Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l’article.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 10 illustre selon moi ce qu’il est nécessaire de faire en matière de planification stratégique et de programmation, même si je m’associe évidemment aux propos de notre collègue Fabien Gay sur la nécessité d’un grand débat.
Lors de la discussion générale, j’évoquais la dimension stratégique des stockages souterrains. Cet article, dans sa rédaction actuelle, démontre notre impréparation et notre manque de réflexion stratégique en matière d’énergie.
Je reçois donc très positivement les propositions qu’il comporte et j’en appelle à la poursuite d’une véritable planification énergétique.
L’outil de stockage national se voit offrir la dimension stratégique et de résilience qui lui revient. C’est extrêmement positif. C’est pourquoi nous voterons évidemment cet article 10, ainsi que les éventuels amendements qui viendraient utilement le compléter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, je veux attirer votre attention sur les choix les plus pertinents à faire pour les outre-mer en matière d’approvisionnement énergétique, notamment au regard de son coût.
Il faut tenir compte, en plus du prix de la matière première, puisée en mer du Nord, du bilan carbone de cet approvisionnement, en particulier les surcoûts considérables engendrés par le transport – le prix du fret maritime est certes fluctuant en ce moment, mais il est constamment élevé –, des coûts liés au stockage, à la distribution et au raffinage, sans parler des nombreuses taxes qui s’appliquent et d’une certaine opacité dans la constitution des prix.
Il serait temps de mener une vraie réflexion sur les choix les plus pertinents pour nos territoires et la meilleure manière de maîtriser les coûts pour les consommateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. Je le dis à mon tour : nous n’étions pas préparés à une telle situation, et nous sommes nombreux à réclamer un débat de fond.
Je veux dire aussi très clairement que les écologistes soutiennent la France dans sa volonté d’en finir avec le gaz russe. Le bloc européen et démocratique doit continuer de faire pression sur la Russie pour que l’Ukraine, qui fait preuve d’un immense courage, gagne.
Nous défendrons d’ailleurs un amendement qui vise très clairement à interdire les importations de gaz russe, alors que certaines voix s’élèvent dans la classe politique française contre cet effort. Nous devons pourtant avoir ce courage, y compris pour stabiliser le climat au niveau mondial. Si l’Ukraine perd, le multilatéralisme s’effondrera et il n’y aura jamais d’accord global de stabilisation du climat. C’est aussi cela qui se joue en Ukraine.
Si nous partageons la nécessité de cet effort, nous voulons néanmoins insister sur deux points.
Premièrement, face à cette impréparation, il faut que la France accélère pour atteindre sa pleine autonomie énergétique. À cet égard, les propositions figurant dans le texte sont clairement insuffisantes. Il n’y a rien, notamment, sur la rénovation énergétique des logements, ce qui est incompréhensible, car une partie de notre autonomie se joue à travers de telles mesures.
Deuxièmement, nous devons faire preuve d’une transparence absolue et dire la vérité aux Français. Certains choix que vous formulez augmenteront l’empreinte carbone de la France dans les mois et les années à venir. Il faut l’assumer, madame la ministre, et ne pas raconter que le gaz naturel acheminé par pipeline et les gaz liquéfiés issus du gaz de schiste ont la même empreinte carbone.
Il faut assumer le coût carbone des choix que vous faites. Sans cette transparence, le débat ne pourra pas être à la hauteur des enjeux, qui sont aujourd’hui absolument considérables. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Je joins ma voix à celle de ceux qui estiment que ce débat est très important.
S’agissant du pouvoir d’achat des Français, deux questions se posent : celle sur les salaires et celle sur la facture énergétique. Or, comme on l’a déjà vu hier, ce texte ne comporte pas de propositions à la hauteur des enjeux.
TotalEnergies, ce producteur d’énergie majeur, dans lequel l’État a réellement un poids pour agir, a réalisé 18,6 milliards de dollars de profits au premier semestre 2022. Et pourtant, vous êtes prêts à vous satisfaire de la ristourne à la pompe votée par l’Assemblée nationale et de la remise supplémentaire proposée par l’entreprise, soit quelque 500 millions d’euros seulement ! Vous ne voulez pas taxer les superprofits, car Total a fait un geste ? Mais c’est ridicule !
