M. Antoine Lefèvre. On l’attend ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérald Darmanin, ministre. Le plus rapidement sera le mieux. Je sais qu’il y travaille ardemment, mais je ne me permettrais pas de me substituer à Éric Dupond-Moretti : d’une part, ce ne serait pas logique au regard de nos institutions ; d’autre part, vous seriez déçus, mesdames, messieurs les sénateurs. (Sourires.)
La cinquième crise est la crise climatique. Le texte ne parle pas que de sécurité, ou alors il en parle au sens large, comme je l’ai indiqué au début de mon propos.
Notre modèle de sécurité civile, qui est résilient, qui s’appuie sur des sapeurs-pompiers valeureux et un système de volontariat original et qui est fondé sur des départements et un État et une Europe aidant fortement le fonctionnement de notre pays, se trouve face à deux grands problèmes.
Le premier, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, est que les sapeurs-pompiers interviennent de plus en plus dans des domaines ne relevant pas de leur compétence propre. Ainsi, ils remplacent de plus en plus les médecins dans les déserts médicaux ou là où le système de santé est mal organisé pour répondre aux difficultés des Français ; je sais que le ministre de la santé y travaille. Nous avons essayé de répondre à cette question dans la loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, que vous avez votée. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Le second problème, ce sont les crises climatiques. Elles ne font que commencer. On pense tous aux mégafeux, comme ceux qui ont touché la Gironde et d’autres départements. J’en profite pour signaler que nous avons dénombré cet été plus de feux au nord qu’au sud de la Loire. Je pense à des départements comme le Jura, les Vosges, le Maine-et-Loire, le Finistère, dont les pompiers et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) n’étaient pas habitués à intervenir pour des feux de forêt de plus de 1 000 hectares.
Il y a aussi les crises climatiques extrêmement fortes en outre-mer, mais également en métropole. Je pense à ce qui s’est passé à Saint-Martin avec Irma au début du quinquennat précédent, mais aussi dans la vallée de la Vésubie, il n’y a pas si longtemps. Certes, grâce à l’action de la sécurité civile et des collectivités locales, nous avons été au rendez-vous, mais très en deçà de ce qu’il faudrait préparer dans un contexte de réchauffement climatique généralisé.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de prévoir dans ce texte un certain nombre de dispositions en termes de renouvellement de la flotte, comme les hélicoptères, ou de pouvoirs du préfet en cas de crise. Je rappelle que celui-ci n’a pas aujourd’hui la main pour travailler avec toutes les agences et toutes les administrations, ce qui peut être dramatique dans la gestion des crises. C’est tout le travail d’enrichissement des modèles de sécurité civile que nous souhaitons mener avec vous. Maintenant que le réchauffement climatique est au rendez-vous, et même si neuf feux sur dix sont d’origine humaine, les actuels taux d’hydrométrie – moins de 10 % de taux d’eau dans la forêt de Gironde – font que les forêts brûlent très largement, que l’incendie soit d’origine criminelle ou involontaire.
Pour toutes ces raisons, le projet de loi contient de grandes dispositions concernant notre modèle de sécurité civile.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au mois de janvier prochain, après un débat qui aura lieu ici dans les prochaines semaines, j’aurai l’honneur de présenter un texte sur l’immigration. Si cette thématique est absente du projet de loi qui vous est aujourd’hui soumis, elle n’est pas absente de la politique gouvernementale. Le Sénat lui-même souhaite des textes resserrés ; nous essayons de faire en sorte qu’il en soit ainsi. Certes, ce projet de loi contient un rapport annexé assez long, mais qui n’est pas d’ordre législatif.
Avec ce texte, nous sommes dans la continuité du réarmement du ministère de l’intérieur. Ainsi, nous allons recréer 200 brigades de gendarmerie dans l’ensemble de vos territoires, alors même que les gouvernements précédents en ont supprimé plus de 500 depuis trente ans. Nous allons continuer à augmenter les effectifs de police dans l’ensemble des commissariats de France. Nous allons créer 200 formations militaires de la sécurité civile (Formisc). Je pense également à l’Agence du numérique, puisqu’il faut créer l’impôt à la source au ministère de l’intérieur, qui est un peu arriéré, si j’ose dire, dans ce domaine. Sans doute faut-il que nous modernisions, comme nous l’avons fait à Bercy précédemment ; cela demande aussi des moyens et une agence unique.
