Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Victoire Jasmin, Marie Mercier.
2. Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis de la commission des finances
Demande de priorité de l’article 15. – Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales ; M. Olivier Dussopt, ministre. – La priorité est ordonnée.
Mme Éliane Assassi ; M. Olivier Dussopt, ministre.
Clôture de la discussion générale.
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
4. Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 359 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 114 de M. Daniel Breuiller. – Rejet.
Amendement n° 453 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 137 de M. Olivier Henno. – Rejet.
Amendement n° 322 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 34 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 398 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.
Amendement n° 251 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 149 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 42 rectifié de M. Michel Canévet. – Rejet.
Amendement n° 90 rectifié ter de Mme Corinne Imbert. – Adoption.
Amendement n° 151 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 152 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 153 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 252 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 380 rectifié de M. Bernard Delcros. – Rejet.
Amendement n° 444 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 123 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 250 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 101 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.
Amendement n° 443 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 8 rectifié de M. Sebastien Pla. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 316 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 245 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 37 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 89 rectifié ter de Mme Corinne Imbert. – Adoption.
Amendement n° 150 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 119 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 99 rectifié bis de M. Emmanuel Capus. – Adoption.
Amendement n° 154 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 155 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 121 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 243 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 246 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 317 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
Amendement n° 341 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 10 rectifié bis de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 157 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 128, de l’article.
Amendement n° 36 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 445 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 43 rectifié bis de M. Laurent Duplomb. – Adoption.
Amendement n° 158 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 144 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 102 rectifié ter de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.
Amendement n° 161 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 354 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 374 rectifié de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 38 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 355 rectifié de Mme Monique Lubin. – Retrait.
Amendement n° 162 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 160 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait.
Amendement n° 357 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 396 rectifié ter de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.
Amendement n° 253 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 244 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 247 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 446 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 447 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 74 rectifié bis de M. Alain Cadec. – Retrait.
Amendement n° 259 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 255 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet.
Amendement n° 261 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 262 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Retrait.
Amendement n° 200 rectifié de M. Vincent Capo-Canellas. – Retrait.
Amendement n° 16 rectifié de M. Jean-Pierre Decool. – Retrait.
Amendement n° 377 rectifié bis de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 409 rectifié quinquies de M. Olivier Jacquin. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 279 rectifié bis de M. Rémi Cardon. – Rejet.
Amendement n° 88 rectifié de M. Jacques Fernique. – Rejet.
Amendement n° 82 rectifié quater de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.
Amendement n° 81 rectifié quater de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.
Amendement n° 164 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 145 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 167 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 344 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.
Amendement n° 338 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 339 rectifié ter de M. Thierry Cozic. – Rejet.
Amendement n° 318 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 165 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 343 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.
Amendement n° 146 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 337 rectifié bis de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
5. Mise au point au sujet d’un vote
6. Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 169 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 170 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 452 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion
Amendement n° 83 rectifié de M. Vincent Segouin. – Rejet par scrutin public n° 129.
Amendement n° 44 rectifié bis de M. Laurent Duplomb. – Retrait.
Amendement n° 448 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 6 rectifié de M. Sebastien Pla. – Rejet.
Amendement n° 364 rectifié de M. Sebastien Pla. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 362 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Rejet.
Amendement n° 332 rectifié de M. Paul Toussaint Parigi. – Rejet.
Amendement n° 172 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Retrait.
Amendement n° 449 de la commission. – Retrait.
Amendement n° 26 rectifié bis de Mme Véronique Guillotin. – Retrait.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Amendement n° 361 rectifié bis de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° 336 rectifié de Mme Monique Lubin. – Retrait.
Amendement n° 193 de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 192 de M. Fabien Gay. – Retrait.
Amendement n° 315 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Adoption de l’article.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Amendement n° 329 de M. Paul Toussaint Parigi. – Rejet.
Amendement n° 308 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 280 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 109 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 28 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 281 rectifié de M. Denis Bouad. – Rejet.
Amendement n° 110 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 282 rectifié de Mme Viviane Artigalas. – Rejet.
Amendement n° 385 de Mme Amel Gacquerre. – Rejet.
Amendement n° 386 de Mme Amel Gacquerre. – Rejet.
Amendement n° 269 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° 267 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.
Amendement n° 387 de Mme Amel Gacquerre. – Devenu sans objet.
Amendement n° 53 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Devenu sans objet.
Amendement n° 266 rectifié bis de M. Victorin Lurel. – Devenu sans objet.
Amendement n° 388 de Mme Amel Gacquerre. – Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Victoire Jasmin,
Mme Marie Mercier.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (projet n° 817, texte de la commission n° 828, rapport n° 827, avis nos 825, 826 et 822).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, madame la rapporteure, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de vous retrouver ce matin pour vous présenter avec Olivier Dussopt les principales mesures de ce paquet pouvoir d’achat, qui comporte un projet de loi et un projet de loi de finances rectificative.
Son objectif – je n’aurai de cesse de le rappeler au Sénat, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale – est de protéger nos compatriotes face à l’augmentation des prix sans équivalent depuis plusieurs années qui les touche dans leur vie quotidienne. Augmentation du prix des carburants, de l’alimentation… la vie chère est une souffrance et un profond facteur d’inquiétude pour des millions de nos compatriotes.
Nous avons déjà apporté des réponses depuis plusieurs mois sur l’électricité et le gaz. Je pense au plafonnement des prix de l’électricité, au gel des prix du gaz ou au bouclier énergétique, qui a permis de contenir l’inflation, dont je rappelle que le taux en France est, à l’heure où je vous parle, le plus faible de tous les pays de la zone euro. Toutefois, face au pic inflationniste, nous devons adopter de nouvelles mesures pour continuer de protéger nos compatriotes. Elles doivent obéir à une vision politique ; il ne s’agit pas de les prendre au petit bonheur la chance.
Nous estimons en premier lieu que la valorisation du travail et la reconnaissance de tous ceux qui travaillent restent la meilleure réponse au problème du pouvoir d’achat. Je sais que ce point est aussi important pour de nombreux groupes de cette assemblée.
Nous continuerons donc à valoriser le travail, avec le triplement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) – nous vous proposons de la porter à 6 000 euros –, le soutien à l’intéressement et à la participation, dispositifs qui devront être soutenus massivement dans les mois à venir, la baisse des cotisations sociales pour les indépendants, la revalorisation de 4 % de la prime d’activité et la hausse de 3,5 % du point d’indice des fonctionnaires.
Outre les dispositions que je viens d’énumérer, nous avons enrichi le texte d’un certain nombre d’apports proposés par des députés issus de groupes autres que le groupe majoritaire. Je pense à la monétisation des RTT, qui me paraît très positive, ou au relèvement du plafond des heures supplémentaires, qui est passé de 5 000 euros à 7 500 euros. Je sais que certains parmi vous veulent graver ces deux mesures dans le marbre : cela me semble judicieux.
Il y a également des propositions sur la désocialisation des heures supplémentaires, au-delà de la défiscalisation. Nous devons avoir une discussion constructive sur le sujet en faisant très attention à cibler le dispositif sur les petites et moyennes entreprises. Nous devrions pouvoir avancer ensemble.
Dans ce paquet pouvoir d’achat, nous avons également décidé de maintenir le bouclier énergétique. Alors que les prix du gaz et de l’électricité n’ont jamais été aussi élevés, il nous paraît essentiel, avec le Président de la République et la Première ministre, Élisabeth Borne, de maintenir le gel du prix du gaz et le plafonnement de l’augmentation du prix de l’électricité à 4 % jusqu’à la fin de l’année 2022. Je veux le redire ici, aucun rattrapage ne sera effectué en 2023 sur la facture des consommateurs.
Nous avons par ailleurs trouvé un compromis à l’Assemblée nationale sur le fioul. Des députés d’autres groupes que le nôtre ont insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte le coût supporté par les Français qui doivent actuellement remplir leur cuve alors que les prix ont fortement augmenté. Nous avons adopté une aide de 230 millions d’euros pour tous nos compatriotes qui utilisent ce combustible pour se chauffer, tout en prenant aussi des mesures pour accélérer la transition et permettre à chacun de changer sa chaudière. Mais, comme un appareil ne peut pas se changer en deux semaines, nous avons accepté cette aide destinée à tous nos compatriotes qui se chauffent au fioul. Elle est chiffrée à 230 millions d’euros. Ainsi que je l’ai indiqué, nous lèverons le gage lors des débats au Sénat, car nous voulons répondre aux situations d’urgence.
Je souhaite également évoquer l’aide que nous avons proposée pour le carburant. Nous avons tout d’abord mis en place une remise de 18 centimes d’euros par litre. Puis, nous avons suggéré de lui substituer une aide plus ciblée pour les salariés, l’indemnité compensatrice pour les travailleurs.
Certains groupes politiques à l’Assemblée nationale, notamment le groupe Les Républicains, ont estimé qu’une mesure plus simple et plus massive serait préférable. Nous avons donc trouvé un compromis, en portant la remise de 18 centimes à 30 centimes d’euro par litre à compter du 1er septembre. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.)
M. Fabien Gay. Cela a dû être difficile ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous avons opté pour une remise de 30 centimes d’euro par litre au 1er septembre, 30 centimes en octobre, 10 centimes en novembre et 10 centimes en décembre. Cette aide, je le rappelle, sera complétée par les remises faites par les distributeurs et les pétroliers, notamment les 20 centimes d’euro par litre proposés par Total à partir du 1er septembre.
Certes, nous négocions, nous discutons… Mais, au bout du compte, la seule chose qui intéresse vraiment nos compatriotes, c’est le prix du litre d’essence ou de diesel à la rentrée. Or, en cumulant toutes les mesures, nous pourrons alors avoir un litre à 1,50 euro environ. Tous nos débats sont très constructifs et utiles. Mais, in fine, ce qui compte, c’est la vie de nos compatriotes. Or elle sera améliorée par cette mesure ! (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Je le dis donc avec beaucoup de clarté, je souhaite que nous puissions préserver ce compromis et que nous ne rouvrions pas le débat. Nos compatriotes ont entendu que le litre d’essence pouvait être à 1,50 euro à la rentrée. Revenir sur ce point causerait plus de difficultés qu’autre chose.
Enfin, je rappelle que les parlementaires ont été sensibles à la situation des petites stations-service rurales et de leurs clients. Ils ont proposé 15 millions d’euros pour les accompagner et les aider à se transformer. Je souhaite également que cette bonne mesure soit maintenue.
Je le sais, certains groupes au Sénat jugent nos mesures insuffisantes et souhaiteraient en plus une taxation des superprofits. (Oui ! sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) Je veux redire mon opposition à toute nouvelle taxe dans notre pays, pour des raisons très profondes. (Exclamations sur les mêmes travées.) En France, dès qu’une entreprise réussit, le réflexe pavlovien consiste à vouloir immédiatement la taxer. (Mêmes mouvements.) Pourtant, dans un pays où le niveau des prélèvements obligatoires est le plus élevé de tous les pays développés,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. La France est aussi championne d’Europe des dividendes !
M. Bruno Le Maire, ministre. … la bonne voie n’est pas l’augmentation des impôts, des taxes ou des prélèvements obligatoires ; la bonne voie, c’est la réduction des impôts, des taxes ou des prélèvements obligatoires ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) Une taxe n’est pas une réponse à la situation économique de notre pays. Par ailleurs, taxer les entreprises nationales n’est pas la meilleure manière de renforcer notre économie, notre capacité à créer de la richesse et des emplois. (Mêmes mouvements.)
Ceux qui réclament aujourd’hui des taxes sur les entreprises réalisant des bénéfices ne s’alarmaient pas hier quand ces mêmes entreprises connaissaient des difficultés économiques, accumulaient des pertes et avaient du mal à investir. (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est de la provocation !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’estime donc que nous devons tenir notre ligne, qui est aussi l’une des lignes directrices de la majorité : baisser les impôts, et ne pas considérer les taxes comme la solution aux difficultés des Français. Vous pouvez vous faire plaisir en réclamant des taxes, mesdames, messieurs les sénateurs. Je préfère faire plaisir à nos compatriotes en obtenant des remises qui vont directement dans leurs poches, plutôt que dans celles du Trésor public ! Cela restera ma philosophie et ma ligne de conduite. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Nous proposons enfin la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. C’est toute la différence avec vous : nous maintenons notre ligne de baisse des taxes et des impôts, et nous rendons par cette mesure 138 euros de pouvoir d’achat à chaque ménage.
Enfin, j’imagine que l’un des sujets de discussion importants dans cet hémicycle portera sur la réponse à apporter aux inquiétudes des collectivités locales. Nous avons retenu la proposition de la députée socialiste Christine Pires Beaune. C’est d’ailleurs la preuve que nous avons trouvé des compromis avec tous les groupes politiques de l’Assemblée nationale ! (Marques d’ironie sur les travées des groupes SER et CRCE.) Vous pouvez ironiser, mais, comme le disait quelqu’un que vous êtes nombreux à admirer dans cette assemblée, les faits sont têtus ! Oui, nous avons retenu l’amendement de Mme Christine Pires Beaune, qui prévoit 180 millions d’euros de dispositifs ciblés pour les quelque 6 000 communes en difficulté faisant face à la hausse du prix de l’énergie et du point d’indice, et 120 millions d’euros pour compenser la hausse du revenu de solidarité active (RSA) pour les départements !
Olivier Dussopt, Gabriel Attal et moi-même sommes particulièrement attentifs à la situation des collectivités locales ; je veux le dire devant cette assemblée. Toute la difficulté – nous la connaissons – consiste à établir un diagnostic aussi précis que possible de la situation des différentes collectivités. Je vous demande pardon de le dire avec autant de franchise, mais il n’est pas mauvais non plus de tenir compte de la bonne ou de la mauvaise gestion de ces dernières. Il me paraît essentiel de soutenir celles qui ont des difficultés malgré une bonne gestion. Mais les communes qui se sont distinguées par une bonne gestion ne doivent pas payer pour les autres. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Les textes que nous vous présentons proposent également des crédits pour reprendre à 100 % le contrôle de notre service public de l’énergie. EDF est un outil industriel fondamental pour l’approvisionnement énergétique et la souveraineté de notre pays. Mais l’entreprise fait face à des défis de modernisation importants : augmentation de la demande d’électricité, impératif de produire une énergie décarbonée, nécessité absolue de relancer le programme nucléaire ; le Président de la République a proposé à Belfort la construction de six nouveaux réacteurs EPR. Pour cela, nous avons besoin d’une unité de commandement totale sur EDF. Tel est l’objectif de cette nationalisation, que nous vous demandons d’approuver, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je rappelle enfin que le paquet pouvoir d’achat prévoit d’ouvrir 12 milliards d’euros de crédits pour faire face à l’augmentation de la charge de la dette. En effet, 10 % de la dette française est indexée sur l’inflation, dont deux tiers sur le niveau moyen d’inflation de la zone euro, celui-ci étant plus élevé que le nôtre.
Je le redis donc avec beaucoup de gravité : chaque euro compte, et le rétablissement des finances publiques françaises n’est pas négociable.
Le Président de la République s’est d’ailleurs engagé, en fixant un calendrier : 3 % de déficit en 2027, amorce de la diminution de la dette publique à partir de 2025. Je suis le garant du respect de l’engagement de retour à l’équilibre de nos finances publiques.
M. Jérôme Bascher. Et que se passe-t-il si cela ne marche pas ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous devrons donc veiller au cours des débats à ce que chaque euro soit bien employé.
Lors des discussions à l’Assemblée nationale, le combat fut rude pour les députés de la majorité, pour ceux qui refusaient la dérive de nos comptes publics et pour les ministres au banc du Gouvernement. Nous avons réussi à maintenir le cap. Nous sommes entrés avec 20 milliards d’euros de propositions d’aides pour nos compatriotes. Nous avons discuté des dizaines d’amendements, représentant des dizaines de milliards d’euros de dépenses additionnelles, dépenses qui nous sont apparues – je le dis – irresponsables au regard de l’état de nos finances publiques. Nous sortons de l’Assemblée nationale avec un texte qui engage précisément 350 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Cela me paraît responsable et raisonnable.
Pour fixer dès à présent le cap des débats au Sénat, je souhaiterais que le volume des dépenses supplémentaires votées ici soit comparable, de l’ordre de 350 millions d’euros, soit au total un paquet pouvoir d’achat de 20,7 milliards d’euros. Cela nous permettrait de contenir le déficit public à 5 % en 2022.
En matière de finances publiques, il me semble essentiel d’avoir des lignes claires et des objectifs chiffrés. La majorité, le Président de la République, la Première ministre et moi-même souhaitons tenir ce cap des 5 % de déficit public en 2022. Cela doit nous conduire à limiter les dépenses supplémentaires votées par le Parlement pour le paquet pouvoir d’achat à 700 millions d’euros.
Il est fondamental que nous ayons un débat serein et approfondi – c’est toujours le cas dans cet hémicycle, ce dont je vous remercie – sur les grandes lignes politiques du projet de loi : l’énergie, la valorisation du travail et la protection des collectivités locales face à l’inflation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons le débat portant sur ce que nous appelons le paquet pouvoir d’achat, composé d’un premier texte, le présent projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, et d’un second, le projet de loi de finances rectificative (PLFR), que Bruno Le Maire et Gabriel Attal défendront devant vous.
Ces deux textes comportent un grand nombre de dispositions. Ils ont évidemment un lien entre eux, mais – je le précise d’emblée – ils ne couvrent pas l’intégralité des mesures que nous prenons en matière de pouvoir d’achat, certaines relevant du domaine réglementaire. Par exemple, le Gouvernement n’a pas besoin de solliciter du Parlement une autorisation législative particulière pour la revalorisation du point d’indice de la fonction publique ou pour l’aide de solidarité exceptionnelle versée aux foyers fiscaux bénéficiaires de minima sociaux à la rentrée.
Les textes que nous vous présentons ont vocation, d’une part, à mettre en place de nouveaux outils en matière de pouvoir d’achat, de partage de la valeur, de revalorisation des revenus du travail, d’énergie ou de logement – d’autres collègues viendront ultérieurement défendre des textes sur ces sujets devant vous –, et, d’autre part, à prévoir les crédits et les dispositions fiscales nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures ; ce sera l’objet du PLFR. Bien entendu, il faudra veiller à la cohérence d’ensemble du dispositif pour que les différentes mesures soient les plus efficaces possible.
Votre assemblée examine donc ce matin le premier texte, qui comporte différentes mesures de protection du pouvoir d’achat des Français. Certains items sont spécifiquement orientés autour du partage de la valeur et des revenus du travail.
Le texte issu de l’Assemblée nationale a été enrichi durant son examen en commission. Je tiens avant tout à saluer la qualité de ces travaux, en précisant d’emblée que nous ne proposerons pas de revenir sur la plupart des modifications apportées en commission ; celles-ci améliorent très nettement le texte qui vous a été transmis. Je pense aux apports introduits à l’article 2 quant aux exonérations de cotisations pour les travailleurs indépendants, aux dispositions en matière de déblocage des parts d’épargne salariale ou encore à celles qui permettent de clarifier le cumul emploi-retraite pour certains de nos concitoyens occupant des fonctions d’élu local.
Mais je voudrais aussi, à l’occasion de cette intervention liminaire, évoquer les trois points de divergence ou de débat qui subsistent encore entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et votre commission ; ils concernent les six premiers articles du texte.
Le premier concerne la pérennité de la prime de partage de la valeur pour les entreprises de plus de cinquante salariés, telle que votre commission l’envisage à l’article 1er. Vous le savez, le Président de la République s’est engagé à tripler le plafond de la prime de pouvoir d’achat. Les entreprises pourront donc verser une prime de 3 000 euros par an et par salarié, exonérée de cotisations sociales, voire de 6 000 euros en cas de signature d’un accord d’intéressement. Cette mesure exceptionnelle de pouvoir d’achat, que nous reconduisons pour la troisième année consécutive, concerne les salariés percevant moins de trois fois le SMIC, et ce jusqu’à la fin de l’année 2023.
Nous avons aussi souhaité, en particulier après l’avis du Conseil d’État, créer un nouveau dispositif, pérenne celui-là, de partage de la valeur pour toutes les entreprises et tous les salariés, sans plafond de rémunération, assujetti au régime fiscal et social de l’intéressement. La commission des affaires sociales a fait le choix de le maintenir jusqu’au 31 décembre 2023 et d’en réserver ensuite le bénéfice aux seules entreprises de moins de cinquante salariés. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer à Mme la rapporteure lors d’une séance de préparation du texte, le Gouvernement proposera le rétablissement de la pérennité du dispositif. Nous aurons donc très vite l’occasion d’en débattre.
Nous partageons également l’essentiel des aménagements apportés par la commission des affaires sociales à la baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, prévue à l’article 2. Cette baisse pérenne se traduira par un gain pouvant aller jusqu’à 550 euros pour les artisans-commerçants et les professionnels libéraux rémunérés à hauteur du SMIC.
Par ailleurs, compte tenu des amendements qui ont été adoptés, les micro-entrepreneurs bénéficieront d’un dispositif adapté à leurs spécificités leur permettant de profiter également de cette diminution de cotisations. Elle sera d’un montant différent de celui qui est prévu par le texte pour les travailleurs indépendants, les modalités de calcul des cotisations des micro-entrepreneurs étant spécifiques. J’aurai l’occasion d’apporter quelques précisions lors du débat. Mais j’indique d’emblée que cette exonération de cotisations sera intégralement compensée à la sécurité sociale par l’État, comme j’ai eu l’occasion de le dire devant l’Assemblée nationale.
L’article 3 du projet de loi vise à faciliter le recours à l’intéressement, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Notre objectif est de lever un maximum de blocages identifiés comme étant des freins au développement et au déploiement des accords d’intéressement.
Nous accueillons très favorablement l’ajout de la commission, qui prévoit de réduire à quatre mois la durée maximale de la procédure d’agrément des accords de branches relatifs au dispositif de partage de la valeur. J’aurai toutefois l’occasion de vous proposer un amendement visant non pas à modifier l’économie générale du texte adopté par la commission, mais à préserver les seuls délais d’opposition à la main des partenaires sociaux. Je relaie bien évidemment ici une demande de ces derniers, qui sont attachés au maintien des délais d’opposition. Pour le reste, les dispositions adoptées par la commission des affaires sociales nous paraissent relever d’une véritable simplification.
Le deuxième point de divergence concerne l’article 4, que la commission des affaires sociales a fait le choix de supprimer. Je proposerai de le réintégrer. Il concerne la restructuration des branches professionnelles disposant de minima conventionnels durablement inférieurs au niveau du SMIC. Une telle mesure me paraît utile. Si l’action combinée des partenaires sociaux et de l’État a heureusement permis de résorber le nombre de branches pouvant être immédiatement concernées, un tel outil me semble efficace pour empêcher à l’avenir que des branches ne restent durablement bloquées avec des minima conventionnels inférieurs au SMIC.
Par ailleurs, sur ce même article 4, l’Assemblée nationale a adopté une proposition permettant de réduire à quarante-cinq jours le délai imparti à la branche pour ouvrir des négociations, au lieu de quatre-vingt-dix jours actuellement. Nous considérons que cet ajout est également utile.
La commission a validé la proposition du Gouvernement d’avancer les revalorisations des pensions de retraite et des prestations sociales prévues au 1er janvier et 1er avril prochains. La revalorisation, qui sera de 4 %, vient s’ajouter à celle de 1,1 %, qui est intervenue le 1er janvier dernier, et celle de 1,8 %, qui est intervenue le 1er avril dernier.
Je le précise devant vous, toutes les prestations, y compris la prime d’activité, seront concernées ; Bruno Le Maire l’a rappelé. Nous avons en effet souhaité la revaloriser au même rythme que l’ensemble des minima sociaux, de manière à préserver l’écart entre les revenus du travail au niveau du SMIC et les minima sociaux.
Je ne reviens pas sur l’article 15, qui prévoit les modalités de réembauche de salariés dans le cadre de la réouverture provisoire de la centrale à charbon de Saint-Avold. Je précise néanmoins que cette réouverture est temporaire, qu’elle dépend des conséquences de la guerre en Ukraine et que la réembauche des salariés concernés s’effectuera uniquement sur la base du volontariat.
Enfin, nous avons une troisième divergence, sur laquelle le Sénat, le Gouvernement et l’Assemblée nationale peuvent, me semble-t-il, travailler. La commission des affaires sociales a adopté un dispositif d’exonération forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires, dont le coût, pour une déduction forfaitaire de 50 centimes par heure supplémentaire, s’élèverait à 300 millions d’euros, donc à 1,5 milliard d’euros si la déduction s’élevait à 1,50 euro.
À nos yeux, il s’agit d’un dispositif non pas véritablement de pouvoir d’achat, mais plutôt de compétitivité. Il peut éventuellement se révéler utile s’il est ciblé sur les petites entreprises, comme le ministre de l’économie et des finances vient de l’indiquer. Le projet de loi de finances rectificative adopté par l’Assemblée nationale prévoit d’ores et déjà le relèvement du plafond des heures supplémentaires exonérées de 5 000 euros à 7 500 euros.
Afin que le débat en matière d’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires puisse prospérer, je vous proposerai de supprimer l’article additionnel adopté par la commission des affaires sociales. La discussion pourra ainsi avoir lieu avant le début de l’examen du projet de loi de finances rectificative sur ce point, et nous pourrons conserver à l’ensemble de ces textes une cohérence, les dispositions relatives aux heures supplémentaires étant d’ores et déjà intégrées dans le collectif budgétaire.
Je rappelle que le texte prévoit aussi une méthode et un calendrier de déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Je connais l’investissement de votre assemblée sur le sujet ; je pense notamment au rôle très actif du sénateur Philippe Mouiller. Nous aurons l’occasion d’en débattre ; j’en suis convaincu. Le Gouvernement a pris l’engagement de ne pas dépasser le 1er octobre 2023 pour l’entrée en vigueur de la mesure. À chaque fois que nous pourrons gagner du temps, nous le ferons.
Je forme le vœu que nos échanges permettent d’améliorer encore le texte sur l’ensemble de ces sujets, afin de préparer dans les meilleures conditions la navette, en espérant qu’elle soit la plus productive possible, que le projet de loi soit rapidement adopté et que les mesures puissent être mises en œuvre au bénéfice des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en 2022, le taux d’inflation devrait atteindre au moins 5,5 %, un niveau que la France n’avait pas enregistré depuis 1985. Nous avions collectivement fini par oublier les conséquences d’une forte inflation. Mais elles se rappellent brutalement aux Français, qui voient grimper en flèche le coût de la vie dans tous les territoires.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a justement pour objet d’apporter une partie de la réponse des pouvoirs publics à une très forte demande sociale, parallèlement au collectif budgétaire qui est examiné par la commission des finances. Nous connaissons les attentes légitimes de nos concitoyens à cet égard.
Or, loin d’y répondre, nombre d’articles du projet de loi transmis au Sénat la semaine dernière formaient un ensemble hétéroclite, ne présentant qu’un lien ténu avec l’enjeu de préservation du pouvoir d’achat des ménages.
Notre commission a souhaité modifier le texte en partant d’un principe simple : apporter une réponse immédiate et concrète aux difficultés de nos concitoyens face à l’inflation, tout en privilégiant à cette fin la valorisation du travail.
Ainsi, nous avons revu l’article 1er pour faire en sorte que la prime que vous proposez d’instaurer, messieurs les ministres, permette aux employeurs de soutenir de manière tangible leurs salariés sans se substituer à d’autres éléments de rémunération. Nous avons rebaptisé celle-ci « prime de pouvoir d’achat ». Nous l’avons bornée dans le temps, au 31 décembre 2023, sauf pour les entreprises de moins de cinquante salariés, et, tout en permettant aux employeurs de fractionner le versement dans l’année, nous avons limité à quatre le nombre de versements.
Cette même approche nous a conduits à introduire un article 1er bis, qui prévoit une réduction de cotisations sociales patronales sur la majoration de salaire au titre des heures supplémentaires. Car, pour que les salariés qui le souhaitent puissent récolter les fruits de leur travail, il faut que leur employeur soit en mesure de les payer.
Dans un esprit de responsabilité pour nos finances publiques, l’article laisse au Gouvernement le soin de fixer par décret le montant de la réduction.
L’allégement des cotisations sociales des indépendants, prévu à l’article 2, s’inscrit lui aussi dans une logique de soutien au pouvoir d’achat des travailleurs, pour un gain de l’ordre de 550 euros par an au niveau du SMIC.
La commission a tenu à mieux encadrer le dispositif, à en corriger les imperfections et à en garantir la pérennité, sans oublier le cas spécifique des micro-entrepreneurs, qu’a abordé M. le ministre.
Je regrette toutefois l’effet de seuil lié à la forte augmentation du taux de cotisation prévu par le Gouvernement, entre 17 000 euros et 25 000 euros de revenus. Ce n’est pas a priori de nature à inciter au travail.
Du reste, les travailleurs indépendants ne percevront les frais d’une telle mesure qu’à compter du début de l’année 2023. Cette échéance est bien lointaine au regard de l’urgence de la situation.
L’article 5 prévoit une revalorisation de 4 % des prestations sociales au 1er juillet. Je le rappelle, il ne s’agit que d’une avance sur la revalorisation prévue par la loi au 1er janvier ou au 1er avril 2023. Ainsi, un soutien non négligeable sera apporté notamment à nos aînés, dont le pouvoir d’achat s’est particulièrement érodé au cours des dernières années, du fait des différentes mesures de sous-indexation des pensions mises en œuvre par le Gouvernement. Bien que cette revalorisation ne suffise pas, tant s’en faut, à compenser la dégradation du niveau de vie des retraités depuis 2017, elle n’en est pas moins bienvenue.
J’aimerais évoquer les autres prestations concernées. Il est permis de s’interroger – je pense que nous aurons l’occasion de le faire – sur l’uniformité de la revalorisation proposée, compte tenu de l’objectif de valorisation du travail affiché par le texte.
La commission a par ailleurs adopté, à l’article 3, quelques ajustements bienvenus au régime de l’intéressement en entreprise. Ceux-ci visent à faciliter son développement, même si l’effet ne sera – vous l’avez concédé lors de notre entretien, monsieur le ministre – que très indirect sur le pouvoir d’achat des salariés.
Dans le prolongement des mesures de simplification proposées, nous avons prévu également de raccourcir les délais d’agrément des accords de branche sur l’intéressement et la participation. Ceux-ci doivent être rapidement applicables, afin que les petites entreprises les utilisent pour développer l’intéressement.
Nous avons introduit dans le texte une mesure de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale, qui apportera un soutien immédiat aux salariés dont les revenus sont insuffisants face à la hausse des prix. Ils pourront demander jusqu’au 31 décembre 2022 le déblocage des sommes placées sur un plan d’épargne entreprise, dans la limite de 10 000 euros pour l’achat de biens ou la fourniture de services.
Le projet de loi apporte en revanche une réponse peu convaincante à la problématique des bas salaires. Au 1er août prochain, le SMIC connaîtra sa quatrième revalorisation en un an, sous l’effet de l’inflation.
Dans ce contexte – j’insiste sur ce terme –, de nombreuses branches professionnelles présentent des grilles de minima salariaux dont les plus bas échelons sont dépassés par le SMIC. Afin d’éviter un tassement des rémunérations au niveau du SMIC, l’article 4 entend inciter les partenaires sociaux à se saisir de la question par le biais du processus de restructuration des branches professionnelles. Il introduit une confusion entre un chantier structurel, qui doit engager toutes les parties prenantes, et les réponses conjoncturelles qu’appelle la protection du pouvoir d’achat des Français.
La commission a considéré que les partenaires sociaux d’une branche éprouvant des difficultés structurelles à négocier sur les salaires ne seront probablement pas sensibles à la menace d’une hypothétique fusion.
De surcroît, un tel mécanisme, qui concernerait seulement des situations marginales – je serais tentée de dire « extrêmement marginales » –, jette l’opprobre sur les branches, qui, dans l’ensemble, assument leurs responsabilités dans la situation particulière actuelle.
La commission a donc supprimé cet article. Elle a en revanche proposé, dans un nouvel article 4 bis, une accélération des délais pour l’entrée en vigueur et l’extension des accords portant exclusivement sur les salaires lorsque plusieurs revalorisations du SMIC interviennent dans l’année.
Ce projet de loi sert par ailleurs de véhicule à plusieurs dispositions visant à remédier à certaines situations inéquitables. L’article 5 bis, inséré en séance publique à l’Assemblée nationale, vient clore le long débat sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), dans lequel le Sénat a été précurseur, en particulier grâce à l’action de notre collègue Philippe Mouiller et à celle d’autres sénateurs.
Le revirement du Gouvernement, dont nous nous félicitons, rend possible la mise en œuvre de cette réforme au plus tard le 1er octobre 2023. Cette date semble un peu lointaine, mais elle peut se justifier par la complexité technique de l’opération ; nous aurons l’occasion d’y revenir.
Un mécanisme transitoire protège les perdants de la réforme, en leur permettant de bénéficier de l’AAH sous sa forme actuelle, jusqu’à l’expiration de leurs droits à l’allocation si cette modalité leur est plus favorable. Nous attendons encore des garanties du Gouvernement. Nous proposerons un certain nombre d’amendements sur les modalités d’application du mécanisme.
En outre, nous avons souhaité donner une base légale à l’instruction ministérielle permettant aux retraités exerçant un mandat électoral local de constituer des droits à pension de retraite en contrepartie des cotisations qu’ils versent. Les élus concernés pourront ainsi bénéficier en toute légalité des prestations sans devoir liquider leurs droits auprès de l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec).
Enfin, la commission a approuvé l’article 15, qui permet l’embauche de salariés pour la réouverture temporaire de centrales à charbon. Le cadre dérogatoire au droit du travail ainsi prévu permet de répondre à une situation inédite pour notre souveraineté énergétique tout en assurant une protection satisfaisante des salariés et de l’employeur concernés. Toutefois, humainement, cette réouverture doit nous interroger sur ce que ces décisions contradictoires du Gouvernement ont fait vivre à ces territoires, ainsi qu’aux hommes et aux femmes concernés.
Messieurs les ministres, vous l’aurez compris, notre commission s’est saisie de ce texte de manière à la fois critique et constructive.
J’espère que nos débats permettront de l’enrichir et que la suite de la navette nous permettra surtout de nous montrer à la hauteur des attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, une vingtaine d’articles du projet de loi relatif au pouvoir d’achat ont été examinés par la commission des affaires économiques.
Alors que nous traversons une crise inflationniste inédite, mais prévisible, notre commission regrette le manque d’anticipation, d’évaluation et d’ambition du texte.
Nous déplorons aussi des conditions d’examen précipitées. Le Gouvernement indique vouloir bâtir une nouvelle relation avec le Parlement ; ce n’est pas gagné ! Et ce n’est pas admissible !
M. Guillaume Chevrollier. Très bien !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Sur le volet énergie, notre commission a recherché un équilibre entre, d’une part, la législation d’urgence et, d’autre part, la liberté d’entreprendre et le droit de propriété.
Nous avons donc consolidé les pouvoirs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en matière de stockage de gaz. Nous avons aussi encadré l’exercice des pouvoirs de crise du ministre et renforcé leur indemnisation.
De plus, nous avons associé les collectivités à tous les dispositifs pertinents, dont l’interruptibilité du gaz. Enfin, nous avons circonscrit le champ des méthaniers flottants et complété leur programme d’investissement, gage de leur acceptation.
L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) suscite, à raison, bien des passions. Nous avons gelé son plafond à 120 térawattheures par an et relevé l’ensemble de son prix à 49,50 euros, dans le respect du cadre européen.
Tout en déplorant vivement la méthode, nous avons aussi adopté la validation d’un recours contre l’évolution de l’Arenh sur le plan des consultations, pour éviter toute hausse des prix. Souvenons-nous : le 4 avril dernier, ces prix avaient atteint 3 000 euros par mégawattheure : un record !
Ces mesures techniques et ponctuelles n’éteignent en rien – j’y insiste – le besoin d’une vision politique et d’un soutien financier pour le groupe EDF, tant s’en faut.
Sur le volet logement, les dispositions sur l’augmentation des loyers ou sur les aides personnalisées au logement (APL) sont des solutions de court terme.
Il manque une réflexion de fond et des mesures ambitieuses qui témoigneraient de la volonté du Gouvernement de répondre aux carences de construction dans les zones tendues et d’apporter des solutions au décrochage des APL par rapport aux charges.
Cela étant, notre commission a décidé d’apporter son soutien à ce volet, qui repose sur un compromis entre l’État, les locataires et les propriétaires visant à partager les effets de l’inflation sur les loyers et éviter une trop forte augmentation des charges des 7,4 millions de locataires.
Ce compromis est insatisfaisant par nature, mais il est équilibré. Nous ne souhaitons surtout pas détricoter ce qui a été fait.
Le Gouvernement propose un plafonnement de la hausse de l’indice de référence des loyers (IRL) à 3,5 % sur un an ; il s’agit évidemment d’un maximum, qui n’a rien d’automatique. Il soutient en outre les ménages les plus modestes en augmentant dans la même proportion et par anticipation dès le 1er juillet deux paramètres de calcul des APL, tout en relevant par décret de 4 % le revenu de référence. Ces réévaluations bénéficieront dans des proportions variables à 90 % des 6,4 millions d’allocataires des APL.
Sur le volet consommation, nous restons sur notre faim, et je le regrette. La faible ambition du texte trahit le fait que le Gouvernement envisage le sujet du pouvoir d’achat surtout et avant tout comme un sujet de revenus, et rarement comme un sujet de prix.
Notre commission s’est donc attachée à rehausser l’ambition du texte et à s’assurer de son caractère opérationnel pour tous les acteurs.
C’est pourquoi nous avons prévu que tous les contrats d’assurance conclus à distance ou par voie électronique devront désormais pouvoir être résiliés électroniquement. Compte tenu de la force de frappe des assureurs, il n’y a pas de raison de prévoir un dispositif trop restreint.
A contrario, afin de ne pas pénaliser les petites entreprises qui n’auraient pas les moyens informatiques de développer une résiliation en ligne, nous avons jugé préférable que la présence d’un bouton résiliation soit obligatoire uniquement pour les contrats déjà conclus au préalable par voie électronique.
Nous avons aussi souhaité élargir le droit de résiliation des consommateurs pour qu’ils y gagnent en pouvoir d’achat. Nous avons donc consacré le principe de la résiliation à tout moment, après la première reconduction, des contrats de services de télévision et de vidéo à la demande.
Nous avons enfin jugé que les banques devaient être davantage sanctionnées lorsqu’elles tardent à rembourser leurs clients victimes de fraudes. Le schéma graduel que nous proposons permettra de les inciter à limiter leur retard.
Si ce texte nous laisse un sentiment d’inachevé, notre commission appelle à l’adopter, car l’urgence doit aller au soutien des ménages, ainsi qu’au soutien des entreprises et des collectivités.
Je voudrais évidemment remercier la présidente, les membres et les fonctionnaires de la commission des affaires économiques, d’autant que nous avons dû travailler dans des conditions pour le moins particulières. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai en vous faisant part de mon regret que le ministre de l’économie et des finances soit parti avant la fin de la discussion générale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER, GEST et CRCE. – M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est normal… (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pierre Ouzoulias. C’est la « nouvelle méthode » ! (Mêmes mouvements.)
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. Je pense que le Sénat mérite l’écoute complète du ministre.
Cela étant dit, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est favorable à l’adoption du présent projet de loi sous réserve des modifications qu’elle y a apportées pour les quatre articles relevant directement de ses compétences.
Nous exprimons cette validation dans un esprit de responsabilité, mais sans enthousiasme particulier. Ce texte, dont le pouvoir d’achat des Français est loin d’être la seule finalité, nous inspire malheureusement plusieurs regrets sur le fond et la forme.
D’abord, nous avons collectivement déploré les délais particulièrement contraints dans lesquels le Gouvernement nous demande de légiférer, qui ne sont pas indiqués pour travailler sereinement.
Je passe rapidement sur le désormais célèbre article 21, relatif à l’huile de friture, adopté dans les conditions que nous connaissons à l’Assemblée nationale. Heureusement, grâce à nos collègues Jean-François Longeot et Didier Mandelli, le Sénat a pu prendre le temps de travailler avant d’en débattre.
Bien entendu, nous ne nions pas l’urgence qui s’attache à traiter plusieurs sujets incontournables, afin de protéger le niveau de vie des Français face à l’inflation et sécuriser notre approvisionnement énergétique, en vue des hivers incertains qui s’annoncent dans un contexte géopolitique qui l’est tout autant.
Il n’empêche : ce projet de loi aurait pu et dû être mieux préparé. Nous avons d’ailleurs collectivement souligné le caractère lacunaire de l’étude d’impact.
Nos regrets portent aussi sur le fond du texte.
Le premier est lié au manque d’anticipation des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans. Si nous sommes aujourd’hui dans une telle situation, qui nous oblige à augmenter la production de la centrale de Cordemais, chère Laurence Garnier, à redémarrer la centrale de Saint-Avold, mais aussi à mettre en place un terminal méthanier flottant raccordé au réseau national de distribution du gaz naturel, c’est bien parce qu’il y a eu un manque de vision stratégique à long terme en matière d’indépendance énergétique. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.) Nous avons bien compris que, sur ce sujet particulier, chaque jour compte. Nous veillerons, dans l’intelligence de nos débats, chère Agnès Canayer, à tenir le calendrier.
Au rang des décisions inopportunes, je mentionnerai bien entendu la fermeture de la centrale de Fessenheim et le manque d’anticipation du vieillissement de nos centrales nucléaires. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Là aussi, je vous renvoie à une question que j’ai posée au Gouvernement le 3 novembre 2021, dans laquelle j’évoquais l’erreur Fessenheim. Il faudrait, sous l’autorité de Sophie Primas, et sur ces thèmes liés à l’énergie, chers à Daniel Gremillet, que le Sénat s’intéresse fortement à la question du vieillissement des centrales nucléaires – usure, incapacité à fonctionner – et à celle, essentielle, du refroidissement dans un contexte de réchauffement des cours d’eau.
M. André Reichardt. Ce n’était même pas le cas à Fessenheim !
M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. S’ajoute à ces décisions notre retard sur le déploiement des énergies renouvelables, en particulier en matière d’éolien marin et de photovoltaïque.
Enfin, le projet de loi comporte à mon sens un angle mort majeur : il ne traite pas de la notion de sobriété énergétique. La formule est connue : l’énergie la moins chère est celle que l’on ne dépense pas.
À cet égard, je regrette que le Gouvernement tarde à présenter un plan national complet de sobriété. Ce serait le levier le plus efficace pour protéger à la fois le niveau de vie de nos concitoyens et la sécurité du réseau. Je salue d’ailleurs l’initiative de notre collègue Bruno Retailleau, qui a déposé un amendement en ce sens.
Du reste, les amendements adoptés par la commission ont permis, d’une part, d’apporter des garanties complémentaires pour l’information du public, l’environnement et la santé s’agissant du raccordement du terminal méthanier flottant au Havre et de mieux encadrer la compensation carbone des émissions des centrales à charbon, et, d’autre part, d’améliorer la qualité juridique du texte.
Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette à mon tour le départ du ministre de l’économie. Mes propos lui étaient davantage destinés qu’au ministre du travail, même si j’ai évidemment beaucoup de plaisir à retrouver ce dernier. (Sourires.)
La commission des finances a été saisie pour avis sur le titre Ier, dont l’incidence est la plus forte sur les finances publiques. C’est aussi, nous semble-t-il, le seul titre ayant un véritable effet à court terme sur le pouvoir d’achat.
Nous sommes dans une situation imprévisible, puisque, voilà quelques mois encore, la Banque de France estimait le niveau de l’inflation pour 2022 à seulement 2,5 %, avec un retour sous les 2 % à la fin de l’année. C’était avant le déclenchement de la guerre en Ukraine…
Désormais, l’indice des prix à la consommation est estimé à 5,6 % à la fin de l’année 2022. Il est très important d’avoir en tête que nous sommes face à un choc d’offre. Ce choc d’inflation, à l’origine très concentré sur l’énergie, puis sur l’alimentation, s’est désormais diffusé à l’ensemble du système des prix des produits manufacturés, mais aussi sur les services, avec un début d’accélération de l’ensemble du système de prix.
D’ailleurs, selon les travaux de l’institut Rexecode, si les prix devaient se stabiliser à leur niveau du mois de juin, le choc d’inflation pour la seule année 2022 représenterait, toutes choses égales par ailleurs, une charge de 66 milliards d’euros par rapport à 2021 sur le revenu des ménages, soit environ 1 000 euros par habitant. Ce montant représente aussi 43 % de la surépargne des années 2020-2021, qui se trouve de facto réintroduite dans le circuit pour maintenir le niveau de dépenses des ménages.
La politique que le Gouvernement mène depuis la fin de l’année 2021, à l’origine pour répondre aux conséquences de la reprise de l’activité à la suite du confinement et de la crise sanitaire, a amorti le choc en France. Alors que la moyenne pour l’ensemble de la zone euro est de 1 288 euros par habitant allant même jusqu’à 1 450 euros par habitant en Allemagne, la hausse des prix de l’énergie a été, en effet, fortement amortie en France par les actions de l’État.
Pour mémoire, avant même l’examen du PLFR, qui débutera la semaine prochaine, et du présent texte, 18,4 milliards d’euros de dépenses ont déjà été engagés pour soutenir le pouvoir d’achat des Français : 4,4 milliards d’euros au titre du PLFR pour 2021, 5,9 milliards d’euros devenus 8,1 milliards en raison du bouclier tarifaire au titre du projet de lois de finances pour 2022, 5,9 milliards d’euros dans le décret d’avance de février dernier pour financer le plan de résilience économique et social.
Quelle est la pertinence de la politique du « quoi qu’il en coûte » ? Les primes désocialisées et défiscalisées sont-elles préférables à la hausse des salaires ? (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
La progression des salaires sur le long terme est rendue possible uniquement par des gains de productivité. Or l’on constate aujourd’hui que les gains de productivité sont très en deçà de la progression du salaire réel. En 2009, lors de la crise financière, la productivité a baissé, mais les salaires ont continué de progresser, et l’écart a été rattrapé ensuite par la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
Est-ce encore possible aujourd’hui ? Non, car l’état de nos finances publiques ne permet pas de créer un nouveau CICE.
Par ailleurs, la prime peut créer un effet d’aubaine pour les entreprises. Au premier trimestre de l’année 2019, l’Insee relevait que le salaire moyen par tête avait augmenté de 2,7 %, mais seulement de 1,3 % si on y retranchait l’effet de la PEPA, soit un niveau de croissance inférieur au trimestre antérieur et au trimestre suivant, où la hausse était plutôt de 1,5 %.
Les entreprises ont-elles les moyens de participer ? Compte tenu de l’évolution de la structure des coûts des entreprises, le niveau de résultat d’exploitation rapporté à la valeur de leur production recule, jusqu’à rejoindre les points bas de 2012 et de 2013.
On s’attend aujourd’hui à une réduction des marges, qui n’est pas alarmante en l’état – car ces marges étaient hautes en 2021 –, mais qui devrait les ramener à un niveau proche de celui de 2018.
Par ailleurs, la baisse de la productivité depuis 2019 pose de véritables questions sur les marges de manœuvre des entreprises pour augmenter les salaires ou pour verser une prime. Ce n’est pas la multiplication par trois du plafond entre la PEPA et la prime de partage de la valeur (PPV) – il s’agit surtout d’un effet d’annonce – qui leur permettra d’en dégager.
Faut-il une intervention ciblée ou un soutien général ? Au mois de mars, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a calculé que, sur 5 % d’inflation générale, les 10 % des ménages les mieux lotis face à ce choc subissent une inflation de seulement 2,5 %, là où les 10 % des ménages les plus exposés subissent une inflation de 8,5 %.
Cet écart se justifie moins par les revenus que par les lieux de résidence de ces personnes. En effet, au sein d’un même décile, les situations sont très différentes selon que l’on ait besoin ou non d’utiliser sa voiture, notamment pour aller travailler.
Il est donc très important, dans la définition des politiques publiques, de tenir compte de la diversité des situations face à l’inflation.
L’inflation se nourrit également de l’afflux de liquidités. À cet égard, la généralisation et la pérennisation d’une prime centrée sur le pouvoir d’achat contribueraient à autoentretenir l’inflation.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a décidé de recentrer le dispositif pour en faire un véritable dispositif de soutien au pouvoir d’achat des plus modestes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Demande de priorité
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires sociales demande la priorité d’examen et de vote sur l’article 15, immédiatement après l’article 5 ter.
M. le président. Je suis donc saisi, par la commission des affaires sociales, d’une demande de priorité portant sur l’article 15, afin qu’il soit examiné après l’article 5 ter.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement et porte sur l’organisation des débats.
Visiblement, le changement de méthode tant vanté par le Gouvernement s’est évaporé avec la canicule de ces dernières semaines.
Sur ce texte, 106 amendements au total ont été jugés irrecevables au titre soit de l’article 40, soit de l’article 45 de la Constitution.
Vous connaissez notre avis sur l’article 40 : nous en demandons la suppression. Je n’y reviens pas, si ce n’est pour dire ma colère quant au rejet de quelques amendements, parmi lesquels celui qui visait à rétablir la demi-part pour les veuves.
Mais alors, que dire de l’article 45 ? Certes, nous revenons des messages nous précisant le périmètre du texte. À l’évidence, ce périmètre est assez élastique, pour ne pas dire très subjectif d’un point de vue politique.
Ainsi, le Sénat refuse de débattre d’amendements portant sur la consommation ou le blocage des prix énergétiques et alimentaires. Même les demandes de rapport sont désormais rejetées !
Je demande solennellement la levée de l’article 45 sur ces amendements.
Nous allons prendre acte de la situation. Mais alors que de nombreuses voix nous invitent à la recherche de compromis, pour ne pas dire de consensus politique et que l’on prône le changement de méthode, force est de constater que le temps d’aujourd’hui est pire que le temps d’hier et que les débats dans l’hémicycle au grand jour n’ont plus d’importance à vos yeux !
Vous y préférez bien évidemment l’obscurité des commissions mixtes paritaires, afin de régler vos affaires, entre Gouvernement et majorité sénatoriale ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Je confirme l’avis favorable du Gouvernement sur la demande de priorité de la commission. Dans la mesure où l’article 15 concerne les conditions de travail et de réembauche des salariés de la centrale de Saint-Avold, il me semble utile de l’examiner au même moment que les autres articles consacrés à cette question.
Je m’étonne que, dans son rappel au règlement, Mme la sénatrice Éliane Assassi établisse un lien entre la méthode du Gouvernement, sur laquelle elle est évidemment libre de porter l’appréciation qu’elle souhaite, et la question des irrecevabilités au titre des articles 40 et 45 de la Constitution.
L’examen de la recevabilité des amendements dépend du Parlement. Le Gouvernement – du moins tant que je m’exprimerai en son nom dans cet hémicycle – ne fera jamais de commentaire sur ces questions, qui sont à la main des présidents de commission et de votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat se prononce sur un projet de loi de protection du pouvoir d’achat face à une situation d’inflation galopante, dont la cause principale, géopolitique, serait exceptionnelle, voire temporaire.
Or si le choc est bien exogène, la gravité de ses répercussions, notamment pour nos approvisionnements en énergie, découle d’abord du retard pris dans la transition énergétique. Ce retard nous condamne à une fuite en avant synonyme de nucléaire, de réouverture de centrales à charbon – véritable bombe climatique –, voire de recours au gaz de schiste importé.
Que les choses soient claires : la remise en service d’une centrale à charbon ou la mise en place de terminaux méthaniers ne peuvent pas être des réponses durables quand l’urgence est de sortir des énergies fossiles !
Par le maintien de notre dépendance au gaz et au pétrole, nous payons le prix fort de la plus grande illusion de notre temps, celle d’une énergie abondante, sans impact et bon marché.
Aujourd’hui, c’est une économie au service de la construction de la sobriété qui doit se mettre en place. Il nous faut prendre la mesure de la raréfaction générale des ressources, qui, associée au dérèglement climatique, entraîne une inflation tendancielle et engager enfin des politiques d’adaptation.
Car les dérèglements climatiques, comme la sécheresse, provoquent régulièrement une hausse des prix. Ainsi, en Italie, le manque d’eau a détruit au moins un tiers de la récolte saisonnière de riz, de maïs et d’alimentation animale ; en Inde, les plants de blé sont si dévastés que le pays interdit toute exportation.
Au mois de décembre dernier, un rapport de la Banque centrale européenne (BCE) concluait que le dérèglement climatique avait des conséquences non négligeables sur la hausse des prix des produits agricoles, et la Banque de France indiquait qu’« une transition tardive et désordonnée aurait des effets défavorables pouvant atteindre 10 % à 20 % du PIB mondial à la fin du siècle ».
De plus, ce modèle économique, dixit Karl Marx (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), épuise deux choses : le travailleur et la nature.
Je m’en explique : un autre facteur d’inflation provient de l’anticipation spéculative des grands groupes – entre autres, ceux de l’énergie et du transport –, qui profitent de la crise pour réaliser des surprofits, auxquels ni le Gouvernement ni la droite n’ont l’intention de s’opposer, enclenchant la boucle profits-prix. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes GEST et SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Au-delà de ces secteurs, augmentant de plusieurs points leurs taux de marge, les grandes entreprises ne prennent de manière générale pas leur part de la détérioration actuelle des termes de l’échange. Elles la font porter sur les salariés en déconnectant les augmentations de salaire de la hausse des prix.
C’est ce découplage, entamé depuis le tournant de la rigueur, qui a dégradé durablement le partage de la valeur ajoutée. Alors que, depuis 2017, les réformes antisociales et les baisses des contributions des entreprises continuent de déformer le partage du PIB au détriment du facteur travail, l’inflation actuelle nécessiterait, pour ne pas aggraver la crise sociale, des mesures ciblées et durables de soutien, notamment pour les catégories populaires, puisque l’inflation les frappe plus du fait de la structuration de leur consommation et de la part de leurs dépenses contraintes préengagées.
Au lieu de quoi, nous avons des primes ponctuelles, désocialisées, défiscalisées, asséchant le salaire socialisé – or c’est le seul qui soit générateur de droits contributifs –, coûteuses pour les finances publiques et le système de protection sociale. Comme pour les précédentes primes, ce dispositif ne concerne qu’une entreprise sur six en France, et une TPE sur six, mais plus de la moitié des entreprises de plus de 1 000 salariés. De surcroît, la prime est d’autant plus importante que le secteur propose de fortes rémunérations.
Il s’agit d’un dispositif inégalitaire, au profit d’une minorité de salariés. Cela accroît toujours plus la part variable des rémunérations et freine les augmentations générales de salaire ou s’y substitue. Le partage de la valeur ajoutée est une question non pas de prime ou d’intéressement, mais d’abord de salaire.
Ce qui manque à ce projet de loi, ce sont des solutions durables, tant pour la transition écologique que pour la protection des plus vulnérables, dont les jeunes, oubliés une fois de plus dans ce texte. Du fait des nombreuses irrecevabilités résultant des articles 40 et 45 de la Constitution, il nous est quasiment impossible de l’amender en ce sens. Aussi, la totalité du groupe écologiste votera contre. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ça pour ça !
Alors que nos compatriotes voient le coût de la vie flamber, tandis que les salaires n’augmentent pas, que les collectivités subissent de plein fouet l’augmentation du prix de l’énergie, comme celle des matériaux, vous nous présentez aujourd’hui un projet de loi prétendument de « pouvoir d’achat », qui n’en a que le nom !
Face à la montée des prix de l’essence, des denrées alimentaires, des loyers et des transports, le Gouvernement a décidé de répondre par des mesurettes qui ne remettent absolument pas en question ses choix de fond : les cadeaux aux plus grandes entreprises.
Faut-il vous rappeler que la France est la championne des dividendes en Europe, avec 54,6 milliards d’euros ? Pourtant, vous faites encore une fois le choix d’inciter à verser des primes et à sortir le chéquier au lieu d’augmenter les salaires de manière pérenne.
Certes, c’est déjà ça, pourrait-on dire… Il y a quelques avancées pour les Français, comme la revalorisation de 4 % des minima sociaux, des prestations sociales et la revalorisation de 3,5 % du point d’indice des fonctionnaires, qui était gelé depuis des années.
Ces dispositions, qui sont d’ailleurs les seules véritables mesures de pouvoir d’achat contenues dans le texte, demeurent cependant sous le niveau de l’inflation, qui était de 5,9 % en juin et devrait atteindre 7 % en septembre. Elles sont notoirement insuffisantes. Selon l’Insee, elles ne permettront d’améliorer le revenu disponible des ménages que d’un point.
Vous parliez d’un bouquet de mesures s’apparentant au « bouquet de la mariée ». Finalement, ce sera un bouquet de chrysanthèmes ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous vous entêtez dans la logique libérale du laisser-faire au bénéfice des entreprises en facilitant le versement de primes défiscalisées et exonérées de cotisations sociales. Avec ce système, les patrons seront incités à accorder des primes plutôt qu’à augmenter les salaires. Autant de manque à gagner pour les comptes de la sécurité sociale !
Il n’y a aucun changement de braquet dans la répartition des richesses. Il s’agit juste d’un tour de passe-passe qui prend tout à la sécurité sociale pour donner avec parcimonie à quelques-uns. En définitive, les seuls gagnants sont les entreprises ; encore une fois, si je puis me permettre …
Un tel affaiblissement programmé des comptes de la sécurité sociale justifiera d’ailleurs demain votre volonté de réformer notre système de retraite et de réduire les droits des salariés à travers une future réforme de l’indemnisation chômage.
La droite sénatoriale partage cette vision, puisqu’elle a introduit dans le texte un article 1er bis qui prévoit la défiscalisation et la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Même en cas de compensation des exonérations par l’État, vous privez en réalité les services publics de moyens. (M. Vincent Segouin s’exclame.)
Pour ne donner qu’un exemple, alors que les hôpitaux sont contraints de fermer leurs services d’urgences faute de personnels, vous prévoyez d’amputer le budget de l’assurance maladie de 500 millions d’euros supplémentaires sur le dos des travailleurs indépendants. Ces mêmes hôpitaux devront également payer les 2 milliards d’euros de revalorisation du point d’indice des agents hospitaliers, quand les collectivités devront payer les 2,3 milliards d’euros de revalorisation du point des agents de la fonction publique territoriale.
Le seul véritable motif de satisfaction dans ce texte est la déconjugalisation de l’AAH, que nous avions défendue ici, au Sénat, dès 2018. À l’époque, ni le Gouvernement ni la droite n’en voulaient ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Jomier. C’est vrai !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cela ne vous fait pas plaisir, mais c’est la réalité !
Aujourd’hui, le sujet fait l’unanimité. Face à l’urgence sociale, les familles ne peuvent pas attendre le 31 octobre 2023.
Il faut arrêter l’hémorragie à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui connaît une réduction de son budget de 5 % par an et qui a vu 2 000 emplois disparaître. Il est urgent de remettre des moyens humains en face des besoins.
Les dispositions concernant la souveraineté énergétique, la sécurité d’approvisionnement en électricité ou le transport routier de marchandises semblent bien éloignées du pouvoir d’achat et ne vont pas réduire les factures des familles.
Il nous faut des mesures structurelles fortes, comme l’augmentation des salaires et pensions, celle du SMIC à 1 500 euros, ou la revalorisation de 10 % du point d’indice des fonctionnaires.
Nous avions de nombreuses propositions alternatives, toutes tombées sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Elles mettaient à contribution les profiteurs de crise pour une société plus juste. Ces profiteurs, vous les connaissez, monsieur le ministre : ce sont les entreprises du CAC 40, qui ont dégagé des profits records de près de 160 milliards d’euros en 2021 ; ce sont ceux à qui vous avez déjà fait le cadeau de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste refuse de soutenir des revalorisations inférieures à l’inflation financées exclusivement sur le dos de la sécurité sociale sans mise à contribution des entreprises et des revenus financiers.
Monsieur le ministre, comme la période des vacances est souvent propice à la lecture, je vais vous remettre nos 50 mesures pour un véritable bouclier social. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – L’oratrice remet à M. le ministre le document mentionné en descendant de la tribune.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre – je salue au passage votre présence constante en ces lieux depuis des années –, mes chers collègues, l’inflation galopante de ces derniers mois, due pour une bonne part à la flambée des secteurs énergétiques et alimentaires, nous ramène brutalement en arrière, dans les années 1970 et 1980, que j’ai malheureusement bien connues. Seulement, à cette époque, nos concitoyens vivaient avec le plein emploi des Trente Glorieuses. Aujourd’hui, beaucoup trop de nos compatriotes ont connu l’épreuve du chômage, la « galère », pourrait-on dire, et les plus fragiles d’entre nous ont besoin de solidarité.
Je me félicite donc de l’ambition affichée dans l’intitulé du projet de loi : protéger le pouvoir d’achat des Français. D’aucuns pourraient regretter qu’il ne l’améliore pas. Je regrette pour ma part que nous ne parlions pas plus volontiers de « pouvoir de vivre ». En cet instant, permettez-moi d’avoir une pensée émue pour Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT, qui vient de nous quitter brutalement. Nous sommes plusieurs ici à l’avoir bien connu au Conseil d’orientation des retraites (COR), et nous le regretterons. Il manquera au dialogue social, notamment sur les retraites.
Au groupe Union Centriste, nous considérons que le projet de loi va dans le bon sens, et nous le soutiendrons. J’en profite pour saluer le travail de nos rapporteurs, qui ont éclairé nos débats tout en sécurisant le texte.
Évidemment, les moyens dont dispose le Gouvernement ne sauraient contraindre les employeurs à une augmentation des salaires hors SMIC. Il s’agit là de les aider, en luttant contre l’inflation économique, mais également démagogique…
L’article 1er vient donc tripler le plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
Par principe, nous ne souhaitons pas que les dispositions exceptionnelles soient pérennisées. En pratique, nous pensons que l’intéressement comme la participation en entreprise doivent être encouragés, voire facilités. Si l’accord d’intéressement reste une condition pour accorder cette prime dans les entreprises de moins de 50 salariés, les contrôles allégés et la capacité de l’employeur à prendre un accord unilatéral sont bienvenus. Il serait préjudiciable de s’en passer.
L’article 2 n’appelle pas d’observations particulières. Nous accueillons favorablement la baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants.
Sur l’article 3, qui tend à favoriser l’intéressement, notre commission a permis d’assimiler les périodes de congé paternité à une présence en entreprise pour son calcul. Elle a également limité à quatre mois la durée de la procédure d’agrément des accords de branche relatifs à l’intéressement, à la participation et à l’épargne salariale. Ces deux points méritent d’être soutenus, et nous y serons vigilants en commission mixte paritaire.
Notre rapporteur a fait adopter en commission un amendement de suppression de l’article 4, que le Gouvernement propose de réintroduire. J’entends bien l’argument de notre rapporteur, selon lequel l’article serait peu opérant. Mais j’entends aussi ce que dit Gouvernement : dix-sept branches seraient concernées depuis le 1er octobre après la revalorisation du SMIC. Nous attendons beaucoup des échanges qui auront lieu pour nous positionner à cet égard.
L’article 5 prévoit la revalorisation par anticipation des retraites et des prestations sociales. Nous soutiendrons évidemment ces dispositions, mais je veux dire ici notre opposition à toute tentative d’une revalorisation au rabais, notamment pour le RSA. Précisons que le droit prévoyait ces revalorisations. Le Gouvernement permet de le faire par anticipation sans dépasser ce qui aurait été dû. C’est bien l’esprit du texte.
Je termine par l’article 5 bis. Il s’agit là de mettre fin à une injustice sociale en déconjugalisant l’AAH. Je salue tous ceux qui, à l’instar de Philippe Mouiller, des sénateurs communistes ou de certains députés, se sont battus pour obtenir cette avancée. Il serait tentant de railler la volte-face ou la défaite du Gouvernement. Pour ma part, j’y vois plutôt le signe d’une bonne santé démocratique. Nous sommes bien toujours dans un régime parlementaire. J’y vois aussi l’espoir, monsieur le ministre, que l’écoute, la concertation et la négociation avec le Parlement deviendront désormais la règle.
Sous les réserves, le groupe Union Centriste soutiendra le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des affaires sociales, les Français sont dans le rouge : +5,8 % d’augmentation des prix en juin, et ce n’est pas terminé. Pour faire face à un tel niveau d’inflation, le plus haut jamais atteint depuis le mois de novembre 1985, il fallait réagir, et vite !
C’est ce qui est proposé dans le paquet législatif « pouvoir d’achat et PLFR ». Les enjeux sont clairs : protéger le niveau de vie, soit le reste à vivre ; relancer la consommation ; faire face à une crise énergétique, également sans précédent, le tout dans un contexte géopolitique dramatique, avec la guerre en Ukraine.
Mon groupe, le RDSE, souhaite d’abord souligner les points positifs du texte présenté par le Gouvernement, comme la revalorisation de 4 % des pensions de retraite et d’invalidité, des prestations familiales, des minima sociaux et des bourses étudiantes, ou encore la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % par décret. Tout cela constitue un coup de pouce notable et immédiat.
Nous devons aussi souligner l’adoption de l’amendement au PLFR qui a permis de compenser la hausse du RSA par une dotation de 120 millions d’euros aux départements. Nous espérons en adopter un autre pour apporter de l’aide à certaines communes.
Nous sommes plus réservés sur l’article 1er. Une prime, c’est bien ; une augmentation de salaire, c’est mieux !
En effet, si 20 % des salariés en ont bénéficié, le versement moyen est de 546 euros, au lieu des 1 000 euros possibles jusqu’à maintenant. Alors, à quoi sert d’augmenter le seuil, sinon à se faire plaisir avec des effets d’annonce ?
Sur le modèle de l’article 2, qui prévoit une exonération de charges pour les travailleurs indépendants, il aurait été préférable de pousser plus loin les exonérations de charges sociales ou de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les bas salaires. Une telle mesure constituerait un véritable bol d’oxygène pour les ménages et revaloriserait la valeur travail, chère au groupe RDSE (M. Bernard Fialaire applaudit.), mais aussi – j’en suis sûr – à d’autres.
Sceptiques, nous le sommes aussi concernant les loyers. En effet, d’un côté, on accroît de 3,5 % les APL, et, de l’autre, on bloque à 3,5 % l’augmentation des loyers. Certes, on bloque, mais cela n’évite pas l’effet pervers mathématique… Si le plus ancien groupe du Sénat ne peut pas se permettre d’emprunter l’expression « d’enfumage », chère à certains députés, il n’en pense pas moins !
Nous constatons que les 8 euros en moyenne gagnés grâce à la hausse des APL ne compenseront jamais l’augmentation des loyers. Par exemple, pour un loyer de 600 euros, l’augmentation pourra être de 21 euros. Je ne crois pas que l’effort profite à tous de la même façon.
De plus, quid des locataires qui ne touchent pas d’APL et qui ne sont pas pour autant des nantis ?
Nous aurions préféré subordonner cette augmentation aux travaux de rénovation énergétique. Nous proposerons d’ailleurs plusieurs amendements en ce sens. Le « bouclier loyer », tel qu’il est qualifié par le Gouvernement, n’apparaît en fait que comme un tout petit pare-feu.
Que dire enfin des propositions du titre III, dont l’intitulé fait référence à la « souveraineté énergétique » ?
Comment en sommes-nous arrivés à prévoir la prolongation du fonctionnement des centrales à charbon alors qu’elles devaient fermer en totalité avant le 31 décembre 2022 ? Quel retour en arrière ! Exit les enjeux de changement climatique ! En 2020, les quatre centrales à charbon produisaient 1,3 % de l’électricité nationale et 30 % des gaz à effet de serre du secteur électrique … Sans commentaire !
Tout cela est envisagé sous couvert d’une urgence liée à la crise énergétique.
L’Union européenne importe actuellement plus de 60 % de son énergie, contre 44 % en 1990.
Pourquoi n’avons-nous pas vu venir les conséquences de cette dépendance ? Bien sûr, le gouvernement actuel n’est pas le seul responsable. Aucune stratégie de crise n’a été collectivement prévue. Rien n’a été anticipé, y compris, et c’est plus grave, pour l’existant : 30 réacteurs nucléaires sur 56 sont à l’arrêt. Sachant que la production d’électricité en France dépend très largement du nucléaire, il est permis de s’interroger sur notre organisation et notre gestion.
Aujourd’hui, nous demandons aux Français de faire des efforts d’économie d’énergie, avant, peut-être, d’en arriver demain à des coupures quotidiennes … Ce n’est pas sérieux ! Tout est pensé dans la précipitation !
J’en viens aux aménagements au droit de l’environnement pour le terminal flottant au large du Havre. Même si nous sommes conscients de l’urgence, les élus locaux qui voient leurs projets photovoltaïques sur d’anciennes décharges refusés apprécieront la dispense d’évaluation environnementale.
Bref, la crise et l’urgence ne peuvent pas toujours justifier un blanc-seing donné aux autorités publiques.
Côté pouvoir d’achat, nous attendons que le PLFR aille plus loin.
Si la note du caddie est salée pour les consommateurs, les produits agricoles ne doivent pas être la variable d’ajustement. Entre crise sanitaire, crise géopolitique, crise énergétique, les Français payent le prix fort. De nos débats et de nos votes dépend leur quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement, ayant confiné tout l’été, se trouva fort dépourvu quand l’inflation fut venue !
Pas un seul petit morceau de regain dans les hôpitaux. Il administre de la morphine au contribuable en famine.
Ce projet de loi sur le pouvoir d’achat annonce un saupoudrage ponctuel et coûteux dans un contexte d’inflation historique et durable. Il ne réglera donc rien !
Vous nous demandez d’arroser d’une goutte d’eau la plante dont vous avez asséché le terreau en ayant voulu jouer au mariole avec votre politique du « quoi qu’il en coûte ». Celle-ci a laissé sous-entendre, à tort, une forme de générosité de l’État, alors que, Margaret l’a dit avant moi : « L’argent public n’existe pas ; il n’y a que l’argent des contribuables. » À l’épisode de l’argent magique succède désormais celui de l’appauvrissement tragique.
Contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire, la cause russo-ukrainienne est marginale dans l’explosion de l’inflation. Celle-ci a commencé début 2021, comme la conséquence directe des confinements, avec les dix-huit mois de restrictions et le recours massif à l’usage de la planche à billets par les banques centrales.
Depuis, nous avons eu la hausse des prix de l’énergie, du prix à la pompe, des denrées alimentaires.
Si vous ne voulez pas revoir les rues de France couvertes de « gilets jaunes » rouges de colère, il faut agir, et vite, monsieur le ministre !
Nous pourrions, par exemple, remplacer au moins 25 % du total de la prime de Noël et de l’allocation de rentrée scolaire par des bons d’achat fléchés exclusivement vers des produits fabriqués en France, soit 1,25 milliard d’euros pour l’emploi, sans aucune dépense publique supplémentaire. Le meilleur moyen de débloquer de l’argent pour nos compatriotes, c’est d’abord de ne pas leur prendre ce qu’ils ont gagné. Mettez un terme à votre racket fiscal envers ceux qui entreprennent, ceux qui travaillent et qui, donc, produisent de la richesse !
Monsieur le ministre, vous qui, par votre incurie énergétique, voulez rationner les Français en énergie, commencez par rationner l’État en impôts ! Sobriété bien ordonnée commence par soi-même, d’autant que l’année 2023 s’annonce annus horribilis. L’explosion de la dette va mécaniquement entraîner l’explosion des intérêts de la dette, qu’il nous faut payer chaque année. Ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros supplémentaires qu’il va vous falloir trouver.
En augmentant les impôts ? Impossible, les Français ne le supporteraient pas ! (M. Fabien Gay s’exclame.)
En rognant sur les budgets des ministères ? À l’exception des budgets dédiés à l’immigration, ils sont à l’os ! De l’argent, il y en a, et beaucoup. Je vous propose de prendre d’urgence les mesures pour lutter contre l’assistanat (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.), contre la fraude sociale, qui atteint 50 milliards d’euros, la fraude fiscale et ses 70 milliards d’euros, et, bien sûr, contre le gouffre de l’immigration, qui, sans parler du coût du sang, coûte plusieurs dizaines de milliards d’euros aux contribuables français !
Avec 600 milliards d’euros de dette sous le premier quinquennat et 10 millions de Français qui survivent sous le seuil de pauvreté, réussir à s’en sortir, et seulement à s’en sortir, dans la France du Mozart de la finance relève chaque jour un peu plus de l’exploit, ce qui devrait vous couvrir de honte, monsieur le ministre !
Les contribuables français demandent des comptes. C’est là leur moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ?, disent-ils au ministre des impôts. Nuit et jour à tout venant, je dépensais « quoi qu’il en coûte », ne vous déplaise. Vous dépensiez ? J’en suis fort aise. Eh bien, monsieur le ministre, renflouez maintenant ! (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut une réponse systémique à la nécessité de rendre aux travailleurs et aux citoyens cette puissance d’agir que constitue la possibilité d’assurer sa subsistance, de consommer, de construire son quotidien, ainsi que sa place dans la société et sa protection sociale.
Nous espérions donc dans ce projet de loi une valorisation du travail, une clarification de ce qu’est le travail et des droits qu’il apporte. Nous attendions des mesures permettant de consolider le salariat et notre système de protection sociale.
Rien de tel dans ce texte, qui ignore la question salariale, pourtant au cœur de celle du pouvoir d’achat ! Je dirais même que la réponse systémique du Gouvernement vire au cynisme. Vous jouez de diversion au moyen de multiples mesures, dont certaines dépassent formellement le champ des affaires sociales, pour finalement aggraver la prédation à l’encontre de la sécurité sociale.