Au-delà des débats stratégiques sur notre souveraineté énergétique, qui sont nécessaires, mais qui n’ont pas lieu, je soutiens l’effort de la France de se priver du gaz russe. Il ne faudrait pas pour autant qu’il soit remplacé par le gaz azéri, car on sait que l’Azerbaïdjan fait la guerre aux Arméniens… Veillons à prendre des décisions cohérentes et compréhensibles.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur Sautarel, je vous rappelle que le dispositif du chèque énergie a été renforcé et que les dépenses liées au fioul sont bien éligibles. En mars 2022, nous avons également rehaussé le montant des aides au changement de chaudière. J’ajoute qu’une aide aux ménages consommant du fioul figurera dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Vous le voyez, nous traitons le sujet.
Monsieur Gay, le bouclier tarifaire revient à bloquer les prix. Les montants inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances rectificative sont d’ailleurs loin d’être négligeables. Je ne peux donc pas vous laisser dire que le pays d’Europe qui a pris les mesures de blocage des prix les plus importantes, le nôtre, n’est pas au rendez-vous, mais nous pourrons en débattre lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative par la Haute Assemblée.
De même, je le redis, le chèque énergie a été renforcé. Vous en avez débattu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, et vous aborderez de nouveau ce point lors du projet de loi de finances pour 2023. Je vous assure que nous travaillons sur cette mesure.
Autre précision, le débat sur le mix énergétique aura bien lieu lors de l’examen du projet de loi Énergie-climat, qui se déroulera l’année prochaine au terme d’un débat public, comme le prévoit la loi Climat et résilience.
Madame Apourceau-Poly, je regrette que votre amendement ait été déclaré irrecevable. Comme vous le savez, votre combat est également celui du sénateur Dagbert et des élus du Pas-de-Calais. Je m’engage à travailler sur cette question du gaz de mine, car il est en effet absurde que ce gaz soit émis sans être utilisé, surtout en ce moment. Cela étant, je ne perds pas de vue qu’il sera nécessaire d’aborder les questions de sécurité avec Gazonor.
Monsieur Montaugé, vous pointez notre impréparation sur les stocks. Je rappelle que nous avons été le premier pays à mettre en place des stocks stratégiques de sécurité, dès 2018, bien avant la crise ukrainienne, et que nous sommes l’un des pays européens les plus en avance sur le remplissage de ces stocks. Par ailleurs, la menace de ralentissement, voire d’interruption de la distribution de gaz par le premier fournisseur européen n’était pas un événement si prévisible que cela…
Madame Jasmin, la situation des DOM-TOM est très particulière. Il faut en effet s’attaquer sérieusement à cette question des zones non interconnectées. Je me tiens à votre disposition, ainsi que M. Carenco, le ministre des outre-mer, qui connaît bien le sujet et qui a des idées assez précises sur la meilleure façon d’améliorer les choses.
Monsieur Dantec, les crédits consacrés à la rénovation énergétique seront abondés dans le projet de loi de finances rectificative. Vous aurez donc l’occasion d’aborder ce sujet la semaine prochaine.
Je partage votre ambition s’agissant de l’autonomie énergétique de la France. En revanche, soyons clairs : ce projet de loi d’urgence ne constitue pas l’alpha et l’oméga de notre politique énergétique. Comme vous le savez sans doute, un projet de loi d’accélération de la transition énergétique, qui devrait être soumis d’abord au Sénat, sera examiné à la rentrée. Quoi qu’il en soit, nous ne dévions pas de la trajectoire de réduction de notre empreinte carbone et respectons les engagements pris dans le cadre des accords de Paris.
Enfin, monsieur Assouline, vous mentionnez en creux la taxe sur les superprofits. Je rappelle simplement que le sujet ne se pose peut-être pas exactement de la même manière dans notre pays, le pays qui taxe le plus les entreprises, que dans d’autres pays. Même en considérant les surtaxes appliquées par certains États, la France reste le pays d’Europe et de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui taxe le plus les entreprises.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 51 amendements ce matin.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Pierre Laurent.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’examen des amendements à l’article 10.
L’amendement n° 207, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa de l’article L. 421-3-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles ne peuvent stocker du gaz à compter du 1er janvier 2023 en provenance d’un État visé par des sanctions internationales en raison d’actes de guerre. » ;
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Depuis le 15 juin, la France ne reçoit plus de gaz russe par gazoduc, ce qui correspond à la majeure partie du gaz que nous importons de Russie.
Toutefois, pour être parfaitement cohérents, nous visons à travers cet amendement un embargo total sur le gaz russe, même sur la part minoritaire qui n’est pas acheminée par gazoduc. Ce faisant, à la fin de l’année, la France ne financerait plus du tout la guerre menée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine.
