours, l’appel de Fort-de-France a été un nouveau signal d’alarme. Les outre-mer, c’est une jeunesse prête à s’engager ; les outre-mer, ce sont des trésors de biodiversité ; les outre-mer, ce sont les places fortes de notre souveraineté.

Grâce aux outre-mer, le drapeau tricolore flotte partout dans le monde ; aussi, dans les outre-mer, la promesse républicaine doit être tenue.

Avec les collectivités, nous agirons pour la présence des services publics, contre la vie chère, pour le développement économique et l’emploi, contre la délinquance et l’immigration illégale.

Ce quinquennat sera également l’occasion d’une nouvelle étape dans notre histoire républicaine avec la Nouvelle-Calédonie. J’y prendrai toute ma part.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai confiance en nous et je suis déterminée. Je sais la volonté constante du Sénat de bâtir au service de la France et d’agir au service des territoires et des Français. Cette volonté, mon gouvernement la partage.

Aussi, ensemble, autour du projet du Président de la République, nous allons dialoguer, échanger et construire les réponses aux urgences et aux défis que nous avons à relever.

Le premier défi, c’est celui du pouvoir d’achat. De nombreuses mesures ont été prises depuis l’automne dernier pour limiter la hausse des prix de l’électricité, du gaz ou de l’essence. Grâce à nos investissements massifs, nous avons limité la hausse des prix, et l’inflation, en France, est la plus faible de la zone euro.

Nos concitoyens ressentent toutefois encore chaque jour les effets de la guerre, les prix qui augmentent, et leur quotidien s’en trouve affecté.

C’est la raison pour laquelle mon gouvernement présentera demain en conseil des ministres des textes d’urgence et des mesures concrètes, rapides et efficaces.

Pour les ménages, nous prolongerons le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité.

Pour ceux qui travaillent, nous proposerons des baisses de charges pour les indépendants, le triplement du plafond de la prime de pouvoir d’achat et une aide pour ceux qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler.

Pour les retraités, nous revaloriserons les pensions.

Pour les plus démunis, les prestations sociales seront augmentées.

Pour les étudiants, nous allons revaloriser les bourses sur critères sociaux.

Pour les fonctionnaires, c’est le dégel du point d’indice pour les trois versants de la fonction publique, et nous pourrons discuter, ensemble, des meilleurs moyens d’accompagner les collectivités, surtout les plus vulnérables.

Ces mesures sont notre base de travail. Avec mon gouvernement, nous serons à votre écoute et vous pourrez les amender lors du travail parlementaire.

M. Jean-François Husson. Trop aimable ! (Sourires.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je veux réaffirmer trois principes qui doivent guider notre action.

La responsabilité environnementale, tout d’abord : il nous faudra systématiquement évaluer l’impact de nos mesures sur l’environnement.

M. Guy Benarroche. Tiens donc !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. La responsabilité budgétaire, ensuite. Je sais que beaucoup y tiennent dans cet hémicycle, à raison. Après avoir protégé les Français durant la crise, nous devons retrouver des perspectives claires pour l’amélioration des comptes publics. C’est une nécessité pour continuer à financer notre modèle social ; c’est un impératif pour notre souveraineté.

Devant vous, je pose donc des jalons clairs : en 2026, nous devrons commencer à baisser la dette.

M. Jean-François Husson. C’est trop tard !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. En 2027, nous devrons ramener le déficit public sous la barre des 3 %.

Je souhaite que nous puissions travailler ensemble à atteindre ces objectifs. Nous vous proposons de le faire grâce à une croissance forte, durable, qui créera des emplois ; grâce à des réformes essentielles pour notre pays ; grâce à la lutte contre la fraude, à la modernisation de l’État et à des mesures de bonne gestion.

Enfin, notre troisième principe, c’est le respect de l’engagement pris par le président de la République devant les Français : pas de hausses d’impôts.

M. Jean-François Husson. Et la dette, alors ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Nous l’avons fait durant le précédent quinquennat en supprimant la taxe d’habitation et nous avons baissé l’impôt sur le revenu. Au total, nous avons diminué les impôts des Français et des entreprises de plus de 50 milliards d’euros.

Dès cet été, nous vous proposerons la suppression de la redevance audiovisuelle, qui ira de pair avec une réforme de l’audiovisuel public, laquelle garantira son indépendance et des moyens durables. Nous y travaillerons avec le Parlement.

Je veux le dire également : ce combat pour le pouvoir d’achat, nous ne le mènerons pas seuls. Les entreprises qui dégagent des marges devront aussi prendre leurs responsabilités.

Notre deuxième défi, c’est de bâtir ensemble la société du plein emploi. Vous connaissez ma conviction : c’est par le plein emploi et par le bon emploi que nous changerons notre rapport au travail.

Durant le précédent quinquennat, nous avons mené des réformes en profondeur pour transformer le marché du travail, pour l’apprentissage, pour la formation des demandeurs d’emploi, pour nos jeunes, avec le plan « 1 jeune, 1 solution » et le contrat d’engagement jeune. Ces réformes ont porté leurs fruits : le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans ; le taux de chômage des jeunes est au plus bas depuis quarante ans.

Grâce à ce bilan, le plein emploi est à portée de main. Nous pourrons sortir de la logique du chômage de masse et redonner du pouvoir de négociation aux salariés. Quand il y a des tensions sur le marché du travail, les employeurs doivent être plus attractifs, améliorer les conditions de travail et augmenter les salaires.

Aussi, je vous propose, avec le Gouvernement, de jeter toutes nos forces dans la bataille du plein emploi. Nous devrons ramener vers l’emploi celles et ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail ; nous devons continuer notre action envers les jeunes ; nous devons permettre l’insertion des bénéficiaires du RSA en assurant un meilleur équilibre entre droits et devoirs ; nous devons mieux accompagner nos chômeurs.

Aujourd’hui, l’État, les régions et les départements avancent trop souvent en ordre dispersé. Nous devons joindre nos forces, c’est pourquoi nous transformerons Pôle emploi en France Travail. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE et SER.)