Vous faites le choix délibéré d’un revenu désocialisé et défiscalisé. Et c’est sous la pression de la crise inflationniste que les travailleurs, pris à la gorge, se voient proposer la substitution de la prime au salaire, parallèlement à une modération du coût du travail, c’est-à-dire des salaires.
Avec la prime de partage de la valeur, l’exceptionnel devient donc la règle. Cette prime pérennise en effet un dispositif facultatif, temporaire et discrétionnaire.
Ainsi, le plafond de la « prime Macron » est augmenté pour atteindre 6 000 euros. Ce chiffre crée une diversion. Nous savons en effet que, malgré un plafond passé à 2 000 euros depuis sa mise en place en 2019, le montant moyen de cette prime n’a jamais dépassé 506 euros.
Par ailleurs, en 2019, selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), les 2 millions de salariés bénéficiaires de la prime représentaient seulement 10,7 % du total des salariés. D’où le cynisme…
Monsieur le ministre, les Français ne demandent pas l’aumône. Ils demandent des salaires justes, une protection sociale de qualité et des conditions de travail dignes.
Dans le même temps, et parce que cela va de pair, le Gouvernement continue à faire du dialogue social un simple décor en renvoyant les partenaires sociaux à un statut de figurants. En atteste son choix de faire mine d’inciter les branches à la négociation sur les salaires avec son article 4, qui ne constitue pas, à notre sens, un soutien suffisant aux revalorisations salariales.
Si les travailleurs pauvres et les « premiers de corvée » sont ignorés ici, l’enjeu n’est pas seulement la modération salariale. Il s’agit aussi de programmer l’obsolescence du salariat et des protections qu’il apporte.
L’intéressement croissant à l’épargne salariale voulue par le Gouvernement est de fait un dispositif d’évitement du salaire, ce qui participe de ce mouvement.
Il donne le pouvoir à l’employeur de décider unilatéralement de mettre en place ce dispositif dans les entreprises de moins de 50 salariés, en cas d’échec des négociations ou en l’absence d’institutions représentatives du personnel.
Le texte fragilise donc la sécurité sociale en la privant de ressources dans l’objectif, toujours, de relancer l’activité économique. Le patrimoine que constituent pour les Français les assurances sociales est en effet dilapidé par le Gouvernement depuis longtemps. Je pense au choix de faire porter sur la sécurité sociale la dette covid et au refus de compenser le trou creusé par les 2,8 milliards d’euros de mesures prises en réponse à la crise des gilets jaunes.
La revalorisation exceptionnelle de 4 %, qui est une bonne chose, n’est par ailleurs pas suffisante pour améliorer le tableau de votre texte.
M. Stéphane Piednoir. Il faut la mettre à 10 %… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Monique Lubin. Elle ne fait qu’anticiper les revalorisations de droit commun prévues d’octobre 2022 à avril 2023, et elle ne suffira pas à compenser la forte augmentation de l’inflation, évaluée par l’Insee de 6 % à 7 % cette année.
Au registre des déceptions, la majorité du Sénat emboîte d’ailleurs le pas à l’exécutif, puisque, peut-être inspirée par le choix de l’Assemblée nationale de mettre en place une monétisation des RTT menaçante pour les 35 heures, elle a décidé de baisser les cotisations patronales au titre des heures supplémentaires.
Cette logique de fragilisation de la sécurité sociale est aussi à l’œuvre avec la baisse pérenne des cotisations des indépendants. Pour un gain de 550 euros de revenus annuels, on sacrifie ainsi leur protection sociale. Cela confirme la marche vers l’ubérisation du travail, que nous dénonçons maintenant depuis plusieurs années.
Vous refusez l’idée d’une grande conférence sur les salaires, qui aurait pour objectif d’amener les employeurs à augmenter les salaires. Et, dans le même temps, vous leur donnez les outils pour contourner le salariat.
In fine, nous savons tous qui seront les perdants, et la grande idée de loi sur le pouvoir d’achat ne sera que le faux nez d’une stratégie de fragilisation du salariat. Cynisme toujours ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les périodes de crise, l’inédit commande.
Depuis deux ans et demi, combien de fois nous sommes-nous retrouvés, Parlement et Gouvernement, pour prendre des mesures urgentes et protéger nos compatriotes, afin de les aider à tenir d’abord face à la crise sanitaire, puis face aux conséquences de la guerre en Ukraine ? Je crois que, tous ensemble, nous avons collectivement répondu présents : Président de la République, gouvernements successifs, Assemblée nationale, Sénat. Les Icaunais peuvent en témoigner, comme les habitants de tous les territoires. Plans de soutien, plans de relance : l’État a été là, l’État est là et l’État sera là.
L’État a été là. Dès l’automne dernier, sans délai, le bouclier tarifaire était mis en place pour limiter la hausse des coûts de l’énergie pour les ménages, les petites entreprises et les petites communes.
L’État est là. Avec ce texte, nous déployons de nombreuses protections nouvelles : un bouclier loyer, un bouclier revenus, un bouclier social, un bouclier énergie. Tout cela, les Français en ont besoin tout de suite. C’est ce qui justifie que nos travaux en commission aient été conduits à un rythme soutenu ; je salue nos rapporteurs et tous ceux parmi nous qui ont œuvré d’arrache-pied.
L’État sera là, demain et après-demain encore. En effet, au-delà de l’aspect défensif, au-delà de tous ces boucliers, nous avons aussi le devoir d’être offensifs pour favoriser le « pouvoir de vivre », expression qu’a également employée Jean-Marie Vanlerenberghe.
Dans l’immédiat, comme l’urgence est là, ce projet de loi est à nos yeux trois fois nécessaire ; c’est pourquoi le groupe RDPI lui dira donc trois fois oui !
Oui, pour juguler l’inflation ! Je note à ce propos que les Français sont mieux protégés que les autres Européens.
Oui, pour mieux protéger les consommateurs !
Oui, pour assurer notre approvisionnement énergétique !
Nous dirons trois fois oui, car ce texte porte en lui des mesures très concrètes.
Il s’agit d’abord de faire en sorte que le travail paye mieux. Je pense aux baisses de cotisations pour les travailleurs indépendants et leurs conjoints collaborateurs, ajout très utile de l’Assemblée nationale, ainsi qu’à la prime de partage de la valeur et à la prime d’activité revalorisée.
À cet égard, Xavier Iacovelli, Martin Lévrier et moi-même défendrons le rétablissement de l’article 4. En finir avec les minima de branche inférieurs au SMIC, à partir desquels les primes d’ancienneté sont parfois calculées, c’est redonner du pouvoir d’achat aux travailleurs. Il s’agit d’une mesure utile et pertinente. Nous en souhaitons donc la réintroduction.
En parlant de droit du travail, j’ai ce matin une pensée pour Nicole Bricq, qui, voilà presque cinq ans jour pour jour, défendait ici la réforme du code du travail.
Le présent projet de loi contient aussi des mesures très concrètes pour que la solidarité nationale soit toujours au rendez-vous.
Je pense aux revalorisations anticipées des prestations familiales, des pensions de retraite et d’invalidité et du RSA, ainsi qu’à la réforme ambitieuse de l’AAH, avec sa déconjugalisation en complément de sa revalorisation.
Le texte renforce également la solidarité nationale pour protéger ce qui est essentiel, par exemple le logement. À cet égard, la revalorisation de l’APL dès le 1er juillet, couplée à la limitation à 3,5 % de la variation de l’indice de référence des loyers (IRL), est un soutien clair apporté à nos compatriotes.
Il nous faut aussi regarder de près la situation des outre-mer, cher Thani Mohamed Soilihi, chère Marie-Laure Phinera-Horth. Notre groupe, sur la proposition de Dominique Théophile, souhaite limiter à 2,5 % la progression maximale de l’IRL outre-mer, car certaines diversités doivent être prises en compte.
Nous souhaitons aussi protéger ce qui est essentiel pour nos commerçants : leurs locaux. Nous voulons faire en sorte que, de la Côte-d’Or à l’Isère ou à l’Eure, la logique de plafonnement de la hausse des loyers s’applique aux locaux commerciaux. Je me réjouis qu’un large accord ait été atteint avec les parties prenantes. Il n’attend désormais plus que l’onction législative.
De nombreuses dispositions du texte vont par ailleurs permettre aux Français d’éviter les dépenses inutiles. Nos compatriotes connaissent en effet des injustices. Pourquoi ne faut-il que quelques secondes pour souscrire un abonnement en ligne, mais parfois plusieurs mois pour obtenir une résiliation ? Cet état de fait est incompréhensible. Nous saluons donc la mise en place du bouton résiliation, tout en formulant quelques propositions d’aménagement du dispositif, afin que des contraintes excessives ne pèsent pas sur les très petites entreprises. Celles-ci ne sont pas forcément équipées en matière numérique.
Toujours en matière de consommation, le texte s’attaque aussi aux engagements contractuels frauduleux, car les pratiques commerciales déloyales sont – hélas ! – en train d’exploser. Martin Lévrier, Frédérique Puissat ou encore Corinne Féret pourraient en parler savamment, et notamment témoigner de certaines dérives observées sur le compte personnel de formation (CPF).
Les pouvoirs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront donc renforcés. C’est heureux. Il est bienvenu que de telles dispositions aient pu être inscrites en dur.
Le texte contient également des mesures très concrètes en matière énergétique, avec le bouclier tarifaire. Ces réponses pragmatiques et raisonnables seront compensées par des dispositifs permettant, en matière d’émissions de gaz à effet de serre, de rester dans une logique de développement durable. Je sais combien ce sujet est cher à Michel Dagbert comme à Frédéric Marchand.
Les aménagements relatifs à l’Arenh ouvrent forcément un débat, mais on ne peut nier qu’un tel mécanisme protège aujourd’hui les consommateurs et les entreprises ; il mérite donc d’être conforté.
Au-delà du pouvoir d’acheter, nous nous devons, pour reprendre le titre déjà évoqué d’un pacte établi par de nombreux acteurs de la société civile, de développer le pouvoir de vivre.
Il ne suffit pas de permettre à tous de boucler les fins de mois : ayons plus d’ambition ! Chaque Française, chaque Français doit avoir un revenu disponible décent, car c’est ce qui permet d’avoir de la liberté. Or c’est – hélas ! – désormais trop souvent un luxe pour bien des Français des classes modestes et moyennes. Pourtant, cette liberté n’est pas un luxe ; elle est essentielle !
Alors, que faire ? Il faut d’abord faire en sorte que chacun puisse avoir un travail : c’est le chantier du plein emploi, monsieur le ministre. Il faut pour ce faire mettre le paquet sur l’éducation, mais aussi faire en sorte que chacun puisse avoir un travail rémunérateur. La juste considération, c’est la juste rémunération, et non pas juste une rémunération.
Alors, monsieur le ministre, nous serons à vos côtés pour défendre le pouvoir d’achat. Nous le serons aussi, tout au long des prochains mois, pour mener d’autres transformations, afin que chacun ait le droit de vivre dans la dignité ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fin du « quoi qu’il en coûte » attendra. À la crise sanitaire s’ajoute une crise économique et bientôt – qui sait ? – une crise financière, même si j’espère me tromper en disant cela.
La forte reprise économique au sortir des confinements a provoqué des tensions sur bon nombre de marchés, dont ceux des matières premières, des énergies, mais également des semi-conducteurs. Cette situation inflationniste a été encore aggravée par l’invasion russe de l’Ukraine. En entrant en confrontation avec l’Europe, la Russie bouleverse l’équilibre énergétique qui y prévalait.
La France, qui compte pourtant parmi les pays les moins touchés par l’inflation, a vu le niveau général des prix augmenter de près de 6 % lors des douze derniers mois.
Cette situation a de lourdes conséquences pour bon nombre de ménages, malgré les aides déjà accordées par l’État. Elle aura aussi, à n’en pas douter, de graves répercussions sur nos finances publiques, mais chaque chose en son temps. D’abord, l’urgence !
L’urgence, c’est de faire en sorte que le travail soit mieux revalorisé, en donnant pleine efficacité à la prime de pouvoir d’achat. J’estime cependant que celle-ci ne doit pas se substituer aux revenus et qu’un encadrement strict devra garantir que le recours à ce dispositif ne sera pas dévoyé.
À ce titre, je défendrai plusieurs amendements tendant à simplifier cet outil mis à la disposition des entreprises pour le bénéfice des salariés, de manière à renforcer son efficacité.
Le travail déjà effectué en faveur des professions libérales et des micro-entrepreneurs me paraît tout aussi essentiel. Notre pays a la chance de pouvoir compter sur des forces vives importantes et doit préserver son tissu d’entrepreneurs.
La simplification du cadre juridique de l’intéressement est aussi à saluer. La souplesse jouera en faveur des salariés et des entreprises.
Mais il est également très urgent, monsieur le ministre, de mener une réflexion avancée sur notre droit du travail. Celui-ci doit être simplifié et adapté aux enjeux du siècle. Il doit gagner en agilité et en flexibilité pour les évolutions futures. Nous serons au rendez-vous de ces discussions quand le temps sera venu.
L’autre grand défi que la France et ses partenaires européens doivent relever est celui de la souveraineté énergétique. L’Europe est condamnée à la dépendance, dans la mesure où elle doit importer les matériaux nécessaires à la production de son énergie. Cette dépendance n’est pas incompatible avec sa souveraineté, à la condition que l’Europe parvienne à s’approvisionner auprès de sources diversifiées et sûres.
Le gaz russe manquera cet hiver. Pour compenser, il convient notamment d’importer davantage de gaz naturel liquéfié. Ce dernier est cependant plus cher et la France devra se doter rapidement d’équipements nécessaires à son exploitation.
Le parc nucléaire français ne suffira pas, en l’état, à subvenir à nos besoins. À ce titre, les évolutions concernant l’Arenh vont dans le bon sens. Le nucléaire est une chance pour notre pays ; il faut le préserver. Mais notre parc est vieillissant. Les investissements seront la clef de notre souveraineté énergétique. Le nucléaire, quelle que soit la forme qu’il prenne, European Pressurised Reactors (EPR) ou Small Modular Reactors (SMR), restera un atout de transition, au même titre que les énergies renouvelables, notamment l’hydrogène vert, sous réserve que nous sécurisions notre approvisionnement en uranium.
Certaines centrales à charbon devront malheureusement être réactivées. Cette situation ne saurait être pérenne. Nous devrons continuer de consolider notre souveraineté énergétique dans les années à venir, tout en respectant nos engagements dans la lutte contre le dérèglement climatique.
La sobriété et l’efficience seront deux alliés majeurs à cet égard, grâce notamment à une plus forte décentralisation de la production et de la consommation des énergies renouvelables. Cela passera par l’innovation et la réindustrialisation, de manière à maîtriser les chaînes de valeurs en circuit court et à booster la décarbonation de notre économie.
Ce projet de loi traite l’urgence. C’est pourquoi les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront son adoption. Nous devons cependant garder à l’esprit que ces mesures, dans leur ensemble, auront de graves conséquences sur nos finances publiques. La France doit s’assurer de bâtir son avenir sur des bases solides. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte représente la première partie des mesures annoncées par le Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat des Français, le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons la semaine prochaine constituant son complément.
Il s’agit de réagir dans l’urgence à deux événements majeurs : la hausse brutale de l’inflation et les difficultés d’approvisionnement énergétique de la France. Mais, force est de le constater, le projet du Gouvernement repose essentiellement sur l’attribution ponctuelle de chèques, ce qui ne représente pas une politique en soi.
Je m’attacherai à évoquer le volet social du projet de loi.
Je note tout d’abord des mesures de pure communication, telles que le triplement de la prime dénommée « de partage de la valeur », mesure phare censée améliorer le niveau de vie des Français, son montant pouvant aller jusqu’à 6 000 euros dans certains cas. Toutefois, le montant moyen des sommes versées au titre de la prime Macron s’est situé autour de 500 euros, et cela n’a concerné que très peu de travailleurs : un actif sur cinq.
M. Michel Bonnus. C’est à la marge !
M. Philippe Mouiller. On relève la même volonté d’affichage lorsque le Gouvernement appelle les branches professionnelles à négocier sur les salaires. L’article 4 n’était guère incitatif et était si peu approprié à la situation des très rares branches concernées que notre commission a décidé de le supprimer.
Si nous ne pouvons qu’acquiescer aux aides ciblant certains publics – revalorisation anticipée des retraites, baisse de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants –, nous constatons également un saupoudrage de moyens, dont l’addition finit par grever de façon alarmante les finances de l’État. Après le long épisode de la crise sanitaire, il faudrait sortir enfin de la politique du « quoi qu’il en coûte ».
Il a été reproché aux députés Les Républicains de prôner également des solutions coûteuses. Néanmoins, ils ont émis des propositions pour financer ces mesures, notamment par des économies importantes dans le fonctionnement bien trop lourd de nos administrations. Nous proposerons pour notre part, dans le projet de loi de finances rectificative, de lutter contre la fraude sociale par la mise en place d’une carte Vitale biométrique.
Notre logique politique est claire : au lieu d’une politique de l’assistanat, nous souhaitons privilégier la solidarité et l’aide au travail. Nous pensons que le pouvoir d’achat doit garder son lien avec le travail et que celui-ci doit être privilégié par rapport à l’assistance.
Ainsi, nous avons souhaité alléger la fiscalité et les charges sociales qui pèsent sur les heures supplémentaires. À la suite de la défiscalisation par l’Assemblée nationale de ces heures, jusqu’à un plafond porté à 7 500 euros, notre rapporteur Frédérique Puissat, dont je salue la qualité du travail et l’investissement sur ce texte, a proposé d’alléger les cotisations sociales des entreprises d’au moins vingt salariés, renforçant ainsi l’attractivité du dispositif. Dans le projet de loi de finances rectificative adopté par l’Assemblée nationale, nous avons obtenu du Gouvernement que des heures de RTT puissent être rachetées par les salariés souhaitant travailler plus pour améliorer leur pouvoir d’achat.
Ces mesures devront être définitives, et non pas seulement provisoires, comme le souhaite le Gouvernement.
Notre commission a adopté un amendement permettant exceptionnellement le déblocage des sommes issues de la participation et de l’intéressement placées sur des plans d’épargne salariale. Cela permettra aux salariés de disposer d’un pouvoir d’achat immédiat, jusqu’à 10 000 euros, avant le 31 décembre prochain.
De même, notre rapporteur a proposé d’assouplir les règles encadrant l’utilisation des titres-restaurant. Ceux-ci pourront être utilisés pour les achats alimentaires courants dans les commerces de détail et les supermarchés, ce qui répond à un vrai besoin.
Ce sont autant de mesures qui auront un effet direct sur le pouvoir d’achat.
Je suis cosignataire de plusieurs amendements. L’un d’eux vise à améliorer le pouvoir d’achat des retraités en situation de cumul emploi-retraite. L’autre, à l’article 5 du projet de loi, porte sur la revalorisation du RSA et de l’allocation de solidarité spécifique ; il s’agit de faire en sorte que cette revalorisation ne soit pas supérieure à celle du point d’indice pour les fonctionnaires. En effet, nous ne pouvons pas adresser comme message aux Français que les revenus de l’assistance sont privilégiés par rapport aux revenus du travail. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je souhaiterais à présent évoquer un apport essentiel du texte, une mesure qui me tient particulièrement à cœur et qui était attendue de longue date par les personnes en situation de handicap et les associations : la déconjugalisation du mode de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, à l’article 5 bis.
Je me réjouis particulièrement de cette issue en tant que rapporteur de la proposition de loi que nous avions adoptée le 9 mars 2021, sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, texte ayant ensuite été vidé de sa substance lors de son examen par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Le Gouvernement s’opposait alors fermement à la déconjugalisation de l’AAH, allant jusqu’à recourir au vote bloqué.
À l’heure où le pouvoir d’achat des plus fragiles est particulièrement menacé, je pense que l’esprit de solidarité doit l’emporter sur les règles technocratiques. Je note d’ailleurs que nous sommes finalement parvenus à un accord sur ce dossier qui dure depuis des années et que l’édifice des minima sociaux ne s’est pas écroulé pour autant !
Encore reste-t-il à adapter le dispositif au cas par cas. Comme je l’avais souligné lors de l’examen de la proposition de loi, la déconjugalisation peut faire des perdants. Il s’agissait d’ailleurs de l’argument principal opposé à notre demande. Un mécanisme transitoire, permettant de conserver le bénéfice des règles de calcul actuelles dans les cas les plus favorables, a été trouvé. Je m’en réjouis. Toutefois, comme l’a indiqué notre rapporteur Frédérique Puissat, une précision est nécessaire pour les bénéficiaires de l’AAH qui se trouveront en situation de renouvellement de leurs droits. De plus, je regrette que cette déconjugalisation, pour des raisons techniques, ne puisse pas entrer en vigueur avant le 1er octobre 2023.
Je profite par ailleurs de l’occasion pour indiquer que même si la déconjugalisation de l’AAH est une avancée fondamentale pour ses bénéficiaires, la question de l’autonomie financière des personnes en situation de handicap n’est nullement réglée ; je pense au grand sujet de l’évolution de la prestation de compensation du handicap (PCH). Ce n’est pas l’objet du présent texte, mais nous devrons engager des travaux dans les prochaines semaines sur ce sujet fondamental, pour une réforme globale.
Notre groupe soutiendra ce projet de loi, sous réserve du sort qui sera réservé à nos amendements et à ceux de nos rapporteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de forte inflation, d’explosion du prix de l’énergie et de hausse constante du coût de la vie, la préservation du pouvoir d’achat des Français est désormais plus qu’une boussole ; c’est un impératif !
Il faut entendre la détresse et, parfois, la colère de nos concitoyens. Difficulté à boucler les fins de mois, anxiété à l’idée de faire le plein de son véhicule, sacrifices au quotidien : nous ne pouvons pas rester sourds ni aphones face à ces situations compliquées.
Une question demeure : le projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat répond-il aux besoins des plus fragiles ? Va-t-il améliorer durablement les conditions de vie ou de survie des plus touchés par l’inflation ? La réponse est non ; durablement non !
Néanmoins, avec mes collègues de l’Union Centriste, nous sommes persuadés que les dispositions contenues dans ce projet de loi sont, quoi qu’il en soit, les bienvenues dans un contexte aussi difficile. Il ne s’agit pas de donner un blanc-seing au Gouvernement. Mais je crois que, dans cet hémicycle, nous devons faire primer le bon sens et l’intérêt général.
À ce titre, nous saluons la revalorisation des minima sociaux, la résiliation facilitée des abonnements conclus par voie électronique, le plafonnement des loyers pour les ménages et, enfin, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, qui reconnaît un statut pour l’adulte en situation de handicap.
Mais qu’en est-il des aides ciblées, qui permettraient d’aider les Français en ayant le plus besoin ? On ne peut plus financer de manière aveugle des aides généralisées en continuant de creuser le déficit public, aides qui sont d’ailleurs souvent supportées par les collectivités.
C’est bien une question de justice sociale : les politiques publiques doivent cibler les plus fragiles pour les soutenir durablement. Je pense à nos aînés, à nos étudiants, aux familles monoparentales, aux classes moyennes, c’est-à-dire à ceux qui doivent payer toujours plus pour gagner de moins en moins.
Ce texte est également l’occasion d’aborder l’enjeu de notre souveraineté énergétique.
Une véritable course contre la montre s’engage pour éviter cet hiver des ruptures d’approvisionnement, en électricité notamment. Vous proposez quelques mesures, monsieur le ministre. Mais elles ne répondent pas à nos besoins grandissants et contredisent même nos ambitions en matière de réponse à l’urgence environnementale.
Nous aurions plutôt besoin d’une vision de long terme, d’une vision stratégique, pour anticiper les défis de demain de notre pays.
Nous avons également besoin de constance dans notre politique énergétique et d’approvisionnement. Après avoir renoncé au nucléaire, on annonçait voilà quelques mois la construction de six réacteurs. Où en sommes-nous de notre objectif de neutralité carbone, ce fameux objectif pour 2050 ?
M. Jean-François Husson. Paroles en l’air…
Mme Amel Gacquerre. Comment l’atteindre, alors qu’est annoncée aujourd’hui la réouverture de la centrale à charbon de Saint-Avold ?
Nous formulons deux vœux : une nouvelle méthode de travail et un cap stratégique qui redonnera confiance à nos concitoyens, à nos entreprises, à nos élus.
Pour ce qui est de la méthode de travail, le quinquennat qui s’ouvre devait être celui de la coconstruction législative et d’un travail plus collaboratif avec le Parlement, les collectivités et les associations d’élus. Pour l’instant, il semble uniquement devoir être le quinquennat de l’urgence. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire, et il est primordial de passer des paroles aux actes. Le présent projet de loi est arrivé au Sénat vendredi 22 juillet, pour un examen en commission le 25 juillet et un passage en séance publique le 28 juillet ! Comment pouvons-nous traiter en quarante-huit heures des sujets aussi fondamentaux ?
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
Mme Amel Gacquerre. Notre deuxième vœu est celui du cap à donner. Nous appelons le Gouvernement à adopter des politiques de long terme, à répondre aux urgences d’aujourd’hui, mais aussi aux besoins de demain.
Qu’adviendra-t-il en janvier 2023 pour nos concitoyens, lorsque les remises sur le carburant ne seront plus appliquées ?
Quelles garanties en matière d’approvisionnement en électricité pourrez-vous offrir aux entreprises qui envisageraient de s’installer en France ?
Quelles réponses apporterez-vous aux collectivités qui s’interrogent sur la faisabilité de leurs projets d’investissement face à l’augmentation toujours croissante de leurs dépenses de fonctionnement et à la baisse de leurs recettes ?
Ces questions concrètes appellent des réponses précises. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière de logement et du point de vue des usagers les plus modestes, donc les plus touchés par l’inflation, les dispositions visant à contenir les hausses de loyers ne sont pas assez fortes.
Nous proposerons un plafonnement à 1,5 % de l’IRL sur tout le territoire national. Pour mémoire, la diminution de l’APL vous a permis d’économiser 12 milliards d’euros lors du quinquennat précédent. Or les mesures que vous proposez dans ce texte représentent seulement 168 millions d’euros !
Disons-le sans ambages : les dispositions du titre II, relatives à la protection du consommateur, qu’elles portent sur la résiliation des contrats ou sur la lutte contre les pratiques commerciales illicites, bien qu’opportunes, sont de portée réduite. Nous vous proposerons par nos amendements de les améliorer.
Les mesures du titre III, relatives à la souveraineté énergétique, pour autant qu’elles soient nécessaires, révèlent les faiblesses et les contradictions de la politique française en la matière.
La crise aura permis de mesurer l’attention qu’il faut en permanence porter à l’outil de stockage souterrain de gaz, outil stratégique s’il en est, dont la dimension de politique nationale a été oubliée ou mésestimée.
En même temps qu’elle porte atteinte à la crédibilité de la parole publique, la nécessité de prévoir la réouverture de centrales à charbon pose pour nous la question des conditions sociales du réemploi et de la formation du personnel nécessaire.
Les conséquences de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique confirment ce que nos rapports sénatoriaux récents ont mis en évidence : l’affaiblissement régulier d’EDF, jusqu’à sa mise en péril au regard des investissements considérables à financer dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie, que nous aurons à actualiser prochainement.
En matière de climat, la France doit être au rendez-vous de ses engagements, après cinq années perdues et deux condamnations pour inaction climatique.
Au-delà des évolutions nécessaires de l’Arenh qui figurent dans le texte et que nous soutiendrons, comme la limitation de volume à 100 térawattheures ou à 25 % de la production nucléaire annuelle, au prix actualisé de 49,50 euros du mégawattheure, nous demandons d’anticiper l’extinction et la suppression totale du mécanisme, tant l’Arenh s’est jusqu’ici révélé comme un instrument de pillage et d’affaiblissement d’EDF au profit de ses concurrents.
Nous vous proposerons donc un amendement visant à proportionner les cessions au titre de l’Arenh à la situation financière des entreprises, dont certaines ont vu leurs profits exploser du fait de la crise géopolitique ; je pense en particulier à TotalEnergies.
Nous demanderons aussi qu’un bilan objectif du marché de l’électricité soit réalisé. À quoi le principe de libre concurrence non faussée a-t-il conduit pour les consommateurs français, pour l’appareil industriel français ?
Nous pensons qu’il ne revient pas au Parlement, en l’occurrence au Sénat, de sécuriser juridiquement le décret d’abaissement à 120 térawattheures du plafond de l’Arenh, décret que le Gouvernement français n’a ni soumis au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) ni notifié formellement à la Commission européenne. Pourquoi, monsieur le ministre, avoir procédé de la sorte, en toute connaissance d’une aide d’État dont l’absence de notification fragilise aujourd’hui les fournisseurs alternatifs ?
Il est urgent de reconsidérer, autour du groupe public EDF, l’ensemble du dispositif de gestion de l’électricité en France. Par une question d’actualité au Gouvernement, j’appelais voilà quelques jours le Gouvernement à ouvrir un débat public et parlementaire à propos du projet national pour EDF. Le débat en application de l’article 50-1 de la Constitution que propose Mme la Première ministre ne suffira pas : nous demandons le vote d’une loi spécifique sur le projet industriel, social et environnemental d’EDF.
En outre, le Gouvernement devra réussir le plus rapidement possible une réforme de structure des tarifs de l’électricité, qui doivent reposer sur les coûts complets de long terme de l’ensemble du parc de production.
Au final, le présent texte sera insuffisant pour répondre aux besoins élémentaires de millions de Français. Le « pouvoir de vivre » de nos concitoyens sera au cœur de nos propositions dans les prochains projets de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’attendions, ce texte sur le pouvoir d’achat, promis depuis bien des semaines et enfin inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, malgré des délais très courts pour son examen par le Sénat.
Je voudrais rappeler que, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle, 66 % des Français citaient la question du pouvoir d’achat comme l’enjeu principal de cette élection, selon le baromètre OpinionWay.
Le Gouvernement nous présente donc, comme d’autres l’auraient fait d’ailleurs, un projet de loi censé atténuer les effets de l’inflation et de la crise énergétique tout en contenant les déficits publics.
Oui, monsieur le ministre, la cote d’alerte sur les finances publiques est dépassée depuis bien longtemps ! Le Sénat lance très clairement l’alerte sur ce sujet, sans que les derniers gouvernements successifs l’entendent ; il faut bien l’avouer.
La dette publique dépasse désormais les 2 900 milliards d’euros ; c’est l’avenir des générations futures, celui de nos enfants, que nous obérons ainsi.
Aussi, il faut pouvoir trouver la ligne de crête entre le soutien à ceux de nos concitoyens qui souffrent le plus de la situation actuelle et la nécessité de ne pas alourdir la dette publique pour préparer l’avenir et la nécessaire transition écologique, qui impose des investissements massifs.
Alors, que nous propose le Gouvernement ?
D’abord, un texte insuffisamment ambitieux, avec des mesures qui peuvent sembler anecdotiques au vu de la situation, comme la possibilité de résilier par voie électronique les contrats souscrits en ligne.
Ensuite, un texte qui n’a rien de structurel : j’en prends pour preuve les mesures concernant le plafonnement de la hausse des loyers. C’est clairement ignorer les solutions de long terme qui favoriseraient la construction de nouveaux logements, alors que c’est bien le manque de logements qui explique aujourd’hui la tension sur les loyers.
Enfin, un texte qui est en contradiction avec certaines de nos politiques publiques, particulièrement dans le domaine énergétique, comme cela a été évoqué à plusieurs reprises.
Nous légiférons aujourd’hui pour rouvrir les centrales à charbon après avoir décidé de les fermer et, surtout, après des années d’hésitations et de contradictions sur le développement du nucléaire ! Nous allons aussi importer des hydrocarbures après avoir abandonné la filière nationale et fragilisé les filières françaises décarbonées.
Je m’attarde sur le sujet énergétique, car il est essentiel ! Il concerne en effet tous les budgets, ceux des Français et ceux de nos entreprises. Je comprends l’urgence de la situation, mais je déplore le manque de vision en la matière. Restaurer la souveraineté énergétique de la France nécessitera d’être cohérent dans les choix effectués et, en l’espèce, nous pouvons regretter que cela n’ait pas été le cas ces dix dernières années.
Au travers des articles du projet de loi sur l’Arenh, c’est l’avenir d’EDF qui se pose ! Nous avons eu maintes fois l’occasion de vous alerter sur le sujet, vous comme l’ensemble du Gouvernement, monsieur le ministre. Vous parlez d’une nationalisation d’EDF. Pourquoi pas ? Mais pour quoi faire ? Et pour changer quoi ? Cela ne répond pas aux difficultés du groupe, notamment au mur d’investissement auquel il doit faire face.
Nous prônons depuis longtemps un mix énergétique décarboné autour du nucléaire, et ce dans un bouquet d’énergies. Le récent rapport d’information de nos collègues Gremillet, Moga et Michau a encore déploré l’affaiblissement de la filière, ainsi que ses perspectives très complexes. Il contient des propositions pour relancer l’énergie nucléaire et promouvoir l’hydrogène bas-carbone, dont le Gouvernement devrait s’inspirer.
Nous prônons également le développement des énergies vertes : l’eau, le vent, le soleil, la biomasse, le biogaz. Monsieur le ministre, mes chers collègues, rien ne doit être négligé pour atteindre la neutralité carbone. J’ai d’ailleurs présidé voilà peu la mission d’information sur la méthanisation. Nous avons, là aussi, des pistes utiles pour favoriser la transition et la souveraineté énergétiques si nous nous donnons les moyens de structurer la filière et de simplifier – je dis bien simplifier – l’ensemble des procédures. L’actualité nous l’impose plus que jamais.
Au final, le texte que nous examinons aujourd’hui me paraît très décevant, même s’il comporte des mesures positives que je salue et que mon collègue Philippe Mouiller a eu l’occasion de mentionner tout à l’heure.
Monsieur le ministre, au lieu de faire des chèques sans provision, comme le font les gouvernements depuis des années, le groupe Les Républicains veut muscler le texte avec des mesures pérennes, des mesures qui améliorent le pouvoir d’achat des Français, des salariés et des entreprises, et, surtout, des mesures d’économie, car on ne peut plus ignorer le problème de la dette, comme je l’ai expliqué au début de mon propos.
Chers amis, chers collègues, je souhaite que le débat qui s’ouvre ce matin contribue à donner plus d’ambition au texte, ce dont je ne doute pas, car c’est bien l’ADN du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref, dans la mesure où l’examen des articles nous permettra d’approfondir la discussion.
Comme je l’ai fait dans mon propos liminaire, je souligne une nouvelle fois que le Sénat examine cette semaine deux textes, le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat en séance publique et le projet de loi de finances rectificative en commission. Cela démontre l’enchevêtrement de certaines dispositions. Nous serons donc conduits – différents orateurs l’ont mentionné – à discuter de dispositions relevant du PLFR, voire de textes réglementaires, et parfois à opérer quelques renvois.
C’est le cas pour les heures supplémentaires : le relèvement du plafond d’exonération ayant été inscrit dans le projet de loi de finances rectificative, il paraît plus logique que le débat ait lieu lors de l’examen de ce dernier.
Je souligne également que, à l’aube de l’examen de ce texte, nous sommes collectivement face à deux injonctions paradoxales.
La première injonction paradoxale touche au calendrier. Nous avons fait le choix de présenter ce texte au Parlement dans les tout premiers jours de la nouvelle législature de l’Assemblée nationale, juste après l’examen du texte portant certaines dispositions en matière d’état d’urgence sanitaire. C’est donc un rythme rapide, d’autant plus que les débats à l’Assemblée nationale ont duré un peu plus longtemps que ce que nous avions envisagé. Or nombre d’entre vous ont affirmé attendre le texte avec impatience, mais regretter qu’il leur faille l’examiner très vite. Malheureusement, cela est dû à l’actualité et, certainement, à quelques habitudes propres au Parlement français.
La seconde injonction paradoxale s’est exprimée dans la dernière intervention. Elle se caractérise par une volonté marquée de veiller au cap en matière de finances publiques et de tenir les objectifs et, dans le même temps, par le regret que certaines mesures n’aillent pas assez loin ou ne soient pas assez massives, au risque que cette ambition ne se traduise par des dépenses supplémentaires.
Par ailleurs, dans de nombreuses interventions, il a été question d’énergie, de logement ou encore de consommation. Je laisse mes collègues directement concernés par ces sujets, Agnès Pannier-Runacher, Olivier Klein ou encore Olivia Grégoire, apporter les précisions nécessaires à l’occasion de la discussion des articles et des débats auxquels celle-ci donnera lieu.
Sur le sujet de l’énergie, je partage les propos de Mme la rapporteure sur l’aspect humain qui entoure la relance provisoire de l’activité de la centrale de Saint-Avold. Agnès Pannier-Runacher le dira plus nettement que moi : cette décision n’a pas été prise de gaieté de cœur ; elle vise à assurer l’approvisionnement énergétique, elle est temporaire et les émissions carbone seront compensées.
Nous demandons bien aux salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold, sur la base du volontariat, de participer à cette relance dans des conditions que l’article 15 vise à sécuriser, puisqu’il a pour seul objectif de garantir l’intégralité des dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et du plan de reclassement qui ont été retenues, pour que cette reprise d’activité n’entraîne aucune perte des droits négociés par les salariés. (M. Fabien Gay s’exclame.) En effet, c’est aux salariés qui ont fait face à des procédures de reclassement et de licenciement que nous demandons de revenir en activité. Nous devons tous y veiller et en avoir pleinement conscience.
Les trois points de divergence que j’ai évoqués dans mon propos liminaire demeurent évidemment. Ils concernent les heures supplémentaires – mais cela relève plus de la méthode et du texte concerné –, l’article 4 et la pérennité des dispositifs que nous proposons en matière de partage de la valeur. Nous devrons veiller à ce que les décisions prises sur ces questions à l’occasion de l’examen de ce texte comme du projet de loi de finances rectificative n’obèrent pas l’avenir.
Il a beaucoup été question de la démonétisation des heures supplémentaires telle qu’elle a été adoptée à l’Assemblée nationale. L’échéance a aussi été pensée pour être compatible avec le projet de compte épargne temps universel. Gardons donc aussi en tête la possibilité d’avancer sur certains chantiers.
Sur toutes les autres mesures, et peut-être même sur ces sujets-là, de nombreuses améliorations et de nombreux consensus peuvent naître à l’occasion de la discussion ; j’en suis tout à fait ravi.
Enfin, monsieur le président, je conclurai en m’associant à l’hommage rendu par Jean-Marie Vanlerenberghe à Frédéric Sève. Ce militant et cadre important de la CFDT, qui était surtout un acteur essentiel du dialogue social, nous a quittés brutalement cette semaine. Ce n’était que justice de rappeler sa mémoire, comme cela a été fait. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Michel Canévet et Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, j’informe nos collègues que la commission des affaires sociales se réunira à quatorze heures vingt pour examiner les derniers amendements déposés.
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur ce projet de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe également le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1605 du 8 décembre 2021 étendant et adaptant à la fonction publique des communes de Polynésie française certaines dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat
TITRE Ier
PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS
Chapitre Ier
Valorisation du travail et partage de la valeur
Avant l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 118 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 168 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 360 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3231-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé ;
« À compter du 1er août 2022, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de l’indexation prévue au présent article ne peut être inférieur à 1 923 euros brut mensuels. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 118.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’inflation s’installe durablement et les revenus ne suivent pas, dans un contexte où 4 millions de personnes ont basculé dans la pauvreté depuis 2017.
Pour pallier les difficultés qu’il a lui-même créées via des politiques antisociales, comme la baisse des aides personnalisées au logement (APL) ou la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement multiplie les primes désocialisées et défiscalisées, qui grèvent les comptes publics, encourageant de fait les entreprises à substituer le salaire variable aux augmentations générales pérennes.
À l’opposé, de nombreux pays augmentent le salaire horaire minimum. Ainsi, l’Allemagne le portera à 12 euros au 1er octobre prochain.
Alors que, depuis toujours et quel que soit le contexte, les économistes libéraux brandissent l’épouvantail de la destruction d’emplois qu’entraînerait l’augmentation du salaire minimum, d’autres économistes, comme le prix Nobel David Card, contestent ce risque. Plus récemment, les chercheurs Gautier et Laroche concluaient après une méta-analyse que l’effet du salaire minimum sur l’emploi n’est pas statistiquement significatif.
Selon une enquête la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) réalisée en 2019, une personne seule doit disposer d’au moins 1 712 euros par mois pour vivre dignement. L’augmentation du SMIC est donc une mesure d’urgence sociale. Il faut la rendre soutenable pour les TPE-PME. C’est ce que nous aurions voulu faire en intégrant dans cet amendement la création d’une caisse de péréquation interentreprises, mais une telle mesure a été déclarée irrecevable.
Afin que chacun puisse vivre dignement et satisfaire ses besoins essentiels, les écologistes soutiennent l’augmentation du SMIC, car il n’est pas tolérable que la figure du travailleur pauvre s’étende dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 168 rectifié.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, vous voulez augmenter le pouvoir d’achat des Françaises et des Français ? Vous voulez rétablir la valeur travail ? Vous voulez en finir avec les filières qui n’arrivent pas à recruter ? Nous avons la solution : porter le SMIC à 1 500 euros !
L’augmentation du SMIC ne figurant pas dans votre texte, nous vous proposons, avec nos collègues d’autres sensibilités politiques, socialistes et écologiques, de l’ajouter. Pour une fois, vous ne pourrez pas nous opposer que nous compromettons le retour à l’équilibre des comptes publics que vous avez promis à Bruxelles d’atteindre d’ici à deux ans. En effet, nous faisons davantage contribuer les entreprises.
En 2021, notre pays comptait 2 millions de salariés rémunérés au SMIC, soit 12 % des salariés du secteur privé, parmi lesquels une grande majorité de femmes. Avec 1 302 euros par mois, on ne vit pas, monsieur le ministre ; on survit ! On a du mal à se loger, à se nourrir, à se déplacer, à se chauffer, à se cultiver.
C’est pourquoi nous pensons que le SMIC doit augmenter : il s’agit d’une mesure de justice envers les plus précaires qui s’inscrit dans la continuité des politiques menées à l’étranger pour améliorer le pouvoir d’achat. Le salaire minimum a connu une augmentation de plus de 30 % en Espagne et de plus de 25 % en Allemagne. Au Royaume-Uni, il est désormais plus haut que le SMIC.
Les tenants du capital, opposés à l’augmentation des salaires au nom de la baisse du coût du travail, doivent se rendre à l’évidence : l’augmentation du SMIC à 1 500 euros ne remettra pas en cause la compétitivité des entreprises françaises en Europe.
Je le répète, c’est une mesure de justice sociale. Il n’est pas normal qu’en 2022, l’effort soit demandé aux mêmes, aux premiers de corvée – je devrais plutôt dire aux premières de corvée –, alors que les entreprises du CAC 40, aux profits record de 160 milliards d’euros en 2020, ne sont pas mises à contribution ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 360 rectifié.
Mme Monique Lubin. Je ne reprendrai pas les arguments qui viennent d’être développés par mes collègues. Je me contenterai de rappeler que le ministre Bruno Le Maire a réaffirmé qu’il souhaitait valoriser le travail via le présent projet de loi. Or, pour ce faire, il faut donner au travail une valeur monétaire.
M. Patrick Kanner. Très bien !
Mme Monique Lubin. Évidemment, ceux que l’on appelle les premiers de corvée, que l’on a applaudis et mis en avant ont les salaires les plus modestes, et sont le plus souvent au SMIC. Une telle revalorisation du SMIC serait une formidable mesure de justice sociale pour eux.
Quand on veut donner du pouvoir d’achat, on augmente les salaires. C’est pourquoi nous demandons également la revalorisation du SMIC à 1 500 euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ces amendements identiques visent à revaloriser le SMIC à 1 500 euros net, soit 1 923 euros brut.
Je rappellerai trois points.
D’abord, au 1er août prochain, le SMIC aura augmenté de 8 % en un an par des effets mécaniques assez classiques, pour atteindre 1 679 euros brut.
Ensuite, l’augmentation du SMIC pourrait contribuer à alimenter l’inflation, avec des conséquences délétères sur l’emploi et sur les entreprises.
Enfin, même si je sais que ce n’est pas la solution et que cette réponse ne conviendra pas à mes collègues, je rappelle que la prime d’activité prévue à l’article 1er peut être une aide pour les personnes au SMIC. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces trois amendements, pour des raisons presque identiques à celles que Mme la rapporteure a exposées.
Au demeurant, dans le texte, nous avons fait le choix d’augmenter la prime d’activité, ce qui permet aussi d’augmenter le revenu net des personnes rémunérées au SMIC ou un peu au-delà.
Je reviens sur la comparaison avec l’Espagne. J’entends souvent dire que les salaires y ont augmenté de 25 %. La situation n’est pas comparable, pour deux raisons.
D’une part, la hausse de 25 % s’est étalée entre 2018 et aujourd’hui ; elle ne s’est pas produite que sur la dernière année. J’ai examiné la situation espagnole : sur les douze derniers mois, et en prenant comme référence les mois pendant lesquels la revalorisation automatique du SMIC a été actionnée par la loi, le SMIC a augmenté de 5,1 % en Espagne, pour être fixé aujourd’hui à 965 euros, ce qui n’est évidemment pas comparable avec le niveau du SMIC en France. Par ailleurs, ce taux de 5,1 % est à mettre en regard avec une inflation de 11 %. En France, en intégrant la revalorisation qui aura lieu dans le 1er août prochain, sur la même période, l’augmentation du SMIC aura atteint 8 %, avec une inflation inférieure à 6 %. Le mécanisme de revalorisation qui est le nôtre me paraît donc plus avantageux et plus protecteur que les décisions prises en Espagne.
D’autre part, comme cela a été évoqué à l’Assemblée nationale, en France, les embauches, qu’elles soient au SMIC ou à des salaires plus élevés, sont plus qualitatives qu’en Espagne. Chez nous, 52 % des embauches du premier semestre sont des CDI, contre 45 % de l’autre côté des Pyrénées. Cela démontre aussi que nous n’avons tout simplement pas à rougir de la politique de l’emploi menée dans notre pays.
À mes yeux, la comparaison avec l’Espagne tombe lorsque l’on a en tête les chiffres et les données sur les mêmes périodes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J’insiste sur l’importance d’une telle augmentation du SMIC et j’aimerais donner quelques arguments supplémentaires à nos collègues qui hésiteraient.
Nous sommes tous mobilisés contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes et préoccupés par le faible niveau de rémunération des femmes, ce sujet étant presque distinct de celui des inégalités salariales. Nous cherchons tous des outils pour réajuster les salaires des femmes et les faire sortir du SMIC.
Je rappelle que 60 % des salariées au SMIC sont des femmes, et ce pour des raisons évidentes. Les femmes occupent davantage des professions à bas salaires et des professions faiblement qualifiées, non parce que ces dernières requièrent moins de compétences que d’autres, mais parce qu’il s’agit de professions qui, au départ, n’en étaient pas, les femmes exécutant bénévolement ces tâches. Je pense en particulier à tout ce qui concerne la prise en charge des malades ou des personnes âgées dépendantes, qui leur incombait autrefois naturellement. Aujourd’hui, il s’agit d’une fonction rémunérée, et non plus naturelle. Toutefois, la rémunération des femmes continue de pâtir de cet historique du bénévolat.
Nous nous demandons tous comment augmenter les salaires des femmes. Vous allez sans doute me parler de l’instauration de l’indice Pénicaud. Mais je précise que cet outil ne concerne nullement les femmes payées au SMIC, les bas salaires et encore moins les professions dans lesquelles les femmes sont majoritaires.
Pour augmenter les salaires des femmes, il est donc indispensable de commencer par le SMIC.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Laurence Rossignol. C’est pourquoi je voterai avec tous mes collègues ces amendements identiques, qui démontrent par ailleurs l’existence dans cette assemblée d’une gauche sociale qui défend les intérêts des travailleuses et des travailleurs et d’un gouvernement et d’une droite qui se retrouvent pour refuser l’augmentation du SMIC. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Les primes seront toujours au bon vouloir de l’employeur, et les injustices entre les feuilles de paie continueront. La meilleure solution, c’est d’augmenter le SMIC.
Monsieur le ministre, pourquoi ne prenez-vous pas l’exemple de l’Allemagne, pour une fois, plutôt que celui de l’Espagne ? Au fond, vous ne parlez de l’Allemagne que quand cela vous arrange ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, ces amendements sont extrêmement importants. L’Insee a établi que l’ensemble de vos mesures amélioreront le revenu disponible brut des ménages d’un point seulement, sachant que nous avons 5,5 % d’inflation.
Par ailleurs, il manque des mesures structurelles d’augmentation des salaires et de blocage des prix. Les aides sont insuffisantes, tardives et souvent temporaires, sinon loin du compte.
Le débat que nous sommes en train d’avoir sur l’augmentation du SMIC est majeur, car il soulève une question structurelle : celle de la confiance dans la rémunération du travail.
Votre comparaison avec la situation espagnole était, certes, intéressante, mais je vous en propose une autre. En France, les dividendes ont atteint 54,6 milliards d’euros – c’est le paradis fiscal de l’Europe ! –, contre 18 milliards d’euros en Espagne.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Pascal Savoldelli. Certes, on peut jouer sur les proportionnalités, les exemples, les comparaisons. Pour ma part, je me contenterai de citer un chiffre qui défie la raison : selon l’Observatoire Scalens, la rémunération moyenne totale, incluant salaires et variables, des patrons du CAC 40 a représenté en 2021 8,7 millions d’euros, soit une hausse de plus de 90 % par rapport à 2020 !
Un patron ou une patronne du CAC 40 peut-il nous regarder les yeux dans les yeux et prétendre qu’il s’est fait tout seul et qu’il est seul responsable des résultats des dividendes obtenus ? Non ! Ces résultats sont dus à la force de travail, à la valeur ajoutée et aux salariés !
C’est pourquoi il faut augmenter le SMIC, y compris pour retrouver de la cohérence dans notre société et dans la valeur travail. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, dans le droit-fil des interventions précédentes, je vous ferai deux propositions.
En premier lieu, peu connaissent l’existence d’un groupe d’experts qui rend chaque année un rapport sur lequel se fonde le Gouvernement pour augmenter ou non le SMIC. En font partie Gilbert Cette, professeur à Neoma Business School, un libéral, ainsi que Sandra Cazes, économiste principale à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), une libérale elle aussi. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne remets pas en cause la légitimité des experts de ce groupe, mais il me paraît intéressant de les citer. Je pourrai également mentionner Julien Damon, conseiller scientifique de l’École nationale supérieure de Sécurité sociale (EN3S). (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Je m’en tiens là, mais en précisant que ce groupe se compose de cinq membres, dont cinq libéraux…
Monsieur le ministre, puisque vous voulez travailler en coconstruction, je vous propose de créer un groupe d’experts au sein duquel seront représentées toutes les sensibilités, y compris les tenants d’une augmentation du SMIC, afin qu’il soit possible en France de vivre dignement de son salaire.
En second lieu, vous dites que porter le SMIC à 1 500 euros créerait une trappe à misère, car tout le monde serait alors au SMIC. Le problème, c’est que le SMIC est complètement exonéré de cotisations sociales, que vous appelez « charges patronales ».
Je vais donc vous faire une proposition de droite ! (Rires sur les travées des groupes CRCE et SER. – Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Peut-être faudrait-il mettre fin aux exonérations de cotisations sociales sur les salaires atteignant jusqu’à 1,6 fois le SMIC et en instaurer au-delà ?
Nous sommes contre les exonérations de cotisations sur tous les salaires. Mais si on ne veut pas créer de trappe à bas salaires, peut-être faudrait-il imaginer un dispositif progressif, qui s’appliquerait également aux salaires à partir de 2 000 euros ou 2 500 euros. Cela inciterait les patrons à embaucher non pas au SMIC, puisqu’il leur faudrait alors payer les cotisations sociales patronales, mais à partir de 2 000 euros.
Voilà deux propositions constructives ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 118, 168 rectifié et 360 rectifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 103 |
Contre | 235 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 1er
I. – La prime de pouvoir d’achat attribuée dans les conditions prévues aux II à IV bénéficie de l’exonération prévue au V.
II. – L’exonération prévue au V est applicable à la prime de pouvoir d’achat versée à compter du 1er août 2022 par les employeurs mentionnés à l’article L. 3311-1 du code du travail à leurs salariés ou à leurs agents, et jusqu’au 31 décembre 2023 lorsqu’elle est versée par les entreprises de plus de cinquante salariés. Les règles de décompte des salariés et de franchissement du seuil d’effectifs sont celles prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.
L’entreprise utilisatrice mentionnée au 1° de l’article L. 1251-1 du même code qui attribue cette prime à ses salariés en informe sans délai l’entreprise de travail temporaire dont relève le salarié mis à disposition. Cette dernière en informe sans délai le comité social et économique mentionné à l’article L. 2311-2 dudit code, lorsqu’il existe. L’entreprise de travail temporaire verse la prime au salarié mis à disposition, selon les conditions et les modalités fixées par l’accord ou la décision de l’entreprise utilisatrice mentionné au IV du présent article. La prime ainsi versée bénéficie de l’exonération prévue au V lorsque les conditions prévues aux III et IV sont remplies par l’entreprise utilisatrice.
L’exonération est également applicable à la prime versée aux travailleurs handicapés bénéficiant d’un contrat de soutien et d’aide par le travail mentionné à l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles et relevant des établissements et services d’aide par le travail mentionnés à l’article L. 344-2 du même code.
III. – L’exonération prévue au V du présent article est applicable à la prime de pouvoir d’achat bénéficiant aux personnes mentionnées au II lorsque cette prime remplit les conditions suivantes :
1° Elle bénéficie aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail, aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice, aux agents publics relevant de l’établissement public ou aux travailleurs handicapés liés à un établissement ou service d’aide par le travail mentionné à l’article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles par un contrat de soutien et d’aide par le travail mentionné à l’article L. 311-4 du même code à la date de versement de cette prime, à la date de dépôt de l’accord mentionné au IV du présent article auprès de l’autorité compétente ou à la date de la signature de la décision unilatérale mentionnée au même IV ;
2° Son montant peut différer selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de l’ancienneté dans l’entreprise, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou de la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Les congés prévus au chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail sont assimilés à des périodes de présence effective ;
3° Elle ne peut se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, qui sont versés par l’employeur ou qui deviennent obligatoires en application de règles légales, contractuelles ou d’usage. Elle ne peut non plus se substituer à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial, par le contrat de travail ou par les usages en vigueur dans l’entreprise, l’établissement ou le service mentionnés au 1° du présent III.
IV. – Le montant de la prime de pouvoir d’achat ainsi que, le cas échéant, le niveau maximal de rémunération des salariés éligibles et les conditions de modulation du niveau de la prime selon les bénéficiaires dans les conditions prévues au 2° du III du présent article font l’objet d’un accord d’entreprise ou de groupe conclu selon les modalités prévues au I de l’article L. 3312-5 du code du travail ou d’une décision unilatérale de l’employeur. En cas de décision unilatérale, l’employeur consulte préalablement le comité social et économique mentionné à l’article L. 2311-2 du même code, lorsqu’il existe.
Le versement de la prime peut être réalisé en une ou plusieurs fois, dans la limite de quatre versements au cours de l’année civile.
V. – La prime de pouvoir d’achat attribuée dans les conditions prévues aux II à IV du présent article est exonérée, dans la limite de 3 000 euros par bénéficiaire et par année civile, de toutes les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l’employeur ainsi que des participations, taxes et contributions prévues à l’article 235 bis du code général des impôts et à l’article L. 6131-1 du code du travail, dans leur rédaction en vigueur à la date de son versement.
La prime de pouvoir d’achat est assimilée, pour l’assujettissement à la contribution prévue à l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, aux sommes versées au titre de l’intéressement mentionné au titre Ier du livre III de la troisième partie du code du travail.
La limite prévue au premier alinéa du présent V est portée à 6 000 euros par bénéficiaire et par année civile pour les employeurs mettant en œuvre, à la date de versement de la prime de pouvoir d’achat, ou ayant conclu, au titre du même exercice que celui du versement de cette prime :
1° Un dispositif d’intéressement en application du chapitre II du titre Ier du livre III de la troisième partie du code du travail, lorsqu’ils sont soumis à l’obligation de mise en place de la participation en application des articles L. 3322-1 à L. 3322-5 du même code ;
2° Ou un dispositif d’intéressement ou de participation en application du chapitre II du titre Ier et du titre II du livre III de la troisième partie dudit code, lorsqu’ils ne sont pas soumis à l’obligation de mise en place de la participation mentionnée au 1° du présent V.
Les conditions prévues aux 1° et 2° ne sont pas applicables aux associations ni aux fondations mentionnées aux a et b du 1 des articles 200 et 238 bis du code général des impôts, ni aux établissements ou services d’aide par le travail mentionnés à l’article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles, pour les primes versées aux travailleurs handicapés mentionnés au 1° du III du présent article.
VI. – Lorsque, entre le 1er août 2022 et le 31 décembre 2023, la prime de pouvoir d’achat est versée aux salariés ayant perçu, au cours des douze mois précédant son versement, une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du salaire minimum de croissance correspondant à la durée de travail prévue au contrat mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, cette prime, exonérée dans les conditions prévues au V du présent article, est également exonérée d’impôt sur le revenu ainsi que des contributions prévues à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
La prime exonérée en application du premier alinéa du présent VI est incluse dans le montant des revenus définis au 1° du IV de l’article 1417 du code général des impôts.
En cas de cumul de la prime exonérée en application du premier alinéa du présent VI avec celle prévue à l’article 4 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, le montant total exonéré d’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année 2022 ne peut excéder 6 000 euros.
VII. – (Non modifié) Pour l’application du présent article à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les références au code de la sécurité sociale sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet.
VIII. – Avant le 31 décembre 2024, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de la prime de pouvoir d’achat prévue au présent article. Ce rapport comprend des données quantitatives sur le recours au dispositif et évalue le respect des conditions d’attribution prévues au 3° du III. Il étudie l’effet de substitution de la prime à d’autres éléments de rémunération, notamment à des augmentations de salaire ou à l’intéressement.
IX. – (Non modifié) Les dispositions du présent article sont intégralement prises en charge par l’État, conformément à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des cinq dernières années, j’ai posé plusieurs questions écrites. Le Gouvernement n’a pas daigné répondre à certaines d’entre elles, notamment à celles qui concernaient le pouvoir d’achat des Ultramarins. Nombre de ces questions restées sans réponses ont depuis lors été frappées de caducité.
Le présent projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat m’a redonné l’espoir d’obtenir des réponses. Malheureusement, la plupart des amendements que j’ai déposés ont été déclarés irrecevables au titre soit de l’article 40, soit de l’article 45 de la Constitution.
Quand donc aurons-nous des réponses concrètes aux questions qui nous préoccupent sur l’application de l’octroi de mer, sur les prix, sur le transport maritime, sur tout ce qui contribue à une augmentation abusive des prix dans les outre-mer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le fameux article 1er de ce projet de loi, qui est la traduction législative de la fameuse prime dite Macron.
Monsieur le ministre, si je vous pensais naïf, je vous dirais qu’une telle prime peut être qualifiée de fausse bonne idée. Mais je sais que vous n’êtes pas naïf. Je pense au contraire que ce dispositif découle concrètement de l’idéologie néolibérale qui vous anime : toujours néfaste pour les salariés, toujours profitable pour le patronat !
Sous couvert d’une augmentation du pouvoir d’achat d’une partie des Français, vous mettez en place une incitation à ne pas augmenter les salaires, et vous accélérez la fragilisation, déjà bien entamée sous le précédent quinquennat, de notre système de protection sociale.
Je m’explique : un employeur qui a le choix entre augmenter les salaires ou verser une prime défiscalisée et sans cotisations sociales choisira la solution la moins coûteuse et la moins pérenne. Vous créez donc un effet d’aubaine qui ne bénéficiera pas aux salariés. En outre, avec un tel dispositif, vous dites une chose : le travail coûte trop cher, car la protection sociale des Français coûte trop cher.
La défiscalisation et la désocialisation des primes n’auront qu’un effet limité, sur un temps très court, pour les Français. En revanche, l’effet à long terme sur les finances publiques est bien réel. Quand on supprime les cotisations sociales et que l’on défiscalise, on prive de recettes la protection sociale et le budget de l’État.
Venant d’un gouvernement qui veut renflouer les caisses en réduisant les droits des chômeurs et en augmentant de trois ans la durée de cotisation ouvrant des droits à la retraite, c’est indigne, monsieur le ministre !
Vous organisez donc la casse du système pour constater à terme qu’il ne marche plus. Vous êtes, de fait, les fossoyeurs des jours heureux du Conseil national de la Résistance.
Encore une fois, je vous demande d’organiser une conférence salariale à la rentrée. Chaque Français doit vivre dignement du fruit de son travail. Tout le reste n’est que tromperie cynique. Prenez garde au ruissellement qui prend source dans la colère sociale des Français et qui trouvera peut-être une traduction à la rentrée. Tel est le risque que vous nous faites prendre collectivement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous entamons la discussion met en avant un fait indiscutable : pour beaucoup de nos concitoyens, le travail ne paie pas.
On ne vit pas avec un SMIC ; on survit. Avec l’explosion de l’inflation, on survit encore plus difficilement. Il est donc urgent de mettre en place des mesures pour contenir les effets de l’augmentation des prix sur les classes moyennes et les plus précaires. Or le présent projet de loi ne permet rien de tel, car il ne prévoit que des dispositions de court terme, aux effets incertains.
Ainsi, selon l’étude d’impact réalisée par l’Assemblée nationale, il est « probable » qu’un plus grand nombre de salariés seront concernés par cette prime. Or je rappelle que seuls 6 millions de salariés, sur un total de 25 millions, ont bénéficié des anciennes versions de la prime, pour des montants très éloignés des plafonds autorisés. Combien de nouveaux salariés pourront prétendre à cette nouvelle prime ? Trop peu ! C’est une certitude.
La solution à la crise inflationniste n’est pas dans ce texte. Seule une véritable politique de revalorisation des salaires permettrait à de nombreux Français de vivre de leur travail dignement.
Je suis également décontenancée par l’exonération de cotisations sur cette prime pour les groupes ayant réalisé des profits records lors de l’épidémie de la covid-19 ou ayant des filiales installées dans des paradis fiscaux, à l’instar du groupe TotalEnergies, qui a réalisé un bénéfice record de 5,7 milliards de dollars au premier trimestre 2022. Ce n’est pas la ristourne sur le prix des carburants qui va l’appauvrir !
L’exécutif doit prendre la pleine mesure de ce qui se joue en ce moment, au risque de connaître une révolte sociale bien plus virulente que celle qui a été observée sous le précédent quinquennat. (Mme Raymonde Poncet Monge et M. Daniel Breuiller applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 1er du projet de loi a le mérite de clarifier les différences entre nos projets politiques. Vous refusez ainsi que les salariés puissent gagner au minimum 1 500 euros. Pour le Gouvernement et pour les droites, le partage de la valeur consiste en deux choses : inciter les employeurs à verser des primes et faciliter la mise en place de l’intéressement en entreprise.
Pour les salariés qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois, le versement d’une prime peut sembler être une bonne nouvelle. Mais si une prime permet de mettre du beurre dans les épinards aujourd’hui, elle ne sera pas prise en compte demain dans le calcul des pensions de retraite. C’est pourquoi nous sommes autant attachés à l’augmentation des salaires, plutôt qu’au versement de primes. En outre, comme ces dernières sont exonérées de cotisations sociales pour les employeurs, vous allez dégrader de fait les comptes de la sécurité sociale.
Même si l’État décide de compenser les exonérations, ce sont près de 600 millions d’euros en moins pour nos services publics, nos écoles. Nous disons donc : « Attention à l’effet boomerang ! »
Avec ces dispositifs, le Gouvernement a réussi à se mettre à dos ses propres supporters. Dans une tribune publiée le 23 juillet dans Le Journal du dimanche, l’Institut Montaigne a ainsi critiqué vos primes et appelé à revaloriser l’intéressement et la participation en entreprise.
Heureusement, les droites sénatoriales sont intervenues en commission contre la « cannibalisation de l’intéressement et la participation ».
La prime Macron a bénéficié à 5 millions de salariés entre 2021 et 2022, pour un montant moyen de 545 euros. Ce n’est pas la peine de donner l’illusion aux salariés qu’ils auront 6 000 euros de primes. C’est une vaste blague ! (Mme Émilienne Poumirol et M. Daniel Breuiller applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout, dans ce projet de loi, est trompeur, à commencer par son intitulé.
Sur la trentaine d’articles que compte le texte, moins de la moitié portent réellement sur le pouvoir d’achat, et ce alors que, en une année, les prix du fioul, du gaz, des carburants et des denrées en grande surface ont augmenté.
Ces derniers mois, les conflits sociaux se sont partout multipliés afin d’obtenir des revalorisations salariales au moins à la hauteur du taux d’inflation, qui sera encore plus élevé à la rentrée, et vous le savez !
Et que répond le Gouvernement à cela ? Pour donner l’impression d’agir, il prévoit des chèques, des primes défiscalisées, versées selon le bon vouloir de l’employeur, des exonérations de cotisations sociales et une sous-indexation des prestations sociales des bénéficiaires… On est très loin du compte !
Face à l’urgence, une succession de mesures ponctuelles et majoritairement financées par l’État ne peut en aucun cas constituer une réponse suffisante. On ne trouve nulle part trace de partage de la richesse ni même du fameux « ruissellement ». Le CAC 40 ayant dégagé près de 160 milliards d’euros de bénéfices en 2021 et versé près de 60 milliards d’euros de dividendes, il est fort regrettable que la question de l’augmentation des salaires soit constamment éludée. Comment justifier que les salariés, en particulier ceux au SMIC ou juste au-dessus, s’appauvrissent d’année en année ? Comment justifier que le Gouvernement refuse d’appeler à la solidarité nationale de tous, y compris de celles et ceux qui se sont le plus enrichis au cours des derniers mois ?
Mme la Première ministre Élisabeth Borne nous avait indiqué que les organisations syndicales et patronales trouveraient en elle une interlocutrice « franche, constructive et déterminée ». Mais que demandent tous les syndicats aujourd’hui ? L’ouverture de discussions sur les salaires ! Et quel compromis bâtit le Gouvernement avec eux ? Aucun !
La prise en charge de mesures en faveur du pouvoir d’achat relève aussi de la responsabilité des employeurs. Elle doit se traduire par une augmentation des salaires. Il serait grand temps que ce gouvernement l’entende ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Pour la deuxième fois en quelques minutes, il me plaît de rappeler ce qu’a dit le ministre Le Maire ce matin : ce qui importe, c’est la valorisation du travail. Or je pense que nous n’avons pas tout à fait la même conception de la valorisation du travail. Pour le Gouvernement, elle passe essentiellement par des primes, dont nous connaissons le caractère discrétionnaire. Nous savons ainsi, comme le montrent les chiffres, que trop peu de salariés en ont bénéficié depuis 2019.
Il est d’ailleurs fort intéressant d’étudier quelles sont les entreprises qui versent ces primes et quels en sont les bénéficiaires. Celles qui les versent sont forcément les plus grandes entreprises, celles qui peuvent dégager le plus de moyens. Et ceux qui en bénéficient sont ceux qui perçoivent déjà les salaires les plus importants.
J’insiste sur la tromperie que constitue le relèvement du plafond de la prime.
Porter à 6 000 euros le plafond de la prime ne signifie absolument pas augmenter son montant ! Le montant moyen des primes versées jusqu’à présent étant de l’ordre de 500 euros en moyenne, nous savons très bien qu’il ne sera guère plus élevé cette fois.
Ce relèvement n’est qu’un simple effet de langage.
Enfin, j’évoquerai la « désocialisation », votre maître mot. À vous écouter, les personnes qui perçoivent de petits salaires ne pourraient voir leur rémunération augmenter qu’à la condition de ne plus s’acquitter de cotisations sociales. C’est oublier que ces cotisations sont des salaires différés. Désocialiser ces primes revient à spolier les salariés, à qui l’on expliquera plus tard que, faute de moyens, ils devront faire des sacrifices sur leur propre protection sociale. Tromperie ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Alors que nous examinons aujourd’hui le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, 3,5 millions de Français sont les grands oubliés du texte : je parle de celles et ceux qui résident à l’étranger. Or la crise sanitaire a provoqué une crise économique dont les effets dévastateurs sont durables et se font toujours sentir.
Certains secteurs, comme celui du tourisme, dans lequel exercent nombre de nos compatriotes à l’étranger, mais également les artisans et les petits entrepreneurs continuent de subir le contrecoup des confinements et de la fermeture des frontières. Alors que les entreprises implantées sur le territoire national ont bénéficié d’un soutien exceptionnel, celles qui sont implantées à l’étranger n’ont pas été intégrées dans le périmètre du plan de relance. Tous les acteurs économiques l’ont regretté.
Nous l’avons d’ailleurs déjà dit dans cet hémicycle en adoptant l’année dernière au Sénat, contre l’avis du Gouvernement, une proposition de loi présentée par notre ancienne collègue Jacky Deromedi.
Les conseillers du commerce extérieur, ainsi que le réseau des chambres de commerce et d’industrie à l’étranger ont également créé une structure, EFE International, afin de soutenir les entreprises françaises à l’étranger qui travaillent la marque France. Cette structure mériterait tout notre soutien.
Par ailleurs, le secours occasionnel de solidarité mis en place par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères au mois d’avril 2020 en faveur de nos compatriotes ayant subi une diminution substantielle de leurs revenus à cause de la pandémie prendra fin le 31 août prochain. À cela s’ajoute la flambée des prix, notamment de l’énergie et des denrées alimentaires, qui n’épargne aucun continent. Si ce projet de loi prévoit une revalorisation de 4 % des prestations sociales et des pensions de retraite, rien n’est prévu pour nos compatriotes établis hors de France.
Monsieur le ministre, si les mesures d’urgence que vous nous soumettez ne prennent pas en compte les Français de l’étranger, le projet de loi de finances rectificative qui nous sera prochainement soumis sera l’occasion de le faire. J’espère sincèrement que vous n’oublierez pas nos compatriotes et que vous émettrez un avis favorable sur nos amendements.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, sur l’article.
M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, ces cinq dernières années, le Gouvernement a considéré que la lutte contre la pauvreté passait avant tout par le renforcement des incitations à travailler. Sur le fond, je ne peux qu’acquiescer. En revanche, sur la forme, nos chemins divergent. Car, pour y parvenir, vous misez systématiquement sur des dispositifs qui ne touchent pas aux salaires ; ce n’est pas nouveau.
Vous avez ainsi incité les entreprises à verser des primes exceptionnelles en 2018, en 2020 ou à développer la part variable des salaires par le biais des dispositifs comme l’intéressement et la participation, qui ont été renforcés dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) de 2019.
Je le rappelle, ces dispositifs sont pour partie désocialisés et défiscalisés, en ce sens qu’ils visent à compléter le salaire, mais en aucun cas à s’y substituer.
De plus, le Gouvernement a également choisi d’augmenter le montant de la prime d’activité, qui est une aide sociale versée par l’État aux travailleurs modestes. Force est de constater que, par ce modus operandi, l’argent public vient à substituer des revenus à des salaires.
Après étude du présent projet de loi, en particulier de son article 1er, je constate que vous continuez sur cette voie en portant de 1 000 euros à 3 000 euros le plafond de la prime Macron.
Une telle stratégie n’est pas viable sur le temps long terme. Elle crée des effets d’aubaine pour les entreprises. En effet, à court terme, leurs salariés touchent plus pour un coût maîtrisé, mais à long terme, les salaires restent bas.
Les salariés sont, eux, perdants sur presque tous les plans. Leurs revenus deviennent imprévisibles. D’abord, une aide distribuée par l’État peut disparaître à tout moment, alors qu’un salaire ne peut être baissé de façon unilatérale par l’employeur. Ensuite, leur progression salariale de carrière est nécessairement ralentie. Enfin, ils cotisent moins pour leur retraite, car ces revenus ne sont pas soumis à cotisations sociales.
Monsieur le ministre, acceptez un débat clair et juste sur le sujet. Le groupe SER vous propose de convoquer un Grenelle des salaires réunissant à la rentrée les partenaires sociaux et patronaux, l’État et les parlementaires pour discuter de la juste répartition des salaires et, incidemment, de l’augmentation des plus bas d’entre eux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.
M. Yan Chantrel. Ce texte, on le constate, n’est clairement pas à la hauteur de la situation économique et sociale de notre pays, à tel point que vous reviendrez certainement devant nous avec un nouveau texte dans très peu de temps, peut-être dès l’ouverture de la prochaine session, au mois d’octobre.
Monsieur le ministre, comme cela a été très bien souligné par mes collègues, ce texte n’est pas à la hauteur. Vous n’agissez pas réellement là où il faudrait agir pour augmenter le pouvoir d’achat de nos compatriotes. Vous venez ainsi de rejeter la hausse du SMIC, grâce à une alliance du bloc bourgeois LR-LaREM ! (Rires sur les travées des groupes SER et CRCE. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Quand il s’agit de combattre les plus démunis de notre société, vous arrivez toujours à trouver un accord ; il n’y a aucun problème ! Vous vous entendez à merveille… Le vote qui vient d’intervenir a confirmé cette union.
Si vous voulez agir, gagnons du temps et n’attendons pas un mois ou deux que la situation se dégrade. Augmenter le salaire minimum est un préalable.
Nous souhaitons par ailleurs que nos amendements soient adoptés, en particulier ceux qui visent à geler l’indice de référence des loyers, à décider de l’organisation d’une conférence nationale sur les salaires ou à faire en sorte que les prestations sociales soient revalorisées au moins au niveau de l’inflation.
