M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne
Article unique
La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :
1° Après l’article 6-1, sont insérés des articles 6-1-1 à 6-1-4 ainsi rédigés :
« Art. 6-1-1. – I. – L’autorité administrative mentionnée à l’article 6-1 est compétente pour émettre des injonctions de retrait au titre de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 relatif à la lutte contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.
« II. – La personnalité qualifiée mentionnée à l’article 6-1 est l’autorité compétente pour procéder à l’examen approfondi des injonctions de retrait au titre de l’article 4 du même règlement.
« III. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est compétente pour :
« 1° Superviser la mise en œuvre des mesures spécifiques en application de l’article 5 dudit règlement ;
« 2° Recevoir la notification de la désignation d’un représentant légal au titre du 4 de l’article 17 du même règlement.
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret, notamment les modalités d’échange d’informations entre l’autorité administrative, la personnalité qualifiée mentionnée au II et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, d’une part, et entre ces autorités et les autres autorités compétentes étrangères désignées pour la mise en œuvre du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité, d’autre part.
« Art. 6-1-1-1 (nouveau). – En cas d’indisponibilité de la personnalité qualifiée mentionnée aux articles 6-1 et 6-1-1, ses missions sont exercées par un suppléant désigné en son sein par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique pour la durée de son mandat au sein de l’autorité.
« Art. 6-1-2. – I. – La méconnaissance de l’obligation de retirer des contenus à caractère terroriste ou de bloquer l’accès à ces contenus dans tous les États membres dans un délai d’une heure à compter de la réception d’une injonction de retrait prévue au 3 de l’article 3 et au 2 de l’article 4 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité est punie d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.
« Lorsque l’infraction prévue au premier alinéa du présent I est commise de manière habituelle par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté à 4 % de son chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent.
« II. – La méconnaissance de l’obligation prévue au 5 de l’article 14 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité est punie d’un an d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende.
« Lorsque l’infraction prévue au premier alinéa du présent II est commise de manière habituelle par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté à 4 % de son chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent.
« III. – Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions prévues aux I et II du présent article. Elles encourent une peine d’amende, suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, ainsi que les peines prévues aux 2° et 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction prévue au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.
« Art. 6-1-3. – I. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille, dans les conditions prévues au présent article, au respect du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité par les fournisseurs de services d’hébergement définis par l’article 2 de ce même règlement qui ont leur établissement principal en France ou dont le représentant légal réside en France.
« Elle recueille auprès des fournisseurs de services d’hébergement concernés, dans les conditions fixées à l’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les informations nécessaires au suivi des obligations prévues au présent article.
« II. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre le fournisseur concerné en demeure de se conformer, le cas échéant dans le délai qu’elle fixe, aux obligations prévues au 6 de l’article 3, au 7 de l’article 4, aux 1, 2, 3, 5 et 6 de l’article 5, aux articles 6, 7, 10 et 11, au 1 de l’article 15 et à l’article 17 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité.
« III. – Lorsque le fournisseur concerné ne se conforme pas à la mise en demeure qui lui est adressée, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant prend en considération :
« 1° La nature, la gravité et la durée du manquement ;
« 2° Le fait que le manquement a été commis de manière intentionnelle ou par négligence ;
« 3° Les manquements commis précédemment par le fournisseur concerné ;
« 4° La situation financière du fournisseur concerné ;
« 5° La coopération du fournisseur concerné avec les autorités compétentes ;
« 6° La nature et la taille du fournisseur concerné, en particulier s’il s’agit d’une micro, petite ou moyenne entreprise ;
« 7° Le degré de responsabilité du fournisseur concerné, en tenant compte des mesures techniques et organisationnelles prises par ce fournisseur pour se conformer au même règlement.
« La sanction ainsi prononcée ne peut excéder 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent. Lorsque le même manquement a fait l’objet, dans un autre État, d’une sanction pécuniaire calculée sur la base de cette même assiette, le montant de cette sanction est pris en compte pour la détermination de la sanction prononcée en application du présent alinéa.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut rendre publiques les mises en demeure et sanctions qu’elle prononce. Elle détermine dans sa décision les modalités de cette publication, qui sont proportionnées à la gravité du manquement. Elle peut également ordonner l’insertion de ces mises en demeure et sanctions dans des publications, journaux et supports qu’elle désigne, aux frais des fournisseurs faisant l’objet de la mise en demeure ou de la sanction.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« Art. 6-1-4. – I. – (Supprimé)
« II. – Le fournisseur de services d’hébergement visé par une injonction de retrait au titre de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation de cette injonction, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa réception.
