M. Bruno Retailleau. La sobriété, c’est ce qui va nous permettre de faire face à la crise énergétique et de lutter contre le réchauffement climatique. Mais, concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? On ne saurait se satisfaire des positions toujours un peu lénifiantes par lesquelles on résume souvent la situation : d’un côté, le vieux discours de la « chasse au gaspi », qui est incantatoire ; de l’autre, l’appel façon mère fouettarde à se balader dans les rues de Paris et de province pour infliger des contraventions aux commerçants dont les portes resteraient ouvertes alors que leurs magasins sont, au choix, trop chauffés ou trop rafraîchis…

Le meilleur moyen, c’est l’effacement. Or, si l’effacement fonctionne avec les industriels, il ne fonctionne plus avec les particuliers.

Il y a vingt ans, les fameux tarifs d’effacement des jours de pointe (EJP) et Tempo nous permettaient d’effacer l’équivalent de 6 gigawatts de consommation. Vingt ans après, c’est dix fois moins ! En d’autres termes, cela ne fonctionne plus.

Comment fait-on pour que cela fonctionne à nouveau ? On utilise les outils modernes.

La France bénéficie d’un des réseaux les plus modernes d’Europe. Notre pays dénombre ainsi 36 millions de compteurs Linky, qui sont des compteurs intelligents.

Voilà donc très concrètement, en trois points, quelle est ma proposition – je la présente sous la forme d’une demande de rapport, parce qu’il n’était pas possible, j’en ai conscience, de créer maintenant, de but en blanc, un tel dispositif, d’où le délai de quatre mois que je vous soumets : premièrement, créer un service public de l’effacement, dont la gestion pourra revenir soit à EDF soit à Enedis, au fournisseur ou au transporteur ; deuxièmement, déterminer un tarif d’effacement auquel seront rémunérés les particuliers – au lieu de faire des leçons de morale aux Français, on leur restitue du pouvoir d’achat, comme on l’a fait avec la redevance incitative pour les déchets ménagers ; troisièmement et enfin, pour mettre en œuvre ce dispositif, utiliser le boîtier intelligent comme boîtier d’effacement.

Ce sera tout bénéfice pour le pouvoir d’achat – un ménage qui se chauffe à l’électricité peut gagner près de 400 euros par an –, pour la facture énergétique française – nos capacités d’effacement représentent l’équivalent de la production de 2,5 EPR – et pour la planète.

Merci d’entendre ce plaidoyer !

Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Les économies d’énergie auxquelles contribuent les effacements de consommation sont cruciales pour assurer notre sécurité d’approvisionnement. L’adoption de cet amendement serait, à cet égard, tout à fait utile pour appuyer les démarches engagées.

M. le président Retailleau ne m’en voudra pas, néanmoins, d’amender son propos : compte tenu du choix que la France a fait, qui est celui du tout-électrique et des batteries, on pourrait envisager de donner une ampleur considérable à un système de stockage destiné aux particuliers, permettant de réinjecter de l’énergie dans le réseau à certaines heures.

Cela étant dit, la commission est favorable à cet amendement.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cette proposition va dans le sens des travaux que nous avons engagés. Je rappelle que, le 7 juillet dernier, j’ai écrit à l’ensemble des énergéticiens pour leur demander de mettre à disposition des Français des outils qui permettraient à ces derniers de tirer bénéfice, par un effet sur leur pouvoir d’achat, de véritables actes de sobriété.

À cette fin, il faut que nos concitoyens disposent en temps réel, autant que possible, de données relatives à leur consommation.

Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que, de ce point de vue, la France est très bien équipée grâce au déploiement de boîtiers électriques. Mais seuls 15 % des Français suivent leur consommation de manière régulière. Or l’on constate dans les très petites entreprises que le simple fait de suivre sa consommation, donc d’avoir ce sujet à l’esprit, permet de réduire de 5 % à 10 % sa consommation électrique, via l’identification des capacités d’effacement notamment.

Il faut, de surcroît, que l’effacement ait une traduction tarifaire. Je ne saurais vous dire, à ce stade, si cela doit signifier répondre à un signal en arrêtant sa consommation en échange d’une baisse de tarif ou si cela doit prendre la forme d’options du type « heures pleines, heures creuses » ou EJP.