Mais peut-être que le bloc bourgeois va encore s’unir contre les plus pauvres ! Un amendement de la honte a été déposé sur l’article 5 pour réduire la revalorisation du RSA, qui n’est déjà pas très importante. Avez-vous déjà perçu le RSA ? Pensez-vous que l’on puisse vivre avec un tel revenu ? C’est scandaleux !
En revanche, vous ne voulez pas taxer les superprofits. Cela a déjà été dit, le groupe Total a réalisé des bénéfices records. À cet égard, je vous invite à lire un article paru aujourd’hui dans lequel on apprend que cette entreprise n’a pas payé d’impôt sur les sociétés en France en 2020 et en 2021.
Quand allez-vous vous décider à agir et à taxer ceux qui profitent de la crise, à répartir les richesses entre les plus démunis et à aider les personnes qui en ont réellement besoin dans ce pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Jérôme Bascher. Cela vous rappelle votre jeunesse !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Ce débat est un débat de fond sur notre vision de la situation et de la société.
On peut continuer à parler de crise de la démocratie, de rejet des élites, à pleurer, et faire comme si l’on n’avait pas compris que tout cela est le produit d’une situation qui n’a eu de cesse de s’aggraver…
M. Jérôme Bascher. Sous Hollande !
M. Patrick Kanner. Sous Hollande, zéro inflation !
M. David Assouline. Si vous voulez, on peut remonter jusqu’à Sarkozy !
Aujourd’hui, la situation n’est plus tenable. Chacun sait que le travail ne permet pas de vivre dignement. Nous avons connu une période de chômage de masse, au cours de laquelle on s’entendait dire que si on avait un boulot, on pouvait s’estimer heureux. Cela pouvait s’entendre quand de nombreux jeunes ne trouvaient pas de travail.
Depuis, la situation s’est dégradée de plus en plus. On a joué avec le chômage, on a dit aux gens qu’ils ne pouvaient pas progresser, qu’ils ne pouvaient avoir des salaires plus élevés. Aujourd’hui, avec l’inflation, tout explose ! Les salaires étaient déjà faibles, ils le sont encore plus désormais. Autrefois, les gens n’avaient plus d’argent le 15 du mois ; aujourd’hui, c’est le 10 du mois. Ça va péter ! Je le dis pour ceux qui n’agissent que lorsque cela va péter, quand leurs intérêts et leurs profits sont en danger.
Nous, nous défendons les travailleurs.
M. Olivier Paccaud. Elle n’a pas voté pour vous, la France des travailleurs !
M. David Assouline. Mais vous pourriez comprendre qu’à un moment donné, la situation ne sera plus tenable pour vous non plus ni pour ceux que vous soutenez.
Ne pas avoir compris qu’il faut revaloriser les salaires pour encourager le travail – vous parlez de la « valeur travail » – est une faute majeure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. En 2019, nous étions réunis dans ce même hémicycle – Bruno Le Maire était déjà ministre de l’économie, et vous étiez secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, monsieur le ministre – pour examiner ce qui allait devenir la loi Pacte, dont la section 1 du chapitre III était intitulée : « Mieux partager la valeur » ! Vous nous aviez alors dit qu’on allait tout régler : participation, intéressement, actionnariat salarié, primes. Il était toutefois interdit de parler des salaires, c’était même has been. Nous étions alors en pleine crise des gilets jaunes. Trois ans plus tard, nous revoilà, et rien n’est réglé !
Évidemment, il y a eu depuis une crise économique, et les conditions sont aujourd’hui différentes. Mais si l’inflation continue à peser autant sur les ménages français, nous serons de nouveau obligés de revenir sur cette question et, que vous le vouliez ou non, il faudra en passer par l’augmentation des salaires.
Le salaire, on l’a dit, est constitué d’une part nette et d’une part brute. Les cotisations patronales sont des salaires différés, qui permettent de financer notre modèle social et la sécurité sociale, auxquels d’ailleurs vous voulez vous attaquer avec votre projet de grande sécurité sociale, qui n’a rien à voir avec la prime d’activité.
Vous donnez de la main gauche et vous reprenez de la main droite avec l’impôt ! Il faut que ce soit le capital, et donc le travail, qui rémunère ; il faut qu’il y ait un partage de la valeur…
Enfin, monsieur le ministre, depuis que je siège au Sénat, on m’explique que la loi fixe des orientations générales. Le problème de la prime Macron, c’est que seuls 16 % des salariés l’ont touchée, pour un montant moyen de 546 euros, loin du montant du plafond. Cela signifie que 84 % des salariés ne toucheront rien cette fois encore, même si vous doublez, triplez ou quadruplez le montant du plafond. Vous faites une loi pour une minorité et 22 millions de salariés sont privés d’augmentation et de salaire.
Je le répète : nous serons obligés de revenir sur cette question. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de vingt-sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 359 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Une prime de pouvoir d’achat socialisée est attribuée dans les conditions suivantes.
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
IV. – Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
V. – Alinéas 11 à 19
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Nous avons bien compris que le SMIC ne serait pas augmenté. À défaut, puisque vous persistez à prévoir des mesures discrétionnaires, comme ces primes réservées à une poignée de salariés, nous refusons qu’elles contribuent à la dégradation du financement de la sécurité sociale et, à terme, de la protection sociale de tous les Français.
Les cotisations sociales sont des salaires différés ; je l’ai dit précédemment. C’est pourquoi nous vous proposons de taxer les grands groupes profiteurs de crise pour financer les primes Macron aléatoires et discrétionnaires ou, à défaut, de resocialiser ces primes, qui ne bénéficient qu’à quelques-uns, afin qu’elles ne soient pas financées par la baisse des droits sociaux de tous.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 257 rectifié ter est présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Malhuret, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga et Capus, Mme Paoli-Gagin et M. Decool.
L’amendement n° 369 est présenté par M. Iacovelli.
L’amendement n° 381 rectifié est présenté par MM. Delcros et Mizzon, Mmes Saint-Pé et Vermeillet, MM. Henno, Laugier et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Cadic, Canévet et Kern, Mmes Loisier, de La Provôté, Férat, Vérien et Devésa, MM. Cigolotti, Le Nay, Prince, Duffourg, Détraigne, L. Hervé et Longeot, Mmes Perrot et Gatel, M. P. Martin et Mme Jacquemet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 1
1° Remplacer les mots :
La prime de pouvoir d’achat attribuée
par les mots :
Les primes de pouvoir d’achat attribuées
2° Remplacer le mot :
bénéficie
par le mot :
bénéficient
II. – Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
à la prime de pouvoir d’achat versée
par les mots :
aux primes de pouvoir d’achat versées
III. – Alinéa 3
1° Première phrase
Remplacer les mots :
cette prime
par les mots :
ces primes
2° Troisième phrase
Remplacer les mots :
la prime
par les mots :
les primes
3° Dernière phrase, au début
Remplacer les mots :
La prime ainsi versée bénéficie
par les mots :
Les primes ainsi versées bénéficient
IV. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
à la prime versée
par les mots :
aux primes versées
V. – Alinéa 5
1° Remplacer les mots :
à la prime
par les mots :
aux primes
2° Remplacer les mots :
cette prime remplit
par les mots :
ces primes remplissent
VI. – Alinéa 6
1° Remplacer les mots :
Elle bénéficie
par les mots :
Elles bénéficient
2° Remplacer les mots :
à la date de versement de cette prime, à la date de dépôt de l’accord mentionné au IV du présent article auprès de l’autorité compétente ou à la date de la signature de la décision unilatérale mentionnée
par les mots :
aux dates de versement de ces primes, à la date de dépôt des accords mentionnés au IV du présent article auprès de l’autorité compétente ou à la date de signature des décisions unilatérales mentionnées
VII. – Alinéa 7, première phrase, au début
Remplacer les mots :
Son montant peut
par les mots :
Ses montants peuvent
VIII. – Alinéa 8
Remplacer chaque occurrence des mots :
Elle ne peut
par les mots :
Elles ne peuvent
IX. – Alinéa 9, première phrase
Remplacer la première occurrence des mots :
de la
par les mots :
d’une
X. - Alinéa 10
Remplacer les mots :
de la
par les mots :
de chaque
XI. – Alinéa 11
1° Remplacer les mots :
La prime de pouvoir d’achat attribuée dans les conditions prévues aux II à IV du présent article est exonérée
par les mots :
Les primes de pouvoir d’achat attribuées dans les conditions prévues aux II à IV du présent article sont exonérées
2° Remplacer les mots :
son versement
par les mots :
leur versement
XII. - Alinéa 12
Remplacer les mots :
La prime
par les mots :
Les primes
XIII. - Alinéa 13
1° Remplacer les mots :
à la date de versement de la prime
par les mots :
aux dates de versement des primes
2° Remplacer les mots :
cette prime
par les mots :
ces primes
XIV. - Alinéa 17
1° Remplacer les mots :
la prime de pouvoir d’achat est versée aux salariés ayant perçu, au cours des douze mois précédant son versement
par les mots :
les primes de pouvoir d’achat sont versées aux salariés ayant perçu, au cours des douze mois précédant leurs versements
2° Remplacer les mots :
cette prime, exonérée dans les conditions prévues au V du présent article, est également exonérée
par les mots :
ces primes, exonérées dans les conditions prévues au V du présent article, sont également exonérées
XV. - Alinéa 18
Remplacer les mots :
La prime exonérée en application du premier alinéa du présent VI est incluse
par les mots :
Les primes exonérées en application du premier alinéa du présent VI sont incluses
XVI. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à XV, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 257 rectifié ter.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement tend à permettre d’attribuer plusieurs primes de partage de la valeur (PPV) chaque année, dans la limite du montant du plafond.
Actuellement, la PPV peut être versée en plusieurs tranches, mais elle ne peut être décidée qu’une fois l’an.
Si, d’ordinaire, la majorité des entreprises ont peu de visibilité sur la réalisation de leur chiffre d’affaires et sur leur situation financière en cours d’année, dans la conjoncture économique incertaine que nous connaissons, la prévision devient ardue. Elles sont donc contraintes soit de limiter le montant de la PPV à un montant le moins risqué possible, soit d’attendre la fin de la période d’attribution pour s’assurer de leur capacité à la verser.
Le mécanisme de la PPV pourrait être adapté pour permettre à l’employeur de verser une ou plusieurs PPV durant la période de référence, dans la limite du montant du plafond global de la PPV déjà fixé par la loi, en veillant à ne pas procéder à des versements mensuels assimilables à du salaire, afin de préserver le caractère exceptionnel de la prime.
Les salariés pourraient ainsi bénéficier de montants de prime plus élevés, dans la limite du plafond de la PPV, et se les verraient versés plus rapidement.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 369.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement, identique à celui qui vient d’être présenté, vise à permettre aux entreprises de verser la PPV en plusieurs fois par an. Le texte prévoit bien qu’elle puisse être versée en plusieurs tranches, mais son montant doit être fixé en une seule fois. Vu la conjoncture économique incertaine, nombre d’entreprises n’auront pas de visibilité sur leur chiffre d’affaires en cours d’année. Cela pourrait les amener à limiter le montant de la PPV ou à attendre, pour fixer ce montant, la fin de la période d’attribution afin de minimiser les risques.
Cet amendement a donc pour objet d’adapter le mécanisme de la PPV en permettant à l’employeur de verser une ou plusieurs primes durant la période de référence, dans la limite du plafond global fixé par le projet de loi. Cette adaptation permettrait aux salariés de bénéficier de primes plus élevées sans attendre la fin de la période.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 381 rectifié.
M. Olivier Henno. Cet amendement a été défendu. J’insiste sur l’esprit de souplesse du dispositif, notamment pour les toutes petites entreprises, afin de faciliter le versement de la prime.
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par M. Breuiller, Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéas 1, 2 (première phrase), 5, 9 (première phase), 11, 12, 13, 17 et 21 (première phrase)
Remplacer les mots :
prime de pouvoir d’achat
par les mots :
prime potentielle de pouvoir d’achat
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à renommer – pour bien la nommer – la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) prime « potentielle » de pouvoir d’achat. En effet, cette prime est versée au bon vouloir, et même au bon pouvoir des entreprises. En 2020, 5,2 millions de salariés en ont bénéficié ; en 2021, 3,3 millions ; en 2022, à ce jour, 1,8 million. Autrement dit, 22 millions de salariés en ont été exclus.
De plus, le triplement de la prime restera un effet d’annonce. Le montant autorisé jusqu’à présent était de 1 000 euros, et le montant moyen de la PEPA versé, de 2019 à cette année, est de 542 euros. Ce n’est pas en triplant le montant autorisé qu’on triplera le montant versé. Il s’agit là de pensée magique ou d’une simple mesure de communication. Est-ce pour les 5 % des bénéficiaires qui ont touché la prime maximale de 1 000 euros ? Ces 5 % sont déjà dans les secteurs où la rémunération est la plus forte, et dans les 38 % d’entreprises qui ont des accords d’intéressement. Monsieur le ministre, vous faites pleuvoir où c’est déjà mouillé !
Selon le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, cette prime devra donc s’appeler prime « potentielle »…
M. Philippe Mouiller. Elle l’a toujours été !
Mme Raymonde Poncet Monge. … de pouvoir d’achat. Elle aurait même pu s’appeler prime d’aggravation des inégalités de revenus entre les salariés !
M. le président. L’amendement n° 453, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1, 2, première phrase, 5, 9, première phrase, 11, 12, 13, 17 et 21
Remplacer les mots :
pouvoir d’achat
par les mots :
partage de la valeur
II. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
, et jusqu’au 31 décembre 2023 lorsqu’elle est versée par les entreprises de plus de cinquante salariés
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Cet amendement porte sur l’un des points de divergence que j’évoquais ce matin.
La commission des affaires sociales du Sénat a approuvé la reconduction d’une PEPA réservée aux salariés gagnant moins de trois SMIC jusqu’au 31 décembre 2023 et a souhaité limiter au 31 décembre 2023, pour les entreprises de plus de cinquante salariés, la possibilité d’octroyer une PPV, qui concerne l’intégralité des salariés, sans plafond de rémunération, et qui est soumise au régime fiscal et social de l’intéressement. Elle n’a pas fixé de limite dans le temps pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Le Gouvernement souhaite que ce dispositif nouveau de partage de la valeur puisse concerner toutes les entreprises, et ce au-delà du 31 décembre 2023.
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mme Lavarde, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Pour les entreprises qui mettent en œuvre ou qui ont conclu au titre du même exercice que celui du versement de la prime de pouvoir d’achat un dispositif d’intéressement en application du chapitre II du titre Ier du livre III de la troisième partie du code du travail, et sur option expresse et irrévocable de la personne mentionnée au II du présent article au moment du premier versement de la prime de pouvoir d’achat pour l’année civile en cours, la prime est versée sous la forme d’un supplément d’intéressement.
Par dérogation à l’article L. 3314-10 du code du travail, le versement de la prime de pouvoir d’achat sous la forme d’un supplément d’intéressement n’implique pas qu’ait été attribuée une prime d’intéressement au titre de l’exercice considéré. Les plafonds prévus à l’article L. 3314-8 du même code ne s’appliquent pas à la prime de pouvoir d’achat versée sous la forme d’un supplément d’intéressement.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement de la commission des finances vise à recentrer la PEPA, notamment pour qu’elle ne vienne pas phagocyter les dispositifs d’intéressement instaurés par le précédent gouvernement. Son objet est de laisser la possibilité aux salariés qui ne souhaiteraient pas bénéficier d’une prime en numéraire de verser le montant de la PEPA sur des dispositifs d’intéressement ou des plans d’épargne entreprise.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 100 rectifié bis est présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Menonville, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Chasseing, Verzelen, Médevielle, Guerriau, Grand et Decool.
L’amendement n° 404 est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile, Lemoyne et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 2 et 17
Remplacer la date :
1er août
par la date :
1er juillet
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 100 rectifié bis.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement vise à avancer la date à partir de laquelle il est possible de verser la PEPA. En effet, certaines entreprises l’ont versée au mois de juillet, dès les annonces du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 404.
M. Xavier Iacovelli. Parfois, les temporalités s’entremêlent : il arrive que des mesures soient déjà mises en œuvre entre le moment de leur annonce et celui de leur examen au Parlement, nos concitoyens se saisissant de propositions faites à l’échelon national avant que nous ayons eu le temps d’en délibérer.
Cet amendement a donc pour objet d’avancer au 1er juillet 2022 la date à partir de laquelle il est possible de verser la PPV dans les conditions prévues par l’article 1er. Le texte prévoit que cette prime pourrait être versée à partir du 1er août, mais un certain nombre d’entreprises l’ont déjà versée au mois de juillet, à la suite des annonces du Gouvernement et de la présentation du projet de loi. Nous souhaitons protéger les entreprises qui ont ainsi voulu soutenir le pouvoir d’achat et les salariés en bénéficiant.
M. le président. L’amendement n° 137, présenté par M. Henno, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, première phrase
Après le mot :
travail
insérer les mots :
et par les particuliers employeurs employant un salarié mentionné à l’article L. 7221-1 du code du travail ou un assistant maternel mentionné à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Cet amendement concerne l’emploi direct à domicile, soit 3,3 millions de particuliers et plus de 1,3 million de salariés. Ces quelque 5 millions de personnes constituent une véritable société civile organisée au service de l’intérêt général. Ce secteur constitue la réponse aux besoins de vie du quotidien et organise l’emploi de proximité qualifié et solidaire.
Or une ambiguïté subsiste quant à l’éligibilité des millions de salariés de particuliers employeurs à la PPV instituée par l’article 1er du projet de loi. L’emploi direct à domicile représentant une masse salariale nette de 8,2 milliards d’euros en 2020, cette éligibilité paraît indispensable, car elle correspondrait à un gain potentiel de pouvoir d’achat pour plusieurs millions de salariés sans qu’il en coûte davantage pour les finances publiques.
En conséquence, cet amendement a pour objet de s’assurer de l’éligibilité des particuliers employeurs à la PPV.
M. le président. L’amendement n° 322, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les employeurs mentionnés à l’article L. 3311-1 du code du travail ne peuvent attribuer la prime de partage de la valeur à leurs salariés qu’à condition d’avoir conclu pour le même exercice, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, un accord portant sur la revalorisation générale des salaires de l’entreprise.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. En encourageant les employeurs à recourir de plus en plus à des primes exceptionnelles exonérées, le Gouvernement leur permet de substituer l’octroi de primes à des hausses de salaire pérennes.
L’Insee a montré en 2020 que plus de la moitié de l’augmentation du salaire moyen par tête était imputable à la PEPA, dont 0,3 point de pur effet d’aubaine. Sans une telle mesure, la part concernée aurait donné lieu à cotisations, impôts, droits contributifs et augmentation pérenne du salaire.
L’Insee constate également que les salaires « progressent moins vite dans les entreprises ayant versé une prime que dans celles qui s’en abstiennent ». Cela est confirmé par l’étude d’impact, qui alerte sur le risque de freinage des revalorisations salariales que ferait courir l’adoption de tels dispositifs. Ceux-ci encouragent à augmenter la part variable et discrétionnaire du salaire et à comprimer la part fixe, qui facilite pourtant l’accès à des biens essentiels comme le logement.
Le Conseil d’État ne s’y est pas trompé : « […] la liberté de choix laissée à l’employeur dans la répartition de la “prime de partage de la valeur” […] ne permet pas de garantir qu’elle contribuera effectivement à la protection du pouvoir d’achat et, en particulier, qu’elle bénéficiera substantiellement aux plus bas salaires. » Ce sont les termes du Conseil d’État, et non simplement de la gauche de l’hémicycle… Or la lutte contre l’insécurité sociale résultant d’une inflation galopante devrait renforcer plutôt la résilience collective.
Après tant d’alertes, cet amendement a pour objet de conditionner l’exonération de la PPV à la conclusion d’un accord d’entreprise portant sur la revalorisation de l’ensemble de la grille des salaires.
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Après le mot :
utilisatrice
insérer les mots :
, aux apprentis liés par un contrat d’apprentissage au sens de l’article L. 6221-1 du code du travail, aux stagiaires liés avec l’entreprise par une convention au sens de l’article L. 124-1 du code de l’éducation
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. La PEPA est une bonne chose – je pense tout particulièrement au relèvement de son plafond jusqu’à 6 000 euros – dans le contexte de forte inflation et de tensions considérables sur le pouvoir d’achat que nous connaissons.
Si nous pensons fort justement aux salariés, aux ouvriers, à toutes celles et tous ceux qui ont des contrats dits classiques et qui entrent dans les critères de conditionnalité, il m’apparaît pourtant nécessaire – le constat est partagé par l’ensemble des signataires de cet amendement – de ne pas oublier certains travailleurs, notamment jeunes. Étant, vous le savez, chargée de l’association pour la gestion des assistants de sénateurs (AGAS), je suis particulièrement attachée à l’apprentissage.
La prime doit pouvoir bénéficier aux apprentis liés par un contrat d’apprentissage au sens du code du travail, mais aussi aux stagiaires liés à une entreprise par une convention régie par le code de l’éducation.
La prime n’est pas une obligation pour l’employeur, mais la désocialisation et la défiscalisation sont particulièrement incitatives. Je tiens à ce qu’elles le soient pour le plus grand nombre, afin de donner à l’employeur la possibilité de donner un coup de pouce au-delà du minimum légal qui est la plupart du temps prévu dans ces contrats.
C’est une manière de récompenser les efforts déployés. Nous devons y veiller, car c’est une question de justice sociale et un devoir commun que de soutenir nos jeunes, notre avenir.
M. le président. L’amendement n° 398 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Malhuret, Mme Dumont, MM. Guerriau, Bouchet et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Chasseing, Capus, Wattebled et Decool, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Après le mot :
achat
insérer les mots :
pour sa fraction supérieure à 2 000 euros
II. - Alinéa 16
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la prime de pouvoir d’achat est versée aux salariés ayant perçu, au cours des douze mois précédant son versement, une rémunération égale ou supérieure à trois fois la valeur annuelle dudit salaire minimum de croissance, cette exonération d’impôt sur le revenu ainsi que des contributions prévues à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, est applicable à cette prime pour sa fraction n’excédant pas 2 000 euros.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Ancrées dans les territoires, à taille humaine et proches de leurs salariés, les PME et les ETI se sont saisies ces derniers mois de l’urgence du pouvoir d’achat. Les revalorisations salariales, tous dispositifs confondus, s’élèvent, selon les secteurs et les tailles d’entreprise, de 5 % à 10 % en 2022.
Afin d’encourager cette mobilisation, notre amendement vise à leur permettre de verser une prime universelle exceptionnelle défiscalisée et désocialisée, allant jusqu’à 2 000 euros, à l’ensemble de leurs salariés, quel que soit leur niveau de rémunération. L’exonération du forfait social serait ainsi maintenue pour une première tranche de distribution allant jusqu’à 2 000 euros. Au-delà, le régime fiscal et social du dispositif pérenne de prime de pouvoir d’achat s’appliquerait.
Alors que deux tiers des ETI envisagent de verser une prime de pouvoir d’achat en 2022 et ont à cœur de préserver la cohésion du collectif en traitant équitablement l’ensemble de leurs salariés, la coexistence de deux régimes de primes suivant le niveau de rémunération et, singulièrement, l’assujettissement au forfait social d’une partie des primes, sont de nature à brider le recours à ce dispositif exceptionnel et à amputer les montants distribués. Dès lors, il convient de mieux calibrer le dispositif d’urgence pour en faire bénéficier l’ensemble des collaborateurs, dans la continuité de la PEPA.
Cet amendement vise donc à mettre en œuvre une prime universelle, défiscalisée et désocialisée, d’un montant maximum de 2 000 euros, à destination de l’ensemble des salariés des PME et des ETI, pour répondre aux problématiques de pouvoir d’achat dans un contexte économique inflationniste.
M. le président. L’amendement n° 251 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Malhuret, Wattebled, Verzelen, Moga et Capus et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
3 000 euros par bénéficiaire et par année civile
par les mots :
1 500 euros par bénéficiaire et par trimestre
II. – Alinéas 12 à 16
Supprimer ces alinéas.
III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement tend, d’une part, à permettre aux employeurs d’attribuer une prime défiscalisée de façon trimestrielle plutôt qu’annuelle et, d’autre part, à doubler son montant pour l’année. Cela permettra aux salariés d’avoir un budget plus en adéquation avec leurs besoins.
M. le président. L’amendement n° 149, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Après le mot :
civile
supprimer les mots :
, de toutes les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l’employeur ainsi que
II. – Alinéas 12 à 16
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 17
Remplacer les mots :
, exonérée dans les conditions prévues au V du présent article, est également
par le mot :
est
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Vous l’aurez compris, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste n’est pas favorable aux primes ; il soutient l’augmentation des salaires.
Et le fait que vous exonériez les primes de cotisations sociales est un problème supplémentaire à nos yeux. Alors que nous dénonçons régulièrement la multiplication des exonérations, qui grève le budget de la sécurité sociale, lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, vous en rajoutez une couche !
Vous objecterez sans doute, monsieur le ministre, que les exonérations seront compensées à l’euro près. Je me réjouis pour ma part qu’à l’Assemblée nationale, notre camarade Pierre Dharréville ait eu l’intelligence de déposer un amendement – et, fort heureusement, celui-ci a été adopté – pour que les compensations soient totalement financées par l’État, conformément d’ailleurs au code de la sécurité sociale.
Mais, dès lors que vous exonérez de cotisations sociales, c’est un manque à gagner. Vous le comblez avec de l’argent de l’État : c’est un double manque à gagner ! Ceux qui en pâtissent, ce sont les habitantes et les habitants de notre pays, car cela signifie des services publics en moins. Vous ne pouvez pas nous dire : « Circulez, il n’y a rien à voir » ! Clairement, il y aura de l’argent en moins pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyennes et de nos concitoyens parmi les plus précaires.
Il faut avoir conscience de la part de plus en plus grande prise par ces exonérations dans nos comptes publics. Nous avons déjà dénoncé le fait que, dans un projet de loi de plus de 18 milliards d’euros, il n’y a pas un centime de contributions de la part des entreprises. C’est vraiment lourd de sens.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Laurence Cohen. C’est un symbole qui ne fait pas honneur à notre assemblée.
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Canévet, Delahaye, Lafon, Longeot, Mizzon et Maurey, Mmes Billon et Saint-Pé, MM. Delcros, L. Hervé, Levi, Cadic, Bonnecarrère, Duffourg, Louault, Cigolotti, P. Martin, Kern et Moga, Mmes Jacquemet et Vermeillet, MM. Le Nay et Henno, Mmes de La Provôté et N. Goulet, MM. S. Demilly et Hingray et Mmes Vérien, Guidez, Férat et Devésa, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cette prime bénéficie des mêmes exonérations si le bénéficiaire affecte, dans un délai prévu par voie réglementaire, tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées à un plan d’épargne mentionné à l’article L. 3332-1 du code du travail ou à un plan d’épargne retraite d’entreprise mentionné à l’article L. 224-2 du code monétaire et financier.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cette PPV est un excellent dispositif, qu’il convient d’encourager. Il n’y a pas de raison que le partage de la valeur ne s’effectue pas dans les entreprises. Les actionnaires ne doivent pas être les seuls à en bénéficier. Il faut que les salariés en profitent également.
Toutefois, le défaut d’une telle prime est qu’elle sert uniquement à être dépensée tout de suite. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Laurence Cohen. C’est vrai que ses bénéficiaires ont déjà tellement d’argent…
M. Michel Canévet. Ceux qui ont envie de l’utiliser pour épargner doivent pouvoir le faire, à l’instar de ce qui existe pour les dispositifs traditionnels en entreprise, comme l’intéressement. Ceux qui veulent doivent pouvoir la convertir en épargne de longue durée, ce qui sert d’ailleurs au développement des entreprises dans notre pays.
Cet amendement a donc pour objet de laisser le libre choix au salarié d’affecter le produit de la PPV soit à la dépense immédiate soit au placement dans les dispositifs d’intéressement d’entreprise.
M. Philippe Folliot. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 90 rectifié ter, présenté par Mmes Imbert et Deseyne, M. Belin, Mmes Berthet et Belrhiti, MM. Burgoa, Sol, Bascher, Cambon, D. Laurent et Savary, Mme Estrosi Sassone, MM. C. Vial, Chatillon et Milon, Mme Micouleau, MM. Pointereau, Paccaud et Karoutchi, Mme Dumont, MM. Klinger et Darnaud, Mme Joseph, MM. Sautarel et Bonhomme, Mme Borchio Fontimp, MM. B. Fournier, Lefèvre et Rojouan, Mmes Ventalon, Gruny et Di Folco, MM. Cardoux, Charon et Cuypers, Mme Lassarade, MM. de Nicolaÿ et Mandelli, Mme Lavarde et M. Le Gleut, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La prime de partage de la valeur versée aux salariés intérimaires mis à disposition d’une entreprise utilisatrice est soumise au taux de la contribution applicable dans cette entreprise.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Le présent amendement vise à clarifier et sécuriser les conditions de l’assujettissement de la PPV au forfait social lorsqu’elle est versée aux salariés intérimaires mis à disposition d’entreprises utilisatrices. Elle doit est soumise au taux de contribution applicable à l’entreprise utilisatrice, et non à celui de l’entreprise de travail temporaire.
M. le président. L’amendement n° 151, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le bénéfice de cette exonération est réservé aux entreprises respectant un écart de 1 à 20 entre le salaire minimal et le salaire maximal versés au sein de l’entreprise.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous pouvons avoir un petit débat avec Michel Canévet… Pour moi, lorsqu’on est au SMIC et qu’on touche une prime de 546 euros, on ne se demande pas si on veut l’épargner ; on la dépense tout de suite, car c’est une nécessité.
Cet amendement de repli tend à réserver les exonérations aux entreprises qui respectent un écart de un à vingt entre les rémunérations les plus faibles et les plus élevées.
J’entends beaucoup dire dans ce débat que la France est le pays de l’OCDE qui taxe le plus fortement les entreprises. Oui, mais c’est aussi celui qui aide le plus le capital, avec 90 milliards d’euros d’exonération de cotisations chaque année, et 220 milliards d’euros d’aides directes ou indirectes aux entreprises hors covid-19. La France a donc un capitalisme libre, faussé et le mieux aidé au monde ; il faut le dire !
Nous sommes défavorables aux exonérations. Mais s’il doit y en avoir, nous souhaitons les conditionner au respect d’un écart de un à vingt dans les rémunérations. Dans les entreprises du CAC 40, l’écart moyen est de un à 239 SMIC ; chez Dassault, c’est de un à plus de 1 000 SMIC !
M. Christian Cambon. Dassault fait vivre 800 salariés…
M. David Assouline. Et alors ?
Mme Laurence Rossignol. Ce sont plutôt les 800 salariés qui le font vivre !
M. Christian Cambon. Ce n’est pas la peine de citer toujours les mêmes…
M. le président. L’amendement n° 152, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le bénéfice de cette exonération est soumis au lancement par l’entreprise pendant l’année civile en cours d’une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes comme prévu à l’article L. 2242-1 du code du travail.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Dans le même esprit que l’amendement qui vient d’être défendu par notre collègue Fabien Gay, nous proposons de conditionner l’exonération de cotisations sociales sur la PPV à une réduction des inégalités entre les femmes et les hommes. Puisque vous êtes pour les exonérations, mettons au moins des conditions !
Or je ne vous apprendrai rien en disant que, malgré les lois successives, l’égalité salariale n’est est toujours pas une réalité en France, tant s’en faut. Pour rappel, chaque jour, c’est comme si, dès seize heures à peu près, les femmes travaillaient gratuitement. Les causes sont bien connues : une sous-valorisation des métiers dits « féminins » et des sanctions qui ne sont pas assez dissuasives. L’index d’égalité professionnelle mis en place est très insuffisant, et il est d’ailleurs dénoncé par la majorité des syndicats. Nous savons que les métiers à plus bas salaires sont exercés par les femmes et que les familles monoparentales sont essentiellement composées de mères. Dans un texte sur le pouvoir d’achat, mes chers collègues, on aurait pu s’attendre à ce qu’une attention particulière soit portée à l’égalité salariale.
Mais j’ai l’impression que ce gouvernement, finalement, ressemble trait pour trait au précédent et que, malgré les belles promesses de changement, les femmes vont devoir encore attendre, souffrir et lutter.
Franchement, face à l’urgence et à la gravité de la situation, notre amendement est plutôt modéré, puisqu’il tend uniquement à instaurer comme condition au maintien des exonérations sociales de la PPV l’ouverture de négociations sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes tous les ans.
C’est tout de même la moindre des choses. J’espère que le Sénat votera au moins cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 153, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le bénéfice de cette exonération est soumis au respect par l’entreprise d’un quota maximum de 20 % d’emplois à temps partiel.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement, dans la continuité des amendements précédents, a pour objet d’ouvrir un débat sur la pertinence qu’il y aurait à soutenir financièrement des entreprises ayant un recours abusif aux contrats à temps partiel.
Il y a un risque d’effet d’aubaine, alors que les employés à temps partiel sont déjà frappés d’une double peine : moins d’heures, d’une part, et moins de salaire, d’autre part. Si certains souhaitent travailler à temps partiel ou en ont besoin, beaucoup subissent le temps partiel et n’en veulent pas. Cette précarité subie est particulièrement fréquente chez les femmes, titulaires de 80 % des emplois à temps partiel. Il est indispensable d’encourager les entreprises à recruter à temps complet et d’éviter de soutenir indirectement les entreprises qui recrutent majoritairement à temps partiel.
C’est pourquoi notre amendement vise à exclure du bénéfice des exonérations de cotisations sociales les entreprises où les contrats à temps partiel représentent plus de 20 % de la masse salariale totale.
M. le président. L’amendement n° 252 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Malhuret, Verzelen, Wattebled et Moga, Mme Paoli-Gagin et M. Capus, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 16
Après le mot :
applicables
insérer les mots :
aux entreprises de moins de cinquante salariés,
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement tend à créer pour les chefs d’entreprise employant moins de cinquante salariés la faculté de verser une PPV d’un montant allant jusqu’à 6 000 euros sans être contraints par la condition d’avoir mis en œuvre ou conclu un dispositif d’intéressement ou de participation.
En effet, l’article 1er du projet de loi prévoit de tripler le montant de la PPV par rapport à la PEPA, qui avait cours jusqu’au mois de mars 2022 et dont la PPV s’inspire.
Son montant peut aller jusqu’à 3 000 euros par bénéficiaire et par année, et jusqu’à 6 000 euros lorsque la PPV est versée par une entreprise qui met en œuvre un dispositif d’intéressement, par un organisme d’intérêt général ou, s’agissant des primes versées aux travailleurs handicapés, par un établissement ou un service d’aide par le travail.
De fait, de tels dispositifs restent compliqués à mettre en œuvre pour les entreprises de proximité, dont l’immense majorité comptent moins de cinquante salariés, notamment parce qu’ils engagent l’entreprise sur trois ans, dans un contexte où les bénéfices d’une année n ne sauraient être garantis pour l’année n+1 ni, a fortiori, pour l’année n+2.
Cet amendement s’inspire de l’esprit de l’article 4 de la loi de finances rectificative pour 2021, qui autorise les entreprises de moins de cinquante salariés à verser la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat jusqu’à un montant de 2 000 euros, sans condition liée à la mise en œuvre d’un dispositif d’intéressement, au même titre que les associations et les fondations mentionnées aux a) et b) du 1° des articles 200 et 238 bis du code général des impôts.
M. le président. L’amendement n° 380 rectifié, présenté par MM. Delcros et Mizzon, Mmes Saint-Pé et Vermeillet, MM. A. Marc, Henno, Laugier et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Cadic, Chasseing et Canévet, Mme Guidez, M. Kern, Mmes Loisier et de La Provôté, M. Verzelen, Mmes Férat et Vérien, MM. Cigolotti, Le Nay, Moga, Prince, Duffourg, Détraigne, L. Hervé et Longeot, Mmes Perrot et Gatel, M. P. Martin, Mme Jacquemet et M. Wattebled, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les conditions prévues aux 1° et 2° ne sont également pas applicables aux entreprises de moins de dix salariés.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Cet amendement vise à supprimer pour les TPE la condition de mise en place d’un dispositif d’intéressement pour accéder à un montant de prime revalorisé à 6 000 euros.
En effet, l’obligation de conclure un accord d’intéressement peut représenter une contrainte administrative dissuasive pour ces très petites entreprises de moins de dix salariés, qui n’ont pas toujours de service des ressources humaines ou comptable, et dont les chefs d’entreprise doivent parfois dans le même temps assurer la présence sur les chantiers et effectuer toutes les démarches administratives.
Les TPE représentent 94 % des entreprises françaises, et il paraît opportun de lever ce frein à l’attribution de la PPV, pour que celle-ci bénéficie au maximum de salariés.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mme Lavarde, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
ayant perçu, au cours des douze mois précédant son versement, une rémunération inférieure à trois fois la valeur annuelle du salaire minimum de croissance correspondant à la durée de travail prévue au contrat mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale,
par les mots :
déclarant, au cours de l’année de versement, un revenu imposable inférieur à trois fois la valeur annuelle du salaire minimum de croissance pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et un revenu imposable inférieur à six fois la valeur annuelle du salaire minimum de croissance pour les contribuables soumis à imposition commune,
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement vise à introduire de l’équité fiscale entre les bénéficiaires de la prime. Dans la rédaction actuelle, la défiscalisation est fonction uniquement des revenus de celui qui la perçoit sans tenir compte de ceux de l’ensemble du ménage, notamment dans le cas d’une déclaration commune.
Comme la défiscalisation est faite au moment de la déclaration d’impôts, l’amendement vise à ce que l’on tienne compte de l’ensemble des revenus du ménage tout en gardant les mêmes conditions de plafond.
Quand une personne déclare seule, le plafond sera à trois SMIC. Pour une déclaration faite à deux, il sera à six SMIC. Dans le régime actuel, si le bénéficiaire est juste en dessous de trois SMIC et que son conjoint gagne huit fois le SMIC, sa prime est défiscalisée alors que quelqu’un qui gagnerait 3,1 fois le SMIC verrait sa prime fiscalisée, même si son conjoint ne gagne que 1,2 SMIC.
M. le président. L’amendement n° 444, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer les mots :
des revenus définis
par les mots :
du revenu fiscal de référence défini
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Amendement de précision rédactionnelle.
M. le président. L’amendement n° 123, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. –Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Tenant compte des interventions précédentes, notre amendement vise à rétablir l’égalité entre les entreprises qui ont un accord d’intéressement et celles qui n’en ont pas, puisqu’il tend à supprimer le doublement de la prime en cas d’accord d’intéressement.
Les accords d’intéressement sont un outil qui lie les salariés à la performance et, souvent, à la rentabilité de l’entreprise. Mais la hausse des bénéfices de l’entreprise doit permettre une augmentation des salaires, de la même manière qu’elle aboutit actuellement à une augmentation spectaculaire et continue de la rémunération des P-DG.
En 2021, selon les calculs de la plateforme Scalens, la rémunération moyenne des PDG du CAC 40 a bondi de 8,7 millions d’euros, après 4,5 millions d’euros en 2020. Où en sont les augmentations de salaires des employés ?
Selon l’Insee, au mois de décembre 2021, le taux de marge des entreprises s’est envolé aux alentours de 36 %, son plus haut niveau depuis 1949. Cette augmentation n’est pas le fruit du hasard. Elle a été permise par la décorrélation, dans les années 1980, entre les salaires et l’inflation, qui a eu pour conséquence une forte diminution de la part des salaires dans le PIB, tandis que les taux de marge des entreprises ne cessent, eux, d’atteindre des records chaque année.
Car il s’agit bien du partage des richesses créées. La compression de la part de rémunération du travail alimente de facto l’augmentation des taux de marge.
L’intéressement ne doit pas devenir, au détriment du salaire, l’outil principal de restitution aux salariés de la valeur qu’ils ont contribué à créer.
Nous proposons donc de supprimer le doublement de l’intéressement, qui concerne d’ailleurs seulement 38 % des entreprises et qui ne répond pas aux objectifs induits par l’intitulé du projet de loi : faire face à l’urgence causée par l’inflation.
M. le président. L’amendement n° 250 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Malhuret, Wattebled, Verzelen, Moga et Capus et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le versement de la prime de partage de la valeur à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne salariale mentionné à l’article L. 221-1 du code monétaire et financier ou d’un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif mentionné aux articles L. 224-1 et suivants du même code, donne droit aux exonérations prévues au chapitre V du titre Ier du livre III du code du travail.
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement tend à permettre aux salariés qui en émettent le souhait de verser leur PPV sur leur plan d’épargne salariale pour acquérir un logement ou faire face à des besoins futurs.
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Levi, Mme Demas, MM. Chasseing et Capus, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Decool, Guerriau, Hingray, Folliot, de Nicolaÿ, Houpert et Lévrier, Mme F. Gerbaud, MM. A. Marc, Sautarel, Malhuret et Verzelen, Mme Vermeillet et MM. Longeot et Menonville, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Cette prime est également exonérée d’impôt sur le revenu, ainsi que des contributions prévues à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, sans condition de ressources, si le bénéficiaire affecte, dans un délai prévu par voie réglementaire, tout ou partie des sommes qui lui sont attribuées par l’entreprise au titre de la prime de partage de la valeur à un plan d’épargne mentionné à l’article L. 3332-1 du code du travail ou à un plan d’épargne entreprise mentionné à l’article L. 224-1 du code monétaire et financier.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. La PEPA va permettre l’amélioration du pouvoir d’achat de nombreux salariés. Cependant, puisque les conditions de versement de cette prime sont particulièrement intéressantes, il est à craindre que le flux de ces primes ne tarisse les dispositifs existants d’épargne salariale. Un tel effet de bord contreviendrait à la volonté affichée par le Gouvernement de promouvoir et développer ceux-ci, au premier rang desquels l’intéressement.
En effet, la PEPA, comme les dispositifs d’épargne salariale, n’a vocation à se substituer à aucun élément de rémunération. L’épargne salariale demeure essentiellement financée par les flux versés par l’entreprise : participation, intéressement, abondement. Ses frais sont pris en charge par l’entreprise et elle constitue pour de nombreux salariés leur seule épargne financière. C’est une épargne majoritairement investie en actions et obligations privées, qui finance les entreprises. Cette tendance a été accentuée par la loi Pacte, qui a fléché une part des investissements vers les fonds dits PEA-PME.
En instaurant la PEPA, dont les caractéristiques font référence au cadre légal de l’épargne salariale, le Gouvernement introduit une concurrence avec la prime d’intéressement et prend le risque d’une éviction de l’intéressement au profit de cette nouvelle prime, ce qui pénalisera le financement de l’économie productive. La PEPA favorise le court terme et la consommation de biens importés, alors que les dispositifs d’épargne salariale permettent le financement à long terme de nos entreprises.
C’est pourquoi cet amendement vise à exonérer d’impôts et de cotisations sociales tous les versements de la PEPA sur les dispositifs d’épargne salariale, et ce sans condition de rémunération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Pour gagner du temps, je vais rappeler la ligne qui a prévalu lorsque nous avons examiné ces différents amendements en commission.
Nous avons d’abord souhaité que la prime reste simple, qu’elle ne se substitue ni aux salaires ni aux outils classiques de partage de la valeur que sont l’intéressement et la participation, qu’elle conserve un avantage fiscal et social et qu’elle ait un effet d’immédiateté, puisque nous examinons un texte sur le pouvoir d’achat. Ne perdons pas de vue, enfin, que nous visons l’intérêt du salarié, avec une valorisation de l’intéressement.
Évitons, mes chers collègues, d’appeler cette prime « prime Macron » : elle n’est pas versée par le Gouvernement, et encore moins par le Président de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’amendement n° 359 rectifié, qui vise à supprimer toutes les exonérations liées à la prime, est contraire à notre philosophie. Avis défavorable.
Comme je l’ai indiqué en commission, je demande à leurs auteurs de retirer les amendements identiques nos 257 rectifié ter, 369 et 381 rectifié, qui ont pour objet d’autoriser l’attribution de la prime en plusieurs fois dans une année, au profit de l’amendement n° 99 rectifié bis, qui est plus précis. En effet, s’il est intéressant de prévoir l’attribution de la prime en plusieurs fois, ce « plusieurs fois » peut être « beaucoup de fois ». La solution que je soutiens vise donc à prévoir que la prime ne puisse être attribuée qu’à deux reprises.
L’amendement n° 114, qui tend à modifier le nom de la prime, m’est apparu bien mignon, mais l’avis est défavorable. Une fois que la prime sera versée, elle sera effective, et non plus potentielle. Je le dis en espérant évidemment que de nombreux salariés la toucheront…
Avec l’amendement n° 453, le Gouvernement revient sur notre proposition de ne pas octroyer de caractère pérenne à la prime pour les entreprises de plus de quarante-neuf salariés. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, c’est un point d’achoppement entre nous. Avis défavorable.
L’amendement n° 22 tend à permettre le versement de la prime sous forme de supplément d’intéressement. Cela contrevient au principe de liquidités, qui me semble important pour le pouvoir d’achat des Français. Avis défavorable.
Avis favorable en revanche sur les amendements nos 100 rectifié bis et 404, qui visent à anticiper la date à laquelle la prime peut être versée au 1er juillet. Effectivement, certaines entreprises ont déjà versé cette prime, qui, je le rappelle, est effective au 1er août dans le texte. Ce sont – je me permets tout de même de vous le dire, monsieur le ministre – les effets d’annonce du Président de la République et des membres du Gouvernement qui nous mettent dans la difficulté et obligent à ce que les textes rattrapent la réalité. Cela étant, comme je suis bien aimable, j’émets un avis favorable… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’amendement n° 137 a pour objet d’étendre la faculté de verser la prime aux particuliers employeurs. C’est effectivement une question que nous nous sommes posée, puisque l’on peut imaginer que des particuliers employeurs souhaitent attribuer une prime sur ce modèle-là. Dès lors, monsieur le ministre, nous souhaiterions vous entendre – j’allais presque dire « recueillir votre avis » – sur le sujet, car rien n’est indiqué explicitement dans le projet de loi. Cette prime peut-elle être versée par les particuliers employeurs à destination de leurs salariés ?
L’amendement n° 322 vise à conditionner la possibilité de verser la prime à la conclusion d’un accord portant sur la revalorisation générale des salaires de l’entreprise. Cela pénaliserait les salariés travaillant dans des entreprises dont les dirigeants n’entreraient pas dans cette logique. Avis défavorable.
Je traiterai l’amendement n° 34 rectifié, qui a pour objet d’étendre le bénéfice de la prime aux apprentis et aux stagiaires, en deux parties. Je considère que le stagiaire est présent dans l’entreprise au titre d’une formation, plus qu’en vertu d’un financement. Cela me pousse à extraire ce public du périmètre de l’amendement. Je laisse M. le ministre évoquer la question des apprentis, mais nous l’avons abordée en préparation de cette séance ; a priori, il me semble qu’ils entrent bien dans le dispositif. Sous réserve des explications fournies par M. le ministre, j’émets donc une demande de retrait.
Je vois peu l’intérêt de l’amendement n° 398 rectifié bis, dont les auteurs proposent une exonération d’impôts et de cotisations sociales sur la prime à hauteur de 2 000 euros, soit moins que le plafond de 3 000 euros prévu par le texte. Avis défavorable.
L’amendement n° 251 rectifié bis tend à plafonner la prime à 1 500 euros par trimestre sans condition, ce qui porterait le plafond annuel à 6 000 euros. Je rappelle, comme beaucoup d’entre nous l’ont souligné, que ce plafond est tout de même un leurre et qu’il faut éviter d’avoir trop d’amendements y faisant référence. Cela laisserait penser que la prime pourrait aller jusqu’à 6 000 euros. Or je doute que les salariés soient nombreux à toucher un tel montant. Dans le cas présent, on a donc une hausse du plafond, contrevenant au principe – important dans le cadre de ce dispositif – d’incitation en faveur de l’intéressement. Pour ces raisons, l’avis est défavorable.
L’amendement n° 149 vise à supprimer les exonérations de cotisations sociales liées au versement de la prime. Comme je l’ai déjà indiqué, l’intérêt de celle-ci repose précisément sur la défiscalisation. Avis défavorable.
L’amendement n° 42 rectifié, dont l’objet est de rendre possible le versement de la prime sur un plan d’épargne entreprise, contrevient au principe de liquidités inhérent à ce projet de loi sur le pouvoir d’achat. Avis défavorable.
L’amendement n° 90 rectifié ter vise à soumettre les entreprises de travail temporaire au forfait social au titre de la prime en fonction de leur effectif permanent. J’y suis favorable. Toutefois, nous avons très peu abordé la question des entreprises de travail temporaire. M. le ministre aura donc peut-être des éclaircissements à nous apporter à cet égard.
L’amendement n° 151, qui a pour objet de limiter l’exonération de cotisations sociales liée au versement de la prime aux entreprises ayant un écart de rémunération maximal de un à vingt, contrevient, lui aussi, aux principes du texte, et son adoption pénaliserait les salariés. Avis défavorable.
L’amendement n° 152 tend à subordonner l’exonération de cotisations sociales liée au versement de la prime au lancement par l’entreprise, pendant l’année civile en cours, d’une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. À nouveau, cela risque de pénaliser les salariés dont l’employeur serait peu vertueux en la matière. Avis défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 153 souhaitent conditionner l’exonération de cotisations sociales liées au versement de la prime au respect d’un quota maximal de 20 % de salariés à temps partiel par l’entreprise. Le principe est le même et la conséquence pourrait être une pénalisation des salariés ayant des employeurs peu vertueux. Avis défavorable.
L’amendement n° 252 rectifié bis, relatif à un plafond de prime de 6 000 euros sans condition pour les entreprises de moins de 50 salariés, va totalement à l’encontre du dispositif prévu, pour l’intéressement, dans cet article. Avis défavorable.
L’amendement n° 380 rectifié, prévoyant un plafond de 6 000 euros sans condition pour les entreprises de moins de dix salariés, contrevient tout autant au principe arrêté pour l’intéressement. Avis défavorable.
L’amendement n° 23 vise à une conjugalisation – après « déconjugalisation », voilà qu’il nous faut apprendre le mot « conjugalisation »… – de l’exonération d’impôt sur le revenu au titre de la prime. Il s’agit d’un amendement « pur » au regard des principes régissant l’impôt sur le revenu, mais cela complique le dispositif. Avis défavorable.
L’amendement n° 123 a pour objet de supprimer la limite d’exonération d’impôt sur le revenu de 6 000 euros en cas de cumul de l’ancienne prime de pouvoir d’achat et de la prime définie dans le présent projet de loi. Je pense vous sauver, madame Poncet Monge, en émettant un avis défavorable sur cet amendement, car il ne me semble pas aller dans le sens que vous souhaitez. Alors que le cumul des primes sur la même année ne peut pas aller au-delà de 6 000 euros, vous proposez de le déplafonner, considérant, donc, que l’on peut dépasser ce seuil. Il y a là, je crois, une erreur d’interprétation.
L’amendement n° 250 rectifié bis vise à exonérer la prime de diverses impositions et contributions en cas de versement sur un compte d’épargne, ce qui revient à nuire à sa disponibilité. Avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 101 rectifié bis, pour la même raison.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Je commencerai par préciser l’état d’esprit qui a motivé les différents avis du Gouvernement.
Tout d’abord, nous sommes nous aussi très attachés au caractère liquide de la prime. En conséquence, l’intégralité des amendements visant à permettre ou faciliter son versement directement sur des plans d’épargne entreprise, des plans d’épargne retraite, ou encore à autoriser des versements sous forme de fraction d’intéressement, et non de liquidités, recueilleront un avis défavorable.
Par ailleurs, nous sommes aussi attachés à respecter une méthode en matière de versement. Celle-ci consiste à prévoir une prime par an, avec la possibilité d’un versement fractionné. À ce titre, nous partageons pleinement un amendement adopté par la commission sur l’initiative de Mme Lavarde tendant à limiter à quatre le nombre de versements possibles pour une même prime. Cela permet d’éviter la mensualisation, et donc un effet de substitution entre prime et salaire, tout en facilitant le versement de cette prime par des entreprises qui, au moment de la décision, auraient moins de trésorerie à leur disposition.
Enfin, nous sommes attachés à une attribution de la prime en fonction des conditions prévues par le texte, c’est-à-dire la nécessité d’un accord d’intéressement au-delà de 3 000 euros.
À l’attention de celles et ceux qui défendent la suppression d’une telle condition, je rappellerai que, jusqu’à présent, la prime était limitée à 1 000 euros sans accord d’intéressement et que le passage à un plafond de 2 000 euros était conditionné à un accord d’intéressement. Les partisans de la levée de cette condition – accord d’intéressement pour le plafond de 2 000 euros – sont donc, d’une certaine manière, satisfaits. Le développement des accords d’intéressement est pour nous tout à fait essentiel ; le maintien d’une conditionnalité en la matière permet justement d’avoir un effet levier sur ce développement.
Par ailleurs, nous ne souhaitons pas que des conditions particulières soient imposées pour le versement de la prime dans les entreprises.
Nous sommes favorables aux amendements qui tendent à fixer la date de début du dispositif au 1er juillet, d’autant que les textes de loi ayant encadré les primes exceptionnelles de pouvoir d’achat ont jusqu’à présent toujours prévu une date un peu antérieure, afin d’éviter qu’aucune structure ayant décidé de verser la prime ne soit sanctionnée. Mais, je le souligne aussi, nous avons toujours veillé à ce que les entreprises ayant besoin d’une vision précise de leur compte avant de prendre la décision puissent le faire, par exemple en autorisant le versement de la prime de 2021 jusqu’en mars 2022.
Madame Delattre, les apprentis sont éligibles à la prime ; c’est une garantie absolue. Ils ont effectivement un contrat de travail et tous les titulaires d’un contrat de travail sont éligibles. Cela vaut aussi, d’ailleurs, pour les travailleurs intervenant dans des structures ou entreprises adaptées, dès lors, j’y insiste, qu’ils disposent d’un contrat de travail. En l’absence de toute ambiguïté, je demanderai donc le retrait de l’amendement n° 34 rectifié. Je précise que les stagiaires ne sont pas concernés par le dispositif, puisqu’ils ne sont pas liés à l’entreprise par un contrat de travail.
Enfin, pour répondre, en particulier, à Mme Cohen, nous avons eu un débat à l’Assemblée nationale sur les compensations d’exonérations, et le député Pierre Dharréville a effectivement présenté un amendement sur le sujet. À cette occasion, j’ai pu rappeler que le principe de compensation prévu par la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite loi Veil, est respecté depuis 2019, la dernière opération non compensée ayant été l’exonération sur les heures supplémentaires. À la suite du Grand débat national, je m’étais engagé devant vous à ce que le Gouvernement ne présente plus au Parlement de mesures d’exonération sans compensation. L’absence de compensation de 2019 a donc été la dernière d’une longue série, puisqu’il a été dérogé à la loi Veil de 1994 à 14 reprises, toutes majorités confondues.
Il faut préciser – je le dis pour vous rassurer, madame Cohen, comme je l’ai indiqué à M. Dharréville – que cette loi fonctionne selon un principe d’a contrario. Pour qu’il n’y ait pas de compensation, il faut donc que le Gouvernement inscrive explicitement dans le texte qu’il déroge au principe de compensation, ce que nous avions fait voilà trois ans s’agissant des heures supplémentaires. Dès lors que rien ne figure dans le texte, la compensation est automatique, puisque prévue par la loi.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 359 rectifié, qui vise à supprimer les exonérations de cotisations.
Avis défavorable également sur les amendements identiques nos 257 rectifié ter, 369 et 381 rectifié, qui tendent à autoriser le versement de plusieurs primes dans l’année. Nous considérons qu’il s’agit d’une prime exceptionnelle ne devant être versée qu’une seule fois.
Avis défavorable sur l’amendement n° 114.
Je maintiens évidemment l’amendement n° 453 du Gouvernement, malgré l’avis défavorable de Mme la rapporteure. C’est l’un des points de divergence que j’ai mentionnés à deux reprises.
Avis défavorable sur l’amendement n° 22. Il est question de versement sous forme d’intéressement. Selon nous, les deux dispositifs doivent être distincts.
En revanche, l’avis est favorable sur les amendements identiques nos 100 rectifié bis et 404, qui visent à modifier la date d’entrée en vigueur.
Mme la rapporteure a sollicité l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 137. Cet avis est défavorable, pour trois raisons. D’abord, nous traitons d’une prime de partage de la valeur : dès lors que l’amendement concerne les particuliers employeurs dans une relation avec des salariés à domicile, cette notion de partage de la valeur perd un peu de sens. Ensuite, nous reconduisons le principe retenu en 2019 – peut-être le contesterez-vous… – pour la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, qui n’a jamais été ouverte aux particuliers employeurs. Enfin, ces derniers bénéficient d’un crédit d’impôt égal à 50 % de l’intégralité des sommes versées à leurs salariés à domicile ; ajouter à cet avantage des exonérations, comme proposé ici, leur serait extrêmement favorable.
Avis défavorable sur l’amendement n° 322.
Comme je l’ai indiqué, je considère l’amendement n° 34 rectifié comme satisfait sur le volet apprentis. J’en demande donc le retrait, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Avis défavorable sur l’amendement n° 398 rectifié bis, tendant à porter le seuil à 2 000 euros, sur l’amendement n° 251 rectifié bis, dont l’objet est d’autoriser le versement de plusieurs primes dans l’année, et sur l’amendement n° 149, relatif à une modification du plafond.
Avis défavorable sur l’amendement n° 42 rectifié, pour les mêmes raisons que la commission.
Les auteurs de l’amendement n° 90 rectifié ter proposent d’appliquer les taux de l’entreprise utilisatrice plutôt que ceux de l’entreprise de travail temporaire. Or l’intégralité des exonérations de cotisations – calcul de crédit d’impôt, dispositif d’intervention de l’État, etc. – concernant les travailleurs intérimaires a toujours été fondée sur la taille et la situation de l’entreprise de travail temporaire. Ouvrir une brèche à l’occasion de cette prime de partage de la valeur conduirait à réinterroger les modalités de calcul de l’intégralité des dispositions, non plus en fonction de l’entreprise de travail temporaire, mais en fonction de l’entreprise utilisatrice. Avis défavorable.
Avis défavorable sur les amendements nos 151, 152 et 153, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure, ainsi que sur les amendements nos 252 rectifié bis et 380 rectifié, tous deux concernant une suppression de condition d’intéressement.
Je partage l’avis de Mme la rapporteure s’agissant de l’amendement n° 23. Nous ne savons pas faire ce qui est proposé sur le plan opérationnel, y compris, d’ailleurs, en termes de transmission d’informations. Même si l’intention peut être partagée, nous ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre un tel dispositif. Avis défavorable.
Avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 444 de Mme le rapporteur.
Avis défavorable sur les amendements nos 123, 250 rectifié bis et 101 rectifié bis, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission sur l’amendement n° 137 ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Mon explication de vote concerne l’amendement n° 359 rectifié, déposé par ma collègue Monique Lubin et l’ensemble de mon groupe. Elle me permettra d’exprimer notre point de vue sur les autres amendements.
Notre amendement tend à soumettre à cotisations sociales la fameuse prime. À ce propos, madame la rapporteure, vous trouvez l’expression « prime Macron » abusive. Certes. Mais, pour moi, celle de « prime de partage de la valeur » l’est aussi, bien que différemment ; le partage n’est pas garanti dans cette affaire… Il me semble qu’on aurait pu appeler cette prime : « libéralité exonérée de cotisations sociales et n’ouvrant aucun droit, ni à la retraite complémentaire, ni à la retraite de base, ni au chômage ». C’eût été un peu long, mais on aurait bien trouvé un acronyme ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
En tout cas, cette nouvelle prime, prolongation et extension en volume de la précédente, est un coup de pelleteuse supplémentaire dans notre dispositif de protection sociale et, plus largement, dans l’histoire de la protection sociale en France.
L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, selon lequel toute somme versée en contrepartie ou à l’occasion du travail donne lieu à cotisations sociales, est le fondement même du droit du travail et du droit de la sécurité sociale. Il a été instauré pour que, justement, les employeurs soumettent bien toutes les sommes versées à cotisations de sécurité sociale, qu’ils ne donnent pas des gages ou ne concluent pas de petits arrangements avec les salariés pour échapper à notre dispositif collectif de solidarité.
Avec cette mesure, le Gouvernement vient donner, une fois de plus, un coup dans l’édifice. J’en comprends bien la logique : à la fois exonérer autant que possible le travail de sa contribution à la protection sociale et réduire le salaire des salariés, sachant que le salaire se compose du salaire de base et du salaire différé.
Il va falloir aussi que vous expliquiez, monsieur le ministre, que tous les salariés ne seront pas, tant s’en faut, concernés, que le versement de ces sommes dépendra du bon vouloir de l’employeur et que celles-ci n’ouvriront aucun droit.
Nous pensons qu’un tel système n’est pas réformable. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur l’ensemble des amendements, même si je comprends que mes collègues aient tenté de faire mieux avec ce qui n’était pas terrible ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous le voyons bien avec cet article : ce sont deux logiques, deux projets de société complètement différents, qui s’affrontent.
Au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, malgré notre désaccord profond sur la logique de primes avec exonérations, nous avons tout de même essayé d’atténuer les conséquences, notamment en travaillant sur la mise en place de conditionnalités. Je suis extrêmement choquée de voir que ni la majorité sénatoriale ni le Gouvernement ne sont particulièrement dérangés par le fait d’accorder un certain nombre d’« avantages » – le terme est minimaliste – sans aucune contrepartie, c’est-à-dire au bon vouloir des entreprises et sans condition aucune.
Nous sommes une majorité à avoir exercé ou à exercer encore d’autres mandats, notamment à l’échelon local, dans un conseil municipal, départemental ou régional. Jamais à ma connaissance – j’ai été moi-même longtemps conseillère régionale –, nous n’avons accordé d’aides aux entreprises sans conditionnalités. J’ai l’expérience de l’Île-de-France, mais cela vaut pour toutes les régions. Mais, aujourd’hui, aucun problème ! Et quand on tente de limiter un peu la casse, comme c’est le cas avec l’amendement qui nous tient à cœur sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, quand on cherche à mettre quelques conditions, on nous répond que l’on va brimer – j’ai entendu Mme la rapporteure – et désavantager les salariés.
Mais, mes chers collègues, comme le dirait Cathy Apourceau-Poly, si vous ne voulez pas désavantager les salariés, augmentez le SMIC ! Augmentez les salaires ! C’est la meilleure solution !
Je suis, pour ma part, très choquée par un tel laxisme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Je souhaite dire un mot sur l’amendement n° 153, qui tend à exclure du bénéfice des exonérations de cotisations sociales les entreprises dans lesquelles les contrats à temps partiel dépassent 20 % de la masse salariale totale. Vous l’avez bien compris, mes chers collègues, cet amendement vise à encourager à recruter à temps complet.
Je crois en effet que nous ne vivons pas tous dans le même monde. Peut-être certaines personnes sont-elles aujourd’hui intéressées par le temps partiel, mais j’en connais aussi beaucoup qui, lorsqu’on leur propose un contrat à temps partiel, calculent pour savoir si cela vaut le coup, pour elles, d’aller travailler ou pas.
Il faudrait un jour en discuter clairement tous ensemble. Il faudrait un véritable débat sur le sujet. Les gens ont besoin d’un temps complet ; c’est normal qu’ils puissent en avoir un ! C’est un devoir de la France vis-à-vis d’eux !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Mon amendement n° 34 rectifié a fait l’objet d’une double demande de retrait. Je comprends parfaitement les explications données par Mme le rapporteur sur la différenciation entre apprentis et stagiaires. J’accepte sa remarque. Ma demande la plus importante, celle qui concerne les apprentis, étant satisfaite, je veux bien retirer mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié est retiré.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Christine Lavarde, rapporteur pour avis de la commission des finances. Quand on oppose l’argument de la complexité à mon amendement n° 23, je me dis qu’il est heureux qu’une nouvelle mesure ait été trouvée pour le soutien au carburant ! Le texte initial du Gouvernement contenait tout de même une usine à gaz du même acabit !
J’ai un regret. Avec cet amendement, on aurait pu avoir une véritable mesure en faveur du pouvoir d’achat pour des ménages dans lesquels le salarié aisé gagne 3,1 SMIC, à travers une défiscalisation de la prime pour l’ensemble du ménage.
J’en viens à mon amendement n° 22. J’entends l’argument de Mme le rapporteur, qui reproche une absence de liquidités alors que nous sommes sur l’idée d’une prime de pouvoir d’achat. Mais M. le ministre, lui, parle d’une prime de partage de la valeur. J’ai expliqué ce matin à la tribune que nous étions actuellement dans un choc d’offre et que la mise à disposition de liquidités sur le marché venait entretenir l’inflation.
Ce que j’essaie de dire ici, c’est qu’en permettant à certains bénéficiaires de la prime n’ayant pas un besoin immédiat de liquidités de l’investir en complément d’intéressement, on préserve leur pouvoir d’achat sur le long terme. En effet, dans un contexte d’inflation, il est beaucoup plus protecteur de placer l’argent sur des produits d’épargne plutôt que de le garder sur un compte courant. Je peine donc à comprendre l’avis défavorable du Gouvernement.
Je retire donc l’amendement n° 23, mais je maintiens l’amendement n° 22 : si la position de la commission me paraît logique, je ne comprends pas celle de M. le ministre.
M. le président. L’amendement n° 23 est retiré.
La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’ai bien écouté la présentation de tous les amendements : on nous a proposé de pouvoir épargner, décaler le mois où l’on allait toucher la prime ou fractionner celle-ci en trois ou quatre versements. Cela étant, je rappelle que 84 % des salariés ne vont rien toucher. Vous pouvez décider de fractionner la prime en quatre versements… Quatre fois zéro, cela fait toujours zéro !
Je vous remercie, madame la rapporteure, des explications assez précises que vous avez données sur chaque amendement. À un moment, une phrase vous a échappé : « en espérant que les salariés touchent cette prime ». C’est presque un vœu pieux !
Je repose donc la question. Que faisons-nous pour les 84 % des salariés qui n’ont pas touché la prime ? Quelle solution leur proposons-nous ? Pour l’instant, le Gouvernement répond : « rien » !
En effet, monsieur le ministre, vous pouvez tripler le plafond. Je rappelle que 1 % des salariés seulement ont perçu les 1 000 euros. Je me souviens très bien de ce que le ministre Bruno Le Maire nous avait expliqué au sortir du confinement. Il nous avait dit qu’il allait falloir mettre le paquet sur la prime Macron là où il y avait de petits salaires, notamment de très bas, en particulier dans la grande distribution, où l’on trouve beaucoup de métiers féminins. Quand nous sommes retournés voir les ouvrières et les ouvriers, par exemple du secteur de la grande distribution, nous avons constaté que personne n’avait touché la prime à 1 000 euros. Personne ! D’après les explications qu’ils nous fournissent, tout a été très aléatoire.
Il y a donc un problème, et rien ne sera réglé avec cet article 1er. Que propose le Gouvernement pour les 84 % des salariés qui ne touchent rien ? On peut débattre de savoir s’il faut appeler cette prime « Macron » ou « partage de la valeur ». Mais 84 % des salariés continueront à ne pas la toucher ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. De nombreux amendements, divers et variés, ont été présentés. Pour ma part, mes chers collègues, je souhaiterais revenir sur la philosophie de la prime.
Comme l’a bien observé M. Gay, celle-ci touchera un nombre limité de personnes. Vouloir la parer d’une capacité à accroître le pouvoir d’achat des Français en général est donc un mensonge. Mais ce n’est pas une raison pour se priver de ce dispositif, qui n’est pas dépourvu de vertus !
Il faut voir d’où l’on vient, mes chers collègues : avant 2020 et la fameuse prime, qui, comme l’a très bien expliqué Frédérique Puissat, a été injustement, abusivement dénommée « Macron », il était possible d’octroyer des primes, mais dans le cadre de dispositifs très complexes. Le ministre Olivier Dussopt pourra peut-être nous le confirmer : avant 2020, lorsqu’une prime était accordée dans une entreprise ne disposant pas d’un plan d’intéressement ou de participation voulait accorder une prime de 1 000 euros, cela lui coûtait 1 820 euros. Dans ce cas, la prime bénéficiait non pas à 1 %, mais à 0,02 % des salariés : un taux parfaitement ridicule. La défiscalisation de cette prime permet donc à un nombre pas si ridicule que cela de salariés d’en bénéficier.
Voilà pourquoi je voterai ce dispositif, qui est positif, même s’il n’améliorera pas le pouvoir d’achat global des Français. Ne jetons pas la prime avec l’eau de la propagande médiatique gouvernementale ! Mais c’est tout de même mieux que rien !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Lorsqu’il s’agissait d’aller devant les électeurs, tout le monde voyait bien qu’il y avait un sujet majeur, pas seulement sur le pouvoir d’achat en général, mais bien sur les salaires.
La mesure phare du programme de Mme Valérie Pécresse – peut-être l’avez-vous déjà oublié… –, c’était 10 % d’augmentation des salaires ; pas des primes. Bien entendu, il y avait aussi la politique d’exonération et de réduction des impôts de production. Mais, globalement, c’est bien ce que vous avez défendu pendant des mois, chers collègues de la majorité sénatoriale, parce que vous ne pouviez pas dire autre chose devant les électeurs.
Or l’accord que vous êtes en train de passer avec le Gouvernement contrevient à l’idéologie que vous assénez régulièrement dans ce débat sur le travail : selon vous, ceux qui n’ont pas d’emploi, donc pas de salaire, et qui vivent des prestations sociales seraient des assistés. Et là, vous proposez de l’assistanat pour les salariés ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Qu’est-ce que la prime, mes chers collègues, sinon une aide ponctuelle, déconnectée du salaire, pour répondre à un problème de pouvoir d’achat ? Il s’agit en quelque sorte d’une aumône, comme d’autres l’ont souligné avant moi.
Je voudrais soulever une seconde contradiction. Vous êtes favorables à l’augmentation de l’âge de la retraite, car il n’y aurait pas assez d’argent dans les caisses. Mais avec ces primes, il y en aura encore moins ! En outre, les salariés vont devoir payer deux fois, puisque les primes n’entrent pas dans l’assiette des cotisations sociales et ne sont pas comptabilisées pour leur retraite.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Assouline.
M. David Assouline. Vous partagez cette injustice avec le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote sur l’amendement n° 137.
M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, j’entends votre argument sur la réduction d’impôt de 50 %, mais j’ai plus de mal avec celui concernant la création de valeur. Dès lors qu’il y a travail, même à domicile, il y a création de valeur. C’est l’essence même de la valeur.
Par ailleurs, vous avez dit à Mme Delattre que c’est le contrat de travail qui ouvrait droit à prime. Or les travailleurs à domicile ont eux aussi un contrat de travail.
J’aimerais quelques éléments d’éclairage sur ces contradictions, même si je ne me fais pas d’illusions démesurées sur le sort de mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, tout ce qui vient d’être dit ne s’applique pas forcément à nos territoires d’outre-mer. L’approvisionnement des Antilles en pétrole, par exemple, se fait à partir de la mer du Nord. On trouve pourtant du pétrole moins cher en Amérique du Sud, notamment dans les zones limitrophes de la Guyane. S’approvisionner sur place permettrait de réduire les coûts pour nos territoires.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 257 rectifié ter, 369 et 381 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage sur les amendements nos 100 rectifié bis et 404 ?
M. le président. Il s’agit donc des amendements identiques nos 100 rectifié ter et 404 rectifié.
Je les mets aux voix.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 398 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 251 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 252 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 250 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 443, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
du même code
par les mots :
du code du travail
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Pla et Bourgi, Mmes Espagnac et G. Jourda, M. Michau, Mme Monier et MM. Stanzione, Temal, Tissot et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après le mot :
rémunération
insérer les mots :
, en priorisant les salariés dont les revenus dans l’entreprise sont les plus modestes
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Le Gouvernement et la majorité sénatoriale n’ayant pas voulu augmenter le SMIC, cet amendement vise à compenser, par une surimposition des bénéfices des grands groupes, la perte de recettes pour la sécurité sociale et l’État qu’entraîne l’article 1er du projet de loi.
Si l’intention du Gouvernement d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés est louable, sa proposition crée un manque à gagner pour les organismes de sécurité sociale tant il est prouvé que ces dispositifs de prime et d’intéressement se substituent, de fait, dans un certain nombre d’entreprises, à la rémunération de base.
Or le Gouvernement ne propose pas de compenser ce manque à gagner, alors que la sécurité sociale a enregistré, en 2021, un déficit de 31,2 milliards d’euros.
À l’opposé de cette logique d’appauvrissement de la sécurité sociale, qui est malheureusement la première étape vers la dégradation des droits sociaux, les auteurs de cet amendement proposent de mettre à contribution les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros et ayant réalisé des superprofits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Le niveau de rémunération, à l’instar des autres critères, est un élément possible, mais non obligatoire, de modulation de la prime.
L’adoption de cet amendement, en rendant ce critère obligatoire, complexifierait le dispositif de versement. Pour ces raisons, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Je crains que M. Michau n’ait défendu un autre amendement que le n° 8 rectifié, qui n’a aucun rapport avec la taxation des superprofits… Avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 45 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer et D. Laurent, Mme Chauvin, M. Karoutchi, Mme M. Mercier, MM. Bonnus, Cadec, Chasseing, Bacci, Rapin et E. Blanc, Mme Imbert, M. Hingray, Mme Pluchet, MM. Daubresse et Babary, Mme Joseph, MM. Houpert, Bouchet, Klinger et Burgoa, Mmes Bellurot, Micouleau et Férat, M. de Legge, Mme Garnier, MM. Belin, Saury, J.M. Arnaud, Longeot et H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat et M. Somon.
L’amendement n° 249 rectifié ter est présenté par MM. Menonville, Médevielle et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Wattebled, Malhuret, Verzelen, Moga et Capus et Mme Paoli-Gagin.