« Le fournisseur de contenus visé par une injonction de retrait au titre du même article 3 peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation de cette injonction, dans un délai de quarante-huit heures à compter du moment où il est informé par le fournisseur de services d’hébergement du retrait du contenu concerné.
« Il est statué sur la légalité de l’injonction de retrait dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal.
« II bis (nouveau). – La personnalité qualifiée mentionnée aux articles 6-1 et 6-1-1 reçoit transmission de toutes les injonctions de retrait émises au titre de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité. Elle peut exercer dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur réception le recours prévu au II du présent article.
« III. – Les fournisseurs de contenus et les fournisseurs de services d’hébergement peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci la réformation de la décision motivée de la personnalité qualifiée de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique prise en application de l’article 4 du même règlement, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de cette décision.
« Le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal.
« III bis (nouveau). – Les décisions rendues en application des II à III sont susceptibles d’appel devant le Conseil d’État dans les quarante-huit heures.
« Le Conseil d’État statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.
« IV. – Les fournisseurs de services d’hébergement visés par une décision motivée de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, prise en application de l’article 5 dudit règlement, les déclarant exposés à des contenus terroristes ou leur enjoignant de prendre les mesures spécifiques nécessaires, peuvent demander la réformation de cette décision, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification.
« Le Conseil d’État statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. » ;
2° (nouveau) À la fin du I de l’article 57, la référence : « n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République » est remplacée par la référence : « n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne ».
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, sur l’article.
Mme Marie Mercier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis évidemment que l’on puisse retirer en une heure des contenus terroristes ou pédopornographiques.
Cependant, malgré la disposition législative votée ici à l’unanimité en 2020 et la bonne volonté tant de l’Arcom que de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), il est toujours possible pour des enfants de visionner des films pornographiques destinés aux adultes. Un mineur ne peut pas jouer de l’argent sur internet, mais il peut toujours être traumatisé par des films pornographiques. Je me demande jusqu’à quand nos enfants devront se protéger eux-mêmes !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je suis obligé de m’exprimer sur l’article unique de la proposition de loi pour solliciter des réponses.
Je vous ai posé deux questions fondamentales. Ce sont des questions de droit. Dans cet hémicycle, nous sommes évidemment tous d’accord pour engager tous les moyens possibles afin de contrer le terrorisme. Mais pouvez-vous nous garantir que ce texte est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?
Certains de nos collègues considèrent que le règlement apporte des garanties que n’offrait pas la loi Avia. Or, selon le règlement, le recours est possible « après » le retrait des contenus, tandis que le Conseil constitutionnel souhaitait que les recours puissent être suspensifs. Il y a là une différence.
Ce texte retournera vraisemblablement à l’Assemblée nationale, et je doute que le Conseil constitutionnel n’en soit pas saisi à son tour. Il serait donc préférable de nous entendre ici sur ce qu’il est possible de faire.
Par ailleurs, Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères nous a indiqué à juste titre tout à l’heure que les deux règlements en cours d’adoption constituaient « deux pas de géants » dans la réforme du numérique. Sont-ils compatibles ce que vous souhaitez nous voir voter maintenant ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le règlement est aujourd’hui stabilisé, et il ne présente aucune contradiction avec le texte.
M. Pierre Ouzoulias. Moi, je suis un peu déstabilisé par votre réponse !
Mme Marie Mercier. Et la réponse à ma question ?
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – La personnalité qualifiée mentionnée à l’article 6-1 reçoit transmission de toutes les injonctions de retrait émises en application de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité et constitue l’autorité compétente pour procéder à l’examen approfondi des injonctions de retrait en application de l’article 4 du même règlement.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Cet amendement vise à modifier l’article 6-1-1 de la loi, qui désigne les autorités nationales compétentes pour mettre en œuvre les procédures prévues par le règlement TCO.
Jusqu’à présent, le II de cet article disposait simplement que la personnalité qualifiée désignée en son sein par l’Arcom était au sens de l’article 4 du règlement l’autorité compétente pour examiner, soit d’office, soit à la demande des fournisseurs de service, les injonctions issues d’autorités étrangères, avec possibilité de s’y confirmer ou de s’y opposer.
Or M. le rapporteur André Reichardt a très judicieusement considéré qu’il fallait prévoir un mécanisme semblable en droit national lorsque l’injonction émanait de l’autorité nationale et s’adressait à un fournisseur installé en France. Simplement, la commission des lois du Sénat a inscrit cette précision dans le II bis de l’article 6-1-4 alors que cet article traite seulement de questions contentieuses.