Tout cela doit être examiné, et doit l’être y compris au regard des inquiétudes des associations de consommateurs, qui ont pu, dans le passé, dénoncer les tarifs « heures pleines, heures creuses » comme défavorables aux ménages. Il faut rassurer et créer de la confiance.

Voilà pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat. La rédaction d’un rapport nous permettra d’interroger de nouveau nos énergéticiens et, peut-être, de construire plus rapidement des offres adéquates.

En parallèle, nous allons lancer dans les prochains jours l’appel d’offres « effacements indissociables de la fourniture ». Tout cela va dans le même sens.

Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Au moment de la mise en œuvre de Linky, voilà quelques années, les écologistes – je me souviens encore de nos débats – avaient énormément insisté pour dire que ce compteur, tel qu’il était conçu, ne servirait pas à accompagner les changements de comportement.

Nous constations par exemple, très simplement, que le boîtier Linky ne permettait pas au consommateur de savoir immédiatement depuis sa cuisine, via un quelconque système d’affichage, à quelle heure il fallait ou non consommer et combien cela lui coûtait. « Pour que les consommateurs aient accès à ce type de services, ils paieront un boîtier supplémentaire », nous répondait-on à l’époque ! Voilà quelle est la logique qui a présidé au déploiement de Linky…

Et, à l’époque – pardonnez-moi de le dire –, nous n’avons reçu strictement aucun soutien de la part de la majorité sénatoriale !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Merci pour cet exercice d’archéologie législative…

M. Ronan Dantec. La crainte, alors, était de ne pas réussir à vendre l’électricité française.

Je suis, sinon ravi, du moins stupéfait que Bruno Retailleau finisse par rejoindre les positions que nous défendions alors dans un océan d’indifférence. Aurions-nous eu raison avant tout le monde ? Ce ne serait pas la première fois…

M. René-Paul Savary. Ça va, le nombril ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ronan Dantec. La même chose s’est passée à propos des centrales nucléaires : à toutes les construire sur le même modèle, disions-nous, elles vieilliront et se retrouveront en carafe en même temps – c’est ce qui arrive.

Vraiment, comment a-t-on pu rater des choses aussi simples ?

Je ne suis pas contre la remise d’un rapport. On nous a répondu, hier, qu’il ne fallait pas demander de rapports,…

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Sauf quand c’est M. Retailleau qui demande ! (Sourires.)

M. Ronan Dantec. … que c’était là un axiome de base du Sénat. Quand c’est le président Retailleau qui souhaite qu’un rapport soit remis, je note que la théorie change un peu… (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)

Je n’ai rien contre cette demande. Mais, le moment venu, il faudra bien vous demander pourquoi, à l’époque, vous avez refusé de suivre nos propositions.

Mme le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », écrivait La Fontaine dans Les Animaux malades de la peste. Vous n’avez certainement pas la peste, mon cher collègue Retailleau ; en tout cas, vous avez un rapport ! (Sourires.) Nous allons voter votre amendement, car, sur le fond, nous y sommes favorables.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, lorsque, de temps à autre, vos oppositions diverses et variées suggéreront la remise d’un rapport parce qu’elles l’estiment utile pour l’amélioration de nos connaissances, pour la détermination de nos positions et pour la défense des intérêts de nos concitoyens, j’espère que vous envisagerez la possibilité que nous ayons raison comme a raison, aujourd’hui, le président du groupe majoritaire de la Haute Assemblée…

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je découvre avec une certaine stupéfaction l’amendement du président Retailleau. Je pensais qu’il croyait à la grandeur de la France, à sa souveraineté économique et énergétique ! Et voilà qu’il considère – c’est ce qu’induit cet amendement, dont il importe peu qu’il prenne la forme d’une demande de rapport – qu’en définitive nous ne sommes plus une grande puissance et qu’il va falloir, demain, demander des efforts aux Français et faire accepter à une part d’entre eux de ne plus avoir accès à l’électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre…

Chers collègues de la majorité sénatoriale, M. Dantec l’a rappelé à juste titre : nous vous avions alertés, à l’époque, sur le déploiement du compteur Linky en insistant sur deux questions. Il ne s’agissait ni des ondes ni de la possibilité de contrôler la consommation des particuliers.