L’amendement n° 373 rectifié bis est présenté par Mmes Billon, Dindar, Gacquerre et Létard et MM. Cigolotti, S. Demilly, Duffourg, Henno, Kern, Lafon et Le Nay.
L’amendement n° 382 rectifié est présenté par MM. Delcros et Mizzon, Mmes Saint-Pé et Vermeillet, MM. Laugier, Cadic et Canévet, Mmes Guidez, Loisier, de La Provôté et Vérien, MM. Prince, Détraigne et L. Hervé et Mmes Perrot, Gatel et Jacquemet.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7, première phrase
Après le mot :
écoulée
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
, de la durée de travail prévue par le contrat de travail mentionnée à la seconde phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ou de la performance individuelle des bénéficiaires.
La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié bis.
Mme Marie-Christine Chauvin. Cet amendement tend à ajouter un critère de performance individuelle aux quatre critères déjà prévus dans le projet de loi afin d’attribuer la prime de partage de la valeur de manière justifiée et différenciée, ce qui permettra de récompenser davantage les salariés les plus performants et investis au sein d’une même entreprise.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 249 rectifié ter.
M. Jean-Louis Lagourgue. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 373 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Cet amendement est cohérent avec le souhait exprimé par de nombreux orateurs en discussion générale de mieux rémunérer et valoriser le travail.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 382 rectifié.
M. Yves Détraigne. Cet amendement vise à permettre aux employeurs des TPE de bénéficier de plus de flexibilité quant au versement de la prime de partage de la valeur.
Le mode de fonctionnement des TPE est loin de celui des PME ou des grandes entreprises. Du fait du très petit nombre de salariés concernés, il semble opportun que le chef d’entreprise puisse individualiser le versement de la prime.
À ce titre, en intégrant le critère de performance individuelle aux quatre autres prévus par le texte, cette prime pourrait récompenser un ou plusieurs salariés en particulier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Même si je comprends l’enjeu, il existe d’autres outils, comme le salaire ou les primes de performance, par exemple, pour prendre en compte la performance individuelle.
Je crains de ne pas être suivie par la Haute Assemblée, mais j’émets un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le projet de loi retient déjà la classification, le niveau de rémunération, l’ancienneté et la durée de présence effective dans l’entreprise comme critères de modulation de la prime.
Les auteurs de ces amendements entendent faire de la performance individuelle un nouveau critère. Or il s’agit d’une prime de partage de la valeur, d’association des salariés à la richesse produite par l’entreprise, lorsque c’est possible, et non d’un outil de reconnaissance de la performance individuelle. Comme l’a souligné Mme le rapporteur, il existe déjà des primes de performance ou la modulation salariale.
Le Gouvernement souhaite conserver à ce dispositif son caractère premier : avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. J’entends les arguments de nos collègues, mais l’adoption de ces amendements viendrait encore complexifier le système, alors que nous nous plaignons déjà d’un accès insuffisant à la prime.
Nous voulons simplifier les démarches des entreprises. Je comprends la motivation des auteurs de ces amendements et l’importance de la notion de priorité, mais nous voulons faire en sorte que le plus grand nombre de salariés puissent bénéficier d’une prime. Ajoutons encore un critère à ceux déjà présents dans le texte et je peux vous assurer que la plupart des chefs d’entreprise laisseront ce dispositif dans un tiroir et que les résultats seront mauvais. Mes chers collègues, rendez-vous compte de ce que vous proposez ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 rectifié bis, 249 rectifié ter, 373 rectifié bis et 382 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Son montant est majoré pour les personnes bénéficiant d’un contrat d’insertion depuis moins de cinq ans.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Aux termes de l’alinéa 7 de l’article 1er, le montant de la prime de pouvoir d’achat peut différer selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de l’ancienneté dans l’entreprise, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou de la durée de travail prévue au contrat de travail, comme l’a souligné Philippe Mouiller.
Ces critères de modulation sont importants, puisqu’ils permettent d’adapter le dispositif de manière suffisamment fine en fonction de la situation du bénéficiaire et de son implication au sein de l’entreprise.
Comme vous le savez, j’ai soutenu l’ouverture de cette prime à d’autres types de contrats. Je pense que nous devons aller plus loin sur la question des personnes en situation d’insertion afin de valoriser au mieux leur parcours et leurs efforts.
L’objectif du Gouvernement, que nous partageons tous, est le plein emploi, lequel passe par des dispositifs incitatifs, notamment en faveur du retour à l’emploi.
Je veux saluer ici le formidable travail des maisons de l’emploi, des plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE) et de toutes les entreprises qui jouent le jeu de l’insertion, avec lesquels j’ai préparé cet amendement, qui vise à majorer la prime de pouvoir d’achat pour les personnes en insertion depuis moins de cinq ans. Ne manquons pas d’encourager ces personnes !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Comme vous, madame Delattre, je porte une attention très particulière aux structures d’insertion par l’activité économique. Je comprends la philosophie de cet amendement, mais le dispositif proposé est quelque peu compliqué : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 316, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le montant moyen de la prime de pouvoir d’achat accordé aux salariées de sexe féminin ne peut être inférieur à la moyenne du montant de la prime de pouvoir d’achat accordé à l’ensemble des salariés de sexe masculin de l’entreprise.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement, déposé par ma collègue Mélanie Vogel, vise à lutter contre les inégalités de genre au sein de l’entreprise.
Les femmes sont souvent dans une situation économique précaire, alors même que les métiers précarisés où elles sont majoritaires sont essentiels à notre société. Ces dynamiques sont bien documentées par les sciences humaines.
L’assignation des femmes à la sphère domestique et au travail non rémunéré participe largement du fait que, historiquement, les réseaux de pouvoir sont quasi exclusivement masculins et de ce que l’on appelle désormais le « plafond de verre ».
En outre, il existe un effet « plancher collant » selon lequel l’écart constaté des rémunérations à l’embauche suit la salariée au fil de son parcours professionnel – augmentations générales ou individuelles des salaires, promotions, montées en responsabilités…
Enfin, les trappes à temps partiel et à bas salaire, déjà évoquées, viennent encore accroître cet écart.
En l’absence de disposition spécifique, la prime mentionnée à l’article 1er ne remédiera pas aux inégalités de genres et risque même de les aggraver.
Ainsi, selon l’Insee, les femmes occupent 79 % des emplois à temps partiel – souvent subis –, 70 % des emplois à bas salaires et 59 % des emplois payés au SMIC, que l’on n’a pas voulu revaloriser.
L’Insee rappelle également que la charge des familles monoparentales incombe aux mères dans 82 % des cas. Leur situation étant souvent très précaire, la forte inflation des derniers mois renforce encore des situations de pauvreté.
Cet amendement vise donc à s’assurer que la prime de partage de la valeur n’aggrave pas, au sein des entreprises, les inégalités salariales selon le genre et à renforcer, de manière plus juste et égalitaire, le pouvoir d’achat des salariées concernées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à interdire de verser aux femmes un montant moyen de prime inférieur à celui des hommes.
L’adoption de cet amendement rigidifierait le dispositif, ce qui ne correspond pas à l’esprit de cette prime ni à celui qui a prévalu dans nos travaux : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.
J’ajoute que, si un employeur retenait le genre comme élément de modulation de la prime, dans un sens ou dans l’autre, ce serait illégal. Nous avons retenu quatre critères de modulation et le genre n’en fait pas partie.
M. le président. L’amendement n° 245 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Malhuret, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga et Capus, Mme Paoli-Gagin et M. Decool, est ainsi libellé :
Alinéa 8, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et supprimées avant l’attribution de la prime
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Tel que le texte est rédigé, un employeur ne pourrait jamais supprimer une prime, ce qui serait un non-sens.
Le présent amendement vise donc à laisser la substitution jouer, dès lors que l’élément de salaire est supprimé avant l’attribution de la prime de partage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Le dispositif proposé est assez compliqué. Il nous semble que cet amendement est satisfait en ce que la prime peut être versée ou non : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. L’objectif des auteurs de cet amendement ne correspond pas à la rédaction retenue.
Il suffirait, par exemple, qu’un employeur supprime un élément de rémunération sous forme de prime en février et attribue une prime de partage de la valeur en avril pour que joue l’effet de substitution que vous voulez éviter.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Lagourgue, l’amendement n° 245 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 245 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 9, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les conditions de modulation du niveau de la prime bénéficient aux salariés dont la rémunération dans l’entreprise est la moins élevée.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. L’un des axes de ce projet de loi pour le pouvoir d’achat concerne la protection du niveau de vie des Français.
Le ministre de l’économie a rappelé que notre priorité était de protéger économiquement les Français. Or, nous le savons bien, la hausse des prix frappe davantage nos concitoyens défavorisés et donc les bas salaires.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de prioriser le versement de la prime de partage de la valeur aux salariés dont les revenus sont les plus modestes, davantage exposés aux hausses de prix.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La prise en compte du niveau de rémunération figure déjà parmi les critères possibles, mais non obligatoires, de modulation de la prime.
L’adoption de cet amendement, qui vise à lui conférer un caractère obligatoire, viendrait complexifier le dispositif : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri Cabanel. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié est retiré.
L’amendement n° 89 rectifié ter, présenté par Mmes Imbert et Deseyne, M. Belin, Mmes Berthet et Belrhiti, MM. Burgoa, Sol, Bascher, Cambon, D. Laurent et Savary, Mme Estrosi Sassone, MM. Segouin, C. Vial, Chatillon et Milon, Mme Micouleau, MM. Pointereau, Paccaud et Karoutchi, Mme Dumont, MM. Klinger et Darnaud, Mme Joseph, MM. Sautarel et Bonhomme, Mme Borchio Fontimp, MM. B. Fournier, Lefèvre et Rojouan, Mmes Ventalon, Gruny et Di Folco, MM. Cardoux, Charon et Cuypers, Mme Lassarade, MM. de Nicolaÿ et Mandelli, Mme Lavarde et M. Le Gleut, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les salariés mis à disposition d’une entreprise utilisatrice bénéficient de la prime de partage de la valeur selon les seules conditions et modalités fixées par l’entreprise utilisatrice pour ses salariés, en application de l’article L. 1251-18 du code du travail. Si une entreprise de travail temporaire attribue la prime de partage de la valeur en application d’un accord ou d’une décision unilatérale mentionné au présent IV, seuls les salariés mentionnés au 1° de l’article L. 1251-54 du même code bénéficient de la prime selon les conditions et les modalités fixées par l’accord ou la décision unilatérale.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à préciser que la prime de partage versée par une entreprise de travail temporaire est réservée aux seuls salariés permanents de cette entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Monsieur le ministre a dit voilà quelques instants qu’il ne s’agissait pas d’un sujet, mais le travail intérimaire en est bien un à nos yeux.
Sans doute faut-il encore discuter de la meilleure manière de faire, mais prenons garde de ne pas générer de crispations sociales avec les entreprises de travail temporaire – ce n’est ni l’objectif du Gouvernement ni le nôtre.
Pour ces raisons, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Je comprends cet amendement, cohérent avec celui qui a été adopté précédemment, qui visait à verser la prime aux employés intérimaires en fonction des conditions de l’entreprise utilisatrice et non de l’entreprise de travail temporaire.
Vous proposez de réserver la prime versée par les entreprises de travail temporaire à leur personnel permanent et non aux intérimaires. Je reconnais votre logique, mais le Gouvernement y reste défavorable.
Ce n’est pas que nous n’y voyions pas un sujet, madame le rapporteur, mais toutes les conditions d’exonérations, de défiscalisation ou d’encadrement des dispositifs salariaux ou extra-salariaux des intérimaires sont calculées sur celles de l’entreprise de travail temporaire. Dès lors, ouvrir un système dérogatoire comme le Sénat vient de le faire nous semble constituer un précédent dangereux.
Comme l’a souligné Mme le rapporteur, nous aurons l’occasion, d’ici à la commission mixte paritaire ou à la nouvelle lecture, d’y revenir.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 150, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement de cohérence vise à supprimer le fractionnement de la prime de pouvoir d’achat.
Selon l’excellent rapport pour avis de la commission des finances, « il est expressément prévu que la prime de partage de la valeur ne puisse se substituer à aucun des éléments de rémunération, […] ces dispositions semblent toutefois davantage relever d’une déclaration d’intention dépourvue d’une réelle portée normative. Il serait par ailleurs impossible d’aller vérifier, à l’occasion de chacun des versements, que la prime respecte bien cette condition de non-substitution ». C’est en particulier vrai en cas de fractionnement et nous devons tenir compte de cet argument.
J’entends beaucoup qu’il faut alléger les contraintes des entreprises. Savez-vous combien de primes existent déjà ? Prime de partage de la valeur, dite prime Macron, prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, prime d’ancienneté, prime de treizième mois, prime pour les conditions de travail… Il doit exister six ou sept primes différentes : s’il faut les fractionner en quatre, imaginez quel travail cela représente pour les entreprises ! Mieux vaudrait les supprimer toutes et augmenter les salaires. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)
Mme Cécile Cukierman. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 119, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’exonération de toutes les cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle à la charge de l’employeur bénéficie seulement aux entreprises de moins de 1 000 salariés au sens de l’article L. 2311-2 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis de trop nombreuses années, les grands groupes bénéficient d’aides publiques considérables.
Selon l’Observatoire des multinationales, 100 % des entreprises du CAC 40 ont bénéficié, en 2020, des aides publiques de l’État et 80 % d’entre elles ont eu fortement recours, dans le même temps, au chômage partiel. En 2021, les entreprises du CAC 40 engrangeaient 130 milliards d’euros de bénéfices, un record historique qui a permis de verser de manière agrégée 51 milliards d’euros de dividendes.
Ces entreprises ont-elles réellement besoin d’être exonérées de cotisations sociales et fiscales pour verser des primes ? Quand allez-vous cibler et conditionner les aides, vous qui conditionnez et contrôlez le moindre euro de prestations sociales ?
Les politiques d’exonération contribuent à normaliser les stratégies d’évitement fiscal et la tendance à ne pas prendre sa part dans la solidarité nationale. Elles devraient être ciblées et ne devenir incitatives qu’en direction des petites et moyennes entreprises.
Il s’agit d’un enjeu important puisque, selon l’Insee, seulement 17 % des TPE ont versé une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) à 15 % de leurs salariés, alors que 58 % des entreprises de plus de 1 000 salariés ont versé une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat à 39 % de leurs salariés.
L’impact des politiques publiques ne devrait pas être manifestement disproportionné en faveur des plus grosses entreprises et les aides ne devraient pas être concentrées à leur bénéfice.
Notre amendement vise donc à limiter les bénéfices des exonérations de cotisations sociales aux entreprises de moins de 1 000 salariés, c’est-à-dire d’une taille déjà importante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement n° 150 vise à supprimer la possibilité de fractionner la prime. Or le fractionnement est une faculté, pas une obligation, qui répond à une logique très opérationnelle de trésorerie des entreprises, raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
Avis défavorable également à l’amendement n° 119, qui vise à limiter les exonérations de cotisations patronales au titre de la prime aux seules entreprises de moins de 1 000 salariés. Nous considérons en effet que, dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, certains peuvent aussi avoir besoin de cette prime.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié bis, présenté par M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Menonville et Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Verzelen, Médevielle, Guerriau, Grand et Decool, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans le respect des plafonds mentionnés au V et sur le fondement de l’accord initial ou de la décision unilatérale initiale, l’entreprise peut effectuer une fois au cours de l’année civile un versement complémentaire de prime au titre d’un nouvel accord ou d’une nouvelle décision unilatérale dont l’unique objet est de fixer la date et le montant de ce versement complémentaire.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Après avoir versé au cours de l’année une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, de nombreuses entreprises ont souhaité compléter ce premier versement à la suite d’un nouvel accord ou d’une nouvelle décision unilatérale de l’employeur, tout en respectant la limite globale du plafond d’exonération.
Cette possibilité n’étant pas prévue par les textes précédents, un tel choix était dépourvu de sécurité juridique.
Le présent amendement a pour objet de donner une base légale à cette situation et de permettre aux entreprises qui en ont les moyens et la volonté de compléter leur prime de pouvoir d’achat au cours de l’année civile par une nouvelle décision unilatérale de l’employeur ou un nouvel accord d’entreprise dans la limite globale du plafond applicable et dans le respect des modalités initiales d’attribution. Ainsi, le caractère d’unicité de la prime est préservé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. J’ai indiqué précédemment, à tort, que cet amendement était le mien, parce qu’il était bon, mais ce n’était pas le cas. Rendons à César ce qui appartient à César !
Je l’avais évoqué à propos des amendements nos 257 rectifié ter, 369 et 381 rectifié, lesquels visaient à permettre d’attribuer une prime plusieurs fois dans l’année. Ici, il n’est question que de deux fois, ce qui me semble constituer une bonne solution, à même de répondre à certains enjeux de trésorerie.
L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Quelle que soit la filiation de l’amendement, l’avis du Gouvernement est le même : défavorable. Le Gouvernement est attaché à ce que cette prime conserve un caractère exceptionnel et annuel, ce qui implique qu’elle relève d’une décision unique.
Nous considérons toutefois que l’ajout par la commission d’une possibilité de fractionner son versement en quatre fois au maximum est de bon aloi – cela ne remet pas en cause l’unicité du dispositif.
M. le président. L’amendement n° 154, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le versement de cette prime est obligatoire pour les entreprises qui ont versé des revenus distribués lors du dernier exercice clos.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous demandons que les entreprises qui ont distribué des dividendes versent obligatoirement une prime de partage de la valeur aux salariés.
Dès lors qu’une entreprise réalise des bénéfices, la logique de l’économie libérale voudrait qu’elle partage les profits avec ses salariés en premier lieu, avant de distribuer des dividendes aux actionnaires.
Pratiquons l’art de la répétition : en 2021, les entreprises du CAC 40 ont versé aux actionnaires près de 70 milliards d’euros en dividendes ou en rachats d’actions, soit 93 % de plus qu’en 2020 ; aucun salarié n’a vu sa rémunération progresser dans la même proportion… Selon La Lettre Vernimmen, jamais les restitutions aux actionnaires n’ont été aussi élevées en valeur absolue depuis au moins 2003, date à laquelle elles ont commencé à être étudiées.
Pour toutes ces raisons, notre amendement vise à rendre obligatoire le versement de la prime de partage de la valeur pour les entreprises qui ont versé des dividendes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à imposer une obligation de verser la prime aux entreprises ayant versé un dividende à leurs actionnaires.
D’une part, il tend à rigidifier le dispositif ; d’autre part, il comporte un risque, dans la mesure où le versement de dividendes constitue souvent la rémunération des petits employeurs.
Il ne me semble pas que cela soit conforme à l’esprit qui a présidé à la rédaction de cet article.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 155, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les entreprises qui ont versé des revenus distribués lors du dernier exercice clos sont exclues du bénéfice des réductions de cotisations prévues par le présent article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est le pendant inversé du précédent, qui vient d’être rejeté. Peut-être vous convaincra-t-il davantage dans ce sens ?
Vous avez refusé de soutenir une obligation de versement de la prime pour les entreprises qui ont distribué des dividendes. Soit ! Ne pensez-vous pas, pour autant, qu’il conviendrait de priver ces mêmes entreprises du bénéfice des exonérations de cotisations ?
Nous parlons ici de grandes entreprises, et non de PME ; nous parlons de toutes ces fortunes auxquelles la crise a profité, le plus souvent grâce aux aides publiques.
Un rapport de l’Observatoire des multinationales publié en avril 2021 – la répétition fait partie de la pédagogie ! – révélait que les entreprises du CAC 40 ont octroyé plus de 51 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit une augmentation de 22 % par rapport à 2020. Pour autant, leur résultat net agrégé a chuté de plus de 55 %.
Ce rapport montre ainsi que ces entreprises se sont servi des aides publiques versées par l’État et destinées à faire face à la crise sanitaire pour rémunérer leurs actionnaires, tout en supprimant des emplois.
Ces aides publiques – chômage partiel, prêts garantis par l’État, reports de cotisations sociales, plan de relance, plan d’urgence – ont été accordées sans aucune conditionnalité ou contrepartie sociale, fiscale ou environnementale et il est scandaleux que cet argent soit utilisé pour augmenter les profits d’une minorité.
Le ministre Bruno Le Maire avait demandé à ces grandes entreprises – visiblement sans succès – de ne pas verser de dividendes durant la crise. Pour nous, les entreprises qui l’ont fait lors du dernier exercice clos devraient a minima être exclues du bénéfice des réductions de cotisations prévues par le présent article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Madame Cohen, j’ai relu votre amendement, lequel cible bien toutes les entreprises. Son adoption nuirait donc aux personnes qui travaillent dans les petites entreprises, dans lesquelles dividendes et rémunérations personnelles des dirigeants sont liés.
Cet amendement emporterait un effet contraire à celui que vous recherchez. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.
Mme Laurence Cohen. Il fallait le sous-amender dans ce cas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 121, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
« …. – Pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, le bénéfice des réductions de cotisations prévues par le présent article est subordonné aux contreparties climatiques et sociales suivantes :
« 1° La publication, au plus tard le 1er juillet de chaque année, et à partir de la publication de la présente loi, d’un rapport climat qui :
« a) Intègre le bilan des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre de l’entreprise, en amont et en aval de leurs activités ;
« b) Élabore une stratégie de réduction des émissions des gaz à effet de serre qui ne doit pas prendre en compte les émissions évitées et compensées. Elle fixe des objectifs annuels de réduction des émissions de gaz à effet sur un horizon de dix ans, notamment en précisant les plans d’investissements nécessaires pour les atteindre. Ce rapport s’appuie sur les informations fournies dans le cadre des obligations de l’article L. 225-102-1 du code de commerce et de l’article L. 229-25 du code de l’environnement.
« Le ministre chargé de l’environnement définit, en concertation avec le Haut Conseil pour le climat, la trajectoire minimale de réduction des émissions de gaz à effet de serre à mettre en œuvre par lesdites entreprises, en fonction du secteur d’activité et en conformité avec les budgets carbones fixés par la stratégie nationale bas carbone.
« Les détails de la méthodologie sont fixés par décret ;
« 2° L’obligation de ne pas délocaliser et de ne pas transférer volontairement à l’étranger une partie ou la totalité des activités de l’entreprise entraînant une diminution du nombre d’emplois en France, que ce soit au travers de filiales appartenant à la même entreprise ou par l’intermédiaire de sous-traitants auprès d’entreprises non affiliées ;
« 3° L’obligation d’atteindre, avant le 1er janvier 2023, un index d’égalité entre les femmes et les hommes prévu par l’article L. 1142-8 du code du travail égal au moins à 75 points.
« …. – Le non-respect par les entreprises mentionnées au II des obligations mentionnées aux 1°, 2° et 3° est passible d’une sanction pécuniaire définie par décret. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise, pour les grandes entreprises de plus de 1 000 salariés, à conditionner le bénéfice des exonérations fiscales et sociales à des objectifs de transition écologique et d’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Ce dispositif de prime présente déjà le risque de se substituer aux augmentations pérennes de salaire ; il convient donc, au moins, d’en conditionner l’octroi.
Ces exonérations sociales et fiscales représentent un effort de plusieurs milliards d’euros pour les finances publiques ; il est normal que, en contrepartie, les entreprises qui en bénéficient prennent leur juste part de responsabilité face à l’urgence climatique, sociale et sanitaire.
Afin de respecter nos engagements climatiques, les sociétés françaises doivent accélérer leur transformation dans le but d’être plus résilientes vis-à-vis des risques environnementaux. Cet amendement tend donc à favoriser leur transition rapide vers une économie bas-carbone.
Elles doivent également prendre et respecter des engagements en matière de maintien de l’emploi et d’égalité entre les femmes et les hommes.
Cet amendement vise à réserver le bénéfice des exonérations aux entreprises qui œuvreraient à diminuer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Pour rappel, les femmes gagnaient en moyenne 28,5 % de moins que les hommes en 2017 dans le secteur privé. Corrigé en fonction du temps de travail – ce qui n’est pas très juste, car les femmes subissent souvent le temps partiel – et à poste équivalent, l’écart demeure à 5,3 %.
Il nous semble que cette conditionnalité écologique et sociale permettrait d’avancer plus vite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit d’imposer une complexité de plus, en introduisant dans les entreprises de plus de 1 000 salariés des critères environnementaux et sociaux.
La vocation de cette prime est d’être simple et opérationnelle – essayons de lui conserver ces qualités. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 243 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Malhuret, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga et Capus, Mme Paoli-Gagin et M. Decool, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – En cas de redressement de cotisations et de contributions sociales fondé sur les dispositions précitées, l’organisme de recouvrement informe le cotisant de la possibilité de saisir le comité des abus de droit, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet article crée une véritable usine à gaz, qui va être la source de nombreux redressements sociaux. Il est donc proposé que, en cas de redressement, le cotisant puisse saisir le comité des abus de droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à informer les cotisants de la possibilité de saisir le comité des abus de droit en cas de redressement lié à la distribution de la prime.
Monsieur le ministre, y a-t-il eu beaucoup de contrôles des Urssaf concernant cette prime ? Quels ont été leurs résultats ?
Il ne nous semble pas que créer un comité ad hoc soit de nature à simplifier les choses. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. De nombreux contrôles ont eu lieu sur les modalités de versement de la prime ; comparé à d’autres dispositifs, le taux de dossiers litigieux pour non-respect du droit ou volonté caractérisée de fraude est apparu extrêmement bas.
Nous ne considérons pas qu’il soit utile de créer un comité spécifique supplémentaire. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Jean-Louis Lagourgue, l’amendement n° 243 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 243 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 246 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Malhuret, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga et Capus, Mme Paoli-Gagin et M. Decool, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – En cas de contentieux lié à l’attribution de cette prime, le cotisant est invité à se faire entendre, lors du recours préalable prévu à l’article L. 142-4 du code de la sécurité sociale, et dans des conditions prévues par décret. »
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. L’article 1er crée un système complexe pour les cotisants et risque d’être la source de nombreux redressements sociaux. Le présent amendement prévoit qu’en cas de redressement le cotisant puisse s’exprimer physiquement devant la commission de recours amiable, s’il en émet le souhait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. M. le ministre vient de nous apporter des éléments de réponse qui valent aussi pour cet amendement : il semble que les choses fonctionnent plutôt bien, puisque les contrôles ne montrent pas de problèmes particuliers, en particulier au regard d’autres dispositifs.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 246 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) votera cet article, même si nous ne souscrivons pas à toutes les modifications qui ont été adoptées.
Je souhaite rappeler que nous n’opposons pas prime et salaire et que nous agissons également pour les salaires, notamment au niveau du SMIC. Certains de nos collègues nous ont proposé de porter le SMIC à 1 500 euros net ; je rappelle qu’avec la prime d’activité le SMIC s’élève à 1 475 euros net, une somme très proche des 1 500 euros.
J’entends dire, sur certaines travées, que la prime ne serait pas satisfaisante, parce qu’elle ne toucherait que 16 % des salariés, mais cela représente tout de même cinq millions de personnes – cinq millions de foyers finalement –, alors que le SMIC en concerne deux millions. Il ne faut donc pas opposer amélioration du SMIC et versement d’une prime.
J’ajoute que 9 milliards d’euros ont été ainsi distribués depuis la mise en place de cette mesure en 2019.
Je me fie au rapport de Mme le rapporteur qui indique qu’un tiers des salariés éligibles en ont bénéficié, ce qui est loin d’être négligeable.
Je me souviens des débats qui ont eu lieu en 2006 sur le projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et des interventions dans cet hémicycle de Serge Dassault et d’Isabelle Debré – je n’étais pas sénateur, mais membre d’un cabinet ministériel. Que reste-t-il du dividende du travail créé à l’époque ?
La prime dont nous parlons aujourd’hui s’est installée en trois ans et elle a bénéficié à un tiers des salariés éligibles. Pour reprendre une expression entendue dans un grand film, nous avons donné sa chance au produit. Nous devons continuer.
C’est pourquoi nous voterons cet article 1er. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Monique Lubin. Je viens d’entendre un argument – en ajoutant la prime d’activité au SMIC, on serait presque à 1 500 euros – que je trouve quelque peu hasardeux. En effet, la prime d’activité porte bien mal son nom, parce qu’il s’agit non pas d’une prime, mais d’une allocation versée par la solidarité nationale et non pas par les employeurs. Cela n’a donc rien à voir avec le salaire et avec l’augmentation du SMIC. (Mmes Laurence Cohen et Émilienne Poumirol applaudissent.)
Nous voterons contre cet article, non que nous soyons opposés à ce que des salariés perçoivent des primes, mais parce que nous considérons que, dans cette période d’inflation qui risque de durer, un tel dispositif ne saurait constituer la réponse à la question du pouvoir d’achat.
Les chiffres l’indiquent clairement : les salariés n’auront pas tous accès à ces primes, tant s’en faut. On ne peut donc pas dire que cette mesure répond aux besoins des salariés en termes de pouvoir d’achat.
Si nous voulons vraiment répondre à la question du pouvoir d’achat, il n’y a qu’un seul moyen, que vous le vouliez ou non : le salaire.
J’entends ici et là des voix s’élever pour dire : « Nous aurions préféré autre chose qu’une prime, mais on va faire avec, c’est mieux que rien ! » Le problème, c’est qu’à force de nous contenter de cela, on finit par ne rien obtenir pour le plus grand nombre et un peu, mais toujours pour les mêmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Je voudrais aborder la question de cette prime sous l’angle de son impact sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Nous savons, parce que cela a été étudié depuis plusieurs années, que tout dispositif neutre en termes d’impact sur les femmes et les hommes est en réalité un dispositif qui, le plus souvent, accroît les inégalités de départ, en l’espèce les inégalités salariales.
Comment cette prime est-elle répartie entre les femmes et les hommes ? Ce n’est pas dans l’étude d’impact que j’ai trouvé la réponse : son indigence est telle que ce sujet n’y est même pas abordé. Il serait vraiment temps que nous menions des études genrées des politiques publiques !
Les huit secteurs qui ont le plus bénéficié de la prime précédente sont : les activités financières et d’assurance ; le commerce ; le matériel de transport ; les biens et équipements industriels ; la cokéfaction et le raffinage ; l’énergie, l’eau et les déchets ; l’activité scientifique et technique ; la construction. Dans ces huit secteurs, les femmes ne constituent que 30 % des salariés.
Je n’extrapole donc pas, j’en déduis que, à coup sûr, les hommes ont davantage bénéficié de cette prime et qu’ils en bénéficieront demain encore davantage, parce que l’augmentation du plafond à trois SMIC ne changera rien à la répartition des bénéficiaires.
Ce dispositif accroît donc les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. C’est une raison supplémentaire de voter contre ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 317, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant les impacts du versement de la prime de pouvoir d’achat sur les inégalités de genre au sein des entreprises et entre secteurs d’activité.
Ce rapport émet, le cas échéant, des recommandations visant à lutter contre les inégalités de genre dans l’attribution de cette prime.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement de Mélanie Vogel vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les éventuelles inégalités de genre dans l’attribution de la prime de pouvoir d’achat. Je sais que notre assemblée n’aime pas ce type de demande, mais j’espère tout ce même que cet amendement sera adopté.
Dans le cadre de l’évaluation de leurs impacts, il faudrait systématiquement s’assurer que les politiques et les dépenses publiques n’emportent pas d’effets pervers en accroissant les inégalités de genre. Il est essentiel que l’ensemble des dépenses publiques soit désormais évalué en fonction de leur impact sur ces inégalités.
Alors que l’égalité entre les femmes et les hommes est, pour ce quinquennat comme pour le précédent, la grande cause du Gouvernement, il est regrettable qu’aucune évaluation de l’effet sur les inégalités de genre des mesures fiscales proposées n’ait été entreprise.
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a récemment alerté sur le fait que les dispositifs de défiscalisation ponctuels, comme les primes ou les heures supplémentaires, sont des facteurs aggravants des inégalités de genre.
Afin d’avancer sur la voie d’une analyse par sexe des politiques publiques susceptible de mieux déterminer les différences d’impact des dépenses publiques sur les hommes et sur les femmes, il est nécessaire que le Gouvernement rende compte des effets de sa politique en matière d’égalité de genre.
En lui demandant de remettre au Parlement un rapport contenant des préconisations, nous formons le vœu que le Gouvernement prenne plus au sérieux la question de la lutte contre les inégalités de genre et se dote des moyens d’améliorer sa politique en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Mme Poncet Monge l’a dit elle-même : il s’agit d’une demande de rapport et la commission s’oppose à ce type de demande de manière constante. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 341 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant l’attribution de la prime de partage de la valeur au regard de l’égalité professionnelle. Ce rapport émet, le cas échéant, des recommandations visant à lutter contre les inégalités liées au sexe dans l’attribution de cette prime.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement, qui est similaire à celui qui vient d’être défendu, vise à mesurer l’effet de la prime en matière d’inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
Mais je veux d’abord revenir sur cette histoire de jurisprudence de la commission contre les rapports. Cette position ne devrait pas justifier à elle seule, sans aucun argument de fond, que la commission s’oppose à un amendement.
De manière générale, les demandes de rapport participent du contrôle qu’exerce le Parlement sur l’action du Gouvernement, ce qui entre pleinement dans le champ de nos compétences. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) D’ailleurs, le bureau du Sénat, dont je suis membre, aborde fréquemment la question de ce contrôle.
Je peux comprendre que la commission ne soit pas favorable à toutes les demandes de rapport, mais il faut examiner chaque amendement sur le fond, pas sur le principe.
J’en reviens plus directement à la question des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, sur laquelle je me suis déjà exprimée. Le Gouvernement devrait évidemment évaluer cette question dans les études d’impact qu’il réalise, si tant est que l’égalité entre les femmes et les hommes soit, comme il le prétend, la grande cause du quinquennat. Il ne le fait pas ; c’est bien la preuve que cela n’est pas la grande cause du quinquennat.
En matière d’inégalités, on ne progresse qu’en mesurant. Nous vous proposons de mesurer pour progresser vers l’égalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je laisse le bureau du Sénat évaluer s’il faut ou non des rapports du Gouvernement au Parlement dans le cadre de nos missions de contrôle, mais je resterai constante, tel un soldat de la commission des affaires sociales, en émettant un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol. Et sur le fond ?
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Il est vrai que nous supprimons souvent les demandes de rapport. Parfois, l’Assemblée nationale les réintroduit, mais il faut savoir que très peu de ces rapports sont effectivement transmis au Parlement : un sur une trentaine de demandes ces dernières années dans le champ de compétences de notre commission… C’est pourquoi nous préférons créer des missions d’information.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Pellevat, Mmes Berthet et V. Boyer, MM. Cambon, Levi et Houpert, Mme Noël, M. Hingray, Mme Belrhiti, MM. P. Martin, C. Vial, Longeot et Bouchet, Mme Garriaud-Maylam, M. Darnaud, Mme Lassarade, MM. Genet, Bonhomme, B. Fournier, A. Marc, Rapin et Piednoir, Mme Guidez, M. de Nicolaÿ, Mmes Joseph et Ventalon, MM. Wattebled et Tabarot, Mme Billon, M. Decool, Mme Borchio Fontimp et MM. Le Gleut, Sautarel et Rojouan, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le prix des cartes de libre circulation attribuées par les exploitants de remontées mécaniques à leurs salariés. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. À ce jour, les cartes de libre circulation délivrées par les exploitants de remontées mécaniques à leurs employés pour les besoins du service sont considérées comme des avantages en nature, à hauteur de deux septièmes du prix du forfait de ski, et ce, alors même que l’utilisation de la carte durant les congés des employés n’est pas autorisée.
À ce titre, ces cartes sont taxées par l’Urssaf, ce qui est illogique, puisqu’aucun avantage n’est consenti, les grilles tarifaires prévoyant déjà l’accès gratuit pour les jours de ski au-delà de vingt-cinq jours dans le forfait saison.
Cela grève le budget des exploitants de remontées mécaniques et de leurs salariés qui doivent cotiser pour les charges patronales et salariales sur deux septièmes du montant du forfait.
Aussi, afin d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés et stopper des dépenses superflues et injustes pour ces derniers comme pour les exploitants de remontées mécaniques, cet amendement tend à supprimer la taxation réalisée par l’Urssaf des cartes de libre circulation utilisées par les salariés des domaines skiables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. C’est un sujet important, mais nous considérons que ce projet de loi n’est pas le bon support pour nous y pencher de façon globale.
Cette mesure devrait prendre place dans un autre véhicule législatif et nous devrions évoquer ensemble tous les avantages dont bénéficient les salariés qui travaillent en station, de la place de stationnement aux forfaits.
Je demande donc le retrait de cet amendement avec l’objectif de l’introduire dans le bon texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Lorsque la carte accordée pour des raisons de service est utilisée dans un cadre strictement professionnel, elle n’est pas considérée comme un avantage en nature, contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs de l’amendement.
Toutefois, une part de la valeur des cartes utilisables aussi à titre privé, en vacances ou en week-end, est considérée comme un avantage en nature.
Nous avons travaillé en 2019 avec Domaines skiables de France pour calculer la valeur de cet avantage en nature : nous avons pris comme référence le plus bas des tarifs publics pratiqués là où le salarié exerce et nous avons évalué la valeur de l’avantage aux deux septièmes de ce tarif.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 10 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis est retiré.
Article 1er bis (nouveau)
I. – Dans les entreprises d’au moins vingt salariés, toute heure supplémentaire effectuée à compter du 1er octobre 2022 par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret.
La réduction s’applique au titre des heures mentionnées aux 1° à 3° du I de l’article L. 241-17 du même code.
II. – Dans les mêmes entreprises, une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié relevant d’une convention de forfait en jours sur l’année, au-delà du plafond mentionné au 3° du I de l’article L. 3121-64 du code du travail, dans les conditions prévues à l’article L. 3121-59 du même code.
III. – Les déductions mentionnées aux I et II sont imputées sur les sommes dues par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés à l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime pour chaque salarié concerné au titre de la majoration salariale mentionnée à l’article L. 3121-28 du code du travail versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peuvent dépasser ce montant.
IV. – Les déductions mentionnées aux I et II sont cumulables avec des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
Les mêmes I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail et sous réserve que l’heure supplémentaire effectuée fasse l’objet d’une rémunération au moins égale à celle d’une heure non majorée.
Ils ne sont pas applicables lorsque ces revenus d’activité se substituent à des sommes soumises à cotisations de sécurité sociale en application du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des revenus mentionnés aux I et II du présent article.
Le bénéfice des déductions mentionnées aux mêmes I et II est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis.
V. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné, pour l’employeur, à la mise à la disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime d’un document en vue du contrôle de l’application du présent article.
VI. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article ainsi que les modalités selon lesquelles les heures supplémentaires effectuées par les salariés affiliés au régime général dont la durée du travail ne relève pas du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime ouvrent droit aux déductions mentionnées au présent article.
VII. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 124 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 156 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 454 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 124.
Mme Raymonde Poncet Monge. Face à l’inflation, l’urgence sociale requiert des mesures fortes de revalorisation des salaires afin de permettre le maintien pérenne du pouvoir d’achat.
Cela passe notamment par des accords de branche et d’entreprise dynamiques, prévoyant des augmentations de salaire, ainsi que par l’augmentation du SMIC.
Comme le soulignait la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) en 2021 concernant la pénurie de main-d’œuvre dans une trentaine de métiers en tension, « l’apaisement des difficultés de recrutement […] pourrait aussi passer par l’amélioration des conditions de travail et/ou la revalorisation des salaires dans certains métiers ».
En conséquence, le retour de l’attractivité de beaucoup de métiers et de branches passe par des rémunérations dignes et de meilleures conditions de travail, et non, je le précise, par une réforme de l’assurance chômage…
Pourtant, ce projet de loi propose plutôt d’éviter l’augmentation des salaires, en encourageant les primes défiscalisées et exonérées de charges sociales.
En résonance avec la position du Gouvernement, cet article, ajouté en commission, introduit une déduction forfaitaire supplémentaire des cotisations patronales pour les entreprises à partir de vingt salariés – c’est-à-dire les plus grandes d’entre elles – au titre des heures supplémentaires, poursuivant et accélérant la fuite en avant dans la réduction du salaire socialisé générateur de droits.
Or ce nouveau dispositif d’exonération ne permet en rien d’aider les salariés ; il les contraint à toujours travailler plus pour espérer maintenir leur pouvoir d’achat, tout en creusant encore davantage les déficits publics. C’est un cercle vicieux.
Pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, ni les salariés, ni les comptes publics, ni ceux de la sécurité sociale ne doivent servir de variable d’ajustement face à la pression inflationniste.
En conséquence, nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 156.
M. Fabien Gay. Nous demandons également la suppression de la défiscalisation et de la désocialisation des heures supplémentaires adoptées par la commission.
Il existe un précédent qui va vous faire plaisir, mes chers collègues : un tel dispositif avait été instauré en 2008 à la demande de Nicolas Sarkozy et nous disposons d’études sur ces questions, notamment de la Dares, mais aussi de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) qui a publié une étude intéressante.
Selon ce dernier organisme, cette mesure a, certes, augmenté le pouvoir d’achat des salariés, mais en contrepartie, elle a surtout entraîné l’allongement de la durée du travail.
En outre, et vous y serez sensibles puisque vous parlez souvent de comptes publics, la baisse des cotisations et l’exonération d’impôts ont coûté 4,5 milliards d’euros. Ce n’est pas une petite somme !
Enfin, le bilan a été négatif en termes d’emplois, puisque ce dispositif aurait conduit à la suppression de 53 000 à 95 000 emplois en quatre ans.
L’effet est donc quasiment nul sur le pouvoir d’achat – il est en tout cas moindre que si cela avait concerné le salaire – et le bilan plutôt négatif s’agissant des finances publiques et des emplois.
Nous proposons de ne pas réitérer cette expérience malheureuse.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 454.
M. Olivier Dussopt, ministre. Il s’agit du deuxième amendement qui traduit une divergence entre le Gouvernement et la commission des affaires sociales du Sénat.
Nous proposons de supprimer cet article 1er bis qui prévoit une déduction forfaitaire de cotisations patronales sur une part des heures supplémentaires, en particulier les 25 % de majoration.
Le Gouvernement considère qu’il ne s’agit pas d’une mesure de pouvoir d’achat. Cela pourrait correspondre, éventuellement, à une mesure de compétitivité et le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué ce matin qu’il était disponible pour déterminer si cette mesure pouvait être circonscrite à certaines entreprises.
Il me semble, je l’ai déjà indiqué, qu’elle relève davantage du projet de loi de finances rectificative que de ce projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. D’ailleurs, le PLFR, qui vous sera soumis dans quelques jours, prévoit déjà d’augmenter le plafond des heures supplémentaires faisant l’objet d’exonérations fiscales et sociales pour les salariés de 5 000 euros à 7 500 euros.
Je propose donc la suppression de cet article au bénéfice de cette discussion ouverte avec le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission a souhaité insérer cet article qui prévoit une réduction des cotisations sociales et patronales sur la majoration de salaire – je le souligne – perçue au titre des heures supplémentaires.
Nous rencontrons tous de nombreux salariés qui souhaitent faire des heures supplémentaires, soit parce qu’ils ont envie de les faire, et c’est bien légitime, soit pour améliorer leur pouvoir d’achat. Une telle disposition s’inscrit donc de plein droit dans ce texte. Elle est de plus vertueuse et mérite à ce titre d’être soutenue.
Nous rencontrons également des employeurs qui nous font part de certaines difficultés, auxquelles la rédaction de l’article 1er bis qui vous est proposée permet de répondre.
Monsieur Gay, je rappelle que les dispositions que nous avons introduites par cet article ne concernent que les 25 % de majoration de salaire auxquels donnent lieu les heures supplémentaires, et ce dans les entreprises de plus de 20 salariés. De surcroît, nous avons précisé que le montant de la réduction serait fixé par décret et nous sommes bien loin, à ce stade, des 4 milliards d’euros que vous évoquez.
S’agissant enfin du renvoi de cette disposition vers le PLFR, comme vous le suggérez, monsieur le ministre, je rappelle que les dispositions relatives aux cotisations sociales ont toujours été traitées par la commission des affaires sociales, notamment dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il est donc tout à fait légitime d’examiner ce sujet dans le cadre du présent texte.
L’avis est défavorable sur ces trois amendements identiques, car nous souhaitons le maintien de l’article 1er bis.
M. le président. Monsieur le ministre, je suppose que votre avis est favorable sur les amendements nos 124 et 156, identiques au vôtre ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 124, 156 et 454.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 127.
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 305 |
Pour l’adoption | 105 |
Contre | 200 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 113 rectifié sexies est présenté par Mme Noël, MM. Calvet, Pellevat, Cambon et Tabarot, Mmes F. Gerbaud et Dumont, M. Segouin, Mme Muller-Bronn, MM. Bonhomme, J.M. Boyer, Houpert, B. Fournier et Rojouan, Mme Borchio Fontimp, MM. D. Laurent et Meurant, Mme Canayer, MM. E. Blanc, J.B. Blanc, Charon et Chaize, Mme Drexler, M. Bouloux et Mme Lopez.
L’amendement n° 263 rectifié sexies est présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga, Capus, Bouchet et Decool et Mme Paoli-Gagin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – La majoration salariale mentionnée au 1° du IV de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est exclue de l’assiette des cotisations patronales de sécurité sociale, définie à l’article L. 242-1 du même code.
II. – L’exemption d’assiette mentionnée au I n’est pas cumulable avec les déductions prévues aux I et II de l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale.
III. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux rémunérations versées à compter du 1er août 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Sabine Drexler, pour présenter l’amendement n° 113 rectifié sexies.
Mme Sabine Drexler. Cet amendement de ma collègue Sylviane Noël a pour objet de redonner du pouvoir d’achat aux salariés, ce qui est bien l’enjeu du texte que nous examinons.
Il vise à réduire le coût des heures supplémentaires et complémentaires pour les employeurs sans minorer la rémunération des salariés, puisque ces derniers continueraient de percevoir la majoration afférente aux heures supplémentaires.
En revanche, les cotisations patronales de sécurité sociale seraient calculées sur la seule rémunération de base, hors majoration due aux heures supplémentaires. Les employeurs seraient ainsi incités à proposer des heures supplémentaires à leurs salariés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 263 rectifié sexies.
M. Jean-Louis Lagourgue. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je comprends tout à fait l’esprit de ces deux amendements, mais tout est question d’équilibre…
La commission a elle aussi proposé une exonération sur la majoration de salaire au titre des heures supplémentaires, mais elle a renvoyé à un décret la fixation du montant de cette exonération en fonction des équilibres financiers globaux.
Je demande donc le retrait de ces amendements identiques. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. L’adoption de ces amendements entraînerait un coût de 1,2 milliard d’euros pour les finances publiques.
Étant défavorable à la déduction forfaitaire introduite par la commission, vous comprendrez que je le sois également pour une déduction totale.
L’avis est défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 113 rectifié sexies et 263 rectifié sexies.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 157, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement de repli, nous demandons la suppression des exonérations de cotisations sociales des heures supplémentaires.
Le rapport de la commission des affaires sociales est particulièrement éclairant s’agissant des conséquences financières de ces exonérations : page 38, il est indiqué que, d’après les informations recueillies par notre rapporteur, Frédérique Puissat, une exonération totale de la majoration salariale aurait un coût de 800 millions d’euros en année pleine et de 200 millions d’euros pour le dernier trimestre 2022.
Chers collègues de droite, vous ne pouvez pas vous indigner de la baisse des moyens des hôpitaux et des fermetures de services dans vos territoires et introduire par voie d’amendement près d’1 milliard d’euros de pertes de recettes pour la sécurité sociale !
Même si l’État s’engageait à compenser cette perte de recettes pour la sécurité sociale, vous savez bien que c’est autant d’argent en moins pour les services publics.
Le Gouvernement a trouvé une majorité pour le soutenir dans le « travailler plus pour gagner plus », mais votre proposition, c’est aussi moins d’emplois, moins d’hôpitaux, moins d’écoles, moins de services publics.
Pour toutes ces raisons, nous demandons par cet amendement le maintien des cotisations sociales sur la rémunération des heures supplémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à revenir sur la proposition de la commission. Je ne peux donc y être que – respectueusement – défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Sur cet amendement de repli à l’amendement de suppression du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 128 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 291 |
Pour l’adoption | 200 |
Contre | 91 |
Le Sénat a adopté.
Après l’article 1er bis
M. le président. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Avant le a du 1° du II de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) Les revenus d’activité mentionnés à l’article L. 136-1 inférieurs à 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance ; ».
II…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Nous proposons que les salariés dont les revenus sont inférieurs à 1,6 SMIC, qui sont aussi les plus pénalisés par l’uniformité du taux de contribution sociale généralisée (CSG), puissent bénéficier d’un allégement de celle-ci.
Cette mesure permettrait d’accroître le pouvoir d’achat des salariés qui en ont le plus besoin dans un contexte économique particulièrement défavorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à réduire le taux de CSG à 6,2 % pour les revenus d’activité inférieurs à 1,6 SMIC, celui-ci étant actuellement de 9,2 %.
Une telle proposition reviendrait sur l’unicité du taux de CSG pour la très grande majorité des revenus et sur la quasi-inexistence de niches, deux éléments qui concourent à la simplicité de cette contribution.
Par ailleurs, cet amendement relève davantage, à mon sens, du PLFSS.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur le sénateur, sachant que votre proposition coûterait entre 15 et 20 milliards d’euros, vous accepterez peut-être de retirer votre amendement…
M. le président. Monsieur Cabanel le vaut ! (Sourires.)
Monsieur Cabanel, retirez-vous néanmoins l’amendement n° 36 rectifié ?
M. Henri Cabanel. Oui, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 36 rectifié est retiré.
Article 2
I. – Le livre VI du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 613-7 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, les mots : « un niveau équivalent entre le taux effectif » sont remplacés par les mots : « , pour des montants de chiffre d’affaires ou de recettes déterminés par décret pour chacune de ces catégories, un niveau équivalent entre le taux effectif global » et les mots : « et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants » sont remplacés par les mots : « , d’une part, par ces travailleurs indépendants et, d’autre part, par ceux » ;
a bis) Au 1° du même I, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « dernier » ;
b) La première phrase du second alinéa du II est ainsi modifiée :
– les mots : « , pour les travailleurs indépendants mentionnés à l’article L. 631-1, » sont supprimés ;
– les mots : « ils appartiennent à la première catégorie mentionnée au » sont remplacés par les mots : « elles relèvent du 1° du » ;
– après le mot : « impôts », la fin est ainsi rédigée : « , de 50 % lorsqu’elles relèvent du 2° du même 1 et de 34 % lorsqu’elles relèvent de l’article 102 ter du même code. » ;
c) (Supprimé)
2° L’article L. 621-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-1. – Les travailleurs indépendants mentionnés à l’article L. 611-1 sont redevables, au titre de la couverture des risques d’assurance maladie et maternité, d’une cotisation assise sur leurs revenus d’activité, selon les modalités prévues aux articles L. 131-6 à L. 131-6-2 et à l’article L. 613-7.
« Un décret fixe le taux de base des cotisations mentionnées au premier alinéa du présent article :
« 1° D’une part, pour les travailleurs indépendants qui bénéficient, dans des conditions autres que celles mentionnées à l’article L. 622-2, du droit aux prestations mentionnées à l’article L. 622-1 ;
« 2° D’autre part, pour les travailleurs indépendants qui ne bénéficient pas du droit aux prestations mentionnées au même article L. 622-1 ou en bénéficient dans les conditions mentionnées à l’article L. 622-2.
« Le taux fixé pour les travailleurs indépendants mentionnés au 1° du présent article est supérieur à celui fixé pour ceux mentionnés au 2° d’une valeur comprise entre 0,5 et 0,7 point pour la fraction des revenus inférieure à un seuil fixé par décret. Ces taux sont égaux pour la fraction des revenus supérieure à ce seuil.
« Pour les travailleurs indépendants bénéficiant du droit aux prestations en espèces mentionnées à l’article L. 622-1, excepté ceux mentionnés à l’article L. 640-1, qui ne relèvent pas de l’article L. 613-7 et dont les revenus sont inférieurs à un montant fixé par décret, la cotisation est calculée sur ce dernier montant. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 621-2 est supprimé ;
4° L’article L. 621-3 est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) La première phrase est ainsi modifiée :
– au début, le mot : « Le » est remplacé par le mot : « Les » ;
– les mots : « et au premier alinéa de l’article L. 621-2 » sont supprimés ;
– les mots : « un seuil fixé par décret fait l’objet d’une réduction, dans la limite de 5 points, » sont remplacés par les mots : « 1,1 fois la valeur du plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 font l’objet d’une réduction » ;
c) La seconde phrase est supprimée ;
d) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les taux effectifs applicables, tels qu’ils résultent des dispositions du premier alinéa du présent I, respectent, quel que soit le niveau de revenu, les règles d’encadrement mentionnées à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 621-1. Le taux effectif applicable aux travailleurs indépendants mentionnés au 2° du même article L. 621-1 et dont les revenus sont inférieurs au montant mentionné au dernier alinéa dudit article L. 621-1 est nul.
« II. – Le bénéfice de la réduction mentionnée au I du présent article ne peut être cumulé avec aucun autre dispositif de réduction et d’abattement applicable à ces cotisations, à l’exception de ceux prévus aux articles L. 131-6-4 et L. 613-1. » ;
5° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 622-2, les mots : « au second alinéa de » sont remplacés par le mot : « à » ;
6° L’article L. 662-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « neuvième » ;
b) Le cinquième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les cotisations dues, en vue de leur indemnisation en cas de maladie, par les conjoints collaborateurs des assurés bénéficiant du droit aux prestations en espèces mentionnées aux articles L. 622-1 ou L. 622-2 sont calculées sur la base :
« a) Du montant mentionné au sixième alinéa de l’article L. 621-1 ;
« b) Du taux effectif applicable, en application des articles L. 621-1 à L. 621-3, à l’assuré dont l’intéressé est le conjoint collaborateur pour des revenus inférieurs au montant mentionné au dernier alinéa du même article L. 621-1. » ;
c) (nouveau) Au sixième alinéa, après la référence : « 1° », sont insérés les mots : « du présent article ».
II. – (Non modifié) Le deuxième alinéa de l’article L. 731-35 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « pour les travailleurs indépendants mentionnés au 2° de l’article L. 621-1 du même code ».
III. – Le présent article s’applique au calcul des cotisations dues par les travailleurs indépendants autres que ceux mentionnés à l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2022. Il s’applique aux cotisations dues par les travailleurs indépendants mentionnés au même article L. 613-7 au titre des périodes courant à compter du 1er octobre 2022.
M. le président. L’amendement n° 445, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Le second alinéa de l’article L. 621-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « les revenus d’activité mentionnés au premier alinéa du présent article » sont remplacés par les mots : « leurs revenus d’activité selon les modalités prévues aux articles L. 131-6 à L. 131-6-2 et L. 613-7 »
b) À la deuxième phrase, les mots : « ne relevant pas de l’article L. 613-7, cette cotisation supplémentaire ne peut être inférieure à un montant fixé par décret » sont remplacés par les mots : « qui ne relèvent pas de l’article L. 613-7 et dont les revenus sont inférieurs au montant mentionné au sixième alinéa de l’article L. 621-1, cette cotisation est calculée sur ce dernier montant » ;
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement de précision vise à inscrire dans la loi le principe selon lequel la même assiette minimale est applicable aux cotisations indemnités journalières des professionnels libéraux et aux cotisations maladie-maternité et indemnités journalières des artisans et commerçants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Permettez-moi par ailleurs d’apporter quelques précisions concernant cet article.
Tout d’abord, le Gouvernement a pris le temps d’instruire les modifications proposées par la commission des affaires sociales et nous craignons que leurs conséquences soient plus importantes que prévu.
Ensuite, dans le cadre des textes d’application qui seront pris par le Gouvernement en application de l’article 2 s’il est voté dans cette rédaction, nous n’envisageons pas de mettre en place un mécanisme progressif d’exonération au profit des micro-entrepreneurs. Tel n’est pas l’objectif de la commission, que nous rejoignons.
Je souhaite enfin préciser que, si le mécanisme d’exonération de cotisations maladie que nous proposons permettra un gain de pouvoir d’achat de 550 euros pour les travailleurs indépendants rémunérés au niveau du SMIC, celui-ci se situera plutôt entre 170 et 200 euros pour les micro-entrepreneurs rémunérés au même niveau, car les modalités de calcul de leurs cotisations sont différentes.
Pour résumer, il n’y aura pas de mécanisme progressif d’exonération au profit des micro-entrepreneurs et l’exonération de cotisations maladie emportera un gain différent pour les travailleurs indépendants et les micro-entrepreneurs. Je tenais à vous apporter ces précisions dans l’hémicycle afin de lever toute ambiguïté sur la portée des dispositions adoptées.
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer, D. Laurent, Bonnus et Chasseing, Mme Demas, M. Anglars, Mme Deseyne, MM. Pointereau, Levi, Bacci, Rapin, E. Blanc et Bouloux, Mmes Imbert et Lassarade, M. Hingray, Mmes de La Provôté, Pluchet, Berthet, Chauvin et Billon, M. Daubresse, Mme Drexler, M. Babary, Mmes Joseph et M. Mercier, MM. Houpert, Détraigne, Cadec, Burgoa et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Klinger et Bouchet, Mmes Férat, Micouleau et Bellurot, M. de Legge, Mme N. Delattre, MM. Karoutchi, Saury, J.M. Arnaud, Belin, Charon et Longeot, Mme Bonfanti-Dossat et MM. H. Leroy et Somon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 27
Compléter cet alinéa par les mots :
du présent code et à l’article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à permettre le cumul de l’exonération partielle de cotisations sociales des jeunes agriculteurs avec la modulation des taux des cotisations maladie et maternité en fonction des revenus des chefs d’exploitation.
La modification proposée est nécessaire afin de permettre aux jeunes agriculteurs de bénéficier de la mesure prévue par le Gouvernement en faveur du pouvoir d’achat des travailleurs indépendants.
Les jeunes agriculteurs étant déjà redevables de plus de cotisations que leurs aînés, alors qu’ils font partie des publics les plus vulnérables, il serait incompréhensible que demain ils soient exclus du bénéfice d’une mesure en faveur de leur pouvoir d’achat.
Le code rural et de la pêche maritime permet à tous les chefs d’exploitation agricole ayant des revenus professionnels inférieurs à un certain seuil de bénéficier d’une modulation de leurs taux de cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles (Amexa).
En parallèle, dans un souci de favoriser le renouvellement des générations en agriculture et l’installation des jeunes, l’article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime prévoit une exonération partielle de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs devenant chefs d’exploitation. Cette exonération est dégressive durant cinq ans.
Le cumul des deux dispositifs – taux réduits de cotisations d’Amexa et exonération jeunes agriculteurs – n’est pas permis par la loi.
En conséquence, dans certaines sociétés agricoles, notamment les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), les jeunes agriculteurs bénéficiant de l’exonération partielle qui leur est réservée sont redevables, à revenu égal, de davantage de cotisations sociales que leurs aînés. Cela apparaît surtout à compter de la troisième année après l’installation, compte tenu du caractère dégressif de l’exonération partielle sur cinq ans. Cette anomalie doit être corrigée.
Le présent projet de loi crée une mesure en faveur du pouvoir d’achat des travailleurs indépendants et renforce ainsi la modulation du taux d’Amexa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Vous avez tout à fait raison, madame Deseyne, de pointer cette difficulté.
En l’état actuel des choses, deux dispositifs se percutent.
Le premier permet aux jeunes agriculteurs de bénéficier d’une exonération dégressive sur leurs cotisations, de 65 % la première année à 15 % au terme de la cinquième année.
Le second est la réduction des cotisations maladie-maternité accordée aux exploitants agricoles.
De ce fait, les jeunes agriculteurs seraient perdants les quatrième et cinquième années.
Lorsque M. Duplomb a déposé cet amendement, nous nous sommes rapprochés de la Mutualité sociale agricole (MSA) pour tenter de lever cette difficulté sans permettre pour autant le cumul des deux dispositifs. Nous n’y sommes pas parvenus ; c’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Cette position n’est pas entièrement satisfaisante, notamment parce que cela entraînera un coût de l’ordre de 9 millions d’euros, et nous espérons remédier à cette difficulté par une autre voie. Néanmoins, dans cette attente, nous ne souhaitons pas que les jeunes agriculteurs soient pénalisés.
L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Mme le rapporteur l’a dit, la disposition proposée n’est pas une solution satisfaisante, puisque cela reviendrait à permettre le cumul de deux dispositifs sectoriels, ce qui est contraire aux principes que nous observons habituellement.
Nous donnerons instruction aux opérateurs, notamment à la MSA, d’offrir un droit d’option de manière que les jeunes agriculteurs concernés puissent choisir, pour leurs quatrième et cinquième années, entre les deux dispositifs d’exonération celui qui leur est le plus favorable afin d’éviter toute perte pour eux.
L’avis est défavorable.
M. le président. L’amendement n° 158, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les dispositions du présent article sont intégralement prises en charge par l’État conformément à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 2 prévoit de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les travailleuses et travailleurs indépendants.
Nous avons bien noté votre argument selon lequel les dispositions introduites par cet article rendraient possible un gain de pouvoir d’achat de 550 euros par an pour les indépendants dont le revenu est équivalent au SMIC.
Si les travailleurs indépendants ont perdu durant la crise sanitaire en moyenne 10 % de revenus, le soutien du Gouvernement ne peut toujours se résumer à des exonérations ou des baisses de cotisations sociales.
Nous voyons bien le piège, depuis la suppression d’une partie des cotisations sociales des employeurs au travers du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, de cette stratégie qui consiste à tirer vers le bas le montant des cotisations sociales.
Cette spirale peut s’avérer infinie si, au nom du principe d’égalité, chaque catégorie professionnelle revendique la baisse des cotisations sociales pour avoir les mêmes « avantages » que d’autres corps de métier.
Enfin, cette baisse de cotisations pour les travailleurs indépendants pose une sérieuse question d’équité depuis l’intégration des indépendants au régime général de sécurité sociale, ces derniers bénéficiant des mêmes prestations sociales, alors que leurs taux de cotisation sont largement inférieurs.
S’il faut améliorer la situation de ces travailleurs, cela doit passer par la relance des dépenses publiques, en particulier celles des collectivités territoriales, pour augmenter, par exemple, les contrats passés avec les indépendants.
En conclusion, cet amendement de repli vise à garantir la compensation financière de la baisse de cotisations sociales par l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il me semble que cet amendement est doublement satisfait : non seulement l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale prévoit la compensation de toute mesure de réduction de cotisations sociales, mais le Gouvernement s’est engagé devant l’Assemblée nationale et dans l’étude d’impact à compenser cette mesure par une fraction de TVA équivalente – M. le ministre nous le confirmera sans doute.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Effectivement, l’amendement est satisfait dans la mesure où, comme je l’indiquais précédemment, la loi Veil prévoit un principe de compensation. Il faudrait que le Gouvernement affirme sa volonté de déroger à cette disposition s’il souhaitait qu’il n’y ait pas compensation.
Pour cette seule raison, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’ai bien entendu les explications que vous avez données, monsieur le ministre, et je tiens à vous remercier de prendre à chaque fois le temps de nous expliquer votre avis. Même si, avec mon groupe, je ne partage pas vos positions, il est agréable qu’un ministre nous accorde ce temps. (Mme Françoise Gatel et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
Je retire mon amendement, mais je tiens à redire, même si le Gouvernement et Mme le rapporteur l’ont sans doute entendu, que nous sommes farouchement opposés aux exonérations de cotisations sociales : même si elles sont compensées par l’État, ce n’est pas une solution.
M. le président. L’amendement n° 158 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié quater, présenté par MM. Savary, Retailleau, Mouiller, Allizard, Anglars, Babary, Bacci, Bansard, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mme F. Gerbaud, M. Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mmes Imbert, Joseph et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et Le Gleut, Mmes Lopez et Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier, Micouleau et Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Panunzi, Paul, Pellevat et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Reichardt, Mmes Renaud-Garabedian et Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Segouin, Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le revenu tiré de la reprise d’activité mentionnée au premier alinéa n’est pas assujetti aux cotisations d’assurance vieillesse d’origine conventionnelle rendues obligatoires par la loi.
« Pour les travailleurs indépendants mentionnés à l’article L. 613-7, le taux global mentionné au premier alinéa du I du même article L. 613-7 est réduit à proportion de la quote-part des cotisations et contributions de sécurité sociale dont sont redevables ces travailleurs indépendants correspondant aux cotisations mentionnées au deuxième alinéa du présent article, dans des conditions déterminées par décret. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « premier alinéa du » sont supprimés et le mot : « opposable » est remplacé par le mot : « applicable ».
II. – Le présent article s’applique aux revenus tirés, à compter du 1er octobre 2022, de l’activité reprise par le bénéficiaire d’une pension de vieillesse personnelle servie par un régime de retraite de base légalement obligatoire ayant pris effet à compter du 1er janvier 2015.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. C’est un amendement que j’ai rectifié, et si M. le ministre est à l’écoute du Sénat, je suis sûr qu’il lui donnera un avis favorable.
En effet, le présent texte est intitulé « Projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ». Je vous propose, mes chers collègues, de prendre une mesure d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat des personnes qui cumulent emploi et retraite.
Si ce cumul donne naturellement lieu à rémunération, les cotisations vieillesse qui sont versées dans ce cadre ne permettent pas de bénéficier de droits nouveaux. Ce sont donc des cotisations versées pour rien.
On dit souvent que, sans cotisation, il ne peut y avoir de droits, alors même que nous accordons de nombreuses exonérations… Or ces cotisations-là n’ouvrent aucun droit. Il faudra remédier à cette situation dans le cadre d’un prochain texte sur les retraites.
En attendant une solution pérenne, et pour favoriser le cumul emploi-retraite, nous devons accorder aux personnes concernées une exonération des cotisations vieillesse portant simplement – tel est l’objet de la rectification de mon amendement – sur les retraites complémentaires. Je suis d’accord pour dire qu’il faut contingenter une telle disposition de manière à ce qu’elle n’emporte pas de conséquences financières trop lourdes.
Ma proposition rectifiée est donc bien une mesure d’urgence, mais je crois qu’elle mérite que nous y réfléchissions, car il est important que le principe selon lequel des cotisations donnent droit à une prestation soit respecté.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’augmentation des salaires serait une solution…
M. le président. Le sous-amendement n° 451, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 84 rectifié bis, après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du présent article n’est pas applicable aux indemnités mentionnées à l’article L. 382-31. » ;
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Le sous-amendement n° 451 vise à exclure les élus de ce dispositif, puisque leurs cotisations ouvrent des droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 84 rectifié bis ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement qui a été examiné par la commission a été rectifié depuis et je qualifierais volontiers la version actuelle de cet amendement de juste et d’honnête.
La situation des personnes qui cumulent emploi et retraite et qui cotisent, mais qui n’ont pas de droits à ce titre, pose une difficulté qui est presque d’ordre constitutionnel. C’est une question que nous abordons depuis de nombreuses années.
Le Gouvernement a souvent été interpellé sur ce sujet, nous n’avons jamais eu de réponse et nous attendons une hypothétique réforme des retraites pour le traiter au fond.
Lorsque cet amendement a été présenté en commission, il a reçu un avis défavorable, notamment en raison de son coût élevé – je l’ai dit clairement et honnêtement aux membres de la commission.
La nouvelle proposition présentée par M. Savary est bien différente. Son périmètre est moins important. De ce fait, son coût l’est lui aussi : de 800 millions d’euros, il passe à 300 millions, soit près de trois fois moins.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement dans la rédaction qui lui était alors soumise, mais elle n’a pas émis d’avis sur la présente rédaction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 84 rectifié bis et le sous-amendement n° 451 ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Je précise que l’Assemblée nationale a introduit un article proposé par le président du groupe GDR, André Chassaigne, permettant aux élus en situation de cumul de leur mandat et de la retraite d’acquérir des droits.
Comme l’a dit Mme le rapporteur, la première version de l’amendement examinée en commission était coûteuse. Mme le rapporteur évoque un coût de 800 millions d’euros, l’estimation des services de l’État était plutôt autour de 1,3 milliard d’euros.
Le coût de la rédaction actuelle de cet amendement est estimé à un tiers du précédent, soit environ 500 millions d’euros, quand Mme le rapporteur l’estime à 300 millions.
En tout état de cause, ce sont des sommes considérables qui méritent débat.
Le Gouvernement est ouvert à l’idée de rendre contributives des cotisations acquittées dans le cadre d’un cumul emploi-retraite. Cela nécessite de travailler sur la question des retraites et ce n’est pas la même démarche que celle qui est proposée, qui consiste à exonérer de cotisations les revenus d’activité perçus en sus d’une retraite.
Le Gouvernement considère que tout revenu d’activité doit être soumis à contribution et que le présent débat doit être renvoyé soit à un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) soit à un texte portant sur les retraites.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement et ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je suis au regret de dire à mon ami René-Paul Savary que je ne suis pas d’accord avec son amendement.
Je rejoins tout à fait les explications que vient de donner M. le ministre : il est préférable que les cotisations ouvrent droit à un surcroît de retraite, autrement dit, qu’elles servent.
La proposition qui nous est faite revient à retirer plusieurs centaines de millions d’euros à la sécurité sociale. Dans le cadre du PLFSS, la commission des affaires sociales est souvent contrainte de se gendarmer pour essayer de préserver l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Or vous proposez, mon cher collègue, de supprimer certaines de ses recettes.
Il me paraît préférable, comme l’a indiqué M. le ministre, de transformer le plus rapidement possible cette cotisation en un droit supplémentaire.
Une telle disposition reviendrait tout de même à amputer l’Agirc-Arrco de plusieurs centaines de millions d’euros de recettes.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je partage moi aussi le point de vue exprimé par M. le ministre, à ceci près qu’il ne faudra en aucun cas oublier ceux qui ne relèvent pas du régime général – je pense notamment aux personnes qui sont affiliées à la Mutualité sociale agricole.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je comprends bien toutes les préoccupations qui ont été évoquées, mais nous examinons un texte d’urgence sur le pouvoir d’achat. Cet amendement ne prétend pas résoudre définitivement la difficulté que j’ai pointée, mais il me semble important de réfléchir dès à présent aux solutions que nous pouvons y apporter.
Je souscris naturellement au principe selon lequel une cotisation doit donner lieu à une prestation, mais l’article 40 de la Constitution empêche les parlementaires de faire une telle proposition.
J’attire votre attention sur un exemple précis : les difficultés liées aux déficits de personnels dans les professions médicales et paramédicales. Dans ce contexte, il est important que des médecins ou des infirmières puissent revenir travailler dans un service, même s’ils sont à la retraite. Il serait tout à fait légitime de satisfaire de telles demandes et cet amendement constitue une incitation au travail.
Je rappelle également que, en 2014, un retraité touchait un revenu équivalant à 108 % du salaire moyen d’un actif, mais que ce taux a été ramené à 103 %. Selon les prévisions actualisées, même dans l’hypothèse d’un retour à l’équilibre du système de retraites, le niveau de vie d’un retraité ne dépassera pas 85 % de celui d’un actif touchant un salaire moyen.
Par conséquent, plutôt que de déporter les difficultés sur les retraités, ce qui ne peut conduire qu’à leur appauvrissement, il convient de prendre en compte ces difficultés dès à présent. Voilà pourquoi le cumul emploi-retraite doit bénéficier des mêmes conditions que toute autre forme d’activité. Il doit non seulement être soumis à cotisations, mais il doit aussi produire des droits, d’où l’amendement que je vous ai présenté et que je maintiens.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec M. le ministre. Il me semble, en effet, qu’il ne serait pas bon de supprimer des cotisations, alors qu’elles vont dans le pot commun et qu’elles participent à la richesse générale.
En revanche, je considère qu’il est tout à fait légitime que ceux qui cotisent puissent bénéficier des prestations correspondantes.
Si l’amendement de mon collègue René-Paul Savary a pour effet de rappeler cela au Gouvernement, c’est une bonne chose.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je me trouve dans une position un peu particulière, car j’entends les arguments de mes collègues et je suis d’accord avec tout le monde !
Pourtant, je voterai cet amendement, car si l’on veut tenir l’équilibre budgétaire, il faut nécessairement des cotisations – nous nous accordons tous sur ce point. Le cumul emploi-retraite est un sujet important que nous traiterons dans le cadre du projet de loi sur la réforme des retraites. C’est un dispositif efficace qui permet à des retraités d’accéder à l’emploi ou bien de se mobiliser dans des contextes particuliers, comme celui du manque de médecins ou d’infirmières auquel mon collègue a fait référence.
Aujourd’hui, il s’agit de trouver rapidement les moyens d’améliorer les retraites d’un certain nombre de nos concitoyens. Certes, le texte prévoit d’augmenter de 4 % le niveau des pensions, mais laissez-moi prendre un exemple concret, celui de mon territoire.
On y trouve beaucoup de gens qui touchent de petites retraites. Issus du monde agricole ou anciens artisans, ils espèrent que le Gouvernement fera évoluer leur situation. Il s’agit également d’un territoire où il y a de l’emploi et où les entreprises cherchent à recruter, ce qui rend possible une forme d’adéquation : des gens sont prêts, pendant quelques mois, pour passer une période où les fins de mois sont difficiles, à se mobiliser et à travailler parce qu’ils sont encore en état de le faire. Comment leur expliquer, dès lors, qu’ils devront cotiser, payer des charges, sans bénéficier d’aucun droit en retour ?
Que ce soit pour améliorer le pouvoir d’achat des retraités ou pour faciliter tout ce qui peut permettre de traverser cette période extrêmement difficile, et en attendant de nécessaires réformes de fond, je crois que nous devrions tous adopter une position commune et soutenir cet amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement de M. Savary fait écho à celui que j’avais déposé en 2019, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, et dont l’objet était non pas complètement identique, mais très proche.