Surtout, et le Président de la République l’a évoqué hier, pour la première fois depuis dix-sept ans, nous recréons des sous-préfectures et des postes d’agents de préfecture dans les préfectures, de l’ordre de 400 à peu près. Ce n’est peut-être pas encore assez, mais, pour la première fois, la reprise démographique du nombre d’agents de préfecture, si importants pour nos territoires, est au rendez-vous. Je crois que le grand débat présidé par le Président de la République avec les maires de France, mais aussi la pandémie et le plan de relance ont montré à quel point les agents des préfectures étaient utiles pour faire le lien avec les collectivités locales, les aider en ingénierie et, de manière générale, en action publique de l’État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter un texte qui, je le crois, est très important pour le ministère de l’intérieur. Je remercie l’ensemble du Parlement, qui, dans sa quasi-unanimité, a toujours soutenu les forces de l’ordre ou les forces de sécurité civile. Celles-ci, vous le savez, risquent leur vie chaque jour, chaque nuit, pour nous protéger.
J’ai la grande responsabilité de diriger en votre nom les femmes et les hommes qui prennent ces risques. Je ne peux pas terminer mon discours sans penser aux dix-sept enterrements que j’ai eu à présider ni aux 3 400 blessés parmi les forces de l’ordre depuis le 1er janvier dernier. Derrière les chiffres, les milliards et les pourcentages, derrière les textes réglementaires ou législatifs et derrière les réformes, ce sont des femmes et des hommes de terrain qui risquent leur vie, ce qui n’est le cas dans aucun autre ministère.
Je veux leur dire que, certes, nous aurons ici des discussions politiques, mais je n’ignore pas que nous ferons, selon nos opinions et convictions, tous au mieux pour les protéger. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous souhaiter, au nom de tous mes collègues, un très heureux anniversaire, au moment où vous changez de décennie. (Applaudissements.)
4
Clôture du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est plus de quinze heures. Je déclare clos le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.
5
Orientation et programmation du ministère de l’intérieur
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je tiens à remercier M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer d’être avec nous cet après-midi, alors qu’il fête aujourd’hui ses 40 ans. Nous sommes sensibles à cette marque de considération. (Sourires.) Il a déposé un texte très important pour lui, pour son ministère et pour les forces de sécurité.
Évidemment, nous nous associons pleinement à l’hommage qu’il vient de rendre aux forces de l’ordre. Nous sommes très sensibles au sacrifice que celles-ci font chaque jour.
Monsieur le ministre, vous avez décidé de passer l’après-midi et la soirée avec nous. Soyez rassuré : le rapport annexé fait 80 à 90 pages, mais nos collègues ont déposé 115 amendements sur l’article 1er. Nous nous apprêtons donc à passer une bonne soirée en votre compagnie pour votre anniversaire. (Nouveaux sourires.)
La genèse du projet de loi qui nous rassemble est longue. Le texte fait suite à la publication du livre blanc de la sécurité intérieure et au Beauvau de la sécurité, qui a été suivi avec efficacité et expertise par Henri Leroy, ce dont je le remercie de nouveau, et au dépôt par le Gouvernement d’un premier projet de loi le 16 mars dernier, qui a été resserré, puisqu’il ne comprend plus que seize articles.
Les deux premiers articles sont programmatiques, mais non de moindre importance, puisqu’il s’agit d’un projet de loi de programmation et d’orientation. Pour avoir eu l’honneur d’être ministre délégué auprès de Jean-Louis Borloo et de présenter à ce titre la partie d’une loi de programmation et d’orientation, je sais que c’est très important, puisque cela donne un horizon, une vision, et engage des crédits budgétaires sur cinq années. Nous espérons que ces crédits ne seront pas détricotés au jour le jour par Bercy ; je m’adresse ici à l’ancien ministre de l’action et des comptes publics que vous êtes, monsieur le ministre. (Sourires.)
Je commence en évoquant la programmation budgétaire. Le projet de loi prévoit dans son article 2 une progression chaque année du montant des crédits de paiement et plafonds des taxes affectés au ministère de l’intérieur. Au total, 15 milliards d’euros supplémentaires seraient budgétés sur cinq ans par rapport aux crédits affectés au ministère de l’intérieur en 2022.