Premièrement, Linky allait permettre de couper l’électricité ou d’en restreindre l’accès à distance, sans dialogue.

Deuxièmement, on finirait par proposer à ceux qui sont en situation de précarité énergétique ou qui n’arrivent plus à payer leurs factures des tarifs « adaptés » : puisque vous n’avez pas les moyens de vous payer l’électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, payez-vous un tarif « effacement », et vous aurez accès à l’électricité quelques heures par jour !

Eh bien, nous y sommes : nous mettons le doigt dans cet engrenage. Si vous commandez un rapport, c’est que vous estimez que ceux qui l’écriront vous donneront raison, en justifiant de demander aux opérateurs d’appliquer de telles mesures.

En résumé, nous ne sommes d’accord ni sur le fond ni sur la forme.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je tiens simplement à répondre à M. Gay sur un point : notre trajectoire de réduction des émissions de carbone comprend un effort de réduction de notre consommation d’énergie de 40 % à usage constant. Cela suppose de donner à tout un chacun les moyens de s’inscrire dans un tel effort – et je ne crois pas avoir entendu M. Retailleau dire que seuls les précaires énergétiques étaient concernés.

Cela tombe bien : ce n’est pas aux précaires énergétiques que nous allons demander de faire des économies,…

M. Fabien Gay. Vous allez faire payer les riches ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … pour la bonne et simple raison que leur empreinte carbone est déjà conforme à la cible fixée à l’horizon 2050 – je ne parle pas de ceux qui vivent dans des passoires thermiques ; ceux-là, nous devons les en sortir.

Cela dit, la question n’est pas là. Voici ce qui doit nous occuper : il faut donner les moyens à tous ceux qui ne sont pas en situation de précarité énergétique, soit 88 % de la population – ce n’est pas rien… –, beaucoup de TPE et d’autres acteurs de tailles diverses, y compris les collectivités territoriales, non seulement de piloter leur consommation, mais de s’y retrouver.

Dans les années 1970, personne ne considérait que les tarifs « heures pleines, heures creuses » étaient une insulte aux plus précaires.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Permettez-moi de revenir un instant sur cette demande de rapport.

Évidemment, j’aurais préféré créer, par exemple, un service public de l’effacement. Mais je dis au président Kanner que son vote donnera à son groupe un à-valoir qui lui sera rendu lors de votes futurs !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Cela n’engage que le président Retailleau… (Sourires.)

M. Bruno Retailleau. Je réponds à présent à Fabien Gay : j’ai, par le passé, souscrit l’offre EJP ; je suis désormais abonné à l’option Tempo. L’hiver dernier, pendant des jours et des jours, mon boîtier s’éclairait en rouge, ce qui voulait dire pas de lave-linge, pas de lave-vaisselle, etc. Ce que je propose aujourd’hui est un système intelligent : les ménages ayant inscrit leurs préférences, le boîtier détectera les appareils énergivores et déclenchera des microcoupures de dix minutes. C’est bon pour la sobriété, c’est bon pour l’économie française et c’est bon pour le pouvoir d’achat !

Je ne suis pas en train de vous « vendre », avec la sobriété, une solution consistant par ailleurs à arrêter le programme électronucléaire français. Non ! Je veux que ce programme soit relancé ; mais il faut être réaliste.

Il faut à la fois relancer la production d’électricité nucléaire – et d’électricité renouvelable – et promouvoir la sobriété. La sobriété fera du bien à tout le monde ! Je pense par exemple aux 3 millions de foyers qui se chauffent actuellement au fioul ; il va falloir électrifier leur chauffage. Le gain en pouvoir d’achat se paiera d’une coupure de dix minutes le matin et d’une autre de dix minutes l’après-midi, rien de plus : le chauffage se règle et vous l’avez, la chaleur ! C’est bon aussi, justement, pour la grandeur de la France. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES AU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

Article additionnel après l'article 19 - Amendement n° 47 rectifié
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat
Article additionnel après l'article 20 - Amendement n° 277 rectifié