En effet, dans mon territoire, on trouve de nombreuses personnes qui ont cotisé le nombre d’annuités suffisant pour être à la retraite, mais qui sont contraintes de continuer de travailler tout simplement parce qu’elles en ont besoin.
Par exemple, dans le secteur de la santé, je connais un psychiatre – il y en a peu en Guadeloupe et aucun pédopsychiatre – qui a atteint l’âge de la retraite, alors qu’on a encore besoin de ses services. Et je pourrais vous citer bien d’autres cas semblables.
Cet amendement me parle, il fait écho aux situations que je rencontre dans mon territoire et je suis favorable à ce que nous avancions sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Je confirme l’avis défavorable du Gouvernement et souhaite vous apporter deux éléments de réponse.
Tout d’abord, cet amendement aurait pour conséquence une perte sèche importante pour les caisses de retraite complémentaire, que Mme le rapporteur estime à 300 millions d’euros et que je chiffre, pour ce qui me concerne, à 500 millions d’euros. Infliger, si je puis dire, une perte de recettes d’un tel montant aux organismes de retraite complémentaire, sans en avoir discuté avec les partenaires sociaux, serait inopportun.
Ensuite, pour faire écho aux propos de Mme Jasmin et à l’exemple qu’elle a mentionné – celui du psychiatre –, j’indique qu’il existe déjà des systèmes d’exonération qui facilitent le cumul emploi-retraite pour les médecins, de sorte que cette demande est satisfaite. (M. René-Paul Savary le conteste.)
Enfin, les travailleurs indépendants qui cotisent à l’occasion d’un cumul emploi-retraite bénéficieront bien évidemment, dès lors qu’ils y sont éligibles grâce au revenu tiré de leur activité indépendante, de la baisse de cotisations votée à l’article 2.
Je ne pense pas que nous puissions prendre le risque d’une telle baisse de recettes pour les organismes de retraite complémentaire.
M. le président. Monsieur Savary, l’amendement n° 84 rectifié bis est-il maintenu ?
M. René-Paul Savary. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié bis est retiré.
Article 3
I. – (Non modifié) Au premier alinéa de l’article L. 3312-2 du code du travail, après le mot : « accord », sont insérés les mots : « ou par décision unilatérale de l’employeur, selon les modalités énoncées respectivement aux I et II de l’article L. 3312-5 ».
II. – (Non modifié) L’article L. 3312-5 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
b) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le renouvellement par tacite reconduction peut intervenir plusieurs fois. » ;
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation au I, lorsque l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche agréé, un régime d’intéressement peut être mis en place par décision unilatérale, pour une durée comprise entre un an et cinq ans, par :
« 1° L’employeur d’une entreprise de moins de cinquante salariés dépourvue de délégué syndical et de comité social et économique. Il en informe les salariés par tous moyens ;
« 2° L’employeur d’une entreprise de moins de cinquante salariés si, au terme d’une négociation engagée sur le fondement des 1° ou 3° du même I, aucun accord n’a été conclu. Dans ce cas, un procès-verbal de désaccord est établi et consigne en leur dernier état les propositions respectives des parties. Le comité social et économique est consulté sur le projet de régime d’intéressement au moins quinze jours avant son dépôt auprès de l’autorité administrative.
« Le régime d’intéressement mis en place unilatéralement en application du présent II vaut accord d’intéressement au sens du I du présent article et au sens du 18° bis de l’article 81 du code général des impôts. Le présent titre est applicable à ce régime, à l’exception des articles L. 3312-6 et L. 3314-7 du présent code. »
III. – (Non modifié) À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3312-6 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
IV. – (Non modifié) L’article L. 3313-3 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa et à la première phrase du dernier alinéa, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au premier » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles, lorsque l’accord a été rédigé selon une procédure dématérialisée permettant de vérifier préalablement sa conformité aux dispositions légales en vigueur, les exonérations prévues aux mêmes articles L. 3312-4 et L. 3315-1 à L. 3315-3 sont réputées acquises pour la durée dudit accord à compter de son dépôt dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article. »
IV bis (nouveau). – Au 1° de l’article L. 3314-5 du code du travail, après la référence : « L. 1225-17, », sont insérés les mots : « de congé de paternité et d’accueil de l’enfant prévu à l’article L. 1225-35, ».
V. – L’article L. 3345-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3345-2. – Les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 ou L. 752-4 du code de la sécurité sociale ou à l’article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime disposent d’un délai, fixé par décret, à compter du dépôt auprès de l’autorité administrative des accords mentionnés aux articles L. 3313-3 et L. 3323-4 du présent code et des règlements mentionnés aux articles L. 3332-9, L. 3333-2, L. 3334-2 et L. 3334-4 du même code et aux articles L. 224-14 et L. 224-16 du code monétaire et financier pour demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales, à l’exception des règles relatives aux modalités de dénonciation et de révision des accords.
« Le délai mentionné au premier alinéa du présent article ne peut excéder trois mois. »
V bis (nouveau). – À l’article L. 3345-3 du code du travail, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au premier ».
V ter (nouveau). – L’article L. 3345-4 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai mentionné au premier alinéa ne peut excéder quatre mois. » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « au », il est inséré le mot : « même ».
VI. – Les IV, V, V bis et V ter du présent article sont applicables aux accords et règlements déposés à compter du 1er janvier 2023.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 159 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 353 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly pour présenter l’amendement n° 159.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 3 vise à développer les dispositifs d’intéressement en entreprise. Les employeurs ont déjà la possibilité de mettre en place un plan d’épargne salariale qui peut prendre la forme d’un plan d’épargne entreprise, d’un plan d’épargne interentreprises ou d’un plan d’épargne pour la retraite collective.
L’article 3 prévoit d’assouplir les conditions de mise en œuvre d’un dispositif d’intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés et d’autoriser leur adoption par décision unilatérale de l’employeur, lorsque les délégués syndicaux ou les instances représentatives du personnel sont inexistants, ou bien en cas d’échec des négociations portant sur la mise en place d’un accord d’intéressement.
Autrement dit, si dans une entreprise les représentants du personnel refusent l’instauration de l’intéressement pour privilégier une augmentation des salaires, l’employeur pourra s’asseoir sur le refus des organisations syndicales.
Nous refusons pour notre part ce passage en force des employeurs par décision unilatérale. Attachés aux principes qui ont présidé à l’instauration de la sécurité sociale dans notre pays, nous considérons que le véritable partage de la valeur dans les entreprises, ce sont les cotisations sociales. Les salariés et les employeurs financent ensemble une caisse commune, la sécu, dont les prestations sociales sont la part socialisée du salaire.
Pour toutes ces raisons, nous sommes opposés à l’article 3.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 353 rectifié.
Mme Corinne Féret. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose également la suppression de cet article.
Pour compléter l’intervention de ma collègue, j’ajouterai que le dispositif d’imposition par l’employeur d’un accord d’intéressement constitue une véritable négation du dialogue social, de l’implication des salariés dans la vie de l’entreprise et du rôle des organisations syndicales. Voilà pourquoi nous entendons supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’article 3 vise à assouplir la notion d’intéressement grâce à un certain nombre de mesures et de mécanismes.
Comme je l’ai dit à M. le ministre en commission, cette mesure est très éloignée de l’objet du texte, à savoir l’amélioration du pouvoir d’achat. Elle n’est pas de court terme et n’aura aucun effet immédiat.
Néanmoins, elle va plutôt dans le bon sens, puisqu’elle instaure des mécanismes qui simplifient l’intéressement.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 159 et 353 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 144, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le 4° est abrogé ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 3 élargit aux entreprises de moins de cinquante salariés le pouvoir unilatéral pour l’employeur de décider, seul, en cas de désaccord ou de carence, le mode de calcul et les règles de répartition entre les salariés d’un dispositif d’intéressement collectif. Pourtant, cette possibilité, déjà offerte aux TPE, n’a pas montré son efficacité et, si une évaluation a bien été réalisée, aucune analyse n’a été produite sur cet échec relatif.
Ce nouveau contournement du cœur de la compétence et de la légitimité des organisations syndicales est unanimement condamné par les organisations de salariés et contredit le discours sur un changement de méthode quant au respect des corps intermédiaires.
Si l’installation d’un comité social et économique (CSE) est obligatoire dans les entreprises de plus de onze salariés, c’est précisément parce que le dialogue social au sein des entreprises est crucial.
Rappelons que le partage de la valeur ajoutée brute s’effectue d’abord et avant tout par la négociation annuelle obligatoire, la fameuse NAO, et que les accords collectifs d’intéressement ne peuvent s’y substituer. Les organisations syndicales sont garantes de cette non-substitution, ce qui justifie amplement le refus d’une décision unilatérale de l’employeur.
À l’opposé de l’article 3 qui exonère l’employeur de sa responsabilité dans l’obtention d’un accord avec les syndicats, il aurait été plus conforme à l’esprit du dispositif d’encourager les entreprises à lever les freins à la désignation de représentants du personnel ou à la création d’instances représentatives, et à respecter sans la contourner la compétence exclusive des syndicats.
Par le présent amendement, nous voulons rappeler que la mise en place d’un dispositif d’intéressement suppose des négociations préalables et conclusives avec un délégué syndical ou des organisations syndicales ou au sein du comité social et économique. Éviter d’augmenter les salaires et contourner les organisations syndicales, la logique est un peu abusive !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à détricoter l’article 3, en supprimant la possibilité pour l’employeur de mettre en place un accord d’intéressement par décision unilatérale.
Madame Poncet Monge, je partage votre analyse quant à la mesure qui s’applique aux entreprises de moins de onze salariés et qui date de 2020. On a en effet très peu de recul et pourtant l’extension est immédiate.
Toutefois, la disposition telle qu’elle figure dans l’article 3 reste relativement encadrée en ce qui concerne les entreprises de plus de onze salariés, puisque le texte prévoit que l’intéressement sera possible, par décision unilatérale, s’il n’y a pas de possibilité de dialogue social ou si le dialogue social a échoué et s’il n’y a pas d’accord de branche. Le dispositif est donc suffisamment encadré pour que le dialogue social puisse avoir lieu dans l’entreprise.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Levi, Mme Demas, MM. Chasseing et Capus, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Decool, Guerriau, Hingray, Folliot, de Nicolaÿ, Houpert et Lévrier, Mme F. Gerbaud, MM. Sautarel, A. Marc, Malhuret et Verzelen, Mme Vermeillet, M. Longeot, Mme Guillotin et M. Menonville, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le même premier alinéa de l’article L. 3312-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’administration met chaque année à disposition de l’entreprise un formulaire prérempli avec toutes les informations dont elle dispose et qui pourraient aider l’entreprise à réaliser cette démarche. »
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Afin d’encourager la mise en place de l’intéressement au sein des entreprises, il convient de faciliter au mieux leurs démarches.
Le présent amendement vise donc à inscrire dans la loi le principe selon lequel l’administration met chaque année à la disposition de l’entreprise un formulaire de type Cerfa, préalablement rempli avec toutes les informations dont elle dispose déjà sur le compte de l’entreprise. L’entreprise n’aurait plus qu’à compléter ou amender ces informations pour instaurer un intéressement.
En outre, cela permettrait aux entreprises qui n’ont pas encore connaissance de la possibilité dont elles disposent d’en être informées par l’administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Tout d’abord, nous doutons que cet amendement relève du domaine législatif, car il porte sur un aspect très opérationnel.
De surcroît, les services du ministère du travail et l’Urssaf travaillent déjà au renforcement des plateformes mon-interessement.urssaf.fr et TéléAccords et à leur articulation.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Demande de retrait pour les mêmes raisons. L’amendement est satisfait par le site mon-interessement.urssaf.fr qui mettra à disposition un Cerfa simplifié pour la mise en place de ces accords.
M. le président. Monsieur Lagourgue, l’amendement n° 102 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 161, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 3312-4 du code du travail est complétée par les mots : « , sauf pour les cotisations à l’assurance maladie ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à soumettre à des cotisations maladie les sommes versées au titre de l’intéressement.
Les exonérations de cotisations qui sont liées à l’intéressement coûtent déjà 1,7 milliard d’euros par an à elles seules. C’est un dispositif qui, selon nous, bloque l’augmentation des salaires et assèche les recettes de la sécurité sociale, même si les pertes sont compensées. Ces coûts viendront demain justifier le transfert de certaines missions de la sécu aux assurances privées.
Pour mémoire, les soins hospitaliers représentent pratiquement 50 % des dépenses du système de santé et, parmi l’ensemble des soins hospitaliers, près de 90 % sont financés par la sécurité sociale. L’assurance maladie étant le principal payeur de l’hôpital, supprimer ses cotisations sur les accords d’intéressement revient en réalité à amputer l’hôpital public d’une partie non négligeable de son budget.
Or cette baisse de budget entraîne des conséquences lourdes, comme le montre un exemple récent. Un couple s’est présenté au centre hospitalier des Sables-d’Olonne, en Vendée, avec un bébé en détresse respiratoire. Ils n’ont pas pu être pris en charge aux urgences faute de médecins et ont dû se rendre dans un autre hôpital, situé à quarante kilomètres. Cette forme de refus de soins est d’une extrême gravité.
Poursuivre les exonérations de cotisations maladie, c’est prendre le risque que ce genre de situation se multiplie jusqu’à devenir la norme en moins de temps qu’il ne faut pour réaliser une mission flash…
À l’heure où les urgences hospitalières sont contraintes de fermer leurs portes le soir et le week-end en raison du manque de personnel, car celui-ci ne supporte plus les conditions de travail dégradées dues en premier lieu au manque de moyens financiers, pérenniser ces exonérations de cotisations reviendrait à envoyer un signal extrêmement négatif au personnel et aux patients.
Tel est le sens de notre amendement, dans le droit fil de la logique que nous défendons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Sans rappeler l’objet de l’amendement qui a fort bien été expliqué par Mme Cohen, on constate que la logique des uns et des autres est constante, ce qui est plutôt rassurant.
Aujourd’hui, l’intéressement bénéficie d’un certain nombre d’avantages qui font son succès, mais nous devons prendre des précautions pour continuer de le développer.
J’indiquerai simplement que les sommes au titre de l’intéressement sont déjà assujetties à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et également, pour les entreprises de plus de 250 salariés, au forfait social.
Dans la même logique que pour les amendements précédents, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Même avis pour les mêmes raisons. J’ajoute que l’intéressement permet des recettes au titre du forfait social à hauteur de 2,7 milliards d’euros, soit un montant important.
M. le président. L’amendement n° 354 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’alinéa 4. En effet, il y a une contradiction intrinsèque dans la mise en œuvre d’un régime d’intéressement sans accord ou consultation des organisations syndicales, puisqu’il s’agit d’impliquer et d’associer les salariés aux résultats de l’entreprise. On créerait donc un dispositif d’implication des salariés sans les associer à la décision de mise en œuvre dudit dispositif.
Permettre à cette condition intrinsèque de perdurer jusqu’à cinq ans est excessif. Cinq ans, c’est long dans la vie d’une entreprise. Il convient que le dialogue social puisse retrouver sa place dans un délai plus court.
Par ailleurs, la durée initiale d’homologation des dispositifs d’intéressement unilatéraux a été fixée à trois ans, au motif que les TPE-PME ne pouvaient pas forcément définir sur une longue période une formule de calcul sur la base d’indicateurs pertinents, par manque de prévisibilité à moyenne échéance de leurs résultats. Ce motif est toujours valable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’extension à cinq ans de la durée maximale d’un accord d’intéressement, ce qui revient à détricoter de nouveau l’article 3.
Nous considérons qu’il s’agit là d’un levier pour encourager la conclusion d’accords d’intéressement plus longs. Par ailleurs, cela n’empêche pas le dialogue social dans l’entreprise sur d’autres sujets.
L’avis est défavorable, puisque nous souhaitons conserver la souplesse introduite à l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 374 rectifié, présenté par Mmes Billon, Devésa, Dindar, Doineau, Gacquerre, Jacquemet et Létard et MM. Cigolotti, S. Demilly, Duffourg, Henno, Hingray, Kern, Lafon, Le Nay, Longeot et P. Martin, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7
Supprimer les mots :
lorsque l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche agréé,
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement vise à maintenir les entreprises de même taille sur un pied d’égalité, que leur secteur soit pourvu d’un accord de branche ou pas.
L’intéressement est un dispositif facultatif. Les branches l’ayant mis en place par accord collectif proposent aux entreprises un dispositif clé en main, qu’elles sont libres d’utiliser ou pas. Ces dernières peuvent toutefois souhaiter mettre en place l’intéressement en choisissant des dispositions différentes de celles définies par la branche.
Il est donc regrettable qu’une entreprise de moins de cinquante salariés appartenant à un secteur pourvu d’un accord de branche ne puisse pas définir son propre dispositif par décision unilatérale de l’employeur (DUE).
Lorsqu’il existe un accord de branche agréé, les entreprises de moins de cinquante salariés peuvent opter par DUE pour l’application directe du dispositif de branche. Cette faculté n’est toutefois laissée que dans la mesure où l’entreprise reste dans le cadre des options préfixées par les branches.
Une entreprise de moins de cinquante salariés qui ne trouverait pas dans l’accord de sa branche la formule d’intéressement convenant à sa situation ne pourrait donc pas mettre en place un intéressement par DUE, alors que cette possibilité serait ouverte à l’entreprise dont la branche n’a pas négocié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à ouvrir la possibilité de déroger par décision unilatérale de l’employeur à un accord de branche relatif à l’intéressement.
Le fait qu’une décision unilatérale de l’employeur puisse contredire un accord de branche ne paraît ni souhaitable ni possible. Cela pourrait même contrevenir au préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux engagements internationaux de la France dans le cadre de l’Organisation internationale du travail.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Billon, l’amendement n° 374 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 374 rectifié est retiré.
L’amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. L’article 3 prévoit que, si l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche agréé, un régime d’intéressement peut être mis en place par décision unilatérale de l’employeur pour une durée comprise entre un an et cinq ans.
Afin de favoriser le dialogue social dans l’entreprise, il serait préférable que la durée maximale ne soit pas aussi longue. Nous proposons donc de la raccourcir à trois ans. Cette durée nous semble suffisante pour que l’entreprise et les représentants des salariés discutent et conviennent d’un nouvel accord d’intéressement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement limite à trois ans, versus cinq ans dans le texte, la durée maximale des accords d’intéressement mis en place par décision unilatérale.
La souplesse que prévoit le texte nous paraît intéressante et je considère qu’il faut la laisser s’appliquer. L’avis est défavorable, car la commission souhaite maintenir l’article 3 dans sa rédaction actuelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 38 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 355 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, qui a dressé le procès-verbal de carence prévu à l’article L. 2314-9 du présent code
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ainsi que ceux qui vont suivre sont des amendements de repli de la suppression de l’article 3. Ils ont pour objet de reconnaître toute sa place au dialogue social dans l’entreprise.
Celui-ci vise à compléter l’alinéa 8 pour limiter la faculté d’imposer un dispositif d’intéressement aux seules entreprises qui respectent leurs obligations en matière de représentation du personnel.
Il s’agit d’éviter que des entreprises dans lesquelles l’absence de CSE serait de la responsabilité de l’employeur ne puissent utiliser la procédure dérogatoire d’homologation d’un accord d’intéressement unilatéral. Nous voulons donc limiter cette procédure aux entreprises vertueuses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il me semble que cet amendement est satisfait par l’alinéa 1er de l’article 3, qui prévoit déjà que l’employeur qui ne respecte pas ses obligations en matière de représentation du personnel ne pourra pas instituer de régime d’intéressement par décision unilatérale.
Dans la mesure où cela couvre la situation que vous mentionnez, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Demande de retrait. En effet, le I de l’article que nous examinons modifie l’article L. 3312-2 du code du travail, qui impose à l’entreprise d’être à jour des obligations en matière de représentation du personnel pour pouvoir instituer un intéressement collectif des salariés par voie d’accord. Nous avons élargi cette obligation aux décisions unilatérales, de sorte que votre amendement est satisfait.
M. le président. Madame Le Houerou, l’amendement n° 355 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie Le Houerou. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 355 rectifié est retiré.
L’amendement n° 162, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Remplacer les mots :
en informe
par les mots :
consulte préalablement
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Dans le même esprit que pour le précédent amendement de repli, le groupe CRCE demande a minima que, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou de CSE, l’employeur consulte préalablement les salariés.
En effet, il n’y a pas de raison que ces salariés, qui sont peu nombreux – moins de onze dans l’entreprise –, soient seulement informés de la décision qui concerne l’intéressement. Ils doivent aussi être consultés, comme ceux des autres entreprises qui le sont via leurs délégués syndicaux ou le CSE.
Je considère qu’il s’agit là d’une mesure responsable de dialogue social, qui s’inscrit dans le droit fil de la logique défendue par la Première ministre dans sa déclaration de politique générale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement porte surtout sur un point de sémantique. En effet, le texte prévoit que l’employeur doit « informer » les instances, alors que vous proposez d’inscrire qu’il doit les « consulter ».
Toutefois, la consultation n’entraîne pas forcément l’adhésion, de sorte que votre proposition nous semble superfétatoire, même si j’en comprends l’intention, monsieur Savoldelli.
Nous préférons faire confiance aux employeurs pour instaurer un dialogue et pour mettre en place l’intéressement, certes par décision unilatérale, mais en préservant un minimum de consultation ou d’information des salariés.
Par conséquent, nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Savoldelli, l’amendement n° 162 est-il maintenu ?
M. Pascal Savoldelli. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 163 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 356 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 163.
Mme Laurence Cohen. Dans la continuité de l’amendement n° 162 que vient de défendre mon collègue Pascal Savoldelli et qui prévoyait de remplacer l’obligation d’information par une véritable consultation des délégués syndicaux et des membres du CSE – la sémantique est importante, car chaque mot a un sens précis –, cet amendement vise à supprimer la possibilité pour l’employeur d’imposer par la force la mise en place de l’intéressement, y compris en cas d’échec des négociations.
Cette brèche ouverte dans l’équilibre fragile des rapports entre l’employeur et les représentants du personnel nous semble particulièrement dangereuse. Telle est la raison de notre amendement de suppression de l’alinéa 9.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 356 rectifié.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement identique traduit notre inquiétude face à la négation du dialogue social.
Notre groupe estime que la loi n’a pas à légitimer ce genre de pratique, qui est délétère pour le climat interne de l’entreprise et qui interdit toute possibilité de faire aboutir ultérieurement par le dialogue social une proposition alternative.
Il convient donc de promouvoir le principe de l’intelligence collective plutôt que celui de l’autoritarisme, y compris en entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, l’article 3 introduit un certain nombre de souplesses.
Ces deux amendements identiques visent à supprimer la possibilité d’instituer un régime d’intéressement par décision unilatérale à la suite de l’échec des négociations collectives.
Il est vrai que les motifs de cet échec peuvent être ténus et donner lieu à des situations compliquées. Faut-il pour autant ne pas développer l’intéressement, alors que nous sommes tous très favorables à ce dispositif ?
La commission a répondu par la négative à cette question, d’où l’avis défavorable aux deux amendements identiques qui visent à supprimer l’alinéa 9 de l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 163 et 356 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 160, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement de repli a pour objet de limiter la possibilité offerte à l’employeur de décider unilatéralement des conditions d’octroi de l’intéressement aux entreprises employant moins de cinquante salariés et dépourvues de CSE ou de délégués syndicaux.
En effet, nous pensons qu’offrir la possibilité à l’employeur de passer outre à un désaccord apparu au cours des négociations lui donnera un pouvoir exorbitant, y compris durant ces mêmes négociations, au détriment des représentants des salariés. Or, compte tenu de la place structurelle que tendent à prendre les rémunérations hors salaire dans la rémunération globale, il ne nous semble pas acceptable que l’employeur puisse passer outre à la volonté des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement, comme les précédents que nous venons d’examiner, tend à détricoter l’article 3. Il s’agit ici de supprimer l’alinéa 10 qui prévoit que le régime d’intéressement mis en place unilatéralement vaut accord d’intéressement.
Si la mise en place d’accords d’intéressement par décision unilatérale est autorisée, il convient de leur appliquer les règles prévues pour les autres accords. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Comme vient de l’expliquer Mme le rapporteur, cet amendement tend à supprimer l’assimilation de la décision unilatérale de l’employeur à un accord d’intéressement.
Il me semble que votre défense de l’amendement avait plutôt pour idée principale de supprimer la possibilité pour l’employeur de prendre une décision de manière unilatérale.
Or l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence de maintenir cette possibilité de décision unilatérale, mais de ne pas soumettre le régime qui en serait issu aux mêmes règles fiscales et sociales que les accords d’intéressement.
Il me semble qu’il y a là un problème de rédaction. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. Fabien Gay. Je le retire !
M. le président. L’amendement n° 160 est retiré.
L’amendement n° 357 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 11 et à rétablir à trois ans, contre cinq ans prévus dans cet alinéa, la durée maximale d’homologation des régimes d’intéressement établis par décision unilatérale de l’employeur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement concerne les accords d’intéressement de projet, qui sont des mécanismes mis en place entre plusieurs entreprises concourant à des activités coordonnées.
Il relève toutefois de la même logique que les amendements précédents, à savoir conserver une durée maximale des accords d’intéressement de trois ans contre cinq ans prévus dans le présent projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 112 rectifié bis est présenté par Mme Lavarde, MM. Anglars, Babary, Bascher et Belin, Mme Belrhiti, MM. J.B. Blanc, Bouloux, Brisson, Burgoa, Cambon et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier et Darnaud, Mme de Cidrac, MM. de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Demas, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes Gruny, Imbert et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Lefèvre, Mandelli, Paccaud, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin, Rietmann, Saury, Sautarel, Savary, Sol et Tabarot, Mme Ventalon et M. J.P. Vogel.
L’amendement n° 258 rectifié quater est présenté par M. Menonville, Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Lagourgue, Guerriau, Malhuret, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga, Capus, Bouchet et Decool.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le troisième alinéa de l’article L. 3314-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La formule de calcul peut intégrer un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux. »
La parole est à Mme Christine Lavarde pour présenter l’amendement n° 112 rectifié bis.
Mme Christine Lavarde. Il s’agit de permettre l’introduction de critères de responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans la formule de calcul de l’intéressement.
À ce jour, les entreprises y sont réticentes, parce que la formule de calcul de l’intéressement doit présenter un caractère aléatoire, en prenant en compte les résultats ou les performances de l’entreprise.
Cet amendement vise à sécuriser les accords d’intéressement intégrant de tels critères et ainsi éviter que les primes versées par les entreprises soient redressées en cas de contrôle par l’Urssaf.
Il me semble relever du bon sens : par exemple, plusieurs lois – je pense notamment à la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte – incitent les entreprises à la sobriété énergétique et il est logique de rétribuer les salariés pour les efforts qu’ils réalisent.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 258 rectifié quater.
M. Jean-Louis Lagourgue. Il est défendu, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il nous semble que cette demande est satisfaite, puisque la prise en compte d’un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux dans la formule de calcul de l’intéressement est déjà possible.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Ces amendements visent à sécuriser les montants versés dans le cadre de l’intéressement dans le cas où la formule de calcul intègre des critères de RSE, en imposant à l’Urssaf et à la MSA de prendre en compte de tels critères, lorsqu’ils sont mis en place.
Nous publions déjà des guides qui permettent aux chefs d’entreprise d’y voir plus clair en matière d’intéressement.
Cependant, nous avons aussi besoin d’une procédure de sécurisation a priori de ces accords par l’Urssaf ou la MSA. Cet examen préalable est l’occasion de vérifier le caractère aléatoire de la formule de calcul de l’intéressement et d’indiquer aux employeurs quels critères ne correspondent pas à cette définition.
Notre objectif est évidemment de favoriser l’intégration de clauses de RSE dans les formules de calcul de l’intéressement, mais nous devons aussi éviter l’incertitude liée à la requalification éventuelle d’un accord d’intéressement, dans le cas où le caractère aléatoire de la formule de calcul n’est pas respecté – c’est notamment l’objet du contrôle a priori.
Dans le cadre du nouveau site internet que nous mettrons en œuvre – mon-interessement.urssaf.fr – qui vise à sécuriser les démarches, notamment en proposant le Cerfa que j’évoquais tout à l’heure, les chefs d’entreprise pourront choisir de manière sécurisée des critères de RSE valides.
Comme l’expliquait Mme le rapporteur, ces amendements sont donc satisfaits dans le cadre pédagogique que je viens de présenter, qui permet la sécurisation provisoire du caractère aléatoire des critères retenus.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements.
M. le président. Madame Lavarde, l’amendement n° 112 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Christine Lavarde. Non, je le retire, monsieur le président.
Nombre d’entreprises étaient inquiètes et les propos tenus par M. le ministre dans notre hémicycle devraient les rassurer pleinement. Le cadre est bien prévu, tout comme l’accompagnement. L’amendement n’a donc plus lieu d’être.
M. le président. L’amendement n° 112 rectifié bis est retiré.
Monsieur Lagourgue, l’amendement n° 258 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 258 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 396 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Malhuret, Mmes N. Delattre et Dumont, MM. Guerriau, Bouchet et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Chasseing, Capus, Wattebled, Decool, Menonville et Verzelen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article L. 3314–4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la période de calcul est annuelle, l’accord d’intéressement peut être conclu jusqu’au dernier jour du neuvième mois qui suit la date de clôture de l’exercice précédent. Sans préjudice du premier alinéa, l’accord doit alors être conclu pour une durée minimum de deux ans. »
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement vise à étendre la date limite de conclusion de l’accord d’intéressement au dernier jour du troisième trimestre, contre le dernier jour du deuxième trimestre actuellement.
Grâce à cet assouplissement, les entreprises auraient davantage de temps pour négocier leurs accords. Par ailleurs, l’intéressement gagnerait en efficacité, car le délai entre le moment où l’intéressement est mis en place et celui où il produit des effets serait raccourci.
Afin de préserver le caractère aléatoire de l’intéressement, cet amendement propose de conditionner cet assouplissement aux accords conclus pour une durée minimum de deux ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’objet de cet amendement et la souplesse qu’il offre sont compréhensibles.
Néanmoins, je crains que l’on contrevienne au principe du caractère aléatoire de l’intéressement pour la première année d’exécution de l’accord : en se rapprochant de la date de clôture de l’exercice, les estimations de résultats de l’entreprise seraient plus précises.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lagourgue, l’amendement n° 396 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 396 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 253 rectifié ter, présenté par MM. Menonville, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Wattebled, Verzelen, Moga et Mandelli, Mmes N. Delattre et Dumont, MM. Capus et Bouchet et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 16
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après le premier alinéa de l’article L. 3314-8 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, dans les entreprises qui n’ont pas mis en place un accord d’intéressement depuis au moins cinq ans et si le nouvel accord le prévoit, les entreprises peuvent effectuer un versement initial de prime d’intéressement, dans la limite d’un plafond fixé par décret. Ce versement est soumis au même régime social et fiscal que les primes distribuées aux bénéficiaires mentionnées au premier alinéa du présent article. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement vise à créer un intéressement que je qualifierai d’amorçage permettant aux salariés de bénéficier d’une prime dès la première année de mise en œuvre d’un accord. L’objectif est d’encourager les entreprises à mettre en place de tels accords.
Le montant de cet intéressement d’amorçage est limité à 2 % du plafond annuel de la sécurité sociale. Il sera pris en compte dans les plafonds applicables aux primes d’intéressement et sera soumis au même régime que les autres primes.
L’octroi de cet intéressement d’amorçage sera possible pour toute conclusion d’un nouvel accord d’intéressement, à condition qu’aucun accord d’intéressement n’ait été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq ans avant la date d’effet du nouvel accord.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je comprends l’objectif de cet amendement, mais créer une telle prime d’amorçage risque également de contrevenir au principe du caractère aléatoire de l’intéressement.
Par ailleurs, la prime de pouvoir d’achat, votée à l’article 1er, permettra déjà de verser une prime de court terme et il ne me semble pas particulièrement pertinent d’ajouter une prime à une prime – certains de mes collègues ne manqueront pas d’être d’accord avec cette position… (Sourires.)
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 253 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 253 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 244 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Malhuret, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga et Capus, Mme Paoli-Gagin et M. Decool, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Les délais du contrôle de légalité applicables à tout dispositif d’épargne salariale seraient raccourcis. Le contrôle de forme, opéré par la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), serait en effet supprimé.
Mais, dans le cadre d’une administration efficace, un délai de trois mois est encore trop long pour les entreprises. Il est donc proposé de fixer ce délai à deux mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est toujours possible d’essayer de faire mieux et l’administration doit, sans aucun doute, travailler dans ce sens.
Pour autant, l’article 3 a déjà pour objet de gagner un mois de délai grâce à la suppression du contrôle préalable de la Dreets. Cet effort de simplification peut être salué ; aller plus loin, sauf si M. le ministre nous dit que c’est possible, risque d’être un peu compliqué. Testons déjà les dispositions mises en place par l’article 3 et voyons ensuite s’il est possible de faire encore mieux.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 244 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Malhuret, Guerriau, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga et Capus, Mme Paoli-Gagin et M. Decool, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. L’objectif de cet amendement est de sécuriser les chefs d’entreprise au plus vite, lorsqu’ils mettent en place des contrats d’épargne salariale. Il tend à réduire de quatre à trois mois le délai de la procédure d’agrément conduite par l’autorité administrative compétente. Un délai de quatre mois nous semble trop long et il risque, pour le moins, de décourager les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je rappelle que l’article 3 prévoit déjà une réduction de ce délai, qui passerait de six à quatre mois. Là encore, observons d’abord comment les choses se passent avec un délai réduit à quatre mois, plutôt que de passer directement à trois mois, comme les auteurs de cet amendement le proposent.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 247 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
I. – Les droits au titre de la participation aux résultats de l’entreprise affectés, en application des articles L. 3323-2 et L. 3323-5 du code du travail, antérieurement au 1er janvier 2022, à l’exclusion de ceux affectés à des fonds investis dans des entreprises solidaires en application du premier alinéa de l’article L. 3332-17 du même code, sont négociables ou exigibles, pour leur valeur au jour du déblocage, avant l’expiration des délais prévus aux articles L. 3323-5 et L. 3324-10 dudit code, sur demande du salarié pour financer l’achat d’un ou de plusieurs biens ou la fourniture d’une ou de plusieurs prestations de services.
Les sommes attribuées au titre de l’intéressement affectées à un plan d’épargne salariale, en application de l’article L. 3315-2 du même code, antérieurement au 1er janvier 2022, à l’exclusion de celles affectées à des fonds investis dans des entreprises solidaires en application du premier alinéa de l’article L. 3332-17 du même code, sont négociables ou exigibles, pour leur valeur au jour du déblocage, avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 3332-25 du même code, sur demande du salarié pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services.
Lorsque, en application de l’accord de participation, la participation a été affectée à l’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une entreprise qui lui est liée au sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1 du même code, ou de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif relevant des articles L. 214-165 à L. 214-166 du code monétaire et financier, ou placée dans un fonds que l’entreprise consacre à des investissements, en application de l’article L. 3323-3 du code du travail, le déblocage de ces titres, parts, actions ou sommes est subordonné à un accord conclu dans les conditions prévues aux articles L. 3322-6 et L. 3322-7 du même code. Cet accord peut prévoir que le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits ne peut être effectué que pour une partie des avoirs en cause.
Lorsque, en application du règlement du plan d’épargne salariale, l’intéressement a été affecté à l’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une entreprise qui lui est liée au sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1 du même code, ou de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières relevant des articles L. 214-165 à L. 214-166 du code monétaire et financier, le déblocage de ces titres, parts ou actions est subordonné à un accord conclu dans les conditions prévues aux articles L. 3332-3 et L. 3333-2 du code du travail. Cet accord peut prévoir que le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits peut n’être effectué que pour une partie des avoirs en cause. Lorsque le plan d’épargne salariale a été mis en place à l’initiative de l’entreprise dans les conditions prévues à l’article L. 3332-3 du même code, le déblocage susvisé des titres, parts ou actions, le cas échéant pour une partie des avoirs en cause, peut être réalisé dans les mêmes conditions.
II. – Le salarié peut demander le déblocage de tout ou partie des titres, parts, actions ou sommes mentionnés au I jusqu’au 31 décembre 2022. Il est procédé à ce déblocage en une seule fois.
III. – Les sommes versées au salarié au titre du I ne peuvent excéder un plafond global de 10 000 €, net de prélèvements sociaux.
IV. – Les sommes mentionnées aux I et II du présent article bénéficient des exonérations prévues aux articles L. 3312-4 et L. 3315-2 ainsi qu’aux articles L. 3325-1 et L. 3325-2 du code du travail.
V. – Le présent article ne s’applique ni aux droits à participation, ni aux sommes attribuées au titre de l’intéressement affectés à un plan d’épargne pour la retraite collectif prévu à l’article L. 3334-2 du code du travail.
VI. – Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’employeur informe les salariés des droits dérogatoires créés en application du présent article.
VII. – L’organisme gestionnaire ou, à défaut, l’employeur déclare à l’administration fiscale le montant des sommes débloquées en application du présent article.
VIII. – Le salarié tient à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives attestant l’usage des sommes débloquées conformément aux deux premiers alinéas du I.
IX. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
X. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. L’amendement n° 446, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Remplacer le mot :
susvisé
par les mots :
mentionné au présent alinéa
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 447, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
à un plan d’épargne pour la retraite collectif prévu à l’article L. 3334-2 du code du travail
par les mots :
aux plans d’épargne prévus aux articles L. 3334-2 et L. 3334-4 du code du travail, aux articles L. 224-14, L. 224-16, L. 224-23, au deuxième alinéa de l’article L. 224-24 et à l’article L. 224-27 du code monétaire et financier
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Après l’article 3 bis
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par M. Cadec, Mme M. Mercier, M. Bonhomme, Mmes Chauvin et Noël, MM. Panunzi, Sautarel et Somon, Mmes Berthet, Lassarade et Devésa, M. Gueret, Mme Gosselin, MM. Chaize et Burgoa, Mmes F. Gerbaud, Belrhiti et Muller-Bronn, MM. Saury, Paccaud, Tabarot et Karoutchi, Mmes Dumont, Létard, Pluchet et Micouleau, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme Raimond-Pavero, MM. Bouchet, Kern et Calvet, Mme Deseyne, MM. Rapin et B. Fournier, Mmes Imbert, Bourrat et Gruny, MM. Belin, Levi et Anglars, Mme Canayer, MM. de Nicolaÿ, Meurant, Longeot, Joyandet, Charon et H. Leroy et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Aux première et dernière phrases du premier alinéa de l’article L. 3324-10, à la seconde phrase du 1° de l’article L. 3332-11, au premier alinéa et aux deuxième et dernière phrases du second alinéa de l’article L. 3332-25 et au premier alinéa de l’article L. 3332-26 du code du travail, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « deux ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Cet amendement a pour objet de permettre le déblocage anticipé de l’épargne salariale d’un salarié bénéficiant d’un plan épargne entreprise, au terme d’un délai de deux ans au lieu de cinq ans.
Cet amendement répond à l’objectif du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à réduire, de cinq ans à deux ans, le délai autorisant le déblocage anticipé de l’épargne salariale, ce qui ne me semble pas relever pleinement de ce projet de loi qui tend à prendre des mesures d’urgence en faveur du pouvoir d’achat.
Surtout, j’ai fait une autre proposition pour améliorer la liquidité de l’épargne salariale, en permettant un déblocage exceptionnel dans certaines conditions – c’était l’objet de l’article 3 bis que nous venons de voter.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Deseyne, l’amendement n° 74 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Chantal Deseyne. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 259 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga et Capus, Mme Paoli-Gagin et M. Decool, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 137-15 est ainsi modifié :
a) À la fin du onzième alinéa, les mots « dans les entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation de mettre en place un dispositif de participation des salariés aux résultats de l’entreprise prévue à l’article L. 3322-2 du même code » sont supprimés ;
b) Le dernier alinéa est supprimé.
2° Les troisième à cinquième alinéas de l’article L. 137-16 sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement tend à harmoniser et à supprimer le forfait social sur la participation, l’intéressement et les versements pour toutes les entreprises.
L’intéressement et la participation sont des mécanismes majeurs de partage de la valeur pour les salariés et les entreprises. Ils permettent de partager la valeur créée par l’entreprise, lorsque certains objectifs sont atteints, s’agissant de l’intéressement, ou en fonction du résultat d’une formule de calcul, s’agissant de la participation. Les entreprises peuvent également abonder volontairement les plans d’épargne salariale de leurs salariés.
Ces dispositifs sont encouragés par des régimes fiscaux et sociaux spécifiques. Ils sont favorables au pouvoir d’achat des salariés.
Cependant, les taux de forfait social se sont multipliés selon le dispositif concerné et la taille de l’entreprise. Cette absence d’harmonisation n’est pas ou plus justifiée. Elle crée des effets de seuil et elle nuit à la lisibilité des dispositifs, donc à leur diffusion.
Alors que le partage de la valeur et des gains de pouvoir d’achat doit être intensifié et stimulé, il est nécessaire d’harmoniser les taux de forfait social et de simplifier leur fonctionnement.
Pour encourager la mise en place de ces mécanismes de partage de la valeur au bénéfice des salariés, cet amendement vise à harmoniser les régimes, en exonérant de forfait social l’ensemble de ces dispositifs.
Cette mesure permettra, en outre, d’exonérer de forfait social la prime de partage de la valeur instituée par l’article 1er de ce projet de loi. En effet, à la différence de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), à laquelle elle succède, cette prime est soumise au même forfait social que l’intéressement.
M. le président. L’amendement n° 255 rectifié ter, présenté par MM. Menonville, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Malhuret, Wattebled, Verzelen, Moga et Capus et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après la seconde occurrence du mot : « entreprises », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « qui emploient moins de 250 salariés. » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. L’épargne salariale est un système d’épargne collectif mis en place au sein de certaines entreprises. Le principe consiste à verser à chaque salarié une prime liée à la performance de l’entreprise ou représentant une quote-part de ses bénéfices.
Les sommes attribuées peuvent, selon le choix du salarié, lui être versées directement ou être déposées sur un plan d’épargne salariale. Ces dispositifs sont encouragés par des régimes fiscaux et sociaux spécifiques et sont favorables au pouvoir d’achat des salariés.
La multiplication des taux, selon le dispositif concerné et selon la taille de l’entreprise, engendre une situation complexe, dépourvue de lisibilité et d’harmonisation, créant de surcroît des effets de seuil.
Cet amendement vise donc à harmoniser l’ensemble des régimes, en exonérant de forfait social ces dispositifs dès lors que l’entreprise compte moins de 250 salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements suivent la même logique : ils visent à exonérer de forfait social toutes les entreprises, pour l’amendement n° 259 rectifié ter, ou celles de moins de 250 salariés pour l’amendement n° 255 rectifié ter.
Aujourd’hui, il existe déjà une exonération de forfait social sur les primes de participation pour les entreprises de moins de 50 salariés et sur les primes d’intéressement pour celles de moins de 250 salariés. Ce régime est déjà fiscalement et socialement avantageux ; aller au-delà serait excessif dans le contexte que nous connaissons.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 259 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 255 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 261 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle et Moga, Mme Paoli-Gagin et MM. Capus et Decool, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au début du II de l’article 207 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, les mots : « Pour les années 2021 et 2022 » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement tend à exonérer de forfait social les abondements de l’employeur aux plans d’épargne entreprise (PEE) et aux plans d’épargne interentreprises (PEI), qui complètent les versements des salariés en vue de l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe.
L’article 207 de la loi de finances initiale pour 2021 a temporairement exonéré de forfait social, pour les années 2021 et 2022, les abondements de l’employeur aux PEE et PEI qui complètent les versements des salariés pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe.
Cette exonération permet d’inciter les salariés à diriger leur épargne vers le renforcement des fonds propres des entreprises, d’accroître l’actionnariat salarié – un facteur de motivation et de fidélisation des salariés – et ainsi de favoriser le partage de la valeur dans l’entreprise.
La présente proposition prévoit de pérenniser l’exonération temporaire de forfait social prévue par la loi de finances initiale pour 2021.
M. le président. L’amendement n° 262 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Wattebled, Verzelen, A. Marc, Chasseing, Médevielle, Moga et Capus, Mme Paoli-Gagin et M. Decool, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au début du II de l’article 207 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, les années « 2021 et 2022 » sont remplacées par les années « 2023 et 2024 ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Cet amendement tend à proroger jusqu’au 31 décembre 2024 l’exonération de forfait social portant sur les abondements de l’employeur aux PEE et PEI, qui complètent les versements des salariés pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe.
L’article 207 de la loi de finances initiale pour 2021 a temporairement exonéré de forfait social, pour les années 2021 et 2022, les abondements de l’employeur aux PEE et PEI, qui complètent les versements des salariés pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe.
Cette exonération permet d’inciter les salariés à diriger leur épargne vers le renforcement des fonds propres des entreprises, d’accroître l’actionnariat salarié – un facteur de motivation et de fidélisation des salariés – et ainsi de favoriser le partage de la valeur dans l’entreprise.
La présente proposition a pour objet de proroger l’exonération temporaire de forfait social prévue par la loi de finances initiale pour 2021 jusqu’au 31 décembre 2024.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements visent le même objectif de prolongation de l’exonération de forfait social, soit en la pérennisant, soit en la prorogeant jusqu’en 2024.
Cette exonération a été prévue, à titre provisoire, par la loi de finances initiale pour 2021. Il ne me semble pas – M. le ministre nous l’indiquera certainement – qu’elle ait vocation à être pérennisée. En tout cas, on s’éloigne un peu du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Même avis.
Et je confirme que cette exonération n’a pas vocation à être pérennisée.
M. Jean-Louis Lagourgue. Je retire ces deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 261 rectifié ter et 262 rectifié ter sont retirés.
L’amendement n° 200 rectifié, présenté par M. Capo-Canellas, Mme Gacquerre, M. Mizzon, Mmes Guidez et Vermeillet, M. Kern, Mmes N. Goulet et Billon, MM. Le Nay, Levi et Moga, Mme Jacquemet, M. S. Demilly, Mme Vérien, MM. Lafon, Henno, Hingray et P. Martin, Mme Perrot et M. Longeot, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3325-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le montant des sommes affectées à la réserve spéciale de participation, augmenté des sommes versées au titre de l’intéressement, est égal ou supérieur au montant des bénéfices distribués aux associés ou aux actionnaires, l’entreprise peut déduire deux fois le montant des sommes portées à la réserve spéciale de participation, augmenté des sommes versées au titre de l’intéressement, au cours de ce même exercice, des bases retenues pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu exigible au titre de l’exercice au cours duquel elles sont réparties entre les salariés. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement vise à favoriser l’intéressement et la participation. Il s’inscrit dans la lignée des différents dispositifs présentés par plusieurs collègues par le passé. Je me souviens notamment de l’idée – ambitieuse – de notre regretté collègue Serge Dassault, qui proposait la règle des trois tiers : un tiers des bénéfices pour les salariés, un tiers destiné à l’investissement et un tiers pour les actionnaires.
Je m’inscris dans cette démarche, en proposant d’augmenter la participation et l’intéressement, deux éléments importants de l’épargne salariale, selon un mécanisme dont l’impact fiscal n’est pas neutre – je ne l’ignore pas.
Ainsi, le présent amendement prévoit d’instaurer une nouvelle formule de calcul de la réserve spéciale de participation qui serait optionnelle. Si le montant des sommes affectées à la réserve spéciale de participation, augmenté des sommes distribuées au titre de l’intéressement, était égal ou supérieur au montant des dividendes distribués aux actionnaires, l’entreprise bénéficierait alors d’un avantage fiscal, à savoir le doublement de la déduction opérée sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
Un tel mécanisme serait particulièrement puissant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer les déductions fiscales en faveur des entreprises, dont le montant des sommes affectées à la réserve spéciale de participation, augmenté de celles versées au titre de l’intéressement, est égal ou supérieur au montant des bénéfices distribués aux associés et aux actionnaires.
Nous sommes un peu loin du cadre du projet de loi qui nous occupe.
Par ailleurs, la participation et l’intéressement font déjà l’objet d’un régime social et fiscal plutôt satisfaisant. Augmenter encore les exonérations ou les déductions ne me semble pas être de bon aloi par les temps qui courent.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le dispositif prévu dans cet amendement a déjà été proposé à plusieurs reprises, mais son coût a régulièrement conduit à son rejet.
Même si je peux comprendre l’intention des auteurs de l’amendement, les difficultés de mise en œuvre et le coût du dispositif nous conduisent à émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° 200 rectifié est-il maintenu ?
M. Vincent Capo-Canellas. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 200 rectifié est retiré.
L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Decool, Chasseing, Wattebled, Guerriau, A. Marc et Grand, Mme Paoli-Gagin, MM. Menonville et Capus, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Daubresse, Mmes Dumont, Saint-Pé et Dindar, M. Klinger, Mme Lopez, M. Maurey, Mmes Herzog, Devésa, Guidez et F. Gerbaud, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme N. Delattre, MM. Laménie et Moga, Mme Létard et MM. Levi et Meurant, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les 1° et 2° de l’article L. 224-5 du code monétaire et financier sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits correspondant aux versements sont délivrés, au choix du titulaire, sous la forme d’un capital, libéré en une fois ou de manière fractionnée, ou d’une rente viagère, sauf lorsque le titulaire a opté expressément et irrévocablement pour la liquidation de tout ou partie de ses droits en rente viagère à compter de l’ouverture du plan. »
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
M. Jean-Louis Lagourgue. Le plan d’épargne retraite est un nouveau produit. Il est disponible depuis le 1er octobre 2019 et remplace les autres plans d’épargne retraite. Ce produit d’épargne est composé de trois types de versements : les versements individuels, l’épargne salariale et les versements obligatoires du salarié ou de l’employeur.
Lors du départ à la retraite, les versements peuvent être récupérés, soit en capital, soit en rente viagère, à l’exception des versements obligatoires qui ne peuvent être délivrés que sous forme de rente viagère.
Cet amendement tend à laisser au titulaire de l’épargne la possibilité de choisir son mode de liquidation, quelle que soit la forme du versement. Cela permettra aux nouveaux retraités de récupérer l’épargne de leur vie de travail et d’augmenter leur pouvoir d’achat lors de leur départ à la retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à modifier de façon pérenne les modalités de versement des sommes issues d’un plan d’épargne retraite. Nous sommes un peu loin du cadre de ce projet de loi.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lagourgue, l’amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 254 rectifié ter est présenté par MM. Menonville, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Malhuret, Wattebled, Verzelen et Moga, Mme Paoli-Gagin et M. Capus.
L’amendement n° 376 rectifié bis est présenté par Mmes Billon, de La Provôté, Dindar, Gacquerre, Létard et Saint-Pé et MM. Cigolotti, Delcros, S. Demilly, Duffourg, Henno, L. Hervé, Hingray, Kern, Lafon, Le Nay, Longeot et P. Martin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article L. 3121-33 du code du travail est complété par les mots : « et autoriser sur demande de l’employeur et avec l’accord du salarié la monétisation du repos compensateur de remplacement ».
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue pour présenter l’amendement n° 254 rectifié ter.
M. Jean-Louis Lagourgue. La monétisation des jours de réduction du temps de travail (RTT) et des congés payés au-delà de la cinquième semaine de congés payés est aujourd’hui possible pour les entreprises couvertes par un accord collectif dans le cadre d’un compte épargne-temps (CET).
L’article 6 de la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes, ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne avait permis une monétisation simplifiée des jours de repos conventionnels et d’une partie du congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables, et ce de manière exceptionnelle jusqu’au 30 juin 2021.
Il serait souhaitable que cette monétisation simplifiée soit pérennisée pour les jours de RTT.
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar pour présenter l’amendement n° 376 rectifié bis.
Mme Nassimah Dindar. Je défends cet amendement pour ma collègue Annick Billon.
L’article 6 de la loi du 17 juin 2020, qui vient d’être citée, avait permis une monétisation simplifiée des jours de repos conventionnels et d’une partie du congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables, et ce de manière exceptionnelle jusqu’au 30 juin 2021.
Il serait souhaitable que cette monétisation simplifiée soit pérennisée pour les jours de RTT dans toutes les entreprises couvertes par un accord collectif dans le cadre du compte épargne-temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il se trouve que le projet de loi de finances rectificative que le Sénat examinera dans quelques jours en séance publique contient déjà une disposition relative à la monétisation des RTT. Il est vrai qu’une telle mesure aurait eu sa place dans le présent projet de loi, mais l’Assemblée nationale en a décidé ainsi.
C’est pour cette raison que je demande le retrait de ces amendements qui pourront être déposés, le cas échéant, à l’occasion de l’examen du PLFR la semaine prochaine.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lagourgue, l’amendement n° 254 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 254 rectifié ter est retiré.
Madame Dindar, l’amendement n° 376 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nassimah Dindar. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 376 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 377 rectifié bis, présenté par Mmes Billon, de La Provôté, Dindar, Gacquerre, Létard et Saint-Pé et MM. Cigolotti, S. Demilly, Duffourg, Henno, L. Hervé, Hingray, Kern, Lafon, Le Nay, Longeot et P. Martin, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 3121-37 du code du travail est complété par les mots : « s’il existe et autoriser sur demande de l’employeur et avec l’accord du salarié la monétisation du repos compensateur, sur demande du salarié ».
La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Mme Nassimah Dindar. L’objet de cet amendement étant proche du précédent, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 377 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 409 rectifié quinquies, présenté par MM. Jacquin et Durain, Mme M. Filleul, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Devinaz, Gillé et Houllegatte, Mme Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3261-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce montant peut être abondé par une aide complémentaire pour les seuls salariés rémunérés jusqu’à un seuil déterminé, dont le trajet entre la résidence habituelle et le lieu de travail est supérieur à une distance déterminée et qui ne peut être réalisé par un mode de transport collectif inférieur à une durée déterminée. Ces distances pourront être déterminées par un système d’information multimodal, le cas échéant doté d’un calculateur tarifaire intégré, permettant la délivrance de titres de transport multimodaux. »
II. – Au c du 19° ter de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 310 € » est remplacé par le montant : « 500 € ».
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), déjà citée par notre collègue Christine Lavarde, indique que l’impact de l’inflation est assez différent selon le niveau de revenu des ménages et leur lieu de résidence et que cet impact est maximal en zone rurale. Je ne prends qu’un exemple : le gazole a augmenté de 46 % en un an.
Un certain nombre de collectivités et d’entreprises volontaires ont pris des dispositions pour accompagner, sous condition de ressources, les salariés ayant besoin de leur voiture pour effectuer le trajet domicile-travail.
Par exemple, le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté a mis en place un chèque carburant cofinancé par les entreprises et la collectivité. Ainsi, les salariés qui habitent à au moins trente kilomètres de leur lieu de travail, qui n’ont pas de solution alternative à la voiture individuelle et qui gagnent jusqu’à deux fois le SMIC peuvent bénéficier d’une aide carburant de 40 euros par mois, financée à 50 % par l’employeur volontaire et à 50 % par le conseil régional. Ce dernier signe une convention avec l’entreprise afin de lui reverser, après la remise d’un rapport sur le nombre de bénéficiaires concernés, les 50 % correspondant à sa part.
Aujourd’hui, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et Pôle emploi peuvent prendre en charge des frais de carburant ou d’alimentation des véhicules des salariés pour leurs déplacements domicile-travail. Ce dispositif est exonéré d’impôt sur le revenu dans la limite de 310 euros par an. Les auteurs de l’amendement proposent d’augmenter ce plafond à 500 euros par an, afin de permettre aux salariés de bénéficier d’une aide de 40 euros par mois.
Pour que cette dernière disposition soit possible, nous demandons au Gouvernement de sous-amender le présent amendement, afin de rendre opérante l’intégralité de cette proposition. Il devra également s’assurer que les entreprises ne se voient pas contraintes de payer des cotisations sur le dispositif au moment du versement comme en cas de contrôle par l’Urssaf.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Le sujet du chèque carburant, comme celui de la monétisation des RTT que nous avons examiné à l’instant, est traité dans le projet de loi de finances rectificative dont nous débattrons la semaine prochaine.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement qui pourra être déposé, le cas échéant, sur le PLFR.
M. Jérôme Durain. Je le retire !
M. le président. L’amendement n° 409 rectifié quinquies est retiré.
Article 3 ter (nouveau)
Par dérogation à l’article L. 3262-1 du code du travail, jusqu’au 31 décembre 2023, les titres-restaurant peuvent être utilisés pour acquitter en tout ou en partie le prix de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable, acheté auprès d’une personne ou d’un organisme mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3262-3 du même code.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, sur l’article.
Mme Mélanie Vogel. Je souhaite profiter de cet article qui concerne les titres-restaurant pour déplorer le fait que le présent projet de loi ne traite absolument pas la question des chèques alimentaires. Compte tenu de l’augmentation de la précarité et de l’insécurité alimentaire dans le pays, cet oubli pose question.
En 2020, la Convention citoyenne pour le climat proposait la mise en place, en faveur des plus démunis, de chèques alimentaires qui pourraient être utilisés dans les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) ou pour l’achat de produits bio.
Depuis lors, tous les six mois, des membres du Gouvernement nous parlent de la mise en place imminente de ce chèque alimentaire, sans que les modalités en soient clairement énoncées. Certes, ce sujet a fait l’objet de la seule promesse de campagne un peu précise du Président de la République.
Jusqu’au début du mois de juillet, la Première ministre et le porte-parole du Gouvernement avançaient que le projet de loi sur le pouvoir d’achat comprendrait le chèque alimentaire. Ce n’est toujours pas le cas !
Nous, les écologistes, pensons que le chèque alimentaire est une première étape – pas nécessairement la meilleure – vers des réponses plus structurelles pour assurer le droit à une alimentation saine.
Nous voulons permettre à tout le monde de manger des produits sains, bios, locaux, et, à l’autre bout de la chaîne, aux agriculteurs de vivre dignement, tout en accélérant la transition de notre modèle agricole.
Dans le cadre de la mission d’information sénatoriale sur le thème « Protéger et accompagner les individus en construisant la sécurité sociale écologique du XXIe siècle », nous proposions de réfléchir à la création d’une allocation alimentaire universelle.
L’alimentation étant une dépense importante, ce serait bon pour le pouvoir d’achat des Français. Ce serait bénéfique également pour les finances de l’État – une mauvaise alimentation, ce sont des gens malades que la sécurité sociale doit prendre en charge –, la justice sociale et le climat.
Ce serait un outil vertueux pour lutter contre le dérèglement climatique, les injustices sociales et la précarité. C’est pourquoi j’aimerais vraiment que le Gouvernement avance sur ce sujet.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 ter.
(L’article 3 ter est adopté.)
Après l’article 3 ter
M. le président. L’amendement n° 279 rectifié bis, présenté par MM. Cardon et Jacquin, Mme Blatrix Contat, M. Montaugé, Mme Artigalas, M. Bouad, Mme M. Filleul, MM. Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, P. Joly, Lurel et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article L. 3261-2 du code du travail après le mot : « réglementaire », sont insérés les mots : « les frais de trajets covoiturés réalisés en voiture électrique ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Rémi Cardon.
M. Rémi Cardon. Cet amendement est à la fois modéré – le montant de la prise en charge serait déterminé par voie réglementaire –, constructif – il s’inscrit dans la stratégie gouvernementale d’amplifier l’utilisation des véhicules électriques – et efficace – il serait bon pour le pouvoir d’achat et le climat.
Il vise à construire une mobilité durable pour les salariés, en prévoyant la prise en charge obligatoire des frais de covoiturage en voiture électrique pour inciter les salariés à utiliser ce moyen de déplacement.
J’espère que la Haute Assemblée montrera aux Français qu’elle est capable d’apporter des solutions répondant à la fois à la fin du monde et à la fin du mois !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Tout comme la monétisation des RTT, le forfait mobilité est traité dans le PLFR. Je vous propose donc de retirer cet amendement et de le déposer de nouveau lors de l’examen de ce texte. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Cardon, l’amendement n° 279 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Rémi Cardon. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 279 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Fernique, Dantec, Benarroche, Breuiller, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3261-3-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les mots : « peut prendre » sont remplacés par le mot : « prend » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’obligation de prise en charge issue du premier alinéa entre en vigueur le 1er janvier 2023, y compris dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Au sein de la fonction publique territoriale, elle entre en vigueur le 1er janvier 2024. Avant ces dates, l’employeur peut prendre en charge ces frais dans les conditions définies par le présent article.
« Dans les entreprises de moins de onze salariés, la prise en charge prévue par le premier alinéa est facultative. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement vise à déployer à grande échelle le dispositif du forfait mobilité durable (FMD) afin de faciliter le report modal vers les mobilités actives et plus décarbonées. Obligatoire pour la fonction publique d’État, ce forfait reste facultatif pour la fonction publique territoriale et le secteur privé, ce qui limite très largement son déploiement.
Le baromètre réalisé sur le forfait mobilité durable en 2021 montre que, parmi les employeurs interrogés, seuls 20 % avaient déployé ce dispositif.
Le relèvement du plafond de cumul entre le FMD et l’abonnement aux transports en commun a déjà été une avancée. Notre collègue Philippe Tabarot a contribué, avec l’immense majorité du Sénat, à élever ce cumul à 600 euros, avant qu’il soit porté à 800 euros par l’Assemblée nationale en première lecture pour le secteur privé.
Dans la période actuelle, qui exige plus de sobriété, il est essentiel que les Français s’affranchissent autant que possible des carburants coûteux. La généralisation de ce forfait constituerait donc un signal fort et un accompagnement financier intéressant pour les salariés, dont la baisse inquiétante du pouvoir d’achat doit être limitée autant que possible.
Ce dispositif est par ailleurs un bon moyen de sortir de l’autosolisme. Près de 75 % des employés qui vivent à moins de 5 kilomètres de leur travail se déplacent en voiture. Notre part modale du vélo reste scotchée à 4 %, quand l’Allemagne atteint 12 %.
Il est donc temps d’actionner ce levier déterminant, dont les avantages sont nombreux : un moyen de transport économique, peu polluant, idéal pour décongestionner les villes, excellent pour la santé, et même pour la productivité – des employeurs ayant mis le FMD en place en attestent.
Ce forfait a fait ses preuves. Il s’agit à présent de le généraliser afin qu’il produise de façon massive ses effets vertueux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Là encore, il faudra plutôt convaincre nos collègues dans le cadre du PLFR, texte au sein duquel ce sujet sera traité.
Je vous propose donc à ce stade de retirer cet amendement, monsieur Fernique. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Fernique, l’amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Fernique. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié quater, présenté par MM. Sautarel, Tabarot, Pellevat, B. Fournier, Genet, Burgoa et Klinger, Mme Estrosi Sassone, M. Anglars, Mme Ventalon, MM. Darnaud, Paccaud, Sido, Belin et Meurant, Mme Belrhiti, MM. E. Blanc, Courtial, Charon et Le Gleut, Mme Borchio Fontimp et MM. J.P. Vogel, de Nicolaÿ, Frassa et Mandelli, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Forfait télétravail
« Section 1
« Champ d’application
« Art. L. 3264-1. – Le présent chapitre s’applique aux employeurs mentionnés à l’article L. 3211-1.
« Le présent chapitre s’applique également, dans des conditions et selon des modalités prévues par décret, aux magistrats et aux personnels civils et militaires de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, des établissements mentionnés à l’article L. 5 du code général de la fonction publique et des groupements d’intérêt public.
« Section 2
« Prise en charge des frais de télétravail
« Art. L. 3264-2. – L’employeur peut prendre en charge, dans les conditions prévues à l’article L. 3264-3, tout ou partie des frais de télétravail exposés par ses salariés.
« Art. L. 3264-3. – Le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prise en charge des frais mentionnés à l’article L. 3264-2 sont déterminés par accord d’entreprise ou par accord interentreprises et, à défaut, par accord de branche. À défaut d’accord, la prise en charge de ces frais est mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du comité social et économique, s’il existe.
« Section 3
« Titre-télétravail
« Art. L. 3264-4. – La prise en charge mentionnée à l’article L. 3264-2 peut prendre la forme d’une solution de paiement spécifique, dématérialisée et prépayée, intitulée “titre-télétravail”. Ce titre est émis par une société spécialisée qui les cède à l’employeur contre paiement de leur valeur libératoire et, le cas échéant, d’une commission.
« Art. L. 3264-5. – L’émetteur du titre-télétravail ouvre un compte bancaire ou un compte postal sur lequel sont uniquement versés les fonds qu’il perçoit en contrepartie de la cession de ces titres.
« Le montant des versements est égal à la valeur libératoire des titres mis en circulation.
« Les fonds provenant d’autres sources, notamment des commissions éventuellement perçues par les émetteurs, ne peuvent être versés aux comptes ouverts en application du présent article.
« Art. L. 3264-6. – Les comptes prévus à l’article L. 3264-5 sont des comptes de dépôt de fonds intitulés “comptes de titre-télétravail”.
« Sous réserve du même article L. 3264-5, du présent article ainsi que du décret prévu à l’article L. 3264-9, ils ne peuvent être débités qu’en règlement de biens ou de services spécifiques liés aux frais de télétravail supportés par les salariés dans le cadre de leur domicile ou dans un tiers-lieu, fournis ou commercialisés par des organismes agréés, dans des conditions fixées par ce même décret.
« Les émetteurs spécialisés mentionnés à l’article L. 3264-5, qui n’ont pas déposé à l’avance, sur leur compte de titre-télétravail, le montant de la valeur libératoire des titres-télétravail qu’ils cèdent à des employeurs, ne peuvent recevoir de ces derniers, en contrepartie de cette valeur, que des versements effectués au crédit de leur compte, à l’exclusion d’espèces, d’effets ou de valeurs quelconques.
« Art. L. 3264-7. – En cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire de l’émetteur, les salariés détenteurs de titres non utilisés mais encore valables et échangeables à la date du jugement déclaratif peuvent, par priorité à toute autre créance privilégiée ou non, se faire rembourser immédiatement, sur les fonds déposés aux comptes ouverts en application de l’article L. 3264-5, le montant des sommes versées pour l’acquisition de ces titres-télétravail.
« Art. L. 3264-8. – Les titres qui n’ont pas été présentés au remboursement par un organisme mentionné à l’article L. 3264-6 avant la fin du deuxième mois suivant l’expiration de leur période d’utilisation sont définitivement périmés.
« Sous réserve de prélèvements autorisés par le décret prévu à l’article L. 3264-9, la contre-valeur des titres périmés est versée au budget des activités sociales et culturelles des entreprises auprès desquelles les salariés se sont procuré leurs titres.
« Art. L. 3264-9. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent titre, notamment :
« 1° Les mentions obligatoires attachées aux titres-télétravail et les modalités d’accessibilité de ces mentions ;
« 2° Les conditions d’utilisation et de remboursement de ces titres ;
« 3° Les règles de fonctionnement des comptes bancaires spécialement affectés à l’émission et à l’utilisation des titres-télétravail ;
« 4° Les conditions du contrôle de la gestion des fonds mentionnées à l’article L. 3264-6.
« Art. L. 3264-10. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de la prise en charge prévue par l’article L. 3264-2, notamment pour les salariés ayant plusieurs employeurs et les salariés à temps partiel, ainsi que les sanctions pour contravention aux dispositions du présent chapitre. »
II. – Après le 19° de l’article 81 du code général des impôts, il est inséré un 19° bis A ainsi rédigé :
« 19° bis A. – L’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais de télétravail engagés par ses salariés en application de l’article L. 3264-2 du code du travail, dans la limite de 600 € par an ; ».
III. – Après le c du 4° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) L’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais de télétravail dans les conditions prévues à l’article L. 3264-2 du même code, dans les limites prévues au 19° bis a du code général des impôts ; ».
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
VI. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Renforcer les titres fléchés
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment conduit une étude sur les bons sociaux ou titres fléchés. Son rapport les décrit comme des outils efficaces pour soutenir le déploiement des politiques sociales, en garantissant aux citoyens l’accès local ou national aux biens et services essentiels.
Il souligne que les bons sociaux sont des instruments puissants pour augmenter les recettes fiscales de l’État, stimuler la création d’emplois et augmenter le pouvoir d’achat des salariés, tout en développant l’économie locale.
Le titre-restaurant, par exemple, est un dispositif social performant qui rapporte plus qu’il ne coûte à l’État.
S’appuyant sur ce rapport, il est proposé de mettre en place un forfait télétravail qui permettrait à l’employeur de prendre en charge tout ou partie des frais générés par le télétravail, selon ce même principe de titres fléchés, qui répond également à un besoin lié au développement durable.
Les bénéficiaires seraient les salariés des entreprises du secteur privé et les agents du secteur public ou des groupements d’intérêt public.
Lorsque l’entreprise décide d’accorder cette aide financière, son montant et ses modalités d’attribution seraient déterminés par accord d’entreprise, par accord interentreprises, ou à défaut par accord de branche ou au niveau des comités sociaux et économiques.
La mise en œuvre du forfait télétravail par décision unilatérale de l’employeur serait subordonnée à la consultation du comité social et économique, lorsqu’il existe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je remercie notre collègue Stéphane Sautarel pour cet amendement, qui reprend une proposition de loi qu’il a déposée visant à créer un titre-télétravail.
Le présent texte de loi ne traitant pas directement du télétravail, nous n’avons pas abordé ce sujet dans le cadre de nos auditions, même s’il peut présenter un lien avec le pouvoir d’achat.
C’est pourquoi je souhaite solliciter l’avis du Gouvernement sur cette perspective.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Il est défavorable.
Les frais engagés lors du télétravail relèvent du régime juridique des frais professionnels et la prise en charge par l’employeur des coûts liés à l’exercice des fonctions est une obligation générale issue de la jurisprudence, dont il ne peut s’exonérer.
Ce principe a été rappelé par l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 : lorsque le salarié est en télétravail et qu’il fait l’avance de frais, il devra être remboursé par l’employeur.
Un régime fiscal et social avantageux peut se justifier pour inciter l’employeur à adhérer à un dispositif facultatif – je pense par exemple à la participation au coût de repas des salariés –, mais il n’y a pas lieu d’inciter l’employeur à prendre en charge les frais dus au télétravail, dans la mesure où cette prise en charge est une obligation.
Il serait par ailleurs assez complexe de créer un titre qui devrait être géré par un tiers et faire l’objet d’un certain nombre de contrôles en matière de lutte contre la fraude.
Je pourrai, si vous le souhaitez, monsieur le sénateur, vous transmettre la totalité des arguments dont je dispose, pour éviter à la Haute Assemblée une longue lecture.
M. le président. Monsieur Sautarel, l’amendement n° 82 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Stéphane Sautarel. Non, je le retire, monsieur le président. Je vous remercie pour ces précisions, monsieur le ministre.
L’amendement n° 81 rectifié quater, que je vous présenterai dans quelques instants, permettra d’élargir le débat et de réfléchir au développement de ce titre fléché, que je persiste à considérer comme une piste intéressante à bien des égards.
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié quater est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 248 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Médevielle, Chasseing et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, A. Marc, Malhuret, Wattebled, Verzelen, Moga et Capus et Mme Paoli-Gagin.
L’amendement n° 379 rectifié bis est présenté par Mmes Billon, Dindar, Gacquerre et Létard et MM. Cigolotti, Delcros, S. Demilly, Duffourg, Henno, L. Hervé, Hingray, Kern, Lafon, Le Nay, Levi et Longeot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du 19° de l’article 81 du code général des impôts, le montant : « 5,69 € » est remplacé par le montant : « 7,50 € ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour présenter l’amendement n° 248 rectifié bis.
M. Jean-Louis Lagourgue. Le titre-restaurant est connu et utilisé par des millions de travailleurs. Il permet notamment aux salariés à faibles revenus de diviser par deux le coût de leur pause déjeuner. Il est également fiscalement avantageux pour les entreprises, générateur de chiffre d’affaires pour les commerçants et positif pour les finances publiques.
Toutefois, pour un tiers des bénéficiaires, le compte de titres-restaurant est vide bien avant la fin du mois.
La valeur du titre-restaurant ouvrant droit aujourd’hui à exonération maximale est comprise entre 9,48 euros et 11,38 euros. Pour être exonérée des cotisations de sécurité sociale, la contribution patronale au financement des titres-restaurant doit être comprise entre 50 % et 60 % de la valeur du titre ; par ailleurs, elle ne doit pas excéder un certain montant.
Fixer un montant à 7,50 euros permettrait donc indirectement d’augmenter le ticket journalier à environ 15 euros.
Depuis le 1er janvier 2020, la limite d’exonération n’est plus la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu, mais la variation de l’indice des prix à la consommation hors tabac entre le 1er octobre de l’avant-dernière année et le 1er octobre de l’année précédant celle de l’acquisition des titres-restaurant. Cette valeur maximum s’élève à 5,69 euros pour 2022.
Il suffirait d’augmenter le plafond maximal des sommes versées chaque jour travaillé par les entreprises à leurs salariés, et par conséquent la participation patronale, pour contribuer à l’amélioration du pouvoir d’achat et la qualité de l’alimentation.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 379 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Cet amendement a été parfaitement défendu. Je veux seulement insister sur l’importance de ce montant de 7,50 euros, qui contribuera, s’il est adopté, à améliorer le pouvoir d’achat des salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Sur les titres-restaurant, je me permets également de vous renvoyer au PLFR.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lagourgue, l’amendement n° 248 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lagourgue. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 248 rectifié bis est retiré.