Ces crédits supplémentaires permettront de financer les mesures de modernisation et des investissements. Monsieur le ministre, comme vous l’avez souligné à juste titre, vous avez consacré beaucoup de moyens à la digitalisation, à la numérisation, aux nouvelles techniques, à l’utilisation de l’intelligence artificielle.
J’en viens au rapport annexé. Nous avons adopté en commission des amendements sur plusieurs thématiques importantes.
Il s’agit d’abord de préciser que la réforme de la police nationale devra prendre en compte les spécificités de la police judiciaire. Dans le cadre de ses enquêtes, celle-ci doit rester sous l’autorité fonctionnelle du procureur. Elle doit aussi continuer à traiter seule des affaires sensibles. Enfin, au vu du développement exponentiel d’une délinquance organisée qui dépasse les frontières départementales, il pourrait être utile de prévoir des structures zonales.
Sur l’initiative de son président, François-Noël Buffet, la commission des lois a créé en son sein une mission d’information sur le sujet. Celle-ci formulera des préconisations et soulignera les garanties à apporter. Nul doute que vous en tiendrez compte, monsieur le ministre.
Sur l’initiative du groupe socialiste, nous avons également réaffirmé l’importance de l’accessibilité des démarches dématérialisées, notamment pour les personnes en situation de handicap.
Les articles 3 et 4 du projet de loi visent à adapter les prérogatives dont disposent les forces de sécurité intérieure dans la lutte contre les nouvelles menaces, en particulier les menaces cyber. Nous avons pour l’essentiel soutenu la position du Gouvernement, et nous sommes favorables aux crédits permettant d’investir dans ces technologies nouvelles.
L’article 6, qui vise à permettre la prise de plainte et la déposition par le recours à la visioconférence, s’inscrit dans le développement du recours à ces dispositifs en matière de procédure pénale depuis le début des années 2000. Je rappelle que ces dispositions seront une simple faculté, et non une obligation. Nous avions prévu que seraient principalement concernées les atteintes aux biens. Alors que nous avions des préventions à étendre cette faculté à certaines atteintes aux personnes, vous m’avez longuement expliqué, monsieur le ministre, qu’il était possible d’élargir ce champ. Si la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, à titre personnel, j’ai été convaincu par vos arguments.
Enfin, nos auditions ont montré l’urgence d’améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels : les violences faites aux élus, en hausse de 57 % en un an ; les refus d’obtempérer – vous y avez fait allusion en mentionnant votre présence à dix-sept enterrements depuis le début de l’année –, en hausse de 17 % depuis un an ; enfin, les rodéos urbains, dont chacun a suivi le feuilleton cet été. La commission a donc prévu un amendement visant à renforcer les sanctions et à mieux protéger nos concitoyens.
À l’occasion de cette discussion générale, j’indique à nos collègues des groupes GEST, CRCE et SER, qui ont présenté de nombreux amendements tendant à réécrire le texte, que nous avons essayé de trouver une cohérence dans nos réponses. D’une part, il y a eu de nombreux débats, en commission et en séance publique, sur la sécurité, et nous sommes en cohérence par rapport à notre jurisprudence précédente et aux positions que nous avions sans surprise prises. D’autre part, le président de la commission des lois, François-Noël Buffet a créé deux missions d’information, l’une sur la police judiciaire, l’autre sur la formation des forces de police et de gendarmerie. À nos yeux, il faut attendre les préconisations de ces missions d’information avant de nous prononcer sur des amendements de nos collègues qui veulent toujours enrichir les formations.
Ma position sera donc constante. C’est pourquoi, sur les 115 amendements déposés sur l’article 1er, j’émettrai très peu d’avis favorables au nom de la commission des lois. La commission a élaboré un très bon texte. D’ailleurs, mon ami Loïc Hervé va vous le démontrer dans un instant ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient d’évoquer devant vous l’article 5, relatif au réseau Radio du futur, puis les articles 7 à 16 du projet de loi.
La plupart de ces articles ont été approuvés par la commission des lois, ses membres ayant considéré qu’ils contribueraient à simplifier la procédure pénale et qu’ils donneraient aux forces de sécurité intérieure de nouveaux outils juridiques leur permettant de mieux remplir leurs missions.
La commission a toutefois réécrit les dispositions relatives à l’amende forfaitaire délictuelle, et elle a enrichi le texte en y insérant certaines mesures qui figuraient dans la première version de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), mais pas dans le texte déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat.
La commission n’est, bien sûr, pas opposée au projet réseau Radio du futur, qui vise à doter nos forces de sécurité et nos services de secours d’un réseau de communication plus moderne et plus résilient.
Elle a cependant supprimé l’article 5, qui tendait à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la mise en œuvre de ce projet. Nous préférerions que ces dispositions soient inscrites « en dur », directement dans la loi à l’occasion de l’examen du texte en séance publique. L’amendement que le Gouvernement a déposé en ce sens nous donne satisfaction, car il a pris en compte nos observations ; nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
Un ensemble de mesures ont pour ambition de renforcer la filière chargée de l’investigation au sein de la police et de la gendarmerie nationale, afin d’améliorer l’efficacité des enquêtes. Compte tenu de la désaffection dont souffre depuis trop longtemps la police judiciaire, ces mesures nous paraissent aller dans le bon sens.
Je citerai en particulier la proposition de recruter 5 500 assistants d’enquête chargés de veiller au respect de la procédure. Cela libérera du temps pour les enquêteurs, qui pourront ainsi se concentrer sur leur cœur de métier. La commission a souhaité qu’une évaluation de la plus-value apportée par ce nouveau cadre d’emploi soit réalisée dans trois ans. Elle a également adopté un amendement de notre collègue Alain Richard tendant à mieux encadrer la compétence accordée aux futurs assistants en matière de transcription d’enregistrements, ce qui répond à une inquiétude exprimée par le Conseil d’État.
Pour renforcer les effectifs de la police judiciaire, il est prévu que les policiers et gendarmes puissent passer l’examen pour devenir officier de police judiciaire (OPJ) dès la fin de leur formation. La commission a adopté deux mesures complémentaires : d’une part, les élèves officiers de la gendarmerie recevraient la qualité d’agent de police judiciaire, comme c’est déjà le cas pour les élèves officiers de la police ; d’autre part, les prérogatives des agents de police judiciaire seraient étendues, sous le contrôle permanent d’un OPJ.
La commission n’a en revanche pas été convaincue par la proposition de généraliser la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle à tous les délits punis de moins d’un an d’emprisonnement, ce qui correspondrait à un total de 3 400 infractions pénales dans notre pays.
La procédure de l’amende forfaitaire a fait ses preuves pour réprimer certains délits qui peuvent être aisément constatés par les forces de l’ordre ; je pense à la consommation de stupéfiants. Je me range à la démonstration qu’a faite M. le ministre dans son propos liminaire. Toutefois, cette réponse ne constitue pas la panacée pour désengorger les tribunaux ni pour lutter contre l’insécurité au quotidien.
C’est pourquoi la commission a refusé la généralisation au profit d’une extension limitée à quelques délits pour lesquels l’amende forfaitaire nous paraît plus adaptée, par exemple les tags, le délit d’entrave à la circulation ou encore la détention sans permis d’un chien d’attaque.
Je conclus en évoquant deux autres mesures notables qui figurent dans le texte.
En premier lieu, il est proposé de réprimer plus sévèrement l’outrage sexiste, qui deviendrait un délit en cas de circonstance aggravante. La commission est favorable à cette évolution, qui envoie un signal de fermeté aux auteurs de cette infraction encore trop peu réprimée sur le terrain.
En second lieu, à l’article 15, il est prévu d’accroître les prérogatives des préfets de département en cas de crise d’une particulière gravité. L’objectif est que ceux-ci puissent exercer pleinement leur autorité sur tous les services déconcentrés pour faire face à des événements exceptionnels, comme ceux que nous avons connus ces derniers mois. Sur notre proposition, la commission a souhaité étendre le dispositif aux agences régionales de santé (ARS), qu’il ne nous paraît pas justifié de maintenir à l’écart de cette unité de commandement à l’échelle départementale, notamment à la lumière de ce que nous avons observé pendant la crise du covid-19.
La commission espère que ces mesures législatives, qui pourront être enrichies au cours de notre discussion, combinées à l’accroissement des moyens et des effectifs, contribueront à améliorer la sécurité des Français. Beaucoup reste à faire, mais il s’agit d’un pas dans la bonne direction, ce qui nous conduit à soutenir l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Alain Richard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans un long processus, entamé voilà déjà plusieurs années. On se souviendra particulièrement de la commission d’enquête du Sénat sur l’état des forces de sécurité intérieure, sous l’égide de François Grosdidier et Michel Boutant, qui avait appelé l’attention sur les causes du « malaise » policier en 2018. La proposition n° 10 du rapport de la commission d’enquête était la suivante : « élaborer un livre blanc de la sécurité intérieure puis adopter des lois de programmation […] permettant de fixer un cadre budgétaire, opérationnel et stratégique stable et crédible ».
Nous vous savons donc aujourd’hui gré, monsieur le ministre, d’avoir mené à bien ces travaux du livre blanc, puis du Beauvau de la sécurité, qui a permis de prendre d’importantes mesures en faveur des policiers et des gendarmes.
Ainsi, les grandes orientations du rapport annexé nous paraissent pertinentes et nécessaires. Transformation numérique accélérée, augmentation de la présence sur la voie publique, lutte contre les violences intrafamiliales, prévention des crises : tels sont bien les grands défis que nous avons à affronter pour que nos forces de sécurité soient plus efficaces et plus crédibles contre une délinquance en constante évolution.
En outre, les 15 milliards d’euros prévus pour mener à bien l’ensemble de ces transformations et celles qui concernent les autres missions du ministère de l’intérieur représentent un effort important, sans doute à la hauteur de l’enjeu.
En revanche, nous restons un peu sur notre faim sur le lien qui existe entre ces grandes orientations et la programmation des moyens. En effet, le texte est trop centré sur la sécurité pour être une véritable loi d’orientation de l’ensemble du ministère de l’intérieur. En même temps, il est trop imprécis sur les moyens accordés aux missions des policiers et des gendarmes pour être une véritable loi de programmation de la sécurité !
Ainsi, monsieur le ministre, vous savez que nous nous sommes inquiétés à maintes reprises de l’état indigne d’une grande partie du parc immobilier domanial de la gendarmerie nationale ; sur ce sujet, rien de précis dans le texte. Il nous faudrait, si l’on en croit le rapport annexé, attendre encore la mise en place d’un nouveau service chargé d’établir un « tendanciel de dépenses ». Pourtant, ne considérez-vous pas que les besoins sont déjà bien identifiés et qu’il est urgent d’agir ? C’est en tout cas notre conviction, d’où les amendements apportés par notre commission.
Enfin, nous regrettons une certaine précipitation dans la mise en place des 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Nous craignons que les collectivités ne soient sollicitées, alors que certaines ne peuvent pas se permettre un tel investissement, ce qui a motivé notre amendement commun avec la commission des lois.
Je salue encore une fois l’engagement contre la délinquance de l’ensemble de nos forces de sécurité, en particulier, pour ce qui concerne notre commission, de la gendarmerie nationale, dont le statut militaire reste pour nous la meilleure garantie d’efficacité partout où elle exerce sa compétence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’une des grandes orientations de ce texte revêt une importance particulière : celle qui prévoit de « faire du renforcement de la présence dans la ruralité une nouvelle politique à part entière ».
La relocalisation de certains services du ministère dans les territoires ruraux et les villes moyennes ou encore l’objectif de doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain vont assurément dans le bon sens, tout comme le recours accru aux réserves opérationnelles des police et gendarmerie nationales, qui se sont rendues indispensables dans de nombreux territoires. Encore faut-il que l’augmentation de leurs effectifs aille de pair avec des missions suffisamment nombreuses dans l’année : c’est ce dont nous avons voulu nous assurer par l’un de nos amendements. Il s’agit ainsi de permettre un réel processus d’acquisition de compétences et une fidélisation des réservistes, qui se rendent disponibles pour des missions au profit de la collectivité.
À notre sens, monsieur le ministre, le chapitre consacré au renforcement du maillage des forces de sécurité dans les territoires ruraux et périurbains a un peu trop « maigri » par rapport au livre blanc, les développements sur la répartition territoriale des deux forces s’étant évanouis en chemin. La seule annonce concrète concerne la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie, sans autre précision.
Mon expérience locale m’incline à penser que cette question de la répartition des forces n’est pas secondaire. Les deux forces ne sont pas interchangeables, la polyvalence de la gendarmerie, avec l’unité entre enquêteurs judiciaires et gendarmerie départementale enracinée dans le territoire, s’opposant à la spécialisation policière. Il serait donc préférable d’élaborer des critères objectifs prenant en compte la réalité de la délinquance, afin d’effectuer des ajustements fins, plutôt que d’en rester aux critères simplistes actuels.
En ce qui concerne la coopération entre les deux forces sur un même territoire en cas d’urgence ou de phénomènes particuliers de délinquance, il est également nécessaire de généraliser les bonnes pratiques autour des protocoles départementaux police/gendarmerie. C’est pourquoi nous avons déposé deux amendements sur ces sujets connexes.
Enfin, les modalités de la création des 200 brigades nous préoccupent, notamment s’agissant de la participation des collectivités territoriales. L’audition du président de la commission sécurité de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) nous a confirmés dans ces interrogations.
Autre surprise, les annonces sur le terrain se sont succédé ces derniers jours sur ce sujet avant même que nous commencions l’examen du texte.
Nous espérons que les débats d’aujourd’hui permettront de dissiper tous ces doutes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pascal Savoldelli applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici un texte de grande importance, qui fait commencer de façon tonique notre session parlementaire… (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Alain Richard. … et les mandats du Président de la République et du Gouvernement : il va définir le cadre des moyens humains et matériels de nos forces de sécurité pour les cinq prochaines années, de façon ample puisqu’une forte augmentation des crédits est prévue.
Le rapport annexé à ce projet de loi détermine aussi de façon complète les grandes orientations d’emploi et les grandes finalités des moyens déployés. Il s’agit donc là d’un document cohérent, qui tient compte des débats très pluralistes et très nourris qui ont eu lieu à l’occasion du livre blanc et dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Il me semble d’ailleurs que c’était l’issue naturelle pour des débats aussi approfondis.
La programmation a par elle-même des vertus. Certes, elle ne peut évidemment pas s’appliquer à tous les ministères, puisque cela rendrait très difficile l’élaboration des projets de loi de finances chaque année, mais, dans le domaine de la sécurité intérieure, je crois que le ministre de l’intérieur a bien fait de retenir cette option et de dépenser son énergie et ses capacités de persuasion pour parvenir à une programmation qui nous servira de balise à chaque examen d’un projet de loi de finances pour vérifier que la continuité et l’organisation cohérente des moyens se développent conformément à ce qui aura été adopté.
Le ministre l’a annoncé, je ne m’y attarde donc pas : ces moyens bénéficieront non seulement aux deux grandes forces de sécurité intérieure que sont la police nationale et la gendarmerie nationale, avec une meilleure diffusion territoriale, mais aussi et de façon très substantielle à la sécurité civile, donc à tout ce qui concourt à la lutte contre les catastrophes qui nous assaillent. Ce projet de loi de programmation concernera également le support numérique du ministère dans son ensemble, en charge de mettre en cohérence toutes les fonctions opérationnelles de sécurité intérieure et, M. le ministre a reconnu lui-même, de faire progresser le ministère dans un domaine où il n’était guère en avance. Cela va donc se traduire par des gains d’efficacité opérationnelle.
Enfin, M. le ministre l’a aussi noté, mais je tiens à le mentionner, cela s’accompagnera pour la première fois de créations nouvelles d’emplois dans les préfectures, alors que les personnels des préfectures ont dû faire face à de fortes réductions de moyens humains au cours des quinze à vingt dernières années et ont connu des conditions de travail souvent très dures. Il s’agit d’une excellente nouvelle qui motivera les cadres de ces administrations.
Tout cela soulève des enjeux de recrutement et de formation sur lesquels le ministère devra se mobiliser.
J’en viens aux principales dispositions législatives concrètes de ce texte : les deux premiers articles sont consacrés à la programmation – certes, on peut les commenter, mais ils ne sont que la traduction d’un programme global –, les suivants étant de portée législative.
En ne suivant pas l’intention première du Gouvernement et en préférant une liste pour l’instant fermée des infractions auxquelles s’appliquera l’amende forfaitaire délictuelle, la majorité de la commission des lois a fait le bon choix.