Afin de limiter notre dépendance, nous défendons une mobilisation générale et immédiate, en particulier pour encourager les travaux de rénovation thermique.
Madame la ministre, l’année dernière, à peine 3 000 logements ont fait l’objet d’une rénovation globale, alors qu’il faudrait en rénover des centaines de milliers. Nous sommes donc bien loin de la trajectoire envisagée.
En cette période de Tour de France féminin, je vous invite à changer de braquet : il faut vraiment aller beaucoup plus loin et beaucoup plus vite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Si l’objectif des auteurs de l’amendement est sans doute louable, la mesure n’est pas souhaitable.
D’abord, la dépendance de la France au gaz russe est limitée – celui-ci ne représente que 17 % du gaz consommé en France en 2021.
Ensuite, dans le cadre du plan REPowerEU, la Commission européenne s’est résolument engagée à sortir des hydrocarbures russes d’ici à 2027. Les importations de charbon cesseront à compter du mois d’août et 90 % des importations de pétrole d’ici décembre. S’agissant du gaz, une baisse de 15 % de la consommation a été proposée par la Commission.
Tel qu’il est rédigé, le dispositif constituerait une surtransposition, dans la mesure où la proposition de règlement européen sur le stockage ne prévoit aucune obligation ou faculté de préciser la provenance du gaz stocké.
Enfin, le champ de la mesure est flou : il n’est pas certain qu’elle viserait seulement la Russie, et je rappelle de surcroît que nous n’arrivons pas, aujourd’hui, à identifier la provenance des molécules de gaz et à déterminer si elles sont issues de Russie ou d’ailleurs.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. J’ai bien entendu les explications de M. le rapporteur pour avis, mais c’est aujourd’hui que nous avons besoin d’un embargo sur le gaz russe et que notre sécurité immédiate à tous est en jeu.
Aider l’Ukraine est devenu un impératif moral absolu. Pourtant, au-delà des effets d’annonce, nous ne faisons pas grand-chose… Le montant de l’aide militaire française s’élève à 160 millions d’euros, ce qui nous place en queue de classement des 37 pays ayant apporté un soutien à l’Ukraine. Nous nous situons derrière la Grèce et la Lettonie !
S’il est problématique de ne pas soutenir suffisamment l’Ukraine, il est aussi inacceptable de financer activement son agresseur, la Russie. Dans les cent premiers jours de la guerre, notre pays a alimenté la machine de guerre russe à hauteur de 4 milliards d’euros, sous la forme de paiements pour la livraison d’hydrocarbures.
À l’échelle de l’Union européenne, aujourd’hui, ce sont plus de 73 milliards d’euros qui ont été versés au criminel de guerre Vladimir Poutine.
Si certains pays européens ont fait des efforts, ce n’est pas le cas de la France, qui est devenue la plus grande importatrice mondiale de gaz naturel liquéfié (GNL) russe, notamment au cours des mois d’avril et de mai 2022.
Quand allons-nous enfin agir ? Quand allons-nous mettre un terme à ce financement direct d’une guerre atroce en Europe ?
La France a une tradition plus que discutable, celle de détourner trop facilement les yeux de ses valeurs, dès lors qu’il s’agit d’importer des biens énergétiques. C’est le cas avec le pétrole : hier encore, nos liens avec les pétromonarchies autoritaires du Golfe ont été réaffirmés ; c’est le cas également pour l’uranium, que l’on fait venir à grands frais de régimes peu recommandables, comme le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan.
Mes chers collègues, il est temps de mettre un terme à cette politique criminelle : votez l’embargo sur le gaz russe proposé par mon collègue Daniel Salmon et restaurez ainsi l’honneur de la France !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous saisir de façon extrêmement solennelle.
La présidente de la Commission européenne est allée à Bakou le 18 juillet dernier pour préparer la négociation d’un contrat de gaz. Elle a déclaré à cette occasion que l’Azerbaïdjan était un « partenaire fiable ».
Je crains qu’elle n’ait pas bien compris ce qu’était l’Azerbaïdjan. Il nous revient donc de lui rappeler que la manne du gaz azéri a permis de financer une guerre terrible de quarante-quatre jours, menée avec l’aide de la Turquie et de supplétifs terroristes contre une population qui a vu sa jeunesse complètement décimée par un conflit de très haute intensité, qui s’est déroulé à nos portes.
Je ne peux imaginer un seul instant que nous considérions dans cette enceinte que l’invasion de la République d’Artsakh par l’Azerbaïdjan soit moins grave que l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les deux peuples ont tout autant souffert.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que nous avons voté à la quasi-unanimité moins une voix la reconnaissance de la République d’Artsakh ?
Alors que le président Macron a fait part à plusieurs reprises de l’amitié historique qui nous lie à l’Arménie, serions-nous prêts aujourd’hui à financer son adversaire historique, dont l’intention est très clairement de supprimer l’Arménie ?
Madame la ministre, il faut absolument que la France parle d’une voix forte auprès de l’Europe. Nous ne pouvons pas vendre notre honneur contre un plat de lentilles ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je sais que nous n’importons plus de gaz russe par gazoduc.
Toutefois, malgré mes recherches, je n’ai pas trouvé la quantité exacte de gaz russe que nous continuons d’importer. Pouvez-vous m’apporter cette précision, madame la ministre, et me dire par quel moyen nous l’acheminons ? Par ailleurs, comment pouvons-nous arrêter ces importations ?
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Cet amendement est intéressant, notamment parce qu’il nous invite à privilégier une approche très pragmatique.
Dans cette optique, madame la ministre, comment la France se prépare-t-elle, d’une manière générale et au-delà de la problématique spécifique des territoires en guerre, au tarissement des sources de gaz naturel en provenance de l’étranger qu’elle utilisait jusqu’ici ?
Ce sujet est une source d’inquiétude pour nous. Il serait bon que vous donniez aux Français consommateurs de gaz naturel des indications sur la méthode et la démarche que vous entendez suivre, qui soient de nature à les rassurer dans un contexte géopolitique éminemment complexe.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je tiens à remercier Daniel Salmon et le groupe écologiste d’avoir ouvert ce débat au travers de leur amendement.
Personne ici, me semble-t-il, ne s’oppose fondamentalement au principe d’assécher financièrement les responsables de l’invasion de l’Ukraine. C’est dans cette perspective que la question du gaz se pose, même si celle-ci ne sera pas réglée par un simple amendement.
Je vous le redis, madame la ministre : vous devez proposer une autre méthode. De notre côté, nous réclamons un grand débat sur la souveraineté énergétique de notre pays.
À défaut de gaz russe, auprès de qui allons-nous nous fournir ? On nous parle de la Norvège et de l’Algérie ; or ces pays ne disposent pas de surcapacités de production. Mon collègue Pierre Ouzoulias a en outre raison : il n’est guère préférable de se servir en Azerbaïdjan qu’en Russie.
La solution ne passe pas non plus par un approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL), autrement dit le gaz de schiste américain, ou par un ravitaillement auprès du Qatar, qui n’est pas, on le sait bien, la plus grande des démocraties. Quant à l’Australie, des importations en provenance de ce pays signifieraient que le gaz importé ferait deux fois le tour de la planète.
Vous le voyez, je suis bien conscient de la complexité du sujet. Pour ma part, je suis favorable à l’arrêt des importations de gaz russe, mais je m’oppose à ce que nous le remplacions par du gaz en provenance de l’Azerbaïdjan ou par du gaz de schiste américain.
Sur toutes ces questions, madame la ministre, il est essentiel que nous prenions le temps du débat parlementaire, en nous fondant sur des études concrètes qui nous permettront d’avoir toutes les données en tête.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Sans vouloir allonger indûment les débats, je me dois de souligner que le sujet est en effet complexe.
Je précise tout d’abord que les mesures qui ont été prises au niveau européen et qui, j’y insiste, sont respectées par tous les pays, consistent en des sanctions massives et significatives à l’encontre de la Russie. L’embargo porte déjà sur le charbon et sur le pétrole, y compris ses composants raffinés.
Ensuite, même si la France est plutôt moins dépendante du gaz russe que d’autres pays européens situés géographiquement plus à l’est, cette dépendance rend encore plus sensible la question de la sortie des énergies fossiles.
Je le rappelle, faire de la France la première grande nation à sortir de ces énergies est la priorité du Président de la République. C’est tout le débat que nous avons eu lors de l’examen du projet de loi Énergie-climat, et c’est sur ce point que vous serez appelés à prendre position, y compris d’ailleurs dans le cadre des travaux menés par la Commission nationale du débat public dans le courant de l’année.
Enfin, j’entends votre demande, monsieur le sénateur Gay, d’un débat parlementaire sur ces questions énergétiques. Je crois savoir – je ne m’avancerai toutefois pas davantage sur ce point aujourd’hui – qu’elle est étudiée avec bienveillance par le ministère chargé des relations avec le Parlement.
M. Pierre Ouzoulias. Et l’Azerbaïdjan alors ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 207.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 254 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 239 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 72 rectifié bis, présenté par MM. Chaize, Mouiller et D. Laurent, Mmes Di Folco et Jacques, MM. Brisson, Paccaud, Chatillon et Somon, Mme Gruny, MM. Tabarot, Daubresse, J.P. Vogel et Frassa, Mmes Canayer, Demas, Puissat, Lassarade et Chauvin, MM. Savary, J.B. Blanc et Belin, Mme Mercier, MM. B. Fournier et Bouchet, Mme Dumont, MM. Sido, Genet, Anglars, Charon, Mandelli et C. Vial, Mme Imbert, M. Piednoir et Mmes Férat et Lopez, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rétablir le 1 dans la rédaction suivante :
1° Au premier alinéa de l’article L. 421-6, les mots : « soit aux fournisseurs, soit aux opérateurs de stockage, soit aux fournisseurs et aux opérateurs de stockage » sont remplacés par les mots : « aux fournisseurs » ;
II. – Alinéa 14
Rétablir le 3 dans la rédaction suivante :
3° Au quatrième alinéa de l’article L. 452-1, les mots : « les coûts mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 421-6, » sont supprimés.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Le dispositif dit de « filet de sécurité », qui est actuellement en vigueur, prévoit que les opérateurs de stockage et les fournisseurs constituent des stocks complémentaires, dans la mesure où le niveau souscrit avant le début de l’hiver est inférieur au niveau des stocks minimaux défini par arrêté. Or ce dispositif n’a malheureusement jamais été activé et sa mise en œuvre se révèle complexe.
Dans son projet de loi initial, le Gouvernement proposait de supprimer cette charge pour les opérateurs de stockage, en contrepartie de la nouvelle obligation qui leur est faite de constituer des stocks de sécurité. Cette évolution apportait une clarification bienvenue en faisant des fournisseurs les seuls responsables de l’alimentation en gaz des consommateurs.
Le présent amendement a pour objet de revenir à cette version du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement n’est pas opportun, car il vise à supprimer un dispositif de stockage, celui des stocks complémentaires, qui est utile en période de crise.
Actuellement, ces stocks sont attribués facultativement « en dernier recours » et après vente aux enchères ; leur coût est répercuté dans les tarifs d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel. Au total, ils sont donc peu contraignants pour les opérateurs.
J’ajoute qu’au cours de mes auditions je n’ai relevé aucune demande forte de la part de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ou des opérateurs de stockage de suppression de ce dispositif.
Par ailleurs, le fait de rétablir la référence aux stocks de sécurité dans les coûts supportés par les opérateurs, sans pour autant fixer de délai, aurait pour effet de supprimer, avec un effet rétroactif, la prise en compte financière de ces stocks dans les tarifs actuels. De ce fait, la mesure envisagée n’est pas suffisamment protectrice pour lesdits opérateurs.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 72 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 433, présenté par M. Lemoyne et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, en prenant en compte les principes fixés par le décret prévu au quatrième alinéa du présent article
II. – Alinéa 8
1° Supprimer les mots :
en Conseil d’État
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, en particulier les principes de constitution des stocks de sécurité par les opérateurs des infrastructures de stockage et de cession de ces stocks
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Par cet amendement, nous proposons de renvoyer à un décret simple, et non à un décret en Conseil d’État, la mise en œuvre du mécanisme prévu à l’article 10.
Nous examinons un projet de loi d’urgence, qui fixe notamment des objectifs de remplissage au 1er novembre prochain. Or nous sommes bientôt le 1er août, et chaque jour compte, quel que soit le respect que nous avons pour le Conseil d’État et ses services.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Il n’est pas souhaitable d’adopter cet amendement, car il tend à revenir sur certains apports de la commission, en particulier le fait de confier à la CRE la détermination des modalités de constitution et de cession des stocks dans un souci de décentralisation. Il s’agit là d’une demande des opérateurs de stockage et de la CRE elle-même.
En outre, la Commission de régulation de l’énergie dispose déjà de nombreuses compétences en matière de sécurité et d’approvisionnement, puisqu’elle est chargée, en application des articles L. 143–5 et L. 143–6 du code de l’énergie, de proposer et de surveiller la mise en œuvre des mesures conservatoires prises en matière d’électricité comme de gaz.
Enfin, si notre commission a prévu un renvoi à un décret en Conseil d’État, c’est pour préserver la sécurité juridique d’un dispositif, dont les implications, notamment financières, sont très importantes. Cette référence n’en ralentit pas pour autant la mise en place.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.