Monsieur Henno, l’amendement n° 379 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Henno. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 379 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 81 rectifié quater, présenté par MM. Sautarel, Tabarot, Paccaud et Darnaud, Mme Ventalon, MM. Anglars, Klinger, Genet, B. Fournier, Belin et Meurant, Mme Belrhiti, MM. E. Blanc, Courtial, Charon et Le Gleut, Mme Borchio Fontimp et MM. J.P. Vogel, de Nicolaÿ, Frassa, Bouloux et Mandelli, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les trois mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la possibilité d’élargir les bénéficiaires des tickets-restaurant et à la possibilité de mettre en place de nouveaux titres fléchés.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Renforcer les titres fléchés
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. La France compte aujourd’hui un peu plus de 28 millions de salariés. Or seulement 4,5 millions d’entre eux bénéficient de titres-restaurant. Un grand nombre de salariés ne peut pas bénéficier de ces titres fléchés, pour diverses raisons, notamment parce qu’ils ne sont pas mis en place dans leurs organisations.
Il conviendrait de les rendre plus accessibles, notamment en augmentant le nombre d’entreprises concernées.
Je propose donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport visant à étudier un élargissement du public et un assouplissement du dispositif.
Je ne reviens pas sur les arguments que j’ai déjà développés. Ce type d’argent fléché présente un intérêt à la fois économique, social et financier. En termes de pouvoir d’achat, il permet d’augmenter le revenu net du salarié sans accroître la charge du travail pour l’entreprise.
Il me semble donc opportun de promouvoir ces titres fléchés, qui concourent de surcroît au développement de l’économie locale et aux circuits courts.
Le rapport que nous appelons de nos vœux porterait, d’une part, sur la possibilité d’élargir les bénéficiaires des titres-restaurant et, d’autre part, sur la possibilité de mettre en place de nouveaux titres fléchés répondant à l’objectif que je viens de rappeler.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je comprends l’intérêt de cet amendement et du rapport demandé. La position constante de la commission est toutefois d’émettre un avis défavorable sur les demandes de rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Sautarel, l’amendement n° 81 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Stéphane Sautarel. Non, je retire cet amendement d’appel, monsieur le président. Je souhaiterais toutefois que l’on puisse travailler sur ce sujet, qui me semble ouvrir des perspectives.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 164, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 3231-4 du code du travail, il est inséré un article L. 3231-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3231-4-1. – La garantie du pouvoir d’achat des salariés prévue au 1° de l’article L. 3231-2 est assurée par l’indexation des salaires du secteur privé sur l’inflation. La référence est l’indice des prix à la consommation hors tabac élaboré par l’Institut national de la statistique et des études économiques. L’indexation automatique se produit deux fois par an, au 1er janvier et au 1er juillet. L’indexation s’effectue aux dates indiquées précédemment sur la base de la moyenne des six derniers indices mensuels connus. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous proposons à travers cet amendement que les salaires du secteur privé soient indexés sur l’inflation, qui n’est pas conjoncturelle, mais bien structurelle. Liée notamment à la crise écologique, qui se traduit par un relèvement du prix des matières premières et des denrées alimentaires, elle a vocation à s’installer dans la durée.
En France, l’indexation des salaires du public et du privé sur les prix a été abandonnée en 1983, lors du tournant de la rigueur. Depuis, sur une longue période, quand l’inflation bondit de 1 %, les salaires n’augmentent que de 0,5 % à 0,6 %.
Le retard accumulé depuis 1983 a entraîné un décrochage des salaires par rapport à l’inflation, et donc une perte de pouvoir d’achat. Ainsi, il aurait fallu qu’un salarié qui touchait l’équivalent de 1 000 euros en 1980 gagne 3 000 euros en 2018 pour conserver le même pouvoir d’achat. Or, nous le savons, le nombre de salariés qui perçoivent une telle rémunération est minime. Par ailleurs, depuis 2018, l’inflation s’est encore accélérée : elle devrait atteindre 5,5 % pour la seule année 2022.
M. le président. L’amendement n° 145, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le 6° du I de l’article L. 2261-32 du code du travail, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° En l’absence d’accord assurant un salaire minimum national professionnel au sens du 4° du II de l’article L. 2261-22 au moins égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance, dans les six mois après sa dernière revalorisation.
« Lorsque la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance au sens de l’article L. 3231-5 fait l’objet d’une deuxième revalorisation au cours d’une même année, une négociation de l’ensemble des minima conventionnels doit être conclue dans les six mois suivant le second relèvement du niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Face au constat d’un nombre élevé de branches affichant des minima inférieurs au SMIC, l’article 4 du projet de loi, supprimé par la commission, visait à renforcer l’arsenal d’outils permettant un regroupement des branches professionnelles.
En réalité, pour assurer un niveau de salaire minimum équivalent au SMIC, le nombre d’accords est moins significatif que la qualité de ces derniers.
L’article 4 manquait ainsi son but : il ne faut pas seulement obliger les branches à revoir leur rythme de négociations ; il faut aussi, et surtout, les contraindre à améliorer la qualité de celles-ci. Les branches doivent de manière pérenne conclure des accords conformes au SMIC.
Cet amendement incite en conséquence les branches à renégocier plus régulièrement leurs minima conventionnels. Elles devront ainsi le faire six mois après une revalorisation du SMIC par le Gouvernement.
L’enjeu est réel : la non-répercussion de l’évolution du SMIC dans l’échelle des salaires contribue à compresser les écarts entre les différents niveaux de la grille et à élargir les effectifs proches des minima de branche, neutralisant ainsi l’ancienneté et la reconnaissance de la qualification.
Pour y remédier, si le SMIC fait l’objet d’une seconde revalorisation au cours de la même année, cet amendement prévoit que l’ouverture et la conclusion d’une négociation portant sur l’ensemble des minima de branche s’imposent dans les six mois – un délai très raisonnable – suivant la seconde revalorisation du SMIC.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 403 est présenté par MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile, Lemoyne et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 416 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 2241-10, les mots : « trois mois » sont remplacés par les mots : « quarante-cinq jours » ;
2° Au 2° du I de l’article L. 2261-32, après le mot : « signés », sont insérés les mots : « , notamment ceux assurant un salaire minimum national professionnel, au sens du 4° du II de l’article L. 2261-22, au moins égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance, ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 403.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement prévoit de rétablir l’article 4 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Cet article supprimé en commission nous semblait essentiel, puisqu’il permettait de prendre en compte l’état des négociations salariales pour évaluer la nécessité ou non de restructurer une branche.
La difficulté structurelle pour une branche de conclure un accord garantissant que ses minima soient au niveau du SMIC devenait ainsi un indice de la faiblesse de la vie conventionnelle d’une branche.
Ce nouvel indice pouvait selon nous avoir un impact positif sur le pouvoir d’achat des Français, en favorisant la conclusion d’accords conformes au SMIC.
En proposant le rétablissement de cet article, nous entendons donc inciter les partenaires sociaux à agir sur la question, essentielle à nos yeux, de la dynamique des bas salaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 416.
M. Olivier Dussopt, ministre. Il s’agit effectivement de rétablir l’article 4 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
J’ai entendu les arguments de Mme le rapporteur, dans la discussion générale ou à travers nos différents échanges ; j’ai également pris connaissance du compte rendu des travaux de la commission des affaires sociales.
Parmi les 171 branches qui font l’objet d’une observation fine de la part de la direction générale du travail, certaines éprouvent des difficultés structurelles à garantir un niveau minimum de rémunération au moins égal au SMIC.
Pour éviter tout malentendu, précisons tout d’abord qu’aucun salarié n’est payé en dessous du SMIC, fort heureusement. Mais le maintien de niveaux de rémunération conventionnels inférieurs au SMIC entraîne des tassements de carrière et, surtout, une forme de désespoir, dans la mesure où un salarié recruté au premier niveau de rémunération doit passer plusieurs stades de qualification pour voir enfin son salaire décoller du niveau du SMIC.
Nous disposons déjà d’outils incitatifs, notamment le Comité de suivi des négociations salariales de branches – j’ai présidé le dernier, ma prédécesseure avait présidé l’avant-dernier. Nous pouvons aussi inscrire les branches qui restent durablement à un niveau inférieur au SMIC en commission paritaire pour garantir un suivi encore plus fin.
Nous proposons à travers cet article 4 un nouvel outil : prévoir comme critère de restructuration de branches le maintien durable de minima conventionnels inférieurs au SMIC.
La mécanique que nous proposons est la suivante : un décret constaterait la carence et le maintien durable des minima conventionnels à un niveau inférieur au SMIC ; il serait accompagné d’un projet de fusion et de restructuration de la branche.
Cette dernière aurait alors deux solutions : soit réagir immédiatement en ouvrant des négociations pour se mettre en accord avec la loi, soit se soumettre à la restructuration ainsi prévue.
Ce mécanisme est très incitatif ; il comporte même un aspect assez coercitif, mais il a vocation à être mis en œuvre avec parcimonie.
Aujourd’hui, l’état des lieux est le suivant : quinze branches ont au moins un minimum conventionnel inférieur au SMIC depuis plus de neuf mois, et deux branches ont des minima conventionnels inférieurs au SMIC depuis plus de dix-huit mois.
J’entends que l’utilité à court terme de ce dispositif puisse être interrogée, mais, à l’avenir, cet outil pourra être utile en cas de maintien de minima conventionnels à un niveau inférieur au SMIC.
La plupart des branches font preuve de beaucoup de diligence pour se mettre en accord avec la loi. Ainsi, après la dernière revalorisation du SMIC au mois de mai, 145 branches avaient au moins un minimum inférieur au SMIC. À l’heure où je m’exprime devant vous, 90 sont encore dans cette situation, ce qui signifie que 55 ont fait le travail de négociation depuis le 1er mai jusqu’à aujourd’hui. La nouvelle revalorisation du SMIC le 1er août entraînera une situation assez identique à celle du 1er mai, avec de nouveau des ouvertures de discussion.
Enfin, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui vise à réduire de 90 à 45 jours le délai au cours duquel les branches doivent ouvrir des négociations, si un minimum passe en dessous du SMIC, ce qui dynamiserait encore plus le dialogue social.
Je ne dis pas que l’outil est parfait, et cela n’aurait aucun sens de l’utiliser de manière brutale. Il s’agit simplement d’un outil supplémentaire à la disposition de l’État, et à travers lui du Comité de suivi des négociations salariales par branches, pour dynamiser les négociations et faire en sorte que les branches disposent de minima conventionnels au moins égaux au SMIC.
Enfin, monsieur le président, je saisis également cette occasion pour dire que le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 164 et 145.
Nous considérons que l’indexation automatique ferait perdre son sel et son intérêt au dialogue social, sans compter qu’il empêcherait les partenaires sociaux de procéder à des revalorisations différenciées des niveaux de rémunération. L’amendement n° 145 s’inscrit dans la même logique ; c’est pourquoi nous y sommes également défavorables.
Nous privilégions vraiment ce nouvel outil de dynamisation du dialogue social que nous vous proposons, M. Iacovelli et moi-même, à travers ces deux amendements identiques.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Très convaincant !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Monsieur le président, je serai un peu longue sur les amendements identiques nos 403 et 416 – je m’en excuse par avance –, mais très rapide sur les deux autres.
L’amendement n° 164 vise à indexer les salaires du secteur privé sur l’inflation. Je rappelle que le salaire est fixé librement entre l’employeur et le salarié, et que cette indexation contreviendrait à ce principe de base. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 145 entend fixer un nouveau critère pour la fusion de branches et l’obligation de négociation des minima conventionnels. Il est encore plus restrictif que celui prévu à l’article 4, que nous avons supprimé en commission. L’avis est donc également défavorable.
J’en viens aux amendements nos 403 et 416. Pourquoi avoir fait le choix de supprimer l’article 4 ? Dans un premier temps, je me suis dit qu’il y avait sans doute un sujet à traiter, et je me suis demandé comment il pouvait l’être.
Interrogeons-nous collectivement, mes chers collègues, si vous le voulez bien.
Y a-t-il un intérêt au dialogue social au sein des branches ? Oui, nous en convenons tous.
Considérons-nous que ce dialogue, parfois, peut être difficile ? Oui, il n’est pas toujours simple, en effet, mais cela dépend beaucoup des branches.
Globalement, le dialogue dans les branches est-il nourri et soutenu ? Là encore, il me semble que nous pouvons répondre par l’affirmative. Quand on rencontre les partenaires sociaux, ils nous disent qu’ils se voient régulièrement, et nous pouvons nous féliciter de ce dialogue.
Le dialogue social se limite-t-il essentiellement à la grille des salaires ? Non, le champ de la convention collective est bien plus large. En l’occurrence, seule cette grille est pointée par le dispositif de l’article 4, qui permettrait de fusionner les branches dans lesquelles le salaire de départ se situe sous le SMIC.
Les organisations syndicales et patronales se réunissent très régulièrement au niveau des branches, mais, en ce moment, elles doivent sans cesse courir après l’inflation et rattraper des grilles qui passent sous le taux minimal. Il s’agit donc plutôt d’un problème conjoncturel, auquel il ne me semble pas pertinent de répondre par la fusion des branches. Il en irait différemment si nous avions des branches qui, structurellement – j’insiste sur ce terme –, présentaient des minima inférieurs au SMIC.
J’ai cherché ces branches, monsieur le ministre. J’ai organisé une table ronde avec la Fédération des entreprises de propreté, l’Association française des banques et la Fédération du commerce et de la distribution, les représentants de branches dont on disait qu’elles pouvaient être concernées.
Ces organisations ont surtout insisté sur le fait que, depuis un certain temps, elles avaient été jetées en pâture dans la presse comme des branches qui ne menaient aucun dialogue social et qui rencontraient des difficultés.
Vous connaissez sans doute le film de notre collègue député François Ruffin, mes chers collègues ; la Fédération des entreprises de propreté l’a très mal vécu, considérant qu’il avait jeté l’opprobre sur ce secteur, avec comme conséquence des difficultés pour recruter. Et les propos tenus par le Président de la République n’ont rien arrangé.
De fait, les minima des branches que je viens de citer sont supérieurs au SMIC, en dépit d’une conjoncture complexe.
J’ai fini par trouver les deux branches qui pourraient être concernées par l’article 4, monsieur le ministre.
Il s’agit tout d’abord de la Fédération des prestataires de santé à domicile (PSAD), une branche contrainte par la tarification qui s’impose aux prestations qu’elle propose. Elle rencontre donc de vraies difficultés au regard de ces minima de branches, qu’elle avait d’ailleurs exposées dès le mois de novembre dernier dans un courrier adressé à Mme Borne, alors ministre du travail, et dont une copie vous était également adressée, monsieur le ministre. Les représentants de cette branche attendent toujours une réponse à ce courrier… Ils veulent bien se mettre en conformité, mais les tarifs qui s’appliquent à leur secteur les en empêchent.
J’ai cherché la deuxième branche : il s’agit de la PQR, la presse quotidienne régionale, qui vient d’ailleurs de fusionner avec la presse hebdomadaire régionale et la presse quotidienne départementale. Manifestement, cette fusion n’a pas permis à elle seule de résoudre le problème… Ils sont en train de négocier, mais ce n’est pas facile – nous connaissons tous l’état de la PQR aujourd’hui.
On peut se faire plaisir, voter ces amendements et se dire que la fusion permettra de cocher une case. Mais, très honnêtement, ce n’est pas la solution. Le problème, ce sont les salaires qui ne décollent pas du SMIC.
On a donc un vrai sujet à traiter, monsieur le ministre, mais je vous propose de le faire de façon sérieuse dans la future loi Travail, et non à travers ces amendements. Ces derniers n’apportent pas de solutions et ils jettent l’opprobre sur le dialogue social nourri et construit qui se déroule au sein de ces branches. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Il est hors de question de jeter l’opprobre sur une branche en particulier.
Si j’ai accepté, en marge de mes expressions sur ce sujet, de communiquer aux parlementaires ou aux représentants des partenaires sociaux qui me le demandaient la liste des branches qui présentaient des minima conventionnels inférieurs au SMIC, je ne les ai jamais citées publiquement. J’ai toujours veillé à ne pas franchir cette ligne.
L’une des deux branches à conserver durablement un minimum conventionnel inférieur au SMIC a récemment connu une fusion – vous l’avez rappelé, madame le rapporteur.
L’autre est dans une situation assez particulière, et ses représentants nous ont en effet adressé un courrier. Depuis six mois, cette branche a procédé à une première négociation sur les niveaux de classification. Depuis juin 2022, elle est entrée dans une discussion sur le niveau des rémunérations. Nous espérons que ces débats seront fructueux.
Toutefois, au-delà de ces deux branches, 17 présentent des niveaux inférieurs au SMIC de façon structurelle, dans une fourchette allant de neuf à douze mois. Nous devons également nous préoccuper de ces branches, et l’article 4, que nous proposons de rétablir à travers ces amendements, nous permettra de disposer d’un outil supplémentaire pour cela.
Il ne s’agit pas d’écraser ou de fusionner pour le plaisir – je n’ai nullement l’intention de créer un jardin à la française des branches professionnelles –, mais de disposer d’un outil nous permettant de stimuler le dialogue social dans les branches qui rencontreraient durablement des difficultés.
Vous avez cité deux branches en particulier, madame le rapporteur. Ce ne sont pas elles qui sont visées en priorité.
L’outil que nous vous proposons doit permettre de garantir un dialogue social rapide et de qualité, de nature à résoudre ces problèmes de minima conventionnels inférieurs au SMIC.
Je vous assure, madame le rapporteur, que nous traitons la question tout à fait sérieusement. La disposition prévue par ces amendements apporterait une nouvelle dynamique et permettrait aux salariés de tous les secteurs de connaître une progression de carrière moins désespérante et moins tassée vers le bas dans les branches où les minima restent durablement à un niveau inférieur au SMIC.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. La question du nombre de branches affichant dans leur grille de salaires au moins un coefficient en dessous du SMIC n’est pas si anecdotique.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Bien sûr !
M. Fabien Gay. Sur les 171 branches professionnelles qui comptent plus de 5 000 salariés, 120 sont dans ce cas.
M. Fabien Gay. Nous avons un autre problème, monsieur le ministre. Différentes lois ont été votées ces dernières années pour modifier le droit du travail ; elles ont souvent renvoyé les négociations, notamment salariales, aux branches professionnelles. Force est de constater que cela ne fonctionne pas !
Pour notre part, nous sommes opposés à la fusion des branches.
Vous faites là une tentative, en brandissant une hypothétique menace. Nous ne pensons pas que ce soit la bonne réponse, mais en tout état de cause, la question n’est pas anodine.
Le code du travail doit redevenir la norme pour nombre de sujets. Nous sommes bien sûr favorables au dialogue social, mais cela fait un moment que, dans certaines branches professionnelles, les salaires n’augmentent pas, que les écarts de salaire entre les femmes et les hommes ne se réduisent pas et que les coefficients restent inférieurs au SMIC, pas seulement dans les deux branches qui ont été citées.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Fabien Gay. La fusion des branches ne réglera pas ces problèmes et nous devons collectivement nous poser la question de savoir comment le droit du travail peut reprendre la main.
J’ajoute, enfin, que la question des emplois où l’on peut embaucher en dessous du SMIC concerne aussi des entreprises publiques comme la SNCF. (Mmes Martine Filleul et Émilienne Poumirol applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 403 et 416.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 167, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3231-3 du code du travail est abrogé.
II. – Les salaires augmentent annuellement, au minimum, de l’augmentation de l’indice national des prix à la consommation institué comme référence par voie réglementaire.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Permettez-moi un rappel historique. La question du pouvoir d’achat s’est posée il y a un siècle, en 1919-1920, lorsque les prix ont été libérés au lendemain de la guerre, tandis que les salaires étaient le plus souvent bloqués.
Déjà à l’époque, pour limiter le mécontentement des salariés, voire leur départ, les gouvernements ont usé d’un mélange d’augmentations individuelles et de primes de vie chère. Ils ont rejeté l’idée d’une indexation, en maintenant la décentralisation de la fixation des salaires.
En 1952, l’échelle mobile des salaires fut adoptée, sous la présidence de Vincent Auriol, avant d’être malheureusement supprimée en 1982.
Maintenir automatiquement chaque année le pouvoir d’achat des travailleurs salariés est une mesure de justice élémentaire. C’est un outil parmi d’autres, qui soutiendrait le dynamisme de notre économie.
Des mécanismes d’indexation existent pour certaines prestations familiales, pour les retraites ou encore pour le SMIC. Pourquoi pas pour tous les salariés ? Tel était d’ailleurs le sens d’une proposition de loi déposée par nos collègues de l’Assemblée nationale appartenant au groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) dès 2013.
Voilà plusieurs semaines que l’inflation, autrement dit la hausse globale des prix, a relancé le débat sur l’urgence d’augmenter les salaires. Pour neutraliser la diminution mécanique du pouvoir d’achat des salariés, il est nécessaire de la compenser.
Le rétablissement d’une échelle mobile des salaires permettrait de garantir une augmentation automatique de ceux-ci en fonction de l’augmentation des prix, afin que soit durablement préservé le pouvoir d’achat des salariés.
M. le président. L’amendement n° 344 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3231-1 du code du travail, il est inséré un article L. 3231 -… ainsi rédigé :
« Art. L. 3231-…. – La garantie de pouvoir d’achat des salariés prévue au 1° de l’article L. 3231-2 est assurée par l’indexation des salaires des salariés des professions majoritairement féminines sur l’inflation. La référence est l’indice des prix à la consommation hors tabac élaboré par l’Institut national de la statistique et des études économiques. L’indexation automatique se produit deux fois par an, au 1er janvier et au 1er juillet. L’indexation s’effectue aux dates indiquées précédemment sur la base de la moyenne des six derniers indices mensuels connus.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, détermine les conditions d’application du présent article. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement est une variante de celui que vient de défendre Mme Cohen. Il tend à appliquer mécaniquement l’échelle mobile des salaires, c’est-à-dire l’indexation globale des salaires sur l’inflation, aux professions majoritairement féminines.
Vous savez que 90 % des femmes actives sont concentrées dans huit métiers appartenant aux catégories des services aux particuliers, du secrétariat et des métiers du soin ou de l’esthétique. Ce sont également les métiers les plus mal rémunérés.
Madame le rapporteur, il est possible que le film de François Ruffin ait déstabilisé les organisations d’employeurs – j’en suis vraiment désolée –, mais ce film a peut-être aussi eu le mérite de les confronter à la réalité sociale de ces métiers et à la condition des femmes qui travaillent dans cette branche. Il a en tout cas connu un immense succès auprès de nombreuses femmes : aujourd’hui invisibilisées dans des activités mal considérées et mal payées, elles s’y sont reconnues.
Il est donc difficile d’attribuer une quelconque responsabilité au film de François Ruffin dans les difficultés des branches professionnelles des métiers du lien.
Je crains malheureusement que les difficultés viennent d’ailleurs : niveaux de rémunération, conditions de travail difficiles, temps partiel, horaires décalés… Telle est la réalité.
Plus que d’autres, ces métiers nécessitent une indexation mécanique des salaires sur l’inflation.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement n° 167 vise à rétablir l’échelle mobile des salaires qui a été supprimée en 1982. En l’occurrence, elle a été abandonnée, parce qu’elle alimentait la spirale inflationniste. Or nous sommes précisément dans une spirale inflationniste.
Pour cette raison, la commission est opposée à une indexation globale des salaires sur l’inflation, que ce soit de manière générale ou dans les professions majoritairement féminines.
Cette dernière proposition, inscrite dans l’amendement n° 344 rectifié, introduirait en outre une inégalité injustifiable entre les salariés des secteurs concernés et les autres.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 338 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les rémunérations des filières professionnelles où la part salariale des employés est constituée à plus de 50 % de femmes sont revalorisées à hauteur de 10 %.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement porte lui aussi sur l’inégalité des salaires entre les hommes et les femmes. Selon l’Insee, les femmes en activité perçoivent des revenus individuels annuels inférieurs en moyenne de 25 % à ceux des hommes sur la quasi-totalité de l’échelle des niveaux de vie.
Les femmes sont également plus souvent en situation de pauvreté que les hommes : entre 18 ans et 49 ans, les écarts de taux de pauvreté sont compris entre 1,9 point et 3,8 points.
Ces différences s’expliquent principalement par un nombre plus important de mères isolées. Les familles monoparentales présentent des taux de pauvreté très élevés – 29,8 % en cas d’activité et jusqu’à 70,2 % dans les autres cas.
Cet amendement tend donc à revaloriser à hauteur de 10 % les rémunérations des filières professionnelles qui emploient principalement des femmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement tend à revaloriser les rémunérations dans les filières professionnelles qui emploient principalement des femmes.
Je l’ai rappelé, les salaires sont fixés non pas par l’État, mais par voie contractuelle. De ce fait et pour les autres raisons que j’ai déjà évoquées, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 339 rectifié ter, présenté par M. Cozic, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mmes Carlotti et de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3231-4 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À compter de la promulgation de la loi n° … du… portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, chaque branche ouvre des négociations en vue de revaloriser les salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1 de l’article L. 2253-1 du code du travail, en concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.
« Les accords de branche sont négociés dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi précitée. »
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Le présent amendement vise à proposer un Grenelle des salaires en réponse à la baisse du pouvoir d’achat des Français.
La baisse du pouvoir d’achat des Français trouve sa source dans une inflation structurelle, qui s’installe durablement dans le pays.
Depuis 2017, le Gouvernement a principalement répondu à cette situation par des béquilles fiscales ou sociales afin d’éviter l’effondrement du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires. Citons l’intéressement, la participation, la baisse des cotisations patronales, le basculement des cotisations salariales sur la contribution sociale généralisée (CSG) ou encore la prime d’activité.
Les différentes rustines gonflées à l’argent public ne suffisent plus à résorber la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Plutôt que de parler de primes, la proposition du groupe SER vise à parler de salaires. À cet effet, nous vous proposons, monsieur le ministre, de convoquer un Grenelle des salaires.
La nécessité d’une grande concertation nationale sur les salaires, secteur par secteur, type d’activité par type d’activité, type de contrat par type de contrat, est non plus une option, mais une obligation. En effet, loin de grever durablement les marges des entreprises et leurs facultés d’investissement, un revenu plus justement réparti constituerait une plus juste répartition entre le travail et le capital.
Le contexte inflationniste appelle des mesures d’urgence. C’est précisément cette urgence qui préside à la demande de la tenue d’un Grenelle des salaires dès la promulgation de la loi et qui nécessite que des accords de branche soient négociés dans les trois mois suivant cette promulgation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise notamment à ce que chaque branche ouvre, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, des négociations en vue de revaloriser les salaires minima hiérarchiques.
Cette possibilité est déjà prévue dans le code du travail et les organisations syndicales et patronales des branches jouent le jeu, en se réunissant régulièrement.
Cette contrainte supplémentaire ne me semble pas la bienvenue. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 339 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 166 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 342 rectifié est présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3231-4 du code du travail est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Au moins une fois par an, les branches concernées ouvrent des négociations en vue de revaloriser les salaires minima hiérarchiques mentionnés au 1 de l’article L. 2253-1 et d’instaurer des mécanismes de revalorisation de l’échelle des salaires en fonction de l’inflation.
« Ces négociations portent sur l’ensemble des grilles salariales conventionnelles, notamment par l’instauration d’une revalorisation automatique des salaires lorsque l’indice national des prix à la consommation tel qu’établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques sur les douze mois antérieurs dépasse un certain seuil, sur la mise en place d’un plafond de rémunération correspondant à vingt fois la rémunération du salarié disposant de la rémunération la plus faible, et la répartition de la valeur ajoutée entre les revenus du capital et ceux du travail. La rémunération s’entend comme l’ensemble des rémunérations directes et indirectes du salarié. Ces négociations définissent les garanties en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
« Les accords de branche sont négociés dans un délai de six mois à compter de la loi n° … du … portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. »
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 166.
M. Fabien Gay. Si je comprends bien la philosophie des débats, il s’agit de tout renvoyer à la négociation entre le patronat et les salariés. On n’imposera rien par la loi, surtout pas l’augmentation des salaires, mais on « invite », sur les questions de prime, d’intéressement, de participation ou d’actionnariat salarial, à négocier avec le patronat…
Nous vous prenons au mot. Nous proposons d’instituer une convention nationale annuelle par branche sur les questions d’emploi et de salaires.
Si les syndicats et le patronat doivent discuter, autant qu’ils le fassent une fois par an. Cela leur permettra de débattre du niveau des salaires, de l’inflation, de l’écart salarial entre les femmes et les hommes ou d’autres questions.
Il me semble que la Haute Assemblée pourrait au moins adopter cet amendement qui est peu dispendieux.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 342 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. Il a été excellemment défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous avons sans doute, monsieur Gay, des approches différentes.
Pour ma part, je considère que la négociation, dans les branches et dans les entreprises, est importante. C’est grâce à elle que l’on peut résoudre les problèmes qui s’y posent, de préférence à la loi qui fixerait des cadres rigides.
Un certain nombre de rencontres entre les organisations syndicales et patronales ont déjà lieu. Nous avons aussi proposé à M. le ministre que des rendez-vous réguliers soient organisés entre le ministre et les partenaires sociaux sur les questions liées à l’apprentissage.
La création d’une nouvelle instance et la convocation d’une conférence sociale annuelle par branche me semblent superfétatoires. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 166 et 342 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 318, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec et Dossus, Mme de Marco et MM. Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le second alinéa de l’article L. 2241-10 du code du travail est ainsi rédigé :
« Lorsque le salaire minimum interprofessionnel de croissance fait l’objet d’une revalorisation au sens de l’article L. 3231-5 une deuxième fois au cours d’une même année, une ouverture des négociations de l’ensemble des minima conventionnels, comprenant le minima ingénieurs, cadres et assimilés, qui ne peut être inférieur, à fréquence équivalente, à la valeur du plafond de la sécurité sociale mentionnée à l’article D. 242-17 du code de la sécurité sociale doit s’engager au plus tard dans les trois mois suivant le second relèvement du niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette réduction est suspendue si, lorsque la revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance au sens de l’article L. 3231-5 du code du travail, a fait l’objet d’une deuxième revalorisation au cours d’une même année, et qu’une négociation revalorisant l’ensemble des minima conventionnels des catégories professionnelles, y compris le minima ingénieurs, cadres et assimilés, n’a pas été conclue dans les six mois suivant le second relèvement du niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance. La suspension de la réduction est levée à la signature de l’accord, avec effet rétroactif sur la période de suspension. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement offre une alternative à la menace de fusion administrative, qui est – j’aimerais que vous en conveniez, monsieur le ministre – une menace assez fictive.
La fusion des branches a une limite. Un syndicaliste rappelait que plus l’on fusionne des branches, plus l’on se rapproche du code de travail. Le principe de faveur y perd son sens.
Le présent amendement vise à rendre obligatoire l’ouverture des négociations pour l’ensemble des minima conventionnels de branche, dont ceux des cadres, lorsque le SMIC fait l’objet d’une seconde revalorisation dans la même année.
Pour se mettre en conformité avec le niveau du SMIC, de nombreuses branches se contentent en effet de procéder à des revalorisations qui ciblent uniquement le bas de la grille salariale. Quelques-unes suppriment ainsi uniquement les coefficients immergés.
Par conséquent, la non-répercussion de l’évolution du SMIC sur l’ensemble de l’échelle des salaires participe à compresser les écarts entre les différents niveaux de salaires, d’où un risque important de déclassement, notamment pour les cadres.
Afin d’inciter les branches à conclure des accords salariaux pour l’ensemble des minima conventionnels de branche, cet amendement vise à ajouter une conditionnalité aux allègements généraux de cotisations patronales. Il s’agirait, si je puis dire, d’une véritable menace.
Il est ainsi proposé de suspendre le bénéfice des allègements généraux de cotisations patronales en cas d’absence de revalorisation des minima conventionnels de branche.
Cette suspension interviendrait six mois après la date de la seconde revalorisation du SMIC, un délai raisonnable. Elle pourrait être levée à la date de signature de l’accord de revalorisation, avec un effet rétroactif des allègements de cotisation patronale sur la période de suspension.
Cet amendement vise donc à freiner le phénomène de resserrement de l’éventail des salaires et à constituer une menace véritablement efficace.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Pla et Bourgi, Mme Espagnac et MM. Tissot, Michau, Temal, Stanzione et Vaugrenard.
L’amendement n° 147 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette réduction ne s’applique pas lorsque le salaire minimum national professionnel, mentionné au 4° du II de l’article L. 2261-22 du code du travail, est demeuré inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance durant plus de six mois, à moins que l’entreprise relevant du champ d’application de la branche concernée justifie, dans ce même délai, être couverte par un accord collectif prévoyant des salaires au moins égaux au salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Jean-Jacques Michau. Cela a été dit, une centaine de branches professionnelles affiche des minima salariaux inférieurs au SMIC. La situation actuelle de très forte inflation et les revalorisations successives du SMIC au cours de l’année expliquent en grande partie ces retards.
Néanmoins, dans un contexte de forte baisse du pouvoir d’achat, nous ne pouvons pas nous satisfaire du manque de dynamisme dans les négociations salariales de certaines branches.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos explications. Toutefois, le dispositif que vous proposez paraît insuffisamment opérationnel. Il ne crée pas une incitation suffisante à la négociation salariale de branche.
Le présent amendement vise à créer un mécanisme plus incitatif. Il tend à conditionner les exonérations de cotisations à la revalorisation des minima de branche. Dès lors que les minima seraient inférieurs au SMIC pendant plus de six mois, les entreprises ne pourraient plus bénéficier des exonérations de cotisations sociales applicables.
Si les négociations de branches devaient déboucher dans ce délai, ce bénéfice serait naturellement maintenu.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 147.
Mme Raymonde Poncet Monge. Au 17 juin 2022, sur les 171 branches du régime général, 120 affichaient une grille salariale comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC en vigueur, après la revalorisation de celui-ci en mai dernier.
Certes, ce découplage s’explique en partie par les hausses successives automatiques du SMIC. Pour autant, certaines branches se sont rapidement conformées à la hausse, notamment dans une optique d’amélioration de l’attractivité des métiers concernés. C’est notamment le cas de l’hôtellerie-restauration, qui a récemment augmenté sa grille de 16 % en moyenne, avec des minima au-dessus du SMIC.
Par cet amendement, nous proposons d’accélérer les négociations en faveur du pouvoir d’achat des salariés, en retirant le bénéfice des réductions de cotisations sociales aux branches dont les minima restent en dessous du SMIC durant l’exercice social où ces revalorisations du SMIC ont eu lieu.
Nous rendons efficace le mécanisme de sanctions inclus dans le présent projet de loi, afin d’accélérer le rattrapage du SMIC par les branches sans pénaliser les entreprises, tout en offrant une solution efficace à la protection du pouvoir d’achat, qui suppose une démarche d’augmentation des salaires.
Le conditionnement des réductions de cotisations sociales à l’obligation d’afficher des minima de branche supérieurs au SMIC est un levier qui permettrait de stimuler efficacement les négociations de branche, dont l’importance est majeure, tant pour réguler la concurrence des entreprises au sein d’une même branche d’activité que pour favoriser l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je me permettrai de traiter ces amendements de manière globale, parce qu’ils s’inscrivent dans la même logique. Ils tendent à suspendre, conditionner ou ne pas appliquer les réductions de cotisations sociales dès lors que les minima conventionnels de branche resteraient inférieurs au SMIC sur une certaine période.
Je le redis : laissons les branches travailler. Leur tâche n’est pas simple.
J’ai passé une journée entière avec des représentants de la branche de la propreté et je vous invite à en faire autant. Vous verrez concrètement les difficultés qui se présentent. J’ai ainsi rencontré des organisations syndicales de salariés, des étudiants, des chercheurs, des organisations patronales, des employeurs de toute taille, etc.
Sanctionner les entreprises, parce que les choses sont compliquées et n’aboutissent pas, me paraît aller trop loin. J’ajoute que, par exemple dans le secteur de la propreté, les exigences de prix des marchés publics ne permettent souvent pas aux entreprises d’augmenter les salaires.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements. Les branches professionnelles doivent continuer à travailler et nous devons avoir confiance en elles.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour des raisons identiques à celles développées par Mme le rapporteur.
J’ajoute que, pour l’amendement n° 318 qui prévoit une conditionnalité des exonérations, il existe une difficulté de mise en œuvre.
Une telle disposition avait été adoptée en 2008, mais elle n’a jamais été appliquée dans la mesure où il suffirait qu’une branche ne procède pas à la négociation rendue obligatoire par la loi pour que les entreprises de la branche perdent le bénéfice de l’exonération.
Cela signifierait qu’une entreprise pratiquant une politique salariale à un niveau supérieur aux minima conventionnels de sa branche serait sanctionnée du fait de la défaillance de la branche à laquelle elle appartient.
Or sanctionner un acteur pour une responsabilité qu’il n’exerce pas pose évidemment des difficultés, y compris en termes de droit constitutionnel.
Il s’agit d’un argument supplémentaire pour rejeter les amendements qui prévoient de conditionner à des négociations de branche des exonérations pour des entreprises.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’assiste avec grand intérêt à ce débat, que je trouve extrêmement répétitif.
Au-delà de la qualité de votre rhétorique, madame le rapporteur, votre propos est invariable : qu’il s’agisse des revenus du travail ou de l’égalité entre les femmes et les hommes, vous vous contentez de renvoyer aux négociations de branche.
On se demande finalement ce que nous faisons ici. La loi peut-elle, de temps en temps, servir à quelque chose ?
Or l’histoire sociale de ce pays est marquée premièrement par des combats menés par les salariés, deuxièmement par des négociations et troisièmement par la loi et des accords obtenus au niveau national.
Pour ma part, je ne me satisfais pas de la conception parfaitement réductrice de la commission. L’histoire est jalonnée d’avancées sociales qui ont été obtenues par la loi.
Dès lors qu’il existe un salaire minimum, le fait de continuer à accorder des exonérations de charges sociales dans une branche où ce salaire minimum n’est pas respecté pose problème. Si l’on se sert d’une telle incitation comme d’un levier, parce que la loi l’aura décidé, alors ce sera un progrès.
Notre débat est révélateur d’une certaine conception des relations sociales. À notre avis, celles-ci ne peuvent en aucun cas exclure le travail du législateur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié et 147.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 240 rectifié bis est présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Roux et Mme Pantel.
L’amendement n° 358 rectifié bis est présenté par Mmes Féret et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette réduction n’est pas applicable aux revenus d’activité versés aux salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté et dont la rémunération est égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 240 rectifié bis.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, cet amendement induit non pas une dépense, mais bien une économie.
Initialement, les allègements de cotisations patronales visaient à favoriser l’embauche de salariés peu qualifiés. Malheureusement, ce dispositif semble parfois être dévoyé, ces allègements incitant certaines entreprises à ne pas augmenter les salaires.
Aussi, nous proposons de mettre un terme au bénéfice de ces allègements, dès lors que les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté ont une rémunération égale au SMIC. Cette mesure participerait à l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires les plus modestes.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 358 rectifié bis.
Mme Corinne Féret. La politique d’allègement de cotisations est importante pour notre économie, plus encore en période de crise. Elle entraîne néanmoins, par son absence de ciblage et sa dégressivité, des effets néfastes pour les salariés.
Elle joue en effet un rôle majeur dans le maintien et l’extension des bas salaires. Les entreprises étant incitées à ne pas augmenter les salaires, de très nombreux salariés se voient maintenus durant plusieurs années à des salaires avoisinant le SMIC.
Cela produit des effets négatifs, non seulement sur le pouvoir d’achat, mais aussi sur la qualité des emplois, sur l’attractivité des secteurs et des métiers concernés et, plus généralement, sur les régimes de protection sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces deux amendements identiques tendent à la non-application des réductions de cotisations patronales aux revenus des salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté rémunérés au SMIC. Cette logique est identique à celle des amendements précédents.
J’entends votre propos, mais je rappelle que nous examinons un texte de loi sur le pouvoir d’achat. Nous examinerons à la rentrée – je l’espère en tout cas, monsieur le ministre – un texte de loi sur le droit du travail dans lequel nous aborderons sans doute les enjeux que vous avez évoqués. Ce n’est pas, me semble-t-il, l’objet du présent texte.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 240 rectifié bis et 358 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 165, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » ;
2° Après l’article L. 2241-1 du code du travail, il est inséré un article L. 2241-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2241-1-… – I. – Les négociations concernant le 1 de l’article L. 2241-1 doivent aboutir à un accord plus favorable aux salariés dans les six mois à compter de la première réunion.
« II. – En l’absence d’accord au niveau de la branche, les grandes entreprises, telles que définies à l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, rattachées à la branche mentionnée ne peuvent plus bénéficier des mesures prévues au III, et ce jusqu’à la signature d’un accord.
« III. – Les mesures concernées par les dispositions du II correspondent aux :
« a) subventions publiques versées au titre des crédits ouverts par la loi de finances de l’année en cours ;
« b) garanties publiques versées au titre des crédits ouverts par la loi de finances de l’année en cours ;
« c) participations financières de l’État versées au titre des crédits ouverts par la loi de finances de l’année en cours. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous souhaitons conditionner les aides publiques pour les grandes entreprises à la conclusion d’un accord avec les représentants des organisations syndicales.
Nous proposons de favoriser la conclusion des accords de branche dans les six mois suivant le début des négociations.
Afin que le sujet du salaire minimum par branche progresse de façon rapide et durable, il convient, sinon de contraindre, du moins d’inciter à mener à bien ces négociations dans un délai raisonnable, en faisant dépendre de leur réussite l’attribution des aides publiques aux entreprises.
Par ailleurs, l’amendement tend à réduire de quatre ans à deux ans le délai obligatoire entre deux négociations.
Cette méthode permettrait d’éviter qu’à chaque revalorisation du SMIC les minima fixés juste au-dessus du SMIC ne passent pas automatiquement en dessous, entretenant ainsi la spirale des bas salaires et le tassement des rémunérations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement tend à conditionner les aides publiques aux grandes entreprises à la conclusion d’un accord de branche sur les salaires. Cela reviendrait à pénaliser les entreprises, alors que c’est la branche qui n’aurait pas fait son travail. Cette mesure serait injuste.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 343 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Poumirol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2241-1 du code du travail, il est inséré un article L. 2241-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2241-1-…. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent exceptionnellement à partir du 1er septembre 2022 pour négocier :
« 1° Sur l’augmentation de tous les salaires inférieurs à 2 933 euros brut ;
« 2° Sur l’instauration d’une revalorisation automatique des salaires lorsque l’indice national des prix à la consommation tel qu’établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques sur les douze mois antérieurs dépasse un certain seuil ;
« 3° Sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées ainsi que sur la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
« Les accords de branche sont négociés dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi n° … du … portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement a lui aussi pour objet l’indexation des salaires sur l’inflation. Il vise, monsieur le ministre, à vous donner le pouvoir de prononcer l’augmentation des salaires en cas d’échec des négociations de branche, en particulier dans les branches dont les minima sont inférieurs au SMIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je crains, madame la sénatrice, que l’objet de cet amendement ne soit pas celui que vous avez exposé.
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas certain en effet !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement n° 343 rectifié vise plutôt à imposer une ouverture exceptionnelle de négociations de branche sur l’augmentation de tous les salaires inférieurs à 2 933 euros.
Rappelons que les négociations sur les salaires sont déjà un rendez-vous obligatoire pour l’ensemble des branches. Cet amendement me semble donc satisfait ; l’avis de la commission est par conséquent défavorable.
Mme Laurence Rossignol. Je le retire, s’il est satisfait !
M. le président. L’amendement n° 343 rectifié est retiré.
L’amendement n° 146, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’année suivant la mise en application de la présente loi, le ministre du travail peut ordonner que les entreprises n’assurant pas un salaire minimum national professionnel au sens du 4° du II de l’article L. 2261-22 au moins égal au salaire minimum interprofessionnel indexent l’évolution des grilles salariales conventionnelles sur l’évolution du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionnée à l’article L. 3241-4 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit ici non pas de sanctions contre les entreprises, mais d’une incitation à indexer les salaires sur l’évolution du SMIC.
Le présent projet de loi permet de multiples substitutions à une augmentation générale des salaires, en facilitant l’usage par les employeurs de primes exonérées de charges sociales et défiscalisées.
Le risque d’une telle approche est de masquer le fait que seul le salaire socialisé ouvre des droits au salarié, le salaire net n’étant qu’une partie de la rémunération du travail. Éviter la part socialisée revient de fait à baisser la rémunération. Il faut appeler un chat un chat : quand on ne paie que le salaire net, on baisse la rémunération !
Cette approche revient à inciter l’entreprise, puisqu’il y a incitation, à préférer une rémunération variable, réversible, qui dépendra du seul bon vouloir de l’employeur. C’est aussi l’un des visages de la précarité.
Or, comme l’inflation s’inscrit très certainement dans la durée, ses effets sur le pouvoir d’achat ne seront durablement amoindris que par une réelle augmentation de la rémunération fixe, garante d’un renforcement de la résilience sur le temps long de l’ensemble des salaires, notamment des plus bas d’entre eux.
Afin que les branches et les entreprises se conforment aux dispositions du présent texte les obligeant, sous peine de fusion administrative, à relever leurs minima salariaux au moins à la hauteur du SMIC, conformément à la loi, un mécanisme de réelle sanction doit être mis en place.
Pour mettre en œuvre une véritable incitation à revaloriser tous les minima à la suite des augmentations du SMIC, le présent amendement vise à donner au ministre du travail le pouvoir d’imposer aux branches réfractaires non pas une fusion, mais l’indexation de l’évolution de leur grille salariale sur l’évolution du SMIC, rétablissant de fait une sorte d’échelle mobile. J’ai compris que cette disposition faisait très peur, mais une telle échelle existe en Belgique et existait en France avant sa suppression en 1983 sur l’initiative de Jacques Delors.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’objet de cet amendement a bien été énoncé par Mme Poncet Monge.
Rappelons simplement que l’article L. 3231-3 du code du travail interdit « dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation de la révision des salaires prévue par ces conventions ou accords ».
Du reste, il me semble qu’il n’appartient pas au ministre du travail d’ordonner aux partenaires sociaux de conclure un accord.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne propose pas ici l’échelle mobile des salaires, dont j’ai bien compris que vous ne vouliez pas. Soyons bien précis : je parle d’une sanction alternative.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 148 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
L’amendement n° 363 rectifié bis est présenté par Mmes Féret et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les premier, deuxième et quatrième alinéas du I de l’article 24 de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail sont supprimés.
II. – Le livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Au 5° de l’article L. 2271-1, les mots : « un groupe d’expert désigné à cet effet » sont remplacés par les mots : « la commission mentionnée à l’article L. 2273-1 du présent code » ;
2° Après le titre VII, il est inséré un titre … ainsi rédigé :
« Titre …
« Commission salaires décents
« Chapitre I
« Missions
« Art. L. 2273-…. – La Commission salaires décents est un observatoire sur les bas salaires. Elle est chargée de :
« 1° Mener des travaux sur les bas salaires pour éclairer le Gouvernement et les partenaires sociaux. Pour cela, elle s’intéresse notamment aux questions de rémunérations, de conditions de travail, de qualifications et de parcours professionnels ;
« 2° Remettre des recommandations au Gouvernement et aux partenaires sociaux sur l’évolution du salaire minimum ;
« 3° Remettre un rapport annuel à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle et au Gouvernement. La Commission mène des travaux réguliers durant l’année pour construire ce rapport. Ce rapport doit être validé par les membres de la Commission.
« Chapitre II
« Organisation et fonctionnement
« Art. L. 2274-…. – La Commission salaires décents est composée d’experts pluridisciplinaires et de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national.
« Elle est coprésidée par un représentant des organisations d’employeurs représentatives au niveau national et par un représentant des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national.
« Pour réaliser ses missions, elle s’appuie sur les services de l’administration et sur les institutions productrices de données utiles à ses travaux.
« Art. L. 2274-…. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’organisation et de fonctionnement de la Commission salaires décents. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 148.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il est défendu, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l’amendement n° 363 rectifié bis.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à créer une commission, dénommée « Commission salaires décents », qui remplacerait le groupe d’experts sur le SMIC afin de traiter la problématique des bas salaires dans l’ensemble de ses dimensions.
Cette commission remettrait chaque année à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) un rapport au champ de réflexion étendu sur les rémunérations, les conditions de travail, le parcours professionnel, les qualifications, mais aussi la répartition de la richesse.
Elle serait composée non pas seulement de macroéconomistes, mais aussi d’experts pluridisciplinaires et de représentants des partenaires sociaux. L’avantage d’une telle composition est de réunir tous les acteurs, en articulant compétences techniques et politiques.
Cette commission pourra s’appuyer sur les services de l’administration et les institutions productrices de données utiles à ses travaux.
M. le président. L’amendement n° 337 rectifié bis, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du I de l’article 24 de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce groupe comprend des représentants des organisations syndicales représentatives au sens de l’article L. 2121-1 du code du travail et des membres des organisations et associations travaillant dans le champ de l’insertion et du travail. Les membres de ce comité ne sont pas rémunérés. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Le présent amendement, dans le même esprit que les précédents, vise à intégrer au sein du groupe d’experts sur le SMIC, qui est chargé de déterminer l’évolution de celui-ci, des représentants des organisations syndicales et des membres des organisations et associations travaillant dans le champ de l’insertion et du travail.
Cela permettrait d’avoir une instance plus représentative de la diversité des expertises nécessaires à une étude plus complète et plus objective. Aujourd’hui, ce groupe est exclusivement constitué d’économistes qui appartiennent tous à la même école de pensée, il rend donc des rapports aboutissant à la même conclusion : une sous-indexation du SMIC.
Cette modification de la composition du groupe d’experts permettrait d’aboutir à une augmentation du pouvoir d’achat des salariés au SMIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Les amendements nos 148 et 363 rectifié bis tendent à supprimer le groupe d’experts sur le SMIC ; quant à l’amendement n° 337 rectifié bis, il vise à intégrer à ce groupe d’experts des représentants des partenaires sociaux.
Rappelons d’abord que la composition de ce groupe d’experts n’est pas arrêtée par le Parlement, mais qu’elle relève du pouvoir réglementaire.
La présidente de notre commission, Mme Catherine Deroche, a invité le groupe d’experts sur le SMIC à nous exposer sa vision de l’évolution du SMIC – c’était une réunion très intéressante.
J’imagine que, si les propos alors tenus par M. Gilbert Cette, qui préside ce groupe d’experts, étaient allés dans le sens de ce que veulent nos collègues signataires de ces amendements, ils ne les auraient pas déposés ! De fait, la vision que le groupe d’experts a du SMIC ne va pas dans leur sens. Faut-il pour cette raison changer la composition de ce groupe ?
Pour ma part, je crois plutôt qu’il faut laisser ce groupe d’experts travailler et observer l’évolution des choses. Cela n’empêche pas que des discussions se tiennent par ailleurs entre partenaires sociaux sur l’évolution du SMIC. Tout cela concourt à alimenter nos réflexions.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 148 et 363 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 337 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je voudrais vous remercier, toutes et tous, pour la qualité de nos débats. Nous avons examiné 128 amendements cet après-midi. Je tiens également à remercier Mme le rapporteur pour ses explications, ainsi que M. le ministre, en particulier pour sa courtoisie.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour une mise au point au sujet d’un vote.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, lors du scrutin n° 126 sur les amendements identiques nos 118, 168 rectifié et 360 rectifié portant article additionnel avant l’article 1er du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, M. Jean-Claude Requier et moi-même souhaitions nous abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 4 bis.
TITRE Ier (suite)
PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS
Chapitre Ier (suite)
Valorisation du travail et partage de la valeur
Article 4 bis (nouveau)
Après le premier alinéa de l’article L. 2261-26 du code du travail, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le salaire minimum interprofessionnel de croissance a augmenté au moins deux fois par application des articles L. 3231-4 à L. 3231-11 au cours des douze mois précédant la conclusion d’un avenant mentionné au premier alinéa du présent article :
« – par dérogation au second alinéa de l’article L. 2232-6, l’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l’avenant ;
« – par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 2261-19, l’opposition d’une ou plusieurs organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives est notifiée et déposée dans un délai de quinze jours à compter de la publication par l’autorité administrative de l’avis d’extension de l’avenant ;
« – la durée maximale de la procédure mentionnée au premier alinéa du présent article est fixée par voie réglementaire sans pouvoir excéder deux mois. »
M. le président. L’amendement n° 169, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La commission des affaires sociales du Sénat explique avoir inséré cet article dans le projet de loi afin de lutter contre la lourdeur des procédures, qui contribuerait à expliquer le retard pris par les branches pour aligner leurs minima salariaux.
La procédure d’examen accélérée ainsi proposée, qui réduit par deux les délais dans lesquels les organisations syndicales majoritaires peuvent s’opposer à l’entrée en vigueur de l’accord, ne permet pas de garantir un délai suffisant pour la consultation des salariés des entreprises concernées et l’obtention d’un mandat pour signer l’accord ou s’y opposer.
Ce n’est pas en accélérant les délais de négociations que les organisations patronales vont accepter de relever les minima de branche, lorsqu’elles s’y opposent depuis des années. Comme l’a fort bien fait remarquer tout à l’heure mon collègue Fabien Gay, 120 à 150 branches professionnelles ont des minima salariaux inférieurs au SMIC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à la suppression de cet article, qu’elle a introduit dans le projet de loi et qui vise à simplifier la procédure d’extension des accords salariaux.
Cette procédure simplifiée est très bornée dans le temps, puisqu’elle s’appliquera dès lors que deux revalorisations du SMIC auront eu lieu dans les douze derniers mois. Dans ce cas, la durée de la procédure passe de six à deux mois ; les délais de recours pour les organisations professionnelles et syndicales sont également réduits.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. L’avis est également défavorable.
J’aurai l’occasion de présenter dans un instant un amendement qui tend à maintenir la plupart des dispositions adoptées par la commission, mais sans réduire les délais de recours dont bénéficient les organisations syndicales et professionnelles. Nous considérons, sur leur demande, que ces délais de recours doivent être préservés.
Je voudrais par ailleurs apporter une précision. Madame Apourceau-Poly, vous avez repris un argument exprimé par M. Gay tout à l’heure, selon lequel 120 branches auraient des minima salariaux inférieurs aux SMIC. Tel était le cas lors de la transmission de ce projet de loi au Parlement, mais aujourd’hui ces branches ne sont plus que 90 du fait des négociations qui se sont tenues dans l’intervalle.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 170, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette réduction ne s’applique pas lorsque le salaire minimum national professionnel, mentionné au 4° du II de l’article L. 2261-62 du code du travail est demeuré inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance durant plus de six mois, à moins que l’entreprise relevant du champ d’application de la branche concernée, justifie, dans ce même délai, être couverte par un accord collectif prévoyant des salaires supérieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Notre amendement de suppression de l’article 4 bis introduit par la commission des affaires sociales a été rejeté, mais nous ne désespérons pas, mes chers collègues ! Nous vous proposons un amendement de repli, qui a pour objet de réécrire cet article de manière à aboutir à un relèvement réel des minima de branche au niveau du SMIC.
Au 17 juin 2022, sur les 171 branches du régime général, 120 affichaient une grille salariale comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC en vigueur après sa revalorisation de mai dernier, comme l’a souligné notre collègue Fabien Gay.
Par cet amendement, nous proposons de retirer le bénéfice des réductions de cotisations sociales aux branches dont les minima restent en dessous du SMIC durant plus de six mois.
Le Gouvernement n’entend pas augmenter significativement le SMIC, position d’ailleurs partagée par la majorité sénatoriale. Nous assistons à une précarisation de la société et des salariés, le tout dans un contexte d’inflation très élevée. Il n’est pas possible de vivre correctement avec le SMIC ; alors, imaginez ce qu’il en est en dessous ! Les travailleurs et travailleuses concernés ne cessent de le crier pour être entendus.
Là encore, notre amendement paraît bien modéré par rapport aux besoins, mais il nous semble doublement juste, tant par le gain de pouvoir d’achat qu’il permet que vis-à-vis de notre système de protection sociale.
M. le président. L’amendement n° 452, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le premier alinéa de l’article L. 2261-26 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le salaire minimum interprofessionnel de croissance a augmenté au moins deux fois par application des articles L. 3231-4 à L. 3231-11 au cours des douze mois précédant la conclusion d’un avenant mentionné au premier alinéa, la durée maximale de la procédure mentionnée au premier alinéa du présent article est fixée par voie réglementaire sans pouvoir excéder deux mois. »
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Cet amendement est en discussion commune avec le précédent du fait de son positionnement dans le texte, mais son objet est très différent.
Mme Cohen vous a présenté un amendement de conditionnement des exonérations, sur le modèle de ceux que vous avez rejetés tout à l’heure ; l’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’amendement n° 170.
L’amendement n° 452 est celui auquel j’ai fait allusion dans mon intervention précédente : il vise à maintenir, en cas de double revalorisation automatique du SMIC, les délais raccourcis proposés par la commission des affaires sociales, à l’exception des délais de recours fixés aux organisations syndicales et professionnelles. Nous parlons là de quelques jours seulement, mais ce sont des jours utiles pour que ces organisations puissent faire valoir un éventuel droit de recours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il est intéressant de lire l’exposé des motifs de l’amendement n° 170, que vient de nous présenter Mme Cohen. Il y est indiqué que 120 des 171 branches du régime général affichaient une grille salariale comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC le 17 juin 2022.
Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de rappeler que ce chiffre a évolué depuis lors. Parfois, il suffit de quinze jours pour que les branches fassent passer ces minima au-dessus du SMIC. C’est pourquoi nous avons vraiment besoin d’accélérer la procédure ; tel était bien l’intention de notre commission, en insérant cet article 4 bis dans le projet de loi.
L’avis de la commission sur l’amendement n° 170 est défavorable, car conditionner les réductions de cotisations patronales à la revalorisation des minima de branche ne correspond malheureusement pas à la réalité que vivent les branches.
Quant à l’amendement n° 452 du Gouvernement, vous avez relevé à raison, monsieur le ministre, la présence de deux cliquets dans cet article : en premier lieu, on fait passer la procédure de six mois à deux mois ; en second lieu, on rend un peu plus courts les délais de recours pour les organisations syndicales et professionnelles.
Je propose de ne pas toucher à ce dispositif à ce stade de nos débats ; nous pourrons en discuter en commission mixte paritaire et examiner alors comment les choses se passent. L’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 bis.
(L’article 4 bis est adopté.)
Chapitre II
Revalorisation anticipée de prestations sociales
Article 5
I. – Lorsqu’ils font l’objet d’une revalorisation annuelle en application de l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, les montants des prestations, allocations ou aides individuelles ainsi que les éléments intervenant dans leur calcul ou conditionnant l’ouverture du droit sont revalorisés, au 1er juillet 2022, par application d’un coefficient égal à 1,04. Le coefficient applicable lors de la première revalorisation annuelle postérieure au 1er juillet 2022 du montant de la prestation, de l’allocation ou de l’aide individuelle, ou de l’élément intervenant de son calcul ou dans l’ouverture du droit, est égal au quotient entre le coefficient calculé en application du même article L. 161-25 et 1,04, sauf si le coefficient ainsi obtenu est inférieur à 1, auquel cas il est porté à cette valeur.
Le coût de la revalorisation opérée, en application du premier alinéa du présent I, sur les prestations versées par le régime institué à l’article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat est à la charge de l’État. Un décret détermine les modalités du calcul du montant des bourses nationales d’enseignement du second degré pour la rentrée 2022.
II. – (Non modifié) Par dérogation au premier alinéa du IV de l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime, le montant du salaire minimum de croissance retenu pour le calcul du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire dont bénéficient les personnes non salariées des professions agricoles au titre des périodes comprises entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2022 est celui en vigueur le 1er juillet 2022.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation des étudiants, à l’échelle nationale et plus particulièrement dans les outre-mer.
Une vraie question se pose : celle des revenus des étudiants. C’était déjà évident pendant la pandémie, mais la situation s’est exacerbée. L’article L. 821-1 du code de l’éducation donne au Gouvernement la possibilité d’octroyer des bourses aux étudiants. Avec des associations d’étudiants, nous exprimons le souhait que ces bourses soient revalorisées et indexées sur l’inflation.
On a bien vu, pendant les derniers mois, nos étudiants venir en file indienne à la soupe populaire. Beaucoup d’entre eux connaissent de grandes difficultés sociales.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Victoire Jasmin. Il faut vraiment prendre la mesure de ces difficultés. Elles sévissent dans tout le pays, mais la situation est encore pire outre-mer, parce que l’augmentation des prix et du coût de la vie y met en difficulté beaucoup d’étudiants et d’étudiantes. Je souhaiterais vraiment que vous puissiez en prendre la mesure, monsieur le ministre.
Si j’évoque ce problème de la sorte et à ce moment de notre discussion, c’est parce que les amendements que j’avais déposés sur ce sujet ont tous été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 ou de l’article 45 de la Constitution. Tout a été déclaré irrecevable !
Je profite donc de cette occasion, monsieur le ministre, pour attirer votre attention sur ce problème : les étudiants ne peuvent pas être la dernière roue du carrosse ! Je compte vraiment sur vous, car vous avez la possibilité de faire quelque chose en faveur des étudiants, à l’échelle nationale et particulièrement dans les outre-mer, où la vie est plus chère de 30 %.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, sur l’article.
M. Stéphane Sautarel. Je tiens à intervenir sur cet article, qui procède à la revalorisation anticipée des prestations sociales. C’est l’un des volets majeurs de ce projet de loi.
Si ces mesures sont bien sûr souhaitables, nécessaires et utiles, elles suscitent des interrogations sur deux aspects : d’une part, leur soutenabilité au regard de la dépense publique – je vous épargnerai la litanie des ratios sur nos finances publiques, tout le monde les connaît déjà – ; d’autre part, leur justesse au regard de notre objectif partagé de retour à l’emploi et de valorisation du travail, dans l’intérêt des personnes, de la société en général et de nos finances publiques en particulier.
Nous venons d’examiner les articles 1er à 4 bis. Les mesures de revalorisation du travail qu’ils contiennent resteront assises sur le volontarisme et l’initiative des employeurs et des branches. En revanche, les mesures proposées dans cet article vont s’appliquer de manière globale et indifférenciée.
Mon intervention a pour objet de nous inviter, pour l’avenir, à proposer un nouveau cadre législatif introduisant un différentiel réel, attractif et impératif, permettant d’amplifier l’écart entre les revenus du travail et les revenus de substitution, sans pour autant augmenter le coût du travail pour les entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Selon l’Insee, les prix à la consommation ont augmenté de 5,8 % sur un an, ce qui constitue le plus haut taux d’inflation depuis 1985. Ce taux augmente chaque mois de manière constante : 4,8 % en avril, 5,2 % en mai, 5,8 % en juin… À ce rythme, l’inflation pourrait atteindre 8,4 % au début de l’année prochaine. Tout cela a de quoi inquiéter nos concitoyens.
Face à cette inflation galopante, j’entends le Gouvernement s’enorgueillir de protéger les Français. Or il s’agit surtout, dans cet article 5, d’une prise en compte anticipée de l’inflation sur les pensions et les prestations sociales. Vous oubliez de dire, monsieur le ministre, que ce que vous donnez aujourd’hui sera déduit des revalorisations à venir auxquelles les Français auraient eu droit : ce n’est pas un cadeau, c’est une avance !
En raison du niveau de l’inflation, cette revalorisation de 4 % ne redonnera pas réellement du pouvoir d’achat à nos concitoyens et atténuera à peine la perte qu’ils ont subie dans ce domaine. Tel sera notamment le cas pour nos aînés. Le minimum vieillesse continuera d’être inférieur au seuil de pauvreté – ce n’est pas tolérable ! Plus de 10 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté. La crise sanitaire est venue aggraver la situation de millions d’hommes et de femmes. Je pense notamment aux familles monoparentales, qui peinent à boucler leur budget au point de grossir les rangs des structures d’aide alimentaire.
Compte tenu de cette situation, la revalorisation anticipée des pensions et des prestations sociales ne peut en aucun cas être acceptée pour solde de tout compte : il nous faut impérativement conserver la possibilité de clauses de revoyure avant janvier 2023, pour un réel soutien à nos concitoyens et une réelle protection de leur pouvoir d’achat.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, sur l’article.
M. Philippe Folliot. La revalorisation des prestations sociales et surtout celle des retraites devraient bien sûr faire consensus. Cela dit, dans le droit fil des propos que vient de tenir notre collègue Stéphane Sautarel, j’estime que nous devons quand même nous interroger sur certaines conséquences de cette décision.
Nous sommes aujourd’hui – cela a déjà été dit – dans un pays où le différentiel entre le revenu de celles et ceux qui bénéficient de la solidarité nationale et celui de celles et ceux qui travaillent, en particulier quand leur salaire compte parmi les moins élevés, n’est peut-être pas aussi important qu’il devrait l’être.
Par conséquent, un certain nombre de nos concitoyens ne cherchent peut-être pas un emploi aussi activement qu’il le faudrait. Nous nous trouvons donc face à une situation qui suscite forcément des interrogations, ne serait-ce qu’au vu du nombre des entreprises qui cherchent en vain des collaborateurs, avec toutes les conséquences que cela implique.
Au-delà de ce problème, mon interrogation porte sur le financement de ces mesures. Monsieur le ministre, l’ensemble de ce projet de loi coûtera 20 milliards d’euros. Les mesures spécifiques de cet article vont coûter 4 milliards d’euros à la sécurité sociale et 2,6 milliards d’euros au budget de l’État. Or la situation de nos finances publiques est totalement catastrophique. Financer toutes ces mesures par la dette serait faire preuve d’irresponsabilité collective par rapport aux générations futures.
Dans ce cadre, il me semble important, monsieur le ministre, que vous puissiez nous donner des précisions sur les modalités de financement de toutes ces mesures. Plus précisément, ces mesures vont-elles être financées par un recours massif à l’emprunt ?
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Cet article prévoit une revalorisation anticipée des prestations sociales de 4 % à compter du 1er juillet 2022.
La commission des affaires sociales, dont je salue le travail, a opportunément rappelé dans son rapport les modes de calcul du coefficient de revalorisation des prestations sociales et des pensions de retraite de base – fixé par les lois de financement de la sécurité sociale successives ou figurant pour certaines pensions dans le code de la sécurité sociale. Chaque année, au 1er avril, le montant de revalorisation des prestations familiales ainsi que de nombreux dispositifs est revu.
Aujourd’hui, ces revalorisations sont distancées par l’accélération de l’inflation, ce qui entraîne une érosion du pouvoir d’achat des retraités.
Cet article a donc pour objet la revalorisation immédiate de 4 % de l’ensemble des prestations, qui concernent plus de 18 millions de retraités ainsi que d’autres bénéficiaires. Au total, le coût estimé s’élève à 4,6 milliards d’euros pour la sécurité sociale et à 2 milliards d’euros pour l’État et les collectivités territoriales.
S’agissant du RSA, cette mesure s’élèvera à 365 millions d’euros pour les années 2022 et 2023. Cette solidarité nationale, qui est indispensable et rendue nécessaire par l’augmentation des prix, pose la question de la tout aussi nécessaire compensation par l’État, comme l’a indiqué Mme le rapporteur.
Je citerai aussi la revalorisation des pensions de retraite agricoles, en faisant référence au rapport de 2021 de Mme Cathy Apourceau-Poly. Là aussi, il s’agit d’un problème important.
Sur cet article, je soutiendrai l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, sur l’article.
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, au-delà du nécessaire débat que nous aurons sur la revalorisation de nombreux minima sociaux et prestations à laquelle nous ne pouvons qu’être sensibles et qui nous mobilise tous, je souhaite vous interpeller sur un sujet qui aurait été frappé par l’article 40 de la Constitution, mais qu’il me semble à ce stade utile d’évoquer. Il relève peut-être de la voie réglementaire, mais j’aimerais obtenir des éclaircissements de votre part.
Les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) en fin de droits qui n’ont pas de solutions professionnelles doivent solliciter le revenu de solidarité active (RSA) et fournir une déclaration des ressources trimestrielles à l’appui de cette demande.
Je me suis rendu compte que la situation de ces bénéficiaires n’était pas neutralisée au moment de leur demande et qu’ils percevaient, pendant les trois mois suivants, 230 euros par mois, sauf lorsque des présidents de département assuraient le complément par le biais de leurs possibilités réglementaires propres. Cela crée toutefois une disparité de traitement entre les bénéficiaires de l’AAH résidant dans des départements qui, de façon volontaire, ont mis en place une mesure complémentaire et les autres.
Monsieur le ministre, est-il possible de réparer cette injustice – par exemple en complétant un décret existant –, laquelle touche de nombreuses personnes qui, ne bénéficiant plus de l’allocation aux adultes handicapés, perçoivent pendant trois mois un RSA minoré à 230 euros, ce qui ne leur permet pas de vivre décemment ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l’article.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, nous abordons avec cet article la question de la valorisation des prestations sociales, mais il faut également se pencher sur le non-recours, sujet sur lequel Carole Grandjean et moi-même avons travaillé il y a deux ans.
En effet, 34 % des personnes ayant droit au RSA n’en bénéficient pas, car elles ne sont pas en situation de demander cette allocation. Il en est de même pour l’allocation de soutien familial destinée aux parents isolés, comme pour d’autres prestations.
Nous sommes en train d’examiner un texte sur le pouvoir d’achat et n’avons pas évoqué ce sujet. Il est extrêmement important que le Gouvernement continue son travail d’information pour réduire autant que faire se peut ce taux de non-recours, qui est une injustice flagrante.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Au risque de tenir des propos à rebours de ceux que j’ai entendus, je ferai remarquer qu’il y a dans cette liste de revalorisations de prestations sociales une grande absente : la jeunesse. Et pour cause, une telle prestation n’existe pas !
Notre pays n’a toujours pas mis en place un revenu minimum de subsistance pour les jeunes de 18 à 25 ans, alors que ceux-ci peuvent, à 23 ou 24 ans, se retrouver dans une galère extraordinaire, lorsqu’ils ne peuvent compter sur leur famille. Pourtant, on ne veut pas revenir sur le fait que, avant 25 ans, on ne peut pas percevoir de prestations de solidarité.
Comment financer toutes ces augmentations, voire ces nouvelles prestations ? Mes chers collègues, je vous entends répéter qu’il faut baisser les dépenses…
M. Vincent Segouin. Oui !
Mme Monique Lubin. … et arrêter, à tout le moins freiner, sur un certain nombre d’aides sociales, etc. Mais on ne se demande jamais comment on peut faire pour trouver des recettes supplémentaires. (M. Vincent Segouin s’exclame.)
Pourtant, nous ne sommes pas avares d’idées (Des impôts ! sur les travées du groupe Les Républicains.), et il me semble que certaines pourraient être mises en œuvre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. J’apporterai des réponses sur cinq points.
Premièrement, madame Jasmin, le Gouvernement a bien l’intention de revaloriser les bourses dans les mêmes proportions que les autres minima et pensions. Je précise toutefois que les bourses de l’enseignement supérieur relèvent du domaine réglementaire : nous prendrons donc un décret pour les revaloriser à hauteur de 4 % à la rentrée prochaine. Les bourses de l’enseignement secondaire seront aussi traitées par voie réglementaire, dans la mesure où l’amendement n° 817 qui a été adopté par la commission des affaires sociales permet au Gouvernement de procéder à leur revalorisation par décret.
Deuxièmement, madame Féret, vous avez raison : il s’agit bien d’une avance de revalorisation. La loi prévoit que les retraites sont revalorisées au 1er janvier et les prestations familiales ou sociales au 1er avril, et il n’y a jamais ou presque d’entorse à ce principe et à ce calendrier. La dernière exception a eu lieu entre 2015 et 2016 : la revalorisation des retraites du début de l’année 2016 a été reportée de six mois, jusqu’au 1er octobre de cette même année – soit une période assez longue, puisque la revalorisation du début de l’année 2015 avait été de zéro, certes dans un contexte de très faible inflation, et avait donc valu pour dix-huit mois.
L’avance de revalorisation que nous prévoyons représente un engagement de 6,7 milliards d’euros pour la puissance publique : cela n’est pas négligeable et permet de protéger le pouvoir d’achat des retraités et des bénéficiaires de prestations sociales pendant la période qui s’ouvre, alors que ces publics auraient normalement dû attendre les échéances que j’ai rappelées.
Si, au 1er janvier et au 1er avril prochains, l’inflation constatée est supérieure à celle qui prévaut jusqu’à présent, c’est-à-dire 5,8 %, une revalorisation en conséquence de cet écart sera enclenchée.
Vous appelez de vos vœux une clause de revoyure, madame la sénatrice. En cas d’explosion de l’inflation – les prévisions que vous avez envisagées ou que vous redoutez me semblent peu susceptibles de se réaliser, et c’est tant mieux –, d’autres textes qui arriveront d’ici à la fin de l’année permettront d’agir. Je précise que nous devons aussi faire avec des délais et des contraintes techniques, si bien que, parfois, la prise de décision d’une revalorisation se traduit formellement avec un décalage de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois.
En tout cas, cette revalorisation n’obère pas la possibilité d’une revalorisation aux dates prévues au début de l’année 2023.
Troisièmement, sur la question de l’AAH, j’ai peur de dire une bêtise, notamment sur les questions relatives aux droits et au maintien des droits pour les bénéficiaires qui pourraient être perdants en raison de la déconjugalisation. M. Mouiller m’a interrogé sur ce point en commission. Vérification a été faite depuis et il est bien prévu qu’un renouvellement ne soit pas vu comme une fin de droits. Par conséquent, nous garantirons aux personnes bénéficiant de l’AAH qui pourraient être perdantes à cause de la déconjugalisation leurs droits au même niveau d’allocation qu’actuellement jusqu’à extinction desdits droits – le renouvellement n’en faisant pas partie.