Il nous semble donc plus simple et plus lisible d’inscrire à l’article 6-1-1 que la personnalité qualifiée désignée par l’Arcom reçoit copie des injonctions de l’OCLCTIC émises en application de l’article 3 du règlement et qu’elle constitue l’autorité compétente mentionnée à l’article 4 de ce même règlement, comme il était prévu dans la rédaction initiale de la proposition de loi.
Tel est le sens de cet amendement, qui vise à modifier la rédaction du II de l’article 6-1-1. Je vous proposerai dans quelques instants de procéder, par cohérence, à une correction symétrique à l’article 6-1-4, pour ne conserver que la partie du dispositif introduit par M. le rapporteur visant à ouvrir à la personnalité qualifiée désignée par l’Arcom la possibilité de déférer à la juridiction administrative une injonction de retrait émanant de l’OCLCTIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Il s’agit d’un problème d’organisation de l’article et de légistique. Certes, en lui-même, le présent amendement ne soulève pas de désaccord majeur de notre part. Mais il est lié à l’amendement n° 3, que nous examinerons tout à l’heure et auquel la commission est très défavorable, car il tend à supprimer la procédure de recours devant le Conseil d’État que nous avons établie.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
, 5 et 6 de l’article 5
par les mots :
et 5 de l’article 5
II. – Alinéa 18
Après les mots :
mise en demeure
insérer les mots :
ou à la décision prise en application du 6 de l’article 5 dudit règlement
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Cet amendement vise à modifier l’article 6-1-3 de la proposition de loi, qui, dans son II, permet à l’Arcom de mettre les fournisseurs en demeure de se conformer aux obligations prévues par le règlement TCO, et, dans son III, lui accorde le pouvoir de les sanctionner lorsqu’ils ne défèrent pas à ces mises en demeure.
Nous proposons d’abord de supprimer, dans la liste des obligations pour lesquelles l’Arcom peut mettre en demeure les fournisseurs, celle qui a trait aux « mesures spécifiques ».
En effet, le règlement prévoit déjà que l’Arcom peut enjoindre l’hébergeur exposé à des contenus à caractère terroriste à mettre en œuvre des « mesures spécifiques » supplémentaires lorsqu’elle considère que les mesures qu’il lui a présentées afin de protéger ses services contre la diffusion de contenus terroristes ne sont pas suffisantes. C’est ce qui est prévu au paragraphe 6 de l’article 5 du règlement TCO.
L’injonction prévue par le règlement constitue une mise en demeure dont la méconnaissance peut faire l’objet de sanction. Il serait donc incohérent de maintenir parmi la liste des mesures spécifiques prévues au II de l’article 6-1-3 une référence au paragraphe 6 de l’article 5 du règlement, relatif à la mise en demeure. Cela aboutirait à contraindre l’Arcom à devoir mettre le fournisseur en demeure de respecter une mise en demeure avant de pouvoir, éventuellement, le sanctionner.
Vous en conviendrez avec moi, une telle mécanique de double mise en demeure n’est ni pertinente ni efficace, et elle ne correspond certainement pas à l’objectif du règlement TCO.
Je vous propose donc de supprimer une telle référence du II de l’article, mais de la replacer au III, afin qu’il soit clair que la méconnaissance de l’injonction à prendre des mesures spécifiques supplémentaires peut donner lieu à l’enclenchement de poursuites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je lève un suspense insoutenable : nous sommes favorables à cet amendement, car il faut effectivement éviter la double possibilité d’injonction.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je voudrais insister une nouvelle fois sur un point : l’article 14 du DSA, qui sera adopté et entrera en vigueur avant la fin de l’année, change radicalement toute la procédure et renverse la charge de la preuve. Bientôt, ce sera aux fournisseurs d’accès d’envoyer aux autorités régulatrices, dont l’Arcom en France, une série de pièces pour justifier le retrait des contenus. Pour cette raison, le délai d’une heure n’est plus tenable : le fournisseur a l’obligation de présenter l’identité de l’individu ou de l’entité ayant signalé un contenu illicite, son adresse électronique, ainsi qu’une déclaration confirmant que l’individu ou l’entité soumettant la notification pense de bonne foi que ses informations sont exactes.
Nous discutons d’un système dont la logique même sera complètement obsolète avant la fin de l’année. Il sera remplacé par un nouveau dispositif que je trouve beaucoup plus intéressant, car il consiste à renverser la charge de la preuve et à demander à l’hébergeur de fournir tous les moyens pour justifier la nécessité de la suppression.
Il aurait été préférable de travailler à la transposition des deux règlements, car nous raisonnons sur un élément qui n’existera plus dans quelques mois.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le texte anticipe le règlement DSA, qui ne contient que des propos généraux. Les choses sont claires, me semble-t-il.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 30 à 33
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« II. – Les fournisseurs de contenus et les fournisseurs d’hébergement visés par une injonction de retrait au titre de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité ainsi que la personnalité qualifiée mentionnée aux articles 6-1 et 6-1-1 peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation de cette injonction, dans un délai de quarante-huit heures à compter soit de sa réception, soit du moment où le fournisseur de contenu est informé par le fournisseur de services d’hébergement du retrait du contenu.
« Il est statué sur la légalité de l’injonction de retrait dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal.
II. – Alinéa 34
Remplacer les mots :
la réformation de la décision motivée
par les mots :
l’annulation de la décision
III. – Alinéas 36 et 37
Rédiger ainsi ces alinéas :
« III bis. – Les décisions rendues en application des II et III sont susceptibles d’appel dans un délai de deux mois à compter de leur notification.
« La juridiction d’appel statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
IV. – Alinéa 38
Rédiger ainsi cet alinéa :
« IV. – Les fournisseurs de services d’hébergement visés par une décision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, prise en application de l’article 5 dudit règlement, les déclarant exposés à des contenus terroristes ou leur enjoignant de prendre les mesures spécifiques nécessaires, peuvent demander l’annulation de cette décision, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification. » ;
V. – Alinéa 39
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. Cet amendement, qui est essentiellement rédactionnel, concerne la procédure contentieuse applicable aux décisions de retrait.
Premièrement, il vise à fusionner au sein d’un alinéa unique les dispositions identiques relatives aux possibilités de recours ouvertes aux fournisseurs de services d’hébergement, aux fournisseurs de contenus et à la personnalité qualifiée à l’encontre des injonctions de retrait.
Deuxièmement, il tend à uniformiser l’office du juge en supprimant le terme « réformation », utilisé aux alinéas 34 et 38 en faveur de celui d’« annulation », qui nous semble plus explicite.
Troisièmement, il a pour objet de supprimer la procédure d’appel devant le Conseil d’État pour les décisions rendues en application des II et III, pour rétablir une voie d’appel de droit commun devant les cours administratives d’appel s’agissant d’appels interjetés à l’encontre de décisions de fond. Nous proposons toutefois de limiter le délai de jugement à un mois à compter de la date de saisine de la juridiction.
Quatrièmement, il vise à supprimer la mention de la compétence du Conseil d’État en premier et dernier ressort s’agissant des décisions de l’Arcom, cette règle de compétence étant de nature réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Cet amendement est tout à fait intéressant sur le plan légistique, et nous aurons sans doute l’occasion de reprendre certaines de ses dispositions en commission mixte paritaire.
Mais son adoption aurait pour effet de supprimer la procédure à bref délai que nous instaurons devant le Conseil d’État. Il s’agit là non pas d’une lubie de la commission, mais de l’expression de la recherche d’une efficacité supplémentaire. En la circonstance, il faut aller très vite, purger le plus vite possible toutes les capacités de recours et trancher pour savoir si une publication doit être maintenue ou supprimée.
Une procédure classique devant les cours d’appel durerait trop longtemps. Il faut s’adapter aux circonstances de la cause. Nous sommes très attachés au dispositif de recours à bref délai devant le Conseil d’État, afin de purger tous les éléments de cette procédure.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée. En matière de procédure d’appel, il ne paraît pas opportun de déroger à la règle instaurée par l’article L. 321-1 du code de justice administrative, qui dispose : « Les cours administratives d’appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, sous réserve des compétences que l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduit à attribuer au Conseil d’État […] ».
Même si j’entends que les injonctions de retrait de contenu sur internet peuvent porter atteinte à la liberté de communication, il ne me semble pas que cela doive conduire à déroger à cette règle de compétence, sauf à considérer que tel devrait être le cas de tous les contentieux des mesures de police administrative, qui, dans leur majorité, portent atteinte – c’est leur objet – à une liberté fondamentale.
Or le contentieux d’appel de ces décisions relève invariablement des cours administratives d’appel, y compris pour de graves décisions en termes d’atteinte à des libertés fondamentales sans que le droit au recours effectif soit pour autant méconnu. Il en va ainsi des interdictions de manifestation ou de réunion, des expulsions d’étrangers, ou encore des décisions restreignant la liberté de circulation.
Le Conseil d’État est en principe un juge de cassation, et les dérogations doivent rester exceptionnelles, sauf à remettre en cause la cohérence de l’organisation au sein de l’ordre administratif.