Article 20

I. – Le titre II du livre II de la troisième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° A (nouveau) Au troisième alinéa de l’article L. 3221-1, au 4° de l’article L. 3221-2 et au troisième alinéa de l’article L. 3221-4, le mot : « carburant » est remplacé par les mots : « produits énergétiques » ;

1° L’article L. 3222-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du I, les mots : « de carburant » sont remplacés par les mots : « de produits énergétiques de propulsion » et les mots : « du carburant » sont remplacés par les mots : « de ces produits » ;

b) À la seconde phrase du même I, le mot : « carburants » est remplacé par les mots : « produits énergétiques de propulsion » ;

c) À la première phrase du II, les mots : « carburant nécessaire » sont remplacés par les mots : « produits énergétiques nécessaires » et les mots : « du carburant utilisé » sont remplacés par les mots : « de ces produits utilisés » ;

d) À la seconde phrase du même II, le mot : « carburant » est remplacé par les mots : « produits énergétiques » ;

2° L’article L. 3222-2 est ainsi modifié :

a) La première phrase du I est ainsi modifiée :

– les mots : « les charges de carburant » sont remplacés par les mots : « les charges de produits énergétiques de propulsion » ;

– les mots : « au jour de la commande de transport » sont remplacés par les mots : « à la date du contrat » ;

– les mots : « du gazole » sont remplacés par les mots : « de ces produits » ;

– les mots : « des charges de carburant » sont remplacés par les mots : « des charges de ces produits » ;

b) La deuxième phrase du même I est ainsi modifiée :

– les mots : « carburant la variation de l’indice gazole publié » sont remplacés par les mots : « produits énergétiques la variation des indices de ces produits publiés » ;

– après le mot : « routier », sont insérés les mots : « ou, par défaut, de l’indice relatif au gazole publié par ce comité, » ;

– à la fin, les mots : « de la commande de l’opération de transport à sa date de réalisation » sont remplacés par les mots : « du contrat à la date de réalisation de l’opération de transport » ;

b bis) (nouveau) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « En l’absence d’indice synthétique du Comité national routier définissant la part des charges des produits énergétiques dans le prix du transport, la part retenue de ces charges est celle relative au gazole publiée par ce comité. » ;

c) À la dernière phrase dudit I, le mot : « carburant » est remplacé par les mots : « produits énergétiques de propulsion » ;

d) La première phrase du II est ainsi modifiée :

– les mots : « les charges de carburant » sont remplacés par les mots : « les charges de produits énergétiques » ;

– les mots : « au jour de la commande » sont remplacés par les mots : « à la date du contrat » ;

– les mots : « du gazole utilisé » sont remplacés par les mots : « de ces produits utilisés » ;

– les mots : « carburant nécessaire » sont remplacés par les mots : « ces produits nécessaires » ;

e) La deuxième phrase du même II est ainsi modifiée :

– les mots : « carburant la variation de l’indice gazole utilisé » sont remplacés par les mots : « produits énergétiques la variation des indices de ces produits utilisés » ;

– le mot : « publié » est remplacé par le mot : « publiés » ;

– à la fin, les mots : « sur la période allant de la date de la commande de l’opération de transport à sa date de réalisation » sont remplacés par les mots : « ou, par défaut, de l’indice relatif au gazole utilisé pour le fonctionnement de ces groupes publié par ce comité, sur la période allant de la date du contrat à la date de réalisation de l’opération de transport » ;

e bis) (nouveau) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « En l’absence d’indice synthétique du Comité national routier définissant la part des charges des produits énergétiques utilisés pour le fonctionnement de ces groupes dans le prix du transport, la part retenue de ces charges est celle relative au gazole utilisé pour le fonctionnement de ces groupes publiée par ce comité. » ;

f) À la dernière phrase dudit II, le mot : « carburant » est remplacé par les mots : « produits énergétiques ».

II. – (Non modifié) Les articles L. 3222-1 et L. 3222-2 du code des transports, dans leur rédaction résultant du présent article, s’appliquent aux contrats de transport conclus à compter du 1er janvier 2023.

III. – (Non modifié) Le VIII bis de l’article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est abrogé.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, sur l’article.

M. Stéphane Sautarel. Cet article prévoit une extension du mécanisme d’indexation gazole. S’il est plutôt de nature technique et juridique, il m’offre l’occasion d’intervenir plus généralement sur les conditions de soutenabilité de la transition énergétique pour les poids lourds et les véhicules utilitaires au sens large.

Ce sujet revêt plusieurs enjeux relatifs aux coûts, au marché de l’occasion, aux services et à l’aspect industriel ; nous avons déjà eu l’occasion de l’aborder, mais il nous faudra l’appréhender dans toutes ses dimensions. Il s’agit là, en effet, d’ajuster un système dont nous savons qu’il ne suffira pas : il nécessitera de revoir la trajectoire de la transition.

Cette intervention me permet également de faire valoir une proposition, l’amendement que j’avais déposé à ce sujet ayant été déclaré irrecevable en application de l’article 45 de la Constitution. Il s’agissait de toute façon d’une demande de rapport, ce qui aurait fait deux propositions de cette nature en quelques minutes, ne laissant guère de chances à la mienne d’aboutir… J’y reviens néanmoins sous forme de deux réflexions autour du prix des carburants.

Nous avons, d’une part, à nous interroger collectivement sur l’encadrement du prix des carburants. En milieu rural, il n’existe pas d’autre solution de transport que la route, et c’est souvent dans les territoires les plus éloignés que le tarif des carburants est le plus élevé. Je souhaitais donc demander au Gouvernement un rapport visant à explorer la piste d’un tel encadrement.

Je plaide, d’autre part, pour que nous réfléchissions à la détermination d’un prix cible pour ces mêmes carburants. Ce prix cible vaudrait objectif permettant de rendre la transition énergétique à la fois irréversible et soutenable ; il pourrait de surcroît s’assortir d’un fonds de péréquation destiné à amortir les fluctuations dans un sens ou dans l’autre.

Mme le président. Je mets aux voix l’article 20.

(Larticle 20 est adopté.)

Article 20
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat
Article 20 bis (nouveau)

Après l’article 20

Mme le président. L’amendement n° 277 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mmes Conconne et Artigalas, MM. Bouad et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Cardon, Mme Lubin, M. Kanner, Mme Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et M. Filleul, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Féraud, Jacquin, P. Joly, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Michau et Pla, Mme Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione et Tissot, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le sixième alinéa de l’article 24 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État dans chaque territoire concerné réunit, chaque trimestre, les organisations professionnelles éligibles à cette aide pour les informer de l’état de consommation des crédits ouverts en loi de finances et des modalités à remplir pour en bénéficier. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Nous approchons du terme de la discussion et j’avoue éprouver quelques regrets : nous, représentants des outre-mer, aurions aimé percevoir au moins quelque considération et quelque égard pour la situation réelle de nos territoires.

Par exemple, nous aurions apprécié de voir bloquer le prix des billets d’avion. Cela vous paraît peut-être un détail, mes chers collègues, mais venez en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion : vous verrez que le prix des billets est inabordable. Nous aurions également apprécié de voir bloquer le prix des carburants au-delà de la remise de 18 centimes.

L’État dispose ; or l’État a en main tous les instruments nécessaires pour bloquer les prix et discuter avec ce monopole qu’est la société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), qui fait par ailleurs son travail.

Je poursuis ma liste d’exemples. Nous aurions aimé voir le Gouvernement s’intéresser au coût du fret : le prix du conteneur est passé de 400 à 1 500 euros, comme le rappelait Nassimah Dindar ! L’État a les moyens d’agir en ce domaine ; la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer les lui donne, même sans débat, puisque le corpus existe.

Avec cet amendement, nous demandons, non pas un rapport, mais une réunion : le préfet, ou le représentant de l’État dans chaque territoire, réunirait tous les trois mois l’ensemble des acteurs et partenaires intéressés pour qu’au moins les crédits que nous votons en loi de finances soient consommés.

Mme le président. Votre temps de parole est écoulé, mon cher collègue.

M. Victorin Lurel. Je compléterai mon argumentaire dans la suite du débat.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?

M. Bruno Belin, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, sur le fond, je comprends votre demande ; mais certains dispositifs existants la satisfont déjà, des commissions préfectorales notamment.

Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit en réalité d’un amendement d’appel visant à attirer l’attention du Gouvernement sur le coût de la vie outre-mer, et en particulier sur le coût du fret.

Vous le savez, monsieur Lurel, ce sujet est suivi de près ; Bruno Le Maire est allé jusqu’à intervenir auprès de l’une de nos grandes compagnies affréteuses pour faire baisser les coûts en question.

Tout en vous suggérant de retirer votre amendement, je transmets évidemment votre demande, qui me paraît légitime, à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

Mme le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Au bénéfice des engagements pris par Mme la ministre, je retire mon amendement.

Mme le président. L’amendement n° 277 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 20 - Amendement n° 277 rectifié
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat
Article 21

Article 20 bis (nouveau)

I. – La section 6 du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« Prêt à taux zéro pour lachat dun véhicule lourd propre affecté au transport de marchandises

« Art. L. 224-68-2. – I. – Les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionnés à l’article L. 511-1 du code monétaire et financier peuvent consentir un prêt ne portant pas intérêt aux personnes physiques et morales pour financer l’acquisition d’un véhicule lourd peu polluant affecté au transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 2,6 tonnes et qui utilise exclusivement une ou plusieurs des énergies suivantes :

« 1° Le gaz naturel et le biométhane carburant ;

« 2° Une combinaison de gaz naturel et de gazole nécessaire au fonctionnement d’une motorisation biocarburant de type 1A telle que définie au 52 de l’article 2 du règlement (UE) n° 582/2011 de la Commission du 25 mai 2011 portant modalités d’application et modification du règlement (CE) n° 595/2009 du Parlement européen et du Conseil au regard des émissions des véhicules utilitaires lourds (Euro VI) et modifiant les annexes I et III de la directive 2007/46/ CE du Parlement européen et du Conseil ;

« 3° Le carburant ED95 composé d’un minimum de 90 % d’alcool éthylique d’origine agricole ;

« 4° L’énergie électrique ;

« 5° L’hydrogène ;

« 6° Le carburant B100 constitué à 100 % d’esters méthyliques d’acides gras, lorsque la motorisation du véhicule est conçue en vue d’un usage exclusif et irréversible de ce carburant.

« Ces prêts leur ouvrent droit au bénéfice de la réduction d’impôt prévue à l’article 244 quater du code général des impôts.

« Aucun frais de dossier, frais d’expertise, intérêt ou intérêt intercalaire ne peut être perçu sur ces prêts. Il ne peut être accordé qu’un seul prêt ne portant pas intérêt pour une même acquisition.

« Les conditions d’attribution du prêt sont définies par décret. »

II. – La section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un L ainsi rédigé :

« L : Réduction d’impôt au profit des établissements de crédit et des sociétés de financement qui octroient des prêts à taux zéro permettant l’acquisition de véhicules lourds propres affectés au transport de marchandises

« Art. 244 quater I. – I. – Les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionnés à l’article L. 511-1 du code monétaire et financier passibles de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu ou d’un impôt équivalent, ayant leur siège dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt au titre des prêts ne portant pas intérêt mentionnés à l’article L. 224-68-2 du code de la consommation.

« II. – Le montant de la réduction d’impôt mentionnée au présent article est égal à l’écart entre la somme actualisée des mensualités dues au titre du prêt ne portant pas intérêt et la somme actualisée des montants perçus au titre d’un prêt de mêmes montant et durée de remboursement, consenti à des conditions normales de taux à la date d’émission de l’offre de prêt ne portant pas intérêt.

« Les modalités de calcul de la réduction d’impôt et de détermination du taux mentionné au premier alinéa du présent II sont fixées par décret.

« La réduction d’impôt s’impute sur l’impôt dû par l’établissement de crédit ou la société de financement au titre de l’exercice au cours duquel l’établissement de crédit ou la société de financement a versé des prêts ne portant pas intérêt. Lorsque le montant de la réduction d’impôt imputable au titre d’une année d’imposition excède le montant de l’impôt dû par l’établissement de crédit ou la société de financement au titre de cette même année, le solde peut être imputé sur l’impôt dû des quatre années suivantes. Le solde qui demeurerait non imputé au terme de ces quatre années n’est pas restituable. »

III. – Le I s’applique aux prêts émis du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2030.

IV. – Les pertes de recettes résultant pour l’État du I du présent article sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.