Voilà qui me permet de faire le lien avec votre intervention, madame Létard. Vous avez soulevé un vrai sujet dont nous avions très peu conscience jusqu’à présent. Ce que vous avez décrit s’explique principalement par le fait que, parfois – c’est en effet malheureusement hétérogène –, les revenus liés à l’AAH sont intégrés dans la base des revenus pris en compte pour le calcul de l’éligibilité au RSA, ce qui n’est pas juste, notamment dans les cas de transfert de situation entre le bénéfice de l’AAH et le bénéfice du RSA.
Depuis que vous nous avez alertés, nous travaillons à trouver une solution technique, certainement réglementaire, pour neutraliser les revenus liés à l’AAH dans le calcul de l’éligibilité au RSA et faire en sorte que cela soit suffisamment rapide pour éviter les délais de trois ou quatre mois que vous avez mentionnés. Je ne saurais dire au moment où je m’exprime devant vous quelle sera la solution technique, mais c’est en tout cas un point que nous avons bien pris en compte.
Quatrièmement, nous partageons totalement votre préoccupation sur le non-recours, madame Goulet, et le Président de la République s’est engagé à la solidarité automatique. Cela suppose des travaux techniques majeurs : il nous faut d’abord croiser les fichiers du prélèvement à la source et les données de revenus mensuels qui servent de base de calcul aux prestations sociales. C’est seulement une fois ce travail accompli que nous serons en capacité de mesurer les revenus d’activité et les revenus sociaux d’un même foyer et d’apprécier une éligibilité.
Pour être tout à fait transparent, comme je l’ai indiqué en commission, je précise que ces travaux techniques prendront au moins dix-huit mois.
Dans un premier temps, le résultat ne sera pas totalement satisfaisant, puisque les prestations quérables le resteront ; toutefois, leur actualisation sera automatisée.
Dans un second temps, un nouveau développement technique permettra de passer à un système où il ne sera plus nécessaire de déposer une demande : le simple constat par le croisement des données permettra l’accès à la prestation et réduira considérablement le taux de non-recours – nous partageons vos chiffres à cet égard – et, parallèlement, même si c’est sans commune mesure en termes de volume, les cas de fraude. Ceux-ci ne sont aujourd’hui possibles que parce qu’il y a déclarations ; dès lors que les déclarations auront disparu, il n’y aura plus de véhicules de fraude.
Cinquièmement, enfin – mais nous aurons ce débat tout à l’heure –, le Gouvernement est tout à fait opposé à une différenciation des taux de revalorisation entre les prestations sociales. Un certain nombre d’amendements visent en effet soit à exclure le RSA du champ de la revalorisation, soit à en minorer le taux par rapport aux autres prestations. Pour notre part, nous considérons que les allocataires du RSA rencontrent les mêmes difficultés face à l’inflation que les autres ménages et ont besoin d’être aidés dans les mêmes proportions.
Par ailleurs, nous avons fait le choix de revaloriser la prime d’activité. En associant cette mesure aux revalorisations automatiques et légales du SMIC, qui s’élèveront au total à 8 % au 1er août sur un an, nous garantissons le maintien de l’écart entre un revenu lié à un minima social et le premier niveau de revenu d’activité. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Segouin, Retailleau, Mouiller, Anglars, Babary, Bacci, Bansard, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mmes Bourrat et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cadec, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, M. Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Delmont-Koropoulis, Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau, B. Fournier et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mme F. Gerbaud, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené et Hugonet, Mme Imbert, M. Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut et Lefèvre, Mmes Lopez, M. Mercier, Micouleau, Muller-Bronn et Noël, MM. Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Reichardt, Mmes Renaud-Garabedian et Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, première phrase
Après le mot :
individuelles
insérer les mots :
, à l’exclusion du revenu de solidarité active et de l’allocation de solidarité spécifique,
II. – Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les montants du revenu de solidarité active et de l’allocation de solidarité spécifique sont revalorisés, au 1er juillet 2022, par application d’un coefficient égal à 1,035. Le coefficient applicable lors de la revalorisation annuelle intervenant au 1er avril 2023 des montants du revenu de solidarité active et de l’allocation de solidarité spécifique est égal au quotient entre le coefficient calculé en application de l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale et 1,035, sauf si le coefficient ainsi obtenu est inférieur à 1, auquel cas il est porté à cette valeur.
La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. Cet amendement, déposé par le groupe Les Républicains, tend à appliquer au RSA ainsi qu’à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) une revalorisation anticipée au 1er juillet 2022 au taux de 3,5 % et non de 4 %, comme cela a été voté à l’Assemblée nationale.
Je rappelle que le RSA et l’ASS garantissent un revenu minimum à des personnes sans emploi en attente d’insertion professionnelle. À mon avis, il n’y a pas lieu de revaloriser ces aides sociales à un taux supérieur à celui du travail. Dans la mesure où le taux de 3,5 % équivaut au taux de revalorisation du point d’indice de la fonction publique, pourquoi augmenter les minima sociaux de 4 % ? Je ne comprends pas ! Par ailleurs, les allocations chômage sont revalorisées de 2,9 %…
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb et D. Laurent, Mmes Chauvin et M. Mercier, MM. Cadec et Klinger, Mme Férat, MM. Bonnus et Chasseing, Mme Demas, MM. Pointereau, Bacci et E. Blanc, Mme Imbert, M. Hingray, Mme Pluchet, MM. Daubresse et Bouchet, Mme F. Gerbaud, M. de Legge, Mmes Bellurot et Micouleau, MM. Belin, Meignen, Joyandet, Longeot et H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat et M. Somon, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Après les mots :
aides individuelles
insérer les mots :
, hormis le revenu de solidarité active,
La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. Je suis conscient que le présent amendement risque de faire encore plus débat que celui de M. Segouin.
On doit aussi se poser les bonnes questions ! Quand nous sommes sur le terrain – et nous y sommes tous –, nous entendons sans cesse les entreprises se plaindre de ne pas parvenir à recruter. Dans mon département de la Haute-Loire, une usine de fabrication de champignons de Paris cherche à pourvoir 60 emplois et a été obligée de faire appel à 40 employés polonais parce qu’elle ne trouvait personne sur le territoire !
Les gens avec qui je discute ne sont pas étonnés et comprennent ce qui se passe : ils considèrent que le différentiel avec les aides sociales n’est pas suffisamment important pour inciter à travailler. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Beaucoup se demandent à quoi leur sert de prendre leur voiture pour aller travailler puisque, au bout du bout, en tout cas dans un département comme le mien, ils gagnent presque autant en restant chez eux. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Je devine que beaucoup d’entre vous seront contre les propos que je tiens. Pour autant, quel message envoyons-nous à celui qui se lève tous les matins pour aller travailler, qui prend sa voiture pour faire 30 kilomètres, alors qu’il voit son voisin ne pas travailler et rester au RSA et aux APL, qui sont valorisés respectivement de 4 % et de 3,5 % ? Pensez-vous que c’est ainsi que l’on remettra le maximum de gens au travail ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Ce n’est pas ainsi que l’on y arrivera !
Certains considèrent que ce qu’ils disent doit pouvoir être entendu par tout le monde et politiquement correct… Quant à moi, je suis peut-être politiquement incorrect, mais je vous dis qu’il y a plein de Français qui travaillent et qui en ont marre de cette situation !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. L’amendement n° 83 rectifié a pour objet une revalorisation de 3,5 % du RSA et de l’ASS pour l’aligner sur celle du point d’indice de la fonction publique ; je ne reviens pas sur la présentation de Vincent Segouin.
En cette période d’inflation, les valorisations de taux sont différentes : l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) versée par l’Unédic est valorisée de 2,9 % et non de 4 % ; l’Agirc-Arrco et le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) ont fait le choix de ne pas aligner leurs complémentaires et la valorisation reste à zéro.
Nous aurions sûrement gagné à nous interroger sur ces revalorisations différenciées de minima par anticipation.
En tant que rapporteur, je me suis prononcée en faveur de cet amendement en commission ; malheureusement, la commission n’a pas suivi et a émis un avis défavorable. Néanmoins, vous devinez mon vote sur cet amendement.
Il en va de même pour l’amendement n° 44 rectifié bis : la commission a également émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. En écho à ce que vient de dire Mme le rapporteur sur les régimes Agirc-Arrco et les retraites complémentaires, je précise que les dates de revalorisation sont différentes. Les partenaires sociaux saisis décideront du niveau de cette revalorisation au moment de son échéance qui, de mémoire, doit se produire le 1er novembre prochain.
J’ai déjà exprimé mon opposition aux deux amendements qui ont été présentés et rappelé la volonté du Gouvernement d’accompagner l’ensemble des ménages, y compris ceux qui bénéficient du RSA dans les mêmes proportions. Vous faites une comparaison avec la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, sans tenir compte du fait que celui-ci, même s’il n’avait pas été revalorisé depuis longtemps, s’inscrit dans une grille de rémunération, avec un glissement vieillesse technicité (GVT) et une progression de carrière. Voilà qui peut expliquer cette différence d’un demi-point.
En revanche, je partage avec les auteurs de ces amendements l’idée que la priorité des priorités, c’est de permettre le retour à l’emploi.
D’ailleurs – pardonnez-moi pour cette parenthèse –, je pense que la société n’est pas quitte de son devoir de solidarité lorsqu’elle a attribué 575 euros par mois à un allocataire du RSA : elle ne l’est que lorsqu’elle a assuré ce revenu minimum et que, dans le même temps, elle a assuré une offre d’insertion et une perspective aussi personnalisée que possible de retour à l’emploi. À mes yeux, en effet, l’autonomie et la dignité passent par l’emploi et le revenu du travail plus que par le simple bénéfice d’un minima social tel que le RSA.
Je ne reviens pas sur les objectifs de plein emploi du Gouvernement et sur la mobilisation de tous les acteurs de la formation et de l’insertion à cette fin. Nous devons protéger l’ensemble des ménages. C’est pourquoi nous sommes extrêmement attachés à ce que cette revalorisation ne soit pas différenciée – même s’il ne s’agit que d’un demi-point, comme cela est proposé dans l’un des amendements. Ne pas traiter les plus abîmés de nos concitoyens de la même manière que les autres aurait en effet une charge symbolique forte.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Avec ces amendements, on touche à l’indécence ! (Marques d’approbation sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Vincent Segouin ironise.)
On parle de gens qui vivent – ou plutôt qui survivent ! – avec quelques centaines d’euros par mois grâce au RSA et vous nous proposez de réduire une augmentation déjà minimale, alors que ces prestations ont, comme l’ensemble des revenus d’ailleurs, subi des baisses massives à cause de l’inflation et provoqué une perte de pouvoir d’achat.
Il faudrait revaloriser le travail, dites-vous pour justifier ces amendements, mais ces amendements viennent d’un groupe qui ne propose aucune augmentation de la revalorisation du travail et qui, avec le Gouvernement, refuse toutes les propositions d’augmentation de salaires dans le privé ! (Nouvelles marques d’approbation sur les mêmes travées.)
Vous refusez la revalorisation du travail et vous voterez ce projet de loi comme vos collègues à l’Assemblée nationale…
M. Laurent Duplomb. Bien sûr !
M. Pierre Laurent. … parce que la colonne vertébrale de ce texte, c’est de ne pas demander un euro aux entreprises et aux employeurs pour augmenter la valeur du travail ! (M. Laurent Duplomb proteste.)
M. Fabien Gay. Oui !
M. Pierre Laurent. Ne venez pas nous faire la leçon sur la revalorisation du travail pour baisser le montant des prestations de gens qui survivent à peine avec quelques centaines d’euros par mois, alors que vous refusez la revalorisation du travail ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je reprends les mots de mon collègue : ces amendements sont tout simplement indécents et je suis particulièrement choquée de constater que l’on ose s’en prendre aux allocataires du RSA qui n’ont pas d’activité professionnelle. L’amendement n° 44 rectifié bis précise même dans son objet que « les fruits du travail doivent avant tout être revalorisés ».
Considérez-vous vraiment qu’être allocataire du RSA est un choix ou constitue un projet de vie parce que cela permet de ne pas se fatiguer ni de se lever le matin ? (M. Vincent Segouin s’exclame.)
Savez-vous que le montant mensuel du RSA est de 575,52 euros pour une personne seule ?
M. Vincent Segouin. Plus les aides !
Mme Corinne Féret. Comment peut-on vivre avec cela ? On survit !
Comment oser dire que ces allocataires ne méritent pas une augmentation a minima de 4 % ? J’ai fait le calcul, car il est bon de savoir de quoi l’on parle : cela représente 23 euros de plus par mois, contre 20 euros en cas d’augmentation de 3,5 %. Pour vous, 3 euros ce n’est rien du tout, mais quand on a si peu, 3 euros c’est important : c’est un repas de plus.
Je suis choquée par de telles propositions, par lesquelles on sous-entend que ces hommes et ces femmes auraient délibérément choisi de ne pas travailler et se satisferaient de cette situation.
Vous parlez de revalorisation du travail, mais nous n’avons eu de cesse de la demander depuis le début de nos débats ! Elle passe par une augmentation des salaires et une augmentation du SMIC. Je suis très en colère ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. « Je rencontre des gens qui se lèvent le matin pour aller travailler, alors que d’autres ne se lèvent pas et gagnent autant », avez-vous dit en substance, monsieur Duplomb.
C’est en effet ce que pensent certains, mais vous qui êtes sénateur, qui travaillez et qui connaissez les chiffres, vous ne pensez pas cela ! La question est donc non pas tant ce que pensent les gens, mais ce que nous devons leur dire pour rétablir la vérité. (Très bien ! sur les travées du groupe SER.)
Aujourd’hui, c’est vrai, il y a un problème de rapport au travail et à l’emploi. (Mme Nassimah Dindar acquiesce.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est vrai !
M. Sébastien Meurant. Ah, tout de même…
Mme Laurence Rossignol. Mais il n’est pas propre à la France. Votre analyse selon laquelle les gens ne vont pas travailler parce que les revenus de remplacement sont trop élevés se heurte à la réalité internationale : le même phénomène est à l’œuvre aux États-Unis et dans l’ensemble des pays développés. Pourtant, croyez-moi, les revenus de remplacement aux États-Unis n’ont rien à voir avec les nôtres !
C’est un problème pour la croissance, la création de richesse, la santé morale des jeunes générations et, incontestablement, la cohésion nationale. Mais ce n’est pas en abondant cette fausse représentation d’un lien direct entre les revenus de remplacement et le désamour du travail que nous réglerons ensemble le problème.
Par ailleurs, la meilleure façon de creuser l’écart entre les revenus de remplacement et les salaires, c’est d’augmenter les salaires. Quand on vous a proposé d’augmenter le SMIC, qui est le revenu de salaire le plus proche des revenus remplacement, pourquoi ne pas l’avoir voté ? On vous a donné une opportunité exceptionnelle de répondre au problème de l’écart entre revenus de remplacement et salaires que vous soulevez.
Mes chers collègues, je vous invite à avoir une réflexion plus approfondie sur ce qui se passe dans les pays développés en matière de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE et GEST. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je ne me suis pas concertée avec mes collègues qui sont déjà intervenus et pourtant je vous dirai la même chose, de façon un peu moins châtiée.
Quand je vous entends, j’ai l’impression d’être au café du commerce, et pas au Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est en effet ce que l’on y entend !
Comme l’a dit Laurence Rossignol, nous sommes ici au Sénat et nous avons des moyens pour procéder à des expertises, accéder à des études et donc ne pas tenir de tels propos.
Ceux qui vous disent que certains préfèrent ne pas aller travailler et que c’est plus facile de percevoir les minima sociaux, se sont-ils mis dans la peau d’une femme – c’est en effet souvent d’une femme qu’il s’agit – qui élève seule ses enfants parce que le père s’est échappé et n’assume pas ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Ce n’est pas une caricature, c’est la vie ! Les emplois qui lui sont proposés sont des temps partiels aux horaires complètement atypiques, avec un salaire qui est bien loin d’atteindre le SMIC et de lui permettre de payer la garde de ses enfants.
Alors oui, ces gens-là font des comparaisons, c’est humain. Pour qu’ils n’en soient pas réduits à cela et parce qu’ils préféreraient travailler – et de loin –, il faudrait augmenter les salaires. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Les chiffres sont têtus : le taux de chômage en France atteint aujourd’hui 7,1 %, alors qu’il est de 3,5 % en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Portugal – soit le taux du plein emploi, comme je l’ai toujours appris.
Cela fait trente ans que, la main sur le cœur, vous proposez de taxer les entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Laurence Cohen. Vous ne le faites pas !
M. Vincent Segouin. Mais regardez notre balance commerciale, qui est ultra-déficitaire ! Faites le lien entre le travail et la balance commerciale, et vous comprendrez qu’en voulant augmenter le SMIC vous détruisez toujours un peu plus l’entreprise.
M. Jérôme Durain. On parle de Total ?
M. Vincent Segouin. Encore une fois, continuez ainsi !… Et comment financez-vous tout cela ? Par le recours à la dette. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, en taxant les superprofits et les dividendes : on veut faire payer les riches !
M. Vincent Segouin. On peut, la main sur le cœur, penser à ceux qui ne travaillent pas. Cela reporte le problème sur nos enfants, car ce sont eux qui rembourseront, pas nous. Si, en France, le courage c’est cela, je trouve que c’est regrettable…
Je retiens en tout cas que l’on revalorise davantage les minima sociaux que le travail, et c’est bien dommage. (Huées sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Nos deux collègues ont dit qu’il fallait se poser les bonnes questions. Je peux comprendre que l’on propose une valorisation différente des prestations, quelles qu’elles soient, mais je ne peux pas accepter que l’on dise que le RSA ne peut pas être valorisé à la même hauteur que les autres prestations.
Personne ne fait le choix d’habiter dans un logement social et de ne pas avoir les moyens de payer son loyer. De nombreux bénéficiaires du RSA sont dans ce cas à La Réunion, mais aussi dans l’ensemble des outre-mer et dans des quartiers de la France hexagonale. On ne peut pas, aujourd’hui, ne pas traiter humainement chaque citoyen de la République française !
Les augmentations se justifient par l’objet même du présent projet de loi : lutter contre la vie chère et accompagner ceux qui rencontrent des difficultés. Si nous sommes aujourd’hui réunis, c’est pour discuter de ce projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Le pouvoir d’achat des bénéficiaires du RSA doit-il être différencié de celui des personnes qui travaillent, des travailleurs pauvres ou de ceux qui sont à la recherche d’un emploi ? Je pense que non ; en disant cela, on se trompe !
Être républicain, c’est se dire que chaque individu a les mêmes droits, mais aussi les mêmes devoirs. Je le dis à chaque citoyen que je rencontre. En matière de pouvoir d’achat, chaque citoyen est en droit d’attendre de tous les sénateurs et de tous les députés qu’ils défendent ses droits de la même manière, et donc avec la même valorisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et RDPI. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je pense qu’il faut faire preuve de beaucoup d’humilité sur cette question. Il n’y a pas d’un côté ceux qui ont raison, de l’autre ceux qui ont tort…
Pour ma part, je suis un élu de la Marne, un adepte du solidarisme de Léon Bourgeois. (Ah ! sur les travées du groupe CRCE.) Je crois que chacun a un devoir à l’égard de la planète et qu’il doit rendre quelque chose : c’est le consentement à l’impôt.
Chacun a des droits et des devoirs. C’est la raison pour laquelle il nous faut réussir à mettre fin à la division, dans notre pays, entre ceux qui gagnent de l’argent et qui sont mécontents parce qu’ils paient trop et ceux qui perçoivent des allocations de solidarité, lesquels sont mécontents parce que, effectivement, ils ne touchent pas assez. Si nous continuons ainsi, nous n’arriverons pas à unir la France
Une différenciation permettrait de commencer à unir les Français. On enverrait le message que ce n’est pas la même chose de travailler et de ne pas travailler ; mais il ne faut laisser personne au bord du chemin.
Monsieur le ministre, je partage votre point de vue : c’est l’offre d’insertion qui compte, pas tant le revenu. Ceux qui ont présidé un conseil départemental savent bien que, faute de moyens, on ne met pas en place de mesures d’insertion. Or, pour aider les gens à s’en sortir, il faut des actions d’insertion. Mais une fois qu’il a versé le RSA, le département n’a plus d’argent pour cela.
C’est le cas dans mon département : alors que les recettes s’élèvent à 42 millions d’euros, les dépenses de RSA représentent désormais 100 millions d’euros, sur un budget de 500 millions d’euros. Comment trouver l’argent nécessaire pour aider ces personnes ?
Il faut revenir à quelque chose de plus cohérent. Il faut que les départements aient les moyens de mettre en place les actions d’insertion pour sortir ces personnes de leurs difficultés. C’est la raison pour laquelle la différenciation proposée est importante. Je soutiendrai bien entendu ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Évidemment, monsieur Savary, les départements ont besoin de moyens et de dotations à la hauteur des enjeux et des fragilités auxquels ils font face, afin de satisfaire les ambitions qu’ils ont pour les personnes les plus éloignées de l’emploi. Il s’agit de permettre à ces personnes d’accéder demain à l’autonomie professionnelle, à la situation à laquelle ils aspirent.
Cela étant, faut-il lier l’objectif louable que vous visez à l’augmentation ou non de 4 % d’un minima social, dont le montant – un collègue l’a rappelé – s’élève pour une personne seule à 575 euros ? Pour ma part, je ne sais pas vivre avec ça ! (Mmes Nassimah Dindar et Cathy Apourceau-Poly opinent.) Le sauriez-vous ?
Aujourd’hui, il me semble qu’aucun département ne s’exonère de la mise en place de dispositifs d’accompagnement et de retour vers l’emploi pour les bénéficiaires du RSA. Simplement, certaines des personnes qui entrent dans un tel parcours sont en situation d’illettrisme…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Valérie Létard. … ou n’ont aucune qualification. Avant de pouvoir trouver un emploi, il leur faut accéder à un ensemble de solutions de formation ou d’insertion dans des structures telles que les régies de quartier.
Oui, il faut des moyens pour cela. Pour autant, il ne faut pas punir la personne qui n’est pas en situation d’accéder directement à l’emploi en lui interdisant de nourrir ses enfants décemment. (Mme Cathy Apourceau-Poly approuve. – M. Bruno Belin proteste.)
Je suis d’accord sur un point : il faut être exigeant. Dans le département du Nord – et croyez-moi, cela nous déchire le cœur –, 10 000 allocataires du RSA sur les 110 000 que compte le département ont perdu ces deux dernières années le bénéfice de leur allocation après avoir refusé plusieurs fois d’affilée une offre d’emploi qui leur correspondait. Leur situation a fait l’objet d’une analyse sociale et professionnelle fine ; quoi qu’il en soit, malheureusement, ils ne touchent plus le RSA.
Ceux qui bénéficient du RSA aujourd’hui sont véritablement engagés dans un parcours de retour vers l’emploi. Ce ne sont pas des gens qui se sont mis à l’abri, qui ne font pas d’effort pour retrouver un emploi !
Sachez bien qu’il s’agit juste de donner les moyens à chacun, notamment les plus précaires, de pouvoir subvenir à ses besoins. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER, CRCE, GEST et sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous avons là un beau débat. Il s’agit de savoir non pas si les questions posées sont indécentes ou politiquement correctes, mais si ce sont les bonnes.
Il est normal de se demander si l’écart entre les revenus de solidarité – je préfère parler de solidarité plutôt que d’assistanat – et les revenus du travail est suffisant dans notre pays. C’est vrai, c’est un réel problème. Pour autant, doit-on, pour répondre à ce problème, réduire la revalorisation du montant du RSA et la différencier de celle d’autres allocations ? Pour ma part, sincèrement, je ne le pense pas.
J’irai même plus loin : une telle mesure favorisera-t-elle le retour vers l’emploi ? Je ne le pense pas. Est-ce le RSA qui conduit à la marginalisation d’une partie de la société ? Je ne le pense pas non plus. La question, c’est le retour à l’emploi, c’est la formation.
Il me semble que nous posons une bonne question dans le cadre de l’examen du présent projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat, mais que l’on y apporte une mauvaise réponse.
Notre société est aujourd’hui terriblement fracturée. J’ai bien entendu les arguments de René-Paul Savary. Sur de nombreux sujets, je suis d’accord avec lui, mais pas là. Je suis sensible à son argumentation, pourtant, j’en tire une conclusion totalement différente et je dis non à la différenciation. En effet, la société française étant dans cet état de fracturation, on ne la rassemblera pas en lui envoyant un tel message. Au contraire, on risque d’accroître la fracture sociale, parfois même la fracture territoriale.
Je le répète : on pose une bonne question, mais la réponse proposée est mauvaise. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Mon amendement ne vise pas à supprimer le RSA, dont je connais exactement les montants : il s’élève à 506,46 euros pour une personne seule. Après la revalorisation, ce montant sera porté à 526,72 euros par mois.
On peut toutefois se poser une question simple : si une personne estime que ce montant n’est pas suffisant, pourquoi n’accepte-t-elle pas un emploi rémunéré au SMIC, ou à 1 200 ou 1 300 euros ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Elle l’accepte !
M. Laurent Duplomb. Pourquoi n’accepte-t-elle pas un emploi qui ne nécessite pas véritablement de qualification professionnelle particulière ? Ces emplois-là ne sont pas pourvus aujourd’hui et on est obligé d’aller chercher des travailleurs à l’étranger ! (M. Xavier Iacovelli proteste.) Si on ne peut pas poser cette question, on passe à côté du débat.
Si les bénéficiaires du RSA n’acceptent pas ces emplois, c’est parce que ce revenu, vous le savez comme moi, ne représente qu’une partie de ce dont ils peuvent bénéficier. Ainsi, si on y ajoute l’aide personnalisée au logement, de l’ordre de 230 euros, on arrive à 750 euros. Si le bénéficiaire est une mère seule avec un enfant, elle touche 1 300 euros, plus 700 euros, soit 2 000 euros par mois. Voilà la réalité dans nos campagnes ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Ne pas regarder ce problème en face, c’est le nier. Ne pas vouloir le traiter, c’est continuer de le subir, alors que des emplois sont vacants et pourraient être occupés par des bénéficiaires d’aides sociales, ce qui permettrait en plus de réduire les dépenses de l’État. Ces personnes pourraient retourner dans le circuit du travail, mais ce n’est pas ce qu’elles font. On se contente de faire entrer des étrangers pour occuper les postes non pourvus ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je l’ai souvent dit, je vous conseille de faire un stage d’une semaine chez ATD Quart monde ou à la Fondation Abbé Pierre…
M. Bruno Belin. On l’a fait, on n’a pas besoin de leçons !
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous saurez ainsi que la trappe à inactivité s’explique par les problèmes de santé, de qualification, mais surtout par la pauvreté. Ces gens sont occupés, à survivre ! Quand vous ne percevez que 500 euros par mois, vous consacrez toute votre énergie à votre survie.
Un économiste l’a dit, ATD Quart monde le répète : la trappe à inactivité, c’est-à-dire la difficulté d’accéder à l’emploi, résulte de la pauvreté.
Il ne faut pas dire de mensonges ! Écoutez ce que disent ceux qui travaillent sur le revenu universel d’activité : même lorsque l’on perçoit les APL (aide personnalisée au logement) et les allocations familiales, le travail paie. Il fait une différence ! Depuis la revalorisation du montant de la prime à l’activité, après le mouvement des gilets jaunes, c’est le cas.
Permettez-moi d’évoquer le dispositif mis en place à Lyon pour les jeunes de moins de 25 ans – ces jeunes qui, selon vous, ne devraient pas percevoir le RSA ; comme si aucun jeune, à cause de ce revenu, n’allait travailler !… Il s’agit du revenu solidarité jeune, dont le montant n’est pas extraordinaire, de l’ordre de 300 ou 400 euros. Il n’en demeure pas moins qu’un tiers des bénéficiaires de ce dispositif en sont déjà sortis. Ils ont été accompagnés et aidés, afin qu’ils ne passent pas leur temps à s’occuper de leur survie.
Pour finir, j’évoquerai la revalorisation des salaires. S’il n’y avait pas eu de déflation salariale, si le nombre de travailleurs pauvres – c’est-à-dire des personnes qui travaillent mais qui ne s’en sortent pas et restent pauvres – n’avait pas augmenté, on parlerait moins de l’écart entre revenus du travail et revenus de solidarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons largement débattu de ce sujet ; nous ne devons pas y passer la soirée, sans quoi nous n’avancerons pas…
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Mes chers collègues, je crois que nous avons donné à ce débat une autre image que celle laissée, sur cette question, par l’Assemblée nationale.
Je comprends que ce sujet puisse enflammer nos discussions, mais il ne doit pas y avoir de débat interdit. À cet égard, je tiens à répéter, peut-être différemment, un certain nombre de nos convictions.
Tout d’abord, personne, bien sûr, n’a dit que l’on pouvait vivre correctement avec 575 euros. Avec 4 % de plus non plus, mes chers collègues ! Ensuite, personne n’a dit non plus que les gens au RSA avaient choisi cette situation.
M. Ronan Dantec. Votre collègue l’a dit.
M. Bruno Retailleau. Cela étant, je sais parfaitement, pour avoir été président d’un conseil départemental, comme d’autres parmi nous, que si certains bénéficiaires du RSA sont des victimes et ont du mal à être employés, d’autres se complaisent dans leur situation.
Tous ceux qui ont été président d’un conseil départemental le savent parfaitement ! Il nous est d’ailleurs arrivé de mettre fin à certains contrats lorsqu’ils n’étaient pas honorés.
M. Vincent Segouin. Exactement !
M. Bruno Retailleau. La règle, c’est qu’il y a des droits et des devoirs.
On a évoqué la fracturation de la société. Mais le RSA a déjà été revalorisé, de 1,8 %, contrairement aux retraites complémentaires – 0 % en juillet ! –, l’Agirc-Arrco prévoyant une revalorisation inférieure à 3 % au mois de novembre prochain ; vous le savez très bien, monsieur le ministre. Quant à l’indemnité chômage, elle sera revalorisée de 2,9 %.
La question de l’écart entre les revenus du travail et les revenus de substitution est importante. Il faudra absolument la traiter. Pour notre part, nous avons proposé ici de revaloriser le travail, en pérennisant la défiscalisation des heures supplémentaires : 1 510 euros nets pour passer de 36 à 39 heures.
M. Pierre Laurent. Et vous proposez quoi pour les revenus du travail ?
M. Bruno Retailleau. Pour nous, la revalorisation, c’est par le travail qu’on l’obtient, mes chers collègues. Sinon, c’est de la monnaie de singe ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je rappelle d’abord que le RSA est un droit. Monsieur Retailleau, il n’y a pas les droits et les devoirs… Nous avons déjà eu ce débat.
Le texte fondateur de notre République, c’est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans laquelle les devoirs ne sont cités qu’une fois : dans le préambule. Les droits sont naturels et imprescriptibles et sont préexistants au contrat social. Une fois qu’un droit est accordé, il faut en garantir l’accès.
Par ailleurs, il faut nous dire dans quelle société vous voulez vivre.
D’un côté, vous nous expliquez qu’il ne faut pas revaloriser le RSA, qui donne à son bénéficiaire le droit de survivre avec 500 euros, voire 600 ou 700 euros s’il a des enfants. Personne ici ne dira que l’on peut vivre dignement avec un tel revenu ; on survit ! De l’autre, vous refusez de revaloriser le travail. Un certain nombre d’entre nous vous l’ont dit, nombreuses ont été les occasions de revaloriser le travail.
Alors que nous aurons consacré de longs débats aux mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, vous ne voulez revaloriser ni les minima sociaux ni le travail. Nous vous demandons donc, dans la période de crise que nous vivons, quel est votre projet de société, alors que vous ne voulez pas protéger ceux qui n’ont rien, mais pas non plus les travailleurs et les travailleuses de ce pays ?
Vous êtes en pleine contradiction ! Nous vous avons offert de nombreuses occasions, mais vous n’avez jamais saisi la main qui vous était tendue. Nous saurons vous le rappeler lors du vote sur l’ensemble du texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour explication de vote.
Mme Laurence Garnier. J’ai entendu ce matin, sur Europe 1, le ministre Olivier Dussopt dire que l’on comptait aujourd’hui presque 2 millions de bénéficiaires du RSA en France, soit deux fois plus qu’il y a dix ans. La situation n’est pas satisfaisante.
Pour ma part, j’abonderai dans le sens de mes collègues : partout, les entreprises cherchent à embaucher ; partout, des postes ne sont pas pourvus, alors que l’on compte, je le répète, deux fois plus de bénéficiaires du RSA qu’il y a dix ans.
Bien sûr, des personnes ont besoin de cette aide sociale. Bien sûr, il ne faut stigmatiser personne. Mais il est aussi de notre responsabilité de regarder la réalité en face et de nous poser les bonnes questions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme le rapporteur applaudit également.)
M. Laurent Duplomb. Je retire l’amendement n° 44 rectifié bis, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 83 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 129 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 144 |
Contre | 185 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDPI. – Mmes Valérie Létard et Nassimah Dindar applaudissent également.)
M. le président. L’amendement n° 448, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Remplacer la sixième occurrence du mot :
de
par le mot :
dans
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Pla et Bourgi, Mmes Espagnac, Féret et G. Jourda, M. Michau, Mme Monier et MM. Stanzione, Temal, Tissot et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Avant le 1er octobre 2022, le Gouvernement remet au Parlement un rapport statuant sur la nécessité de réévaluer le coefficient mentionné au premier alinéa du présent I.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Cet amendement vise à instaurer une clause de revoyure au 1er octobre 2022 afin de déterminer s’il est nécessaire de revaloriser encore davantage les pensions de retraite et les prestations sociales.
En effet, comme cela a été souligné, si la revalorisation anticipée des retraites et des prestations sociales est plus que nécessaire, elle ne sera pas à la hauteur. Elle demeure en deçà du taux attendu de l’inflation, qui s’établit à plus de 5 %, et ce y compris en prenant en compte les revalorisations intervenues au début de l’année. Surtout, l’Insee anticipe d’ores et déjà une inflation à presque 7 % en septembre. Ce rythme resterait ensuite compris entre 6,5 % et 7 % d’ici à la fin d’année.
Par conséquent, cet amendement vise à procéder à une réévaluation du coefficient appliqué par le présent article, afin de le corriger éventuellement à la hausse dans le cas où l’inflation progresserait encore fortement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, conformément à sa position constante sur les demandes de rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 364 rectifié, présenté par M. Pla, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Michau, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la perte de pouvoir d’achat des bénéficiaires des prestations, allocations et aides individuelles dont la revalorisation annuelle est prévue à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Ce rapport émet des recommandations pour compenser cette éventuelle perte de pouvoir d’achat.
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Cet amendement de notre collègue Sebastien Pla est à l’opposé de l’esprit des amendements de MM. Segouin et Duplomb, puisqu’il vise à prévoir la remise d’un rapport au Parlement sur la perte de pouvoir d’achat des bénéficiaires des prestations, allocations et aides individuelles, dont le montant est à réévaluer avec l’inflation.
Si l’on peut considérer qu’une partie des mesures gouvernementales, comme la revalorisation anticipée des pensions de retraite et des prestations familiales ou le triplement du plafond de la prime dite Macron, représentent un soutien bienvenu aux ménages, force est de constater qu’elles demeurent ponctuelles et inférieures à l’inflation.
En outre, la revalorisation anticipée prévue pour juillet vient seulement réduire la perte de pouvoir d’achat sur la seconde partie de l’année et ne remédie pas au problème de sous-indexation des prestations sociales, qui a déjà réduit le pouvoir d’achat des plus pauvres pendant la première moitié de l’année.
Les mesures de revalorisation des prestations sociales prévues dans ce texte, à hauteur de 4 %, doivent être considérées d’ores et déjà comme une sous-indexation desdites prestations alors que l’inflation prévue par l’Insee atteindra 5,2 % en 2022.
Il convient donc de faire toute la lumière sur les pertes de pouvoir d’achat subies par les plus fragiles d’entre nous, ceux qui travaillent dur ou qui ont cotisé toute leur vie pour leur retraite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Demande de rapport : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 362 rectifié, présenté par Mmes Conconne et Lubin, M. Kanner, Mme Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de majorer le montant forfaitaire de la prime d’activité mentionné au 1° de l’article L. 842-3 du code de la sécurité sociale pour les personnes résidant dans les collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution dans lesquelles cette prime est versée.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement a été déposé par notre collègue Catherine Conconne, qui est retenue en Martinique pour les raisons que nous connaissons. Il est bien entendu soutenu par l’ensemble de notre groupe.
Cet amendement vise à prévoir, pour contourner l’obstacle de l’article 40 ou de l’article 45 de la Constitution, la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement afin d’évaluer l’opportunité de majorer le montant forfaitaire de la prime d’activité.
Le constat de notre collègue est simple : les collectivités des outre-mer se caractérisent par la pauvreté, un taux de chômage endémique, des revenus moyens nettement plus faibles que dans l’Hexagone et quasiment une absence de dialogue social.
Elle relève – mais nous le savons tous – que le texte qui nous est soumis ne prévoit aucune mesure spécifique pour les outre-mer, aucune ! Pourtant, l’Insee constate depuis longtemps la cherté de la vie dans ces territoires. Il serait donc judicieux, dans un souci de justice et d’équité, que le Gouvernement évalue cette opportunité.
Le ministre Bruno Le Maire a admis à l’Assemblée nationale qu’il fallait améliorer la situation des outre-mer. Or ce texte ne prévoit rien en ce sens ! Vous le verrez à l’article 6 concernant, par exemple, l’indice de référence des loyers (IRL), qui permet d’augmenter les APL. Or les APL n’existent pas dans les outre-mer… En outre, vous n’avez pas proposé de valoriser l’allocation de logement familiale (ALF).
Bref, je le répète, le texte ne prévoit rien pour les outre-mer. Telle est la raison pour laquelle notre collègue propose la remise d’un rapport.
Bien entendu, compte tenu de la doctrine du Sénat sur les demandes de rapport, cet amendement recevra un avis défavorable, mais que faire quand on ne peut rien faire ? Nous demandons au Gouvernement de réfléchir et de travailler en équité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission émet en effet un avis défavorable sur cette demande de rapport !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 332 rectifié, présenté par M. Parigi, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de majorer dans la collectivité de Corse la revalorisation anticipée des pensions de retraite des régimes de base portée par le projet de loi pour la protection du pouvoir d’achat.
La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Les amendements que je vais présenter visent avant toute chose à réaffirmer les problématiques sociales et économiques de la Corse, lesquelles appellent des réponses structurelles d’autant plus fortes que la crise, si elle nous impacte tous, touche l’une des régions les plus pauvres du territoire, où près de 19 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Si elles ont vocation à être débattues dans le cadre du processus de négociation engagé, ces questions peuvent et doivent être anticipées dans le cadre de nos débats parlementaires afin de répondre à l’urgence de la situation.
Ce premier amendement vise à prendre en compte dans les mesures portant sur l’augmentation du pouvoir d’achat prévues dans le présent texte les spécificités de la Corse telles qu’elles ont été énoncées lors de la conférence sociale pour le respect des droits fondamentaux des citoyens de Corse dans le domaine économique et social, qui s’est tenue le 23 mai 2022 à Bastia.
Le taux de pauvreté des retraités en Corse est supérieur de neuf points à celui de la France métropolitaine, et cela s’explique par de multiples facteurs.
Cet amendement vise donc à prévoir la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport évaluant l’opportunité de tenir compte de l’exposition particulière des retraités corses aux difficultés financières. Il est proposé d’aligner l’augmentation prévue des retraites sur le taux de l’inflation, soit une hausse de 10 %, conformément à la proposition de l’Assemblée de Corse votée à l’unanimité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Avis défavorable sur cette demande de rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 332 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5 bis
(Non modifié)
I. – Le titre II du livre VIII du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 821-1, les mots : « est marié ou vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité et » sont supprimés ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 821-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « et, s’il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité » et les mots : « est marié, concubin ou partenaire d’un pacte civil de solidarité et » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est supprimée.
II. – Toute personne qui bénéficie de l’allocation aux adultes handicapés à la date d’entrée en vigueur du I peut continuer d’en bénéficier selon les modalités prévues aux articles L. 821-1 et L. 821-3 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction antérieure à la présente loi jusqu’à l’expiration de ses droits à l’allocation, lorsque ces modalités sont plus favorables à cette personne. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent II.
III. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 1er octobre 2023.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet article constitue une avancée significative pour les droits de nos concitoyens et de nos concitoyennes en situation de handicap. Enfin la reconnaissance !
C’est la reconnaissance que l’AAH n’est pas une prestation sociale comme les autres : la reconnaissance du droit d’aimer sans perdre ses droits ; la reconnaissance, enfin, de l’autonomie financière des personnes en situation de handicap même si, nous le savons, pour vivre dignement, cette allocation n’est pas suffisante.
Il en aura fallu, du temps ! En 2018, notre collègue députée Marie-George Buffet avait déposé une proposition de loi en ce sens, que j’ai eu moi-même l’honneur de défendre ici, et qui a été rejetée dans cet hémicycle. Puis, à la suite de la pétition la plus importante jamais reçue en ces murs, cette proposition de loi a été remise sur la table.
Bravo aux personnes en situation de handicap, bravo aux associations de n’avoir rien lâché ! Il aura fallu que le Président de la République soit pris à partie devant les caméras pour que l’instant d’émotion filmé prenne force de loi.
Alors oui, nous ne boudons pas notre plaisir de voir enfin reconnues les personnes handicapées. Mais que de temps perdu ! Presque cinq ans, pendant lesquels la précarité s’est accrue pour elles.
Encore avons-nous déposé un amendement visant à ce que le délai de mise en œuvre soit raccourci, et non plus fixé au mois d’octobre 2023, mais celui-ci a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est l’affirmation même que retarder la jouissance des droits de nos concitoyens et concitoyennes permet d’économiser les postes de fonctionnaires nécessaires pour accélérer cette mise en œuvre. Néanmoins, nous voterons l’article 5 bis.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Cet article 5 bis vise à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans l’attribution et le calcul du montant de l’AAH. Cette déconjugalisation était sollicitée depuis de nombreuses années, comme vient de le rappeler notre collègue.
L’origine de cette prestation remonte à la loi du 30 juin 1975. Cet article ne prévoit pas une mise en œuvre immédiate, puisque celle-ci est fixée au 1er octobre 2023 au plus tard. Certes, cette mesure a un coût, de l’ordre de 400 millions d’euros en année pleine. Mais il s’agit de défendre une grande cause, des valeurs hautement symboliques.
Quelque 160 000 personnes sont directement concernées par la mesure. Un mécanisme transitoire est prévu pour les éventuels ménages qui perdraient à cette évolution.
Je voterai cet article 5 bis, qui répond enfin aux aspirations des bénéficiaires de l’AAH.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article traduit un engagement fort pris par le Président de la République lors de la campagne présidentielle, mais aussi une demande forte du Parlement depuis des années. Il s’inscrit également dans la continuité de l’action du Gouvernement depuis cinq ans. En effet, l’AAH a été revalorisée de plus de 100 euros, pour monter jusqu’à 904 euros par mois, soit une augmentation de pouvoir d’achat de près de 12 % pour 1,2 million de bénéficiaires.
La déconjugalisation de l’AAH constitue donc une véritable mesure de justice sociale, attendue par nos concitoyens en situation de handicap et par les associations. Je voudrais souligner le travail de compromis, sur ce point, entre le Gouvernement et l’ensemble des groupes de notre assemblée.
Cette déconjugalisation permettra aux personnes en situation de handicap de préserver leur autonomie et de ne plus être dépendantes financièrement de leur conjoint.
Nous connaissons les difficultés techniques à surmonter et nous savons pouvoir compter sur la mobilisation du Gouvernement et de l’administration pour que cette réforme prenne corps le plus rapidement possible.
Cette mesure entraînera un gain de pouvoir d’achat pour 160 000 personnes. Quant au dispositif transitoire prévu par l’article, il permettra de trouver toutes les solutions adéquates pour les quelque 45 000 personnes qui seraient perdantes avec la déconjugalisation simple.
La complexité de la question nécessite d’assurer que tous les outils soient mis en place afin que la mise en œuvre de la réforme puisse être bénéfique pour tous. Une mise en œuvre au 1er octobre 2023 le permettra, d’autant que le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées s’est dit favorable à une entrée en vigueur plus rapide si cela s’avère possible techniquement.
Pour autant, certains acteurs du secteur nous ont fait part de leur inquiétude sur la continuité de ce droit d’option jusqu’à l’expiration des droits à l’AAH. Cette inquiétude sera-t-elle bien prise en compte ? En tout état de cause, notre groupe soutiendra cette avancée historique, qui va dans le sens d’une société encore plus inclusive.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue, tout comme mes collègues, cette notable avancée, en ayant une pensée particulière pour toutes celles et tous ceux qui ont œuvré pour qu’enfin soit actée aujourd’hui la déconjugalisation de l’AAH. Je déplore toutefois que cette réforme ne puisse entrer en vigueur qu’à l’automne prochain.
Je souhaiterais, pour ma part, soulever une autre problématique en matière de prestations sociales. Je veux vous interpeller, monsieur le ministre, au sujet des femmes vivant seules avec leurs enfants et bénéficiant de prestations sociales.
Par exemple, une femme vivant avec deux enfants, subissant un temps partiel imposé et ne gagnant pas même 1 000 euros par mois, a droit aux allocations logement, aux allocations familiales, à l’allocation de rentrée scolaire, etc. Si elle reforme un couple avec un compagnon qui n’est pas le père de ses enfants, elle peut perdre brutalement ces droits, sans même que le nouveau compagnon ait forcément un salaire très élevé.
Du jour au lendemain, ces femmes peuvent ainsi perdre, par exemple, le bénéfice de l’allocation de rentrée scolaire. La perte de cette aide, à laquelle elles avaient droit antérieurement, est préjudiciable à leur indépendance financière et, vous en conviendrez, proprement injustifiée. Elle fait peser sur le nouveau couple une pression inopportune, car le nouveau compagnon, je le rappelle, n’est pas le père des enfants. Il y a là une certaine forme d’injustice que je tenais à mettre en lumière, qui s’apparente à une forme de punition et fait peser sur le couple une tension proprement inutile.
Précédemment a été évoqué le droit d’aimer sans perdre ses droits. Je vous invite donc à regarder de près l’idée d’une déconjugalisation de certaines prestations sociales – je pense tout particulièrement à l’allocation de rentrée scolaire.
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article.
M. Philippe Mouiller. Je souhaite apporter quelques précisions.
D’abord, nous regrettons tous la date du 1er octobre 2023, même si nous comprenons les difficultés techniques. Soyons clairs toutefois : ce qui est annoncé, c’est un délai s’étendant au maximum jusqu’au 1er octobre 2023. Les moyens consacrés au développement du système informatique ou à l’efficacité opérationnelle permettront peut-être d’avancer cette mise en œuvre.
Je salue tous ceux qui, dans cet hémicycle, se sont engagés depuis longtemps dans ce combat. Je suis très heureux que nous ayons voté à l’unanimité cette mesure. Mais je souhaite conseiller ce soir un peu d’humilité à certains intervenants, qui ont eu des mots extrêmement durs aussi bien au sein de la commission des affaires sociales que dans l’hémicycle pour essayer de nous démontrer son inefficacité. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
La déconjugalisation n’est qu’une avancée, et le sujet de l’autonomie financière des personnes handicapées reste sur la table. Nous attendons une grande loi en matière d’autonomie depuis de nombreuses années. Une promesse a été faite, et nous avons la volonté d’aller plus loin en matière d’autonomie.
Débat sur la prestation de compensation du handicap (PCH), débats sur les financements, sur le reste à charge, question de l’évolution du coût de la vie pour les personnes handicapées : il y a vraiment urgence à traiter ce sujet. La définition même de l’AAH est ambiguë depuis le début : faut-il la compter parmi les minima sociaux, ou est-ce un revenu particulier pour des gens éloignés de l’emploi ?
Il faudra de la clarification, dans le cadre d’un pacte clair entre l’État et les départements, qui ne peuvent pas être les seuls à assumer.
En tout cas, cet enjeu est fondamental pour l’évolution de notre société au regard des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Valérie Létard et Nassimah Dindar applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. Je partage en grande partie ce qui vient d’être dit. Évidemment, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cet article 5 bis.
Mais, après cinq ans, nous devons nous interroger : pourquoi avoir attendu si longtemps ? Nous avons pourtant passé beaucoup de temps dans cet hémicycle à débattre de ce sujet. Cela interroge sur une méthode : ne jamais écouter, ni les bénéficiaires, ni les associations, ni les parlementaires…
Bien sûr, c’est une avancée de justice sociale, historique, mais pourquoi avoir attendu cinq ans ? Pourquoi ne pas avoir écouté ? Pourquoi vouloir avoir raison tout seul ? Cela pose des questions.
On nous annonce pour limite ultime octobre 2023. Nous avons déposé des amendements pour avancer cette limite à janvier ou juillet 2023. On nous a expliqué qu’ils tombaient sous le coup de l’article 40 de la Constitution, et que des problématiques techniques se posaient. Mais si l’on s’était penché sur la question pendant ces cinq années, nous n’en serions pas là !
Il faut tout mettre en œuvre pour ne pas avoir à attendre octobre 2023 : on doit pouvoir faire mieux, car des bénéficiaires attendent vraiment ce changement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Cette intervention vaudra avis sur les trois amendements déposés sur cet article, dont le Gouvernement demandera le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable. Mais je ne désespère pas de convaincre leurs auteurs…
La garantie de droits que nous voulons donner à d’éventuels perdants de la déconjugalisation s’entendra jusqu’à extinction définitive des droits, et les périodes de renouvellement ne sont pas considérées comme des périodes d’extinction de droits. Je m’engage devant vous à ce que le décret d’application le précise de manière très explicite, afin que chacun soit rassuré : d’où ma demande de retrait des trois amendements.
Je voudrais aussi souligner devant vous la complexité technique de cette opération. Il est difficile de déconjugaliser, et de prévoir une période rétroactive. Une première réunion s’est tenue hier avec mon collègue ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, qui a bien permis de cerner la difficulté technique.
Beaucoup des bénéficiaires de l’AAH qui vivent en couple et vont bénéficier de la déconjugalisation perçoivent aussi d’autres allocations sociales ou d’autres prestations – par exemple une allocation logement –, qui resteront calculées sur une base conjugalisée. Il y a tout un travail de détourage et de pondération à faire pour calculer le montant d’une AAH déconjugalisée pour un couple qui bénéficie d’une prestation sociale elle-même conjugalisée… C’est cela qui prend du temps. Si nous pouvons aller plus vite, monsieur Mouiller, nous le ferons. Mais nous ne pouvons pas en prendre l’engagement.
Oui, le Président de la République a modifié sa position pendant la campagne. Oui, il a entendu un certain nombre d’arguments ayant pris le pas sur d’autres, lesquels peuvent s’entendre aussi. Ainsi, et l’intervention de Mme Préville l’illustre bien, déconjugaliser une première allocation ouvre la porte à la déconjugalisation d’autres allocations, ce qui risque de remettre en cause le modèle de solidarité familiale et conjugale et le modèle de conjugalisation du calcul des contributions. Il arrivera en effet un moment où, si les prestations sont toutes déconjugalisées, la question se posera de la déconjugalisation du calcul de la contribution.
L’AAH a une particularité : elle répond à une situation personnelle durable. L’ensemble des autres prestations sociales peuvent être considérées comme répondant à un état qui a vocation à être transitoire – on le souhaite en tout cas à celles et ceux qui en bénéficient.
Vous avez évoqué les cinq dernières années. Mais l’AAH n’a pas été créée voilà cinq ans ; et la conjugalisation de son calcul ne date pas non plus d’il y a cinq ans…
L’AAH a été créée par la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, sous l’égide de Simone Veil et du ministre René Lenoir. Elle a été présentée dans l’hémicycle comme un revenu de subsistance pour les personnes en situation de handicap, mais la loi qui a été votée a juridiquement caractérisé l’AAH comme faisant partie des minima sociaux, et donc comme une prestation sociale. C’est pour cela que l’AAH a toujours été calculée sur une base conjugale, depuis quarante-cinq ans.
J’assume, au nom du Gouvernement et de la majorité, le fait que pendant cinq ans nous avons eu une position sur des initiatives qui étaient prises, mais qui étaient minoritaires ici. Cette position a évolué au cours de la dernière campagne. Mais vous ne pouvez pas nous imputer le fait que, pendant quarante-cinq ans, l’AAH a été conjugalisée et qu’il a fallu le débat des dernières années pour que cette situation évolue.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 172, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
1° Après les mots :
à la présente loi
insérer les mots :
, à chaque renouvellement,
2° Supprimer les mots :
jusqu’à l’expiration de ses droits à l’allocation,
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 5 bis, prévoyant la déconjugalisation de l’AAH, a été voté à l’Assemblée nationale, mais après le dépôt de onze amendements identiques émanant de la quasi-totalité des groupes politiques. Une nouvelle fois, je m’en félicite, au nom de l’ensemble de mon groupe. Cathy Apourceau-Poly a brillamment rappelé l’importance de cette mesure, et souligné le temps perdu pour son adoption.
Le présent amendement nous a été suggéré par le Collectif Handicaps, et plusieurs de nos collègues l’ont également déposé.
L’alinéa 6 de cet article, en effet, laisse penser que le droit d’option ne pourrait être activé qu’une seule fois, monsieur le ministre. C’est peu, alors même que la durée d’attribution de cette allocation reste réduite pour certains allocataires.
En même temps, j’ai entendu l’engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, quand vous nous avez demandé de retirer nos amendements.
Je vous crois, et retire donc cet amendement. Mais il faudra que vous alliez au bout de ce que vous avez promis !
M. le président. L’amendement n° 172 est retiré.
L’amendement n° 449, présenté par Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
loi
insérer les mots :
pendant la durée prévue à l’article L. 821-4 du même code et ses renouvellements
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je le retire.
M. le président. L’amendement n° 449 est retiré.
L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
jusqu’à l’expiration de ses
par les mots :
à chaque renouvellement des
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Je le retire.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 5 bis.
(L’article 5 bis est adopté.)
M. Philippe Mouiller. Bravo !
Article 5 ter
I (nouveau). – Le premier alinéa de l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale ne fait pas obstacle à la constitution de droits auprès du régime mentionné à l’article L. 921-2-1 du même code au titre des indemnités mentionnées à l’article L. 382-31 dudit code.
II. – Les droits en cours de constitution auprès du régime mentionné à l’article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale au titre des indemnités mentionnées à l’article L. 382-31 du même code ne sont pas pris en compte pour l’application de l’article L. 351-10-1 et du second alinéa de l’article L. 353-6 dudit code, du second alinéa de l’article L. 732-51-1 du code rural et de la pêche maritime, du dernier alinéa de l’article L. 732-54-1 du même code et du dernier alinéa du I de l’article L. 732-63 dudit code.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Après l’adoption de la loi Chassaigne visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles, il restait une zone grise, qui concerne les élus ruraux. Ainsi, un maire qui est aussi paysan retraité ne peut prétendre à la revalorisation que cette loi entraîne. En effet, il continue à cotiser en tant que maire, et cette loi prévoit qu’il faut avoir liquidé l’intégralité de ses droits à la retraite pour bénéficier de la revalorisation.
Nous soutiendrons d’autant plus cet article qu’il s’agit d’une des rares mesures de progrès et de justice sociale de ce texte. Au bout du compte, il s’agit d’exprimer notre reconnaissance aux agriculteurs, aux chefs d’exploitation qui s’engagent dans la vie de leur village.
Dans mon département, le Pas-de-Calais, 750 communes sur 890 comptent moins de 2 000 habitants. Ce sont donc 750 maires ruraux qui s’investissent chaque jour. Parmi eux, un grand nombre sont d’anciens agriculteurs. Nous sommes leurs obligés, en tant que représentants des collectivités et de la ruralité. Le groupe CRCE votera donc cet article.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, sur l’article.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voulais simplement saluer l’amendement du député André Chassaigne adopté à l’Assemblée nationale. Comme l’a dit ma collègue, cet article permettra à nos élus qui sont d’anciens agriculteurs de bénéficier de leur retraite.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 ter.
(L’article 5 ter est adopté.)
Après l’article 5 ter
M. le président. L’amendement n° 361 rectifié bis, présenté par Mmes Féret et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la fin de l’année et afin de proposer des mesures à mettre en place pour soutenir le niveau de vie et le pouvoir d’achat des Français, une conférence nationale du pouvoir de vivre est mise en place, selon des modalités définies par décret.
Elle réunit des représentants des organisations syndicales de salariés et des employeurs, de l’Insee, ainsi que des acteurs qualifiés du monde associatif. Elle est chargée de suivre le niveau de l’inflation et de formuler des propositions sur la question des salaires et traitements, des minima sociaux et des prestations sociales, des pensions, des prix de l’alimentation et de l’énergie, ainsi que des coûts liés au logement et aux transports.
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Face à la plus forte inflation recensée depuis trente-sept ans, accentuée par la guerre en Ukraine et un contexte géopolitique incertain, les Français nous demandent d’être à la hauteur des enjeux. La détresse sociale grandissante que nous constatons chaque jour dans nos territoires nous oblige à agir rapidement et efficacement.
Le pouvoir d’achat est une préoccupation légitime de nos concitoyens. La réponse à apporter aux difficultés qu’ils éprouvent doit couvrir les principaux volets de notre économie.
Cet amendement vise à ce qu’une conférence nationale du pouvoir de vivre, réunissant des représentants des organisations syndicales de salariés et d’employeurs, de l’Insee, ainsi que des acteurs qualifiés du monde associatif, soit créée et mise en place avant la fin de l’année 2022, pour faire le point sur l’efficacité des mesures issues du présent projet de loi et proposer rapidement de potentiels ajustements.
Outre les mesures d’urgence, cette nouvelle structure de dialogue social et de concertation serait chargée d’élaborer des mesures structurelles à mettre en œuvre pour soutenir le niveau de vie et le pouvoir d’achat des Français. Ce travail ferait l’objet d’un rapport remis au Gouvernement.
Il faut bien comprendre, mes chers collègues, que la période nous appelle à changer nos façons de penser et d’envisager l’avenir. Nous devons passer du pouvoir d’achat au pouvoir de vivre, car c’est bien de cela dont il s’agit : se loger, se nourrir, se déplacer, se vêtir, vivre dignement de son travail, se former, avoir accès à une vie sociale et culturelle…
La mise en place de cette conférence nationale du pouvoir de vivre est plus que jamais légitime et d’actualité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à mettre en place une grande conférence nationale du pouvoir de vivre. Or il existe déjà beaucoup de conférences et de temps de réflexion consacrés à ce sujet.
L’avis est défavorable, car il n’est pas opportun de créer une structure supplémentaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 361 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Nous en venons à l’examen de l’article 15, appelé en priorité.
Article 15 (priorité)
Le chapitre VI du titre Ier de l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon est complété par un article 21-1 ainsi rédigé :
« Art. 21-1. – I. – En cas de reprise temporaire d’activité des installations de production d’électricité mentionnées au II de l’article L. 311-5-3 du code de l’énergie résultant du rehaussement par l’autorité administrative de leur plafond d’émissions de gaz à effet de serre prévu à l’article 16 de la loi n° … du … portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat pour faire face à une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, les entreprises mentionnées à l’article 1er de la présente ordonnance qui ont mis en œuvre le plan mentionné à l’article 2 peuvent, en sus des cas de recours aux contrats de travail à durée déterminée ou aux contrats de mission mentionnés aux articles L. 1242-2, L. 1242-3, L. 1251-6 et L. 1251-7 du code du travail, conclure de tels contrats lorsqu’ils sont nécessaires à l’exploitation de ces installations. Lorsque des contrats de travail à durée déterminée ou des contrats de mission sont conclus à ce titre, les conditions suivantes leur sont applicables :
« 1° Le contrat de travail à durée déterminée ou le contrat de mission peut être conclu avec un salarié dont le contrat a été rompu pour les raisons mentionnées à l’article 1er de la présente ordonnance. Le congé de reclassement mentionné à l’article 4 ou le congé d’accompagnement spécifique mentionné à l’article 6 est suspendu pendant la durée du contrat. Le terme initial du congé de reclassement ou, lorsqu’il a débuté, du congé d’accompagnement spécifique est reporté pour une durée égale à celle des périodes de travail effectuées ;
« 2° Par dérogation aux articles L. 1242-5 et L. 1251-9 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ou le contrat de mission peut être conclu dans les six mois suivant le licenciement pour motif économique, notamment avec les salariés qui bénéficient des congés mentionnés au 1° du présent I.
« II. – Lorsque le contrat de travail à durée déterminée ou le contrat de mission est conclu avec un salarié mentionné au 1° du I du présent article, et par dérogation aux articles L. 1242-8-1 et L. 1251-12-1 du code du travail, sa durée totale peut aller jusqu’à trente-six mois, compte tenu, le cas échéant, du ou des renouvellements intervenant dans les conditions prévues aux articles L. 1243-13-1 et L. 1251-35-1 du même code.
« III. – Lorsque le contrat est conclu en application du I du présent article, le délai de carence prévu aux articles L. 1244-3 et L. 1251-36 du code du travail n’est pas applicable, sans que la durée totale des contrats conclus pour pourvoir un même poste puisse excéder trente-six mois.
« IV. – Le présent article est applicable aux contrats à durée déterminée et aux contrats de mission conclus à compter du 1er juillet 2022, en vue de permettre la reprise temporaire d’activité mentionnée au I, et jusqu’au 31 décembre 2023. »
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Nous allons discuter des conséquences sociales de la réouverture d’une centrale à charbon.
Il y a quelques semaines seulement, le Président de la République et le Gouvernement nous disaient fièrement qu’ils avaient mis un terme à la production électrique à base de charbon. C’était même le socle de la crédibilité de la transition écologique revendiquée par ce gouvernement. Or, quelques semaines plus tard, on rouvre une centrale à charbon…
Il serait assez facile de faire de l’ironie sur ce zigzag, sur ce salto arrière. Je n’en ferai pas, et je souhaite que, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous soyons conscients de l’extrême gravité de la situation énergétique française.
Tous les rapports qui émanent de Bruxelles nous annoncent un hiver terrible. Le coût de l’électricité en France pourrait être jusqu’à cinq fois supérieur à ce que l’on observera dans d’autres pays européens. C’est une fragilité incroyable du système français.
M. Laurent Duplomb. À qui la faute ?
M. Ronan Dantec. Cette fragilité vient de notre incapacité à anticiper depuis plusieurs décennies, avec une espèce de nostalgie pompidolienne de la France, de son parc nucléaire, de ses grandes entreprises énergétiques… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Il ne faut pas faire de nucléaire, pas faire de barrages…
M. Ronan Dantec. Pendant que tous les autres pays européens avançaient à marche forcée vers les énergies renouvelables, la France est la seule à n’avoir pas tenu ses objectifs. Si nous passons l’hiver, ce sera grâce au photovoltaïque et à l’éolien de l’Espagne, du Portugal, de l’Écosse, de l’Angleterre et de l’Allemagne.
Monsieur le ministre, nous sommes aujourd’hui dans un plan d’urgence qui relève de l’économie de guerre. Quelles sont vos propositions, à part ce rafistolage d’urgence avec une centrale au charbon, qui est incontournable, mais qu’il faut encadrer ?
Il faut mettre en place une véritable stratégie.
M. le président. Il faut conclure.
M. Ronan Dantec. Nous devons promouvoir la sobriété et le développement massif des énergies renouvelables.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2019, ici même, dans cet hémicycle, nous avions voté la fermeture des quatre centrales à charbon pour l’horizon 2022.
Mon groupe était pour, mais nous y avions mis deux conditions, qui étaient les mêmes que celles posées par le rapporteur Daniel Gremillet.
Première condition : l’ensemble des salariés devaient être repris, avec une garantie de l’État sur leurs conditions de départ ou de reclassement. Puisque c’était une décision de l’État, il était hors de question que ses conséquences retombent sur les territoires.
Seconde condition : la sécurité d’approvisionnement. Étions-nous certains, en prenant la décision de fermer les quatre centrales, que nous pourrions ensuite passer les pics hivernaux ? On nous avait répondu oui.
Trois ans après, nous allons réarmer la centrale de Saint-Avold pour la rouvrir. Il y a aussi celle de Cordemais, même si l’on n’en parle pas… Je connais bien le dossier, pour m’y être rendu à plusieurs reprises. Vous n’avez rien planifié, vous avez expliqué aux salariés qu’il y avait un projet de conversion du site en Ecocombust, que ce projet était abandonné, puis qu’il était repris… Mme Pompili n’a rien dit et, au dernier moment, on leur a expliqué que, finalement, la centrale fermait. Et voilà que, trois mois plus tard, on leur demande de revenir pour mettre en œuvre le projet d’Ecocombust !
Nous pensons qu’on ne peut pas conduire une politique énergétique sans avoir un débat sérieux au Parlement.
Monsieur le ministre, combien de salariés va-t-il falloir pour réarmer la centrale à charbon de Saint-Avold ? À quelles conditions salariales seront-ils réembauchés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.
M. Thomas Dossus. Nous assistons vraiment à la fin des illusions sur le modèle énergétique français. En réaction à l’intervention de Ronan Dantec, j’entendais certains dénoncer la fermeture de Fessenheim… C’est au contraire parce que nous nous sommes enferrés dans le nucléaire, avec un mix énergétique complètement déséquilibré, que nous sommes obligés de rouvrir aujourd’hui, avec 30 réacteurs en carafe, une centrale à charbon.
C’est parce que nous avons toujours voulu le nucléaire comme solution à tous nos problèmes que nous devons rouvrir une centrale à charbon !
« Le réel, c’est quand on se cogne », disait Lacan. Aujourd’hui, le réel, ce sont nos 29 réacteurs nucléaires en carafe et un mix énergétique complètement déséquilibré qui nous pousse au bord du gouffre.
Le réel, c’est la fin des illusions. Et les illusions, c’est quand Élisabeth Borne nous disait il y a quelques semaines que la France serait la première nation à sortir des énergies fossiles.
Et vous voulez persévérer dans cette erreur, ouvrir 6 nouveaux EPR, voire 14…
Cette réouverture d’une centrale à charbon doit nous servir d’alerte, et nous ouvrir les yeux sur le déséquilibre de notre ambition énergétique. Cessons de nous enferrer dans cette fausse solution qu’est le nucléaire !
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.
M. Laurent Duplomb. Le réel, c’est aussi qu’à chaque fois qu’il y a des projets en dehors du nucléaire, il y a des associations pour lutter contre !
Chez moi, un projet de 27 éoliennes est à l’arrêt, alors qu’il est très bien accepté partout sur le territoire. Il a été repoussé par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), et repoussé par les associations environnementalistes, au motif que cela risquait de mettre en danger le milan royal !
Partout où il y a un projet d’éolienne, on nous sort l’argument du milan royal, dont la première cause de mortalité serait… les éoliennes. Au point même qu’un tribunal, voyant qu’on en tuait partout, s’est demandé si c’était vraiment une espèce protégée ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour faire de l’électricité, on aurait pu traiter à la fois le problème de l’eau potable et celui de la régulation des rivières avec des barrages hydroélectriques. Or tous les barrages hydroélectriques, depuis trente ans, ont été combattus puis supprimés.
Le dernier projet en date était le barrage du Serre de la Fare, chez moi, en Haute-Loire, en 1988 : il y a eu des manifestations monstres pour l’interdire, alors qu’il servirait aujourd’hui non seulement pour distribuer de l’eau potable, mais aussi pour réguler le débit de la Loire, pour irriguer et surtout pour produire de l’électricité.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 336 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Montaugé, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad et Cardon, Mme M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les présentes dispositions ne constituent pas une révision du plan mentionné au même article 2.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Afin de protéger juridiquement les dispositifs d’accompagnement social inclus dans le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) mis en œuvre sur le site de la centrale Émile-Huchet de Saint-Avold, il nous paraît souhaitable d’indiquer dans le projet de loi qu’il n’est pas nécessaire de réviser ce plan de sauvegarde de l’emploi pour redémarrer la centrale à charbon selon les dispositions prévues dans cet article 15. La demande, je le précise, émane des salariés de la centrale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. J’entends la demande, qui nous a également été soumise en audition. Cela étant, s’agissant de cette proposition de préciser dans le texte que la conclusion de contrats à durée déterminée (CDD) n’emportera pas et n’engagera pas révision du PSE, la rédaction actuelle me semble suffisamment claire pour qu’il ne soit pas nécessaire de procéder à cet ajout. Même si cette précision est apportée au texte, elle n’empêchera en rien un éventuel recours contre le PSE devant le juge.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Mmes et MM. les sénateurs me pardonneront de ne pas m’avancer sur la question de la politique énergétique : elle est très éloignée de mon champ de compétences.
Si je devais partager un avis très personnel, j’indiquerais simplement être très à l’aise avec le programme de construction nucléaire annoncé par le Président de la République. J’y insiste, c’est un avis personnel, conforme au demeurant à l’orientation que j’ai toujours essayé de défendre. Je considère effectivement le nucléaire comme une bonne énergie, mais le débat, bien sûr, reste ouvert…
À propos du sujet qui nous occupe, beaucoup ont évoqué le choc avec le réel.
Le réel, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est aussi une guerre en Ukraine, la menace d’un défaut d’approvisionnement en gaz par la Russie et la nécessité de trouver des sources d’énergie alternatives et complémentaires pour améliorer notre propre production. Contrairement à ce que j’ai entendu jusqu’à présent, le réel, c’est aussi cela !
Quand vous nous expliquez, monsieur Gay, que le Gouvernement, voilà quelques mois ou quelques années, assurait que l’approvisionnement était garanti, je me permets de répondre qu’à cette période il n’avait à aucun moment été imaginé que la Russie attaquerait l’Ukraine et que nous pourrions nous trouver dans une difficulté telle que celle que nous connaissons aujourd’hui.
S’agissant de l’amendement n° 336 rectifié, je confirme les propos de Mme le rapporteur : les mesures prévues par le PSE ne sont pas remises en cause par les dispositions de l’article 15 – le débat nous permet de le préciser, et c’est une bonne chose. Ces dispositions permettent simplement, sans modification du PSE, d’embaucher temporairement à la centrale à charbon de Saint-Avold, en CDD et sur la base du volontariat, les salariés concernés par ce plan. Leur congé de reclassement sera alors reporté à due concurrence des périodes travaillées.
Sans revenir sur les droits des salariés fixés dans le PSE, l’article 15 tend à aménager l’exécution du congé de reclassement, en offrant aux salariés volontaires une possibilité d’être réembauchés temporairement. Le présent projet de loi le garantit et la discussion autour de cet amendement permettra peut-être de rassurer tous ceux qui pourraient avoir une interrogation quant au fond du texte et sa mise en œuvre.
Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement n° 336 rectifié. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Monique Lubin, l’amendement n° 336 rectifié est-il maintenu ?
Mme Monique Lubin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 336 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 193, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
titre,
insérer les mots :
dans le respect des accords de la branche des industries électriques et gazières,
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Ce n’est pas votre dossier, je le comprends, monsieur le ministre, et il est vrai que nous n’étions pas dans les mêmes conditions voilà trois ans. Mais reprenez tous les débats que nous avons ouverts dans cet hémicycle et vous verrez que nous posions déjà ces questions, et pour la centrale de Cordemais, et pour celle de Saint-Avold. Nous vous alertions sur de probables difficultés.
La guerre en Ukraine ne peut pas être la justification de tous les maux que nous subissons ! Il y a de sérieux problèmes d’approvisionnement et de sécurité du réseau électrique. Potentiellement, un blackout pourrait survenir cet hiver en France ou dans un autre pays européen – mais avec des conséquences sur le nôtre, puisque le marché électrique européen est désormais interconnecté.
C’est pourquoi, je le redis, nous devons avoir un débat ici, au Parlement, sur l’avenir de l’opérateur EDF et sur la politique énergétique. M. Patrick Pouyanné, dont ne peut pas dire qu’il soit communiste ou écologiste, appelle lui-même à une planification énergétique.
Enfin, monsieur le ministre, je réitère la question précise que je vous ai posée : combien faudra-t-il de salariés pour réarmer la centrale de Saint-Avold ?
J’ai à ma disposition des chiffres, je voudrais vous les donner… Avant la fermeture, le site comptait 87 salariés au statut du personnel des industries électriques et gazières (IEG) et 200 intérimaires. La moitié des 87 salariés sont partis à la retraite ; les autres sont en congé de reclassement. Pensons-nous véritablement qu’ils vont tous revenir ? Quelle sera la formation des intérimaires qui participeront à la relance de la centrale ?
Ces questions justifient nos deux amendements nos 192 et 193, que je vais présenter brièvement.
À nos yeux, il n’est pas possible de déroger au droit du travail avec un CDD de trente-six mois. La moindre des choses que nous devons aux salariés volontaires, c’est de leur garantir le statut du personnel des IEG et de faire en sorte qu’à l’issue des trente-six mois, ils retrouvent leur projet de reclassement tel qu’ils vont l’abandonner pour venir réarmer la centrale. C’est un minimum !
Je pense donc, mes chers collègues, que nous devrions au moins voter le premier de ces deux amendements, l’amendement n° 193, qui garantit à ces salariés le statut du personnel des IEG.
M. le président. L’amendement n° 192, présenté par M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 315, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
trente-six
par le mot :
douze
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. La guerre en Ukraine met sérieusement en danger nos approvisionnements en gaz, et ce alors que 5 millions de ménages, il faut le rappeler, sont déjà en situation de précarité énergétique en France.
Cette situation est d’autant plus dramatique du fait des retards conséquents que notre pays a pris dans sa transition écologique, fragilisant sa souveraineté énergétique et sa résilience aux chocs exogènes – c’est effectivement la guerre en Ukraine, monsieur le ministre, mais c’est surtout l’incapacité à être résilient face à n’importe quel choc !
Pris de court, le Gouvernement est conduit à rouvrir les centrales à charbon au moment même où le temps imparti pour engager des mesures drastiques de lutte contre le dérèglement climatique se restreint : trois ans, selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC.
La réouverture de centrales à charbon ne peut être que très temporaire et il ne devrait en aucun cas être question de prévoir déjà leur relance pour les trois prochaines années. La leçon que nous donne le contexte géopolitique est bien que nous devons absolument accélérer notre transition énergétique par un effort inédit de sobriété, d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. C’est un scénario que l’on connaît depuis la démarche Négawatt ; il est tout de même ancien !
En outre, le présent article s’inscrit dans une perspective de dérogation au droit du travail, en escamotant l’étape de renouvellement des CDD de dix-huit mois.
Pour toutes ces raisons, nous proposons par cet amendement de supprimer la possibilité de conclure dès le départ des CDD jusqu’à trente-six mois – on s’inscrit presque directement dans cette perspective – et de limiter leur durée à douze mois, avec renouvellement possible. Il s’agit ainsi de garantir que l’ouverture de ces centrales à charbon restera bien une mesure de très court terme, qui ne saurait se substituer à une politique radicale de transition écologique, d’autant plus impérieuse que la situation internationale met désormais en péril l’approvisionnement en énergie de la France pour cet hiver.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Nous examinons ici trois amendements à peu près identiques.
M. Fabien Gay. Non !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je voudrais tout d’abord rassurer mon collègue Fabien Gay : les salariés conserveront le bénéfice des accords de branche des industries électriques et gazières. M. le ministre l’indiquera sans doute, mais c’est un point qui nous a été confirmé.
Nous cherchons effectivement à réduire autant que possible les délais d’intervention. Mais, je dois le dire, trente-six mois seront bien nécessaires face aux défis qui sont devant nous.
Monsieur le président, je voudrais tout de même terminer mon intervention sur ces trois amendements en faisant observer que, par les décisions que nous allons prendre sur cet article 15, et sur l’article 16 qui sera sans doute examiné demain, nous allons demander à des hommes et des femmes de retourner travailler dans cette centrale à charbon – et ils vont le faire. Pourquoi le feront-ils ? Certes, les conditions de travail ont été mises en place pour que ce soit possible. Mais ils vont le faire, aussi, parce qu’ils aiment leur outil de travail, parce qu’ils aiment leur terre et, je le dirai avec modestie, parce qu’ils aiment la France.
Les uns et les autres, nous prenons des décisions. Cela a été le cas concernant cette centrale à charbon de Saint-Avold. Tout d’un coup, on a dit aux hommes et aux femmes qui y travaillaient qu’ils n’étaient rien (M. Laurent Duplomb opine.),…
M. Fabien Gay. C’est vrai !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. … que leur travail était inutile.
Ce sont les derniers amendements sur lesquels je rapporte, monsieur le président, et c’est pourquoi, en tant que parlementaire, mais aussi peut-être en votre nom, je souhaite ce soir dire à ces hommes et ces femmes merci ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements et, à défaut, émettra un avis défavorable.
Je confirme que les salariés volontaires se verront maintenus dans le cadre statutaire des IEG le temps de cette réembauche. C’est prévu ainsi.
M. Fabien Gay. Ce n’est pas écrit !
M. Olivier Dussopt, ministre. Vous avez de l’expérience, monsieur Gay. Vous savez que tout n’est pas écrit dans la loi. Les décrets d’application sont faits pour cela !
Vous m’avez demandé combien de personnes il faudrait employer pour relancer la production. Nous estimons ce nombre à 70 personnes.
Vous m’avez demandé des précisions quant aux conditions proposées. Si un article de la presse quotidienne régionale du Nord n’était pas paru ce matin, j’aurais eu quelques scrupules à vous donner des éléments ; mais ledit article de La Voix du Nord citant des représentants des organisations syndicales, je pense pouvoir vous répondre.
Le salaire moyen des salariés concernés s’établissait autour de 4 500 euros nets. Ils seront réembauchés de manière temporaire avec une augmentation de 5 % par mois, assortie d’une prime mensuelle de 5 500 euros brut. Autrement dit, celles et ceux qui accepteront cette réembauche dont nous avons besoin le feront avec une rémunération mensuelle qui sera approximativement le double de ce qu’ils percevaient. J’apporte ces précisions tout en m’associant aux remerciements de Mme le rapporteur.
Je saisis l’occasion de ce dernier avis avant de céder la place à mon collègue Olivier Klein pour vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, des échanges que nous avons eus depuis le début de cette matinée autour du titre Ier du projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et LR, et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je suis prêt à retirer l’amendement n° 192, monsieur le président, mais je maintiens l’amendement n° 193. Mme la rapporteure insiste sur l’effort que vont faire ces hommes et ces femmes. Elle a raison car, voilà trois mois, on a fermé la centrale en leur expliquant qu’ils n’étaient plus rien et, maintenant, on les rappelle et on leur dit qu’on a besoin d’eux pour la sécurité d’approvisionnement !
Je connais parfaitement les conditions de leur embauche, et je les connaissais avant même la sortie de l’article de La Voix du Nord. Mais une question se pose, à la fois pour les travailleurs qui étaient sous statut du personnel des IEG et pour les intérimaires dont j’ai parlé précédemment – parce qu’il en faudra, des intérimaires, dès lors que la moitié des 87 anciens salariés sous statut sont partis à la retraite ! La demande est que tous puissent être embauchés en bénéficiant du statut IEG.
À mon sens, c’est la moindre des choses que nous pouvons faire, ici, au Parlement : garantir aux 70 salariés, qu’ils soient intérimaires ou sous statut, qu’ils reviendront travailler en étant protégés par le statut du personnel des IEG. C’est une protection pour eux comme pour nous, car cela nous garantit que toute personne qui viendra réarmer la centrale à charbon sera formée pour le faire, y compris par les anciens, et travaillera dans les meilleures conditions de sécurité.
Donc, je retire l’amendement n° 192, mais je n’abandonnerai pas l’amendement n° 193, sur lequel je me pose même la question de demander un scrutin public.
M. le président. L’amendement n° 192 est retiré.
La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. J’avais demandé à intervenir un peu plus tôt dans le débat. Je me permets donc de revenir sur le propos général qui a été tenu sur l’article.
On regarde souvent ce qui se passe en Allemagne en matière d’énergie. Celle-ci est régulièrement citée en exemple pour la particularité de son mix énergétique, qui, par des prises de décision remontant à de nombreuses années, a favorisé les énergies renouvelables. Je constate aujourd’hui que ce pays est en très grande difficulté en matière de production énergétique et pour faire face à sa consommation. Ces difficultés sont, pour des raisons différentes, d’une complexité à peu près équivalente à celle que nous connaissons aujourd’hui en France.
Il me semble donc qu’il ne faut pas opposer les modèles de production. Dans le cadre des discussions que nous aurons sur la future programmation pluriannuelle de l’énergie, il faudra adopter une posture visant à pousser tous les curseurs en parallèle afin de faire face aux besoins – grandissants dans les années à venir – en énergie électrique et, contrairement à la situation actuelle, se donner des marges suffisantes pour répondre aux situations exceptionnelles.
Ma première remarque est donc de rappeler qu’il faut non pas opposer les modes de production – pour prendre un exemple au hasard, les énergies renouvelables au nucléaire –, mais progresser sur l’ensemble d’entre eux.
S’agissant précisément des centrales à charbon, je soutiens l’amendement visant à ce que les personnels repris bénéficient du statut du personnel des IEG.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Franck Montaugé. On le leur doit ! Par conséquent, je voterai cet amendement et je pense que mon groupe fera de même.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je rejoins totalement Fabien Gay quant à la nécessité d’un débat approfondi sur la réalité de la situation, avec des chiffres sans tabou.
On parle tout le temps de l’Allemagne ; aujourd’hui, les contrats qui s’y négocient pour le pic de consommation de l’hiver sont trois fois moins chers qu’en France. Donc, l’Allemagne, avec l’effort qu’elle a fourni sur les énergies renouvelables, ne s’en sort pas si mal. C’est la réalité des chiffres économiques – je sais que je parle à des libéraux !
Je rejoins Fabien Gay sur un autre point. À la centrale de Cordemais – je me suis moi aussi beaucoup battu pour le projet Ecocombust (Marques de scepticisme sur les travées du groupe CRCE.) –, on a vu face à nous un État qui n’était plus du tout stratège. Il faut revenir à un État stratège !
Enfin, pour répondre à M. le ministre, j’observerai que nous subissons actuellement deux crises, et pas une seule.
Il y a une crise des énergies fossiles, notamment le gaz, liée à la situation en Ukraine. À ce propos, je veux solennellement dire ici que l’Europe doit absolument « gagner » – je mets le mot entre guillemets puisque nous ne sommes pas engagés dans cette guerre. Si l’Europe sort affaiblie du conflit ukrainien, c’est la fin du multilatéralisme, et donc la fin de toute possibilité de stabiliser le climat au niveau mondial.
Autrement dit, et c’est un point que l’on n’a pas assez en tête aujourd’hui, le sort du climat mondial se joue aussi en Ukraine.
La deuxième crise – mon collègue Thomas Dossus y a fait référence – se caractérise par le fait que 30 de nos centrales nucléaires sont à l’arrêt, cela parce que nous sommes adossés à 70 % sur une seule machine ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voilà vingt ans que les écologistes disent que ce n’est pas sérieux et qu’avec une technologie unique, tout défaut de fabrication systémique des machines risque de nous créer de graves difficultés. C’est ce qui nous arrive ! On recense notamment 12 centrales nucléaires ayant des problèmes de corrosion. Nous étions lucides !
Si nous voulons avoir un débat sérieux, il faut ne pas mélanger les deux crises et les affronter toutes deux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Nous n’allons pas faire ce soir la discussion sur le nucléaire, nous aurons d’autres occasions ! Mais je pense que la France a besoin d’un véritable débat sur cette question, car c’est un débat qui n’a jamais eu lieu.
Je souhaite simplement revenir sur quelques interventions.
Monsieur le ministre, ce n’est pas du fait de la guerre en Ukraine que nous avons 30 réacteurs nucléaires à l’arrêt aujourd’hui, ou qu’il nous manque 9 gigawatts, que nous importons aujourd’hui. La fermeture de la centrale de Fessenheim n’est pas en cause non plus puisqu’elle représente seulement 1,8 gigawatt, à comparer au volume précédemment cité. À l’heure actuelle, chaque jour, nous avons recours à des importations depuis l’Espagne et le Portugal, étant précisé que, par moments, la production portugaise repose à 100 % sur les énergies renouvelables.
Monsieur Duplomb, on ne peut pas non plus nous accuser d’être opposés à l’éolien. Sur ces travées, nous, sénateurs écologistes, faisons preuve de cohérence et de constance.
Mme Sophie Primas. Nous ne parlons pas de vous ! Sur le terrain, en revanche…
M. Daniel Salmon. Nous défendons en permanence les énergies renouvelables et la sobriété, comme nous l’avons toujours fait.
Il y a effectivement des oppositions. Mais lisez cet article du Monde qui a bien montré une certaine collusion entre des actions anti-éoliennes et le lobby pro-nucléaire : il faut regarder la situation avec lucidité. Tout ne tombe pas du ciel ! Certaines actions sont parfois sciemment orchestrées…
M. Antoine Lefèvre. Ah ! Le complot…
M. Daniel Salmon. Il n’est pas question que de complot, mon cher collègue, mais cela en fait partie et il faut savoir le voir.
Nous sommes en tout cas devant un fiasco industriel, celui du nucléaire, et je pense qu’il va falloir, à un moment donné, regarder la situation en face. Nous allons rencontrer de plus en plus de difficultés ; a contrario, ceux qui progressent sur l’énergie renouvelable vont prendre une sérieuse avance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais pousser un coup de gueule ce soir, monsieur le ministre, en dépit de la constante courtoisie de nos échanges depuis le début de ce débat.
Nous faisons face à une catastrophe énergétique, laquelle est symbolisée par la réouverture d’une centrale à charbon, celle de Saint-Avold, et par la fermeture en parallèle d’une centrale nucléaire, celle de Fessenheim.
Dans cette situation particulièrement symbolique, la responsabilité du chef de l’État est entière. On ne peut pas, en avril 2020, signer un décret prévoyant la fermeture de 12 réacteurs nucléaires – c’est le Gouvernement qui l’a formellement signé, et non le Président de la République – et, deux ans après, faire des zigzags, voire un tête-à-queue ! La politique énergétique d’un pays se conduit avec constance, avec une boussole, avec un cap.
Ce soir – et je suis sûr d’être rejoint dans mon coup de gueule par tous mes collègues, indépendamment des clivages partisans –, je veux dire que nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un débat à la découpe sur le sujet. Nous examinons, je crois, 18 articles concernant la question énergétique et, la semaine prochaine, nous traiterons de la nationalisation d’EDF !
L’énergie est, pour un pays, une affaire de souveraineté ; pour son peuple, une affaire de pouvoir d’achat ; pour ses entreprises, une affaire de compétitivité. C’est une grande affaire, aussi, pour l’avenir de la planète et des jeunes générations. Nous ne nous satisfaisons pas de ce débat à la découpe, à la sauvette, en catimini !
Comme je l’ai indiqué à Mme la Première ministre lundi lorsque je l’ai rencontrée, je demande un débat – pas seulement un débat, mes chers collègues, un vote ! Nous voulons savoir où va la France, quelle sera sa politique énergétique, non pas à échéance de deux mois, mais pour les dix ou vingt prochaines années ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je remercie le groupe CRCE d’avoir maintenu l’amendement n° 193. J’ai eu personnellement, et nous avons eu collectivement, à vivre, en Guadeloupe, la fermeture de la centrale Énergies Antilles, qui comptait 25 employés. Il y a eu, dans ce cadre, une véritable attaque contre le statut du personnel des IEG. Il faut le défendre !
On a valorisé les branches, en décidant la suprématie du contrat sur la loi, et on a tout donné au dialogue social. Dans le cas que j’évoque, le dialogue social n’a pas existé et EDF a repris certains agents sans respecter le statut du personnel des IEG. Nous avons le même problème dans la commune de Bouillante, toujours en Guadeloupe, où l’entreprise repreneuse du site ne respecte pas ce statut. Je soutiendrai donc fermement cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je n’insisterai pas sur les raisons, parfaitement exposées par Fabien Gay, pour lesquelles nous exigeons, comme beaucoup d’autres groupes, un débat stratégique de fond sur les questions énergétiques. Nous ne pouvons pas traiter ces questions comme nous le faisons là, au hasard de tel ou tel amendement.
Pour en revenir à l’amendement n° 193, nous allons devoir faire face, en toute hypothèse et indépendamment de nos choix sur ces travées, à des problèmes de sécurité d’approvisionnement énergétique. Nous avons besoin, pour affronter ces défis, de sécuriser les travailleurs des industries électriques et gazières, et ce, j’y insiste, quels que soient nos choix industriels. Nous ne pouvons pas ballotter les salariés – un jour, ils partent ; un autre jour, ils reviennent – dans ce secteur qui exige de la sécurité. Comme précédemment, nous parlons ici de travail : il faut savoir traiter avec sérieux celles et ceux qui garantissent la qualité du travail et la sécurité des approvisionnements.
Si nous voulons, surtout après ce qui s’est passé et l’aller-retour dans les choix concernant cette centrale, envoyer un message de sérieux et de confiance aux travailleurs de ce secteur, dont nous allons avoir besoin pour sortir de la crise actuelle, il faut voter l’amendement n° 193 !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 193.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Au moment où nous achevons l’examen des articles dont la commission des affaires sociales était en charge – nous avons délégué aux autres commissions le reste du texte –, je tiens à remercier l’ensemble des membres de la commission, en particulier notre rapporteur, qui a réalisé un travail vraiment formidable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et RDSE.) J’inclus M. le ministre dans ces remerciements, pour la courtoisie des débats.
M. le président. Nous revenons à l’ordre normal de la discussion.
Article 6
I. – (Non modifié) A. – Pour 2022, par anticipation et en remplacement de la révision annuelle prévue à l’article L. 823-4 du code de la construction et de l’habitation, les paramètres mentionnés aux 1° à 5° du même article L. 823-4 sont revalorisés de 3,5 % le 1er juillet 2022.
B. – L’article L. 823-4 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La date de l’indice de référence des loyers prise en compte pour cette révision est celle du deuxième trimestre de l’année en cours. »
II. – (Non modifié) Pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 3,5 %.
II bis à II quater. – (Supprimés)
III. – (Non modifié) Les II, II ter et II quater sont applicables à la fixation de l’indice de référence des loyers par dérogation aux dispositions suivantes :
1° Le deuxième alinéa du I de l’article 17-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;
2° Les huitième et dernier alinéas de l’article 17-2 de la même loi ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime ;
4° L’article 7 de la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière ;
5° Les dixième et dernier alinéas du VI de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ;
6° Le premier alinéa de l’article L. 353-9-2 du code de la construction et de l’habitation ;
7° Le premier alinéa de l’article L. 353-9-3 du même code ;
8° L’avant-dernier de l’article L. 442-1 dudit code ;
9° Le V de l’article L. 445-3 du même code ;
10° Le deuxième alinéa de l’article L. 445-3-1 du même code.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, sur l’article.
Mme Florence Blatrix Contat. L’article 6 porte sur la révision des loyers. À l’occasion de son examen, je souhaite revenir sur un sujet que j’ai déjà évoqué ici, en décembre 2020. Il s’agit de la révision du dispositif d’indemnité de résidence des fonctionnaires et agents publics.
Régie par le décret du 24 octobre 1985 et une circulaire du 12 mars 2001, cette indemnité vise à compenser le niveau élevé des loyers dans les zones tendues. Son montant est dérisoire, voire indécent.
Par ailleurs, le dispositif actuel devrait être élargi à certaines zones, notamment les zones frontalières, qui en sont pour l’heure exclues. Je pense, en particulier, au Pays de Gex dans l’Ain ou aux zones frontalières de Haute-Savoie.
La situation est à ce point tendue dans ces zones qu’elle met en péril la continuité du service public dans l’enseignement, la santé, la police. Aujourd’hui, par exemple, des candidats au concours préfèrent renoncer à son bénéfice plutôt que d’exercer dans ces zones, trop chères.
Il faut en urgence réviser et revaloriser ce dispositif. En décembre 2020, le Gouvernement avait pris, ici même, l’engagement de répondre à cette urgence. J’ai par ailleurs appris que le comité interministériel de la transformation publique avait décidé, en février 2021, d’une mission sur l’attractivité territoriale de la fonction publique prenant en compte ces questions indemnitaires et de logement.
Je souhaiterais donc savoir où en est cette mission et quelles en sont les conclusions. Ne faudrait-il pas un rapport plus spécifique sur le sujet ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. L’amendement que nous avons déposé visant à geler les loyers jusqu’à la fin de l’année 2023 a été déclaré irrecevable, au motif que nous demandions évidemment une compensation pour les bailleurs sociaux, largement pénalisés par l’ensemble des politiques gouvernementales. Nous considérons que la question reste posée. Elle est d’une brûlante actualité !
La crise du logement, même du logement cher, dans notre pays ne pourra se traiter avec des « mesurettes ». Le logement, qui reste le premier poste de dépenses des ménages, plus particulièrement de leurs dépenses préengagées, participe à l’étranglement financier des plus fragiles. Dans une note d’analyse récente, France Stratégie a mis en évidence la hausse de 5 points du poids des dépenses préengagées dans la dépense totale entre 2001 et 2017 – il passe de 27 % à 32 % – et l’importance grandissante des dépenses de logement, qui représentent 68 % de ces dépenses préengagées.
Alors que la Première ministre, dans son discours de politique générale, a fait de sa volonté de rendre le logement abordable une priorité, nous disons au Gouvernement : chiche !
Il faut aller plus loin ! Le dispositif proposé dans cet article 6 est largement déséquilibré : d’un côté, une progression des aides personnalisées au logement de 3,5 % ; de l’autre, une progression des loyers de 3,5 %. Pourtant, ces deux chiffres représentent des réalités différentes : la hausse des APL ne compensera pas celle des loyers ; et je ne parle pas de tous nos concitoyens qui ne touchent pas ces aides.
Cette hausse bénéficierait essentiellement aux multipropriétaires, qui détiennent les deux tiers du parc de logement des particuliers. Pire, les ménages propriétaires d’au moins cinq logements, s’ils ne représentent que 3,5 % de la population, possèdent 50 % des logements mis en location. Une véritable économie de la rente est ainsi organisée. Les associations de locataires dénoncent ce compromis déséquilibré et injuste.
Enfin, selon Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la hausse de l’indice de référence des loyers que permet cet article représenterait une augmentation moyenne de 200 euros par an pour les 13 millions de foyers locataires.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi de m’exprimer pour la première fois devant votre assemblée pour présenter cet article 6.
À titre personnel, j’ai une pensée pour Claude Dilain, mon ami et prédécesseur à la mairie de Clichy, qui fut des vôtres.
En ce qui concerne le volet logement de ce texte, je voudrais souligner deux points essentiels.
Il s’agit tout d’abord du bouclier de 3,5 % que nous souhaitons mettre en place. Ce dispositif nous semble extrêmement équilibré en ce qu’il permet de protéger, tout à la fois, les locataires d’une hausse qui pourrait être bien plus importante si nous suivions l’IRL et les propriétaires du parc privé ou social.
Ce taux de 3,5 % est un maximum, en aucun cas un minimum. Nos échanges avec l’Union sociale pour l’habitat (USH) nous laissent notamment penser qu’un certain nombre de bailleurs n’iront pas jusqu’à ce plafond. Il est important de s’assurer que les travaux d’amélioration de l’habitat et d’économie d’énergie ne soient pas interrompus.
Le second point concerne la hausse de 3,5 % des APL, qui a pris effet dès le 1er juillet 2022, bien avant toute éventuelle hausse des loyers. Elle touchera plus de 5 millions de personnes. Un couple avec deux enfants verra ainsi son APL augmenter d’environ 20 euros par mois, soit plus de 200 euros par an.
Ces deux mesures en complètent beaucoup d’autres. Comme l’a souligné la Première ministre dans cet hémicycle, la question du logement, du pouvoir d’achat et de l’accès au logement à un prix modéré est une priorité du Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 238 est présenté par MM. Mohamed Soilihi et Hassani.
L’amendement n° 300 rectifié bis est présenté par Mmes Dindar et Malet, M. Lagourgue, Mme Billon, MM. Henno, Genet, Janssens, Le Nay, Chasseing et Dennemont, Mme Lopez, M. Decool, Mme Vermeillet, M. Delcros et Mme Herzog.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
1° Remplacer le mot :
révision
par le mot :
revalorisation
2° Après le mot :
mentionnés
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
au même article L. 823-4 sont revalorisés le 1er juillet 2022 de 3,5 % pour toutes les aides mentionnées à l’article L. 821-1 du même code.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 238.
M. Thani Mohamed Soilihi. Le Haut Conseil de la famille, de l’enfant et de l’âge (HCFEA), organisme consultatif placé auprès du Premier ministre, relevait dans un rapport du 15 mars dernier que les aides au logement existantes différaient entre les départements et régions d’outre-mer (DROM) et l’Hexagone. Pourtant, le champ d’application de l’aide personnalisée au logement, créée par la loi du 3 janvier 1977, devait s’étendre aux DROM. L’APL n’y est toutefois jamais entrée en vigueur, les décrets d’application permettant de passer les conventions avec les bailleurs sociaux n’ayant jamais été publiés.
L’absence d’APL outre-mer a été comblée par l’alignement, à la fin des années 1990, des barèmes de l’allocation de logement familiale (ALF) et de l’allocation de logement sociale (ALS) sur ceux de l’APL, auparavant plus avantageux. Néanmoins, les aides au logement, versées dans l’Hexagone selon les barèmes applicables aux APL, ne sont versées dans les DROM que selon les paramètres moins avantageux des allocations logement.
Je présenterai ultérieurement un amendement n° 237 visant à faire publier les décrets d’application des APL dans les outre-mer. Le présent amendement n° 238, quant à lui, tend a minima à valoriser les ALF et les ALS à la même hauteur que les APL.
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour présenter l’amendement n° 300 rectifié bis.
Mme Nassimah Dindar. Mon collègue Thani Mohamed Soilihi et moi-même présentons ces deux amendements réglementaires, car les DROM ne peuvent bénéficier de l’augmentation de l’aide personnalisée au logement, qui n’existe pas dans les territoires ultramarins, faute de décret.
L’allocation de logement familiale et l’allocation de logement sociale ne couvrent pas totalement les APL : dans les DROM, nous avons en effet privilégié la ligne budgétaire unique (LBU) pour favoriser la construction de logements sociaux.
On ne peut évoquer la question du pouvoir d’achat dans les outre-mer sans parler du prix des logements. Plusieurs petites inégalités restent à corriger, notamment le plafond de ressources exigé pour obtenir un logement social. À La Réunion, par exemple, une famille avec deux enfants, dont le père est smicard et la mère touche 800 euros, ne peut être éligible à un logement social, car le barème est inférieur à celui exigé en métropole.
Les publics percevant le RSA vont ainsi obtenir plus facilement un logement locatif très social (LLTS). Les gens ne veulent pas vivre du RSA, mais force est de constater que les avantages connexes liés à la précarité…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Nassimah Dindar. … incitent à aller vers les minima sociaux et à travailler au noir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur ces deux amendements identiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ces amendements, qui visent à modifier la rédaction de cet article pour manifester plus explicitement que la revalorisation s’étend à l’ALS et l’AFL, ne changent pas le droit existant.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances n’a pas jugé ces amendements irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution. Je les vois comme des amendements d’appel visant à ce que le Gouvernement rende applicables les APL outre-mer, alors qu’il privilégie depuis 1977 un soutien à travers la LBU, c’est-à-dire les aides à la pierre.
La commission émet donc un avis de sagesse sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. L’ALS et l’ALF sont couvertes par les règles sur la hausse des APL. Dès lors, le Gouvernement s’en remet également à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je demande à notre assemblée de soutenir ces amendements.
Nous en avions déposé plusieurs, mais sous un autre prisme : les APL n’existant pas outre-mer, nous demandions, avec force amendements de repli, de geler l’IRL dans les outre-mer ou de le plafonner entre 0,8 % et 2,5 %. Selon les bailleurs, ce dispositif n’est plus rentable en deçà de 0,8 %.
Par ailleurs, nous devons sortir du mythe selon lequel la LBU rend le mètre carré moins cher dans les outre-mer. D’une part, la LBU a diminué de 70 millions d’euros ces dernières années et, d’autre part, le mètre carré est plus cher en outre-mer, avec des loyers parmi les plus élevés de France dans les zones tendues comme le montrent tous les rapports, y compris les nôtres.
Les outre-mer ne pourront pas bénéficier de la revalorisation du plafond des loyers que vous proposez. Je suis d’accord pour dire qu’il faut revaloriser les substituts que sont l’ALS et l’ALS, mais il faut surtout, comme l’a souligné M. Mohamed Soilihi, prendre les décrets. Et ce d’autant plus que le périmètre d’éligibilité de l’ALS est plus restreint que celui de l’APL. Si nous ne corrigeons pas les choses, nous ne pourrons que déplorer une inégalité de traitement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. La commission et le Gouvernement s’en remettent à la sagesse du Sénat. Le ministre nous indique d’ailleurs que ces amendements seraient déjà satisfaits.
Toutefois, les débats à l’Assemblée nationale ont permis d’adopter des amendements visant à graver dans le marbre de la loi des mesures déjà en vigueur afin de rassurer nos concitoyens – je pense, par exemple, à la compensation de la sécurité sociale. Les demandes de nos collègues ultramarins me semblent aussi mériter d’être inscrites noir sur blanc dans ce texte, raison pour laquelle nous voterons ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je sais gré à la commission et au Gouvernement de leur avis de sagesse. Nous sommes conscients que ces amendements sont satisfaits, mais la situation n’est pas satisfaisante. Nous insistons donc pour que ce qui aurait dû être fait voilà quarante-cinq ans le soit aujourd’hui.
Monsieur le ministre, je vous exhorte à prendre ces décrets. Comme l’a souligné Nassimah Dindar, la question du logement outre-mer est importante. La commission des affaires sociales a publié hier un rapport sur la situation sociale à Mayotte. Le logement social doit occuper une place prépondérante !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord vous souhaiter la bienvenue dans cet hémicycle, où vous prenez la parole pour la première fois. Je vous sais spécialiste de la politique de la ville, domaine dans lequel nous aurons beaucoup de travaux à conduire.
Chers collègues ultramarins, vous aurez compris que l’avis de sagesse du rapporteur sur ces amendements d’appel était plutôt favorable. Il s’agit de demander au Gouvernement de trouver enfin une solution.
Sans préempter les débats à venir, il me semble que plafonner les loyers à 2,5 % au lieu de 3,5 % pour la métropole serait autrement plus efficace pour le pouvoir d’achat que la réflexion menée sur les APL.
Outre-mer, le choix entre aide à la pierre et aide personnalisée au logement a toujours été différent de celui opéré en métropole.
Cette réflexion globale sur l’aide à la pierre est certes nécessaire pour les outre-mer, qui ont un réel besoin de construction. Mme Estrosi Sassone avait d’ailleurs produit un rapport sur le logement insalubre, à l’occasion duquel nous nous étions rendus en Guadeloupe et en Martinique. Toutefois, en période de difficultés de pouvoir d’achat, un dispositif de personnalisation d’aide au logement en direction des plus modestes me semblerait bien plus efficace. J’en appelle, là aussi, à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 238 et 300 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 329, présenté par M. Parigi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, au début
Ajouter les mots :
Dans le parc locatif social,
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans le parc résidentiel privé, pour la fixation des indices de référence des loyers compris entre le troisième trimestre de 2022 et le deuxième trimestre de 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 1 %.
La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Cet amendement vise à plafonner la hausse de l’indice de référence des loyers dans le parc résidentiel privé à 1 %.
Face à la hausse des prix de l’alimentation et de l’énergie, il est nécessaire de protéger les plus précaires en établissant des mesures visant à limiter la hausse du prix des loyers pour les locataires. À ce titre, nous appelons le Gouvernement à aller au-delà de la revalorisation à 3,5 % des APL afin de permettre à leurs bénéficiaires de faire face à la hausse des charges locatives résultant de l’augmentation du prix de l’énergie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Nous abordons une série d’amendements qui visent tous à moduler à la baisse le plafond de hausse possible des loyers.
L’amendement n° 329 de M. Parigi, lequel est formellement en dehors de la discussion commune qui va suivre, vise à proposer un plafond de 1 % dans le parc locatif privé.
Il n’y a pas de raison de distinguer le parc social du parc privé. Une hausse de 3,5 % sur un an conduit, selon toute vraisemblance, à ne répercuter que la moitié de la hausse de l’inflation. Les bailleurs prennent donc toute leur part de l’effort.
Le Gouvernement a trouvé un compromis équilibré entre soutien des locataires et droits des propriétaires, que nous soutenons.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est minuit ; je vous propose de prolonger la séance jusqu’à minuit et demi afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Je suis donc saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 308, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le taux :
3,5 %
par le taux :
1 %
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je voudrais revenir sur la question de l’IRL. L’indice glissant de juillet 2021 à 2022 a déjà augmenté de 3,6 %, soit davantage que les 3,5 % envisagés.
La part du loyer dans les charges contraintes est de plus en plus élevée pour les ménages les plus pauvres. Selon la Fondation Abbé Pierre, le loyer représente 36 % des dépenses contraintes des ménages les plus précaires après redistribution.
Selon l’Insee, l’ensemble des charges contraintes représentent 41 % des dépenses des plus modestes, soit 12 % de plus que pour les ménages les plus aisés. Or ce sont ces derniers qui bénéficient de l’augmentation de l’IRL – comme cela a été rappelé, 3,5 % des ménages possèdent 50 % des logements mis en location.
Encore une fois, l’inflation se répercute davantage sur les plus modestes, qui ont vu leur pouvoir de « solvabilisation » des APL chuter depuis 2017 à la suite de plusieurs contre-réformes, dont la baisse de cinq euros restera la plus scandaleuse.
Le logement est un droit et les objectifs de ce projet de loi ne seront atteints que si nous allégeons les charges contraintes. C’est la raison pour laquelle il nous paraît essentiel de plafonner la hausse des loyers à 1 %.
Toutefois, afin de préserver le pouvoir d’achat à long et à moyen terme, le mieux serait d’appliquer un peu partout l’encadrement des loyers, comme nous le faisons à Lyon et à Villeurbanne. Encore mieux, développer les établissements publics fonciers permettrait de lutter contre la hausse du secteur.
Il faut bien évidemment prendre des mesures d’urgence, notamment dans le cadre de ce projet de loi, mais il faut aussi prendre des mesures structurelles. Depuis la loi Duflot, des outils sont à notre disposition. Peut-être est-ce un signe, mais il semblerait que les loyers lyonnais soient non seulement stables depuis 2021, mais aussi orientés à la baisse. Espérons que cette tendance se poursuive.
M. le président. L’amendement n° 280 rectifié, présenté par Mme Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le taux :
3,5 %
par le taux :
1,5 %
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Les dépenses de logement, comme l’a rappelé Mme Poncet Monge, représentent 36 % de la dépense totale des ménages lorsqu’ils sont locataires du parc social et jusqu’à plus de 40 %, après aides, lorsqu’ils sont locataires du parc privé.
Le nombre d’amendements que nous avons collectivement déposés sur cet article 6 témoigne de la nécessité de contenir l’évolution des loyers. Pour la plupart des locataires, ce taux d’effort devient difficilement tenable.
Sur ce point essentiel de la maîtrise de l’évolution du coût du logement, qui pèse très lourd dans le budget des ménages, il faut rappeler qu’aucune mesure durable n’a été engagée pendant le quinquennat précédent : aucune intervention, pas même pour maîtriser l’envolée des prix du foncier ; refus d’une généralisation de l’encadrement des loyers, ne serait-ce dans les zones tendues ; affaiblissement des acteurs essentiels, notamment ceux du logement social… Ces choix se sont traduits par une baisse historique de la construction de logements abordables.
Le Gouvernement se contente aujourd’hui d’une mesure d’urgence ponctuelle, provisoire et très insuffisante pour protéger le pouvoir d’achat et l’accès au logement des citoyens.
Il ne s’agit pas ici d’opposer, comme on peut l’entendre, propriétaires et locataires. L’enjeu est de maintenir un équilibre soutenable pour tout le monde. Or il faut bien admettre que la pression du coût du logement pèse aujourd’hui davantage sur les locataires. À cet égard, l’étude d’impact rappelle que les propriétaires ont bénéficié d’une dynamique de prix très positive ces dernières années, de plus de 25 % sur cinq ans.
Pour ces raisons, nous proposons de plafonner l’IRL à 1,5 % pour tous.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer le taux :
3,5 %
par le taux :
2 %
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, aucune hausse ou réévaluation du loyer ne peut intervenir en application de l’article 17-1 ou de l’article 17-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en l’absence de travaux de rénovation énergétique réalisés aux frais du bailleur.
Monsieur Cabanel, accepteriez-vous de présenter également vos amendements suivants nos 109 rectifié bis et 28 rectifié ?
M. Henri Cabanel. Bien volontiers, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 109 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol, Requier et Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer le taux :
3,5 %
par le taux :
2 %
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, cette variation peut être portée à 3,5 %, en cas d’engagement de travaux de rénovation énergétique réalisés aux frais du bailleur.
L’amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Cabanel, Mme Pantel, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, aucune hausse ou réévaluation du loyer ne peut intervenir en application de l’article 17-1 ou de l’article 17-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en l’absence de travaux de rénovation énergétique réalisés aux frais du bailleur.
Vous avez la parole pour présenter ces trois amendements, mon cher collègue.
M. Henri Cabanel. Comme le souligne l’étude d’impact, les propriétaires ont bénéficié d’une dynamique de prix très positive, qui a contribué à accroître la valeur de leur patrimoine. Les prix ont ainsi augmenté de 25 % en cinq ans.
De surcroît, les petits propriétaires ne détiennent que 8 % du parc locatif, tandis que 3,5 % des ménages propriétaires d’au moins cinq logements détiennent la moitié du parc locatif privé.
Au regard de ces chiffres, il ne paraîtrait pas disproportionné de bloquer toute hausse des loyers. Or ce n’est pas le choix que vous avez fait. Aussi, à défaut de geler la hausse des loyers, l’amendement n° 27 rectifié tend à plafonner l’IRL à 2 % et à interdire toute hausse en l’absence de travaux de rénovation énergétique réalisés aux frais du bailleur.
L’amendement n° 109 rectifié bis, de repli, tend à retenir deux plafonds pour l’IRL : un premier à 2 % et un second à 3,5 % lorsque les propriétaires s’engagent à réaliser des travaux.
L’amendement n° 28 rectifié, également de repli, vise à conditionner l’augmentation plafonnée de 3,5 % à la réalisation de travaux de rénovation énergétique aux frais du bailleur.
M. le président. L’amendement n° 281 rectifié, présenté par M. Bouad, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le taux :
3,5 %
par le taux :
2,5 %
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Il s’agit également d’un amendement de repli.
La revalorisation des APL proposée dans ce projet de loi ne permet même pas de rattraper les baisses enregistrées depuis l’été 2017, qui ont fortement fragilisé le pouvoir d’achat des personnes les plus modestes.
Alors que le loyer est le principal poste de dépenses contraintes des ménages, le soi-disant « bouclier logement » proposé par le Gouvernement est largement insuffisant pour protéger le pouvoir d’achat des Français, déjà confrontés à une hausse du prix de l’énergie, des carburants et de l’alimentation.
Le Gouvernement nous explique que le plafonnement à 3,5 % est équilibré. Monsieur le ministre, vous avez appelé à une nouvelle méthode pour légiférer, dans un esprit de compromis et de coconstruction. Or les associations et les représentants de locataires n’ont visiblement pas été consultés.
On attend des propriétaires qu’ils s’engagent fortement dans la transition énergétique, ce que nous pouvons entendre. Mais ils sont soutenus financièrement par l’État dans cet effort. Les dispositions adoptées à l’Assemblée nationale pour moduler l’évolution des loyers dans la limite de 1,5 % ou de 2,5 %, selon que les locataires résident en zone de revitalisation rurale (ZRR) en Corse ou en outre-mer, attestent bien de la nécessité de prévoir une mesure plus protectrice pour l’ensemble des locataires.
Notre amendement de repli tend donc à proposer un plafonnement de l’IRL à 2,5 % pour tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Ces amendements visent tous à moduler à la baisse le plafond de hausse possible des loyers.
Dans son amendement n° 308, Mme Poncet Monge propose un plafond général de 1 %. Mme Blatrix Contat, dans ses amendements nos 280 rectifié et 281 rectifié, propose respectivement un plafond de 1,5 % puis de 2,5 %. Enfin, M. Cabanel, à travers ses amendements nos 27 rectifié, 109 rectifié bis et 28 rectifié propose une hausse de 2 % conditionnée à la réalisation de travaux d’économie d’énergie par les bailleurs.
La commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements. Nous défendons le compromis trouvé et proposé par le Gouvernement entre soutien des locataires et droits des propriétaires.
Rappelons que les loyers des uns sont les revenus des autres et que de ces revenus dépend notamment la capacité des propriétaires à procéder aux travaux de rénovation énergétique exigés par la loi Climat et résilience et assortis d’interdiction de louer.
Encore une fois, une hausse de 3,5 % sur un an ne représenterait vraisemblablement que la moitié de la hausse de l’inflation.
Je pense que l’interdiction de toute hausse de loyer en cas de travaux d’amélioration n’est pas dans l’intérêt des locataires. Cette augmentation n’est possible que si les travaux dépassent une demi-année de loyer. Il peut s’agir d’une réfection d’électricité ou de la création d’un ascenseur. Ces augmentations ne sont pas indues. Ces investissements ne peuvent être réalisés à fonds perdu par les bailleurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 109 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 110 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux et Mme Pantel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette variation ne peut excéder 0 % dans les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements telles que définies par l’article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Comme le rappelle Pierre Madec, économiste à l’OFCE, la propriété est extrêmement concentrée dans le très haut de la distribution des patrimoines, en particulier dans les zones tendues.
Le projet de loi propose une revalorisation des APL de 3,5 %. Or un gel des loyers ou un plafonnement inférieur de l’IRL auraient été plus efficaces pour protéger les locataires, dont le loyer représente le principal poste de dépense.
Tout cela n’est pas cohérent. Rafraîchissons notre mémoire : pour justifier la baisse de cinq euros des APL au début du quinquennat précédent, le Gouvernement pointait leur effet inflationniste. Ainsi, les quelques euros de cette revalorisation iront directement dans la poche du bailleur sans condition et, plus grave encore, ne suffiront pas à combler la potentielle augmentation de loyer.
Une fois encore, la protection des bailleurs, et notamment des fameux 3,5 % des ménages détenteurs de 50 % du patrimoine, se fera au détriment des ménages les plus modestes.
Pour ces raisons, les auteurs de cet amendement proposent d’instituer un gel de la hausse des loyers dans les zones tendues, là où le marché de l’immobilier demeure spéculatif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à geler la hausse des loyers dans les zones tendues. Or cette augmentation est déjà encadrée dans les 28 agglomérations en tension locative par un décret pris en application de l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989, notamment en cas de relocation.
La hausse ne peut excéder le montant du dernier loyer, à l’exception de trois cas : lorsque le loyer n’a pas été révisé depuis plus d’un an ; lorsque le loyer est manifestement sous-évalué ; et lorsque des travaux importants ont été réalisés. Il est toutefois impossible d’augmenter le loyer de logements qui sont des passoires thermiques, quels que soient les travaux réalisés.
Enfin, ce dispositif est encore plus rigoureux dans les agglomérations expérimentant l’encadrement des loyers prévu par l’article 140 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN.
Il ne semble pas légitime d’aller au-delà du strict encadrement existant aujourd’hui. De plus, cela irait à l’encontre de la volonté d’inciter les propriétaires à réaliser des travaux d’économie d’énergie.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 110 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 282 rectifié, présenté par Mme Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Kanner, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Antiste, Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Lurel et Marie, Mmes Monier et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la location est consentie à un étudiant, cette variation est nulle.
La parole est à M. Rémi Cardon.
M. Rémi Cardon. Il existe un dispositif qui s’appelle « 1 jeune, 1 solution »… Dans ce projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, nous demandions que cette protection s’applique au pouvoir d’achat des étudiants. Résultat : il n’y a rien dans ce texte en ce sens pour les jeunes et singulièrement pour les étudiants.
C’est la raison pour laquelle notre groupe a déposé de nombreux amendements. Nous avons souhaité lutter contre la précarité matérielle, établir un « RSA jeune », indexer les bourses étudiantes sur l’inflation, mais nos amendements ont été rejetés ou déclarés irrecevables. Aucun signal n’est donc émis en faveur d’un soutien aux étudiants dans ce projet de loi.
Mes chers collègues, nous avons mené de nombreuses missions d’information, nous parlons beaucoup, nous partageons de nombreux constats, mais aucune solution n’émerge et ce gouvernement ne nous offre pas la possibilité de le faire par le truchement de ses textes.
Il est temps de passer des constats aux actes ! À défaut, faire des études en France finira par devenir un luxe.
Cet amendement vise à geler le loyer des logements loués à des étudiants sur une année, afin de tenter de préserver le pouvoir d’achat qui leur reste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à geler le loyer des étudiants. Cela nous semble très difficile à appliquer et risque de donner lieu à des difficultés en matière de preuve, voire à des biais opportunistes.
En outre, ce n’est pas nécessairement justifié par rapport aux besoins des autres catégories : c’est une opportunité qui pourrait être accordée à beaucoup de personnes.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Votre inquiétude quant à la situation des étudiants est partagée, monsieur le sénateur. Le Président de la République s’est engagé, pendant la campagne électorale, à travailler sur une réforme des bourses et de l’aide au logement qui leur est destinée.
S’agissant de cet amendement, les étudiants qui sont en résidence universitaire gérée par le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ne seraient pas concernés, puisque leur bail est plus court, et ceux qui bénéficient de baux mobilité de moins d’un an, non plus.
Restent ceux qui sont dans des logements classiques ; or vous savez à quel point il est parfois difficile de trouver un tel hébergement. Le signal que nous enverrions par cet amendement pourrait être considéré comme négatif par les propriétaires, et les étudiants concernés seraient alors défavorisés, car ils trouveraient encore moins de logements à la rentrée prochaine.
Pour ces raisons, nonobstant ce que j’ai indiqué au début de mon intervention concernant la volonté du Gouvernement de travailler sur ce sujet, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 282 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 385, présenté par Mme Gacquerre, M. Moga, Mmes Loisier, Férat et Létard, MM. Louault, Chauvet, Janssens et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir les II bis, II ter et II quater dans la rédaction suivante :
II bis. – Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l’article 1465 A du code général des impôts, le représentant de l’État peut, par arrêté, moduler, dans la limite de 1,5 %, la variation mentionnée au II du présent article.
Cette modulation est opérée après consultation pour avis du conseil départemental concerné.
Elle prend en compte les critères suivants :
1° Les caractéristiques démographiques et sociales de la population, dont le taux de pauvreté de la région concernée, entendu comme la part de la population dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian ;
2° Les caractéristiques du parc de logements privé et du parc de logement social ;
3° L’écart entre l’inflation annuelle constatée en moyenne en France métropolitaine et sur le territoire du département concerné.
Ces critères sont précisés par arrêté du ministre chargé de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 2,5 %.
II quater. – Pour la collectivité de Corse, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, le représentant de l’État peut, par arrêté, moduler, dans la limite de 1,5 %, la variation mentionnée au II du présent article.
Cette modulation est opérée après consultation pour avis de l’assemblée de Corse.
Elle prend en compte les critères suivants :
1° Les caractéristiques démographiques et sociales de la population locale, dont le taux de pauvreté de la collectivité de Corse, entendu comme la part de la population dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian ;
2° L’existence d’un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ;
3° L’écart entre l’inflation annuelle constatée en France métropolitaine et celle constatée sur le territoire de la collectivité de Corse.
Ces critères sont précisés par arrêté du ministre chargé de la transition écologique.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement vise à rétablir la disposition, présentée par M. de Courson et adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, permettant une modulation du plafonnement de la revalorisation des loyers en fonction de critères géographiques.
Il s’agit d’introduire une triple dérogation pour mieux prendre en compte les situations spécifiques à chaque territoire.
La première correspond à un plafonnement pour les ZRR. Dans ces zones, recouvrant près de 17 000 communes au 1er janvier 2021, les tensions sur les logements sont très faibles, voire inexistantes, et la hausse des loyers et des charges est moins élevée que sur le reste du territoire. Un plafonnement de la revalorisation des loyers à 1,5 % y serait donc légitime, d’autant que le revenu fiscal par unité de consommation médian y est faible.
La deuxième dérogation concerne les collectivités d’outre-mer visées par l’article 73 de la Constitution. Cet amendement vise à y fixer le plafonnement de la variation des loyers à 2,5 %. Il ne s’agit en aucun cas d’un passe-droit, mais d’une demande fondée sur un faisceau d’éléments objectifs : coût de la vie plus élevé qu’en France métropolitaine, loyers représentant un poids plus substantiel dans les dépenses totales des ménages en outre-mer et taux de pauvreté plus élevé qu’en métropole.
Enfin, troisième dérogation, cet amendement tend à introduire une modulation dans le plafonnement de la variation des loyers à hauteur de 1,5 % pour la collectivité de Corse, afin de mieux prendre en compte l’insularité et ses répercussions sur le niveau de vie des habitants.
M. le président. L’amendement n° 386, présenté par Mme Gacquerre, M. Moga, Mmes Loisier et Létard, MM. Louault et Chauvet, Mme Férat, M. Janssens et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
II bis. – Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l’article 1465 A du code général des impôts, le représentant de l’État peut, par arrêté, moduler, dans la limite de 1,5 %, la variation mentionnée au II du présent article.
Cette modulation est opérée après consultation pour avis du conseil départemental concerné.
Elle prend en compte les critères suivants :
1° Les caractéristiques démographiques et sociales de la population, dont le taux de pauvreté de la région concernée, entendu comme la part de la population dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian ;
2° Les caractéristiques du parc de logements privé et du parc de logements social ;
3° L’écart entre l’inflation annuelle constatée en moyenne en France métropolitaine et sur le territoire du département concerné.
Ces critères sont précisés par arrêté du ministre chargé de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Les amendements qui suivent reprennent le même argument, en séparant chacune des dérogations prévues dans l’amendement initial.
Il s’agit ici de la disposition concernant les ZRR. Les 17 000 communes concernées bénéficieraient ainsi d’un plafonnement de la variation du loyer à 1,5 %.
M. le président. L’amendement n° 269 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mmes Conconne et Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 0,8 %.
I. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
, II ter et II quater
par les mots :
et II ter
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Si vous le permettez, je présenterai conjointement les quatre amendements que j’ai déposés dans cette discussion commune : les amendements nos 269 rectifié, 267 rectifié, 268 rectifié et 266 rectifié bis.
Je viens d’entendre que les amendements de Thani Mohamed Soilihi et de Nassimah Dindar seraient satisfaits… Or, j’y insiste, l’ALS et l’ALF ne sont pas des substituts à l’APL. C’est pourquoi je demande que le décret soit pris et publié.
S’agissant de ces quatre amendements, ils tendent : à bloquer l’IRL au niveau d’avril 2022, pour l’amendement n° 266 rectifié bis, puisque l’APL n’existe pas pour le moment, dans l’attente d’un éventuel décret ; à le faire évoluer de 0,8 %, pour l’amendement n° 269 rectifié, ainsi que certains bailleurs nous l’ont demandé dans les outre-mer au motif que, à défaut, leur activité ne serait plus rentable ; à limiter sa hausse à 1,5 % pour l’amendement n° 267 rectifié ; et à 2,5 %, selon les vœux de beaucoup d’acteurs, pour l’amendement n° 268 rectifié.
J’entends que l’on demande 1,5 % pour la Corse, c’est bien. S’agissant de la disposition que Valérie Létard vient de défendre pour les ZRR, je rappelle qu’il n’en existe que deux dans les outre-mer, une dans les hauts de La Réunion et l’autre en Guyane. Il faut prendre en compte ces inégalités.
Je demande donc que nous trouvions un consensus sur l’augmentation de l’IRL ; comme il n’existe pas d’APL, il faut sans doute la modérer davantage pour tenir compte de la situation socio-économique des outre-mer.
M. le président. L’amendement n° 267 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mmes Conconne et Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 1,5 %.
II. – Alinéa 6
remplacer les mots :
, II ter et II quater
par les mots :
et II ter
Cet amendement a déjà été défendu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Théophile, Lemoyne et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 268 rectifié est présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mmes Conconne et Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 2,5 %.
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
Les II, II ter et II quater
par les mots :
Les II et II ter
La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.
M. Dominique Théophile. Monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de protéger le pouvoir d’achat des ménages, le Gouvernement a souhaité plafonner à 3,5 % la variation de l’indice de référence des loyers jusqu’en juin 2023.
À l’Assemblée nationale, les députés ont introduit une modulation de ce plafonnement pour les ZRR, la Corse et les outre-mer, ainsi que notre collègue vient de l’évoquer.
Au Sénat, la commission des affaires économiques est revenue sur cette modulation au motif que celle-ci présenterait un risque au regard de l’égalité devant la loi.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Dominique Théophile. Elle a également estimé que l’inflation et le montant des loyers dans les outre-mer étaient comparables à ce que l’on observait dans l’Hexagone, et que cette mesure ne se justifiait donc pas.
Mes chers collègues, je ne vous apprendrai rien : il est toujours délicat de brandir le respect de l’égalité quand on parle des territoires ultramarins, parce qu’il existe des inégalités de traitement, dont on trouve des exemples jusque dans ce texte.
Par cet amendement, nous proposons justement de mettre en œuvre davantage d’égalité grâce à un effort de rattrapage global.
Par ailleurs, si l’inflation est aujourd’hui comparable dans les outre-mer et l’Hexagone, le coût de la vie, en revanche, ne l’est pas, pas plus que le niveau de vie. Je vous garantis que 3 % d’augmentation, cela ne recouvre pas la même réalité à Paris, à Pointe-à-Pitre ou à Mamoudzou.
Enfin, contrairement à ce qui a été dit, les loyers outre-mer sont bien supérieurs en moyenne à ceux de l’Hexagone, de plus de 20 % en Guadeloupe et de plus de 10 % en Guyane et à La Réunion.
Cet amendement tient donc compte de ces inégalités en visant à plafonner à 2,5 % la variation de l’IRL dans les outre-mer et à revenir ainsi au texte adopté à l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié a déjà été défendu.
L’amendement n° 387, présenté par Mme Gacquerre, M. Moga, Mmes Loisier et Létard, MM. Louault et Chauvet, Mme Férat, M. Janssens et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 2,5 %.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Il s’agit, par cet amendement, de rétablir le plafonnement de l’IRL à 2,5 % dans les outre-mer, ainsi que M. de Courson l’avait proposé, suivi par l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par Mme Lienemann, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au deuxième alinéa du I de l’article 17-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l’indice de référence des loyers publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques s’établit, jusqu’au 31 décembre 2023, au niveau de l’indice publié le 16 avril 2022 au Journal officiel pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution.
À compter de la publication de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2023, il n’est pas fait application dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution du deuxième alinéa de l’article 31 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Comme d’autres viennent de le faire, nous souhaitons alerter sur la situation particulière outre-mer. J’ai cherché les mots et, ainsi que d’autres acteurs l’ont dit, cela mérite réparation. J’espère que vous en êtes conscient, monsieur le ministre.
L’Assemblée nationale a débattu de la territorialisation des dispositifs pour mieux les cibler : nous sommes dans le sujet avec l’outre-mer.
Selon l’Insee, 18 % des Français en situation de grande pauvreté résident en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion, des territoires qui ne rassemblent pourtant que 3 % de la population française.
Pourquoi la problématique du logement est-elle insoutenable outre-mer ? Parce que le foncier y est rare, parce que ces territoires subissent des risques naturels, parce que la croissance démographique est forte et le niveau de vie inférieur à celui de la métropole. Le besoin est donc très important.
M. Victorin Lurel. Sans parler du coût de la vie !
M. Pascal Savoldelli. Vous m’ôtez les mots de la bouche, mon cher collègue : les produits alimentaires coûtent entre 28 % et 38 % plus cher qu’en métropole.
S’agissant d’un projet de loi de protection du pouvoir d’achat, il importe donc de prendre une mesure structurelle. C’est pourquoi nous vous proposons le gel des loyers outre-mer.
Ce sujet s’agrège au débat que nous avons eu précédemment au sujet des APL : n’opposons pas les deux ! Il y a un tel décalage, un tel fossé entre ces deux réalités sociales qu’il fallait débattre en responsabilité des APL et qu’il faut également débattre sur le montant des loyers. À défaut, nous nous payerions de mots.
Il faut réparer la situation du droit au logement outre-mer ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 266 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir le II ter dans la rédaction suivante :
II ter. – Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, l’indice de référence des loyers s’établit entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023 au niveau de l’indice publié le 16 avril 2022 au Journal officiel pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution.
II. – Alinéa 6
remplacer les mots :
, II ter et II quater
par les mots :
et II ter
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 388, présenté par Mme Gacquerre, M. Moga, Mmes Loisier et Létard, MM. Louault et Chauvet, Mme Férat, M. Janssens et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le II quater dans la rédaction suivante :
II quater. – Pour la collectivité de Corse, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l’année 2022 et le deuxième trimestre de l’année 2023, le représentant de l’État peut, par arrêté, moduler, dans la limite de 1,5 %, la variation mentionnée au II du présent article.
Cette modulation est opérée après consultation pour avis de l’assemblée de Corse.
Elle prend en compte les critères suivants :
1° Les caractéristiques démographiques et sociales de la population locale, dont le taux de pauvreté de la collectivité de Corse, entendu comme la part de la population dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian ;
2° L’existence d’un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ;
3° L’écart entre l’inflation annuelle constatée en France métropolitaine et celle constatée sur le territoire de la collectivité de Corse.
Ces critères sont précisés par arrêté du ministre chargé de la transition écologique.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement, qui concerne la Corse, a été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur ces dix amendements ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’amendement n° 385 entraîne une discussion commune sur trois dispositions ayant des points communs, mais des objets différents.
Je vais aborder successivement les cas des ZRR et de la Corse puis des outre-mer, afin d’expliquer les raisons pour lesquelles la commission a pris la décision de supprimer les exceptions introduites par l’Assemblée nationale.
Le point commun à toutes ces dispositions est qu’elles visent à faire varier le plafond de hausse des loyers en fonction de considérations locales, alors que l’indice de référence des loyers utilisé est national et s’applique à tous ces territoires. Ces propositions présentent donc un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant la loi.
De plus, compte tenu de leur ampleur, elles conduisent à remettre en cause le compromis avec l’État que j’évoquais précédemment. Je tiens à attirer votre attention sur ce point.
S’agissant des ZRR et de la Corse, ces dispositifs sont extrêmement complexes et difficilement applicables, car ils reposent sur des critères qui ne seront pas définis à court terme. Ils requerront un arrêté du ministre, l’avis du conseil départemental ou de l’assemblée de Corse et un arrêté préfectoral. En outre, ils reposent pour partie sur des données inexistantes ou parcellaires.
Enfin, ils aboutiraient à la définition d’un très grand nombre de plafonds des loyers dans chaque département, voire à un niveau infradépartemental, puisqu’ils ouvrent la possibilité d’une modulation du plafond retenu. Cela pose un problème d’intelligibilité de la loi et d’insécurité juridique au détriment des locataires comme des bailleurs, et cela pose également un vrai problème de constitutionnalité. Il nous faut mettre en balance cette grande complexité avec leur durée de vie, limitée à une année.
J’ajoute que ces dispositifs sont incohérents les uns par rapport aux autres. Par exemple, de nombreuses ZRR se trouvent en Corse ou dans les outre-mer ; on ne sait pas quel dispositif s’appliquera.
M. Victorin Lurel. Il n’y en a que deux outre-mer !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Enfin, dans les ZRR, par exemple, le problème me paraît beaucoup plus résider dans le coût de l’essence pour se déplacer ou du fioul pour se chauffer que dans le montant des loyers.
M. Victorin Lurel. Il ne faut pas dire cela !
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas un argument !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mais si !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Des mesures vont d’ailleurs être prises sur ces sujets dans le projet de loi de finances rectificative dont nous allons discuter la semaine prochaine. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Concernant les outre-mer, en effet, aucune disposition spécifique de ce texte sur le pouvoir d’achat ne les concerne, alors même que la pauvreté y est plus importante et que la vie y est plus chère qu’en métropole.
Nous n’ignorons pas leur situation, bien au contraire, mais nous considérons que nous ne devons pas les payer de mots ! Notre analyse est qu’une limitation de la hausse des loyers dans les outre-mer serait constitutionnellement très fragile.
Le premier aliéna de l’article 73 de la Constitution permet des « adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Ces adaptations doivent donc se justifier objectivement. Or, selon les données disponibles, ce n’est pas le cas. Ainsi, les loyers sont en moyenne moins élevés outre-mer qu’en métropole.
M. Victorin Lurel. On ne peut pas dire cela !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Le loyer moyen en France est de 16 euros le mètre carré, dans une fourchette de 11 à 23 euros ; celle-ci est à La Réunion de 10 à 14 euros, en Guadeloupe de 10 à 16 euros, à la Martinique de 11 à 15 euros, en Guyane de 12 à 16 euros.
En outre, les loyers outre-mer représentent plutôt une part moins importante dans les dépenses des ménages qu’en province, et l’inflation y a été plus contenue qu’en métropole. Enfin, le pourcentage de locataires n’y est pas plus élevé.
M. Victorin Lurel. Quelle est votre source ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. En voulant donner un coup de pouce par le truchement des loyers outre-mer, nous courrions un vrai risque de censure du Conseil constitutionnel. Faut-il, pour autant, ne rien faire pour nos concitoyens outre-mer ? Bien sûr que non !
Comme vous l’avez souligné, les chiffres de l’Insee indiquent que les prix sont entre 7 % et 12 % plus élevés outre-mer, et jusqu’à 48 % plus chers en matière alimentaire. Il faut agir sur ces sujets.
Dans le projet de loi de finances rectificative, l’Assemblée nationale a voté un supplément de 15 millions d’euros pour l’aide alimentaire. C’est plus efficace et concret pour nos concitoyens qu’une minoration des loyers qui risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel.
C’est pourquoi je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Klein, ministre délégué. Les amendements en discussion contiennent des propositions de boucliers spécifiques suivant les zones.
Concernant l’outre-mer, je veux dire que je connais la situation du logement dans ces territoires. Comme président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), il m’est arrivé plusieurs fois de m’y rendre.
Je partage les inquiétudes qui ont été exprimées sur ce sujet et j’espère avoir bientôt l’occasion de retourner dans un certain nombre de territoires, pour parler du deuxième bailleur à Mayotte, ou de la situation du logement dans les zones où celle-ci mérite en effet d’être examinée.
S’agissant des propositions elles-mêmes, il est vrai que l’inflation dans les territoires ultramarins est comparable à celle qui règne dans l’ensemble de l’Hexagone ; néanmoins, le contexte y est plus tendu, avec souvent des loyers et des prix plus élevés et une pauvreté importante.
Pour ces raisons, je vous propose de vous rallier à l’amendement n° 107 rectifié, présenté par le sénateur Théophile, qui vise à établir un plafonnement à 2,5 %.
L’avis est donc favorable sur cet amendement, et je vous propose de retirer les autres amendements relatifs aux outre-mer nos 385, 269 rectifié, 267 rectifié, 387, 53 et 266 rectifié bis.
Concernant la Corse, constant avec la position du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 388, même s’il n’a rien à voir avec l’article 73 de la Constitution. Il me semble important de vous laisser choisir une position.
Enfin, en ce qui concerne les ZRR, il ne me semble pas que l’on puisse introduire une différenciation à l’intérieur du territoire hexagonal. L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 386. Je vous propose de maintenir le plafonnement à 3,5 % dans les zones de revitalisation rurale.
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Dans tous les outre-mer, la cherté de la vie est un défi structurel que nous examinons à l’aune du contexte inflationniste qui règne depuis quelques mois.
Je suis élue de Saint-Barthélemy, où les loyers atteignent des niveaux vertigineux, et je mesure la charge que peut représenter ce poste budgétaire pour un ménage et les risques sociaux que cela emporte, particulièrement dans cette période de hausse des prix. Cette compétence appartenant à la collectivité, le présent dispositif ne s’y appliquera pas, bien entendu.
Le rapport sur le logement social outre-mer, que j’ai eu l’honneur de présenter avec mes collègues Victorin Lurel et Guillaume Gontard, me permet de connaître l’ampleur des besoins et des enjeux de ce secteur. Aussi, je suis convaincue que la proposition de plafonnement que nous examinons contribuera à préserver le pouvoir d’achat et à protéger les locataires, notamment les plus fragiles.
Le taux différencié de 2,5 % correspond à un compromis tenant compte des revenus des locataires comme des bailleurs. Nous devrons toutefois demeurer attentifs aux difficultés de financement de l’entretien des bâtiments, que les bailleurs sociaux anticipent et sur lesquels ils ont d’ores et déjà alerté.
La cherté de la vie pesant essentiellement sur les denrées alimentaires, peut-être aurait-il fallu cibler davantage ces dépenses. En tout état de cause, nous devons être pragmatiques et limiter l’augmentation à 2,5 %. Cela contribuera à contenir l’accroissement du poids des charges fixes de nombreux ménages, dans les collectivités où 80 % des populations sont éligibles à un logement social, pour 15 % de bénéficiaires.
Au-delà de l’urgence, en écho aux recommandations du rapport précité, le plafonnement de l’augmentation des loyers rappelle l’urgence de disposer d’évaluations statistiques régulières et précises. De nombreuses données statistiques ne sont pas à jour, depuis parfois plus de cinq ans ; or, dans des territoires où l’ajustement est la clé de l’efficience des politiques publiques, les statistiques sont les instruments essentiels d’un bon pilotage.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Micheline Jacques. Je voterai donc les amendements nos 107 rectifié, 268 rectifié et 387, et j’invite mes collègues du groupe Les Républicains à faire de même.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’appuie l’argumentation du sénateur Théophile et de notre collègue Jacques et j’appelle à voter l’amendement n° 107 rectifié.
Nous sommes la chambre des territoires qui, dans tous les débats sur la décentralisation depuis 2004, a eu à cœur de promouvoir la différenciation et l’expérimentation.
Il est vrai que nous n’avons pas rendu la tâche facile au rapporteur, que je remercie pour le travail accompli en commission, où nous avons pu progresser ensemble sur de nombreux chantiers, chacun avec sa spécificité.
Les outre-mer connaissent une situation, documentée s’agissant du niveau de vie et de la cherté, qui justifie d’adopter une approche différenciée, laquelle est par ailleurs encadrée dans le temps.
J’appelle donc à voter très largement ces amendements plafonnant à 2,5 % la hausse des loyers outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je voudrais insister sur ce que le rapporteur a indiqué et qui me semble important.
S’agissant des ZRR, le niveau des loyers n’y est pas le problème principal ; ce niveau y est, en règle générale, très inférieur à ce que l’on constate dans le reste de la France. Ce n’est donc pas un sujet de pouvoir d’achat. Nous pouvons, certes, en discuter, mais pas sur ce point.
Ensuite, dans ces zones, les propriétaires sont non pas de grands groupes ou de grands bailleurs, mais souvent de petits commerçants, des agriculteurs, des gens du cru qui ne sont pas de grands propriétaires. Il me semble donc que l’équilibre trouvé par le Gouvernement à 3,5 % est juste et n’est pas préjudiciable.
Comme le disait le rapporteur, le problème du pouvoir d’achat se pose plutôt pour le fioul, l’essence et la mobilité en général.
S’agissant des outre-mer, nous ne nions pas les problèmes de cherté de la vie que connaissent ces territoires, que nous aimons et dans lesquels nous voulons réparer les injustices sociales. J’attire toutefois votre attention sur le fait que, malgré notre volonté de différenciation, il existe un risque constitutionnel, car les éléments que vous a donnés le rapporteur ne permettent pas de créer un véritable élément de différenciation par rapport à la métropole.
Enfin, pour la Corse, j’avoue ne pas bien comprendre. En tout état de cause, pour les ZRR et les outre-mer, les sujets sont différents.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Nous aimons aussi les outre-mer, et comme nous les aimons, nous comprenons le problème des loyers et nous agissons. Sur les autres questions, nous comptons également comprendre et agir.
Ensuite, il ne faut pas préempter la question constitutionnelle. Si c’est juste, faisons-le et nous verrons bien !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Nous faisons la loi, ici, monsieur Théophile !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre, je suis déjà un vieux parlementaire : je peux comprendre une connivence de pensée, une solidarité de groupe, voire une certaine endogamie politique… Mais vous soutenez uniquement l’amendement de mon collègue Dominique Théophile, alors que j’ai déposé un amendement identique n° 268 rectifié. Si son exposé des motifs diffère légèrement, son dispositif est le même. Je vous demande donc de le soutenir également.
Monsieur le président, je vous demande de soumettre au vote du Sénat ces deux amendements identiques ensemble. Je suis disposé à retirer les autres s’il le faut, si nous devions nous entendre…
M. le président. Monsieur Lurel, indiquez-vous que vous retirez les amendements nos 269 rectifié, 267 rectifié et 266 rectifié bis ?
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, je n’ai pas fini mon propos ; ce retrait est suspendu à un compromis.
S’agissant du risque d’inconstitutionnalité, comment expliquez-vous donc aujourd’hui, monsieur le rapporteur, cette différence : les APL existent ici, mais pas là-bas ?
Nous vous demandons non pas une dérogation, mais une adaptation proportionnée. Les décisions du Conseil constitutionnel sont constantes sur ce point : nous pouvons le faire.
Comme Nassimah Dindar l’a expliqué précédemment, le cas du forfait logement est différent. Comment expliquer que l’on atteigne plus facilement le plafond du barème dans les zones tendues des outre-mer, comme c’est le cas en Île-de-France, et que le surloyer, ou supplément de loyer de solidarité (SLS), y soit payé plus vite ? Le Conseil constitutionnel, qui a été saisi de cette difficulté, indique pourtant qu’il n’y a pas de risque d’inconstitutionnalité…
Enfin, si j’étais atterré que la commission écarte les apports de l’Assemblée nationale, je suis estomaqué d’entendre que les loyers seraient plus faibles outre-mer et que l’inflation y serait au même niveau qu’en métropole. Comparons les données ! Le Sénat a récemment étudié la situation du logement dans les outre-mer…
M. le président. Merci de conclure, cher collègue.
M. Victorin Lurel. En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à voter ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Je suis très étonnée par ce que je viens d’entendre. Fin 2021, un rapport intitulé La politique du logement dans les outre-mer a été publié par la délégation sénatoriale aux outre-mer – Mme Jacques l’a évoqué. Les recommandations formulées dans ce rapport sont à cent lieues des propos du rapporteur pour avis !
Par ailleurs, certains bailleurs nous ont confié qu’ils étaient contraints de réduire les dimensions des pièces des logements afin de contenir les loyers à des niveaux acceptables. C’était pourtant avant la guerre en Ukraine, qui serait désormais la cause de toutes les augmentations de prix… Avant la guerre, les matériaux étaient déjà beaucoup plus chers et ils le sont encore. Il faut être réaliste !
J’ajoute que Mme Estrosi Sassone, auteur avec d’autres collègues d’un rapport intitulé « La politique de la ville, un tremplin pour les habitants », déplorait récemment sur Radio Caraïbes International la situation dans nos outre-mer.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, soyons cohérents. Nous devons travailler en toute transparence et défendre l’intérêt des populations. Adoptons les amendements identiques de nos collègues Théophile et Lurel !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Les amendements nos 387, 107 rectifié et 268 rectifié visent à rétablir les dispositions prévues dans l’amendement du député de Courson, à savoir la limitation à 2,5 % du glissement annuel de l’IRL. Efforçons-nous d’être dans le parallélisme, mes chers collègues !
Je souhaite toutefois revenir sur l’amendement n° 385, qui tend à rassembler les trois dispositions relatives aux ZRR, aux territoires d’outre-mer et à la Corse.
De telles dispositions relèvent effectivement de la différenciation territoriale. Mais il me semble que, dans cette enceinte, nous faisons régulièrement de la différenciation territoriale et que nous en avons même défendu le principe. C’est pourquoi j’ai un peu de mal à entendre que nous n’en ferions plus !
Il s’agit d’accompagner les ménages modestes dans des territoires fragilisés. La mesure proposée ne porte que sur une année et permettrait de réduire les conséquences, lourdes pour nos concitoyens, de l’augmentation des prix de l’énergie, du carburant et des loyers. Mises bout à bout, ces augmentations aboutiraient à une situation intenable.
Dans ce cadre, pourquoi choisir un aspect au détriment d’un autre ? Agissons sur plusieurs curseurs afin d’apporter des réponses adaptées à des publics cibles dans des territoires cibles.
M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Dans la même veine, et avec un brin de malice, je rappelle que le supplément de loyer de solidarité est payé outre-mer par tous les locataires, alors qu’il n’est pas payé par les locataires métropolitains. Une telle disposition serait-elle inconstitutionnelle ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. J’ai indiqué précédemment que les prix des denrées alimentaires dans les outre-mer étaient de 28 % à 38 % supérieurs à ceux de métropole. Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis, car vous avez confirmé que cet écart était encore plus important, de l’ordre de 48 %.
Quelle disposition avons-nous prise, mes chers collègues, dans ce texte portant mesures de protection du pouvoir d’achat, afin de remédier à cette injustice ?
Mme Sophie Primas. Ce sera dans le PLFR !
M. Pascal Savoldelli. Aucune, rien ne permettra de pallier cette difficulté alimentaire !
Par ailleurs, monsieur le rapporteur pour avis, vous vous appuyez sur le prix moyen du mètre carré en métropole. Mais le différentiel est tel entre les prix du foncier, et donc des loyers, de certains territoires qu’il n’est pas raisonnable de comparer cette moyenne avec celle des outre-mer. La Réunion, par exemple, figure dans le top 10 des départements de France ayant les loyers les plus élevés.
Vous évoquez enfin le risque d’inconstitutionnalité, mais lorsqu’il s’efforce de réparer une inégalité et une injustice, le législateur ne doit pas craindre un tel risque : nous proposons des réformes et faisons réparation.
Mes chers collègues, respectons nos travaux : nous avons tous déploré la sous-consommation des crédits alloués au logement et, sur toutes les travées, de droite comme de gauche, nous avons pointé le manque de visibilité de la politique du logement outre-mer…
M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Gelons les prix des loyers des logements outre-mer !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 269 rectifié.
M. Victorin Lurel. Je le retire, monsieur le président, ainsi que l’amendement n° 267 rectifié !
M. le président. Les amendements nos 269 rectifié et 267 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 107 rectifié et 268 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 387, 53 et 266 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 388.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vais lever la séance.
Nous avons examiné 161 amendements au cours de la journée ; il en reste 157.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 29 juillet 2022 :
À neuf heures cinquante-cinq, quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (texte de la commission n° 828, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 29 juillet 2022, à zéro heure cinquante-cinq.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. Philippe Mouiller, Mme Frédérique Puissat, MM. Daniel Gremillet, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Monique Lubin, MM. Franck Montaugé et Xavier Iacovelli ;
Suppléants : Mme Christine Lavarde, M. Bruno Belin, Mme Sophie Primas, M. Jean-Pierre Moga, Mme Corinne Féret, M. Henri Cabanel et Mme Cathy Apourceau-Poly.
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER