Sommaire
Présidence de M. Roger Karoutchi
Secrétaires :
Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
2. Mise au point au sujet d’un vote
3. Aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure
Suspension et reprise de la séance
4. Mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
Mme Denise Saint-Pé, auteur de la proposition de loi
Mme Brigitte Devésa, rapporteure de la commission des affaires sociales
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° 2 de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° 4 de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Amendement n° 3 de Mme Corinne Féret. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 6 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 7 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 8 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 9 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption, par scrutin public n° 9, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
5. Développement de l’agrivoltaïsme. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Demande d’examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter. – Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques ; M. Jean-François Longeot ; Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques ; M. Jean-Pierre Moga. – Adoption.
M. Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi
M. Franck Menonville, rapporteur de la commission des affaires économiques
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 63 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 1 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Adoption.
Amendement n° 25 rectifié ter de M. Jean-Pierre Moga. – Retrait.
Amendement n° 31 rectifié de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Amendement n° 38 de Mme Brigitte Devésa. – Rejet.
Amendement n° 3 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Amendement n° 66 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 34 rectifié de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 2 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Amendement n° 39 de Mme Brigitte Devésa. – Retrait.
Amendement n° 5 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 28 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 40 de Mme Brigitte Devésa. – Retrait.
Amendement n° 6 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Amendement n° 7 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié quater de M. Jean-Pierre Moga. – Rejet.
Amendement n° 37 de Mme Brigitte Devésa. – Retrait.
Amendement n° 33 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier. – Retrait.
Amendement n° 69 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Amendement n° 68 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Retrait.
Amendement n° 73 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 50 rectifié de M. Frédéric Marchand. – Rejet.
Amendement n° 23 rectifié quater de M. Jean-Pierre Moga. – Retrait.
Amendement n° 10 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 30 rectifié de M. Henri Cabanel. – Adoption de l’amendement modifiant l’intitulé.
Adoption, par scrutin public n° 10, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
6. Meilleure valorisation de certaines externalités positives de la forêt. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi
M. Vincent Segouin, rapporteur de la commission des finances
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Mise au point au sujet d’un vote
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Karoutchi
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Laurent Burgoa. Lors du scrutin n° 8 sur l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, Mme Joëlle Garriaud-Maylam souhaitait ne pas prendre part au vote.
M. le président. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.
3
Aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, présentée par Mme Valérie Létard et plusieurs de ses collègues (proposition n° 875 [2021-2022], texte de la commission n° 22, rapport n° 21).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à vous faire part de ma satisfaction de voir aujourd’hui cette proposition de loi examinée par notre assemblée.
Cette aide universelle d’urgence vise à combler un réel manque lorsque les victimes de violences conjugales rencontrent des difficultés à s’extraire de l’emprise de leur conjoint violent en raison de leur dépendance financière, qui peut les faire renoncer au départ ou forcer celles qui ont franchi le pas à revenir en arrière.
Je tiens à associer à cette proposition les équipes du conseil départemental du Nord, présentes dans nos tribunes, avec qui je travaille depuis plusieurs mois sur ce dispositif, résultat de nos nombreux échanges avec les associations compétentes, les travailleurs sociaux, les services de gendarmerie et de police, le procureur et la caisse d’allocations familiales.
Ce travail de terrain nous a permis d’imaginer le dispositif proposé aujourd’hui, que nous avons d’ores et déjà décidé d’expérimenter dans le Valenciennois.
Je tiens également à remercier la rapporteure, Jocelyne Guidez, qui a su s’emparer de ce texte, en comprendre les enjeux et l’enrichir utilement lors de son passage en commission.
Le Président de la République a fait des droits des femmes et de la lutte contre les violences faites aux femmes l’une des grandes causes de son premier quinquennat. À ce titre, le 3 septembre 2019, le Gouvernement lançait le Grenelle des violences conjugales, qui déboucha sur un plan d’action global et inédit.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre, a renouvelé l’engagement du Gouvernement en faveur de cette cause.
Il le faut, car les chiffres sont glaçants ! En 2020, en France, hors homicides, les forces de sécurité ont enregistré 159 400 victimes de violences conjugales commises par leur partenaire, soit une hausse de 10 % en un an. En 2021, quelque 143 morts violentes au sein du couple ont été recensées, contre 125 l’année précédente, soit 18 victimes en plus.
Dans l’arrondissement de Valenciennes, le territoire dans lequel nous avons imaginé cette aide, les statistiques du parquet sont particulièrement inquiétantes. Chaque année, le service d’aide aux victimes accompagne 1 000 victimes de violences conjugales. En 2021, les services de police et de gendarmerie ont eu à traiter en moyenne 8 cas de violences intrafamiliales chaque jour.
Face à ce constat alarmant, il est plus que nécessaire de s’interroger sur la façon de prévenir ces violences, d’anticiper, de protéger et d’agir en amont.
Sur ce sujet, je ne puis que soutenir le Gouvernement et l’inciter à faire davantage pour la prévention, en lien avec les professionnels de terrain, à qui il faut donner les moyens d’agir. Un vrai travail doit être effectué en amont.
À ce titre, je remercie et félicite mes collègues et anciens collègues Laurence Rossignol, Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde et Noëlle Rauscent pour le rapport d’information qu’ils ont présenté en juin 2018 au nom de la délégation aux droits des femmes. Intitulé Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, ce travail dressait des constats, énumérait des points de vigilance et contenait 36 recommandations qui feraient une excellente feuille de route pour renforcer aujourd’hui les mesures de prévention.
Il est également urgent d’apporter une réponse adaptée et rapide à ces victimes une fois l’emprise du conjoint violent malheureusement établie.
Aider une victime qui trouve la force d’aller porter plainte, de demander une ordonnance de protection et de quitter le foyer conjugal – un choix parfois tout aussi effrayant que de rester et subir les violences de son conjoint –, tel est le cœur de la présente proposition de loi.
En créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, on leur accorde un droit à s’émanciper de cette emprise découlant d’une dépendance financière envers le conjoint violent.
Trop souvent, les victimes de violences sont contraintes de retrouver le foyer conjugal très peu de temps après l’avoir quitté, faute d’autonomie financière immédiate. Ce constat, mes chers collègues, est celui des professionnels de terrain.
J’ai souhaité faire de ce dispositif une aide universelle, le prêt octroyé n’étant pas soumis à des conditions de ressources ou à un statut particulier. En effet, que l’on soit éligible au revenu de solidarité active (RSA) ou que l’on dispose de revenus et d’un patrimoine, que l’on ait plus ou moins de 25 ans, que l’on soit actif ou retraité, personne n’est épargné par les violences et l’emprise. N’oublions pas que la rétention de moyens de paiement ou de titres par le conjoint violent est fréquente.
L’objectif est donc de garantir aux victimes les conditions financières nécessaires pour leur permettre de se libérer le plus vite possible de l’emprise.
C’est pourquoi le dispositif répond également au caractère d’urgence qu’imposent ces situations. La capacité pour les victimes de se mettre à l’abri le plus rapidement possible est déterminante pour leur survie, mais aussi, parfois, pour celle de leurs enfants.
Dans ces situations plus que dans toutes les autres, le temps est compté. Le présent texte, amendé avec efficacité par Jocelyne Guidez et d’autres collègues en commission, prévoit ainsi un délai de déblocage du prêt alloué par la caisse d’allocations familiales de soixante-douze heures, soit trois jours ouvrés. Cette durée n’a pas été choisie arbitrairement ; elle représente un juste équilibre entre le besoin d’une solution à court terme pour les victimes et la capacité des services compétents de la CAF à instruire la demande le plus vite possible.
S’inspirant des mécanismes extralégaux d’action sociale de la branche famille, le montant retenu pour cette avance d’urgence, versée en trois mensualités maximum, équivaut au revenu de solidarité active.
Je souhaite que nos débats n’excluent pas la question de l’impact budgétaire de la mesure proposée, face aux critiques qui pourraient s’élever.
Au-delà du drame humain et familial que constituent les violences au sein d’un couple – elles peuvent avoir des conséquences humaines dramatiques pour la victime comme pour ses enfants –, nous avons conçu un dispositif utile et financièrement maîtrisé.
Si besoin était d’en justifier, son impact budgétaire sur les finances publiques est sans commune mesure avec les conséquences financières d’une mise à l’abri de la victime et de ses enfants. En effet, un placement dans une maison de l’enfance coûte 200 euros par jour, soit 6 000 euros par mois, et ne permet pas de « réparer » de façon satisfaisante une mère et ses enfants. On voit donc tout l’intérêt de cette mesure de bon sens.
En outre, un mécanisme de remboursement par l’auteur des violences est prévu. Une subrogation de la CAF dans les droits des victimes est possible, qui permettrait à l’institution de se constituer partie civile et de demander, en leur nom, la réparation du préjudice subi.
L’idée est simple : faire payer l’auteur des violences pour une situation dont il est responsable.
Enfin – il s’agit là d’une condition essentielle d’efficacité du dispositif proposé –, le président du conseil départemental sera informé dès la transmission de la demande à la CAF, afin d’engager immédiatement l’accompagnement social de la victime, parallèlement au versement de l’aide d’urgence.
Concrètement, cela signifie un accompagnement global de la victime, dès le dépôt de plainte, l’ordonnance de protection ou le signalement par un travailleur social. Ce dernier fera office de personne-ressource tout au long du parcours de rebond de la victime. En effet, rappelons-le, l’objectif est non seulement de sécuriser les situations fragiles, mais aussi, et surtout, de conduire à une indépendance pérenne.
Cela passe forcément par un accompagnement multidimensionnel. Logement, démarches administratives, accompagnement juridique, accompagnement santé et psychologique, insertion professionnelle : autant de domaines dans lesquels les travailleurs sociaux des départements et des centres communaux d’action sociale (CCAS) sont tout désignés pour intervenir. Ils agiront comme facilitateurs, tout en étant les garants du respect des étapes du parcours et de la coordination des différents partenaires.
Cette aide universelle, travaillée en bonne intelligence avec les acteurs de terrain, permet d’offrir un résultat opérationnel. L’attente est forte de la part des victimes de violences conjugales, qui cherchent à se mettre à l’abri et à retrouver une indépendance économique et administrative, mais aussi des travailleurs sociaux, associations, structures d’aide et acteurs judiciaires, qui se battent chaque jour pour tenter de changer la vie des victimes, et parfois de sauver des vies.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelle que soit notre place dans l’hémicycle, quelles que soient nos convictions politiques, nous rejetons tous la violence.
Ces violences conjugales détruisent la vie de trop nombreuses victimes et de trop nombreuses familles. Elles touchent toutes les catégories de notre société. Notre pays s’est toujours grandi à protéger les plus fragiles et les victimes d’actes de violence.
Cette aide universelle s’adresse à l’ensemble des victimes de violences conjugales, quels que soient leur sexe, leur origine, leur statut ou leur âge. Elle se veut un moyen de rendre aux victimes leur dignité et de leur permettre de relever la tête et de s’extraire d’une situation personnelle qui n’apporte que souffrance et douleur.
Elle sera, je l’espère, si vous l’adoptez, mes chers collègues, un moyen supplémentaire, mais essentiel, mis à disposition de notre République pour endiguer le fléau des violences conjugales. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Valérie Létard a rappelé le contexte douloureux dans lequel s’inscrit cette proposition de loi. En dépit de la mobilisation des pouvoirs publics, les violences commises au sein du couple perdurent à un niveau élevé.
Dans l’Hexagone, une enquête statistique estime à 295 000 le nombre annuel de victimes de violences conjugales entre 2011 et 2018, dont 72 % de femmes. La violence au sein du couple est aussi prégnante outre-mer. Une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) de 2018 révèle que près d’une femme interrogée sur cinq se déclare en situation de violences conjugales en Martinique et en Guadeloupe.
La proposition de loi entend répondre à cet enjeu et puise sa force dans les retours concrets d’expérience. Valérie Létard a en effet présenté le travail qu’elle mène avec le département et la caisse d’allocations familiales du Nord pour mettre en place un prêt d’urgence et un accompagnement global des victimes de violences conjugales identifiées par les services sociaux.
Le texte est issu du constat empirique d’un déficit à combler dans les politiques publiques que nous déployons en faveur des victimes de violences conjugales. Il convient de les aider à quitter définitivement leur partenaire violent, en leur apportant une aide cruciale dans des délais très réduits.
Les données issues des appels au numéro 3919 « Violences Femmes Info » montrent que 59 % des victimes souhaitent quitter le domicile conjugal, tandis que 18 % d’entre elles indiquent avoir effectué plusieurs départs du domicile. Il est donc très difficile pour la femme de réussir à couper définitivement les ponts avec son tortionnaire.
La précarité économique ou les incertitudes financières figurent souvent parmi les freins au départ des victimes. Ces dernières peuvent être sans emploi ou sans prestations sociales, mais aussi disposer de ressources propres et en être privées par l’emprise économique dont le conjoint violent fait preuve.
Les moyens employés par les auteurs de violences pour placer leur victime dans une dépendance économique sont nombreux : chantage financier, confiscation des ressources ou des moyens de paiement, comportements visant à placer la victime dans des surendettements personnels…
Dès lors, comment donner les moyens financiers aux victimes de s’extirper de leur environnement violent ? La proposition de loi choisit d’accorder une aide d’urgence, débloquée en trois jours et versée par la caisse d’allocations familiales pendant trois mois.
Le besoin de créer une aide d’urgence est un constat partagé sur les travées de notre assemblée. Une proposition de loi à l’objectif similaire, déposée par notre collègue Michelle Gréaume, adaptait le régime existant du revenu de solidarité active pour permettre aux CAF de verser des avances sur droits supposés au RSA, financées par le département.
La proposition de loi que nous examinons prévoit un dispositif sui generis, sous la forme d’un prêt qui se rapprocherait des prêts d’honneur que les conseils d’administration des CAF peuvent librement consentir au titre de leur politique d’action sociale.
L’article 1er de la proposition de loi, adopté par la commission, prévoit une avance d’urgence octroyée par les caisses et financée par la branche famille.
Ce prêt à taux zéro serait versé en trois mensualités, dont la première devra être payée dans un délai très court – la commission l’a porté à trois jours ouvrés. Ce délai reste très ambitieux, mais l’étendre davantage aurait affaibli l’intérêt du dispositif d’urgence.
Le montant du prêt sera fixé par décret. Il reviendra au pouvoir réglementaire de prévoir des montants majorés lorsque la victime quitte le domicile avec ses enfants. J’insiste sur ce point, en présence de Mme la ministre : les enfants sont directement victimes des violences conjugales, et les femmes victimes quittent rarement le domicile en abandonnant leurs enfants. L’aide d’urgence devra donc être adaptée à la situation familiale des victimes.
La commission s’est penchée sur la question des conditions d’octroi permettant aux victimes de violences conjugales de faire valoir leur droit. Elle a considéré qu’un fait générateur trop souple risquerait de gêner la mise en œuvre de la loi et a donc retenu des conditions d’octroi précises. Elle a ainsi conditionné la délivrance de l’avance à une ordonnance de protection ou à un dépôt de plainte attestant de violences conjugales.
Ces deux critères étaient déjà prévus à titre illustratif par le texte initial. Cependant, nous savons bien que nombre de femmes n’osent pas pousser la porte de la gendarmerie ou de la police et dénoncer les faits qu’elles subissent.
De même, seules 5 800 ordonnances de protection ont été délivrées en 2021 par les juges aux affaires familiales. C’est pourquoi, afin de ne pas trop restreindre l’accès à ce prêt d’urgence, la commission a ouvert la prestation aux victimes de violences attestées par un signalement adressé au procureur de la République.
S’appuyant sur une nouvelle disposition prévue par la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, certains centres hospitaliers ont contractualisé avec le parquet, afin de faciliter, avec l’accord de la personne, les signalements des victimes prises en charge médicalement. L’avance d’urgence pourra ainsi s’appliquer à cette situation. L’article 1er prévoit également que les allocataires de l’avance bénéficient des droits accessoires à la prestation du RSA.
À côté du dispositif financier, la victime doit pouvoir être aidée, comme c’est déjà souvent le cas, par les associations ou les travailleurs sociaux des collectivités locales.
La commission a précisé que ces droits accessoires comprennent également un accompagnement social et professionnel adapté à leur situation, à l’instar de celui qui est délivré aux bénéficiaires du RSA.
La commission a également adopté un amendement, déposé par notre collègue Victoire Jasmin, visant à permettre aux bénéficiaires de l’avance d’urgence d’être domiciliés de droit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale ou d’un autre organisme agréé.
Enfin, la commission a précisé les règles de récupération des avances, lesquelles seraient très proches des modalités déjà existantes pour les prêts consentis par les CAF.
La dette pourra ainsi être remboursée en une ou plusieurs échéances si le bénéficiaire le souhaite. Sinon, elle sera récupérée par retenues sur les prestations sociales par ailleurs versées par les caisses. Ces dernières pourront décider de remises ou de réductions de créances. Cette possibilité n’est pas hypothétique : les conseils d’administration des caisses devront faire preuve de discernement pour ne pas ajouter une dette à des situations de précarité ou de surendettement.
La proposition de loi prévoit également un mécanisme inédit de subrogation des CAF dans les droits des victimes de se constituer partie civile pour demander, en leur nom, la réparation du préjudice subi. Ce mécanisme ne serait applicable que lorsque les victimes renoncent à leurs droits, ce qui n’est pas une situation rare. La récupération de la créance de la CAF pourra alors se faire sur les dommages et intérêts prononcés au bénéfice de la victime, ce qui permettra de faire payer l’auteur des violences en lieu et place de la victime.
L’article 2 de la proposition de loi prévoit des mesures ambitieuses, en disposant que la victime déposant plainte pour des faits de violences conjugales devra être informée par l’officier ou l’agent de police judiciaire de la possibilité de demander l’avance d’urgence.
Plus encore, le gendarme ou policier « plaintier » devra enregistrer la demande de la victime et la transmettre à la CAF compétente, ainsi qu’au conseil départemental, chef de file de l’action sociale.
Lorsqu’un travailleur social sera présent, cette mission lui sera naturellement assignée. Néanmoins, si le déploiement des intervenants sociaux en commissariat et unité de gendarmerie suit son cours, il est encore loin d’être effectif dans tous les départements. Nous nous sommes donc interrogés en commission sur le bien-fondé de cette disposition.
À l’évidence, il ne s’agit pas là de compétences naturelles aux policiers et gendarmes. Nous avons cependant préservé cette possibilité de demander l’avance à l’occasion du dépôt de plainte. Nous savons tous qu’une simple information des victimes sur leurs droits ne sera pas suffisante.
Les personnes, souvent dans des états traumatiques, ne seront pas si nombreuses à aller d’elles-mêmes vers la CAF. En outre, les situations contraintes dans lesquelles elles se trouvent peuvent les empêcher de se rendre comme elles le souhaitent auprès d’un nouveau guichet, retardant alors le déclenchement de l’aide.
Le texte propose donc un nécessaire mécanisme de liaison entre services de l’État et services sociaux, qui doit s’appliquer du mieux possible grâce à des échanges informatisés, formalisés dans des conventions locales.
En outre, un amendement de coordination de la commission aura pour objet de permettre aux assistants d’enquête, que le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur entend créer, d’exercer ces missions d’enregistrement et de transmission de la demande d’aide d’urgence.
Voilà, mes chers collègues, le dispositif que le présent texte entend établir. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé diverses mesures, notamment un « pack nouveau départ ». D’autres initiatives locales fleurissent : je pense à celle menée par la CAF du Var et le barreau de Toulon pour orienter efficacement les victimes de violences conjugales et mener sous quarante-huit heures un examen complet de leurs droits à prestations légales.
Nous ne pouvons que nous réjouir que toutes ces avancées aillent dans la même direction. Le dispositif de cette proposition de loi n’est donc ni concurrent ni redondant. Il s’agit d’une occasion de compléter les dispositifs existants d’aide aux victimes de violences conjugales. C’est pourquoi la commission a adopté la proposition de loi.
Il est évident que l’expérimentation dans le Nord pourra, le cas échéant, apporter des voies d’amélioration du texte en cours de navette parlementaire.
Par ailleurs, elle lèvera sans aucun doute les réserves institutionnelles qui peuvent encore être formulées. Cette aide monétaire légale s’inscrira dans les environnements déjà formés par les acteurs de l’action sociale. Le texte laisse en effet la liberté au pouvoir réglementaire et aux parties prenantes de s’organiser au plus proche des besoins de chaque département. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule, permettez-moi de féliciter Mme la sénatrice Valérie Létard et Mme la rapporteure Jocelyne Guidez pour leur mobilisation dans la lutte contre les violences faites aux femmes, grande cause des deux quinquennats du Président de la République.
Je sais le Sénat particulièrement engagé sur cette question, comme en témoignent les nombreuses signatures transpartisanes recueillies par cette proposition de loi.
La lutte contre les violences conjugales, premier pilier de la grande cause du quinquennat, s’est traduite par plusieurs actions concrètes, fruits pour la plupart du Grenelle des violences conjugales et du travail conjoint du Gouvernement et des parlementaires.
C’est l’illustration que nous avançons collectivement sur ce sujet qui dépasse largement les clivages partisans. C’est aussi le résultat du ressaisissement collectif qu’a opéré notre société ces dernières années, notamment grâce à la vague #MeToo, qui a déferlé sur le monde. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Trop longtemps, notre société n’a pas écouté les victimes, ne les a pas crues, les laissant souvent seules face à l’emprise, abandonnées face aux coups, dans un huis clos avec leur agresseur.
Depuis cinq ans, nous n’avons eu de cesse de renforcer les dispositifs de protection ou d’en créer de nouveaux. Je pense aux téléphones grave danger, aux ordonnances de protection, aux bracelets anti-rapprochement, à la présence renforcée des intervenants sociaux dans les commissariats et les gendarmeries, à la formation massive des policiers, des gendarmes et des magistrats, mais aussi à la considérable progression du nombre de places d’hébergement d’urgence durant le précédent quinquennat. Ce mouvement, je compte bien entendu le poursuivre.
La Première ministre a annoncé le 2 septembre dernier qu’elle présiderait dans les prochains mois un comité interministériel sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Je le piloterai en vue d’établir dans son prolongement un plan gouvernemental qui sera décliné dans les cinq ans à venir.
Oui, je partage votre constat : il faut aider les femmes et les victimes à sortir de cette emprise. Au cours de mes trente ans de magistrature et de mes quelques années de présidence de cour d’assises, j’ai trop souvent été témoin de ces faux départs.
Même lorsqu’une femme parvient à parler, à révéler les faits, elle reste trop souvent sous la dépendance financière ou psychologique de son conjoint et finit parfois par retourner auprès de lui. Le cas échéant, c’est lors de ces allers-retours que l’irréparable est commis.
J’ai également beaucoup travaillé avec les associations, comme magistrate, puis en tant que haut fonctionnaire du ministère de la justice chargée de coordonner les travaux du Grenelle : elles pensent aussi qu’il faut agir vite.
Oui, il faut aider les femmes à sortir de cette emprise et éviter à tout prix ces faux départs. En ce sens, le « pack nouveau départ » sera expérimenté à la suite du comité interministériel.
Quant à votre texte, il vise à créer un dispositif d’aide financière sous la forme d’une avance versée par les caisses d’allocations familiales aux femmes victimes de violences. Il s’agirait d’un prêt sans intérêt, ce qui pose bien évidemment la question de son remboursement.
Cette perspective pourrait constituer un frein à l’objectif consistant à sécuriser les femmes pour qu’elles se décident à fuir. Pour répondre à cet enjeu, votre texte permet notamment à la CAF, via un mécanisme de subrogation, de se retourner contre l’auteur des violences pour obtenir le remboursement du prêt.
Un tel dispositif se heurte néanmoins en droit au principe de la subrogation légale, qui suppose que les créances transmises soient de même nature et répondent au même régime juridique.
Or l’avance octroyée par la CAF est un prêt sans intérêt, de nature et de régime distincts des indemnités octroyées par le tribunal correctionnel en réparation du préjudice subi par la victime de violences. La mise en œuvre de ce dispositif serait donc d’une particulière complexité, et le remboursement par l’auteur semble très hypothétique.
De manière plus générale, si l’autonomie financière est un volet essentiel de l’aide que nous devons apporter à ces femmes, il n’est pas le seul.
Comme vous le savez, leurs besoins sont multiples : logement, aide financière, accès aux droits, garde d’enfants, réinsertion professionnelle, accompagnement psychologique… L’esprit du « pack nouveau départ » passe justement par le développement d’une prise en charge globale coordonnée, prioritaire dans la durée et individualisée.
Avant de généraliser un modèle de prise en charge, la Première ministre et moi-même allons lancer une expérimentation dans plusieurs territoires, pour définir le dispositif qui répondra le mieux aux besoins des femmes.
Nous souhaitons y associer pleinement les parlementaires et nous inspirer des dispositifs qui fonctionnent sur leur territoire.
J’aimerais d’ailleurs, comme vous l’avez fait, madame la rapporteure, saluer plusieurs initiatives développées par les CAF.
Par exemple, la CAF de la Côte-d’Or propose une aide financière individuelle non remboursable d’un montant maximal de 1 500 euros aux victimes de violences conjugales ayant au moins un enfant à charge.
La CAF du Var a signé un protocole avec le barreau de Toulon pour prendre en charge sous quarante-huit heures toute victime de violences conjugales à la demande de son avocat, une aide financière étant versée aux victimes pour un relogement en urgence.
La CAF du Val-d’Oise apporte des aides pour acquérir des biens d’équipement ménager ou mobilier de première nécessité.
Dernier exemple, la CAF de la Somme finance une aide au départ d’urgence d’un montant de 500 euros, plus 200 euros par enfant, versée aux femmes victimes de violences conjugales par les associations têtes de réseau départemental.
Je pourrais citer de nombreux autres exemples, ce qui montre la mobilisation collective qui a lieu un peu partout sur le territoire.
L’expérimentation qui sera lancée dans votre département, le Nord, madame la sénatrice Valérie Létard, et qui a inspiré votre proposition de loi, est intéressante. Elle peut être intégrée dans les réflexions du Gouvernement, mais elle doit être, à notre avis, enrichie pour couvrir tous les besoins des femmes.
C’est pourquoi le Gouvernement s’en remet sur ce texte à la sagesse du Sénat et s’engage à travailler en synergie avec les parlementaires, les collectivités et les associations désireux d’agir concrètement. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est des sujets sur lesquels nous devons nous exprimer avec la plus grande précaution. C’est le cas des violences conjugales, parce qu’il s’agit de situations où la violence s’immisce dans l’intime, où l’amour s’abîme dans l’horreur et dans la haine, où les problématiques sont aussi complexes que révoltantes.
Cette précaution ne doit pas nous empêcher d’agir, bien au contraire. Seulement, il convient de privilégier la voie du pragmatisme à celle de l’idéologie, la mesure et l’action aux condamnations à l’emporte-pièce. C’est pourquoi je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Valérie Létard, dont le travail répond précisément à cette exigence.
Que le dispositif de la proposition de loi soit directement inspiré par une expérimentation conduite par des acteurs de terrain a de quoi nous rassurer à cet égard. Ces acteurs de terrain, qu’il s’agisse des services sociaux de proximité ou des associations de soutien aux victimes de violences conjugales, sont unanimes sur la question : le soutien aux victimes doit passer par une aide d’urgence, facilement accessible et rapidement décaissable.
En effet, comme je le disais en préambule, les victimes de violences conjugales sont particulièrement fragiles et précaires, puisqu’elles partagent bien souvent le même domicile et les mêmes revenus que leur bourreau. En conséquence, les victimes n’ont aucun moyen d’échapper à ces violences, qui sévissent au sein même du foyer.
D’où le cercle vicieux de la violence, qui s’installe de manière pernicieuse dans la normalité d’un couple, où les sévices, tout d’abord isolés, commencent à se répéter, puis à devenir de plus en plus graves. Et puisque les victimes n’ont pas les moyens de s’échapper, ces violences finissent par se banaliser : elles deviennent régulières, bien souvent quotidiennes ; bientôt, les victimes ne peuvent plus s’y opposer ni même les éviter.
Que faire face à cette banalisation du mal ? Que faire, alors même que les victimes ont parfois tendance à occulter ou à nier les violences qu’elles subissent, parce qu’un lien affectif les unit encore à leur bourreau ?
La proposition de loi que nous allons examiner vise précisément à offrir à ces victimes l’espoir d’une échappatoire. En prévoyant la possibilité de débloquer en trois jours un pécule pour permettre à la victime de se mettre à l’abri, nous apportons une réponse concrète pour briser ce cercle vicieux de la violence.
En commission, j’ai fait part de plusieurs interrogations relatives à la sécurisation du dispositif, notamment pour ce qui concerne les modalités de versement de l’avance et de son recouvrement.
Je crois que l’adoption des amendements proposés par la rapporteure a contribué à renforcer le dispositif. Les précisions apportées, notamment pour mieux définir les critères d’octroi, rendront le dispositif envisagé plus efficace et plus opérant.
Pour dire clairement les choses, c’est toute la difficulté de ce dispositif qui doit apporter une réponse rapide pour faire face à l’urgence d’une situation, en évitant à tout prix que l’irréparable ne se produise. C’est cet objectif qui nous oblige à veiller, en priorité, à la célérité du dispositif. Cela n’exclut pas une forme de contrôle, mais il est nécessaire que ce contrôle intervienne ex post, c’est-à-dire après le versement de l’avance, afin de ne pas ralentir une procédure dans laquelle la mise à l’abri d’une victime tient parfois à peu de chose.
En conclusion, je crois que le travail en commission a amélioré une initiative parlementaire de grande qualité, qui répond aux préoccupations issues du terrain. Nous avons déposé un amendement qui vise à répondre à un angle mort de la proposition de loi et qui a pour objet le versement par les mutuelles sociales agricoles de cette avance.
Le groupe Les Indépendants soutient cette initiative. J’espère qu’elle sera largement adoptée par le Parlement et rapidement mise en œuvre par le Gouvernement. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (M. Joël Labbé applaudit.)
Mme Mélanie Vogel. Voilà un sujet plus facile que celui d’hier… (Sourires.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quarante ou cinquante ans, apparaissaient, grâce aux mouvements féministes, les expressions « féminicide » et « violences conjugales ». Il y a trente et un ans était créé le premier numéro d’appel d’État anonyme pour les victimes de violences conjugales. Il y a six ans commençait le décompte des féminicides en France. Il y a cinq ans, #MeToo libérait la parole sur les violences sexuelles, notamment au sein des couples.
Depuis lors, des lois ont été votées en 2014, 2018 et 2020 pour tâcher de pallier nos manquements. Mais la France continue d’être un pays où les femmes meurent et sont victimes de violences, parce qu’elles sont des femmes. Le décompte de nos mortes est à 102 féminicides pour 2022.
Nous ne cessons de dire tous les ans en novembre et en mars à toutes les victimes de violences que nous les croyons. Croire la parole est essentiel, mais, quand on est cru, encore faut-il pouvoir partir de chez soi, fuir son conjoint violent, en avoir la possibilité économique.
Nous vivons encore dans un monde où la réalité est que, dans les couples hétérosexuels, la majorité des hommes gagnent plus d’argent que leurs conjointes, l’écart de revenus étant de 47 % en faveur des hommes. Cet écart se creuse avec les séparations conjugales.
Face à cet état de fait, le texte proposé par notre collègue Valérie Létard prévoit l’attribution d’un prêt aux femmes victimes de violences afin de leur donner les moyens de partir de chez leur conjoint violent et d’engager des actions judiciaires.
Le principe d’un prêt, c’est qu’il doit être remboursé. Or il peut paraître difficile de demander à une femme victime de violences d’accepter un prêt, certes à taux zéro, car elle devra s’engager à le rembourser, en supposant qu’elle en aura les moyens.
De plus, 80 % des plaintes pour violences conjugales sont classées sans suite, si bien que, en l’état actuel de la réalité de notre pays vis-à-vis du traitement judiciaire des violences conjugales, les femmes devront, sauf exception, rembourser ce prêt.
Enfin, même si la procédure aboutit à une condamnation, la CAF pourra utiliser les dommages et intérêts obtenus pour réparation de violences, alors que ceux-ci, auxquels nul n’aurait touché si la victime avait eu les moyens, ont vocation à réparer les préjudices subis.
Je pense également aux Françaises qui résident à l’étranger, qui me semblent en partie oubliées par ce texte et auxquelles nous devons aussi protection. En effet, les victimes devront être inscrites sur le registre des Français établis hors de France et porter plainte ou faire un signalement en France ou dans le pays de résidence.
Or plus de la moitié des Français qui vivent à l’étranger ne sont pas inscrits sur ce registre – on peut estimer que c’est une erreur de leur part, mais c’est la réalité. Je regrette donc que cette inscription soit obligatoire. On se lance rarement dans de telles démarches administratives lorsque l’on est victime de violences conjugales…
Cela dit, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de ce texte, qui constitue malgré tout une avancée, un petit pas dans la bonne direction.
Cette proposition de loi ne doit pas faire oublier tout le chemin qu’il reste à parcourir en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, en termes de prévention, de formation et de moyens financiers alloués à la mise en sécurité des victimes et de leurs enfants, à leur reconstruction, à la fin de l’impunité et à la neutralisation des agresseurs.
En attendant, mes chers collègues, je vous invite à ne pas oublier d’aller manifester le 16 novembre avec le collectif Nous toutes contre toutes les violences sexistes et sexuelles. C’est par la rue que nous gagnons les combats ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – M. Xavier Iacovelli et Mme Valérie Létard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 213 000, c’est le nombre de femmes qui déclarent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint sur une année.
Les chiffres, nous le savons, sont plus qu’alarmants. En 2020, une femme meurt tous les trois jours et demi sous les coups de son mari ou de son ex-mari. En 2021, quelque 122 femmes et 21 hommes sont ainsi décédés. Ces violences touchent tous les territoires et toutes les catégories sociales. Elles sont toujours, lorsque l’issue n’est pas mortelle, source d’isolement et de vulnérabilité chez la victime, trop souvent livrée à elle-même, seule face à son bourreau.
Face au calvaire que vivent de trop nombreuses victimes, nous devons agir.
Agir, en protégeant les personnes victimes de violences conjugales. C’est l’ambition de la loi de 2010 que le Parlement et le Gouvernement ont renforcée sous la précédente législature et qui permet au juge des affaires familiales de statuer sur des mesures de protection sans que la personne ait déposé plainte. Le nombre d’ordonnances n’a cessé d’augmenter depuis 2015 ; il a même doublé en cinq ans.
Agir, en éloignant le conjoint violent, car ce ne doit pas être systématiquement à la victime de quitter le domicile. C’est l’objectif du bracelet anti-rapprochement, dispositif de surveillance électronique créé par la loi du 28 décembre 2019, qui permet de géolocaliser la victime et son agresseur, ce qui constitue l’une des mesures les plus protectrices en matière de violences conjugales.
Je pense également à l’instauration du référé violences conjugales, procédure qui permet au juge d’ordonner l’éviction du conjoint violent et l’attribution du domicile conjugal à la victime.
Agir, en apportant assistance aux victimes en situation de vulnérabilité et en grave danger. C’est la raison pour laquelle le dispositif téléphone grave danger, accessible sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, a été généralisé, afin de permettre à toutes les victimes de violences conjugales d’y avoir accès sur l’ensemble du territoire. Il permet d’alerter et de faire intervenir immédiatement, grâce à la géolocalisation, les forces de l’ordre en cas de menaces ou de violences.
Un numéro unique, le 3919, a par ailleurs été déployé, et l’examen de cette proposition de loi doit nous permettre d’en faire la promotion à destination de toutes les femmes victimes ou en danger.
Agir, enfin, pour l’avenir des victimes. C’est tout l’objet du pacte Nouveau départ, annoncé en septembre dernier par Mme la ministre, qui accompagnera les victimes de violences de façon globale grâce à la mobilisation d’aides sociales, l’accès à la formation, l’aide au retour à l’emploi, l’hébergement d’urgence ou encore un soutien psychologique.
Pourtant, malgré ces avancées salutaires et l’action du Gouvernement, la situation est critique, mes chers collègues. Trop de femmes, par peur de se retrouver seules avec leur conjoint violent, s’enferment dans le déni, parfois la honte, et renoncent à porter plainte ou à s’enfuir.
Face à ces drames, il est de la responsabilité du législateur d’apporter des solutions concrètes. C’est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Déposé par Valérie Létard, ce texte, dont j’ai l’honneur d’être cosignataire, vise à créer une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales.
Le groupe RDPI partage son objectif, puisque le dispositif permettra à la victime de s’extraire, avec ses enfants, d’une situation de danger, en lui apportant une aide garantissant son autonomie financière.
Protéger la mère, c’est aussi protéger les enfants. Ces enfants sont en effet les victimes directes, lorsqu’ils sont eux-mêmes frappés ou menacés, ou indirectes, lorsqu’ils sont tout simplement exposés à ces violences. Par ailleurs, ils sont souvent instrumentalisés pour maintenir une certaine emprise du conjoint violent sur la victime.
Les études récentes montrent que les enfants traumatisés par ces violences ont davantage de problèmes de santé, comme des retards de croissance, et qu’ils présentent dix à dix-sept fois plus de troubles du comportement que les enfants qui vivent dans un foyer sans violence.
Nous sommes néanmoins sceptiques quant à la notion de prêt, car devoir rembourser cette aide pourrait, dans de nombreux cas, être synonyme d’insécurité chez les femmes victimes en situation de précarité qui en subiraient les effets sur le plan financier. Mais je ne doute pas que Valérie Létard nous apportera des réponses complémentaires visant à pallier les difficultés que ce dispositif pourrait entraîner.
En tout état de cause, et malgré cette réserve, notre groupe soutiendra sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier Valérie Létard d’avoir déposé cette proposition de loi et, ainsi, lancé une procédure législative qui, nous le souhaitons, aboutira. Je la remercie aussi d’avoir engagé dans son département une expérimentation qu’elle propose ici, d’une certaine façon de généraliser.
Celles et ceux d’entre nous qui ont déjà eu l’occasion d’accompagner des victimes de violences conjugales le savent : l’un des premiers écueils à la dénonciation des violences subies est la crainte des conséquences de cette dénonciation, en particulier le fait de devoir quitter le domicile et de se retrouver sans ressource, dans une précarité matérielle qui menace la survie de l’écosystème mère-enfant.
Cette crainte est dissuasive et amène nombre de femmes à rester dans le foyer conjugal. Il arrive souvent que des gens nous demandent pourquoi ces femmes restent dans cette situation… Nous avons tant de réponses à leur donner ! Ce texte propose de traiter l’une des explications de ce phénomène.
L’indépendance économique est une étape indispensable pour l’émancipation des femmes, qu’elles soient ou non, d’ailleurs, victimes de violences. L’indépendance économique est également importante pour prévenir les violences conjugales.
C’est la raison pour laquelle j’ai défendu la déconjugalisation de l’allocation de soutien familial, ou encore l’augmentation du Smic. En effet, je le rappelle, en 2021 quelque 59,3 % des salariés au Smic étaient des femmes. Par conséquent, un Smic bas signifie davantage de femmes en situation de précarité.
Nous fêtons cette année les cinq ans du mouvement #MeToo. Grâce aux milliers de témoignages de violences sexuelles et sexistes, grâce au mouvement féministe, grâce à la mobilisation des associations spécialisées, le combat contre les violences conjugales est maintenant un objet de politique publique qui mobilise les gouvernements depuis de nombreuses années.
Cette mobilisation n’a pas commencé en 2017. J’ai moi-même défendu le cinquième plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes. Aujourd’hui, en tout cas, il s’agit d’un sujet de société.
J’en profite, madame la ministre, pour vous dire qu’il est positif d’avoir organisé un Grenelle sur ce sujet, mais qu’il est également important de définir un plan interministériel s’inscrivant dans la continuité des précédents plans.
Des choses ont été faites, mais il en reste encore, aussi bien sur le plan légal que d’un point de vue matériel et pratique.
Il nous faudra ainsi travailler sur plusieurs questions : les restrictions aux modalités d’exercice de l’autorité parentale et du droit de visite et d’hébergement de l’auteur des violences ; l’exclusion de la résidence principale de l’enfant chez l’auteur des violences ; l’augmentation de la durée et de la portée de l’ordonnance de protection ; la dissimulation de l’adresse de résidence et de l’école des enfants à l’ex-conjoint violent ; le renforcement de la lutte contre les violences post-séparation, etc.
Je ne doute pas que le calendrier parlementaire nous permettra d’avancer sur ces différents points. J’imagine que la mission parlementaire que vous avez lancée, madame la ministre, et confiée à une sénatrice et à une députée permettra, au-delà de la question relative à la juridiction spécialisée, de balayer l’ensemble des difficultés juridiques qui se posent. Ainsi éliminerons-nous les « trous dans la raquette », si vous me passez l’expression, qui subsistent.
La création d’une aide financière d’urgence pour les victimes de violences conjugales est indispensable : c’est un moyen immédiatement mobilisable pour faciliter la sortie des violences. J’ajoute que nous aurions tort d’hésiter à voter cette mesure vu la situation financière de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), puisqu’elle est en excédent cette année !
Un amendement déposé par ma collègue Victoire Jasmin au nom du groupe socialiste a pour objet la domiciliation de droit des victimes de violences conjugales bénéficiant de l’avance d’urgence auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale ou d’un organisme agréé, si elles le demandent.
Pour conclure, je veux ajouter que cette mobilisation financière nouvelle, qui constitue de fait un effort pour la collectivité publique, est finalement un juste retour des choses.
Je vous suggère de ce point de vue la lecture du Coût de la virilité de Lucile Peytavin, dans lequel cette dernière souligne à quel point la violence masculine est omniprésente dans la société et très coûteuse pour elle. Elle indique ainsi : « En France, les comportements virils masculins sont responsables chaque année de 7 milliards d’euros sur les 9,06 milliards d’euros du budget total de la justice, […] de 8,6 milliards d’euros sur les 13,1 milliards d’euros du budget total des forces de l’ordre, de 2,3 milliards d’euros sur les 16,1 milliards d’euros du budget total des urgences et des hospitalisations qui s’ensuivent. À cela, il faut ajouter le coût humain et social de ces infractions à la loi, puisqu’il y a, derrière ces actes, des vies brisées ».
Plus de 200 000 femmes sont victimes chaque année de violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Sur la totalité des violences conjugales, 96 % des auteurs sont des hommes. Cela représente, pour nos finances publiques, un coût de 3,3 milliards d’euros par an.
Au regard de ce que nous coûte la violence masculine, le budget que nous propose de mobiliser Valérie Létard est bien minuscule, d’autant qu’il s’agit de prêts, donc de sommes destinées à être remboursées.
En proposant de créer une aide financière d’urgence, cette proposition de loi va dans le bon sens, celui du soutien aux victimes. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain la soutiendra avec enthousiasme. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet des violences conjugales revient régulièrement devant notre assemblée, et force est de constater qu’il reste beaucoup à faire pour éradiquer ce mal qui ronge notre société.
Le Nord est le deuxième département de France métropolitaine le plus touché ; c’est dire si Valérie Létard et moi connaissons bien la problématique. Une réalité locale qui rejoint les statistiques nationales des violences faites aux femmes.
En 2019, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, 213 000 femmes ont été victimes de violences physiques et sexuelles commises par leur partenaire ou ex-partenaire. Selon le bilan du ministère de l’intérieur paru cet été, le nombre de féminicides a augmenté de 20 % en 2021 par rapport à l’année précédente : 122 de nos sœurs, de nos mères, de nos cousines, de nos voisines, de nos filles sont décédées sous les coups d’un conjoint ou ex-conjoint, contre 102 en 2020.
Ce qui retient les femmes de quitter le domicile conjugal, outre l’emprise exercée par le conjoint, c’est le manque de ressources financières. En effet, il est fréquent que les victimes n’aient pas accès au compte bancaire du foyer ou qu’elles n’aient pas de source de revenus personnelle.
Le départ est alors synonyme de difficultés à assurer, pour elles et pour leurs enfants, les achats de première nécessité. Très souvent, ces difficultés contribuent à un retour contraint au domicile conjugal. La mise en place d’une aide financière d’urgence aux victimes permettra d’encourager cette démarche salvatrice de départ.
J’avais moi-même formulé cette proposition dans un texte déposé en février 2021 : il s’agissait d’attribuer le RSA en urgence aux victimes de violences intrafamiliales. Ce dispositif sera d’ailleurs expérimenté dès le mois prochain dans mon arrondissement du Valenciennois, sur l’initiative du département du Nord. On pourra au passage regretter que l’évaluation de cette expérimentation n’ait pas été attendue avant de débattre d’un dispositif alternatif.
Dans le texte qui nous est soumis, l’aide prend la forme d’un prêt accordé par les caisses d’allocations familiales, déclenché dans un délai porté à trois jours ouvrés par la commission et versé en trois mensualités. Les modifications apportées par la commission ont permis de cadrer les conditions d’accès à cette aide sans qu’elles soient trop restrictives, et nous devons l’en remercier et saluer le travail de notre collègue Guidez, en tant que rapporteure de ce texte.
Ce principe de soutien au départ d’urgence n’a pas vocation à remettre en cause le principe d’éloignement des auteurs des violences ni à résoudre à lui seul l’ensemble de la problématique des violences faites aux femmes.
Je rappelle que les associations féministes demandent un investissement massif, à hauteur d’un milliard d’euros, afin d’engager efficacement une véritable lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants dans l’esprit de la grande cause nationale décrétée et annoncée par le Président de la République à l’aube de son précédent mandat.
La prévention et la protection des femmes et des enfants victimes de violences sont également indispensables pour éviter que ces comportements ne se reproduisent de génération en génération.
Néanmoins, il s’agit d’un premier pas, qui doit être salué, pour accompagner les victimes de violences conjugales. Avec cette proposition de loi, le Sénat a l’occasion d’envoyer un signal, en montrant que nous sommes capables de nous réunir et de dépasser nos divergences partisanes pour lutter contre les violences conjugales.
Pour cette raison, le groupe CRCE votera ce texte modifié par la commission. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Jacquemet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà cinq ans que #MeeToo a libéré la parole des femmes, cinq ans que, avec courage, elles sont enfin sorties du silence, bravant le sentiment de honte qui trop souvent les enferme dans un carcan de culpabilité.
Les témoignages se sont multipliés dans toutes les couches de la société, révélant au grand jour des violences jusque-là insoupçonnées ou ignorées. Les victimes se sont mises à parler et la société à les écouter – enfin ! Nous avons pris conscience de ce fléau. C’est une véritable révolution.
Les violences conjugales sont un phénomène multiforme, complexe, qu’il nous revient de traiter dans sa globalité.
Elles peuvent être physiques, psychologiques, mais aussi économiques. Elles se traduisent dans les faits par une précarité telle que la victime ne peut survivre sans son agresseur. Chantage financier, confiscation des ressources financières ou des moyens de paiement, ces comportements visent à acculer la victime et à la pousser vers un surendettement personnel. Lorsqu’elles font appel aux numéros d’aide aux victimes, 19 % des femmes déclarent subir des violences économiques.
Selon le ministère de l’intérieur, les plaintes pour violences conjugales atteignaient en 2020 le nombre de 159 400, en hausse depuis quelques années, alors qu’une enquête statistique du ministère estime à 295 000 le nombre annuel de victimes de violences conjugales, dont 72 % de femmes et 28 % d’hommes – il ne faut pas oublier ces derniers.
En 2021, quelque 122 femmes ont été tuées par un conjoint ou un ancien conjoint, soit une hausse de 20 % par rapport à 2020.
J’ajoute qu’une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined) de 2018 révèle que près d’une femme sur cinq se déclare en situation de violences conjugales en Martinique et en Guadeloupe.
Un certain nombre de mesures ont déjà été prises ou renforcées : le téléphone grave danger – il y en a plus de 4 000 – ; le 3919 joignable sans interruption depuis le 30 août 2021 ; la messagerie instantanée qui permet de dialoguer avec un agent de police ; les plus de 9 000 places d’hébergement avec les 1 000 nouvelles décidées en début d’année ; les ordonnances de protection prises par un juge aux affaires familiales qui prononce l’éloignement du conjoint violent et permet, dans le même temps, d’organiser la vie de la famille ; les bracelets anti-rapprochement ; enfin, les centres de prise en charge des auteurs de violences pour éviter des récidives.
Malgré ces avancées, les données issues des appels au numéro 3919 Violence Femmes Info montrent que 59 % des victimes souhaitent quitter le domicile conjugal et que 18 % d’entre elles indiquent avoir effectué plusieurs départs pour revenir au foyer faute de moyens financiers leur permettant d’être autonomes. Il leur est donc très difficile de couper définitivement les ponts avec leur tortionnaire, d’autant plus lorsqu’elles partent avec leurs enfants.
L’aide financière d’urgence doit donc s’imposer comme l’un des piliers de la prise en charge et de l’accompagnement des victimes de violences conjugales.
C’est une mesure de bon sens, qui émane du terrain, de celles et ceux qui travaillent au quotidien avec ces victimes : services sociaux du département, CAF, parquet, associations. Pour avoir été en charge des solidarités au conseil départemental du Doubs, je peux dire, chère Valérie Létard, que cette proposition de loi est la bienvenue.
Quelques éléments du texte me semblent particulièrement importants.
Nous savons que, au-delà de soixante-douze heures, les victimes, livrées à elles-mêmes, sont contraintes de rentrer au domicile. Ce dispositif répond à ce problème en versant, dans un délai maximum de trois jours, une somme dont le montant sera fixé par décret.
Cette aide étant non pas une allocation, mais bien un prêt à taux zéro, elle devra être remboursée dans son intégralité selon un échéancier variable. Cependant, la proposition de loi contient un mécanisme permettant à la CAF de se constituer partie civile. Cela lui permettra, si le prêt est encore en cours moment du jugement, de se rembourser sur les dommages et intérêts versés par le coupable.
Enfin, cette aide est universelle, et je pense que, à ce niveau d’urgence, il n’y a pas lieu de faire une quelconque distinction entre milieux sociaux.
Nous connaissons tous le taux de non-recours aux aides sociales. C’est pour cette raison qu’il incombera soit à l’officier ou l’agent de police judiciaire, soit à l’intervenant social en commissariat et gendarmerie recevant la victime de l’informer de l’existence de ce prêt, d’en enregistrer la demande et de la transmettre à la CAF, ainsi qu’au conseil départemental, chef de file de l’action sociale.
Cette procédure nécessitera une parfaite information et formation de ceux qui sont souvent en première ligne pour accueillir les victimes.
Je terminerai mon propos en soulignant le travail formidable accompli par tous les partenaires, dans toutes les associations d’aide aux victimes de violences conjugales, souvent confrontées à des difficultés financières. Je garde en mémoire la lueur d’espoir qui se rallume dans les yeux de celles qui sont prises en charge et accompagnées pour se reconstruire et qui voient enfin leur avenir s’éclaircir.
Je voudrais remercier chaleureusement notre collègue Valérie Létard d’avoir travaillé sur le terrain dans son département du Nord et concrétisé ce dispositif si utile, ainsi que Jocelyne Guidez de son travail consciencieux et sérieux de rapporteure, qui a permis d’amender ce texte avec précision.
Je suis persuadée que cette proposition de loi permettra de réaliser un bond en avant dans la lutte contre les violences conjugales et pourra éviter bien des drames en offrant une échappatoire aux victimes.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Annick Jacquemet. Le groupe Union Centriste votera évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme le souligne le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, « l’autonomie financière est une condition pour reprendre sa vie en main ». J’ajoute : a fortiori lorsqu’il s’agit des femmes victimes de violences conjugales.
Reprendre sa vie en main est un long parcours. Il faut tout d’abord que ces femmes soient écoutées et que l’on prenne en considération ce qu’elles disent, les mots et les souffrances qui les accompagnent. Elles cherchent aussi une protection pour, enfin, envisager de se reconstruire.
La mise en place de cette avance d’urgence pour les victimes de violences conjugales incite à emprunter cette voie, si difficile soit-elle. C’est une pierre qui s’ajoute à la construction d’une culture de la protection, si défaillante actuellement.
Pour plus de 350 000 interventions par les forces de l’ordre au domicile des familles, seuls 79 000 procès-verbaux de renseignement judiciaire et mains courantes ont été déposés en 2019. La faille réside dans cet écart. S’il y avait eu une prise en charge à temps, on aurait pu éviter quelques victimes.
Mardi dernier, j’ai rencontré Aïcha dans les locaux du foyer Louise Labé, géré par l’association Halte aide aux femmes battues, un centre d’hébergement spécialisé. Voici son témoignage : « Mon mari me frappait. Il me disait “Maintenant que tu n’as plus ta famille, je fais ce que je veux de toi”. Alors un jour, je suis partie avec un bébé dans le ventre, un dans les bras, mes claquettes et rien d’autre. Pendant deux ans, je n’ai pu toucher aucune aide. »
Conjointement à la colère des femmes dont les signalements ne sont pas toujours entendus, il est heureux, si l’on peut s’exprimer ainsi, que l’actualité fasse écho au sujet qui nous réunit aujourd’hui.
En réalité, la relative libération de la parole des femmes oblige les institutions à agir dans le bon sens : c’est ce que nous ferions en votant ce texte ! Il est temps que les victimes de violences conjugales soient guidées dans leurs démarches administratives et judiciaires, leur seul courage ne suffisant pas. Leur situation précaire et leur vulnérabilité, entretenues par des mécanismes d’emprise physique, psychologique et financière, aboutissent en fin de compte à leur isolement.
Si elle est votée, cette aide, même insuffisante, sera d’une grande utilité, aussi bien pour les victimes de violences conjugales que pour leurs enfants. Je voterai en faveur de ce texte. (Mmes Valérie Létard, Victoire Jasmin et Michelle Meunier applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de ne pas partager l’ambition de cette proposition de loi déposée par notre collègue Valérie Létard, qui a eu l’amabilité de nous inviter à la cosigner, ce que plusieurs d’entre nous ont fait au sein du groupe RDSE.
Il y a eu 143 victimes de morts violentes au sein du couple en 2021, dont 122 femmes. L’année 2022 ne semble malheureusement pas marquer de recul, ce qui a sans doute poussé le Président de la République à déclarer grande cause nationale du quinquennat, pour la seconde fois, la lutte contre les violences faites aux femmes.
Le sujet a d’ailleurs fait la une des médias récemment, prouvant une fois de plus qu’aucun milieu n’était épargné par la violence et que, parmi les hommes politiques, certains avaient encore un long chemin à parcourir sur cette question.
Poussés par la société civile et de nombreuses activistes, les pouvoirs publics tentent, avec des moyens et des résultats encore insuffisants, de réduire la violence au sein des couples. Le Grenelle contre les violences conjugales de 2019 a accouché de 54 mesures, dont 46 sont aujourd’hui en vigueur. Des outils existent, comme le téléphone grave danger ou le bracelet anti-rapprochement. En les assortissant d’un budget à la hauteur et en les accompagnant de mesures telles qu’une formation adaptée des forces de l’ordre ou l’éducation à la vie affective et sexuelle dès le plus jeune âge, nous pouvons espérer que la situation s’améliore dans les années à venir.
Dans l’immédiat, et afin de compléter l’arsenal aujourd’hui disponible, cette proposition de loi vise à répondre à une problématique récurrente pour les victimes de violences conjugales : la dépendance financière. Elles sont en effet nombreuses à demeurer ou à retourner au domicile conjugal faute de ressources suffisantes, notamment lorsqu’elles ont des enfants à charge, qu’elles refusent naturellement de laisser derrière elles. Les aides, telles que le RSA, lorsqu’elles y sont éligibles, sont assorties d’un délai souvent rédhibitoire.
Il est donc proposé, ici, de donner les moyens financiers aux victimes de s’extirper d’un environnement violent, en leur accordant une aide d’urgence, sous forme de prêt à taux zéro, délivré par la CAF en trois mensualités, dont la première débloquée sous trois jours.
Cette avance est subordonnée à une ordonnance de protection délivrée par le juge, un dépôt de plainte de la victime ou un signalement d’un professionnel de santé adressé au procureur. Elle pourra être récupérée par la CAF, si celle-ci se constitue partie civile, directement auprès de l’auteur des violences, pour demander, au nom de la victime, la réparation de la créance sur les dommages et intérêts prononcés. La victime n’aurait plus alors à rembourser le prêt.
La PPL prévoit, par ailleurs, que les allocataires de l’avance bénéficient automatiquement des droits accessoires à la prestation du RSA, comme la complémentaire santé solidaire ou les droits décidés par les collectivités, tels que le tarif réduit pour les transports en commun. Cependant, cette aide n’est pas subordonnée à un accès au RSA, ce qui la rend universelle.
Ce texte s’appuie sur une expérimentation menée par le conseil départemental du Nord, la CAF, le parquet et d’autres acteurs, notamment associatifs. Cette expérience sera particulièrement utile à sa généralisation.
Une telle généralisation est souhaitable, voire indispensable puisqu’elle aboutira à la création d’un droit supplémentaire sur la question hautement sensible de la dépendance financière. Les auteurs de violences, eux, ne manquent pas de ressources. Le chantage financier et la confiscation des moyens de paiement sont fréquents. Ils aggravent le climat de violence, restreignent le champ de liberté des victimes et les éloignent de la perspective d’une fuite pourtant vitale.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera d’une seule voix pour cette proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que répondre aux victimes de violences, dont certaines, hélas, ne peuvent même plus nous entendre ?
En tout état de cause, tous les mots prononcés dans cet hémicycle aujourd’hui n’apaiseront en rien la douleur des coups répétés d’un conjoint violent.
Espérons néanmoins que ce débat puisse faire évoluer la cause des femmes et des hommes victimes de violences conjugales, afin que la peur change de camp une bonne fois pour toutes, qu’un véritable cadre protecteur et rassurant pour les victimes soit enfin mis en place, qu’elles ne se sentent plus seules et abandonnées à leur sort et qu’elles gardent ce qu’elles ont de plus précieux : leur liberté et leur dignité.
Alors, le ton doit être humble, et la volonté politique ambitieuse ! Réunis pour examiner ce texte défendu par notre collègue Valérie Létard, nous ne pouvons que la féliciter pour sa proposition, qui va dans le bon sens : rendre aux victimes de violences conjugales une indépendance financière, condition sine qua non pour qu’elles se libèrent enfin des chaînes de l’angoisse de la violence.
Ce texte est le fruit d’un consensus transpartisan. C’est avec honneur que j’en défends donc la teneur et en réaffirme la qualité.
Le Sénat s’est saisi depuis de nombreuses années de ce sujet et demeure une source inépuisable de propositions lorsqu’il s’agit d’introduire des mesures efficaces et protectrices envers les victimes de violences conjugales. Le récent rapport sur les zones blanches de l’égalité doit appeler toute l’attention du Gouvernement sur la particularité, notamment, des zones rurales, qui apparaissent malheureusement comme des terreaux intarissables de féminicides.
Si des moyens supplémentaires sont engagés pour endiguer cet effroyable fléau, il nous revient de veiller avec beaucoup de vigilance qu’ils puissent bénéficier à toutes et tous de façon égalitaire, et cela en tout point de l’Hexagone et des outre-mer. L’égalité entre les êtres, ce plébiscite de tous les jours, passe aussi par une égalité entre les territoires. Nous devons collectivement revoir notre copie pour que personne ne soit laissé sur le bord de la route.
À trente-six jours de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, affirmons d’abord notre reconnaissante admiration à celles qui ont trouvé les ressources pour demander de l’aide, entamer un processus de reconstruction et témoigner. Osons clamer enfin, car il le faut, que le combat pour l’égalité est une lutte de tous les instants, une bataille permanente, et que le moindre relâchement nous est interdit.
Alors que les Françaises et les Français décompteront les heures avant le passage en 2023, d’autres procéderont déjà au décompte des femmes lâchement assassinées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Le 1er janvier dernier, Muriel, Lisa et Éléonore ouvraient ce bal funeste illustrant les dysfonctionnements dramatiques de notre système judiciaire. Nous devons enfin comprendre que la non-assistance à personne en danger ne peut plus durer.
Pour preuve, un rapport de l’inspection générale de la justice de 2019 sur les homicides conjugaux indique que, si 41 % des victimes avaient alerté les forces de sécurité, 82 % des mains courantes et procès-verbaux de renseignement judiciaire n’avaient donné lieu à aucune investigation, tandis que 80 % des plaintes avaient abouti à un classement sans suite. Avant d’envisager d’autres réformes, il est urgent, pour celles qui sont encore en vie, d’appliquer les lois existantes.
La responsabilité individuelle ne doit pas se diluer dans la responsabilité collective. La parole politique, la loi et la justice ont le pouvoir de remettre ce monde à l’endroit, ce monde où la victime a trop longtemps été la coupable.
Et il nous faut penser au futur et ne pas hypothéquer la liberté de nos filles et de nos fils en laissant se perpétrer la violence devant eux, parce que ne pas arrêter la violence, c’est en engager une reproduction mécanique à l’égard de la génération suivante.
Comment ignorer qu’un enfant témoin présente quatre fois plus de chance de devenir auteur de violences conjugales et six fois plus de chance de devenir victime ?
Les études démontrent qu’ils subissent des traumatismes comparables à ceux que les personnes confrontées à la guerre développent. Comment tolérer encore en 2022 une telle destruction de l’enfance ?
Il y a urgence à agir sur les plans de la détection, de la prise en charge et de la protection des victimes de violences, tout en s’assurant de la mise hors d’état de nuire des personnes violentes. Il est urgent de protéger, soutenir et accompagner celles qui sont, chaque jour, humiliées, esseulées et violentées.
Chère Valérie Létard, je vous remercie de contribuer, grâce à vos travaux et aux dispositions de cette proposition de loi, à un meilleur accompagnement des victimes. Au-delà de ces avancées incontestables, la protection des victimes face aux violences doit rester une priorité collective. Le travail ne s’achèvera jamais tant qu’il y aura des êtres atteints de cette folie de suprématie sur l’autre, avec la violence comme seule arme d’affirmation.
Poursuivons tous ensemble ce chantier ô combien essentiel pour l’humanité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck.
Mme Elsa Schalck. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comment, dans notre pays, pouvons-nous contrer ce véritable fléau que constituent les violences conjugales ? Cette question, nous l’évoquons régulièrement au sein de cet hémicycle, tant le sujet est majeur, complexe et revêt plusieurs réalités.
Le constat est unanime : seule une mobilisation collective de tous les acteurs de la société permettra d’y arriver.
Je souhaite ce matin rappeler trois chiffres : les violences conjugales ont augmenté de 20 % en 2021. Quelque 87 % des victimes de violences sont des femmes, mais seulement 3 % des victimes de violences conjugales avaient porté plainte en 2020.
En février dernier, nous débattions ici même des mesures issues du Grenelle des violences conjugales de 2019. Nous mettions alors en évidence l’importance d’une réponse judiciaire rapide et efficace, mais également la question de la sensibilisation et de la formation des professionnels, ainsi que le sujet ô combien essentiel de l’accompagnement des victimes, qui recouvre de très nombreux aspects, notamment sociaux, psychologiques ou économiques.
Même si le principe premier doit être l’éviction de l’auteur des violences, il convient de rappeler que 59 % des victimes souhaitent quitter le domicile. Une réalité, qui ressort des témoignages des victimes, s’impose à nous : « Sans argent, on ne part pas ! ».
La dépendance économique de certaines femmes demeure actuellement l’un des freins pour quitter le domicile conjugal. Par ailleurs, les violences économiques, qui vont du contrôle financier jusqu’à la dépossession totale de moyens financiers, sont souvent invisibles et mal identifiées.
Ce type de comportement, qui fait partie intégrante des violences conjugales, mériterait d’être clairement défini dans notre droit interne. Il est indispensable que les victimes puissent faire confiance aux institutions et qu’elles puissent trouver et rencontrer des interlocuteurs de proximité, mais aussi échanger avec eux. Il nous appartient, à nous, législateurs, de faciliter et de sécuriser au mieux leur parcours.
Aussi, je salue aujourd’hui cette proposition de loi et le travail mené par notre collègue Valérie Létard. Instaurer une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, c’est tout simplement une réponse concrète, qui peut se mettre rapidement en place – une réponse à un besoin identifié.
Cette aide financière viendra ainsi compléter des initiatives locales qui ont émergé pour permettre d’accompagner les victimes sur le plan matériel. Je cite, pour exemple, l’association d’aide aux victimes Viaduq 67 dans le Bas-Rhin, qui distribue des produits de première nécessité aux femmes ayant quitté leur domicile.
Je tiens à saluer le principe même de cette aide d’urgence, qui prendra la forme d’un prêt financier sans intérêt versé par les caisses d’allocations familiales.
Je suis pleinement en accord avec les modalités envisagées par le texte, que le travail parlementaire a permis d’enrichir. Le mécanisme de subrogation des CAF dans les droits des victimes, pour demander réparation du préjudice subi et faire payer l’auteur des violences, me paraît tout à fait pertinent, tout comme l’information de la victime dès son dépôt de plainte, prévue à l’article 2. Il s’agit là d’une condition nécessaire pour que cette aide d’urgence soit effective dans de brefs délais, ce qui est indispensable pour que le dispositif puisse fonctionner.
Comme le souligne également l’auteure du rapport, cette aide d’urgence devra être accompagnée du déploiement d’intervenants sociaux en commissariat et unité de gendarmerie. Nous convergeons ici vers un constat déjà établi au moment du Grenelle : nous avons besoin de moyens humains au plus près des territoires, notamment dans la ruralité, pour combattre efficacement les violences conjugales.
Je tiens enfin à rappeler, pour m’en féliciter, que cette proposition de loi est le fruit d’une expérimentation de terrain, inspirée par des initiatives locales. Il s’agit là, à mon sens, de la meilleure manière de légiférer utilement et de manière pragmatique.
À ce titre, je souligne le travail mené quotidiennement sur le terrain par les acteurs locaux, associations, élus locaux, parquets, services de police et de gendarmerie. Notre message collectif est clair : inciter les femmes à porter plainte, les encourager à dénoncer l’inacceptable et leur permettre de quitter le domicile, étape souvent cruciale et délicate, notamment lorsqu’il y a des enfants.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains salue ce texte et votera bien évidemment en sa faveur. (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales
Article 1er
Après le chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV BIS
« Avance d’urgence aux victimes de violences conjugales
« Art. L. 214-8. – I. – Il est créé une avance d’urgence en faveur des victimes de violences conjugales. Cette avance est à la charge de la caisse nationale des allocations familiales.
« Dans les conditions prévues au présent article, l’avance d’urgence mentionnée au premier alinéa du présent I est accordée à la victime de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité et attestées par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales en application du titre XIV du livre Ier du code civil, un dépôt de plainte ou un signalement adressé au procureur de la République, notamment en application du 3° de l’article 226-14 du code pénal.
« II. – La demande d’avance est formulée auprès de la caisse d’allocations familiales dont la circonscription comprend le domicile du demandeur ou à l’occasion d’un dépôt de plainte, dans les conditions prévues à l’article 15-3-2-1 du code de procédure pénale. En application de l’article L. 264-1 du présent code, la victime de violences conjugales bénéficiaire de l’avance d’urgence mentionnée au I du présent article peut élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet.
« III. – L’avance octroyée est un prêt, sans intérêt, dont le montant est versé en trois mensualités par la caisse d’allocations familiales dont la circonscription comprend le domicile du demandeur.
« Le versement de la première mensualité de l’avance intervient dans un délai de trois jours ouvrés après la réception de la demande selon des modalités qui permettent un accès effectif du bénéficiaire aux sommes versées.
« Le montant et les modalités de ce prêt sont prévus par décret.
« IV. – Le refus d’octroi est motivé. Il ne peut être fondé que sur la méconnaissance des conditions prévues au second alinéa du I et au II, sur le fait qu’une demande identique est pendante ou sur le caractère manifestement frauduleux ou répétitif de la demande. Le refus est notifié au demandeur dans le délai prévu au deuxième alinéa du III.
« V. – Le bénéficiaire de l’avance d’urgence prévue au présent article peut se prévaloir, pendant six mois à compter du versement de la première mensualité, de la qualité de bénéficiaire du revenu de solidarité active afin que lui soient reconnus les droits et aides accessoires à cette allocation, y compris l’accompagnement social et professionnel mentionné à l’article L. 262-27.
« VI. – L’avance d’urgence ne peut être considérée comme une ressource au sens du présent code.
« Art. L. 214-9. – I. – Le régime de prescription des avances d’urgence prévues à l’article L. 214-8 suit les modalités prévues à l’article L. 262-45.
« I bis (nouveau). – Le bénéficiaire de l’avance d’urgence peut opter pour un remboursement intégral de la dette en un ou plusieurs versements. Dans le cas contraire ou en cas de non-remboursement, les sommes allouées au titre de l’avance d’urgence sont récupérées par la caisse d’allocations familiales en application du quatrième alinéa de l’article L. 553-2 du code de la sécurité sociale.
« Des remises ou des réductions de créance peuvent être consenties en cas de précarité de la situation du débiteur.
« Lorsque l’avance d’urgence a été obtenue par fraude ou a été indûment versée, la créance correspondante est exigible sans délai.
« Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de la dette, le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif.
« II. – La caisse d’allocations familiales créancière est subrogée dans les droits des bénéficiaires des avances prévues à l’article L. 214-8 du présent code pour se constituer partie civile, si ces derniers renoncent à ce droit, afin de demander, en leur nom, la réparation du préjudice induit par les violences qui ont, le cas échéant, motivé la plainte à l’origine de la demande d’avance d’urgence.
« III. – Sans préjudice de l’article L. 132-10, les montants versés au titre de l’avance d’urgence peuvent être récupérés sur les dommages et intérêts prononcés, le cas échéant, en réparation du préjudice induit par les violences qui ont motivé la plainte à l’origine de la demande d’avance quand bien même la créance correspondante ne serait pas encore exigible auprès du bénéficiaire.
« Art. L. 214-10. – Le présent chapitre est mis en œuvre selon des modalités prévues par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er pose les conditions d’accès et les modalités d’attribution de l’aide d’urgence aux victimes de violences conjugales.
Il est ainsi précisé que la personne bénéficiaire de l’aide d’urgence peut se prévaloir, dans les six mois à compter du versement de la première mensualité, de la qualité de bénéficiaire du revenu de solidarité active, afin que lui soient reconnus les droits et aides accessoires à cette allocation, y compris l’accompagnement social et professionnel mentionné à l’article L. 262-27 du code de l’action sociale et de familles.
Dans sa première mouture, le texte ne prévoyait pas d’inclure cette disposition, qui est pourtant automatiquement proposée aux bénéficiaires du RSA aujourd’hui.
Je me félicite donc de ce que la commission ait ajouté cette précision, qui figurait d’ailleurs dans le texte de ma proposition de loi relative à une aide financière d’urgence en direction des victimes de violences conjugales, déposée en 2021.
Cette aide incombera au conseil départemental, lequel est déjà responsable de cette prise en charge pour les bénéficiaires du RSA, et consistera en une démarche d’accompagnement prenant en compte la situation globale de la personne et ses besoins : formation, santé, logement. Un tel dispositif proposé aux victimes de violences conjugales permettrait de limiter le risque d’un retour contraint au domicile conjugal, en favorisant l’accès à l’emploi et à une autonomie financière.
Il me semblait important de souligner l’intérêt de cet ajout de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, sur l’article.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord la commission des affaires sociales et sa rapporteure d’avoir enrichi cet article 1er d’une disposition supplémentaire pour entrer dans le dispositif, à savoir le signalement.
J’ai échangé sur ce point avec Mme la rapporteure, qui, je le sais, a entendu ceux qui, dans les services du conseil départemental du Nord, participent à cette expérimentation. Les choses sont en train de se mettre en place avec le centre hospitalier ou avec les services sociaux. À ce stade, il me paraît justifié que cette mesure soit intégrée dans le dispositif, ce qui n’était pas encore évident au moment où l’on a écrit ce texte.
Par ailleurs, je veux dire, en particulier à Michelle Gréaume, qui a travaillé sur les questions d’emprise financière, que, si nous avons fait un autre choix que celui de l’avance sur droits supposés pour les bénéficiaires du RSA, c’est tout simplement parce que nous considérions l’universalité indispensable à cette aide.
Nous ne voulions pas que seules les femmes victimes bénéficiaires du RSA soient concernées. Avec cette aide universelle sous la forme d’un prêt d’honneur, nous permettrons à une femme qui travaille, mais qui n’a pas accès, par exemple, à son compte bancaire et à son propre salaire, d’en bénéficier, de même qu’à une jeune femme de moins de 25 ans ou à une retraitée. J’y insiste, cette approche change complètement les données du sujet.
Enfin, madame la ministre, il est important de ne pas perdre de temps. Plutôt que de renvoyer à des dates ou à des expérimentations futures, il faut se nourrir de l’expérimentation qui est d’ores et déjà lancée. Dans le cadre de la navette parlementaire, celle-ci a le mérite d’être un élément sur lequel vous pourrez vous appuyer pour terminer le travail. De grâce, ne perdons pas de temps ! Chaque jour compte !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Je pense aussi que cette proposition de loi est une étape, un petit pas en avant, mais qui est important quand on sait que, effectivement, les violences conjugales sont systémiques et touchent absolument tous les milieux.
Comme l’ont souligné Valérie Létard et Michelle Gréaume, l’expérimentation dans le département du Nord constitue un point d’appui intéressant.
En même temps, madame la ministre, je veux attirer votre attention sur le caractère cloisonné d’un certain nombre de dispositions que nous avons votées, même si elles comportaient des avancées.
Vous le savez, je plaide, avec les associations féministes, pour que nous puissions enfin adopter une loi-cadre contre les violences. C’est la seule façon de vraiment débarrasser la société de ce fléau. Je sais que vous y êtes sensible vous aussi, mais il faut vraiment se retrousser les manches.
Pour combattre les violences, nous avons également besoin de moyens humains et financiers. Là encore, le rapport de nos collègues Éric Bocquet et Arnaud Bazin de juillet 2020 montre bien que le milliard d’euros n’y est pas. Or c’est une revendication que je soutiens, avec les féministes. Tout dernièrement, la Fédération nationale solidarité femmes 3919 nous a d’ailleurs alertés, tant ses standards reçoivent d’appels de femmes en détresse auxquels elle n’arrive plus à répondre.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Chère Valérie Létard, je vous remercie de nouveau, parce que chaque pas compte. Et je suis vraiment très heureuse également que l’amendement que j’ai proposé ait été intégré à ce texte, car ses dispositions correspondent à un besoin urgent.
Nous devons aujourd’hui collectivement prendre en compte toutes les problématiques. Malgré les différentes possibilités qui existent déjà, grâce aux évolutions législatives permises par les gouvernements successifs, il y a encore trop de féminicides et trop de violences faites aux femmes, avec de terribles conséquences sur la société, sur les enfants, dans l’ensemble de nos territoires.
Il est important que nous puissions voter ce texte aujourd’hui. J’ai heureusement pu constater que l’unanimité régnait dans notre assemblée.
Madame la ministre, j’ai bien entendu également les propositions et suggestions que vous avez formulées pour aller plus avant. Je souhaite vraiment que tout cela aille très vite et que les mesures qui seront prises par votre gouvernement permettent à des femmes et à des enfants de vivre dans de meilleures conditions. Il s’agit d’ailleurs aussi d’éviter les récidives, en quelque sorte, car, très souvent, les enfants témoins de violences conjugales reproduisent ces comportements à l’âge adulte, ce qui est profondément regrettable.
Je souhaite véritablement que nous puissions, tous ensemble, faire progresser notre législation, en prenant notamment des mesures de prévention qui permettront d’éviter le pire demain.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après le mot :
renoncent
insérer le mot :
explicitement
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement tend à s’inscrire dans la philosophie du présent texte.
Quitter le foyer est l’une des décisions les plus difficiles. Le retour, quant à lui, est parfois inévitable. Cette proposition de loi encourage la victime à prendre l’initiative de la demande. Nous devons également nous assurer qu’elle lui permette d’être accompagnée jusqu’au bout de sa démarche.
Il faut que le dernier lien soit rompu entre l’agresseur et l’agressé et que le parcours judiciaire de la victime soit complet. Le renoncement à la poursuite civile doit alors être un choix éclairé, délesté de l’emprise souvent persistante du conjoint violent.
Cet amendement vise donc à préciser que le renoncement à la poursuite civile de l’agresseur doit être explicite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. L’article 1er permet à la caisse d’allocations familiales (CAF) d’être subrogée dans les droits de la victime pour se constituer partie civile au procès pénal si la victime renonce à exercer ce droit.
Le présent amendement tend à préciser le caractère explicite du renoncement de la victime. Cette précision n’apparaît pas comme utile et se trouve en réalité satisfaite.
La caisse exercera les droits de la victime de manière subsidiaire. Il est donc clair, à ce titre, qu’elle informera expressément la victime de son intention d’agir en justice et que son action sera interrompue dès lors que la victime se constituera elle-même partie civile.
Il ne s’agit nullement de décourager les victimes d’exercer leurs droits, mais, au contraire, de faire en sorte qu’elles soient informées de la possibilité qui leur est offerte de demander réparation du préjudice, y compris matériel, qu’elles ont subi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Madame la sénatrice Benbassa, vous souhaitez par cet amendement renforcer le principe de choix éclairé de la victime, pour aller jusqu’au bout de la démarche à l’encontre de son agresseur.
Nous ne pouvons qu’être favorables à cette démarche. Néanmoins, les dispositions de l’amendement, tel qu’elles sont rédigées, ne conduisent pas tant à renforcer le principe de choix éclairé de la victime en matière de poursuites à l’encontre de l’agresseur qu’à préciser dans quel cas la caisse peut être subrogée, en l’étendant du renoncement simple au renoncement explicite.
Je le répète, la rédaction que vous proposez pour l’alinéa 18 ne constitue pas une solution juridiquement opérationnelle.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 2
Après l’article 15-3-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 15-3-2-1. – En cas de plainte déposée pour une infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement commise par le conjoint de la victime, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité, l’officier ou l’agent de police judiciaire qui reçoit la plainte informe la victime qu’elle peut, le cas échéant, bénéficier d’une avance d’urgence au titre de l’article L. 214-8 du code de l’action sociale et des familles.
« L’officier ou l’agent de police judiciaire ayant reçu la plainte ou, le cas échéant, le travailleur social mentionné à l’article L. 121-1-1 du même code enregistre la demande et la transmet à la caisse d’allocations familiales mentionnée au II de l’article L. 214-8 dudit code selon des modalités prévues par le décret prévu à l’article L. 214-10 du même code. La demande est transmise au président du conseil départemental. »
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Guidez, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après la seconde occurrence du mot :
plainte
insérer les mots :
ou, sous leur contrôle, l’assistant d’enquête
II. – Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
plainte
insérer les mots :
ou, sous leur contrôle, l’assistant d’enquête
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. Cet amendement de la commission tend à proposer une coordination avec le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), qui a été adopté par le Sénat.
Il est ainsi prévu de créer la fonction d’assistant d’enquête pour seconder les officiers et agents de police judiciaire sur certaines tâches de procédure. Les assistants d’enquête exerceront donc les nouvelles missions que l’article 2 vise à confier à ces officiers ou agents.
Dans les commissariats ou gendarmeries où ils seront présents, ces assistants d’enquête seront mieux à même d’enregistrer les demandes d’avances d’urgence et de les transmettre à la CAF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Madame la rapporteure, nous souhaitons vraiment aller plus loin, ensemble, en nous inspirant des différentes expérimentations ou dispositifs mis en place dans les territoires. Mais je m’en tiendrai à votre disposition initiale, pour que nous avancions au mieux et dans le même état d’esprit : mieux protéger les victimes et leur permettre de reprendre leur autonomie.
S’agissant de cet amendement, il semble nécessaire que les assistants d’enquête disposent d’une compétence d’attribution limitée, définie dans un nouvel article 21-3 inséré au code de procédure pénale, et sans autonomie d’intervention. Ce n’est qu’à cette condition essentielle que le Conseil d’État a admis la validité de la disposition dans son avis du 10 mars dernier.
En outre, il est prématuré d’ajouter des compétences aux assistants d’enquête alors que l’Assemblée nationale n’a pas encore examiné le texte. Le Sénat a d’ailleurs souhaité évaluer ce nouveau dispositif.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame la rapporteure, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. C’est justement le moment ou jamais d’ajouter ce genre de dispositions ! Il serait dommage de ne pas les introduire dès le vote de cette proposition de loi.
Je ne comprends pas votre réponse, madame la ministre. Aussi, je maintiens cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je remercie Mme la rapporteure de nous donner une possibilité supplémentaire d’appuyer cette mission des officiers de police ou de gendarmerie. En effet, si ces derniers sont accompagnés en principe de travailleurs sociaux, tel n’est pas le cas partout.
Si, demain, nous confions à des agents d’enquête complémentaires des prérogatives faisant d’eux un soutien supplémentaire, cette demande sera mieux prise en compte. Il s’agira d’une avancée.
Tout cela demande vérification, mais il me semble que ces dispositions sont cohérentes avec la loi que nous avons votée tout récemment.
Par ailleurs, dans cet article 2, il est précisé que la demande est transmise simultanément au président du conseil départemental au moment du dépôt de plainte ou du signalement. Cela répond à un point abordé par notre collègue Michelle Gréaume : au travers des présidents de conseil départemental, nous mobilisons les services sociaux, dotant ainsi le dispositif d’une approche globale.
Cela permet d’utiliser tous les outils dont nous disposons pour l’accompagnement social et administratif des bénéficiaires du RSA vers l’emploi. La demande d’aide, d’instruction sociale et d’accompagnement sera immédiatement transmise à la CAF, ce qui n’est pas anodin.
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Decool, Wattebled, Guerriau et Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Capus et A. Marc, Mme Paoli-Gagin, M. Détraigne, Mme Berthet, M. Daubresse, Mme N. Delattre, M. Calvet, Mme Sollogoub, MM. Cadec et Laménie, Mmes Dindar, N. Goulet, Ract-Madoux, Létard et Guidez, MM. Fialaire, Belin, Guérini, Longeot et Chauvet, Mmes Gruny et Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mme Lopez, M. Nougein, Mme Perrot et MM. Gold et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l’intérêt de permettre aux mutuelles sociales agricoles de procéder, aux côtés des caisses d’allocations familiales, au versement de l’avance d’urgence en faveur des victimes de violences conjugales.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement, qui a peut-être été mal rédigé, tendait, dans mon esprit, à permettre aux caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) de procéder aux côtés des CAF au versement de l’avance d’urgence pour les victimes de violences conjugales.
Le dispositif risque en effet de manquer certaines cibles, car il a pour interlocuteur les CAF plutôt que les caisses de la MSA. Or il me semble pertinent d’ouvrir la possibilité à la MSA de procéder au versement de cette aide. Par là même, nous éviterions une incompréhension du dispositif, tel qu’il est prévu par la proposition de loi, car les 35 cosignataires, dont Mme Létard et Mme la rapporteure, l’ont interprété de la même manière que moi.
Cet amendement vise donc à ouvrir le dispositif à la MSA.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. Mon cher collègue, je souscris entièrement à votre intention. Par ailleurs, grâce à cette demande de rapport, nous pouvons discuter de ce sujet sans tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution.
C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai cosigné cet amendement avec Valérie Létard. À terme, il conviendra aux caisses de la MSA de verser l’aide d’urgence à leurs allocataires – je m’adresse ici à Mme la ministre. Il y a un trou dans la raquette, si j’ose dire, qu’il est important de combler.
Toutefois, comme cet amendement tend à demander un rapport, je suis obligée de vous demander de le retirer ; mon cher collègue ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Il me semble évident, et je ne comprends pas ce que vient faire l’article 40 de la Constitution ici, que les personnes assujetties à la CAF bénéficieront de cette aide d’urgence, alors que celles qui sont assujetties à la MSA ne pourront la toucher.
Les violences conjugales existent aussi, malheureusement, dans le monde rural. Je ne comprends donc absolument pas pourquoi nous n’associons pas la MSA. Dans mon esprit, cet amendement est pratiquement rédactionnel : il s’agit d’un oubli dans la proposition de loi – je pense que tout le monde en conviendra.
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
Mme Laurence Rossignol. Vous auriez dû le maintenir, monsieur Chasseing ! Je le reprends !
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol.
Vous avez la parole pour le défendre, ma chère collègue.
Mme Laurence Rossignol. Il y a quelques mois, la délégation aux droits des femmes a travaillé, de manière transpartisane comme à son habitude, et quatre de nos collègues ont produit un rapport sur les inégalités spécifiques dont les femmes sont victimes en milieu rural, rapport intitulé Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité.
Dans ce document, il est très clairement indiqué que les femmes victimes de violences en milieu rural souffrent encore plus que celles qui se trouvent en milieu urbain, car l’environnement de soutien et le tissu associatif y sont plus limités. (Mme Victoire Jasmin applaudit.)
En tant que membre de la délégation aux droits des femmes, il me semble totalement cohérent de reprendre et de faire voter l’amendement présenté par notre collègue Chasseing. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. En principe, il faudrait que la commission se réunisse pour prendre une décision ! Je maintiens donc mon avis défavorable sur cet amendement, en renvoyant la balle à Mme la ministre, à qui revient, à mon sens, la décision.
En effet, qu’on le veuille ou non, cette disposition aura un coût supplémentaire et devrait donc tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution. (Mme Laurence Rossignol proteste.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Je suis très favorable au texte, mais nous ne devons pas créer une fois de plus des disparités, madame la rapporteure.
Nous adhérons tous à la proposition de loi de Mme Létard, qui porte sur un sujet sérieux. Or la proposition de notre collègue est parfaitement cohérente avec le rapport publié par la délégation aux droits des femmes, auquel l’ensemble des groupes politiques a concouru.
Dans sa prise de parole dans la discussion générale, Mme la ministre a déclaré qu’elle allait faire évoluer les choses. Par conséquent, votons cet amendement, et Mme la ministre fera le nécessaire pour améliorer le dispositif !
Je le répète, nous ne devons pas créer de disparités entre les femmes selon qu’elles vivent ou non en milieu rural, d’autant plus que nous avons été unanimes à reconnaître les mérites du rapport et de ses préconisations, qui reflètent la réalité de nos territoires. Les femmes de nos territoires sont malheureusement les victimes de ces disparités.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Il faut que les choses soient très claires : Mme la rapporteure ne fait qu’appliquer une règle imposée aux commissions de façon générale. Toutefois, elle approuve cette disposition, d’autant que, si celle-ci ne passait pas par un rapport, nous serions confrontés à un problème budgétaire difficile.
Aussi, nous pouvons nous accorder sur le fait que Mme la rapporteure, tout en ayant émis un avis défavorable, soutient l’amendement… (Exclamations amusées.)
Pour ma part, je ferai une exception à la règle imposée aux commissions et voterai pour cet amendement, tout simplement parce que l’esprit de ce texte l’exige : la MSA doit être intégrée au dispositif.
Madame la ministre, j’espère que vous avez bien entendu le message ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Si je relis son dispositif, cet amendement vise à demander au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport sur l’opportunité d’ouvrir le dispositif à la MSA en plus des CAF. Voilà exactement ce dont nous sommes saisis.
Si le dispositif fait preuve d’efficacité, il apparaîtra nécessaire de l’élargir aux caisses de la MSA, par équité de traitement entre les allocataires et par simplification de l’accès à l’aide pour les personnes victimes relevant du régime agricole, même si, pour le prêt d’urgence sans intérêt, ces dernières devront toujours s’adresser à la CAF.
La production d’un tel rapport n’apparaît pas nécessaire. C’est pourquoi je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
Article 3
I. – Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. Madame la ministre, acceptez-vous de lever le gage sur cet article ?
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Je regrette le rejet de l’étude conjointe de cette proposition de loi et de la mienne, car cette dernière, je le précise, répondait aussi aux besoins de personnes en situation d’emploi, retraitées ou se trouvant dans d’autres situations. En effet, il s’agissait d’instaurer non pas un prêt, mais une avance de RSA, avec révision des ressources au bout de trois mois.
Je me réjouis cependant de l’avancée que constitue ce texte. Comme je l’avais annoncé lors de la discussion générale, notre groupe votera cette proposition de loi : elle est complémentaire des dispositifs déjà mis en place et elle est impérative pour toutes les personnes qui l’attendent et qui en ont besoin.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Cette proposition de loi vise à mettre en place une avance universelle d’urgence à taux zéro, financée par la CAF, pour les victimes de violences conjugales.
Même s’il s’agit d’un prêt, qui devra donc être remboursé – avec souplesse, espérons-le –, elle apporte un soutien à ces femmes trop souvent confrontées à un départ sans ressources, qui les contraint parfois à revenir.
Toutes les mesures de nature à aider ces femmes à quitter le domicile, le plus souvent avec des enfants, doivent être activement soutenues – 102 féminicides ont eu lieu en 2022, soit un décès tous les trois jours et demi…
Madame la ministre, il faudra aussi donner aux associations les moyens d’accompagner dignement ces femmes en leur proposant des hébergements d’urgence adaptés. Je le redis, un logement d’urgence situé au bord d’une quatre voies et sans accompagnement n’est pas une solution incitative à quitter l’enfer de la violence conjugale, une fois la crise aiguë passée.
Or nous connaissons le phénomène du cycle infernal de la violence : la victime trouve des justifications aux violences qu’elle a subies, ce qui conduit à une phase dite « de lune de miel », qui suit la crise aiguë, jusqu’à la prochaine…
Je salue l’action des intervenants sociaux dans les gendarmeries, les commissariats et les centres hospitaliers : leur présence doit se généraliser sur tout le territoire. Je souligne par ailleurs la nécessité de former les policiers et les gendarmes.
Je remercie la commission d’avoir amélioré le texte en intégrant l’amendement proposé par notre collègue Victoire Jasmin sur la domiciliation bancaire dans un centre communal d’action sociale (CCAS) ou un centre intercommunal d’action sociale (CIAS).
Comme l’a dit Laurence Rossignol lors de la discussion générale, notre groupe soutient avec enthousiasme cette proposition de loi. Celle-ci n’apporte pas de solution miracle, mais l’indépendance économique des femmes est une condition indispensable à leur émancipation.
Enfin, je rejoins la proposition formulée par Laurence Cohen d’une loi-cadre contre les violences conjugales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je félicite tout d’abord Mme Létard et Mme la rapporteure de cette très importante proposition de loi.
Il faut bien sûr poursuivre la prévention. Des progrès ont eu lieu, vous l’avez dit, madame la ministre, mais il faut absolument mettre un frein aux encore trop nombreux féminicides. Cela passe par la mise à disposition de logements, mais aussi par l’aide financière que vous proposez et qui est vraiment très importante pour empêcher la personne dépendante financièrement de retourner dans son foyer, où les violences continueront.
Je remercie également mes collègues ayant voté mon amendement, car, cela a été dit, les violences ont aussi lieu en milieu rural. L’État doit soutenir les associations, de sorte qu’elles assurent également des permanences dans les zones rurales. En Corrèze, les deux associations dont j’ai rencontré les représentants sont en difficulté pour ce qui concerne le logement à cause d’une augmentation des violences.
Nous voterons avec enthousiasme ce texte. Je voudrais que le dispositif proposé soit généralisé à tous les départements.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je remercie mes collègues, sur quelques travées qu’ils siègent, de leur contribution, de leur travail et de leur unanimité. Ce sujet dépasse largement les sensibilités politiques et mérite que nous ne perdions pas de temps.
Je salue également les professionnels, ici présents, qui ont largement contribué à cette expérimentation, donc à la réflexion sur le dispositif de la proposition de loi. En effet, nous avons travaillé sur les écueils de l’expérimentation, sur ce qui manquait pour traduire concrètement une telle initiative. C’est d’ailleurs pour cela qu’il nous faut légiférer.
Madame Vogel, vous m’avez interrogée sur la forme de cette aide. Nous avons choisi le prêt, parce que c’était le seul moyen d’arriver à l’universalité. Ainsi, nous pouvons faire en sorte qu’une personne salariée, malgré ses conditions de ressources, si elle est privée de ses revenus, puisse y avoir accès dans ce temps intermédiaire.
Nous avons travaillé avec la CAF, qui nous a dit que le système de l’avance sur droits supposés était trop rigide et ne fonctionnait pas. Les prêts, eux, fonctionnent. Surtout, ils ouvrent la possibilité d’une remise gracieuse pour les personnes en précarité. Autrement dit, il y a une solution pour toutes les situations.
Nous devons aller au bout de ce dispositif, qui a été pensé. La construction a été complexe, mais la mise en application ne pose aucun problème aux professionnels : ils la connaissent sur le bout des doigts et apporteront la garantie, la sécurité et les affinements nécessaires.
Le cadre est posé. De grâce, madame la ministre, ne perdons pas de temps. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que le texte a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. Madame la ministre, force est de constater que, malgré toutes les lois qui existent, le nombre de féminicides en France ne diminue pas, ce qui est inquiétant. En ce sens, la proposition de loi de Valérie Létard, améliorée par la commission, est importante, car elle constitue une marche supplémentaire.
Chaque fois que nous déposons une proposition de loi, on nous dit que c’est compliqué. Je ne sais pas pourquoi, mais, en France, tout est compliqué. Même lorsque nous déposons des textes de peu d’importance, nous avons l’impression que nous faisons une révolution !
Madame la ministre, cessons de dire que c’est compliqué : avançons ensemble, et dépêchons-nous ! (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à douze heures vingt-sept.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste, présentée par Mme Denise Saint-Pé et plusieurs de ses collègues (proposition n° 874 [2021-2022], texte de la commission n° 24, rapport n° 23).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Denise Saint-Pé, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
Mme Denise Saint-Pé, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte vise à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques (CSE) à La Poste.
Le statut de cette dernière a beaucoup évolué depuis la loi du 2 juillet 1990, dite loi Quilès, notamment sous l’impulsion du droit européen. Elle est ainsi devenue une société anonyme à capital intégralement public, investie de missions de service public. À ce titre, elle emploie des agents de droit privé et de droit public.
Cette particularité explique un régime de représentation du personnel hybride et original, construit au fur et à mesure des lois qui ont transformé l’entreprise.
Par conséquent, celle-ci a été exclue du champ d’application des dispositions du code du travail prévoyant la mise en place de CSE dans les entreprises de plus de onze salariés, dispositions issues de l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’une des ordonnances dites Macron.
De même, sa nature juridique de personne morale de droit privé l’a empêchée d’entrer dans le champ des dispositions du code général de la fonction publique relatives aux comités sociaux d’administration, nouvelles instances créées dans les administrations, collectivités territoriales et établissements publics par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Néanmoins, la direction de La Poste souhaite prendre en considération les évolutions récentes du droit des relations sociales pour procéder à une mise à jour des institutions représentatives du personnel (IRP) de l’entreprise.
Il n’était pas question de le faire à l’occasion de la loi de transformation de la fonction publique, car il s’agissait alors de la première année de l’actuel mandat des IRP de La Poste. En effet, celles-ci avaient été élues au mois de décembre 2018, avant d’entrer en fonction le 1er février 2019. Le contexte pandémique qui a rapidement suivi a mis une halte bien compréhensible à ce projet, qui aurait été complètement à contretemps en pleine crise sanitaire.
Le dialogue social a donc commencé concrètement sur le sujet au mois de mai 2022, la direction de La Poste faisant à ce moment-là part aux organisations syndicales de son souhait de réorganiser les IRP en comités sociaux et économiques. Dans cette perspective, un accord de méthode a été conclu, en septembre 2022, afin de définir les modalités et les thèmes de la négociation, en vue de la mise en place des nouvelles instances.
Cette volonté de la direction de La Poste me semble en accord avec son statut de société anonyme, qui plus est s’agissant d’une entreprise employant pour deux tiers de ses effectifs des salariés de droit privé. En outre, le recrutement de fonctionnaires ayant pris fin au début des années 2000, la proportion d’agents sous ce statut ne cesse de diminuer. Enfin, il est à noter qu’il existe déjà des CSE dans certaines filiales de La Poste, ce qui donne à celle-ci une idée du dialogue social pratiqué dans ces instances.
Cependant, les IRP actuelles relèvent encore de la loi du 2 juillet 1990, malgré les évolutions législatives des trente dernières années. Aussi une nouvelle loi est-elle indispensable pour modifier ce texte antérieur.
C’est dans ce but que j’ai déposé cette proposition de loi découpée en trois articles, celle-ci appliquant à l’ensemble des personnels de La Poste les dispositions du code du travail relatives aux comités sociaux et économiques.
Madame la rapporteure, avant de vous laisser dans un instant détailler les différentes mesures contenues dans ce texte, je souhaite insister sur un point qui me paraît de la plus haute importance.
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit que les dispositions du code du travail relatives aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), abrogées en 2017 par l’une des ordonnances Macron, continuent de s’appliquer à La Poste jusqu’au prochain renouvellement des instances.
Or les mandats en cours dans la fonction publique et à La Poste, issus des élections professionnelles de décembre 2018, prendront fin le 31 janvier 2023. Pour autant, aucune disposition ne mentionne le cadre applicable, à l’issue des mandats actuels, au sein des instances de La Poste. Ce vide juridique ne peut que nuire à la sérénité des débats internes à l’entreprise, sérénité indispensable pour que les partenaires sociaux soient en mesure de négocier dans le cadre d’un dialogue social ambitieux.
C’est pourquoi, afin d’accompagner cette transition, le présent texte prolonge jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques le maintien en vigueur des CHSCT et le mandat de leurs membres, ainsi que celui des comités techniques.
Cette extension, initialement prévue pour durer au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024, a été prolongée jusqu’au 31 octobre 2024 par un amendement adopté en commission des affaires sociales. Je soutiens complètement cette modification apportée par notre rapporteure, car elle s’inscrit dans le droit fil de ma priorité et, à n’en pas douter, de celle de mes collègues, à savoir la concorde entre la direction et les organisations syndicales de La Poste.
Dans ces conditions, je pense que ce texte est à même de recueillir une majorité de suffrages sur les travées de la Haute Assemblée. J’espère qu’il en ira de même à l’Assemblée nationale, afin de permettre une adoption conforme de ce texte avant la fin de cette année.
De toute évidence, la mise en place de CSE à La Poste constituera un chantier de grande ampleur, du fait de la coexistence d’une pluralité de statuts. Comme la commission des affaires sociales l’a souligné, il s’agira là d’un changement culturel majeur pour l’entreprise, avec le passage au droit syndical applicable aux entreprises privées. Il sera par ailleurs primordial que cette réforme relève le défi de la proximité.
En attendant, ce texte donnera aux partenaires sociaux la visibilité nécessaire pour entamer des discussions qui s’annoncent longues, mais que je souhaite fructueuses. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
Mme Brigitte Devésa, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Denise Saint-Pé prévoit d’accompagner la réorganisation du dialogue social à La Poste, en créant les conditions nécessaires à la mise en place des CSE, les fameux comités sociaux et économiques.
Pourquoi réorganiser le dialogue social à La Poste ?
Lorsque la loi de transformation de la fonction publique a été votée en 2019, il a été indiqué que certaines dispositions relatives au dialogue social de La Poste s’appliqueraient jusqu’au prochain renouvellement des instances représentatives et syndicales. Les mandats des représentants du personnel arrivant à leur terme, il convient de prévoir le futur cadre du dialogue social qui s’appliquera à La Poste.
Mes chers collègues, cette proposition de loi met en place un cadre en prévoyant l’application du droit commun des relations collectives de travail, sous réserve des adaptations nécessaires aux spécificités de cette entreprise.
Les spécificités de La Poste, quelles sont-elles ?
La Poste assure des missions de service public. Elle joue un rôle majeur dans l’aménagement du territoire. Elle est une entreprise publique particulière qui, du fait de son histoire et de son évolution, possède des caractéristiques particulières, y compris en matière de dialogue social.
Tout comme France Télécom, La Poste est née de la réforme de l’administration des postes et des télécommunications engagée par la loi du 2 juillet 1990. Le 1er mars 2010, elle est devenue une société anonyme à capitaux publics ayant le caractère d’un service public national.
Le personnel de La Poste se caractérise donc par une pluralité de statuts. Parmi les 170 000 collaborateurs de la société anonyme La Poste, les deux tiers sont des salariés de droit privé ; les fonctionnaires sous statuts particuliers et les agents contractuels de droit public représentent un tiers des effectifs.
Pour la représentation individuelle des salariés et agents contractuels, La Poste dispose de commissions consultatives paritaires (CCP), tandis que des commissions administratives paritaires (CAP) assurent cette mission pour les fonctionnaires.
Des comités techniques (CT) exercent des attributions en matière d’organisation et de fonctionnement des services, de règles statutaires et d’égalité professionnelle. Par ailleurs, 637 CHSCT contribuent à la santé et à la sécurité du personnel. Les comités techniques et les CHSCT n’ont, je le rappelle, désormais plus d’équivalent ni dans le secteur privé ni dans le secteur public.
Les activités sociales et culturelles de l’entreprise sont gérées par un conseil d’orientation et de gestion des activités sociales (Cogas).
Ainsi, le droit syndical et les institutions représentatives du personnel de La Poste sont largement issus du droit de la fonction publique.
Les relations collectives de travail s’exercent dans un cadre hybride, combinant droit du travail, droit de la fonction publique et règles spécifiques.
Depuis la loi du 2 juin 1990, le droit syndical de la fonction publique s’applique aux salariés de l’entreprise. Cette loi exclut La Poste des règles du dialogue social qui prévalent dans les entreprises privées, notamment celles qui sont relatives aux délégués syndicaux en matière de négociation collective.
Pour les entreprises privées, l’ordonnance du 22 septembre 2017 a engagé la fusion des instances, notamment les CHSCT, au sein du comité social et économique. Dans la fonction publique, la loi du 6 août 2019 a substitué les comités sociaux aux comités techniques.
Les mandats des élus aux CHSCT s’achevant le 31 janvier 2023, la proposition de loi prévoit de les prolonger afin de rendre les dispositions relatives aux CSE applicables à La Poste au terme d’une période transitoire de négociation et de mise en place des nouvelles instances.
Dans sa version initiale, l’article 1er prolongeait les mandats en cours des membres des comités techniques et des CHSCT jusqu’à la proclamation des résultats aux élections aux CSE de La Poste et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024.
Comme l’a rappelé Denise Saint-Pé, la commission a repoussé cette date butoir au 31 octobre 2024, considérant que l’entreprise et les représentants du personnel devaient disposer d’un temps suffisant pour mettre en place des instances adaptées au fonctionnement de l’entreprise. En particulier, l’étalement géographique des activités de La Poste nécessite de construire une représentation de proximité sur l’ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer.
Au terme des mandats ainsi prolongés, les dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective et aux institutions représentatives du personnel seront applicables à l’ensemble du personnel de La Poste, comme le prévoit l’article 2, sous réserve d’adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires.
En conséquence, la représentativité syndicale se fondera sur les résultats des élections aux CSE, avec un seuil de 10 % des suffrages exprimés, et les délégués syndicaux disposeront du monopole de la négociation des accords collectifs.
S’appliquera également la règle de l’accord majoritaire. Ainsi, pour être valide, un accord devra être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives lors des dernières élections professionnelles, au lieu de 30 % actuellement.
Cette transformation aura également pour conséquence de faire disparaître les comités techniques, les CHSCT et le Cogas au profit d’un CSE central et de CSE d’établissement dont le nombre reste à déterminer par accord collectif.
Les CSE, qui ont été créés en 2017 pour regrouper les délégués du personnel, les comités d’entreprise et les CHSCT, disposent de nombreuses prérogatives pour assurer la représentation des salariés.
Pour les entreprises d’au moins 50 salariés, le droit du travail confie aux CSE la mission d’assurer l’expression collective des salariés sur la gestion et l’évolution économique et financière de l’entreprise, ainsi que sur l’organisation du travail, la formation professionnelle et les techniques de production. Ils disposent de prérogatives spécifiques en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.
Dans les entreprises et établissements d’au moins 300 salariés, une commission dédiée, la CSSCT, ou commission santé, sécurité et conditions de travail, doit être instaurée en son sein. Enfin, le CSE assure la gestion des activités sociales et culturelles dans l’entreprise.
Afin de tenir compte des particularités de La Poste, l’article 2 crée un organisme représentant les fonctionnaires de l’entreprise, le conseil des questions statutaires, ayant vocation à être consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs à leurs statuts. Pour assurer la représentation individuelle du personnel, les CAP et les CCP seront conservées.
Cette transformation substantielle du cadre des relations sociales s’appuiera sur un régime transitoire fixé par l’article 3.
En effet, pour préparer l’installation des CSE et l’organisation des élections professionnelles, La Poste devra s’appuyer sur un ensemble de règles issues du code du travail avant la mise en place des CSE.
Pendant cette période transitoire, l’entreprise pourra négocier des accords pour l’organisation des élections et la détermination du fonctionnement et des attributions des futurs CSE avec les organisations syndicales disposant de sièges dans les comités techniques. Le texte prévoit, par dérogation au droit syndical actuellement applicable à La Poste, des conditions de validité des accords alignées sur celles qui prévalent en droit du travail, afin d’assurer l’applicabilité des accords après la constitution des CSE.
Au total, la commission a considéré que cette proposition de loi offrait un cadre sécurisé et adapté pour faire évoluer le dialogue social à La Poste, tout en garantissant la juste représentation de l’ensemble du personnel.
La proposition de loi pose ainsi le cadre qui sera applicable aux relations collectives de travail à La Poste. Il reviendra ensuite à l’entreprise et aux représentants du personnel de faire vivre le dialogue social pour définir l’architecture des nouvelles instances et organiser les élections professionnelles.
Ce chantier de grande ampleur pour l’entreprise, qui s’accompagne d’un changement culturel majeur, du fait de son passage au droit syndical du secteur privé, a déjà franchi une première étape : un accord de méthode a été conclu au mois de septembre 2022 afin de définir les modalités et les thèmes de la négociation en vue de la mise en place des nouvelles instances.
Cette proposition de loi donne à l’entreprise les outils nécessaires pour franchir les étapes suivantes, en concertation avec les représentants du personnel, afin de mener à bien cette réforme qui dotera La Poste d’un cadre de dialogue social ambitieux.
Sous réserve de l’adoption de quelques amendements techniques, je vous invite donc, mes chers collègues, au nom de la commission, à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, madame Saint-Pé, auteur de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui concerne le dialogue social d’une entreprise qui fait partie de notre vie quotidienne, La Poste. Cette entreprise, nous l’avons vue se transformer à plusieurs reprises, accompagnant les grandes étapes de l’évolution de nos services publics.
La Poste, devenue société anonyme en 2010, se caractérise par une histoire particulière, qui explique la pluralité de statuts qui la composent. Les agents publics représentent désormais un tiers des effectifs, tandis que les salariés de droit privé en constituent les deux tiers.
Le régime de représentation du personnel de La Poste est donc hybride, relevant à la fois du droit de la fonction publique et du droit du travail.
Les instances de représentation du personnel sont aujourd’hui multiples et diffèrent selon les catégories de personnel. On dénombre ainsi des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, permettant d’assurer la représentation collective de tous les personnels, des commissions administratives paritaires, pour assurer la représentation individuelle des fonctionnaires, et des commissions consultatives paritaires, pour assurer la représentation individuelle des salariés et des contractuels de droit public.
En matière de droit syndical, ce sont les règles de la fonction publique qui sont applicables à l’ensemble de son personnel.
Alors qu’en droit du travail les ordonnances de 2017 ont opéré une fusion des IRP, avec la création des comités sociaux et économiques, La Poste a conservé cette pluralité et cette mixité d’instances.
La proposition de loi aujourd’hui en discussion doit permettre de faire entrer le régime de représentation de La Poste dans le droit commun du code du travail.
Cela apparaît souhaitable à plusieurs titres.
D’abord, la part des salariés de droit privé est majoritaire. Il semble donc logique de leur apporter les modalités de représentation concordantes.
Ensuite, il s’agit de faire entrer La Poste dans le mouvement de modernisation et de simplification des IRP déjà engagé par l’ensemble des entreprises de droit privé depuis 2017.
Si la loi prévoit que les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT doivent s’appliquer à La Poste jusqu’à l’expiration des mandats en cours, le CHSCT n’aura plus d’existence juridique par la suite. Ainsi, le CSE, qui assure l’expression collective des salariés et la représentation de leurs intérêts dans les décisions prises par l’entreprise, a vocation à devenir le cœur du dialogue social de cette entreprise. Cette fusion d’instances rationalisera le nombre de consultations et fluidifiera les échanges avec l’employeur.
Enfin, cette réforme doit permettre d’unifier les règles en matière de dialogue social et de droit syndical applicables aux travailleurs d’une même entreprise, quel que soit leur statut.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis convaincue, cette proposition modernisera le dialogue social dans l’entreprise et lui donnera un nouveau souffle.
La proposition de loi prévoit la mise en place, d’ici à la fin du mois d’octobre 2024, de comités sociaux et économiques aux compétences pleines et entières, incluant celles qui sont relatives à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, en cohérence avec la part sans cesse plus importante des salariés de droit privé dans les effectifs de l’entreprise. Elle prévoit bien sûr, à la marge, quelques adaptations pour tenir compte des spécificités du personnel de l’entreprise.
Ces dispositions seront applicables au terme d’une période transitoire de négociation et de mise en place des instances, à l’issue des mandats en cours, qui, sans cette réforme, se seraient achevés en janvier 2023. Ce texte est donc également un texte de sécurisation juridique.
Ainsi, seront applicables à l’ensemble des personnels de La Poste les dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective, aux institutions représentatives du personnel et aux salariés protégés. C’est donc un cadre profondément renouvelé et clarifié qui sera applicable au sein de l’entreprise.
Il reviendra aux partenaires sociaux de La Poste de se saisir de ces nouveaux outils dans l’exercice du dialogue social au quotidien.
Ce dialogue social revêt une importance d’autant plus forte que l’entreprise est désormais le niveau de référence en matière de négociation, permettant d’adapter les règles applicables au plus près des attentes et besoins des entreprises.
Surtout, les objets de négociation sont nombreux : salaires, épargne salariale, télétravail, qualité de vie au travail… Dans une entreprise comme La Poste, implantée sur des territoires d’une grande diversité et comptant plus de 245 000 collaborateurs, la mise en place d’un dialogue social de proximité, permettant de traiter au mieux ces enjeux, est d’autant plus cruciale.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, par ce texte, c’est donc une véritable impulsion qui est donnée au dialogue social de La Poste, au service des droits des salariés, mais aussi de la performance économique et sociale de l’entreprise. Le Gouvernement lui est donc tout à fait favorable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 1983, en passant par sa transformation en société anonyme, le groupe La Poste n’a cessé de subir des restructurations délétères qui l’éloignent toujours plus de ses missions de service public et le privent de ses moyens.
Il reste 5 300 bureaux de poste dits de plein exercice, contre 8 414 il y a cinq ans. La Poste SA est passée de 320 000 employés en 2000 à 180 000 en 2021. Elle compte 70 000 facteurs, contre 100 000 il y a vingt ans.
Les cadences augmentent, les conditions de travail se dégradent, les risques psychosociaux se multiplient. Entre 2008 et 2016, on a déploré chaque année une trentaine de suicides.
Les tournées chronométrées par des logiciels, selon le mantra du lean management, retirent toute autonomie aux salariés, qui perdent le sens de leur travail et du travail bien fait.
Selon le sociologue Nicolas Jounin, ce taylorisme d’un nouveau genre appliqué à La Poste empêche les postiers de faire valoir leur intelligence dans leur travail et vise à les priver d’une maîtrise de leurs tâches. On justifie ces restructurations à rythme soutenu par la baisse du courrier, en masquant l’augmentation du nombre de colis.
Surtout, on ne prend plus en compte les missions de lien social qui, de l’État romain au système de relais postaux de Louis XI, nationalisé sous Louis XIV, font de La Poste l’un des plus anciens services publics au monde.
Pressé par une action en justice après avoir laissé filer, sans rien faire ni rien négocier, le temps ouvert par l’accord de méthode, le groupe La Poste espère une loi pour transposer en son sein, contre l’avis des sept organisations syndicales (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.), les principes délétères du new public management et les régressions des ordonnances Macron.
Au cœur des dangers, pour qui prétend défendre la valeur du travail réel, la disparition des CHSCT privera les salariés de leur expertise et de moyens d’alerte, y compris de la possibilité d’ester en justice contre les risques psychosociaux et la dégradation des conditions de travail.
Les 637 CHSCT du groupe remplissent sur le terrain une mission de proximité primordiale pour les salariés, comme en témoignent les milliers de réunions annuelles, qui sont la conséquence de restructurations incessantes.
Jamais la centaine de CSSCT du projet de la direction, qui auront des prérogatives bien moindres, ne protégeront aussi efficacement le droit à la santé et à la sécurité des salariés dans un contexte de baisse sensible des moyens syndicaux.
La protection des salariés sera difficilement assurée, d’autant que le passage abrupt du régime actuel de dialogue social aux CSE, sans passer par l’étape du comité d’entreprise, d’une entreprise de cette taille et dotée de deux statuts, ne fait l’objet d’aucune étude d’impact : on n’a pas même pris en compte les drames survenus à France Télécom !
Concentration et éloignement des centres de décisions, appauvrissement du dialogue social, diminution de la représentation syndicale, atteintes à l’autonomie et à la proximité dans une entreprise en restructuration et désorganisation permanentes, perte de la singularité des territoires : tout dans cette proposition de loi conduit le groupe GEST à voter contre, d’autant que des alternatives étaient possibles.
Dans ses Questions sur l’Encyclopédie, par des amateurs, Voltaire disait de La Poste qu’elle était « la consolation de la vie ». Pour notre part, nous disons de La Poste qu’elle incarne le service public d’intérêt général et que la défense des travailleurs est en congruence avec la défense du droit des administrés à des structures publiques fonctionnelles, et ce dans tous les territoires de France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au mois de septembre 2017, Emmanuel Macron, Président de la République, signait cinq ordonnances pour le renforcement du dialogue social.
Au-delà de la transformation juridique, c’est l’état d’esprit des relations sociales, celui du code du travail et celui du marché du travail, que le Président de la République et la ministre du travail d’alors, Muriel Pénicaud, estimaient nécessaire de modifier.
La réforme sur le renforcement du dialogue social s’inscrivait dans un contexte plus large, un contexte de transformation de notre modèle social destiné à libérer les énergies des entreprises pour qu’elles investissent, créent de l’emploi et protègent les salariés.
Ces leviers du progrès économique et social, ainsi liés, devaient naturellement s’inscrire dans le renforcement du dialogue au sein des entreprises. La première pierre de l’édifice était posée.
Dans la même veine, sous l’impulsion des différents gouvernements depuis 2017, s’ensuivront la formation professionnelle, l’apprentissage, la sécurisation des parcours et, dans quelques jours, l’assurance chômage. Le grand équilibre entre l’ensemble de ces réformes tient à ce mix d’agilité et de capacité d’adaptation tant pour les salariés que pour les entreprises.
Le franc succès des ordonnances n’aurait pu se faire sans 300 heures de concertation avec les partenaires sociaux et plus de 80 heures de discussion au Parlement.
S’appuyer sur le fort héritage social français tout en nous adaptant aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, voilà la logique dans laquelle Mme Denise Saint-Pé a déposé cette proposition de loi : il s’agit de faire en sorte que La Poste s’inscrive pleinement dans cet état d’esprit.
La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, et pour cause : elle se compose de 32 % de fonctionnaires ou agents de droit public et de 68 % de salariés de droit privé. Elle se voit confier quatre missions de service public : le service universel postal, l’accessibilité bancaire, l’aménagement du territoire, le transport et la livraison de la presse.
Cette particularité imposait de lui laisser un long temps de négociation pour organiser son dialogue social.
Sans intervention du législateur, à compter du 1er février 2023, il n’y aurait plus de base légale permettant de maintenir en vigueur les CHSCT de La Poste. Ce texte y remédie, en prolongeant leur existence jusqu’à la fin du mandat de ses représentants et, au plus tard, jusqu’au 31 octobre 2024.
Par ailleurs, sans base légale pour mettre en place des comités sociaux et économiques, La Poste se verrait dans l’impossibilité d’offrir un cadre de représentation à ses personnels sur l’ensemble des questions relatives à la sécurité et à la santé au travail.
Cette situation contreviendrait au principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail. Personne ici ne voudrait de cette impasse.
Une réforme des institutions représentatives du personnel de La Poste est nécessaire, car elle permettra de soumettre l’ensemble de ses effectifs aux dispositions du code du travail relatives aux comités sociaux et économiques.
C’est le sens de ce texte et nous le partageons.
Par voie d’amendement, la rapporteure a enrichi cette proposition de loi en reportant au 31 octobre 2024 la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques. Trois mois supplémentaires sont ainsi octroyés, donnant un peu plus de temps à la concertation, gage de la bonne mise en œuvre de cette réforme.
Le groupe que je représente reconnaît ici une avancée équilibrée et votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre d’une proposition de loi dont l’objectif est de créer les conditions nécessaires à la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a toujours été opposé à l’installation de ces comités, qui regroupent les anciennes institutions représentatives du personnel – délégués, comités d’entreprise, CHSCT – en une seule instance.
En 2017, lors du vote de la loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, qui précisait les grands objectifs et les différents thèmes sur lesquels porteraient les futures ordonnances, nous avions exprimé de sérieuses craintes. Nous redoutions en particulier qu’il soit porté atteinte à la représentation des salariés. Nous ne sommes pas beaucoup trompés !
Notre pays souffre d’une dégradation générale du dialogue social, ainsi que d’un manque de lien, d’une perte de proximité entre les IRP et les salariés qu’elles représentent.
Force est de constater, dans le même temps, que les questions de santé et de sécurité au travail passent très souvent au second plan, avec la disparition des CHSCT. On ne peut pas dire que les choses aillent dans le bon sens. Depuis l’ordonnance du 22 septembre 2017, les entreprises ont regroupé leurs instances – dont les CHSCT – au sein de CSE. Dans la fonction publique, la loi du 6 août 2019 a substitué les comités sociaux aux comités techniques.
Nous sommes donc contraints de légiférer, mais pas n’importe comment, car La Poste n’est pas n’importe quelle entreprise. Dans les faits, elle est atypique, puisqu’elle est devenue en 2010 une société anonyme tout en continuant à accomplir des missions de service public et d’intérêt général très importantes pour la population, comme le service universel postal, ou le transport et la distribution de la presse. La Poste porte le premier réseau commercial de proximité, si important dans nos territoires.
Le personnel de La Poste jouit d’une pluralité de statuts et dispose d’une représentation et d’un droit syndical dérogatoires, qui sont le fruit de l’histoire et de la singularité de cette entreprise.
Lors de nos récentes auditions, nous avons compris que le projet de la direction de l’entreprise, présenté aux organisations syndicales le mois dernier, prévoit de passer de 145 comités techniques à 28 CSE et qu’il faudra passer de 637 CHSCT à 121 CSSCT.
Tout semble déjà acté, avec un mot d’ordre : faire vite et en finir avec la proximité, à l’instar de ce qui s’est passé dans de trop nombreuses entreprises.
Je rappelle que nous sommes assemblés aujourd’hui pour mettre en place le cadre qui permettra de représenter et de défendre près de 170 000 salariés et fonctionnaires, auxquels s’ajoutent des intérimaires toujours plus nombreux, représentant actuellement quelque 10 000 équivalents temps plein par an.
La Poste, c’est une forte diversité de métiers, répartis sur des sites multiples. Ce qui se prépare est la réforme la plus importante à ce jour d’instances représentatives du personnel d’une entreprise dans le cadre des ordonnances de 2017. Les services de cette entreprise ont vocation à couvrir l’ensemble des territoires métropolitains et ultramarins, six jours sur sept. Ce n’est pas rien !
Les sénateurs que nous sommes, tous attachés à leur département, ne doivent pas considérer le vote de cette proposition de loi comme une simple formalité.
Il ne faudrait pas, par exemple, que la mise en place de ces CSE augure d’une politique déplorable en matière d’emploi dans cette entreprise. Les choses n’allant pas dans le bon sens, il est à craindre que la force syndicale ne soit affaiblie dans le cadre du nécessaire dialogue social.
En pratique, il y aurait de nouvelles suppressions de postes, qui se traduiraient inévitablement par la fermeture de bureaux de poste et de points de contact, et par une accélération de la désertification postale que nous constatons sur nos territoires.
La Poste comptant un nombre non négligeable de fonctionnaires et ne bénéficiant pas encore d’une culture d’entreprise privée aboutie, le passage aux CSE y provoque déjà, légitimement, beaucoup d’inquiétudes.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain estime qu’il faut laisser un peu plus de temps à la négociation et que le calendrier proposé est trop serré, même après l’adoption en commission d’un amendement tendant à le prolonger. Il faut laisser le temps nécessaire à la conclusion d’accords ambitieux et protecteurs.
Je le répète, La Poste n’est pas n’importe quelle entreprise. Rien de bon ne s’y fera sans un minimum d’ancrage territorial, qui doit être inscrit dans la loi.
Avec le passage aux CSE et la réduction du rôle des IRP et des représentants du personnel, nul ne peut nier qu’il sera plus difficile de conduire des échanges avec ces derniers. La proximité, essentielle pour une bonne représentation des salariés, sera mise à mal.
J’ai une pensée toute particulière pour les territoires ultramarins, dont l’éloignement et les spécificités sont totalement ignorés à ce stade.
Par voie d’amendement, nous proposons d’envisager la mise en place d’un droit syndical de transition durant la première mandature des CSE. C’est un sujet important, en particulier parce que plus de 1 000 représentants syndicaux vont voir leur détachement prendre fin à la date de mise en place des CSE.
Tant de questions restent en suspens, et pas des moindres : je pense, par exemple, au devenir des activités sociales et culturelles, dont le budget est aujourd’hui géré par le Cogas. Les rémunérations sont faibles, notamment pour les facteurs et les guichetiers. Il serait préjudiciable que le cadre que nous mettons en place aboutisse à un effondrement de l’offre sociale, accru par de possibles disparités entre CSE.
Nous avons déposé quelques amendements pour améliorer ce texte et poser les bases de discussions futures entre la direction de La Poste et les représentants actuels du personnel. Cependant, pour toutes les raisons que je viens d’exposer, cette proposition de loi n’est pas acceptable pour nous en l’état. Nous voterons donc contre son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe Union Centriste visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste a pour objectif de procéder à la réforme des institutions représentatives du personnel de cette entreprise, afin de soumettre l’ensemble de son personnel aux dispositions du code du travail relatives aux CSE.
Actuellement, La Poste dispose d’institutions représentatives du personnel spécifiques, qui sont le résultat de l’histoire de l’entreprise et de la prise en compte des spécificités de ses missions. On y observe notamment une forte proximité des instances avec le personnel.
La Poste n’a été concernée ni par l’ordonnance de 2017 ni par la loi de 2019, qui ont fusionné les instances représentatives du personnel au sein des entreprises et de la fonction publique. Cette proposition de loi vise à mettre fin à cette exception.
Celle-ci est pourtant le résultat de l’histoire de La Poste et notamment de l’ouverture à la concurrence du marché du courrier par la directive européenne du 20 février 2008, dite troisième directive postale, qui a entraîné la transformation du service public postal en société anonyme à capitaux publics et, par conséquent, provoqué la coexistence de fonctionnaires, de salariés de droit privé et de contractuels de droit public. Cette diversité de personnel a entraîné la création d’institutions représentatives du personnel spécifiques à La Poste.
L’application aveugle des ordonnances de 2017 à La Poste va diviser par trois le nombre d’instances sociales et réduire les prérogatives des délégués du personnel. L’adoption de la présente proposition de loi entraînerait le passage de 637 CHSCT à 121 CSSCT et de 145 CT à 28 CSE, dont un unique CSE pour l’ensemble des outre-mer.
Cet éloignement des représentants syndicaux de proximité néglige l’enjeu de prévention des risques professionnels, alors que La Poste est l’entreprise publique qui a connu le plus grand nombre de suppressions d’emplois : 146 175 emplois disparus en vingt ans !
Le personnel subit des conditions de travail dégradées, l’explosion du recours à la sous-traitance et des réformes à marche forcée ; dès lors, la prévention des risques professionnels devrait être la priorité de la transformation des instances de représentation du personnel.
La prévention des risques professionnels à La Poste a fait l’objet, entre 2007 et 2014, de 60 expertises. Leurs auteurs y décrivent un système au vu duquel, en leurs termes, il serait difficile « de ne pas faire de lien avec France Télécom, tant on retrouve de ressorts identiques ».
Le remplacement des CHSCT par des CSSCT réduira les prérogatives des représentants du personnel, qui ne disposeront plus de la capacité de réaliser des expertises et d’ester en justice. La situation sociale à La Poste, avec la perte de milliers d’emplois par an et une restructuration permanente, nécessite la préservation d’instances de proximité et le maintien des CHSCT.
Nous refusons de cautionner une organisation dont les experts pointent les risques pour la santé des salariés.
Notre groupe est profondément attaché à La Poste. Malgré les choix stratégiques de la direction de généraliser la sous-traitance et l’ubérisation, elle demeure le premier employeur de France après l’État, avec 210 000 agents qui accomplissent une mission de service public sur l’ensemble du territoire national.
Nous participons au quotidien aux luttes menées pour maintenir ouverts les bureaux de poste dans nos communes, car nous sommes convaincus de l’importance du service public. Nous voterons donc contre votre proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux saluer aujourd’hui le travail de notre commission des affaires sociales et, en particulier, celui qui a été accompli par sa présidente et par notre collègue rapporteure de ce texte, Brigitte Devésa, que je tiens à féliciter pour son excellent rapport : c’était son premier, mais ce ne sera sûrement pas son dernier ! Je remercie aussi l’auteur de cette proposition de loi, Denise Saint-Pé, pour sa juste intuition.
Le 1er janvier 2023, une page de l’histoire de La Poste se tournera, avec la fin du célèbre timbre rouge, dont l’existence remonte à 1849. Sans cultiver la nostalgie, mes chers collègues, reconnaissons que le timbre rouge et la voiture jaune de La Poste, tout comme la voiture bleue d’EDF, c’est la France qu’on chérit et qu’on aime ! Ce timbre rouge laissera la place à un code à huit caractères, que les utilisateurs devront télécharger en ligne avant de le recopier sur leur enveloppe. Certains y verront une anecdote ; d’autres, comme moi, un exemple d’une mutation qui bouleverse et met fin, peu à peu, aux codes d’une institution qui nous a précédés et qui, je l’espère, nous survivra.
Pour cela, mes chers collègues, nous devons nous saisir de la question sociale, en favorisant toujours la préservation d’un dialogue vivant et renforcé, si fondamental pour les salariés et dont l’intérêt dans le contexte que nous vivons actuellement n’est plus à souligner.
De manière plus globale, je veux vous faire partager mon inquiétude sur les bouleversements des services de La Poste, notamment dans les territoires ruraux. Depuis une dizaine d’années, les évolutions ont été nombreuses. Elles découlent certes du contexte européen, mais aussi et surtout des changements qui ont eu lieu dans la gestion de La Poste. L’entreprise se transforme et accélère la diversification de ses activités au détriment, parfois, d’une ruralité où le sentiment d’abandon est de plus en plus fort.
Or les Français demeurent très attachés à La Poste. Cette entreprise est, pour chacun de nous, le symbole du dynamisme local. À l’inverse, lorsqu’un bureau ferme, c’est souvent le signe d’un village qui se meurt. Ces symptômes sont révélateurs de fractures territoriales malheureusement de plus en plus marquées dans notre pays et d’une forme de déclassement.
Dans ce contexte difficile, c’est avec une volonté affirmée que le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi, qui exprime les valeurs que nous partageons, notamment par la confiance qu’il accorde aux partenaires sociaux et par leur valorisation au sein du monde de l’entreprise.
Ce texte a pour but de rendre applicables à l’ensemble du personnel de La Poste les dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective et aux institutions représentatives du personnel, sous réserve d’adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires. Le groupe Union Centriste croit à la démocratie sociale et même au solidarisme !
M. René-Paul Savary. Très bien !
M. Olivier Henno. Les entreprises sont utiles pour produire de la richesse, bien sûr, mais elles ont une responsabilité sociale et environnementale. Il est donc essentiel de pérenniser le dialogue entre les salariés, les partenaires sociaux et le patronat. On ne peut espérer l’amélioration d’un système sans passer par la concertation et, plus encore, la négociation – c’est ce qu’on peut appeler le modèle rhénan.
Il m’apparaît également essentiel, dans un souci d’égalité, que le cadre légal de la représentation syndicale dans une société anonyme comme La Poste ne diffère pas de celui qui est applicable aux autres sociétés anonymes, même lorsqu’une petite partie des collaborateurs est sous contrat public, comme c’est le cas aujourd’hui.
Nous ne doutons pas que, dans une entreprise au dialogue social riche et nourri, les intéressés sauront transiter du droit d’exception au droit commun, en veillant à ce que cela se fasse au bénéfice de chacun. C’est du moins ce que nous attendons toujours du paritarisme. La transformation du paysage des IRP va donc dans le bon sens.
Nous sommes conscients que la mise en place de CSE à La Poste constitue un chantier de grande ampleur, qui engage un changement structurel majeur, avec le passage au droit syndical applicable aux entreprises privées. Les partenaires sociaux doivent être en mesure de négocier la mise en place d’un cadre de dialogue social ambitieux, prenant notamment en compte le défi de la proximité et les besoins de nos territoires, en particulier dans les outre-mer.
Les salariés de droit privé représentent aujourd’hui plus des deux tiers des quelque 170 000 collaborateurs de La Poste.
Plutôt que d’avancer à marche forcée, ce texte donne du temps pour migrer vers les CSE ; c’est d’autant plus vrai après l’adoption par la commission d’un amendement tendant à ajouter trois mois à la période de transition prévue dans le texte initial. Le temps de la préparation au changement est donc garanti. Le dialogue et la négociation pourront avoir lieu, dans l’intérêt de tous.
Nous posons à présent un cadre ; les partenaires sociaux disposent des outils nécessaires pour faire vivre le dialogue, tant au niveau du siège de l’entreprise que dans ses nombreux établissements.
Simplicité doit rimer avec efficacité et proximité, comme dans toutes les filiales de La Poste et comme à la Banque postale, déjà dotée de CSE.
Le slogan de la dernière campagne de publicité de La Poste était : « La proximité, c’est un métier ! » Ce n’est pas non plus une posture, c’est une vocation, et c’est justement celle de La Poste – tel est le sens de ce texte, que nous voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas sans nostalgie pour les années que j’ai passées au sein de cette grande maison qu’est La Poste que je m’exprime aujourd’hui au nom du groupe RDSE. L’exercice d’un métier dans l’une des innombrables activités du groupe La Poste est une expérience qui apporte de la rigueur, fait naître des rencontres et procure un sens aigu du service public. Je tiens donc à saluer l’engagement quotidien des salariés pour faire vivre les valeurs originelles de l’entreprise.
Cet aspect de la relation entre le salarié et la structure est très important, tant il conditionne le climat social en son sein, ce qui nous amène au sujet qui nous réunit aujourd’hui, l’évolution des institutions représentatives du personnel à La Poste.
L’ouverture de ce chantier devenait urgente, au vu de l’impossibilité pour l’entreprise de bâtir un modèle de dialogue social fondé sur les dispositions du code du travail en matière de comités sociaux et économiques ou sur celles du code général de la fonction publique relatives aux comités sociaux d’administration.
La pluralité des statuts des membres du personnel fait en effet que ceux-ci relèvent tantôt du droit privé, tantôt du droit public – résultat d’une succession de lois ayant complexifié le modèle pour répondre aux injonctions du néo-libéralisme et aux impératifs de rentabilité dans un marché concurrentiel.
Après avoir exposé ce problème, insoluble avec la législation en vigueur, notre collègue Denise Saint-Pé s’est saisie de ce sujet avec justesse pour garantir la continuité durable de la représentation du personnel de La Poste.
La prorogation des mandats des membres des comités techniques et des CHSCT jusqu’à la proclamation des résultats électoraux aux CSE est une mesure de bon sens pour éviter une période blanche d’absence de dialogue et de négociation.
Cependant, malgré l’avis défavorable de la commission, je souscris aux amendements de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à faire correspondre le processus de constitution de cette nouvelle instance avec une année civile, pour faciliter la préparation du budget du Cogas.
Les autres dispositions de la proposition de loi concernant les droits syndicaux ou la protection des salariés détenant un mandat électif au sein d’une IRP correspondent peu ou prou à notre conception d’un rapport équilibré entre les employeurs et les employés.
Néanmoins, nous devons rester vigilants pour que la centralisation associée à la mise en place des CSE ne soit pas synonyme d’une perte de proximité des représentants du personnel vis-à-vis des salariés et des enjeux directement associés au travail. C’est d’autant plus vrai que La Poste ne fait pas exception à la tendance au développement d’outils de gestion inspirés des pratiques du secteur privé. La sociologue Nadège Vezinat décrit cette forme de rationalisation des activités dans son ouvrage Les métamorphoses de la Poste. Les salariés doivent donc continuer à avoir voix au chapitre pour concourir aux destinées de l’entreprise.
En somme, malgré ces quelques points de vigilance, la majorité du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera ce texte. (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, essentiellement technique, vise à appliquer à La Poste, premier employeur en France après l’État, la réforme du dialogue social que nous avons votée en 2017, favorisant et simplifiant l’exercice des responsabilités syndicales au moyen d’une nouvelle organisation.
Des comités sociaux et économiques ont été créés pour fusionner les missions précédemment confiées aux délégués du personnel, aux CHSCT et aux comités d’entreprise. Suivant ce modèle, une fusion des comités techniques et des CHSCT au sein des CSE a été opérée pour la fonction publique en 2019.
Nous nous penchons aujourd’hui, sur l’initiative de notre collègue Denise Saint-Pé, sur la situation particulière de La Poste et procédons à son adaptation, devenue urgente à la veille d’élections professionnelles.
Le parcours historique de La Poste explique le particularisme de la représentation de son personnel. À l’origine, elle était centrée sur son activité d’envoi du courrier et son régime de représentation du personnel, défini en 1990, était celui d’une entreprise publique. Depuis lors, le développement d’autres activités, notamment bancaires, l’a conduite à devenir une société anonyme, à partir de 2010, dotée de capitaux publics et restant chargée d’une mission nationale de service public.
Le résultat de cette construction de La Poste est que les deux tiers de ses effectifs relèvent du secteur privé, tandis qu’un tiers appartient au secteur public. Les uns et les autres sont régis par des règles distinctes et soumis à un dispositif hybride de représentation du personnel. Les CSE n’ont pas été créés. Cette situation, qui ne tient pas compte d’une évolution majeure du dialogue social, n’a pas d’équivalent. Il ne serait donc pas judicieux de la laisser perdurer.
La proposition de loi prévoit une période de transition, qui permettra à la société de préparer la réforme en préservant la qualité de son dialogue social.
Les mandats actuels arrivant à échéance le 31 janvier prochain, les instances actuelles ne disposent plus de base légale à partir de cette date. Le texte initial prévoyait la prolongation des mandats jusqu’aux élections et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024. Notre rapporteure, Brigitte Devésa, dont je salue le travail et qui a été à l’écoute attentive de tous, a procédé à de nombreuses auditions ; elle a notamment entendu les dirigeants des organisations syndicales de La Poste. Ces échanges l’ont conduite à reporter la date de fin de mandat des élus actuels au 31 octobre 2024, afin de laisser davantage de temps aux négociations en cours. Je pense que ce nouveau délai est satisfaisant et qu’il n’y a pas lieu de le repousser davantage. D’ailleurs, comme l’a rappelé la rapporteure, les syndicats ont signé à plus de 54 % l’accord de méthode, ce qui devrait apaiser les inquiétudes formulées sur certaines travées.
La proposition de loi rend ensuite applicables à La Poste les dispositions du code du travail concernant notamment le droit syndical, la négociation collective et les institutions représentatives du personnel. La société sera dotée de CSE.
Ce nouveau cadre se justifie par la présence de 67 % de salariés au sein de la société. Hormis le syndicat Sud-PTT, les organisations syndicales sont favorables à la mise en place des CSE : la CFDT et la CGT l’ont bien précisé en audition.
Bien évidemment, la proposition de loi veille à prendre en considération la situation particulière des fonctionnaires, puisqu’elle crée un organisme les représentant, le conseil des questions statutaires, qui pourra être consulté sur les projets de lois et de règlements. Par ailleurs, les commissions administratives paritaires sont maintenues pour traiter des questions d’ordre individuel.
En matière de représentativité, la réforme, calée sur les dispositions du code du travail, sera plus exigeante, puisqu’elle fixe un seuil de 10 % des suffrages exprimés lors des élections aux CSE. Pour adopter des accords collectifs, la règle de l’accord majoritaire remplacera le vote des syndicats ayant obtenu au moins 30 % des suffrages. Nous avions déjà validé ce dispositif en 2017.
La mise en place des CSE dans une société d’une telle ampleur, présente sur tous nos territoires, n’ira pas sans difficulté. En commission, notre rapporteure a rappelé plusieurs points de vigilance, parmi lesquels l’enjeu de la proximité, tout particulièrement dans les territoires d’outre-mer.
Nous voterons donc pour l’adoption du présent texte, mais nous serons particulièrement attentifs aux solutions proposées par La Poste dans les mois à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun le sait, La Poste n’est pas une entreprise comme les autres !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh non !
Mme Colette Mélot. C’est le fait, d’abord, de son histoire. Issue des relais de poste créés par Louis XI pour le transport des messages royaux, l’administration des postes en France trouve véritablement son origine au XVIIe siècle, avec la création de la poste aux lettres, dirigée par le surintendant général des postes.
La Poste est aussi une entreprise singulière par le statut juridique pluriel de son personnel, dû à l’évolution de l’entreprise depuis la réforme de 1990 et l’emploi, à la fois, de fonctionnaires régis par des statuts particuliers, de salariés de droit privé et d’agents contractuels de droit public.
Elle se distingue également par ses nombreux secteurs d’activité : elle est opérateur de services postaux, mais aussi prestataire de téléphonie mobile, banque, assurance, fournisseur de services numériques, ou encore agent de commerce en ligne.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de réformer les institutions représentatives du personnel de La Poste afin de soumettre au code du travail tous les membres de son personnel, qu’ils soient de droit privé ou de droit public. Il s’agit ainsi d’accompagner la mise en place des comités sociaux et économiques à La Poste.
En 2017, les CHSCT ont disparu au profit des CSE. Or la loi du 6 août 2019 de transformations de la fonction publique disposait que les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT continueraient à s’appliquer à La Poste jusqu’au prochain renouvellement des IRP.
Néanmoins, aucune disposition ne précise à l’heure actuelle le cadre qui s’appliquera à la fin des mandats en cours au sein de ces instances.
C’est pourquoi l’auteur de ce texte a souhaité, à l’article 1er, prolonger les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques de La Poste jusqu’à la mise en place des CSE et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2024.
Je partage la position de la commission, qui a décidé de reporter au 31 octobre 2024 cette date limite pour la prolongation des mandats actuels et l’application des dispositions relatives aux CHSCT, afin de favoriser la négociation et la transformation du dialogue social à La Poste.
L’article 2 de la proposition de loi instaure les comités sociaux économiques à La Poste ; là encore, je me réjouis que la commission ait reporté au 31 octobre 2024 la date butoir de leur mise en place.
Enfin, son article 3 prévoit d’appliquer à La Poste, à titre transitoire, des dispositions du code du travail en vertu desquelles l’entreprise et les organisations syndicales pourront préparer la mise en place des CSE et l’organisation des élections professionnelles.
Madame la ministre, mes chers collègues, l’instauration de comités sociaux et économiques à La Poste constitue un chantier à la fois vaste et complexe en raison de la diversité des statuts de son personnel. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de cette proposition de loi nécessaire, telle que modifiée utilement par la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à la poste
Article 1er
I. – Les mandats des membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des comités techniques du personnel de La Poste en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste, et au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024.
II. – Au second alinéa de l’article 31-3 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, les mots : « jusqu’au prochain renouvellement des instances » sont remplacés par les mots : « jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste, au plus tard à la date mentionnée au I de l’article 1er de la loi n° … du … visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste ».
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mmes Féret et Jasmin, M. Kanner, Mmes Lubin et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
prorogés
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
jusqu’au 31 décembre 2024.
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Le nouveau cadre des IRP prévu par la présente proposition de loi représente une évolution profonde, a fortiori pour un groupe atypique tel que La Poste, actuellement sous droit syndical de droit public.
Le passage aux CSE est une transformation délicate et le calendrier retenu ne doit pas ajouter à la complexité intrinsèque de ce projet.
Prévoir une date d’application fixe constitue un élément de sécurisation du processus. Il convient par ailleurs que cette date corresponde à une année civile, pour des questions budgétaires liées notamment à la clôture des comptes du Cogas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Ma chère collègue, nous convenons avec vous que le passage aux CSE est un changement important dans la vie de l’entreprise ; d’ailleurs, c’est ce que vous aviez déjà rappelé lors des auditions auxquelles nous avons procédé en commission.
Par votre amendement, vous proposez la prorogation des mandats des membres des CHSCT et des comités techniques jusqu’au 31 décembre 2024.
Cependant, comme cela a été souligné dans la discussion générale, la commission a déjà reporté la durée des mandats, jusqu’au 31 octobre 2024, au lieu du 31 juillet 2024.
Les raisons en sont simples. D’abord, ce délai me semble suffisant pour mener les négociations sociales qui permettront de définir l’architecture des futurs CSE et les modalités d’organisation des élections professionnelles.
Par ailleurs, il me semble important de préciser qu’un report jusqu’à la fin de décembre 2024 ne semble ni nécessaire ni souhaitable, alors que l’activité des mois de novembre et de décembre est très soutenue à La Poste.
Enfin, une prorogation trop longue des mandats des élus pourrait constituer une atteinte disproportionnée au droit d’expression des salariés.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Madame la sénatrice Féret, votre amendement vise à prévoir une date fixe d’application de ces dispositions au 31 décembre 2024 afin, notamment, de la faire correspondre au passage à l’année civile suivante et à la clôture des comptes du Cogas.
Je comprends ce qui vous motive. Néanmoins, la mise en place des CSE au sein d’une société d’une dimension telle que La Poste nécessitera une période de transition, laquelle doit s’appliquer à l’ensemble du périmètre des CSE et permettre les processus électoraux.
Au fond, ce sont les protocoles d’accords électoraux qui vont définir les modalités d’organisation des élections aux CSE et qui peuvent ainsi déterminer leurs dates.
Proroger les mandats jusqu’à la proclamation des résultats aux élections des CSE et au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024, comme la présente proposition de loi le prévoit, permet justement, à mon sens, de sécuriser les processus électoraux.
L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mmes Féret et Jasmin, M. Kanner, Mmes Lubin et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
À compter de cette date et pour la durée de la première mandature des comités sociaux et économiques, il est prévu la mise en place d’un droit syndical de transition pour les salariés dont le mandat a pris fin.
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cette proposition de loi impose un passage direct aux IRP de droit commun sans période transitoire « pédagogique ». Cela aboutit à faire subir un choc culturel et social aux personnels de La Poste. Plus de mille représentants syndicaux verront ainsi leur détachement prendre fin avec l’instauration des CSE.
Cet amendement vise donc à prévoir un cadre pour la reconversion professionnelle de ces salariés, nécessaire à la mise en œuvre d’une véritable gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Ma chère collègue, il est effectivement nécessaire de réfléchir à une transition en sécurité pour les anciens représentants du personnel. C’est pourquoi l’article 3 prévoit déjà leur protection durant six mois à compter de l’expiration de leur mandat.
En outre, il appartient à La Poste de répondre à la question de la reconnaissance des compétences acquises par les représentants du personnel et de la valorisation de leur parcours, à savoir la possibilité d’évoluer du rôle de représentant vers un rôle de salarié ou de fonctionnaire classique. C’est un défi, compte tenu de la diminution prévisible du nombre de mandats. Ce point, parmi d’autres, est d’ailleurs à l’ordre du jour des négociations au sein du groupe La Poste.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Madame la sénatrice Féret, cette volonté d’introduire un droit syndical de transition pour accompagner les reconversions professionnelles est bien sûr compréhensible, mais on ne voit pas bien comment celle-ci pourrait se traduire dans un texte législatif et quelle pourrait être la nature de ce droit.
L’article 3 prévoit justement une période transitoire entre sa date d’entrée en vigueur et la proclamation des résultats des élections aux CSE de La Poste, période durant laquelle certaines dispositions du code du travail trouveront à s’appliquer, notamment en matière de droit syndical et de protection des salariés concernés, afin de permettre aux organisations syndicales, ainsi qu’à l’employeur, d’organiser concrètement les élections des représentants du personnel aux CSE. Dans le même temps, les règles liées au statut particulier de La Poste continueront à s’appliquer. Tout cela permettra à l’ensemble des élus au sein de La Poste de disposer de ces nouveaux droits.
Cette période transitoire sera aussi l’occasion d’échanger, dans le cadre du dialogue social, sur la valorisation des parcours syndicaux.
Elle permettra également l’adaptation et l’acclimatation des acteurs du dialogue social de La Poste à ce nouveau régime de droit commun, sans qu’il soit nécessaire de prévoir de nouvelles adaptations transitoires une fois ces CSE mis en place.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée est ainsi modifiée :
1° (nouveau) Le premier alinéa de l’article 29 est complété par les mots : « et à l’article 31 » ;
2° L’article 31 est ainsi rédigé :
« Art. 31. – Les livres Ier, II et III de la deuxième partie du code du travail sont applicables à l’ensemble du personnel de La Poste. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent alinéa. Il procède notamment aux adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de La Poste.
« Les salariés représentants élus du personnel au sein d’une instance de représentation propre à La Poste bénéficient de la protection en cas de rupture ou de transfert du contrat de travail prévue au livre IV de la deuxième partie du code du travail dans des conditions précisées par décret.
« Au sein des comités sociaux et économiques, le corps électoral pour la composition des collèges électoraux en application de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre III de la deuxième partie du même code inclut les fonctionnaires, les agents contractuels de droit public et les salariés de La Poste. La représentativité des organisations syndicales s’apprécie au regard de la totalité des suffrages exprimés au premier tour des élections par l’ensemble des électeurs composant ces collèges.
« L’article L. 215-1 du code général de la fonction publique n’est pas applicable aux fonctionnaires et aux agents contractuels de droit public de La Poste.
« La représentation du comité social et économique central auprès du conseil d’administration est assurée par le secrétaire du comité.
« Il est institué un organisme représentant les fonctionnaires de La Poste, consulté sur les projets de loi et de règlement relatifs à leurs statuts. Un décret en Conseil d’État précise notamment la composition et les modalités de fonctionnement de cet organisme.
« L’article L. 211-1 du même code est applicable à l’élection des commissions administratives paritaires de La Poste et à la désignation des membres de l’organisme représentant les fonctionnaires de La Poste et chargé de donner un avis sur les textes relatifs à leur statut. » ;
3° Les articles 31-2 et 33-1 sont abrogés ;
4° (nouveau) Le second alinéa de l’article 31-3 est supprimé.
II. – À compter de la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste, et au plus tard le 31 octobre 2024, les accords et les usages relatifs au droit syndical ou au dialogue social antérieurs à la publication de la présente loi cessent de produire leurs effets.
III. – Sous réserve des dispositions de l’article 3, le I du présent article entre en vigueur à compter de la proclamation des résultats des élections aux comités sociaux et économiques à La Poste, et au plus tard le 31 octobre 2024.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mmes Féret et Jasmin, M. Kanner, Mmes Lubin et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
Après le mot :
notamment
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
à la mise en place de commissions territoriales et autres adaptations justifiées par la situation particulière des fonctionnaires de La Poste
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Les membres du personnel de La Poste relevant de la fonction publique, qui représentent encore plus de 30 % de ses effectifs, vont être dilués dans des IRP de droit commun qui ne sont pas adaptées à leur statut.
Le texte prévoit bien la création d’une instance centralisée destinée à prendre en compte leur spécificité, mais elle demeure insuffisante à nos yeux. Outre une instance centrale qui leur soit propre, il convient que ces fonctionnaires disposent également d’instances territorialisées dédiées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Ma chère collègue, votre amendement vise à mettre en place des commissions territoriales représentant les fonctionnaires de La Poste. Or ceux-ci, tout comme les salariés, seront représentés au sein des CSE.
De plus, les CAP resteront compétentes pour examiner les questions individuelles relatives aux fonctionnaires.
La proposition de loi prévoit en outre d’instituer un organisme représentant les fonctionnaires, qui sera consulté sur les questions statutaires. Rappelons que son organisation et son fonctionnement seront fixés par décret en Conseil d’État. Il ne me paraît donc pas nécessaire, ma chère collègue, de créer des instances supplémentaires.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Madame la sénatrice, pour les mêmes raisons, nous sommes défavorables à cet amendement : la création des CSE à La Poste ne changera rien à la représentation des fonctionnaires.
Les problématiques liées aux conditions de travail ne dépendent pas du statut de l’agent ; les spécificités des fonctionnaires tiennent principalement au fait qu’ils sont soumis au statut de la fonction publique. Or, par sa nature même, celui-ci s’applique à l’ensemble d’entre eux, indépendamment de leur lieu d’exercice.
En outre, comme l’a indiqué Mme la rapporteure, les fonctionnaires conservent des instances de représentation propres : les commissions administratives paritaires.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Féret et Jasmin, M. Kanner, Mmes Lubin et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un comité social et économique est institué dans chaque collectivité régie par l’article 73 ou 74 de la Constitution.
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Je précise que cet amendement a été rédigé en commun avec, notamment, ma collègue Victoire Jasmin, sénatrice de la Guadeloupe.
Comme je l’ai indiqué en discussion générale, nous insistons sur la nécessité absolue de proximité. Cet amendement vise ainsi à réduire les effets délétères de la limitation, prévue à vingt-huit, du nombre des CSE d’établissement afin de prendre en compte la spécificité des territoires ultramarins, en garantissant que chaque collectivité ultramarine sera couverte par un CSE propre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Ma chère collègue, votre amendement vise à imposer la mise en place d’un CSE d’établissement dans chaque collectivité d’outre-mer. Lors des auditions, Mme Jasmin avait fait part de son inquiétude à ce sujet. Or la mise en place d’un CSE est liée à la définition des établissements distincts au sein de l’entreprise, qui relève de la négociation collective ; elle n’est pas liée au découpage administratif des collectivités territoriales. Cela rend donc cet amendement difficilement opérationnel.
Même si la proximité de la représentation est un enjeu de la réforme, tout spécialement dans les outre-mer, il revient aux partenaires sociaux de l’entreprise de définir le bon maillage de ces instances. Faisons confiance au dialogue social, faisons confiance aux syndicats qui ont soulevé cette problématique de la proximité, et faisons également confiance à la direction de La Poste : après tout, qui mieux que l’entreprise connaît les spécificités territoriales ?
Je vous invite donc à retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je maintiens cet amendement : comme je l’ai indiqué, nous insistons sur cette nécessaire proximité.
Mme Jasmin, qui a dû s’absenter de notre hémicycle pour assister à une autre réunion au Sénat, m’a demandé de souligner les inégalités qui existent entre les différents territoires, particulièrement avec ceux d’outre-mer. En particulier, les surcoûts liés aux déplacements entre les différents sites y sont extrêmement importants. Il s’agit donc, selon notre collègue – et, avec l’ensemble des collègues de notre groupe, nous la rejoignons –, d’une forme de maltraitance institutionnelle en matière d’aménagement du territoire : les représentants aux CSE ne pourront pas prendre en compte toutes les demandes de leurs collègues exerçant dans ces territoires.
Il nous a été indiqué que les territoires ultramarins ne seront représentés que par un seul CSE. On l’imagine aisément : entre les Antilles, le Pacifique, Mayotte, La Réunion et d’autres territoires encore, on ne peut plus parler de proximité, bien au contraire. Il s’ensuivra une dégradation très nette des relations entre les salariés.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous voterons cet amendement.
J’entends dire qu’il faut faire confiance à La Poste et vous parlez de proximité… Il est question du remplacement des CHSCT par les CSE, du statut des agents, etc. Je veux attirer l’attention de nos collègues sur un point : vous connaissez Deliveroo et Uber, mais moins Stuart, entreprise de livraison, filiale à 100 % de La Poste depuis 2017, qui fait actuellement l’objet de poursuites. Il faut savoir que Stuart recourt massivement à des livreurs autoentrepreneurs, organise leur travail, fixe leurs tarifs et leur donne des instructions ; il lui arrive même de sanctionner ces travailleurs. C’est bien la preuve qu’il existe un lien de subordination constitutif d’une relation de travail salariée.
Cette filiale à 100 % de La Poste a en outre créé vingt sociétés ayant une espérance de vie inférieure à un an pour échapper aux contrôles de l’administration fiscale !
Alors, je veux bien qu’on me dise qu’il faut faire confiance à La Poste, mais celle-ci, je le répète, a créé une filiale qui a elle-même créé vingt sociétés qui s’affranchissent des règles du salariat ! Il est important que le législateur que nous sommes le sache. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mmes Féret et Jasmin, M. Kanner, Mmes Lubin et Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 13 et 14
Remplacer le mot :
octobre
par le mot :
décembre
La parole est à Mme Corinne Féret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Comme cela a été dit au sujet de l’amendement n° 1, la commission a déjà reporté du 31 juillet au 31 octobre 2024 la date butoir de la mise en place des CSE à La Poste afin de laisser un temps suffisant aux acteurs de la négociation. Il convient de ne pas la reporter excessivement. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. – La Poste et les organisations syndicales qui satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement concernés, peuvent négocier les accords mentionnés aux articles L. 2314-6, L. 2314-12, L. 2314-13, L. 2314-15, L. 2314-28 et L. 2316-8 du code du travail.
Les organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans les comités techniques ainsi que les syndicats et les organisations syndicales mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 2314-5 du même code y sont également invités par courrier.
L’invitation à négocier mentionnée au présent article doit parvenir au plus tard quinze jours avant la date de la première réunion de négociation.
La validité des accords mentionnés au premier alinéa du présent I est subordonnée à leur signature par la majorité des organisations syndicales ayant participé à leur négociation, dont les organisations syndicales disposant d’au moins un siège au comité technique national et ayant recueilli, aux dernières élections de ce comité, plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur de ces organisations.
II. – Sont applicables à La Poste les articles L. 2135-8, L. 2142-1, L. 2141-5, L. 2141-5-1, L. 2142-6, L. 2142-9, L. 2145-12, L. 2242-10 à L. 2242-12, L. 2312-19, L. 2312-21, L. 2312-55, L. 2312-81, L. 2312-82, L. 2313-1 à L. 2313-7, L. 2314-1 à L. 2314-37, L. 2315-2, L. 2315-4, L. 2315-39, L. 2315-41, L. 2315-43, L. 2315-45, L. 2315-79, L. 2316-8, L. 2316-11 et L. 2316-23 du code du travail.
La Poste et les organisations syndicales disposant d’au moins un siège au comité technique national peuvent négocier les accords prévus à ces mêmes articles.
La validité de ces accords est subordonnée à leur signature, d’une part, par La Poste ou son représentant et, d’autre part, par une ou plusieurs organisations syndicales disposant d’au moins un siège au comité technique national et ayant recueilli, aux dernières élections de ce comité, plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur de ces organisations.
La validité de l’accord mentionné à l’article L. 2314-12 du même code est subordonnée à sa signature par toutes les organisations syndicales disposant d’au moins un siège au comité technique national.
III. – Les salariés demandeurs d’organisation des élections et candidats aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique bénéficient de la protection en cas de rupture ou de transfert du contrat de travail dans les conditions prévues au livre IV de la deuxième partie du code du travail. Jusqu’à la mise en place des comités sociaux et économiques, l’avis prévu à l’article L. 2421-3 du même code est rendu par la commission consultative paritaire compétente.
Bénéficient également de la protection prévue au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie dudit code les salariés anciens représentants du personnel élus au sein d’une instance de représentation du personnel propre à La Poste, pendant les six premiers mois à compter de l’expiration de leur mandat, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après la référence :
L. 2314-6,
insérer la référence :
L. 2314-7,
et après la référence :
L. 2314-15,
insérer la référence :
L. 2314-27,
II. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
article
par la référence :
I
III. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La validité des accords mentionnés aux articles L. 2314-12 et L. 2314-27 dudit code est subordonnée à leur signature par toutes les organisations syndicales disposant d’au moins un siège au comité technique national.
IV. – Alinéa 4
Après la première occurrence du mot :
des
insérer le mot :
autres
V. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exclusion de ceux prévus au I du présent article
VI. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Par cet amendement, nous entendons procéder à diverses coordinations au sein du code du travail destinées à préciser les modalités de conclusion d’accords préélectoraux nécessaires à la mise en place des CSE à La Poste, notamment en prévoyant que la validité desdits accords est subordonnée à leur signature par toutes les organisations syndicales disposant d’au moins un siège au comité technique national.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
1° Après la première occurrence du mot :
à
insérer les mots :
l’ensemble du personnel de
2° Remplacer les références :
L. 2314-1 à L. 2314-37
par les références :
L. 2314-1, L. 2314-4, L. 2341-6, L. 2314-7, L. 2314-9, L. 2314-11 à L. 2314-15, L. 2314-17 à L. 2314-19, L. 2314-23, L. 2314-25 à L. 2314-34
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Cet amendement de coordination vise à corriger certaines références au code du travail afin que soient applicables à La Poste les seules dispositions nécessaires à la mise en place des CSE et à l’organisation des élections professionnelles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 9, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Jusqu’à la mise en place des comités sociaux et économiques à La Poste, la commission consultative paritaire compétente rend un avis sur la rupture ou le transfert du contrat de travail de ces salariés.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Cet amendement de précision rédactionnelle vise à expliciter l’avis dont il est question à l’alinéa 9 de l’article 3.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Devésa, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de La Poste sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques de La Poste mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées et au plus tard à la date prévue au I de l’article 1er de la présente loi.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Brigitte Devésa, rapporteure. Les CHSCT étant dotés de la personnalité morale, il est nécessaire de prévoir le transfert de leurs droits et obligations aux CSE qui leur succéderont au sein de La Poste.
Cet amendement vise donc à ce que l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des CHSCT de La Poste soient transférés de plein droit et en pleine propriété aux CSE, transfert qui doit être autorisé par le législateur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Cette disposition, qui s’inspire des règles ayant présidé au transfert des biens des comités d’entreprise aux CSE, permettra d’assurer le fonctionnement et la gestion des nouveaux CSE mis en place au sein de La Poste.
L’avis du Gouvernement est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et, l’autre, de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 9 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 253 |
Contre | 91 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures, pour l’examen de la proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à seize heures.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Développement de l’agrivoltaïsme
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme, présentée par MM. Jean-Pierre Decool, Pierre-Jean Verzelen, Pierre Médevielle, Daniel Chasseing, Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 731 [2021-2022], texte de la commission n° 14, rapport n° 13).
Motion d’ordre
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, 62 amendements ont été déposés sur ce texte, dont 60 sur son article unique. Au sein de celui-ci, compte tenu des alinéas qu’ils visent, 31 amendements devraient être examinés en discussion commune, ce qui est de nature à compromettre la lisibilité des débats.
Dès lors, afin de faciliter le bon déroulement de notre examen de cette proposition de loi en scindant cette discussion commune, la commission, que j’ai consultée hier sur cette requête sans qu’aucune opposition s’exprime, demande l’examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter à l’article unique, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat.
M. le président. Je suis saisi d’une demande de la commission d’examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter à l’article unique, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Je découvre à l’instant – c’est normal – cette demande de la commission, mais je m’interroge sur l’objet de cet examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter. S’agit-il de faire en sorte que cet amendement ne soit pas examiné du tout ? Si tel est le cas, je trouve cela très étonnant. Aussi, j’aimerais avoir une explication sur cette demande qui me surprend !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, il n’y a pas lieu de s’étonner. Comme je l’ai rappelé, la proposition de loi comporte un seul article, au sein duquel 31 amendements sont en discussion commune.
Aussi, pour rendre nos débats plus clairs, plus fluides et plus intelligibles, la commission propose de scinder cette discussion commune, ce qui peut être accompli par un examen séparé de l’amendement n° 25 rectifié ter de M. Jean-Pierre Moga.
Cet amendement pourra évidemment être présenté ; d’ailleurs, c’est avec l’accord de M. Moga que nous avons décidé de procéder ainsi.
Il ne s’agit donc nullement de censurer cet amendement, mais simplement de fluidifier l’examen du texte et notamment la présentation des avis rendus par la commission et par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Je confirme les propos de Mme la présidente de la commission : elle a recueilli mon assentiment avant de procéder à cette demande, à laquelle je suis favorable.
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Gérard Longuet applaudit également.)
M. Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « si nous ne parvenons pas à concilier les besoins de croissance de l’humanité et la souffrance d’une planète à bout de souffle, nous courons à la catastrophe ». C’est ainsi qu’à la fin de son second mandat présidentiel Jacques Chirac nous parlait de la révolution écologique. Il nous reste toujours à l’accomplir !
C’est la vision saine d’une écologie libérale où la réflexion s’attache à concilier la lutte contre le dérèglement climatique et les besoins des citoyens.
L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est bien de créer, de manière pragmatique, un nouvel outil de lutte contre la catastrophe climatique.
Tout d’abord, je remercie mes collègues coauteurs et cosignataires de cette proposition de loi. Nous avons eu des échanges fondamentaux durant sa construction.
Ensuite, je remercie la commission des affaires économiques pour son important labeur sur le texte et tout particulièrement son rapporteur, Franck Menonville, qui a effectué un travail remarquable. En tant qu’agriculteur, il est imprégné des problématiques des territoires et connaît parfaitement celles du monde agricole, ce qui est un atout pour ce texte.
Avant de vous parler de la proposition de loi, je reviendrai sur un point dont l’importance rythme, depuis le début de ma carrière, mon engagement politique : l’initiative parlementaire.
Députés ou sénateurs, nous connaissons les besoins de nos territoires et de nos concitoyens. Nous avons la chance formidable d’être au contact des élus, des entreprises, des associations et de l’ensemble des entités faisant vivre nos territoires.
Les propositions de loi sont incontournables pour faire évoluer notre système dans un sens bénéfique pour la Nation ; c’est bel et bien l’objectif que vise notre texte. Celui-ci est le fruit de nombreux échanges, sur le terrain, avec des acteurs du secteur – agriculteurs, développeurs et élus.
Des projets d’agrivoltaïsme fleurissent dans nombre de départements, je le sais : il fallait donc leur donner un cadre. Nous devons faire de l’agrivoltaïsme une chance pour notre pays.
La France doit faire face à trois défis majeurs.
Notre dépendance énergétique n’a jamais été aussi bien illustrée que dans la période actuelle. La guerre en Ukraine nous rappelle simplement ce que nous savions déjà : pour être souverains, nous devons être indépendants.
Notre agriculture est en crise à de multiples niveaux. Notre souveraineté alimentaire est un gage de notre indépendance. Nos agriculteurs souffrent, mais l’agrivoltaïsme pourrait leur apporter un revenu complémentaire permettant de sauver leurs exploitations et d’améliorer leurs conditions de vie et de travail.
La France est également engagée dans une lutte contre l’artificialisation des sols. Ce n’est un secret pour personne : nous consommons des dizaines de milliers d’hectares par an. C’est vertigineux !
Ces trois problématiques sont intrinsèquement liées au dérèglement climatique. Nous devons faire évoluer notre bouquet énergétique en privilégiant le recours aux énergies bas-carbone. Notre agriculture va devoir s’adapter aux aléas climatiques. Nous devons réduire l’artificialisation des sols, car elle participe grandement à l’accélération du dérèglement climatique.
L’agrivoltaïsme est une solution intéressante, qui n’artificialise pas les sols, mais participe à la production d’énergies renouvelables et apporte un revenu complémentaire à nos agriculteurs.
Ce n’est du reste pas son seul atout pour notre agriculture. Cette activité a un effet positif de préservation des cultures et des élevages, qui se trouvent protégés par des panneaux assez bien implantés pour que l’activité agricole se poursuive.
Je souhaite partager avec vous un exemple marquant : la Californie va installer des panneaux solaires sur des canaux d’irrigation afin de limiter l’évaporation de l’eau. L’objectif est impressionnant : sauver 286 milliards de litres d’eau chaque année ! La raréfaction de l’eau n’en finit pas de nous préoccuper. Le secteur agricole est l’un des plus grands consommateurs d’eau. Imaginons les effets positifs de l’agrivoltaïsme !
Il nous fallait une définition claire et un cadre précis. Cette proposition de loi nous les apporte de manière équilibrée et efficace, ce que prouve son adoption à l’unanimité en commission. Le discours du Président de la République à Saint-Nazaire et celui de la Première ministre dans cet hémicycle la semaine dernière sont autant de témoignages de l’opportunité de l’examen de ce texte.
Face à tant de vues convergentes sur l’agrivoltaïsme, mon seul espoir, qui est aussi celui du groupe Les Indépendants – et je souhaite qu’il soit partagé au-delà encore –, est que cette proposition de loi se transforme rapidement en loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Patrick Chauvet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. Franck Menonville, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est utile et nécessaire.
Elle entend en effet donner une définition et un cadre stratégique, légal et budgétaire à l’agrivoltaïsme, au moment même où cette filière se développe et où les acteurs attendent une clarification.
Le texte, après son passage en commission, est composé d’une dizaine de dispositions visant à encourager les projets alliant véritablement production agricole principale et production électrique secondaire, tout en prévenant le risque de conflits d’usages et l’essor incontrôlé de projets alibis.
Pour ce faire, la proposition de loi, telle qu’adoptée à l’unanimité par notre commission, emporte plusieurs évolutions.
Elle crée d’abord un objectif de développement des installations agrivoltaïques, en réservant la priorité à la production alimentaire et en veillant à l’absence d’effets négatifs sur le foncier et sur les prix agricoles.
Elle définit les installations agrivoltaïques comme des installations solaires permettant de maintenir ou de développer l’activité agricole.
Ces installations doivent garantir une production agricole principale et un revenu durable en étant issu. Elles doivent en outre concourir directement à l’un des services suivants, sans porter atteinte aux autres : l’amélioration du potentiel agronomique, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas et l’amélioration du bien-être animal.
La proposition de loi crée ensuite pour les installations agrivoltaïques une obligation d’achat et une procédure de mise en concurrence spécifique.
Elle permet aux parcelles agricoles présentant de telles installations de bénéficier des aides de la politique agricole commune (PAC).
Enfin, elle clarifie la procédure d’autorisation d’urbanisme prévue pour les installations agrivoltaïques, en prévoyant un avis systématique de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Un autre garde-fou est la constitution de garanties financières pour assurer le démantèlement et la remise en état des sites, préservant ainsi la réversibilité des installations.
Notre commission a veillé à enrichir le texte, en adoptant une dizaine d’amendements visant à préserver les intérêts agricoles et les compétences locales.
Ainsi, la définition de l’agrivoltaïsme a été clarifiée pour tenir compte des travaux consensuels de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). L’obligation d’achat et la procédure de mise en concurrence ont été mieux articulées avec le droit européen.
Dans un souci de territorialisation, j’ai proposé l’inscription de l’agrivoltaïsme dans la planification nationale et locale, la consultation des acteurs agricoles sur son application réglementaire et l’information préalable des maires et des présidents d’intercommunalités de l’ensemble des projets agrivoltaïques.
Ces enrichissements, qui nous permettent aujourd’hui de disposer d’un texte équilibré et cohérent, n’ont été possibles que grâce au travail effectué en bonne intelligence avec notre collègue Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi, que je félicite vivement.
Je salue également le travail de mise à l’agenda de l’agrivoltaïsme effectué par M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et par notre collègue Jean-Pierre Moga, auteurs d’une proposition de résolution sur le sujet, adoptée par le Sénat le 4 janvier dernier.
Le texte que je vous présente s’est nourri de ces apports, mais également de la large concertation que j’ai conduite en auditionnant une cinquantaine de personnes – agriculteurs énergéticiens, élus locaux et agents des services de l’État. Nous avons également entendu l’Ademe et l’Agence française de normalisation (Afnor), dont les travaux de définition et de certification font autorité.
Cette proposition de loi, ainsi consolidée, constitue à mon sens un jalon essentiel du développement de l’agrivoltaïsme en France. Cette filière peut être porteuse d’externalités positives pour nos agriculteurs, en leur offrant un complément de revenu et une protection contre certains aléas, notamment climatiques.
L’Ademe recense actuellement 167 projets pour une puissance maximale de 1,3 gigawatt, mais le potentiel énergétique pourrait être plus élevé. Ainsi, EDF évalue le potentiel des projets solaires en attente à 6 gigawatts et France Agrivoltaïsme prévoit à l’horizon 2050 un potentiel maximal qui s’élèverait de 60 à 80 gigawatts.
Dès lors, on comprend bien l’enjeu de légiférer dès aujourd’hui, d’autant que les installations agrivoltaïques ne sont pas décomptées dans l’artificialisation des sols, de par une disposition introduite par notre commission dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience.
Ce texte vise à encadrer l’agrivoltaïsme, pour garantir que l’activité agricole demeure l’activité principale de la parcelle et ainsi prévenir les dérives que nous commençons parfois à observer dans nos territoires.
Il entend aussi simplifier et encourager le développement de projets porteurs d’une réelle plus-value, qui sont nombreux.
Enfin, il vise assurément à répondre au double objectif de la souveraineté alimentaire et de la souveraineté énergétique.
Le texte élaboré par notre commission s’inscrit ainsi dans la droite ligne des travaux antérieurs de simplification des normes en matière d’énergies renouvelables. Depuis 2020, pas moins de 30 solutions de simplification ont été adoptées par notre commission : 10 portaient sur l’hydroélectricité, 3 sur l’hydrogène, 2 sur l’éolien en mer, 7 sur le biogaz et 8 sur l’agrivoltaïsme.
Cette proposition de loi est donc l’occasion, pour notre commission en particulier et pour le Sénat en général, de poursuivre ce mouvement de simplification et de territorialisation, pour développer les énergies renouvelables au plus près des territoires.
Alors que le Président de la République a annoncé son souhait de promouvoir l’agrivoltaïsme, dans son discours prononcé à Saint-Nazaire le 22 septembre dernier, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, délibéré en conseil des ministres le 26 septembre, est muet sur ce point.
Je souhaite que le Sénat comble cet angle mort. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter largement cette proposition de loi. C’est une occasion unique de légiférer en amont sur un domaine d’avenir, en répondant à la fois aux besoins de soutien et de régulation.
J’invite enfin le Gouvernement, s’il souhaite véritablement coconstruire les projets de loi avec le Parlement, à accueillir favorablement les travaux de notre chambre pour enrichir son projet de loi, sur lequel des amendements seront bien entendu déposés en temps voulu. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Patrick Chauvet applaudit également.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il nous faut aujourd’hui trouver des solutions pour concilier souveraineté alimentaire et indépendance énergétique. Tel est, au fond, tout l’enjeu du débat que nous allons avoir sur cette proposition de loi inscrite à l’ordre du jour du Sénat sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires, que je remercie.
La guerre en Ukraine, qui affecte à la fois les marchés agricoles et énergétiques, illustre l’importance de traiter ces deux enjeux conjointement.
La transition énergétique doit permettre de limiter la trajectoire de réchauffement climatique et de gagner autant en indépendance énergétique qu’en résilience, à la fois pour nos concitoyens et nos agriculteurs.
Ceux-ci sont les premiers à subir les effets croissants du dérèglement climatique dans nos territoires, mais ils sont également des acteurs à part entière de l’adaptation à ce changement.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) nous dit que nous pouvons encore inverser la tendance. Il faut pour cela reprendre en main notre destin énergétique, ce qui implique de remplacer 65 % de notre consommation d’énergie finale, qui vient encore aujourd’hui du bout du monde sous forme d’énergie fossile, par une production nationale ou européenne, décarbonée et, dans la mesure du possible, disponible pour un coût abordable. Ainsi, nous contribuerons à maintenir le réchauffement en deçà du seuil des 2 degrés.
Pour y parvenir, nous disposons de plusieurs solutions, dont une concerne particulièrement le monde agricole : l’agrivoltaïsme.
Je voudrais saluer le travail du Sénat, engagé de longue date sur ce sujet, à la recherche des mêmes équilibres.
Je pense naturellement à la résolution adoptée sur l’initiative de MM. Jean-François Longeot et Jean-Pierre Moga, qui a fait l’objet d’un large consensus sur ces travées.
Je pense également à la proposition de loi de M. Jean-Pierre Decool – je le salue – dont nous discutons aujourd’hui. Elle entre en résonance avec le travail enclenché par le Gouvernement sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, défendu par ma collègue, Mme Agnès Pannier-Runacher. Ce texte prépare ainsi utilement les débats que nous aurons sur ce texte.
En tant que ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, je salue aussi cette initiative, car l’agrivoltaïsme, c’est-à-dire une énergie photovoltaïque produite en synergie avec nos activités agricoles, constitue selon moi une solution vertueuse. Aucune des transitions à l’œuvre – transitions nécessaires ! – ne pourra se faire sans notre agriculture.
Nous ne le disons pas suffisamment : nos agriculteurs détiennent une partie de la réponse au problème de la lutte contre le réchauffement climatique. Ils portent au quotidien, dans tous nos territoires, des projets qui contribuent à cette lutte, par la production d’énergies renouvelables qui se substituent aux énergies fossiles, comme les biocarburants ou la méthanisation.
Les technologies agrivoltaïques permettent dans le même temps d’apporter des services aux agriculteurs, en protégeant davantage les cultures contre les aléas météorologiques, en régulant leur exposition au soleil, ou encore en les protégeant contre un excès de précipitations ou des épisodes de grêle. L’objectif est simple : accélérer l’adaptation de notre modèle agricole au changement climatique, grâce à des pratiques plus résilientes et durables.
C’est pourquoi le Gouvernement soutient déjà l’agrivoltaïsme. L’Ademe a formalisé, après plusieurs mois de travail et d’expertise, une définition qui, je crois, fait largement consensus.
Chaque année nous lançons des appels d’offres « innovation » permettant de soutenir de manière ad hoc les technologies innovantes. De plus, en 2022, le Gouvernement a décidé d’étendre ce soutien en permettant aux porteurs de projets agrivoltaïques de répondre aux appels d’offres photovoltaïques sur les bâtiments. Cela a d’ores et déjà permis à de premiers projets d’émerger, dans les territoires, en concertation avec l’ensemble des acteurs impliqués.
Cependant – et c’est la raison pour laquelle je considère que cette proposition de loi est très importante –, il est nécessaire d’aller plus loin pour accélérer et garantir le développement cohérent et maîtrisé de ces projets agrivoltaïques dans nos territoires.
Or il n’existe toujours pas de définition réglementaire de l’agrivoltaïsme. Elle est aujourd’hui nécessaire. Le Président de la République a d’ailleurs – vous l’avez rappelé – pris des engagements à ce sujet devant le monde agricole, pour plus de clarté et de visibilité, mais également pour plus de sécurité, afin d’éviter tout projet alibi qui s’éloignerait de l’équilibre recherché par tous.
Le cadre législatif posé ici pour l’agrivoltaïsme permettra ensuite d’asseoir une approche territorialisée, dans chaque département, avec les acteurs locaux – les maires au premier chef, mais aussi les agriculteurs, ou encore les chambres d’agriculture.
C’est peut-être une évidence, mais l’agrivoltaïsme que nous promouvons va de pair avec la préservation de terres agricoles productives, essentielles pour notre souveraineté alimentaire. Je sais que le Sénat est particulièrement attentif à ces enjeux.
Ce juste équilibre est, à mon sens, en passe d’être trouvé aujourd’hui grâce à votre proposition de loi, qui offre une définition et un cap clairs, mais pose aussi des conditions et un cadre qui le sont tout autant : non-artificialisation des sols, conservation des fonctions écologiques et du pouvoir agronomique du sol, maintien d’une activité agricole significative, réversibilité totale des projets, capacité du préfet de contraindre à la constitution de garanties financières, avis systématique de la CDPENAF et, évidemment, service ajouté réel apporté à l’agriculteur. Ce cadre, ainsi posé, constitue un véritable progrès par rapport à la situation actuelle.
Le Gouvernement considère que la définition proposée dans ce texte va véritablement dans la bonne direction, notamment grâce à un encadrement clair des projets permettant d’éviter tous les détournements. Un agriculteur doit rester un agriculteur et l’agrivoltaïsme doit rester de l’agrivoltaïsme !
Ces règles strictes permettront de lutter contre les projets alibis et contre les abus, tout en améliorant la sécurité juridique pour toutes les parties prenantes, et ainsi, d’accompagner le développement concerté de l’agrivoltaïsme. C’est bien l’équilibre que je défends, avec Agnès Pannier-Runacher et toutes les parties prenantes.
Je voudrais saluer tout particulièrement les travaux de votre rapporteur. De la même manière, je partage l’esprit des travaux menés par la commission des affaires économiques et sa présidente.
Je partage cette volonté de parvenir à un point d’équilibre entre des règles qui permettront d’éviter les dérives, des mesures visant à favoriser de tels projets et une marge d’appréciation appuyée sur une gouvernance locale autour des CDPENAF. Le Président de la République l’a rappelé : concertation et accélération ne sont pas incompatibles, bien au contraire !
Le rôle de ces instances fera l’objet de débats à l’occasion de l’examen de divers amendements, mais je crois pouvoir dire que nous nous rejoignons collectivement pour imposer un avis systématique de ces commissions, qui constituent, à mon sens, des instances locales de dialogue pertinentes, notamment pour apprécier la synergie entre les deux activités – agricole et énergétique –, prendre en compte les spécificités des territoires et inscrire les projets dans la durée.
Nous travaillons aujourd’hui pour les générations de demain ; cela nous oblige tous.
Nous devons donc aussi penser à la transmission. En aval, les conditions de retour à l’activité agricole des surfaces sur lesquelles des installations agrivoltaïques auront été implantées doivent être anticipées. C’est l’enjeu de la réversibilité, qui est traitée dans cette proposition de loi. Se posent des questions de pérennité des investissements, notamment au moment de la transmission des exploitations, de solvabilité des installateurs à terme et de responsabilité.
Enfin, concernant l’éligibilité aux aides de la politique agricole commune, l’engagement du Gouvernement est clair : à partir du moment où l’agrivoltaïsme aura été défini avec précision et justesse dans la loi, nous définirons l’éligibilité des projets aux aides de la PAC. Cela suppose, toutefois, pour être en conformité avec le droit européen, d’avoir la définition la plus précise possible de l’agrivoltaïsme. C’est pourquoi il est important de s’en tenir précisément à la définition issue des travaux de l’Ademe. Le plan stratégique national (PSN) de la France, approuvé le 31 août dernier par la Commission européenne, précise à cet égard que « l’admissibilité des surfaces couvertes par des panneaux photovoltaïques sera précisée dans la réglementation nationale ».
Le projet d’arrêté devant entériner cela est en cours d’élaboration, parallèlement à vos travaux. Inscrire cela dans la loi n’est donc, à notre sens, ni nécessaire ni souhaitable. Nous comptons évidemment vous associer aux travaux réglementaires que nous mènerons.
Voilà tracées les grandes lignes de ce débat. Je forme le vœu qu’il permette, en lien étroit avec les organisations professionnelles agricoles et avec l’ensemble des acteurs du monde rural – je pense en particulier aux élus – de préparer un dispositif équilibré en vue des débats à venir sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Face aux défis combinés de la souveraineté alimentaire et énergétique, nous devons œuvrer à trouver une réponse efficace, équilibrée et ambitieuse. En ce sens, cette proposition de loi fait œuvre utile. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 34 degrés à Orthez et 31 degrés à Biarritz ce mardi, 26 degrés à Nantes hier : un bon tiers sud-ouest de la France connaît actuellement des températures dignes d’un plein été. La France connaît une période de chaleur record pour la seconde quinzaine d’octobre. Une vague de chaleur de plus, qui s’ajoute aux fréquentes périodes caniculaires de l’été, lesquelles devraient faire de l’année 2022 la plus chaude jamais enregistrée en France.
Le réchauffement s’accélère. Cela donne raison au Giec, qui nous alerte sur l’augmentation exponentielle des températures et nous suggère des alternatives pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et ainsi limiter les conséquences du changement climatique.
Le développement massif des énergies renouvelables fait partie des solutions. Ces dernières sont impératives, tant notre retard est conséquent. La France apparaît comme le mauvais élève de l’Europe : la proportion d’énergies renouvelables dans notre consommation énergétique s’élève à 19 % seulement, loin de l’objectif de 23 % fixé par Bruxelles. Il faut donc accélérer le mouvement !
Tel est l’objet du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que nous examinerons dans deux semaines. Le Gouvernement est donc au travail, mais le Sénat n’est pas en reste, comme en témoigne cette proposition de loi.
Le photovoltaïque fait en effet partie de la réponse. Selon la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), en 2028, la puissance du parc photovoltaïque devra approcher 40 gigawatts. Aujourd’hui, elle atteint quelque 10 gigawatts. Il faudrait donc installer, pour atteindre cet objectif, 3 à 4 gigawatts de panneaux solaires par an, contre 1 gigawatt aujourd’hui.
Nous devons accélérer et trouver des possibilités d’installer du photovoltaïque. L’agrivoltaïsme fait partie des solutions qu’il faut saisir et encourager. La combinaison du solaire et des activités agricoles représente en outre un complément potentiel de revenus très important pour nos agriculteurs.
Cela étant dit, cet encouragement ne doit pas être synonyme d’aveuglement. L’essor de l’agrivoltaïsme est réel dans nos territoires, mais des dérives ont été observées : un article d’un quotidien national mentionne l’existence sur plusieurs hectares de panneaux solaires sous lesquels il ne pousse absolument rien.
Ces projets alibis nous alertent et attisent l’inquiétude de certains syndicats agricoles ; nous devons les rassurer. C’est le sens de ce texte, lequel borne cette pratique pour éviter tout effet d’aubaine.
À cette fin, il impose un certain nombre de garde-fous : la réversibilité des panneaux, la destination principalement agricole de l’activité menée sur la parcelle, ou encore le caractère systématique de l’avis de la CDPENAF. Ce cadre vise à éviter toute spéculation énergétique.
En d’autres termes, cette proposition de loi entend réguler une activité nécessaire à la décarbonation de notre énergie, mais en aucune manière encourager le dévoiement d’une filière qui doit rester équitable, responsable et acceptable par l’ensemble des parties prenantes. En ce sens, elle est équilibrée et raisonnée. (M. Daniel Chasseing applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre Haute Assemblée se penche une nouvelle fois sur le développement de l’agrivoltaïsme, une activité qui, en fournissant un revenu complémentaire aux agriculteurs, participe à la transition énergétique en incluant nos exploitations agricoles dans la production d’énergies renouvelables.
En janvier dernier, lors de l’examen de la proposition de résolution sur le même sujet, nous avions déjà dénoncé un manque d’encadrement des risques liés à la croissance de cette activité.
Notre raisonnement et nos constats sont les mêmes aujourd’hui, car la proposition de loi que nous examinons ne comble pas suffisamment ce manque, à notre sens, et les inquiétudes demeurent, notamment dans le monde agricole.
Le Gouvernement semble envisager d’introduire par voie d’amendement une définition exacte de l’agrivoltaïsme dans le projet de loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables. (M. le ministre acquiesce.) Cela confère à nos échanges de ce jour toute leur valeur et leur nécessité.
En effet, s’il faut encourager le développement des énergies renouvelables, auquel l’agrivoltaïsme contribue sans doute, nous devons préciser son cadre réglementaire, qui demeure flou, voire inexistant. L’émergence d’installations suscite déjà bien des inquiétudes, voire des oppositions, tant notre foncier agricole est déjà soumis à une pression croissante.
L’installation de panneaux photovoltaïques sur les terres agricoles emporte des risques multiples. Elle peut déséquilibrer les dynamiques économiques agricoles locales, conduire à artificialiser davantage les sols, compromettre l’installation de jeunes agriculteurs en accaparant le foncier, sans garantie de réversibilité ni de transmission des parcelles, porter atteinte à la biodiversité et à l’esthétique des paysages ; enfin, elle pourrait fragiliser notre souveraineté alimentaire par un glissement sournois, à terme, de ces surfaces vers la seule production d’énergie.
La question du cadre réglementaire est donc fondamentale. À notre sens, elle s’articule selon cinq points, sur lesquels nous avons tenté d’apporter des réponses par voie d’amendement.
Le premier concerne la définition des installations agrivoltaïques et leur réversibilité. Pour être considérées comme telles et bénéficier pleinement à une exploitation agricole, tout en contribuant à nos objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050, ces installations doivent apporter au moins un service à l’exploitation : amélioration du potentiel et de l’impact agronomique, adaptation au changement climatique, protection contre les aléas, ou amélioration du bien-être animal.
Une autre condition est qu’elles soient réversibles. La priorité doit être accordée à la production alimentaire ; aussi les parcelles converties en agrivoltaïsme doivent-elles pouvoir retourner à leur vocation d’origine si nécessaire. Il s’agit d’un point de vigilance majeur ; nous avons donc déposé un amendement visant à rendre automatique la constitution des garanties financières nécessaires au démantèlement et à la remise en état d’un site pour les projets dont la limite de puissance installée est supérieure à 1 mégawatt.
Le deuxième point porte sur le contrôle des installations et de leur financement. Cette question incontournable est sans doute l’une des plus difficiles à résoudre, dans la mesure où elle touche aux finances publiques. Une fois les installations autorisées et mises en service, qui veillera au respect des critères que je viens d’énoncer, notamment à l’apport des services ? Avec quels moyens humains et financiers ?
Dans un souci de préservation de l’activité agricole, il faut introduire des dispositions de suivi et de contrôle, ainsi que des possibilités de démantèlement en cas de non-respect de la loi. L’absence de contrôles opérés par l’État donnera lieu sans aucun doute à des dérives ; nous nous y opposons.
Le troisième enjeu du cadre réglementaire est le danger que représentent les projets agrivoltaïques pour les régions à faible potentiel agronomique, susceptibles de devenir les cibles de « chasseurs de territoires ».
Pour éviter cet écueil, nous estimons qu’il est indispensable d’impliquer tous les acteurs participant au projet d’installation – exploitant agricole, propriétaire du foncier agricole et porteur du projet – et d’obtenir leur accord, dans le cadre d’une large concertation qui devra également associer les élus locaux.
Nous avons formulé cette proposition par voie d’amendement, afin que les communes soient toujours informées en amont lorsqu’un groupement propose la réalisation d’un projet agrivoltaïque sur leur territoire. À cet égard, nous tenons à souligner que la répartition de la fraction de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) va devenir un sujet central ; il faudra donc veiller à sa répartition équilibrée entre communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Les deux derniers points de vigilance que nous souhaitons aborder sont la relation entre la qualification d’agrivoltaïsme et le statut d’actif agricole, ainsi que l’encadrement de la transmission des parcelles placées en agrivoltaïsme.
Le détournement du statut d’actif agricole, notamment via le travail à façon, ne peut être négligé, tant ce cas de figure pourrait émerger dans le cadre de projets d’agrivoltaïsme. La tentation de l’agricapitalisme est réelle ; on l’observe déjà dans bien des filières.
Il est également impératif de réfléchir aux modalités de transmission, dans le cas d’un exploitant fermier comme dans celui d’un exploitant propriétaire. Le repreneur, en pleine propriété ou en fermage, doit pouvoir bénéficier des mêmes avantages que l’exploitant actif au moment de la mise en place des installations agrivoltaïques.
Nous formulons donc les propositions suivantes : il convient de subordonner la qualification d’agrivoltaïsme à celle d’agriculteur actif et d’encadrer la transmission des parcelles en agrivoltaïsme, notamment en prévoyant les conditions du départ à la retraite ou de la cessation d’activité de l’exploitant dans le contrat initial. Il s’agit selon nous de garanties indispensables pour éviter une artificialisation masquée et assurer une transmission réussie de ces parcelles.
Notre principale ligne directrice est d’éviter à tout prix que notre autonomie alimentaire et notre autonomie énergétique n’entrent en conflit au point que l’une s’efface au profit de l’autre. À ce titre, établir par décret « la méthodologie définissant la production agricole significative et le revenu durable en étant issu », ainsi que le prévoit le texte, revient tout simplement à signer un chèque en blanc et à hypothéquer plusieurs dispositions de cette proposition de loi.
En janvier dernier, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’était abstenu lors de l’examen de la proposition de résolution sur le même thème en séance publique, estimant que le sujet du développement de l’agrivoltaïsme nécessitait de mettre en place « des garde-fous afin de prévenir toute dérive irréversible sur notre modèle agricole » et de ne pas favoriser l’émergence « d’énergieculteurs ».
Nous avions néanmoins souligné que nous étions disposés à accompagner le développement de l’agrivoltaïsme, dès lors qu’il s’agirait bien de techniques ayant d’abord pour but d’améliorer la production agricole et non de l’utiliser comme alibi au profit d’une production plus rentable.
Nous restons vigilants quant aux dérives possibles ; la suite qui sera donnée à nos amendements déterminera le vote du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agrivoltaïsme suscite des interrogations sur la multifonctionnalité de l’agriculture et la vocation des agriculteurs à fournir à la société d’autres biens que des denrées alimentaires.
Cette pratique est au cœur de multiples problématiques. Il s’agit, certes, d’une question énergétique, mais aussi et surtout des sujets essentiels que sont le revenu des agriculteurs et la préservation du foncier agricole.
En ce sens, nous avions voté la proposition de résolution déjà évoquée, car il n’existe pas aujourd’hui de définition précise de l’agrivoltaïsme. Ce manque s’accompagne de dérives et de conflits d’usages auxquels il faut impérativement apporter une réponse.
En effet, alors que 18 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté et qu’un tiers seulement de leurs revenus est issu de l’agriculture, l’énergie solaire prend des airs de nouvel or vert pour des agriculteurs qui ont de plus en plus de mal à vivre de leur activité.
C’est pourquoi il est impératif de réaffirmer la vocation nourricière des terres agricoles et la priorité de la production alimentaire sur la production énergétique. Cela est vrai pour le développement de toute forme d’énergie : photovoltaïque, méthanisation, etc.
Comme le rappelait mon collègue Gérard Lahellec, qui a été membre de la mission d’information sur la méthanisation dans le mix énergétique, nous assistons aujourd’hui à une guerre entre éleveurs laitiers et méthaniseurs. Les premiers peinent à nourrir leurs troupeaux et à obtenir un prix rémunérateur pour leurs productions et leur lait ; les seconds sont incités à accélérer leurs investissements pour produire davantage de gaz vert.
Avec la crise énergétique que nous traversons, le débat s’exacerbe autour des objectifs de production de biogaz et nous devons sans cesse poser ces questions fondamentales : quelle agriculture voulons-nous ? Quels écueils devons-nous éviter afin d’empêcher que notre agriculture ne vise que des objectifs purement industriels, souvent plus rémunérateurs que sa finalité première, qui est et doit rester l’alimentation ?
En ce sens, la question du revenu paysan ne se résoudra pas par la multiplication des revenus complémentaires, voire des revenus de substitution.
Pour autant, nous saluons le travail des auteurs de la proposition de la loi et du rapporteur. En effet, l’agrivoltaïsme peut être un outil agricole ayant pour but premier de protéger les cultures de températures extérieures trop fraîches ou trop élevées ainsi que de la grêle, voire de réduire la consommation d’eau.
Il convient toutefois de veiller à ne pas engendrer de conflits d’usage de la terre, à ne pas susciter une concurrence entre productions alimentaire et non alimentaire, à ne pas laisser se développer des projets alibis, qui n’auraient d’agrivoltaïques que le nom.
Le texte dont nous débattons a le mérite de proposer un encadrement légal et une définition de cette pratique, rappelant que les installations agrivoltaïques doivent permettre de maintenir ou de développer l’activité agricole, « en gardant la priorité donnée à la production alimentaire et en veillant à l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles ».
De même, la notion de réversibilité, proposée par l’Ademe, a été introduite dans le texte en commission.
De surcroît, ce texte renforce la participation et l’information des élus locaux, conduisant à plus de cohérence et à une meilleure appropriation des projets agrivoltaïques.
Des améliorations devront, certes, être apportées pour éviter les effets d’aubaine, mais nous estimons que les discussions que nous avons cet après-midi dans le cadre de l’espace réservé du groupe Les Indépendants – République et Territoires permettront d’enrichir les débats à venir sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’auteur de cette proposition de loi et le travail effectué par le rapporteur.
Les amendements de ce dernier ont largement contribué à rapprocher ce texte de la proposition de résolution sur le développement de l’agrivoltaïsme, que Jean-François Longeot et moi-même avions déposée et que notre assemblée a adoptée le 4 janvier dernier.
Il nous semble important que la définition donnée à l’agrivoltaïsme soit équilibrée, qu’elle protège la vocation agricole des surfaces concernées sans pour autant briser la dynamique de développement de cette activité.
La diminution des terres arables est continue dans notre pays depuis le milieu des années 1950 et notre agriculture connaît des difficultés nouvelles auxquelles il nous faut apporter des solutions. La souveraineté alimentaire ne doit donc pas être troquée contre la souveraineté énergétique.
Malgré quelques différences de forme sur ce texte, qui ont donné lieu au dépôt d’amendements par notre groupe, nous sommes très majoritairement satisfaits de l’équilibre trouvé.
Celui-ci permet de garantir plusieurs principes qui nous semblent primordiaux.
Tout d’abord, il inscrit l’agrivoltaïsme dans une logique de symbiose avec l’activité agricole et les agriculteurs ; nous nous en réjouissons.
Ensuite, il garantit le caractère démontable des installations. L’agrivoltaïsme ne doit en effet pas donner lieu à une artificialisation déguisée des sols.
Enfin, il prévoit l’apport de services agronomiques ou écologiques sur les surfaces où l’agrivoltaïsme est implanté. Ce prérequis nous semble tout à fait justifié, dans la mesure où l’agrivoltaïsme ne peut se résumer à un photovoltaïque classique, qui viendrait se superposer aux cultures sans prendre en compte leurs spécificités.
Nous maintenons, malgré notre soutien à cette proposition de loi, que les installations photovoltaïques doivent être placées en priorité sur des surfaces déjà urbanisées et artificialisées. Cet argument est d’autant plus valable que, dans quelques jours, notre assemblée examinera un projet de loi portant sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui prévoit l’équipement obligatoire des parkings.
L’équipement massif de zones déjà artificialisées doit nous conduire à une sélectivité accrue des projets d’équipements sur des zones non artificialisées, comme les surfaces agricoles.
Cependant, quelques points pourraient mériter notre attention dans le cadre de l’examen de ce texte, notamment le cas particulier des 5 000 communes de montagne. Celles-ci relèvent de dispositions particulières, notamment en matière d’urbanisme, et nous souhaitons élargir le bénéfice de l’agrivoltaïsme à celles d’entre elles qui présentent des profils favorables à la mise en œuvre de telles activités.
Le soutien public financier apporté aux projets via la procédure de guichet ouvert, tel qu’il est inscrit dans ce texte, nous semble disproportionné. Il pourrait conduire, dans certaines conditions définies par cette proposition de loi, à soutenir des projets de taille importante, allant jusqu’à six mégawatts, voire au-delà, lesquels pourraient pourtant être rentables dans des conditions de marché.
Il nous semble inopportun de soutenir dans une trop large mesure de tels projets, qui doivent trouver un équilibre économique par eux-mêmes et n’ont pas besoin d’argent public pour voir le jour.
Enfin, plusieurs amendements de notre groupe visent à perfectionner ce texte, en particulier sur le sujet du mécanisme de compensation agricole, auquel les projets agrivoltaïques pourraient légitimement être soumis, au même titre que les projets photovoltaïques classiques.
Nous formulons également des propositions concernant les provisions pour frais de démantèlement des installations et le suivi statistique des implantations agrivoltaïques.
De manière plus générale, il nous semble que cette proposition de loi a atteint un équilibre après son passage en commission et garantit la protection des intérêts agricoles tout en permettant le développement d’un agrivoltaïsme respectueux de l’environnement. Si certains de ses amendements rencontrent les faveurs du Sénat, le groupe UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout remercier notre collègue Jean-Pierre Decool de nous soumettre ce texte sur un sujet très important qui nécessite un débat.
Nous voici réunis pour étudier les contours de l’agrivoltaïsme, alors qu’une définition en a été produite par l’Ademe il y a seulement quelques mois, dans un rapport où une multitude de sites étaient étudiés. Cela signifie que des installations avaient obtenu des autorisations sans aucun cadre, avant que l’on soit contraint de rétropédaler pour essayer d’y voir clair.
N’aurait-il pas été plus logique d’analyser les enjeux, d’établir un diagnostic des risques et de réunir autour d’une table l’ensemble des parties prenantes avant de lancer les projets ? Il faut dire que les entreprises ont toujours une longueur d’avance en matière de stratégie et qu’elles savent flairer les opportunités économiques !
Quels sont les enjeux ?
J’espère que nous sommes tous d’accord sur le principal d’entre eux : préserver les terres pour les dédier à leur vocation agricole et pérenniser ainsi notre indépendance alimentaire. Il s’agit, en même temps, de répondre au projet ambitieux d’atteindre 40 % d’énergie renouvelable d’ici à 2030 en France.
C’est précisément cet objectif qui a suscité l’engouement des sociétés d’énergie pour notre foncier agricole, une opportunité qui leur coûte peu, mais qui présente un risque de dévoiement de l’activité agricole. Dès lors, il est nécessaire de prévoir des garde-fous.
L’Ademe a imposé un enjeu fort : le service aux agriculteurs. Pour cette agence, la définition de l’agrivoltaïsme repose sur la notion de « synergie entre production agricole et production photovoltaïque sur une même surface de parcelle. L’installation photovoltaïque doit ainsi apporter un service en réponse à une problématique agricole. »
Je suis allé visiter une installation photovoltaïque sur une exploitation viticole dans le Vaucluse et j’ai bien compris le service rendu en matière de protection contre la grêle, grâce à des filets intégrés aux panneaux, d’apport d’ombre et de lutte contre le gel. À mon sens, ces services doivent rester la condition sine qua non d’une installation agrivoltaïque.
Dès lors, l’activité agricole ne doit pas seulement être « significative », comme l’indique la proposition de loi, mais largement majoritaire. À ce titre, je suis favorable à une définition par décret de la superficie pertinente.
Le danger est en effet grand de voir les agriculteurs dépossédés de leur autonomie sur leur exploitation, car certains projets sont financés par des porteurs, peu de paysans pouvant assumer eux-mêmes le coût de ces installations très onéreuses.
C’est pourquoi je défendrai un amendement qui vise à écarter de l’agrivoltaïsme toute installation qui ne permettrait pas de garantir « un partage équitable de la valeur générée par la production énergétique entre l’exploitant agricole et les autres acteurs du projet ». Le seul service rendu à l’agriculture ne saurait suffire à compenser l’offre d’une terre à la société d’énergie ; cela ne serait pas équitable. Il faudra également veiller à encadrer les loyers, pour éviter la spéculation sur le prix du foncier.
Pour autant, un moratoire sur l’agrivoltaïsme, ainsi que cela a été proposé, ne me paraît pas offrir la bonne solution. Comment empêcher des agriculteurs de choisir cette voie alors que d’autres s’y sont déjà engouffrés ? Cela ne serait pas juste.
Les amendements que nous allons défendre ont pour objectif de sécuriser les agriculteurs en insistant sur la notion d’activité agricole majoritaire, au regard de laquelle la production d’électricité ne doit être qu’une activité secondaire.
L’agrivoltaïsme ne doit pas non plus faire de l’ombre (Sourires.) au photovoltaïque sur les toits et sur les friches. Nous sommes encore loin des objectifs fixés et une doctrine commune devrait être partagée entre les architectes des bâtiments de France (ABF), les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), les directions départementales des territoires (DDT) et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) pour soutenir ces installations et cesser d’interpréter les textes.
Une fois montés, les projets doivent se maintenir dans les objectifs prévus. C’est pourquoi nous sommes favorables au rôle d’autorisation des CDPENAF. J’ai déposé un amendement en ce sens, qui vise à ne pas considérer comme agrivoltaïques les installations qui ne sont pas « en adéquation avec les dynamiques locales et territoriales agricoles », l’appréciation de cette qualité relevant de la CDPENAF. Il s’agit ainsi de prévenir l’accaparement du foncier agricole.
Outre l’encadrement des autorisations, il est nécessaire de prévoir un contrôle, par les services de l’État, de l’existence et du maintien des activités agricoles. Avec quels moyens celui-ci sera-t-il mené ?
Dirigeant le seul cabinet parlementaire bénéficiant du label Responsabilité sociale des entreprises (RSE), je terminerai en indiquant que l’Afnor a lancé le label « Projet agrivoltaïques », une certification appelée à témoigner de la sincérité et de l’exemplarité de l’ensemble des parties prenantes engagées dans cette démarche, laquelle, rappelons-le, se veut durable ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Decool et Mme la présidente de la commission applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, remercions Jean-Pierre Decool pour sa proposition de loi, qui rappelle d’abord toute la responsabilité des parlementaires. Sa conviction est unanimement partagée dans cet hémicycle et il fait progresser d’une façon utile le débat sur les énergies renouvelables dans notre pays. Grâce à ce texte, ce sujet va sortir à la fois de l’anecdotique et de l’ambiguïté.
Le monde rural soutient très largement le développement des énergies renouvelables dans notre pays et assume sa responsabilité en la matière, comme en témoignent les filières de biomasse bois, de biomasse méthanisée, d’hydroélectricité et, naturellement, d’éoliennes.
Ma chère collègue Patricia Schillinger, je ne crois pas en effet que les métropoles, voire votre région à la densité de population élevée, acceptent l’installation de beaucoup d’éoliennes, ce que je comprends parfaitement.
Cette proposition de loi a donc l’immense mérite de sortir de l’anecdotique et de l’équivoque.
Qu’est-ce que l’anecdote ? L’agrivoltaïsme embrasse un champ de production électrique qui est aujourd’hui extraordinairement ouvert. Je ne compte pas débattre de la politique énergétique de la France ; cela a été fait dans cet hémicycle la semaine dernière en présence de Mme Borne et de M. Lescure.
Nous devons, en revanche, nous demander si cela se rapporte à quelques milliers ou à quelques dizaines de milliers d’hectares. Selon les chiffres du Syndicat des énergies renouvelables et de l’association France Agrivoltaïsme, jusqu’à 80 000 hectares pourraient être concernés, soit en moyenne deux ou trois hectares par commune. Ce chiffre est tout de même significatif : un tel déploiement marquerait le paysage.
Dès lors que l’on sort de l’anecdotique et que le sujet concerne des milliers de communes françaises, ce débat va nous éclairer sur les conditions d’autorisation au regard du droit de l’urbanisme. Les panneaux seront considérés comme nécessaires à l’exploitation agricole, il faut en avoir la certitude et se battre pour cela. Vous savez, en effet, qu’une restriction très forte s’applique sur la nature même de ces bâtiments, du fait, en particulier, du Conseil d’État.
Ensuite se pose la question de la coexistence pacifique et fructueuse entre des activités agricoles et des activités de soutien, dont la vocation est essentiellement de produire de l’électricité sur un terrain agricole, sans pour autant en compromettre la vocation. Sur ce sujet, monsieur le rapporteur, vous avez réalisé un excellent travail de précision et de clarification, mais nous, parlementaires, savons par expérience que l’on ne parvient jamais à anticiper toutes les situations.
C’est la raison pour laquelle vous proposez que la responsabilité soit confiée aux maires. Or sortir de l’anecdote, cela signifie que des milliers de maires vont être concernés et que des dizaines de milliers d’habitants exprimeront un avis, rarement compréhensif et positif, sur la perspective d’avoir comme voisinage un, deux, voire trois hectares de panneaux photovoltaïques. Il faudra donc expliquer et mettre en place une procédure respectueuse des textes en vigueur.
À ce titre, le recours à la CDPENAF me semble être une bonne chose : celle-ci livrera un avis pour éclairer la situation, mais la responsabilité reviendra bien au maire.
Le groupe Les Républicains va voter ce texte, parce qu’il permet d’avancer. Il ne réglera pas tout : l’enjeu touche à la coexistence de l’électrique et de l’agricole, mais aussi au droit du paysan et à sa transmission. Il est évident qu’une terre équipée sera plus coûteuse et plus difficile d’accès pour un éventuel successeur.
Retenons toutefois une idée : le monde rural participe au développement des activités d’énergies renouvelables. Or, entre la location du sol – 2 000 à 3 000 euros à l’hectare – et l’Ifer, tourné pour l’essentiel vers les communes et leurs groupements, et qui représente entre 1 600 et 2 000 euros par hectare, cette évolution va donner lieu à une magnifique opération de redistribution : la consommation métropolitaine honorera ainsi, par ses contributions, le développement et le pouvoir d’achat dans nos territoires ruraux.
C’est la raison pour laquelle nous soutenons ce texte qui ouvre un débat, lequel ne sera toutefois pas tranché en totalité aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, la crise ukrainienne nous rappelle l’urgence de plus en plus brûlante de notre indépendance énergétique.
Désormais au pied du mur, nous avons tout intérêt à sortir de cette situation précaire par des solutions positives et constructives, en intensifiant la mise en place de modes de production énergétique durables et bas carbone pour le long terme.
Les installations photovoltaïques s’inscrivent dans cette évolution. Parmi elles, l’agrivoltaïsme apparaît comme un domaine prometteur qu’il serait regrettable de ne pas exploiter, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il permet la production d’électricité sur des terres déjà cultivées ; il permet donc une amélioration de notre mix énergétique sans exiger la consommation de surfaces supplémentaires. La lutte contre l’artificialisation des sols oblige à employer des procédés innovants.
Ensuite, de nombreuses études montrent le bénéfice direct de l’agrivoltaïsme pour la biodiversité et les cultures, grâce aux effets des ombrières et à la limitation de l’évaporation d’eau, qui améliorent nettement certains rendements.
Enfin, et à condition de veiller au maintien des aides de la PAC et aux garanties de rachat de l’électricité sur ces parcelles, ce dispositif est capable de générer des revenus complémentaires pour les agriculteurs, qui en ont grand besoin.
Les disparités climatiques et topographiques de notre pays sont nombreuses et sources de situations économiques et agricoles très diverses en fonction des secteurs. Il en va de même des disparités des aides liées à la PAC en fonction des zonages.
Pour autant, quelle que soit la zone concernée, le développement de l’agrivoltaïsme fait naître de réels espoirs et des attentes, particulièrement dans les territoires situés au sud de la Loire, dans des régions trop souvent oubliées au moment de la distribution de certaines enveloppes.
Lors de nos travaux précédents, nous avions pointé des problématiques essentielles au développement de l’agrivoltaïsme, notamment celles du maintien de la PAC, des autorisations administratives, des contrats de rachat, ou encore de la fiscalité appliquée. Ce texte a vocation à y répondre.
En abordant l’examen de cette proposition de loi, nous souhaitons rester fidèles à l’esprit du projet de loi de Mme Agnès Pannier-Runacher relatif à l’accélération des énergies renouvelables et plus particulièrement à son titre Ier, qui prévoit des mesures transitoires de facilitation et de simplification des procédures d’études des projets nécessaires à notre transition énergétique.
On nous propose pour une fois de desserrer l’étau des contraintes légales et réglementaires. N’ayons pas peur de cette liberté ! Évitons les complexifications à outrance et l’inflation d’amendements qui, en visant une exhaustivité impossible, auraient pour conséquence de nous éloigner du cœur du problème et donc de sa solution.
Il ne s’agit ni de légiférer à la va-vite ni d’inonder les territoires de panneaux photovoltaïques, mais de rester vigilants et pragmatiques quant à l’encadrement de la définition de l’agrivoltaïsme et à la pertinence des projets concernés, en travaillant en grande proximité avec les autorités locales – Gérard Longuet l’a rappelé –, qu’il s’agisse des maires, des DDT ou des chambres d’agriculture.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont enrichi ces travaux de leur participation et de leur réflexion, en particulier les coauteurs de la proposition de loi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires, notre excellent rapporteur et les services de la commission des affaires économiques.
Souveraineté énergétique et souveraineté alimentaire, tel est le double bénéfice que nous voyons dans cette proposition de loi, dont notre groupe est fier de se faire le porte-voix. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le réchauffement climatique et les crises énergétiques, sociales et géopolitiques nous obligent à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, dont bien évidemment le photovoltaïque.
Nous privilégions sans ambiguïté le déploiement de celui-ci sur les toitures et les terres déjà artificialisées. Néanmoins, les études prospectives indiquent clairement que nous n’atteindrons pas les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie sans photovoltaïque au sol. Dans ce cadre, l’agrivoltaïsme semble pertinent si l’on veut concilier le développement des énergies renouvelables et la production agricole, à condition toutefois qu’il réponde à un certain nombre de critères auxquels il ne pourra déroger.
À l’heure où les projets se développent à grande vitesse dans les territoires, il devient urgent de mettre en place un cadre précis et une stratégie lisible pour les acteurs concernés ; ainsi, on accompagnera le déploiement régulé d’un agrivoltaïsme vertueux.
C’est pourquoi nous saluons l’objectif des auteurs de cette proposition de loi : fixer un cadre juridique et budgétaire à l’agrivoltaïsme.
Comme plusieurs de mes collègues l’ont souligné, nous devons être particulièrement vigilants sur quelques points majeurs, sur lesquels nous ne pouvons pas transiger si nous voulons cadrer au mieux cette filière naissante.
Le premier point de vigilance concerne le risque de spéculation foncière et, en corollaire, les problèmes de transmission qui peuvent en découler, dans un contexte où le prix des terres agricoles a doublé en vingt ans et où le renouvellement des générations agricoles s’impose comme un défi majeur de cette décennie.
Deuxième point de vigilance, nous devons veiller à ne pas laisser des conflits d’usage de la terre se développer ni laisser s’installer une concurrence potentiellement déloyale entre production alimentaire et production non alimentaire. L’agrivoltaïsme doit être un facteur d’amélioration de la production agricole principale, en synergie avec une production énergétique qui doit rester secondaire. En parallèle, le maintien ou l’amélioration des revenus agricoles doit être assuré.
De plus, il nous faut veiller à ce que ces installations respectent scrupuleusement les normes en matière d’urbanisme, de patrimoine et de paysages. L’avis conforme de la CDPENAF nous semble là aussi indispensable et apparaît comme un outil stratégique pour ajuster les projets en fonction des réalités des territoires et des besoins des agriculteurs.
Il faut enfin prendre en compte le risque d’artificialisation des terres. Les ancrages en béton, les clôtures, les lignes électriques enterrées et les voies d’accès peuvent affecter les sols ou perturber la faune et la flore. Il faut investir dans des installations matériellement réversibles ; nous saluons l’ajout effectué sur ce point, sur l’initiative du rapporteur. Toute implantation a forcément des impacts ; il s’agit de les limiter.
Pour répondre à ces problématiques, il est fondamental d’apporter au préalable une définition claire de l’agrivoltaïsme. Cette définition doit fournir toutes les garanties nécessaires à la protection de la biodiversité et au maintien de la vocation nourricière des terres et des services écosystémiques des sols.
Il convient, en ce sens, de distinguer le photovoltaïque au sol et l’agrivoltaïsme. Quand le premier a pour unique vocation la production d’énergie et peut contribuer à l’artificialisation des sols, le second devrait, selon la définition qui serait actée dans le code de l’énergie, apporter un service à une problématique agricole et in fine contribuer à une certaine résilience vis-à-vis du changement climatique, à l’heure où les agriculteurs sont les premiers touchés.
Si la définition proposée par le rapporteur nous paraît aller globalement dans le bon sens, nous défendrons toutefois un amendement visant à renforcer encore davantage les garde-fous, notamment sur le revenu agricole et sur la transmission des parcelles. La succession, comme je l’ai indiqué précédemment, nous semble en effet un enjeu fondamental.
Ce texte a le mérite de poser un cadre juridique et une orientation stratégique. Notre vote dépendra toutefois de l’adoption ou non d’un certain nombre de dispositions qui nous paraissent primordiales. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en peu de temps, le sujet de l’agrivoltaïsme s’est imposé dans nos débats : d’abord avec une proposition de résolution adoptée en janvier dernier par notre assemblée, puis par une mission d’information à l’Assemblée nationale, enfin avec la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
L’agrivoltaïsme suscite autant d’engouement que de divisions, à raison. Le sujet se situe en effet au cœur de deux enjeux majeurs, celui de la souveraineté alimentaire et celui de la souveraineté énergétique. La question est donc de savoir concilier les deux, de trouver un point d’équilibre qui permette l’encadrement et le développement de cette pratique, sans pour autant faire perdre aux terres agricoles leur fonction première, nourrir. Tels sont les termes du débat ; vous semblez partager ce point de vue, monsieur le ministre.
L’agrivoltaïsme répond à deux objectifs : apporter un complément de revenu à nos agriculteurs et permettre à notre pays d’atteindre ses objectifs en matière de développement de la production d’électricité d’origine photovoltaïque d’ici à 2028.
Ces objectifs sont compris entre 35,1 et 44 gigawatts. Toutefois, à la fin du troisième trimestre 2021, notre pays ne compte que 12,3 gigawatts d’installations photovoltaïques et l’on estime qu’il faudrait entre 33 000 et 44 000 hectares d’installations de ce type pour atteindre les objectifs de notre programmation pluriannuelle de l’énergie.
Nous sommes donc en retard et les terres agricoles offrent bien une option supplémentaire qu’il nous faut considérer, mais il faut savoir raison garder. Rapportée à la totalité de la surface agricole utile, la couverture nécessaire en photovoltaïque ne correspondrait au maximum qu’à un pourcentage compris entre 0,06 % et 0,1 %.
Atteindre nos objectifs énergétiques doit être une priorité au moment où notre pays fait face à une crise énergétique majeure, mais il ne faut pas le faire de manière anarchique. Ainsi, pas plus tard que la semaine dernière, le journal The Guardian révélait que le gouvernement britannique s’interrogeait sur la nécessité de durcir les modalités d’installation des panneaux solaires sur les terres agricoles.
Il faut donc non seulement garantir que les installations n’auront pas de conséquences sur la production agricole, mais aussi prévoir un encadrement, afin d’éviter que le prix des terres agricoles ne s’envole, ce qui pénaliserait les jeunes agriculteurs. C’est là un réel sujet d’inquiétude dans les territoires.
Je salue le travail de la commission des affaires économiques et notamment son adoption de deux amendements visant à encadrer davantage l’agrivoltaïsme, en retenant notamment une définition proche de celle que l’Ademe avait proposée. Cette définition intègre, entre autres, l’obligation de réversibilité des installations et l’obligation de fournir au moins un service à l’environnement. En vertu de cette définition, la notion d’activité agricole principale devra pouvoir être appréciée au regard de l’emprise au sol, de la production ou du revenu.
La commission a également renforcé le pouvoir des élus en supprimant l’autorisation de principe d’installation des projets agrivoltaïques et en renforçant la territorialisation des projets, notamment via l’information préalable des élus locaux pour tout projet d’installation agrivoltaïque. Ces modifications vont dans le bon sens.
L’examen de cette proposition de loi s’inscrit dans un calendrier très particulier, puisque nous examinerons dès la semaine prochaine en commission et le 2 novembre en séance publique le très attendu projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Alors que le sujet de l’agrivoltaïsme reste pour l’heure absent de ce texte, le Sénat l’y réintroduira selon toute vraisemblance sous la forme d’un article additionnel. Cette proposition de loi nous donne donc l’opportunité de mener un travail de réflexion préalable et de poser les bases d’une définition de l’agrivoltaïsme et d’un encadrement juridique pérenne.
Aussi, je souhaite que nous puissions profiter de ces échanges pour trouver un consensus et un équilibre acceptable afin de permettre un développement contrôlé et ordonné de l’agrivoltaïsme, celui-ci ne pouvant se concevoir sans le consentement des agriculteurs, en particulier les plus jeunes d’entre eux – je serai particulièrement vigilant sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Jean-Pierre Decool et Jean-François Longeot applaudissent également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme
Avant l’article unique
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Pointereau, Mme Thomas, MM. Cambon, Somon et Anglars, Mmes Chauvin, Gosselin et Demas, M. Bacci, Mmes Belrhiti, Estrosi Sassone, Gruny et Joseph, MM. Genet et J.P. Vogel, Mmes Canayer et Lassarade, M. Chaize, Mme Imbert, MM. Milon et Darnaud, Mmes de Cidrac et L. Darcos, M. Burgoa, Mme Jacques, MM. Bouchet, Klinger, Belin et Brisson, Mme Noël, MM. Rietmann, Savary, Savin et Bas, Mmes Ventalon et Deseyne, MM. Chatillon et Piednoir, Mme Berthet, M. Laménie et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 111-4 est complété par les mots : « à l’exception des installations photovoltaïques sur terres agricoles situées dans les zones naturelles ou agricoles et forestières en application des articles L. 151-9, L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13 du présent code et situées dans les zones à urbaniser en application de l’article L. 151-9, sauf si ces installations répondent à la définition de l’agrivoltaïsme tel que dispose l’article L. 314-36 du code de l’énergie » ;
2° Le 1° de l’article L. 151-11, le premier alinéa de l’article L. 151-12 et le 1° de l’article L. 151-13 sont complétés par les mots : « à l’exception des installations photovoltaïques, sauf si ces installations répondent à la définition de l’agrivoltaïsme tel que dispose l’article L. 314-36 du code de l’énergie ».
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Cet amendement vise à créer des exceptions aux conditions de délivrance des permis de construire sur les exploitations agricoles ; ce moratoire permettrait de flécher en priorité le développement du photovoltaïque au sol vers des surfaces déjà artificialisées.
L’amendement tend à modifier l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme, en créant des exceptions à l’encontre des installations photovoltaïques sur des terres agricoles situées dans les zones naturelles ou agricoles et forestières, sauf à faire référence à l’agrivoltaïsme tel que cette proposition de loi prévoit de le définir dans un nouvel article L. 314-36 du code de l’énergie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Le dispositif que proposent les auteurs de l’amendement est inopérant, car il ne concernerait que les communes disposant d’un plan local d’urbanisme, soit en réalité la moitié d’entre elles.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Il est identique à celui de la commission, d’abord pour la raison exposée par M. le rapporteur : le dispositif exclurait une grande partie des communes.
En outre, le texte de la proposition de loi, tel qu’enrichi par le travail de votre commission, vise à définir l’agrivoltaïsme et à l’encadrer. Or cet amendement a pour objet de prévoir un moratoire, ce qui aurait pour effet de supprimer les possibilités de développement agrivoltaïque.
M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 63 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Je vais le retirer, monsieur le président. Toutefois, monsieur le ministre, le sujet est stratégique. Il suffit de constater les défis qui se posent, notamment en matière de bâtiments agricoles. Qu’il s’agisse de l’artificialisation des sols ou d’autres problématiques, nous sommes confrontés à des enjeux contradictoires.
Ainsi, dans nos territoires, on trouve nombre de bâtiments amiantés qu’il faudrait traiter pour leur redonner une vocation et les faire participer à la production d’énergie. Il faut établir des priorités. Ce débat nous offre l’occasion de prendre des engagements précis. Des initiatives existent et nous savons que nous serons bientôt soumis à de nouvelles obligations réglementaires européennes. Alors, saisissons l’occasion qui s’offre à nous de transformer toutes ces surfaces de bâtiments qui posent un problème de santé publique, de manière non seulement à le résoudre, mais également à permettre une contribution énergétique de nos bâtiments.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le sujet est tellement complexe – on y reviendra dans la suite de l’examen du texte – qu’il peut avoir des conséquences lourdes. Veillons donc à dégager des priorités et celle que je viens d’exposer pourrait être intéressante à défendre.
Cela étant dit, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié est retiré.
Article unique
I. – Le code de l’énergie est ainsi modifié :
1° Après le 4° ter du I de l’article L. 100-4, il est inséré un 4° quater ainsi rédigé :
« 4° quater D’encourager la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36, en conciliant cette production avec l’activité agricole, en gardant la priorité donnée à la production alimentaire et en veillant à l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles ; »
2° Le chapitre IV du titre Ier du livre III est ainsi modifié :
a) Au 2° de l’article L. 314-2, après la référence : « L. 314-1 », sont insérés les mots : « ou à l’article L. 314-36 » ;
b) Est ajoutée une section 7 ainsi rédigée :
« Section 7
« Dispositions spécifiques à la production d’électricité à partir d’installations agrivoltaïques
« Art. L. 314-36. – I. – Une installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils permettent de maintenir ou de développer durablement une production agricole.
« II. – Est considérée comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, en garantissant une production agricole significative et un revenu durable en étant issu :
« 1° L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
« 2° L’adaptation au changement climatique ;
« 3° La protection contre les aléas ;
« 4° L’amélioration du bien-être animal.
« III. – Ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui porte une atteinte substantielle à l’un des services mentionnés aux 1° à 4° du II ou une atteinte limitée à deux de ces services.
« IV. – Ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui présente au moins l’une des caractéristiques suivantes :
« 1° Elle ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole ;
« 2° Elle n’est pas réversible.
« Un décret en Conseil d’État, pris après consultation de la Commission de régulation de l’énergie, des organisations professionnelles agricoles et de l’assemblée permanente des chambres d’agriculture, détermine les modalités d’application du présent article. Il précise les services mentionnés aux 1° à 4° du II du présent article ainsi qu’une méthodologie définissant la production agricole significative et le revenu durable en étant issu. Le service mentionné au 1° du même II peut s’apprécier au regard de l’amélioration du potentiel agronomique de la parcelle agricole, des pratiques d’utilisation des sols, de l’avifaune, de l’écosystème agricole ou du bilan carbone. Le fait pour la production agricole d’être considérée comme l’activité principale mentionnée au 1° du présent IV peut s’apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu ou de l’emprise au sol. Ce décret prévoit les modalités de suivi et de contrôle des installations ainsi que les sanctions en cas de manquement.
« Art. L. 314-37. – Par dérogation au 2° de l’article L. 314-1, peuvent bénéficier de l’obligation d’achat mentionnée au même article L. 314-1 les installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 dont la limite de puissance installée fixée par décret n’excède pas 1 mégawatt ou, lorsqu’elles sont détenues en intégralité par des petites ou moyennes entreprises ou portées par des communautés d’énergie renouvelable au sens de l’article L. 291-1, 6 mégawatts.
« L’électricité produite bénéficiant de l’obligation d’achat au titre du présent article ne peut ouvrir droit au bénéfice de l’obligation d’achat appliquée aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil au titre du 2° de l’article L. 314-1.
« Les conditions prévues aux articles L. 314-3 à 314-7-1 sont applicables.
« Art. L. 314-38. – Pour contribuer à la poursuite de l’objectif mentionné au 4° quater du I de l’article L. 100-4, l’autorité administrative peut recourir à une procédure de mise en concurrence régie par la section 3 du chapitre Ier du présent titre pour la mise en place et l’exploitation d’installations agrivoltaïques. L’appréciation de la qualité des offres mentionnée au 1° de l’article L. 311-10-1 prend en compte, en lieu et place du caractère innovant des projets, leur contribution à la production agricole significative, au revenu durable en étant issu ou aux services mentionnés au II de l’article L. 314-36.
« Art. L. 314-39. – La présence d’installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 sur des surfaces agricoles déclarées au titre du régime des paiements directs du règlement (UE) n° 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013, ne fait pas obstacle à l’éligibilité de ces mêmes surfaces aux interventions sous forme de paiements directs.
« Art. L. 314-40. – Lorsque l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation d’une installation agrivoltaïque au sens de l’article L. 314-36, elle en informe sans délai le maire de la commune et le président de l’établissement public de coopération intercommunale concernés, selon des modalités définies par un décret en Conseil d’État.
« Art. L. 314-41. – L’autorité administrative peut soumettre les installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 dont la limite de puissance installée est supérieure à 1 mégawatt à la constitution des garanties financières nécessaires au démantèlement et à la remise en état du site.
« Un décret en Conseil d’État détermine les prescriptions générales régissant les opérations de démantèlement et de remise en état du site ainsi que les conditions de constitution et de mobilisation des garanties financières. Il détermine également les conditions de constatation par le représentant de l’État dans le département d’une carence pour conduire ces opérations et les formes dans lesquelles s’exerce dans cette situation l’appel aux garanties financières. »
I bis (nouveau). – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 111-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du présent article, les installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 du code de l’énergie sont considérées comme des constructions ou installations nécessaires à l’exploitation agricole mentionnées au 2° du présent article. »
2° Au premier alinéa de l’article L. 111-5, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par les mots : « , les projets d’installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 du code de l’énergie ainsi que » ;
3° L’article L. 151-11 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Lorsque le règlement n’interdit pas les constructions ou installations nécessaires à l’exploitation agricole au sens de l’article L. 111-4, les installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 du code de l’énergie sont considérées comme de telles constructions ou installations. Les projets d’installations agrivoltaïques doivent être préalablement soumis pour avis par l’autorité administrative compétente de l’État à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. » ;
4° L’article L. 161-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du présent article, les installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 du code de l’énergie sont considérées comme des constructions ou installations nécessaires à l’exploitation agricole mentionnées au b du 2° du présent article. »
I ter (nouveau). – A. – Le 3° de l’article L. 141-2 du code de l’énergie est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce volet comporte une évaluation du potentiel des installations agrivoltaïques définies à l’article L. 314-36. »
B. – La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : « et aux installations agrivoltaïques définies à l’article L. 314-36 du code de l’énergie ».
C. – Les A et B s’appliquent à compter du premier renouvellement des schémas ou plans mentionnés aux articles L. 141-2 du code de l’énergie ou L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales effectué après la publication de la présente loi.
I quater (nouveau). – L’article L. 314-37 du code de l’énergie est applicable à compter de la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer ce même article L. 314-37 lui ayant été notifié comme étant conforme au droit de l’Union européenne.
II. – (Non modifié) Les conséquences financières résultant pour l’État du I du présent article sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
M. Jean-Claude Tissot. Je souhaite exprimer des réserves sur le fondement même de l’article que nous examinons. Il est, à mon sens, important de rappeler que l’expression de toute réserve sur l’agrivoltaïsme ne doit pas forcément être réduire de manière simpliste à une opposition à la décarbonation de notre mix énergétique.
Pour ma part, je considère que légiférer sur l’agrivoltaïsme, c’est mettre un pied dans la porte pour crédibiliser la compétition entre l’agriculture nourricière et la production énergétique. Notre rôle de législateur est de préserver la vocation nourricière de la terre et ainsi la raison d’être des agriculteurs.
Vous pouvez tous constater, mes chers collègues, que l’impact des projets d’installation de photovoltaïque sur le fermage dans vos territoires est immense. Ainsi, les loyers proposés aux propriétaires pour l’installation de centrales photovoltaïques varient de un à dix, voire de un à trente, par rapport au fermage existant : 150 euros l’hectare pour le fermage, contre un loyer pouvant aller jusqu’à 4 000 euros l’hectare pour du photovoltaïque. Face à ces tarifs, il est évident que les agriculteurs n’auront presque plus le choix, de sorte que les terres sortiront du statut du fermage et que la transmission des exploitations agricoles deviendra plus difficile ; en outre, ce phénomène favorisera l’artificialisation des sols.
Notre assemblée rappelle régulièrement les objectifs de souveraineté et d’autonomie alimentaire, ainsi que la nécessité de produire à proximité des zones de consommation. Ne nous y trompons pas, les installations d’agrivoltaïsme se feront à proximité des villes et des métropoles, là où les besoins énergétiques sont les plus importants, mais aussi là où l’autonomie alimentaire est la plus faible – avec un niveau proche de 2 % –, et non pas obligatoirement là où un complément de revenu pour les agriculteurs serait nécessaire.
Pour conclure, selon un rapport publié par l’Ademe en 2018, le potentiel d’installation de panneaux photovoltaïques sur les grandes toitures, sur les friches industrielles et sur les parkings permet largement d’atteindre l’objectif de 100 gigawatts pour l’énergie photovoltaïque qu’a fixé le président de la République.
Mes chers collègues, ne nous attaquons pas aux sols agricoles et à la terre nourricière ! Ne mettons pas le pied dans cette porte, car nous risquons de le regretter !
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Nous devons, bien entendu, développer les énergies renouvelables ; c’est là une nécessité absolue. Toutefois, les panneaux photovoltaïques doivent trouver leur place sur les toitures et sur les friches, qui constituent un grand gisement pour les installations. Or, alors que nous ne l’avons pas encore complètement exploité, nous lançons des projets agrivoltaïques.
Ceux-ci se développent déjà dans les territoires. Dans mon département du Lot, leur développement se fait sans planification territoriale concertée. Les élus découvrent l’existence de projets dans leur commune alors que les agriculteurs ont déjà fait l’objet d’un démarchage et reçu des propositions alléchantes, comme un loyer de 1 500 euros par hectare et par an. Compte tenu de leurs modestes revenus, on peut comprendre qu’ils se laissent tenter.
Mais alors, où va-t-on et que voulons-nous ? Les élus et les riverains sont inquiets, de sorte que commence à s’installer l’idée que ces projets sont inacceptables. En effet, comme l’a très bien dit mon collègue Jean-Claude Tissot, ils auront très certainement un impact non seulement sur la production agricole, mais aussi sur la biodiversité et sur les paysages, alors que mon département est très touristique. Ces installations qui commencent à y prendre forme de manière désordonnée, voire anarchique, posent problème.
Par conséquent, on peut s’interroger. Même si, pour l’instant, ces projets concernent surtout les agriculteurs, ne faudrait-il pas envisager d’impliquer aussi les élus et les riverains pour que tous décident ensemble des projets qu’ils souhaitent développer dans leur commune ?
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Il nous faut crever l’abcès dès le début de l’examen de ce texte. Monsieur le ministre, comprenez bien ce qui se passe : le débat sur les questions énergétiques achoppe sur un problème collectif. Le Gouvernement a choisi de saucissonner le sujet et de l’aborder petit bout par petit bout. Ce n’est pas ainsi qu’on aura du succès.
Nos collègues du groupe Les Indépendants ont choisi d’inscrire à l’ordre du jour réservé à leur groupe cette proposition de loi sur le développement de l’agrivoltaïsme et nous avons déjà examiné, il y a quelques jours, la proposition de loi de Daniel Gremillet tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique. Toutefois, il manque une cohérence globale à ce débat. Comme l’a montré ma collègue Angèle Préville, la question de la planification et de l’aménagement du territoire est fondamentale.
Daniel Gremillet propose de commencer par installer du photovoltaïque sur les toitures. La question mérite d’être posée et je considère qu’il a raison. Il ne s’agit pas pour autant de s’opposer à ce que veulent faire nos collègues du groupe Les Indépendants sur l’agrivoltaïsme. J’ai un certain nombre de réserves sur le sujet, mais cette proposition de loi vise à encadrer l’agrivoltaïsme et à en donner une meilleure définition, ce qui comblerait un manque, car on ne peut pas réduire l’agrivoltaïsme à l’installation de photovoltaïque au sol.
Je partage certaines positions que d’autres orateurs ont défendues. Ne continuons pas à artificialiser les terres et ne faisons pas croire aux agriculteurs qu’ils trouveront l’or vert dans l’agrivoltaïsme ! Le problème est évident.
Il faut donc examiner cette proposition de loi, parce qu’elle a l’avantage de préciser cette notion, mais vous ne pourrez pas éviter, monsieur le ministre, un débat global sur les questions énergétiques et sur le revenu paysan.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
veillant à
par les mots :
s’assurant de
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. En préalable à la présentation des amendements du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je veux rappeler, comme je l’ai fait dans la discussion générale, que nous défendons la nécessité de définir et d’encadrer strictement l’agrivoltaïsme, afin de préserver nos terres agricoles tout en développant les énergies renouvelables, mais également de permettre à nos agriculteurs, dans certaines conditions, d’avoir un complément de revenu dans un contexte économique difficile. C’est en effet souvent là qu’est le nœud du problème.
Nous approuvons donc la philosophie de cette proposition de loi, telle que modifiée par la commission. Toutefois, nous avons de nombreuses interrogations, voire des inquiétudes, comme j’ai pu le rappeler dans la discussion générale.
En tout état de cause, en déposant une dizaine d’amendements, notre groupe ne souhaite nullement faire obstruction ; nous avons bien conscience que nos collègues du groupe Les Indépendants disposent d’un temps réduit pour l’examen de cette proposition de loi. Par conséquent, une fois précisés ces éléments, je serai plus concis pour présenter nos amendements, afin que le débat puisse avoir lieu.
Ainsi, cet amendement vise à préciser l’alinéa 3 de l’article unique de sorte que, avant d’encourager la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques, l’on « s’assure » véritablement de l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles, plutôt que de simplement y « veiller », comme il est écrit dans le texte. Nous estimons que cette modification rédactionnelle permettra de passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Il s’agit d’une précision rédactionnelle utile, visant à s’assurer avec davantage d’efficacité que le développement de l’agrivoltaïsme n’aura pas d’effets négatifs sur le foncier et en particulier sur son prix.
Comme vous l’avez rappelé, le foncier est un levier de compétitivité pour notre agriculture. Je rappelle qu’en France son coût est de 4 500 euros l’hectare en moyenne, contre 18 000 euros en Allemagne.
La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement.
Pour faire écho aux propos précédents, je veux préciser à nos collègues Jean-Claude Tissot et Fabien Gay que cette proposition de loi ne résout pas tout et qu’elle vise surtout à définir un cadre et à donner une définition précise de l’agrivoltaïsme. Nous aurons d’ici quelques semaines l’opportunité de débattre de manière plus globale des énergies renouvelables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. À première vue, on pourrait considérer que cet amendement n’est que rédactionnel, mais je ne pense pas que tel soit le cas. (Marques d’approbation sur les travées du groupe SER.) Il nous paraît avoir une portée intéressante, dans la mesure où il suffit parfois de changer un mot pour changer beaucoup de choses. De ce fait, l’avis du Gouvernement est favorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cet amendement me plonge dans un abîme de perplexité : qu’est-ce qu’un effet négatif sur le foncier et sur les prix agricoles ? En général, quand on est propriétaire, on attend d’un prix qu’il augmente ; quand on est locataire, on attend qu’il diminue. Quand on est jeune, on souhaite qu’il soit bas et quand on est vieux, on souhaite qu’il soit élevé, pour pouvoir financer sa cessation d’activité.
Par conséquent, je ne comprends pas la rédaction de cet amendement. C’est la raison pour laquelle je me rallierai à la position du rapporteur, qui considère que tout n’a pas été réglé et qui nous annonce un débat à venir.
Je ne peux voter ni pour ni contre un amendement que je ne comprends pas. Celui-ci vise à s’assurer qu’il n’y aura pas d’effets négatifs, mais il y en aura forcément un. Un hectare de terrain qui offre non seulement des revenus agricoles, mais aussi un revenu électrique, vaudra toujours plus cher qu’un hectare de terrain qui ne rapporte qu’un revenu agricole. C’est aussi simple que cela et l’amendement sur lequel nous devons nous prononcer n’est pas très clair.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je salue notre collègue Gérard Longuet pour la sagesse et la pertinence de son analyse. En effet, la rédaction de cet amendement n’est sans doute pas aboutie. Néanmoins, il n’est pas anodin de prévoir que l’on prendra en compte les aménités qu’apporte le photovoltaïque sur le foncier.
M. Gérard Longuet. Il faut regarder les conséquences !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. La sagesse légendaire de notre collègue est justifiée et le rapporteur a lui aussi donné un avis de sagesse bienveillante… Nous aurons le temps de travailler à une rédaction plus précise d’ici à l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, de manière à répondre aux interrogations de M. Longuet.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Il me semble, très objectivement, que l’on constatera rapidement – c’est déjà le cas dans nos territoires – que la présence d’installations photovoltaïques renchérit le coût du foncier et rend la cession ou l’acte de vente beaucoup plus compliqués, en particulier pour les agriculteurs dont les revenus sont limités, qui connaissent souvent des difficultés et qui ne peuvent pas agrandir leur exploitation comme d’autres le font – tant mieux pour eux ! – en achetant des terres et non pas forcément en les louant.
Avec cet amendement, on ouvre un sujet qui mérite véritablement qu’on le prenne en compte, celui du devenir des propriétés agricoles. L’enjeu est majeur.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. L’approche est complètement différente selon que l’on se place du côté de la rente ou de celui de l’activité.
M. Gérard Longuet. Les deux ont le droit d’exister !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je suivrai l’avis du rapporteur. Le sujet aura ô combien de rebondissements ! Je peux partager l’idée qui préside à cet amendement. Nous n’aurons que quelques semaines pour régler le problème. Monsieur le ministre, dans ce dossier, si nous ne distinguons pas la propriété agricole de celle de l’agrivoltaïsme, nous nous planterons, si vous me passez l’expression. Il faut absolument séparer l’une de l’autre.
Toutefois, on ne peut pas le faire sur un coin de table ; c’est pourquoi j’approuve sans hésiter l’avis de sagesse du rapporteur, qui a été président d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) et en a retiré une certaine sagesse !
Je suis d’accord avec la problématique qui a été soulevée, mais on ne favorisera pas l’installation des jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations sans être clair sur le sujet. Il faut donc y travailler.
Le débat que nous avons en cet instant est très intéressant parce qu’il permet de poser des bases solides. Nous sommes tous convaincus de l’intérêt de l’agrivoltaïsme, mais nous savons aussi les dangers qu’il recouvre – j’y reviendrai dans la suite de l’examen du texte.
Quant à cet amendement, je partage le point de vue de notre collègue Gérard Longuet et je voterai contre, car il est prématuré et qu’il reste du travail à faire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Certains disent que nous ne connaissons pas les règles ; nous pouvons en imaginer. Prenons une parcelle dont un hectare sera équipé de panneaux photovoltaïques : au moment de la transmission, le propriétaire de cette parcelle gardera le morceau de terrain équipé, faisant l’objet d’une rente, tandis que le reste reviendra à l’agriculture. On en reviendra à la situation d’origine et en aucun cas le futur agriculteur ne bénéficiera d’un revenu supérieur.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié ter, présenté par M. Moga, Mme Ract-Madoux, MM. Levi, Kern et Louault, Mme Loisier, MM. de Belenet, Mizzon, S. Demilly, Cigolotti, Duffourg et Canévet, Mmes Sollogoub, Férat, Devésa, Billon et Létard, MM. Delahaye et Détraigne, Mme Saint-Pé, M. J.M. Arnaud, Mme de La Provôté, M. Pellevat, Mmes Thomas et Perrot, MM. Laménie et Belin, Mmes Garriaud-Maylam et Bonfanti-Dossat, MM. Le Nay et P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Lefèvre, Bonhomme et Rojouan et Mme Guidez, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 19
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 314-36. – I.- Les installations de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil implantées sur des surfaces agricoles exploitées dans le cadre d’une exploitation professionnelle agricole ou d’un groupement de celles-ci, peuvent être qualifiées d’agrivoltaïques dès lors qu’elles satisfont aux critères suivants :
« 1° Les installations n’altèrent pas le potentiel agronomique des surfaces sur lesquelles elles sont implantées et ne provoquent pas de diminution significative des revenus issus des activités agricoles ou pastorales des surfaces sur lesquelles elles sont implantées ;
« 2° Les installations sont démontables, n’affectent pas durablement la nature des activités agricoles ou pastorales des surfaces sur lesquelles elles sont implantées et n’empêchent pas les changements de culture ;
« 3° Elles n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ;
« 4° À l’échelle des surfaces sur lesquelles elles sont implantées ou des exploitations agricoles concernées, elles rendent des services environnementaux ou agronomiques en contribuant notamment à l’adaptation au changement climatique, à la protection contre les aléas naturels, au maintien ou à l’amélioration de la biodiversité ou à la limitation des stress abiotiques.
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Le texte issu des travaux de la commission prévoit « un maintien et un développement » de la production agricole dans le cadre de l’installation de systèmes agrivoltaïques, mais les critères permettant de définir ce maintien apparaissent insuffisamment exigeants au regard de l’enjeu de protection de la vocation agricole des surfaces concernées.
Mon amendement vise donc à consacrer plusieurs principes, comme celui que l’activité agricole devra relever d’une exploitation agricole professionnelle et que les revenus d’exploitation ne pourront être affectés à la baisse par l’installation de systèmes agrivoltaïques. D’autres critères encore sont précisés.
En définitive, cet amendement vise à inscrire dans la loi une définition exigeante de l’agrivoltaïsme, reposant sur la synergie entre agriculture et production d’énergie. La définition issue du texte de la commission prévoit des critères cumulatifs et des exclusions ; par cet amendement, je propose une définition plus simple et juridiquement plus sécurisante pour l’ensemble des acteurs de la filière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Cet amendement vise à proposer une nouvelle définition et de nouveaux critères pour l’agrivoltaïsme. Son adoption ne me paraît pas souhaitable, pour plusieurs raisons.
En premier lieu, l’essentiel de l’amendement est en réalité d’ores et déjà satisfait par le texte, tel que nous l’avons renforcé en commission. Le principe de réversibilité y est inscrit noir sur blanc. Les services environnementaux ou agronomiques mentionnés dans l’amendement sont eux aussi couverts par le texte de la commission.
En second lieu, en proposant une rédaction globale, l’amendement écraserait les garde-fous introduits par la commission pour encadrer l’agrivoltaïsme.
Je demande donc son retrait, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le sénateur Moga, vous proposez une autre définition de l’agrivoltaïsme. Comme l’a très bien dit le rapporteur, dans le texte de la commission, l’essentiel des éléments que vous proposez est repris de manière formelle. Voilà qui devrait vous rassurer.
Par ailleurs, vous proposez des critères d’exclusion afin de garantir le revenu de l’activité agricole, ce qui me semble très flou. Certaines années, le revenu agricole baisse. Ne jugeons pas à l’aune d’un critère très difficilement définissable.
Aussi, je demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Moga, l’amendement n° 25 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Moga. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de neuf amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 9, 10, 17 et 19
Remplacer les mots :
parcelle agricole
par les mots :
surface agricole régulièrement exploitée
II. – Alinéa 10
Après le mot :
significative
insérer les mots :
en quantité et en qualité, et à condition que la production agricole soit exercée par un agriculteur actif, tel que défini par décret, et qui permet un maintien ou une amélioration des revenus globaux de l’exploitant agricole sans diminution des revenus issus de la production agricole
III. – Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Une protection des terres et des activités agricoles contre les aléas climatiques et naturels ;
IV. – Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
V. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Le maintien ou l’amélioration de la biodiversité.
VI. – Après l’alinéa 18
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« …° La transmission des parcelles concernées n’est prévue dans aucune convention ;
« …° Elle induit une artificialisation des sols au sens de l’article 192 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
VII. – Alinéa 19, deuxième phrase
Remplacer la référence :
4°
par la référence :
5°
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Nous souhaitons ici proposer une autre définition de l’agrivoltaïsme et ainsi compléter celle qui figure dans le texte de la commission. Nous devons mieux cibler ce que nous entendons par « production agricole », qui est l’un des éléments premiers d’une terre. Elle ne peut baisser en qualité comme en quantité.
Par ailleurs, les revenus globaux de l’agriculteur doivent augmenter grâce à l’agrivoltaïsme, sachant que la part des revenus agricoles ne doit pas baisser. J’entends les réserves de M. le ministre quand il fait remarquer que quantifier ces revenus est difficile. Toutefois, il nous faut un critère fixe. La part de revenu agricole ne doit pas devenir anecdotique : nous devons nous engager à la maintenir.
L’amendement vise aussi à compléter la liste des services devant être rendus, en ajoutant un objectif de maintien ou d’amélioration de la biodiversité. Un certain nombre de notions sont reformulées, pour une meilleure lisibilité.
Enfin, nous entendons ajouter l’artificialisation des sols comme critère d’exclusion de l’agrivoltaïsme, ainsi que la non-prise en compte de la transmission des parcelles, élément crucial abordé sur toutes nos travées.
Ces critères doivent apparaître dans la définition de l’agrivoltaïsme, au sein d’une convention ou sous une autre forme. Sans doute faudra-t-il y travailler encore ; aujourd’hui, cette définition reste imprécise et nous devrons avancer pour gagner en lisibilité.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
en garantissant une production agricole significative et un revenu durable en étant issu
par les mots :
sans induire ni une dégradation importante de la qualité et de la quantité de la production agricole ni une diminution des revenus de cette production
II. – Alinéa 19, deuxième phrase
Supprimer les mots :
ainsi qu’une méthodologie définissant la production agricole significative et le revenu durable en étant issu
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Nos amendements l’illustrent : la définition législative de l’agrivoltaïsme et, partant, la distinction entre les pratiques à encourager et celles à freiner ne font pas l’objet d’un consensus ; à ce jour, cette définition manque de clarté.
Le texte que nous examinons propose d’abord une description de l’installation agrivoltaïque, puis une définition positive et une définition négative, le tout devant être précisé par décret. Cette complexité présente autant de risques juridiques.
Le texte de la commission prévoit notamment que l’installation devra apporter directement à la parcelle au moins un service, tout en garantissant « une production agricole significative et un revenu durable en étant issu. »
Or le rapport de la commission lui-même reconnaît que l’Ademe a émis des réserves sur ces deux notions. Une telle définition laisse en effet subsister la possibilité que la production agricole et que les revenus qui en proviennent diminuent hors aléas climatiques. Quant aux revenus énergétiques, ils pourraient dissuader les agriculteurs d’exercer leur métier originel, ce qui ne permet pas de mettre un frein au développement des projets alibis.
C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui vise à remplacer les notions de « production agricole significative » et de « revenus durables en étant issu », qui posent des difficultés pour la majorité des acteurs auditionnés, par des critères liés à l’absence de dégradation importante de la qualité et de la quantité de production agricole, ou de diminution des revenus issus de cette production, à l’instar de la définition proposée par l’Ademe.
L’adoption de cet amendement permettrait de prendre en considération la qualité de la production agricole et de préserver la vocation actuelle des terres.
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Pointereau, Mme Thomas, MM. Cambon, Somon et Anglars, Mmes Chauvin, Gosselin et Demas, M. Bacci, Mmes Belrhiti, Estrosi Sassone, Gruny et Joseph, MM. Genet et J.P. Vogel, Mmes Canayer et Lassarade, M. Chaize, Mme Imbert, MM. Milon et Darnaud, Mmes de Cidrac et L. Darcos, M. Burgoa, Mme Jacques, MM. Bouchet, Klinger, Belin et Brisson, Mme Noël, MM. Rietmann, Savary, Savin et Bas, Mme Ventalon, MM. Chatillon et Piednoir, Mme Berthet, M. Laménie et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après le mot :
significative
insérer les mots :
en quantité et en qualité, et à condition que la production agricole soit exercée par un agriculteur actif, tel que défini par décret
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à améliorer la définition de l’agrivoltaïsme. Il s’agit de savoir ce qu’est un agriculteur actif.
Le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez annoncé que vous travailliez sur une prochaine loi d’orientation agricole. Il est certain que ce texte inclura une nouvelle définition de ce qu’est un agriculteur actif – nous ne pourrons y échapper. À l’heure où nous légiférons sur l’agrivoltaïsme et la définition de l’agriculteur, cet amendement tend à apporter une précision liminaire utile.
M. le président. Le sous-amendement n° 79, présenté par M. Menonville, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 64 rectifié
I. – Alinéa 3
Remplacer le mot :
significative
par le mot :
garantissant
II. – Alinéa 5
1° Remplacer les mots :
en quantité et en qualité, et à condition que la production agricole soit exercée par
par le mot :
à
2° Supprimer les mots :
tel que défini par décret
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville, rapporteur. Il s’agit d’un sous-amendement de précision rédactionnelle.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que d’une utilisation durable des sols
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à faire de la recherche d’une utilisation durable des sols un objectif identifié lors de l’implantation d’une installation d’agrivoltaïsme. Cet objectif peut rejoindre celui « d’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques », déjà présent dans la liste des services pouvant être apportés par l’installation.
Nous pouvons comprendre la nécessité de renvoyer à un décret la définition précise de ces services à atteindre ; néanmoins, nous regrettons que cela revienne à faire signer au législateur un chèque en blanc. Nous espérons que, si ce texte venait à terminer sa navette ou à être intégré au projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, l’esprit du législateur, en faveur d’un encadrement et d’une définition stricte de ces services, ne serait pas trahi.
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par le mot :
météorologiques
La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Le présent amendement vise à préciser la définition de l’agrivoltaïsme, notamment au sujet des services devant être fournis par une installation agrivoltaïque, conformément aux recommandations de l’Ademe. Or la protection des cultures agricoles contre les aléas climatiques constitue l’un des grands apports de l’agrivoltaïsme.
En effet, dans le cadre de l’agrivoltaïsme dit « dynamique », des start-up, notamment sur mon territoire, apportent des solutions révolutionnaires, grâce à des panneaux solaires modulables et pilotables par l’agriculteur qui protègent les cultures de risques météorologiques et climatiques comme la grêle.
Cependant, le législateur doit pouvoir cibler la définition de l’agrivoltaïsme, en désignant précisément la nature de ces aléas dont il convient de protéger les parcelles agricoles. Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à évoquer expressément les aléas météorologiques.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 15 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Chauvin, M. Burgoa, Mme Noël, MM. D. Laurent, Sol, Guerriau, Moga, Louault et Daubresse, Mmes Vermeillet, Puissat et Goy-Chavent, M. Savin, Mmes Imbert, Dumont et Jacquemet, MM. Milon et Genet, Mmes Lopez et Richer, M. Chatillon, Mmes Demas et M. Mercier, MM. J.P. Vogel, Bouchet et Belin, Mmes Billon et Létard, MM. Cambon et Chaize, Mme Micouleau, M. Tabarot, Mmes Lassarade, Di Folco et de Cidrac, MM. Allizard, Houpert, B. Fournier, Laménie, Pointereau, Charon et Lefèvre, Mmes N. Delattre et Gosselin et M. Bonhomme.
L’amendement n° 26 rectifié bis est présenté par M. Longeot, Mme Ract-Madoux, MM. Kern et de Belenet, Mme Saint-Pé, MM. Canévet, Poadja et S. Demilly, Mme Perrot, MM. Cigolotti, P. Martin, Duffourg et Le Nay et Mmes Morin-Desailly et Dindar.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. Après l’alinéa 14
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« 5° La contribution à la transition agricole ;
« 6° Le maintien ou l’amélioration de la biodiversité ;
« 7° L’amélioration de l’écosystème agricole ;
« 8° L’utilisation durable des sols.
II. Alinéa 19, deuxième phrase
Remplacer la référence :
4°
par la référence :
8°
La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à préciser et à compléter les services pouvant être fournis à la parcelle agricole, en y incluant des services dits « indirects », afin d’adapter les types de projets à la réalité des exploitations.
Les développeurs doivent pouvoir atteindre ces objectifs en concertation avec les agriculteurs. Les critères additionnels proposés dans cet amendement sont la contribution à la transition agricole, le maintien ou l’amélioration de la biodiversité, ainsi que l’amélioration de l’écosystème agricole et l’utilisation durable des sols.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Le maintien ou l’amélioration de la biodiversité.
II. – Alinéa 19, deuxième phrase
Remplacer la référence :
4°
par la référence :
5°
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Les sénateurs socialistes souhaitent compléter la liste des services devant être rendus par une installation agrivoltaïque pour qu’elle soit considérée comme telle.
À l’heure du changement climatique et de la chute dramatique de notre biodiversité, comme le précisent les derniers rapports de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), insérer un objectif de maintien ou d’amélioration de la biodiversité est indispensable.
Il semblerait fortement regrettable, si ce n’est inconcevable, qu’une installation agrivoltaïque vienne dégrader la biodiversité environnante. Or les quatre services retenus dans le présent article n’assurent pas une prise en compte spécifique de cet aspect.
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Pointereau, Mme Thomas, MM. Cambon, Somon et Anglars, Mmes Chauvin, Gosselin et Demas, M. Bacci, Mmes Belrhiti, Estrosi Sassone, Gruny et Joseph, MM. Genet et J.P. Vogel, Mmes Canayer et Lassarade, M. Chaize, Mme Imbert, MM. Milon et Darnaud, Mmes de Cidrac et L. Darcos, M. Burgoa, Mme Jacques, MM. Bouchet, Klinger, Belin et Brisson, Mme Noël, MM. Rietmann, Savary, Savin et Bas, Mme Ventalon, MM. Chatillon et Piednoir, Mme Berthet, M. Laménie et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° La transmission des parcelles concernées n’est prévue dans aucune convention.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement porte sur la transmission. Au fil des ans, j’ai acquis une certaine expérience. Légiférer si vite est osé, alors que l’agrivoltaïsme a des conséquences que nous ne mesurons pas.
Quand mes cheveux n’avaient pas encore blanchi et que j’étais responsable des Jeunes agriculteurs, l’accompagnement pour la plantation d’arbres était colossal ; le fonds forestier national intervenait massivement. Quel était le problème de l’agriculture dans les territoires ? Je m’associe aux propos de notre collègue Gérard Longuet : à un certain âge, un agriculteur n’avait pas intérêt à louer des terres à de jeunes agriculteurs et ainsi à favoriser leur installation, mais à planter des arbres, option économiquement plus intéressante. Nous risquons de voir naître un phénomène similaire.
Je le dis avec beaucoup de peine, car c’est un aveu d’échec : aujourd’hui, un agriculteur aura plus intérêt, financièrement parlant, à refuser de prendre sa retraite et à installer des panneaux photovoltaïques sur ses terres.
Le problème de la transmission n’est pas abordé. Il faut s’intéresser à la question de l’installation des jeunes et de leur accès au foncier.
L’agrivoltaïsme emporte dans le détail de très nombreuses conséquences. Monsieur le ministre, votre responsabilité est grande. Il ne s’agira pas de faire de beaux discours sur le problème de l’installation si, préalablement, l’on n’a pas correctement cadré les choses. (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Franck Menonville, rapporteur. L’essentiel des demandes exprimées par M. Salmon dans son amendement n° 31 rectifié est satisfait par le texte de la commission. Je partage l’idée selon laquelle le développement d’une installation agrivoltaïque devrait être subordonné à une activité agricole effective. Voilà la colonne vertébrale de ce texte. Cette complémentarité entre l’agriculture et la production photovoltaïque, voilà l’alchimie de l’agrivoltaïsme. J’en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
L’amendement n° 27 rectifié tend pour sa part à revenir sur les termes de « production agricole significative » et de « revenu durable », ainsi que sur la méthodologie prévue pour leur définition. La commission a souhaité qu’un décret, pris après consultation des acteurs agricoles, vienne définir ces termes. Elle a précisé que la production agricole principale pourra ainsi être déterminée au regard – c’est un ajout de la commission des affaires économiques – du volume de production, du niveau de revenu et de l’emprise au sol. La notion de « niveau de production » peut être adaptée pour un type de culture, quand celles d’« emprise » ou de « niveau de revenu » seront plus pertinentes pour une autre activité. L’avis de la commission est donc défavorable.
Dans l’amendement n° 64 rectifié, Daniel Gremillet reprend utilement un point soulevé par plusieurs collègues, celui de l’agriculteur actif. Ce sujet, la transmission des exploitations portant agrivoltaïsme, est absolument essentiel. La commission est favorable à cet amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 79.
L’amendement n° 4, comme son objet l’indique, est déjà satisfait par le premier critère de service rendu par une installation agrivoltaïque. Par ailleurs, la définition de l’Ademe, que la commission a souhaité retenir et renforcer, ne reprend pas les services spécifiques sur l’utilisation durable des sols. J’en demande donc le retrait ; à défaut j’émettrai un avis défavorable.
L’avis de la commission sur l’amendement n° 38 est identique : demande de retrait, ou avis défavorable.
J’émets ensuite un avis défavorable sur les amendements identiques nos 15 rectifié bis et 26 rectifié bis, et une demande de retrait de l’amendement n° 3 ; à défaut, l’avis sera défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 66 rectifié, qui vise à exclure du bénéfice de l’agrivoltaïsme les parcelles pour lesquelles la transmission n’est pas prévue par une convention. Cela n’est pas souhaitable. Même si le sujet est ô combien important, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Pour les mêmes motifs que ceux qu’a développés votre rapporteur, il est défavorable sur les amendements nos 31 rectifié et 27 rectifié, qui traitent de la question du revenu agricole.
En effet, je ne vois pas comment nous pourrions mettre en œuvre concrètement les mesures proposées, car une grande partie de l’instabilité du métier d’agriculteur est liée aux conditions météorologiques – voyez le cas du maraîchage ou de la viticulture. Une année où la récolte serait ainsi affectée, un projet d’agrivoltaïsme pourrait être déclaré non conforme pour cette seule raison. Le revenu dépendant de conditions extérieures, cet amendement ne pourrait produire les effets escomptés. M. Gay et M. Gremillet l’ont bien dit, la question du revenu agricole doit être posée, mais elle ne peut dépendre de critères météorologiques.
Monsieur Gremillet, vous avez raison : en matière agricole, la charge est effectivement très lourde ; nous avons beaucoup de sujets à trancher, dans ce moment très particulier. Le débat sur l’agrivoltaïsme ne doit pas exclure un certain nombre d’autres débats ; par ailleurs, il est assez compliqué, car il englobe plusieurs sujets, comme ceux du foncier, du revenu ou de la transmission. Notre texte incarne un équilibre difficile à atteindre ; il nous faudra poursuivre nos discussions.
J’en viens aux bâtiments. Le projet de loi que vous examinerez bientôt identifiera des zones artificialisées ; mais certains bâtiments, à cause d’une forte présence d’amiante ou d’un défaut de solidité, ne peuvent supporter des panneaux photovoltaïques. Ce point reste à examiner.
Concernant la définition de l’agriculteur actif, sur le fond, je partage votre sentiment, mais je vous demanderai de retirer votre amendement n° 64 rectifié ; sinon, j’émettrai un avis défavorable. La PAC nous en offre déjà une définition ; ajouter la nôtre par décret créerait une instabilité juridique. Il faut nous en tenir à la définition de la PAC, pour éviter toute confusion. Notre avis sur le sous-amendement n° 79 est identique.
M. Christian Redon-Sarrazy souhaite défendre une gestion durable. La définition de la gestion durable des installations agrivoltaïques présente dans le texte me semble suffire. N’en rajoutons pas ! Je m’en remets à la sagesse du président Longuet, qui nous rappelle la nécessité de disposer de définitions applicables, et émets donc un avis de sagesse.
Madame Devésa, votre amendement sur les caractères météorologiques vise en fait à apporter une précision rédactionnelle ; je ne pense pas que d’autres aléas que les aléas météorologiques soient visés ici. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je demande en revanche le retrait des amendements identiques 15 rectifié bis et 26 rectifié bis ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable. La définition proposée ajouterait de l’imprécision. Je ne saurais définir ce qu’est un équipement qui contribue à la transition agricole sans être flou. Or une grande précision est nécessaire pour éviter les projets alibis. On court un risque : avant de définir un projet facilitant la transition agricole, il faut définir ce qu’est la transition agricole.
Enfin, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements nos 3 et 66 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, pour justifier votre avis sur mon amendement n° 27 rectifié, vous avez pris l’exemple de la viticulture. Voilà qui tombe bien : avant d’être sénateur, je suis viticulteur ! Quand je mets en avant les problématiques de qualité et de quantité, je le fais hors aléas climatiques. Nous dépendons de la nature, il nous faut composer avec elle. Or une installation agrivoltaïque permet justement de préserver les vignes de ces aléas climatiques. Grâce à cette protection, il est impossible que le rendement passe soudainement de dix à deux. Voilà la meilleure manière de prévenir la tentation qu’aurait un agriculteur d’abandonner sa production agricole au profit de l’énergie.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je souhaite revenir sur le revenu agricole. Certes, des aléas existent, mais il est toujours possible de se fonder sur des moyennes. Les assurances pourraient le faire, à l’instar des moyennes olympiques. Il nous faut quantifier le revenu qui vient de la production agricole, sinon nous en viendrons à des productions agricoles alibis.
Il nous faut établir des conventions : tel est l’objet de l’amendement de M. Gremillet et du mien. Ainsi, nous ferons en sorte que la transmission de ces parcelles équipées d’agrivoltaïsme soit prévue.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Force est de reconnaître que, quant à la méthode, nous sommes en train de réaliser du travail de commission. Cela est d’ailleurs assez fréquent lorsque nous examinons une proposition de loi ; telle est la faiblesse de ce dispositif.
Spontanément, je serais tenté de suivre l’avis de la commission, qui a eu le mérite, elle, de réaliser un travail approfondi. La plupart des sujets évoqués sont très intéressants, pertinents, creusés, travaillés et réfléchis ; mais chacun de ces amendements demanderait un travail de commission, qui est beaucoup plus lourd et exige des expertises intermédiaires, ce qui n’est pas possible en cet instant.
C’est la première raison pour laquelle je me rallierai systématiquement aux amendements et aux ouvertures du rapporteur, dont l’avis a été nourri par la confrontation de son point de vue avec l’ensemble de la commission.
Un problème de fond me gêne dans un grand nombre de ces amendements. Une exploitation agricole est une aventure personnelle, une aventure économique ; c’est l’histoire d’une vie, le résultat de choix responsables faits par des femmes et des hommes qui ont, en général, de l’expérience et qui ont pris le risque, sur leur patrimoine propre, de prendre ou de ne pas prendre telle ou telle orientation. Certains veulent développer systématiquement le photovoltaïque. Ce n’est pas mon cas, car je pense, madame Schillinger, que d’autres solutions existent pour décarboner. Nous ne sommes peut-être pas exemplaires en matière d’énergies renouvelables, mais nous sommes exemplaires dans le seul combat qui compte, la décarbonation de notre énergie. Je ne suis pas un maniaque du photovoltaïque, mais je suis un peu gêné de constater que nous accablons de contraintes, dès le départ, ceux qui ont le courage d’entreprendre une implantation photovoltaïque, contraintes qui aboutiront à un document si épais qu’ils renonceront à toute initiative.
M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° 26 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Je consens à retirer mon amendement, mais j’insiste sur le fait que l’enjeu principal de l’agrivoltaïsme est de concilier la production agricole avec la production d’énergie, en veillant à ce que la première ne pâtisse pas de la seconde. Je tenais à le préciser, car cet élément est très important. Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié bis est retiré.
Monsieur Moga, l’amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Moga. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 3.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 66 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Non, je le retire, monsieur le président ; je souhaitais avant tout soulever le problème.
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer le mot
l’un
par le mot :
deux
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à revenir à la disposition initiale du texte qui prévoyait qu’une installation, pour être reconnue comme agrivoltaïque, doit apporter au moins deux services sur une liste de quatre services, et ce afin de renforcer l’ambition du texte s’agissant de l’encadrement de cette filière. Pourquoi faire moins lorsqu’il est possible de faire plus ? Revenir à deux services me semble fondamental.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après les mots :
l’un des
insérer le mot :
deux
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville. L’adoption des amendements nos 34 rectifié et 2, qui visent à ajouter une seconde condition de service direct pour qu’une installation soit qualifiée d’agrivoltaïque, ne semble pas souhaitable, et ce pour deux raisons. D’une part, ces amendements ne paraissent pas prendre suffisamment en compte les besoins de l’agriculture. D’autre part, ils s’éloignent des travaux de l’Ademe, qui font consensus, alors que la commission souhaitait en rester au plus près.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le sénateur Salmon, selon vous, s’il est possible d’imposer une condition de service, il est aussi possible d’en ajouter une seconde.
Cependant, je crains qu’à force d’imposer des critères, on n’arrive pas à avancer assez vite et que l’agrivoltaïsme ne puisse pas se développer.
Or, nous avons du retard en matière d’énergies renouvelables et l’agrivoltaïsme doit participer à le combler – vous l’avez souligné fort justement au début de votre intervention à la tribune.
Les dispositions du texte de la commission me semblent bien rédigées. Essayons donc d’avancer sur le sujet, de poser les débats et de ne pas ajouter de la contrainte à la contrainte. Sinon, nous n’y arriverons pas et il ne faudra pas s’en étonner !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 34 rectifié et 2.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 39, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :
Alinéa 15
1° Après le mot :
porte
supprimer le mot :
une
et après le mot :
atteinte
supprimer le mot :
substantielle
2° Supprimer les mots :
ou une atteinte limitée à deux de ces services
La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi prévoit qu’une installation agrivoltaïque ne peut pas porter une atteinte substantielle ou limitée aux services listés : amélioration du potentiel et de l’impact agronomique ; adaptation au changement climatique ; protection contre les aléas climatiques ; amélioration du bien-être animal. Le développement de l’agrivoltaïsme doit non pas se résumer à la production d’énergie solaire, mais bien apporter une plus-value sur le plan agricole.
Des entreprises, comme Ombrea à Aix-en-Provence, portent une vision ambitieuse, exigeante et fortement protectrice de l’activité agricole grâce à l’agrivoltaïsme. Le législateur doit se montrer aussi ambitieux que les forces vives de notre pays, prêtes à pousser plus loin le curseur en faveur d’une agriculture nouvelle.
Il conviendrait ainsi de considérer qu’une installation agrivoltaïque ne peut porter atteinte à aucun des critères de définition mentionnés ci-dessus, ni substantiellement ni limitativement.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 15
1° Après les mots :
l’un des
insérer le mot :
deux
2° Remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Dans la continuité de nos amendements précédents, nous souhaitons rehausser les ambitions de cette proposition de loi en matière de services à rendre ou à respecter pour pouvoir qualifier une installation d’agrivoltaïque.
Actuellement, le texte prévoit que, pour être considérée comme agrivoltaïque, une installation ne doit porter aucune atteinte substantielle à l’un des quatre services mentionnés, ou une atteinte limitée à deux d’entre eux.
Le présent amendement vise à renforcer ce dispositif, en prévoyant qu’une installation ne pourra pas porter atteinte de façon substantielle à au moins deux services et de façon limitée à au moins trois services.
Notre objectif est de nous assurer que l’ensemble des services listés dans la présente proposition de loi ne pourra pas être occulté. Je veux souligner que la rédaction actuelle est floue : les termes « substantielle » et « limitée » peuvent largement prêter à interprétation. De plus, si les conditions de mise en œuvre de ces dispositions sont renvoyées à un décret ultérieur, nous signons clairement un chèque en blanc – je le répète !
Il est donc nécessaire de préciser le plus possible le texte afin de s’assurer du bon respect de l’esprit du législateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Les amendements nos 39 et 5 ont une même finalité : modifier les critères d’exclusion des installations agrivoltaïques.
L’adoption de l’amendement n° 39 conduirait à retirer les précisions utiles, initialement apportées par l’auteur de la proposition de loi, concernant les atteintes aux services pouvant être rendus par une installation agrivoltaïque. L’équilibre trouvé par l’auteur de ce texte, voulant qu’une installation portant une atteinte substantielle ou deux atteintes limitées à un service ne puisse pas être qualifiée d’agrivoltaïque, est un bon compromis. Il permet, d’une part, de sécuriser la définition, les projets et surtout l’activité agricole et, d’autre part de ne pas entraver l’essor de cette énergie. De plus, supprimer les notions de « substantielle » et de « limitée », qui seront utilement précisées par décret, pour ne conserver que la notion d’« atteinte » de manière générale, risque de conduire à des débats sans fin sur le niveau d’atteinte acceptable engendrée par une installation agrivoltaïque.
Il faut le dire : ce texte de loi vise surtout à fixer le cadre et la définition de l’agrivoltaïsme. Il est évidemment impossible de déterminer, dans une proposition de loi, l’ensemble des dispositions de développement.
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 39 ; à défaut, son avis sera défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 5, celui-ci tend à poser des contraintes encore plus fortes sur le nombre de services devant être rendus par les installations agrivoltaïques.
La commission demande donc également le retrait de l’amendement n° 5 ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, vous évoquiez la continuité de vos propos ; j’essaie aussi d’être cohérent avec ceux que je viens de tenir. L’avis du Gouvernement sera donc le même que pour les amendements précédents – je vous prie de m’en excuser, madame la sénatrice Devésa – et pour des raisons identiques.
Nous disposons d’une définition claire et l’adoption de ces amendements troublerait sans doute la rédaction d’un texte qui essaie de poser le cadre de ce qu’est l’agrivoltaïsme.
Le Gouvernement demande donc le retrait des amendements nos 39 et 5 ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Madame Devésa, l’amendement n° 39 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Devésa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.
Monsieur Redon-Sarrazy, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Christian Redon-Sarrazy. Oui, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les revenus engendrés par la production électrique sont supérieurs aux revenus issus de la production agricole.
II. – Alinéa 19, dernière phrase
Après le mot :
décret
insérer les mots :
détermine un taux maximal de revenus pouvant être engendrés par la production électrique par rapport au revenu issu de la production agricole et
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Elle ne garantit pas un partage équitable de la valeur ajoutée issue de la production agrivoltaïque entre l’exploitant agricole et les autres acteurs du projet.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Les installations agrivoltaïques pourraient engendrer des revenus significatifs, dont une partie devrait pouvoir ruisseler jusqu’à l’agriculteur qui leur consacre des terres de son exploitation. Les revenus doivent donc être équitablement partagés.
Le présent amendement vise donc à écarter de la définition de l’agrivoltaïsme toute installation ne permettant pas de garantir un partage équitable de la valeur engendrée par la production énergétique entre l’exploitant agricole et les autres acteurs du projet.
Il reprend l’une des recommandations de la mission d’information flash de l’Assemblée nationale portant sur l’agrivoltaïsme, dont les conclusions ont été présentées en février dernier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. La question du partage de la valeur ajoutée, soulevée par notre collègue Henri Cabanel, est essentielle, mais dépasse l’objet de cette proposition de loi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le sénateur, vous posez une vraie question, celle du partage de la valeur ajoutée. Le problème est clairement posé – il figure dans les projets et concerne les relations entre les agriculteurs et les acteurs locaux. Simplement, si l’on comprend bien le principe qui sous-tend la définition proposée dans cet amendement, elle nous paraît trop floue juridiquement pour recevoir un avis favorable du Gouvernement, et ce même si cette rédaction est à la fois issue – vous l’avez dit –des travaux de cette assemblée et de ceux de l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Non, je le retire, monsieur le président. Cependant, monsieur le ministre, ce sujet est important et vous devrez y réfléchir !
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié est retiré.
L’amendement n° 40, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Il induit une dégradation, qualitative ou quantitative, de la production agricole.
La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 40 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 65 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Pointereau, Mme Thomas, MM. Cambon, Somon et Anglars, Mmes Chauvin, Gosselin et Demas, M. Bacci, Mmes Belrhiti, Estrosi Sassone, Gruny et Joseph, MM. Genet et J.P. Vogel, Mmes Canayer et Lassarade, M. Chaize, Mme Imbert, MM. Milon et Darnaud, Mmes de Cidrac et L. Darcos, M. Burgoa, Mme Jacques, MM. Bouchet, Klinger, Belin et Brisson, Mme Noël, MM. Rietmann, Savary, Savin et Bas, Mme Ventalon, MM. Chatillon et Piednoir, Mme Berthet, M. Laménie et Mme Micouleau.
L’amendement n° 70 rectifié est présenté par MM. Cabanel et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Elle n’est pas en adéquation avec les dynamiques locales et territoriales agricoles, telles qu’appréciées par la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers mentionnée à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 65 rectifié.
M. Daniel Gremillet. J’insiste de nouveau sur l’ordre de priorité, qui est vraiment une question essentielle.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu, mais un bâtiment amianté comporte des plaques de fibrociment dont le poids – que vous-même, comme nombre de mes collègues, connaissez également – est quasiment identique à celui des panneaux photovoltaïques ; ce n’est donc pas un sujet.
En revanche, le foncier serait préservé et l’on résoudrait un problème sur les bâtiments agricoles ; c’est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, qu’une priorité soit définie.
Vous le savez comme moi, dans tous nos territoires, le monde de l’élevage connaît une situation très difficile. Faire de ces bâtiments agricoles des lieux de production énergétique, et ainsi régler un problème de santé publique et de sécurité de ces bâtiments, serait assez intelligent.
L’ambition de cet amendement est de dégager des priorités et de soutenir des ambitions.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié.
M. Henri Cabanel. Le présent amendement vise à ne pas considérer comme agrivoltaïques les installations qui ne seraient pas en adéquation avec les dynamiques locales et territoriales agricoles, afin de prévenir l’accaparement du foncier agricole.
Cette appréciation serait menée par la CDPENAF, au sein de laquelle les acteurs locaux ne sont pas tous réunis – vous le savez. Il sera donc important de recueillir leur avis sur leur politique agricole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Cette discussion pourra mieux se tenir tout à l’heure, quand nous débattrons de la charte départementale.
Certes, les sujets que vous avez évoqués sont absolument essentiels. Les projets doivent être connectés aux réalités locales pour qu’ils soient acceptés au sein d’un territoire.
La commission demande donc le retrait des amendements nos 65 rectifié et 70 rectifié ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Peut-être me suis-je mal fait comprendre, monsieur Gremillet : certains bâtiments ne supportent pas le poids des installations, mais ce ne sont pas des bâtiments amiantés. Cependant, le coût du désamiantage représente de telles charges qu’il n’est parfois pas possible de les transformer. (M. Daniel Gremillet s’exclame.)
Par ailleurs, comme ma collègue Agnès Pannier-Runacher l’a indiqué dans le texte qui sera bientôt soumis à votre examen, la priorité est bien de développer autant que possible le photovoltaïque sur les surfaces déjà artificialisées et sur les bâtiments. Cela ne vient pas en concurrence avec l’agrivoltaïsme, me semble-t-il.
Le Gouvernement demande donc le retrait des amendements nos 65 rectifié et 70 rectifié ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 65 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Je vais le retirer, monsieur le président. Néanmoins, il s’agit d’une vraie question, notamment de santé – je remercie notre rapporteur de l’avoir relevé à juste titre. Ayons le courage de répondre à cette question !
Monsieur le ministre, dire que cela coûte cher n’est pas satisfaisant. Si les plaques d’amiante sont sur les toits des bâtiments, ce n’est pas la faute des paysans ! Ce sujet devra être traité et il faudra être au rendez-vous, monsieur le ministre.
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 65 rectifié est retiré.
Monsieur Cabanel, l’amendement n° 70 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Je vais le retirer, monsieur le président, car je connais l’issue fatale qu’il aura s’il est mis au vote… Cependant, de vraies questions se posent. Il est donc impératif que les élus locaux puissent donner leur avis et partager leur vision de la politique agricole qu’ils mènent. Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié est retiré.
L’amendement n° 6, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, qui doivent tous deux rester prépondérants
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement de précision vise à s’assurer que l’activité agricole et les revenus qui en sont tirés restent le moteur d’une activité agricole.
Il s’agit de veiller à ce que cette activité ne devienne pas le prétexte à une production d’énergie, même si cette dernière est renouvelable, vertueuse, et s’inscrit dans les objectifs nationaux et européens de développement des énergies renouvelables. C’est pourquoi, dans le cadre du futur décret mettant en œuvre ce texte, la production agricole et les revenus qui en sont issus doivent rester prépondérants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. La référence au caractère prépondérant de la production et du revenu agricoles, proposée dans cet amendement, n’est pas opportune pour deux raisons. Tout d’abord, elle est redondante avec le reste de la définition. Ensuite, une telle précision exclurait de la définition des agriculteurs pouvant rencontrer des difficultés ponctuelles de production ou de revenu, mais aussi certaines surfaces destinées à des productions à faible valeur ajoutée.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. La rédaction proposée ne semble pas utile, compte tenu des éléments figurant déjà dans le texte et qui participent à une définition claire. Par ailleurs, je rejoins le second point de l’avis de votre rapporteur.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Tout à l’heure, notre éminent collègue Gérard Longuet a tenu des propos qui me conviennent parfaitement.
On est en train d’en rajouter ! En effet, dès que des initiatives sont prises, on fait des lois, on dit qu’il y aura des décrets… À vrai dire, des solutions beaucoup plus simples existent.
Que veut le Gouvernement ? Veut-il développer le photovoltaïque ou non ? Et à quel niveau ? Il suffit de définir le prix de l’électricité achetée en agri-photovoltaïque et le tour est joué !
Je ne vois pas à quoi mènent toutes ces discussions oiseuses, qui compliquent les choses et conduiront les agriculteurs à se détourner de la question.
S’agissant des toits des bâtiments agricoles, M. Gremillet a raison ; ce ne sont pas les agriculteurs qui ont mis de l’amiante sur leur toit, il n’y avait que ça !
Cet amendement nous offre l’occasion de laisser les terres agricoles de côté et de développer le photovoltaïque sur les toits des bâtiments agricoles.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19, quatrième phrase
Remplacer les mots :
peut s’apprécier
par le mot :
s’apprécie
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à apporter une précision rédactionnelle qui nous paraît importante. Il s’agit de préciser que la caractérisation d’une production agricole principale doit – et non peut – s’apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu et de l’emprise au sol.
Dans la continuité des amendements précédents, les sénateurs socialistes souhaitent lutter contre les effets d’aubaine et mettre en place des garde-fous pour éviter que l’activité agricole ne devienne une excuse à la production d’énergie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Les précisions apportées dans cet amendement, pour l’appréciation de l’activité agricole principale, ne nous semblent pas opportunes.
D’une part, elles supprimeraient le pouvoir d’appréciation tant des services déconcentrés de l’État que des acteurs agricoles, dans la définition réglementaire de la notion d’activité agricole principale. Or les acteurs de terrain eux-mêmes sont les mieux placés pour convenir de la définition la plus adaptée.
D’autre part, la modification suggérée réduirait à trois le nombre de critères pouvant être inclus dans cette définition, alors que d’autres critères pourraient être utiles le cas échéant : le statut de l’agriculteur, le partage de la valeur, ou encore l’enjeu de la transmission. Nous perdrions donc en souplesse sans gagner en exhaustivité.
Il me semble aussi que certains amendements, dont l’examen est à venir, tendent également à solidifier ces aspects du texte.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement tend à donner un caractère cumulatif aux trois critères cités. Dans la continuité de l’avis exprimé précédemment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 47 rectifié bis est présenté par M. Chauvet, Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Chatillon, Calvet, Klinger, Duffourg, Lefèvre et Kern, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Détraigne, Guerriau et J.M. Arnaud, Mmes Dumont et Saint-Pé, M. Delahaye, Mme Perrot, MM. Laménie, Longeot et Le Nay, Mme Gacquerre et M. Bonhomme.
L’amendement n° 55 rectifié ter est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Noël, M. Pointereau, Mme Chauvin, MM. Anglars et Allizard, Mme Micouleau, MM. Bascher, Bacci, Cambon, Houpert, Burgoa, Savary, Favreau, Tabarot, Belin et Bouchet, Mmes Richer et Bonfanti-Dossat, M. Savin, Mme Garnier, MM. Bouloux et Somon, Mmes Gosselin, Di Folco et Lassarade, MM. Houllegatte, Sol, Charon et D. Laurent, Mme N. Delattre et M. Rojouan.
L’amendement n° 61 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet et de Nicolaÿ, Mme L. Darcos, M. Chaize, Mmes Deroche, Jacques, Thomas et Malet, M. Piednoir, Mmes Gruny, M. Mercier, Schalck et de Cidrac, MM. Genet et Saury, Mmes Estrosi Sassone, Demas, Joseph et Ventalon, MM. J.B. Blanc et J.P. Vogel et Mme Berthet.
L’amendement n° 77 est présenté par M. Menonville, au nom de la commission.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 19, avant-dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, en tenant compte de l’article 4 du règlement (UE) n° 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013
La parole est à M. Patrick Chauvet, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié bis.
M. Patrick Chauvet. Le présent amendement a pour objet de préciser que l’article 4 du règlement n° 2021/2115 du 2 décembre 2021 sur la politique agricole commune peut servir de point de référence pour déterminer réglementairement la notion d’activité agricole principale.
M. le président. L’amendement n° 55 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 61 rectifié bis.
M. Daniel Gremillet. Cette définition au regard de la PAC est un sujet crucial. Je n’ai rien à ajouter ; l’amendement vient d’être très bien défendu.
M. le président. L’amendement n° 77 est présenté par la commission.
M. Franck Menonville, rapporteur. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Vous souhaitez lier les notions d’agrivoltaïsme et d’activité agricole principale à la réglementation relative aux aides de la PAC.
D’abord, rappelons que toutes les parcelles agricoles ne sont pas soumises aux règles d’admissibilité des aides de la PAC. Je pense en particulier à la filière viticole, où de nombreux viticulteurs ne demandent pas ces aides.
Compte tenu des règles spécifiques prévues dans la réglementation européenne et déclinées dans le plan stratégique national, il n’est pas opportun de traiter ce sujet dans un texte législatif. Ces règles européennes peuvent être modifiées ou interprétées différemment à l’occasion d’actes de la Commission ou d’audits réalisés par la Commission.
L’objectif du Gouvernement est bien de préciser pour la nouvelle PAC, qui commence en 2023, les conditions d’éligibilité des projets agrivoltaïques dans les textes réglementaires de mise en œuvre de la PAC. Cela relève donc bien du domaine réglementaire, comme je l’indiquais dans mon intervention liminaire.
Ces textes sont en cours d’élaboration, comme vous l’imaginez, et feront l’objet d’une concertation avec les parties prenantes et avec le Parlement afin de déterminer la meilleure adéquation entre règles nationales et européennes. Cependant, ce sujet relevant du domaine réglementaire et non de celui de la loi, l’adoption de ces amendements pourrait poser le risque d’une distorsion juridique trop importante.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Je souhaite prendre la parole au nom de mon groupe sur ces amendements qui ont trait à une question importante, celle de la PAC.
Je regrette la méthode employée s’agissant de ces amendements. En effet, lundi dernier, quatre amendements identiques portant sur la PAC avaient été déposés par certaines de nos collègues des groupes Les Républicains et UC, ainsi que par mon groupe. Ces amendements étaient tous issus – il faut le préciser en toute transparence – d’une réflexion de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Ces amendements sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution ; nous en avons été informés lundi dernier en fin de journée.
Or, à notre grande surprise, les trois autres amendements ont été modifiés puis déposés de nouveau, dans les mêmes temps et par les mêmes auteurs, de manière à pouvoir passer l’obstacle de l’article 40 et à avoir ce débat.
Ces amendements ont tous la même rédaction, à la virgule près, ce qui implique clairement une concertation avec les services du Sénat, puisque le rapporteur a déposé le même amendement dans un but identique.
Nous aurions aimé que la même attention soit portée à notre groupe et nous regrettons cette façon de faire, assez peu républicaine à notre sens.
En tout état de cause, sur le fond, les sénateurs socialistes sont très attachés à ce que les aides de la PAC servent avant tout à accompagner les agriculteurs qui produisent des biens alimentaires. La situation économique difficile, voire parfois catastrophique, de nombreux agriculteurs français ne nous autorise clairement pas à détourner certaines aides européennes de leur nature première.
À ce sujet, je tiens à rappeler que, lorsqu’il est question de la PAC et des aides du premier pilier, nous devons toujours raisonner en enveloppes fermées. Toute aide agricole orientée vers une activité de production d’énergie est une aide qui, dans des proportions égales, n’est plus orientée vers la production alimentaire.
À l’heure où la nécessité de reconquérir notre souveraineté alimentaire est mise en avant par tous, ce serait fortement regrettable et contre-intuitif.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je voudrais répondre à notre collègue Christian Redon-Sarrazy que les services du Sénat ne pratiquent aucune discrimination envers quelque groupe politique que ce soit !
Une réflexion a dû avoir lieu et un changement d’écriture a été réalisé avec l’aide des organisations professionnelles, à l’évidence ; on ne peut que le constater.
Néanmoins, il n’y a pas de discrimination. Cela n’arrive jamais, ce n’est jamais arrivé depuis cinq ans que je suis présidente de cette commission et, tant que je le serai, je veillerai à ce que ce ne soit pas le cas.
M. Franck Montaugé. Nous aurions aimé être informés !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. J’ignore comment ces amendements ont été élaborés. En tout cas, aucune discrimination n’existe entre les différents groupes.
Ensuite, pour répondre à l’objection de M. le ministre, la rédaction proposée dans l’amendement n’est pas « doit tenir compte de la PAC », mais « peut tenir compte » de la PAC. Il s’agit donc d’une lecture assez large.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 rectifié bis, 61 rectifié bis et 77.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19, dernière phrase
Après les mots :
des installations
insérer les mots :
, évalue les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir,
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement est très important pour notre groupe, car il vise à mettre l’accent sur la nécessité de mettre en place un suivi et un contrôle réels des installations agrivoltaïques, afin de s’assurer du bon respect de la loi.
D’une manière générale, au-delà du sujet qui nous occupe aujourd’hui, nous nous inquiétons du manque de moyens financiers et humains des services de l’État, manque qui empêche souvent de réaliser l’ensemble des contrôles nécessaires au suivi de la bonne mise en œuvre de la loi. Il en va d’ailleurs de même lorsqu’il est question d’évaluation de nos politiques publiques – j’en prends pour témoin notre collègue Franck Montaugé, qui a déposé une proposition de loi constitutionnelle relative à ce sujet en 2021.
C’est pourquoi, dans un souci de préservation de l’activité agricole, nous souhaiterions que tout soit mis en œuvre afin d’éviter qu’une installation agrivoltaïque, une fois autorisée, ne fasse plus jamais l’objet de contrôles, ce qui ouvrirait la voie à des dérives certaines.
Si nous ne pouvons pas aborder directement, dans le présent texte, la question des moyens financiers et humains pour y parvenir, nous demandons que le futur décret puisse non seulement prévoir les modalités de suivi et de contrôle, mais aussi évaluer les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Cette proposition de loi prévoit déjà un quadruple système de contrôle et de sanction ; en ajouter nous semble superflu.
Sans tous les citer, il s’agit du contrôle des installations agrivoltaïques et de la sanction des manquements à cette qualification, intégré au code de l’énergie, du passage systématique – nous y reviendrons –, devant la CDPENAF, ou encore du pouvoir de carence du préfet en l’absence de constitution de garanties financières.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Les garde-fous prévus en matière de contrôle sont suffisants pour ne pas en ajouter.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié quater, présenté par M. Moga, Mme Ract-Madoux, MM. Levi, Kern et Louault, Mme Loisier, MM. de Belenet, Mizzon, S. Demilly, Duffourg et Canévet, Mmes Sollogoub, Férat, Billon et Létard, MM. Delahaye et Détraigne, Mme Saint-Pé, MM. J.M. Arnaud et Pellevat, Mmes Thomas, Perrot et Lassarade, MM. Laménie et Belin, Mmes Garriaud-Maylam et Bonfanti-Dossat, MM. Le Nay et P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Lefèvre et Bonhomme et Mmes Guidez et N. Delattre, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Après le mot :
mégawatt
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
. Le constat de la perte de la qualification de l’installation agrivoltaïque au sens de l’article L. 314-36 par l’autorité administrative compétente entraîne la perte du bénéfice de l’obligation d’achat prévue à l’article L. 314-37 et la rupture immédiate et sans préjudice des contrats afférents.
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Cet amendement a pour objet de limiter à un mégawatt le seuil maximal de puissance de l’installation agrivoltaïque permettant de bénéficier de l’obligation d’achat en guichet ouvert.
La limite s’appliquant aux installations photovoltaïques a récemment été quintuplée pour passer de 100 kilowatts-crête à 500 kilowatts-crête. Le texte issu de la commission, qui monte ce soutien à un mégawatt-crête, représente déjà un soutien très généreux aux installations agrivoltaïques, leur assurant une rentabilité sûre et sans risque.
Proposer un seuil à six mégawatts pour les installations agrivoltaïques, fussent-elles détenues par des PME ou par des communautés d’énergies renouvelables, conférerait aux porteurs de projet une garantie de rentabilité anormalement élevée au prix d’un soutien public excessif.
Des installations de plus d’un mégawatt-crête peuvent sans difficulté trouver un équilibre économique sans aide de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. La limitation à un mégawatt de l’éligibilité des installations agrivoltaïques à l’obligation d’achat, telle que proposée dans cet amendement, n’est pas souhaitable.
En premier lieu, elle serait beaucoup plus restrictive que le droit existant, puisque les appels d’offres actuels de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en matière d’énergie solaire vont jusqu’à huit mégawatts.
De plus, la commission n’a pas strictement fixé de seuils à un et six mégawatts pour l’agrivoltaïsme, mais a prévu un plafond et un décret : celui-ci pourra donc, en fonction des besoins des professionnels, fixer un seuil inférieur à ce plafond.
Par ailleurs, le seuil de six mégawatts, issu des lignes directrices de la Commission européenne sur les aides d’État, ne concerne essentiellement que les communautés énergétiques citoyennes et les communautés d’énergies renouvelables : dans les faits, elles seront très peu concernées par le dispositif.
Enfin, des contrôles et des sanctions, dont la suspension et la résiliation du contrat, sont bien évidemment prévus au dernier alinéa de l’article L. 314-37 du code de l’énergie.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Moga, l’amendement n° 24 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Moga. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 37, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :
Alinéa 23, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
selon des modalités définies par voie réglementaire
La parole est à Mme Brigitte Devésa.
Mme Brigitte Devésa. Cet amendement vise à garantir l’application de l’une des dispositions phares de la proposition de loi, la création d’appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour la mise en place et l’exploitation d’installations agrivoltaïques.
Une telle mesure répond à une attente très forte de l’ensemble des acteurs de l’agrivoltaïsme, qui veulent favoriser le développement du secteur dans la durée et permettre un passage à l’échelle. Toutefois, il paraît nécessaire que le Gouvernement agisse par voie réglementaire pour rendre la mesure effective, d’autant que les autres dispositions du texte font l’objet d’une mise en application par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par le droit existant. Nous en sollicitons donc le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Devésa. Je retire mon amendement !
M. le président. L’amendement n° 37 est retiré.
L’amendement n° 33, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Compléter cet alinéa par les mots :
, à condition que les produits agricoles qui en sont issus fassent partie des produits mentionnés à l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, dans un délai de trois ans suivant la mise en service de l’installation agrivoltaïque
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. La biodiversité s’effondre ; les rapports de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) le confirment.
L’agrivoltaïsme vise à lutter contre le réchauffement climatique, mais il ne sera pas possible d’atteindre cet objectif sans lutter aussi contre l’effondrement de la biodiversité. Nous devons avancer sur nos deux jambes.
Par cet amendement d’appel, nous proposons donc de conditionner le maintien des aides de la PAC à la conversion à l’agriculture biologique des parcelles sur lesquelles sont implantés ces panneaux photovoltaïques.
Il faut avant tout faire reculer l’usage des pesticides, qui – nous le savons – sont responsables d’une grande partie de l’effondrement de la biodiversité.
Nous devons reconquérir la biodiversité en même temps que notre souveraineté énergétique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Cet amendement est en contradiction avec la volonté des auteurs de la proposition de loi et de la commission de maintenir l’éligibilité de toutes les parcelles accueillant des installations agrivoltaïques aux aides de la PAC. La commission en sollicite donc le retrait, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.
D’abord, et ce motif justifierait à lui seul notre position, l’amendement n’est pas conforme à la réglementation européenne.
Ensuite, et j’espère que vous ne le prendrez pas mal, monsieur Salmon, mais je me faisais la réflexion suivante : si nous cumulions toutes les contraintes qui ont été proposées au cours de ce débat, nous ne pourrions jamais faire d’agrivoltaïsme en France !
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Loisier, MM. Mizzon et Levi, Mme Billon, M. Kern, Mme Férat, MM. Détraigne, Longeot, Capo-Canellas, J.M. Arnaud et Le Nay et Mmes Morin-Desailly, Jacquemet, Guidez et N. Delattre, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’autorité administrative soumet les installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 dont la limite de puissance installée est supérieure à 1 mégawatt à l’étude préalable et, le cas échéant, aux mesures de compensation prévues par l’article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime.
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement vise à pérenniser la compensation agricole des installations agrivoltaïques, qui n’est pas précisée dans le texte.
Un mécanisme de compensation est prévu par le code rural et de la pêche maritime. Il déclenche le mécanisme d’une étude préalable agricole qui suit les étapes suivantes : évaluation de la perte de potentiel financier agricole, estimation du délai nécessaire à sa reconstitution, calcul de l’investissement nécessaire à la compensation de cette perte.
En tant que forme de photovoltaïsme, l’agrivoltaïsme doit logiquement être soumis à un tel mécanisme. Au demeurant, pour être qualifiée d’agrivoltaïque, une opération devra apporter la preuve qu’elle « permet de maintenir ou de développer durablement une production agricole significative ». Ces notions sont floues. Elles doivent être précisées par une étude préalable. En effet, comment établir qu’une opération sera favorable à l’agriculture sur une parcelle donnée en l’absence d’étude ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Ma chère collègue, vos objectifs, que je partage totalement, seront satisfaits par un amendement sur la mise en place de l’étude agricole préalable que je présenterai dans quelques instants. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous me confirmer que l’étude préalable sera préconisée et que le principe de compensation sera maintenu ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Il pourra faire partie du dispositif.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je vous fais confiance. Je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 9 est présenté par MM. Redon-Sarrazy et Montaugé, Mme Blatrix Contat, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par Mme Loisier, MM. Mizzon et Levi, Mme Billon, M. Kern, Mme Férat, MM. Détraigne, Longeot, Capo-Canellas, J.M. Arnaud et Le Nay et Mmes Morin-Desailly, de La Provôté, Jacquemet et Guidez.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 26
Remplacer les mots :
peut soumettre
par le mot :
soumet
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à rendre automatique la constitution de garanties financières pour le démantèlement et la remise en état d’un site dans le cas de projets dont la limite de puissance installée est supérieure à 1 mégawatt.
La rédaction actuelle ouvre seulement une faculté pour l’autorité administrative de constituer de telles garanties, ce qui semble peu normatif et, au final, assez peu contraignant.
Il est pourtant primordial de s’assurer d’une possibilité de remise en état des sites pour faire accepter ce type de projets, mais aussi pour permettre une reprise des exploitations, notamment par des jeunes.
Une telle disposition, qui engage l’avenir, me semble donc d’un grand intérêt.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement vise à s’assurer que les frais relatifs au démantèlement sont systématiquement prévus au préalable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. J’ai déjà fait adopter en commission un amendement tendant à consacrer la réversibilité des installations agrivoltaïques, objet de ces deux amendements identiques, et plusieurs dispositions du texte prévoient déjà des dépôts de garantie financière pour l’assurer.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Les auteurs de ces deux amendements soulèvent à juste titre la question de la réversibilité des installations. Mais le texte pose, me semble-t-il, un cadre, en particulier grâce aux travaux qui ont été réalisés en commission.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Je souhaiterais obtenir une précision. Mme Loisier a parlé de démantèlement ; vous lui répondez sur la réversibilité. Or ce n’est pas exactement la même chose.
Par ailleurs, lors de l’examen de l’amendement n° 24 rectifié quater, le rapporteur a indiqué que la commission avait prévu un décret. Je le découvre ; c’est surprenant…
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. L’intention est une chose ; la réalisation en est une autre. Nous demandons que des moyens suffisants soient consacrés dès le départ à l’hypothèse d’un retour à la situation initiale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Menonville, rapporteur. C’est justement l’un des apports de la commission. Nous avons défini avec précision les notions de réversibilité et de remise en état initial des parcelles, et prévu le dépôt d’un fonds de garantie lors de l’installation des sites par les développeurs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 21 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéas 28 à 35
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 314-42. – Sauf disposition contraire du plan local d’urbanisme ou du document en tenant lieu, les installations agrivoltaïques sont autorisées dès lors qu’elles ne présentent pas de danger pour la sécurité des personnes et des biens et ne sont pas de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables. Toute demande d’autorisation est soumise à l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. La proposition de loi prévoit d’assimiler les installations agrivoltaïques à des constructions ou installations nécessaires à l’exploitation agricole, notion consacrée par le code de l’urbanisme et interprétée par la jurisprudence de manière à faciliter l’implantation du photovoltaïque sur les terrains agricoles.
Une telle assimilation nous semble trop extensive : la production agricole doit rester la principale activité de l’exploitation, par rapport à la production d’énergie.
Le présent amendement vise donc à supprimer les modifications apportées au code de l’urbanisme.
M. le président. L’amendement n° 68 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Pointereau, Mme Thomas, MM. Cambon, Somon et Anglars, Mmes Chauvin, Gosselin et Demas, M. Bacci, Mmes Belrhiti, Estrosi Sassone, Gruny et Joseph, MM. Genet et J.P. Vogel, Mmes Canayer et Lassarade, M. Chaize, Mme Imbert, MM. Milon et Darnaud, Mmes de Cidrac et L. Darcos, M. Burgoa, Mme Jacques, MM. Bouchet, Klinger, Belin et Brisson, Mme Noël, MM. Rietmann, Savary, Savin et Bas, Mme Ventalon, MM. Chatillon et Piednoir, Mme Berthet, M. Laménie et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéas 28 à 35
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 314-42. – Sauf disposition contraire du plan local d’urbanisme ou du document en tenant lieu et sauf avis contraire de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers mentionnée à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, les installations agrivoltaïques sont autorisées dès lors qu’elles ne présentent pas de danger pour la sécurité des personnes et des biens et ne sont pas de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux sites et paysages remarquables. Toute demande d’autorisation est soumise à l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers. »
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Étant donné qu’il y aura un avis des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), des comités régionaux de l’énergie et des CDPENAF, nous devons nous assurer de la cohérence entre les différentes strates de décision.
Monsieur le ministre, je vous rassure : nous serons, vous verrez, capables de faire de l’agrivoltaïsme en France !
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par M. Menonville, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Compléter cet alinéa par les mots :
et les mots : « du même article » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 111-4 du présent code »
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par M. Marchand, Mmes Schillinger et Havet, M. Buis et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 33, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Après l’alinéa 39
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les projets d’installations agrivoltaïques doivent être préalablement soumis pour avis conforme par l’autorité administrative compétente de l’État à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement est défendu.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Noël, M. Burgoa, Mme Puissat, M. D. Laurent, Mme Goy-Chavent, M. Savin, Mme Imbert, MM. Guerriau, Sol, Paccaud et Daubresse, Mmes Vermeillet, Dumont et Jacquemet, M. Milon, Mmes Lopez et Richer, M. Chatillon, Mmes M. Mercier, Loisier et Demas, MM. J.P. Vogel, Bouchet et Belin, Mmes Billon et Létard, MM. Cambon et Chaize, Mme Micouleau, MM. Tabarot et Babary, Mmes Lassarade, Di Folco et de Cidrac, MM. Allizard, Houpert, B. Fournier, Laménie, Pointereau, Charon, Le Gleut, Lefèvre et Bonhomme et Mme Gosselin.
L’amendement n° 32 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
L’amendement n° 43 rectifié bis est présenté par M. Longeot, Mme Ract-Madoux, MM. Kern et de Belenet, Mme Saint-Pé, MM. Canévet, Poadja et S. Demilly, Mme Perrot, MM. Cigolotti, P. Martin, Le Nay et Duffourg et Mmes Morin-Desailly et Dindar.
L’amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Marchand et Buis, Mme Schillinger, M. Lemoyne, Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 33, seconde phrase
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié bis.
M. Marc Laménie. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 32.
M. Daniel Salmon. Vous le savez, le monde agricole est inquiet, car des projets sont menés sans l’aval de la profession. L’agrivoltaïsme ne doit pas être synonyme de dépossession de l’outil de travail des agriculteurs. Nous devons leur apporter des garanties fortes. C’est pourquoi nous demandons un avis conforme de la CDPENAF. Cela nous semble de nature à rassurer la profession.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié bis.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à imposer un avis conforme de la CDPENAF, afin que le préfet soit contraint de respecter les choix issus de la concertation locale.
Le développement de l’agrivoltaïsme doit s’effectuer en concertation non seulement avec les agriculteurs, mais également – c’est très important ! – avec les collectivités, qui sont les garantes de l’acceptabilité sociale des projets.
Les CDPENAF sont des institutions parfaitement adaptées pour favoriser le dialogue local. Il convient de les conforter dans ce rôle.
On ne peut pas imposer aux agriculteurs et aux élus la présence sur leur territoire d’équipements auxquels ils seraient majoritairement opposés.
L’agrivoltaïsme, dispositif moderne par excellence, doit être accepté par le monde agricole. Nous atteindrons cet objectif en instaurant la confiance dans la durée, et non en alimentant des logiques d’opposition.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié.
Mme Patricia Schillinger. Il est défendu.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 48 rectifié bis est présenté par M. Chauvet, Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Chatillon, Calvet, Klinger, Duffourg, Lefèvre et Kern, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Détraigne, Guerriau et J.M. Arnaud, Mmes Dumont, Saint-Pé et Perrot, MM. Laménie, Longeot et Le Nay, Mme Gacquerre et M. Bonhomme.
L’amendement n° 54 rectifié ter est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Chauvin, M. Burgoa, Mme Noël, MM. Bascher, Anglars, Allizard, Savary, Charon, Bacci et Cambon, Mme Micouleau, MM. Favreau, Tabarot, Belin et Bouchet, Mmes Richer et Bonfanti-Dossat, M. Savin, Mme Garnier, MM. Bouloux et Somon, Mmes Gosselin, Di Folco et Lassarade et MM. Houllegatte, Pointereau, Sol, D. Laurent et Rojouan.
L’amendement n° 60 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet et de Nicolaÿ, Mme L. Darcos, M. Chaize, Mmes Deroche, Jacques, Thomas et Malet, MM. Mouiller et Piednoir, Mmes Gruny, M. Mercier, Schalck et de Cidrac, MM. Genet et Saury, Mmes Estrosi Sassone, Demas, Joseph et Ventalon, MM. J.B. Blanc et J.P. Vogel et Mme Berthet.
L’amendement n° 78 est présenté par M. Menonville, au nom de la commission.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 33, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, qui peut proposer aux collectivités territoriales, aux professionnels des secteurs de l’agriculture et de l’énergie et aux représentants de l’État d’élaborer une charte départementale non contraignante
La parole est à M. Patrick Chauvet, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié bis.
M. Patrick Chauvet. Cet amendement a pour objet de permettre l’élaboration de chartes départementales relatives à la mise en œuvre des projets agrivoltaïques.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 78 et pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
M. Franck Menonville, rapporteur. L’amendement n° 78 est défendu.
Les douze amendements en discussion commune tendent à modifier les autorisations d’urbanisme applicables aux projets d’installations agrivoltaïques.
La commission a estimé qu’il n’était pas souhaitable d’appliquer une autorisation de principe à de tels projets. C’est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur les amendements nos 69 rectifié et 68 rectifié. L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 50 rectifié.
Les amendements identiques nos 19 rectifié bis, 32, 43 rectifié bis et 49 prévoient un avis conforme de la CDPENAF sur les projets agrivoltaïques. Je le rappelle, en commission, nous avons renforcé la place de cette dernière. Et nous avons opté pour l’avis simple plutôt que pour l’avis conforme. Dans tous les cas, l’avis de la CDPENAF engage d’une certaine manière l’administration : il est très rare que celui-ci ne soit pas respecté par le préfet. L’avis conforme aurait surtout pour effet de déposséder les élus locaux, en particulier les maires, de leur pouvoir.
M. Jean-François Longeot. Ils siègent à la CDPENAF ! (Mme Anne-Catherine Loisier et M. Daniel Breuiller le confirment.)
M. Franck Menonville, rapporteur. L’important aujourd’hui, c’est d’abord de renforcer l’équilibre du texte et la capacité de dialogue territorial.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. Daniel Breuiller. Sagesse ? (Sourires.)
M. Franck Menonville. Nous préférons en rester à un avis défavorable.
En revanche, l’avis est évidemment favorable sur les amendements nos 48 rectifié bis et 60 rectifié bis, puisqu’ils sont identiques à notre amendement n° 78.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 69 rectifié et 68 rectifié, qui poseraient par ailleurs des problèmes juridiques.
Il est en revanche favorable à l’amendement n° 73, présenté par le rapporteur.
Les auteurs des autres amendements posent sous des formes différentes le problème de l’avis de la CDPENAF. Si tout le monde s’accorde sur la nécessité d’un tel avis, les divergences consistent à savoir s’il doit être simple ou conforme, et accompagné ou non d’une charte.
Le Gouvernement pense qu’un équilibre doit être recherché.
La présente proposition de loi vise à cadrer la définition de l’agrivoltaïsme et à répondre à la crainte, que je comprends, d’un certain nombre d’acteurs agricoles de voir se développer des projets « alibis » qui s’éloigneraient durablement ou définitivement du champ agricole.
L’avis conforme de la CDPENAF constituerait en ce sens une garantie forte. Mais ne négligeons pas le fait, rappelé par M. le rapporteur, que cela priverait une partie des acteurs locaux de leur capacité de dialogue.
Vous avez parlé de l’avis des collectivités et des agriculteurs, mais celui des citoyens compte également.
Il faut surtout parvenir à nouer un dialogue sur le déploiement de ces installations. L’avis de la CDPENAF est indispensable ; tout le monde en convient. Toutefois, si je perçois bien l’intérêt de l’avis conforme en termes de sécurisation des projets, faisons attention aux éventuels biais, notamment au risque de bloquer le débat.
M. Daniel Breuiller. Un avis conforme renforcerait plutôt l’acceptabilité !
M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur l’amendement n° 50 rectifié, ainsi que sur les amendements identiques nos 19 rectifié bis, 32, 43 rectifié bis et 49 rectifié.
Les amendements nos 48 rectifié bis, 60 rectifié bis et 78 tendent à combiner l’avis conforme de la CDPENAF et la charte. Si une charte peut avoir des vertus pour éviter l’avis conforme, le système devient vraiment complexe si l’on cumule les deux. En conséquence, nous sollicitons plutôt le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Faut-il accorder le dernier mot au monde agricole ou aux élus locaux ? Je l’avoue, le sujet est assez complexe, et nous nous interrogeons encore.
Je le rappelle, la CDPENAF est présidée par le préfet. Les élus locaux sont, certes, représentés dans cette commission, mais l’élu local directement concerné par le projet n’y siège pas nécessairement.
M. Daniel Breuiller. Il est invité !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je rappelle aussi que les élus locaux sont moins nombreux que les acteurs de l’agriculture ou de l’environnement, et que les maires sont moins nombreux que les élus intercommunaux ou départementaux. La voix des maires ruraux est donc moins forte que celle de tous les autres. Pardonnez-nous, mais c’est un élément de réflexion important pour le Sénat.
Je comprends par ailleurs que la profession agricole veuille s’exprimer sur l’évaluation du caractère agricole d’un projet photovoltaïque.
Je me range donc à l’avis du rapporteur, mais il est vrai que c’est un sujet de discussion entre nous. Dans tous les cas, il n’y a pas de drame.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Menonville, rapporteur. Monsieur le ministre, l’objectif de la charte est de réarmer le dispositif, mais dans le cadre d’un avis simple.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Dans ce cas, par parallélisme avec ce que j’ai indiqué à propos de l’avis conforme de la CDPENAF, j’émets un avis de sagesse sur les amendements nos 48 rectifié bis, 60 rectifié bis et 78.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Compte tenu des explications du rapporteur, de la présidente de la commission des affaires économiques et du ministre, je retire l’amendement n° 68 rectifié.
En revanche, monsieur le ministre, je vous confirme que ce n’était pas « ceinture et bretelles » : j’avais bien prévu un avis simple en cas d’application de la charte.
M. le président. L’amendement n° 68 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je crois qu’il faut soutenir le rapporteur.
La CDPENAF donnera un avis sur le caractère nécessaire à l’exploitation agricole des installations agrivoltaïques.
Certes, c’est le maire qui délivre les permis de construire. Mais si un bâtiment est reconnu comme nécessaire à l’exploitation agricole, le maire ne pourra pas refuser le permis, sauf raison très spécifique, comme un risque d’incendie.
Il faut dès lors s’attendre à un nombre important de contentieux. Nous aimons tous l’énergie renouvelable, à condition qu’elle soit implantée dans la commune voisine ! (Sourires.)
Je constate d’ailleurs souvent que la présentation d’un projet éolien dans une zone à forte densité de population – ce n’est pas le cas du département que je représente – suscite des réactions. Si vous installez des panneaux photovoltaïques au sol sur un hectare ou presque dans une petite commune, vous risquez d’avoir des situations conflictuelles, quand bien même l’installation serait compatible avec l’agriculture.
Permet-on ou non au maire de représenter ses habitants ? C’est finalement la question principale qui se pose, me semble-t-il. Étant plutôt démocrate, j’ai tendance à penser que le maire a le droit de faire valoir l’opposition de ses habitants au projet, même si un intérêt national est en jeu. C’est pourquoi je suis plutôt partisan de la formule assez mesurée de notre rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Les différents arguments évoqués sont pertinents, mais la voix réfléchie – la CDPENAF rend en effet son avis après des heures de débat – des acteurs du territoire me semble toujours préférable à celle de l’administration.
M. Gérard Longuet. C’est le préfet qui préside la CDPENAF.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Je vais maintenir mon amendement. Je suis assez surpris par certains raisonnements. On dit souvent que c’est la voix du préfet qui compte, pas celle de l’élu local.
La CDPENAF est, certes, présidée par le préfet, mais elle regroupe aussi des élus, les associations de maires et les chambres d’agriculture.
Pour répondre à l’argument de Gérard Longuet, si la décision vient de la CDPENAF, ce sera plus facile pour le maire en cas de contestation de sa population que s’il a décidé tout seul dans son coin.
La CDPENAF est une structure utile aux élus locaux. Lors de la discussion du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap), qui entendait la supprimer, j’étais d’ailleurs monté au créneau pour la défendre.
J’ai du mal à comprendre que l’on ne veuille pas solliciter l’avis de cette instance sur un tel sujet. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques manifeste son désaccord.) Le préfet sera obligé de suivre son avis.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Il est évoqué dans certains amendements une charte départementale. Un projet a été lancé dans mon département : c’est une bonne démarche, facilitatrice. Mais, si l’on veut progresser, il me semble que ces chartes ne doivent pas s’appliquer à un seul type de production d’énergies renouvelables.
En lien avec les objectifs définis à l’échelle nationale, nous devons adopter une approche globale du sujet et avancer sur toutes les énergies renouvelables à l’échelle du territoire départemental ou régional.
Nous en reparlerons sans doute lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Menonville, rapporteur. La commission a réarmé le texte en systématisant les avis de la CDPENAF.
Mais si l’on opte pour un avis conforme, on prive le maire de la localité directement concernée de son pouvoir d’arbitrage.
La CDPENAF a pour vocation première de vérifier que l’on se situe bien dans un projet d’agrivoltaïsme, c’est-à-dire un projet combinant les intérêts de l’agriculture et ceux du photovoltaïque.
De son côté, le maire se soucie d’urbanisme, de respect des paysages et d’aménagement du territoire, et je pense que nous ne devons pas le déposséder de ses attributions.
Par ailleurs, nous avons voulu conforter la concertation locale.
C’est pour toutes ces raisons que nous avons prévu un avis simple, tout en permettant l’élaboration de chartes départementales relatives à la mise en œuvre des projets agrivoltaïques. D’ailleurs, Mme Loisier a évoqué le sujet dans l’un de ses amendements antérieurs.
M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 69 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 69 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 73.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié bis, 32, 43 rectifié et 49 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié bis, 60 rectifié et 78.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié quater, présenté par M. Moga, Mme Ract-Madoux, MM. Levi, Kern et Louault, Mme Loisier, MM. de Belenet, Mizzon, S. Demilly, Duffourg et Canévet, Mmes Férat, Devésa, Billon et Létard, MM. Delahaye et Détraigne, Mme Saint-Pé, M. J.M. Arnaud, Mme de La Provôté, M. Pellevat, Mmes Thomas et Perrot, MM. Laménie et Belin, Mmes Garriaud-Maylam et Bonfanti-Dossat, MM. Le Nay et P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Lefèvre et Bonhomme et Mmes Guidez et N. Delattre, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 31
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 122-7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions de l’article L. 122-5 ne s’appliquent pas pour les installations agrivoltaïques répondant à la définition de l’article L. 314-36 du code de l’énergie.
« Toute opération d’installation de systèmes agrivoltaïques répondants à la définition de l’article L. 314-36 du code de l’énergie et bénéficiant d’une dérogation prévue à l’avant-dernier alinéa du présent article doit solliciter l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Cet amendement vise à permettre d’autoriser le développement de projets agrivoltaïques dans les zones couvertes par les dispositions spécifiques s’appliquant aux zones de montagne. Le texte de la proposition de loi n’évoque pas ce cas particulier.
Environ 5 000 communes sont concernées par ces dispositions spécifiques. Certaines d’entre elles présentent un profil qui devrait permettre d’installer de l’agrivoltaïsme.
Cet amendement vise à prévoir une exception au principe de l’urbanisation en continuité de l’urbanisation existante prévu à l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme. En contrepartie, il tend à obliger le développeur à solliciter l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent de créer, pour les installations agrivoltaïques, une dérogation à la règle de l’extension de l’urbanisation en continuité en zone de montagne.
Je n’y suis pas favorable, car une telle dérogation ne me semble pas suffisamment encadrée. Pour autant, je partage la volonté de développer de manière raisonnée l’agrivoltaïsme en montagne. Je crois que nous pourrons débattre de ce sujet dans le cadre de l’examen du projet de loi sur les énergies renouvelables.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Moga, l’amendement n° 23 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Moga. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié quater est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par M. Chauvet, Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Chatillon, Calvet, Klinger, Duffourg, Lefèvre et Kern, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Détraigne, Guerriau et J.M. Arnaud, Mme Dumont, M. Delahaye, Mme Perrot, MM. Laménie et Le Nay, Mme Gacquerre et M. Bonhomme.
L’amendement n° 51 rectifié ter est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Chauvin, MM. Pointereau et Allizard, Mme Noël, MM. Bas, Bascher et Bacci, Mme Micouleau, MM. Burgoa, Cabanel, Cadec, Cambon, Savary, Favreau, Tabarot, Belin et Bouchet, Mmes Richer et Bonfanti-Dossat, MM. Anglars et Savin, Mme Garnier, MM. Bouloux et Somon, Mmes Gosselin, Di Folco et Lassarade et MM. Charon, Sol, Houpert, D. Laurent et Rojouan.
L’amendement n° 57 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet et de Nicolaÿ, Mme L. Darcos, M. Chaize, Mmes Deroche, Jacques et Thomas, MM. Mouiller, Piednoir et Babary, Mmes Gruny, M. Mercier, Schalck et de Cidrac, MM. Genet et Saury, Mmes Estrosi Sassone, Demas et Ventalon, MM. J.B. Blanc et J.P. Vogel et Mme Berthet.
L’amendement n° 75 est présenté par M. Menonville, au nom de la commission.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 37
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
B bis - La deuxième phrase du 3° du I de l’article L. 222-1 du code de l’environnement est complétée par les mots : « et aux installations agrivoltaïques définies à l’article L. 314-36 du code de l’énergie ».
B ter – La seconde phrase du premier alinéa du 2° du II de l’article L. 229-26 du code de l’environnement est complétée par les mots : « et aux installations agrivoltaïques définies à l’article L. 314-36 du code de l’énergie ».
II. – Alinéa 38
1° Remplacer les mots :
et B
par les mots :
à B ter
et la seconde occurrence du mot :
ou
par le signe :
,
2° Après le mot :
territoriales
insérer les mots :
, L. 222-1 ou L. 229-26 du code de l’environnement
La parole est à M. Patrick Chauvet, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié bis.
M. Patrick Chauvet. Le présent amendement a pour objet d’intégrer des objectifs afférents aux installations agrivoltaïques dans les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) et les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), en plus de la PPE et des Sraddet, déjà visés en commission.
M. le président. L’amendement n° 51 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié bis.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement a été très bien défendu par Patrick Chauvet. J’insiste sur l’importance du dispositif que nous proposons.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Franck Menonville, rapporteur. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Avis défavorable.
Ces trois amendements identiques visent à préciser que les schémas régionaux climat-air-énergie francilien et corse et les PCAET incluent des objectifs afférents aux installations d’agrivoltaïsme.
Même si nous partageons l’esprit dans lequel s’inscrivent ces amendements, nous ne sommes pas favorables à la multiplication des objectifs et des sous-objectifs par filière tant dans la PPE que dans les documents locaux de planification.
En effet, il est important de conserver une certaine flexibilité pour atteindre les objectifs de mix énergétique qui sont nécessaires pour assurer notre sécurité.
Or des amendements de ce type risquent de rigidifier un peu le système. Je crois qu’il faut laisser les territoires se saisir de ces questions sans les contraindre de manière trop forte.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. La loi énergie-climat prévoit déjà que les plans nationaux et locaux contiennent des objectifs liés au photovoltaïque. Il s’agit donc d’un ajustement pour intégrer l’agrivoltaïsme dans certains de ces documents.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre raisonnement. Nous nous inscrivons dans un objectif global de décarbonation d’ici à 2050, ce qui suppose de développer les énergies renouvelables.
Par conséquent, dans le cadre des différents documents de planification – stratégie bas-carbone, PPE, etc. –, l’État va se doter d’objectifs qui devront être déclinés dans les territoires, notamment dans les schémas et plans évoqués dans les amendements et – je l’espère – dans les contrats de plan État-région.
Si nous voulons réussir, nous devons allier démarche descendante et démarche ascendante. Il faut que ces deux mouvements soient coordonnés. Cela passe nécessairement par une planification et par la contractualisation entre tous les acteurs pour que chacun sache ce qu’il doit faire.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, ces documents ne sont pas là pour compliquer les choses. Au contraire : ils sont facilitateurs ! Ils permettent de compiler les ambitions du territoire, notamment celles du monde agricole de produire de l’électricité à partir d’énergies renouvelables, en particulier du photovoltaïque.
Il serait dommage de se priver d’un tel outil, et je remercie le rapporteur de nous soutenir dans notre démarche. Nous devons accompagner les réalisations qui sont en train de se mettre en place sur le terrain. Cela implique de les inscrire dans les différents schémas et plans.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié bis, 57 rectifié bis et 75.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par M. Chauvet, Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Chatillon, Calvet, Klinger, Duffourg, Lefèvre et Kern, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Détraigne, Guerriau et J.M. Arnaud, Mmes Dumont et Saint-Pé, M. Delahaye, Mme Perrot, MM. Laménie, Longeot et Le Nay, Mme Gacquerre et M. Bonhomme.
L’amendement n° 53 rectifié ter est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Chauvin, M. Anglars, Mme Noël, M. Pointereau, Mme Micouleau, MM. Houpert, Sol, Bascher, M. Vallet, Bacci, Cambon, Burgoa, Savary, Favreau, Tabarot, Belin et Bouchet, Mmes Richer et Bonfanti-Dossat, M. Savin, Mme Garnier, MM. Bouloux et Somon, Mmes Gosselin, Di Folco et Lassarade et MM. Charon, D. Laurent, Allizard et Rojouan.
L’amendement n° 59 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet et de Nicolaÿ, Mme L. Darcos, M. Chaize, Mmes Deroche, Jacques, Thomas et Malet, MM. Mouiller et Piednoir, Mmes Gruny, M. Mercier, Schalck et de Cidrac, MM. Genet et Saury, Mmes Estrosi Sassone, Demas, Joseph et Ventalon, M. J.P. Vogel et Mme Berthet.
L’amendement n° 76 est présenté par M. Menonville, au nom de la commission.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 38
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au premier alinéa de l’article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime, après la première occurrence du mot : « agricole », sont insérés les mots : « , ainsi que les projets d’installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 du code de l’énergie, ».
La parole est à M. Patrick Chauvet, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié bis.
M. Patrick Chauvet. Le présent amendement a pour objet de soumettre tout projet d’installation agrivoltaïque à l’étude préalable en matière agricole prévue par l’article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié ter.
Mme Catherine Di Folco. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié bis.
M. Daniel Gremillet. L’amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 76.
M. Franck Menonville, rapporteur. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Les auteurs de ces amendements prévoient de soumettre tout projet d’installation agrivoltaïque à une étude préalable au titre de la compensation collective agricole.
Le dispositif de compensation impose une étude préalable à des projets ayant des conséquences négatives importantes sur l’économie agricole d’un territoire.
Or les installations agrivoltaïques constituent au contraire des installations rendant un service aux exploitations agricoles ; c’est l’esprit même de la proposition de loi. Elles n’ont donc pas vocation à entrer dans le cadre d’une compensation collective agricole, et elles le feront d’autant moins que la définition de l’agrivoltaïsme inscrite dans ce texte établira comme condition le maintien ou le développement d’une activité agricole.
Il me semble qu’il y a là une contradiction. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Franck Menonville, rapporteur. Ces amendements constituent un élément de réassurance permettant de sécuriser le projet agricole.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 rectifié bis, 53 rectifié ter, 59 rectifié bis et 76.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 12 rectifié bis est présenté par M. Chauvet, Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Morin-Desailly, MM. Chatillon, Calvet, Klinger, Duffourg et Lefèvre, Mme Guidez, M. Kern, Mmes Férat et Vermeillet, MM. Détraigne, Guerriau et J.M. Arnaud, Mmes Dumont et Saint-Pé, M. Delahaye, Mme Perrot, MM. Laménie, Longeot et Le Nay, Mme Gacquerre et M. Bonhomme.
L’amendement n° 52 rectifié ter est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Chauvin, M. Pointereau, Mme Noël, MM. Allizard, Bascher, Cambon et Bacci, Mme Micouleau, MM. Burgoa, Favreau, Anglars et Savary, Mme Ract-Madoux, MM. Tabarot, Belin et Bouchet, Mmes Richer et Bonfanti-Dossat, M. Savin, Mme Garnier, MM. Bouloux et Somon, Mmes Gosselin, Di Folco et Lassarade et MM. Houpert, Sol, Charon, D. Laurent et Rojouan.
L’amendement n° 58 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet et de Nicolaÿ, Mme L. Darcos, M. Chaize, Mmes Deroche, Jacques, Thomas et Malet, MM. Mouiller, Piednoir et Babary, Mmes Gruny, M. Mercier, Schalck et de Cidrac, MM. Genet et Saury, Mmes Estrosi Sassone, Demas, Joseph et Ventalon, MM. J.B. Blanc et J.P. Vogel et Mme Berthet.
L’amendement n° 74 est présenté par M. Menonville, au nom de la commission.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 38
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le II de l’article L. 131-3 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le suivi statistique des installations agrivoltaïques définies à l’article L. 314-36 du code de l’énergie. »
La parole est à M. Patrick Chauvet, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié bis.
M. Patrick Chauvet. Le présent amendement a pour objet de confier à l’Ademe le suivi statistique des installations agrivoltaïques à moyens et effectifs constants.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour présenter l’amendement n° 52 rectifié ter.
Mme Catherine Di Folco. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié bis.
M. Daniel Gremillet. L’amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 74.
M. Franck Menonville, rapporteur. Il est défendu. J’ajoute que ces amendements répondent à une question soulevée par M. Moga lors de la discussion générale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Nous demandons le retrait de ces amendements, qui visent à confier à l’Ademe le suivi statistique des installations agrivoltaïques.
Je peux partager cet objectif, mais il ne me semble pas nécessaire de l’inscrire dans la loi, d’autant qu’en faisant cela, l’on ouvrirait la voie à des demandes du même type, pas nécessairement illégitimes d’ailleurs, concernant d’autres installations d’énergie renouvelable, ce qui poserait clairement la question des moyens à affecter à une telle mission.
En fait, il est assez logique que l’Ademe suive ce sujet, ce qui me fait dire que ces amendements sont satisfaits. Pour autant, nul besoin d’une telle mention dans la loi !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié bis, 52 rectifié ter, 58 rectifié bis et 74.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Redon-Sarrazy, Mme Blatrix Contat, MM. Montaugé et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Tissot, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport formulant des recommandations garantissant un cadre de médiation s’assurant d’une sécurisation du revenu des exploitants agricoles lorsqu’un projet agrivoltaïque implique des relations tripartites entre exploitants agricoles, propriétaires fonciers et investisseurs. Ce rapport intègre dans sa réflexion la charte de bonnes pratiques sur le photovoltaïque signée en janvier 2021 par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, les chambres d’agriculture et EDF Renouvelables.
Ce rapport formule également des recommandations en matière de relations et de transmission de l’information entre les communes et leurs groupements lorsqu’un projet se concrétise sur un territoire, ainsi qu’en matière de répartition de la fiscalité induite par ces projets, telle que prévue au 9° du I de l’article L. 1379 du code général des impôts.
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement d’appel vise à demander la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement sur deux problématiques importantes qui ne peuvent pas être traitées au détour de la présente proposition de loi.
La première est la nécessité d’anticiper au mieux les situations dans lesquelles un projet impliquerait plusieurs acteurs, à savoir un exploitant agricole, un propriétaire foncier agricole et un porteur de projet d’énergie solaire.
Tout au long des débats, nous avons voulu mettre en avant la nécessité de préserver les agriculteurs et de ne pas détourner les terres agricoles de leur vocation première. En conséquence, aucun projet ne doit pouvoir être mené sans concertation ni accord de toutes les parties prenantes.
De plus, il faut nécessairement que la répartition de la valeur ajoutée induite par la mise en place d’une installation photovoltaïque se répercute à la hauteur des efforts consentis par toutes les parties prenantes, plus particulièrement par l’exploitant agricole qui y sera confronté au quotidien.
Actuellement, des chartes de bonnes pratiques existent pour réguler les relations et encourager la complémentarité entre agriculture et production photovoltaïque. Il faudrait en tirer un bilan et, en fonction de celui-ci, voir si elles ne peuvent pas être généralisées.
La deuxième problématique que nous souhaitons aborder concerne les relations entre les communes et leurs groupements lors de l’émergence d’un projet sur un territoire. Nous souhaitons que tous les échelons, particulièrement les communes, soient toujours associés et informés au préalable.
Par ailleurs, le sujet qui nous occupe aujourd’hui nous renvoie nécessairement à des questions financières, en particulier celle de la répartition de la fraction de la composante de l’Ifer. C’est un sujet central qui captera sans aucun doute l’attention sur le terrain. Il faudra nécessairement veiller à une juste répartition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. J’entends l’appel lancé par M. Redon-Sarrazy, et je partage son sentiment sur l’importance du sujet.
Pour autant, une telle demande de rapport est très large et excède assez nettement le cadre de la présente proposition de loi.
C’est pourquoi le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Redon-Sarrazy, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. Christian Redon-Sarrazy. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.
Je mets aux voix l’article unique, modifié.
(L’article unique est adopté.)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après le mot :
développement
insérer le mot :
raisonné
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Le présent amendement vise à modifier l’intitulé de la proposition de loi, dont l’objectif est de favoriser le développement de l’agrivoltaïsme de manière encadrée, volonté que nous partageons tous. L’intitulé serait donc ainsi libellé : « proposition de loi en faveur du développement raisonné de l’agrivoltaïsme ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Franck Menonville, rapporteur. Une telle modification correspond bien à l’esprit qui a présidé à nos travaux. En accord avec Jean-Pierre Decool, auteur du texte, la commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. L’auteur de la proposition de loi étant favorable à cet amendement, nous le sommes aussi !
M. le président. En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi est ainsi libellé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La position du groupe GEST est constante : sobriété, efficacité et décarbonation par le biais des énergies renouvelables.
L’agrivoltaïsme est un élément incontournable pour atteindre les objectifs de la PPE.
Toutefois, nous entendons pleinement les inquiétudes de nombre d’agriculteurs, inquiétudes qui se cristallisent autour de plusieurs questions : l’accès au foncier, les dangers de la spéculation ou encore les risques sur la transmission. Il nous faut donc apporter plus de garanties.
Comme nous l’avons déjà indiqué, cette proposition de loi va dans le bon sens, mais elle manque encore de garde-fous et je dirais même de garde-spéculateurs…
Nous organisons demain au Sénat un colloque consacré à l’agrivoltaïsme. Nous espérons trouver de nouvelles mesures pour mieux encadrer son développement. Nous aurons donc l’occasion lors du prochain texte sur les énergies renouvelables d’apporter de nouveaux éléments.
Nous devons aller dans le sens du développement de l’agrivoltaïsme, mais avec plus de garanties. C’est pourquoi le groupe GEST s’abstiendra sur cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je voudrais remercier notre rapporteur du travail qu’il a réalisé et des pistes qu’il a ouvertes.
Monsieur le ministre, vous avez, me semble-t-il, entendu les messages que le Sénat voulait faire passer aujourd’hui, en particulier sur les ambitions du monde agricole pour produire et fournir de l’énergie. Ils plantent un décor que nous retrouverons naturellement à l’occasion du prochain examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Il me semble, monsieur le ministre, que vous avez évacué un peu trop vite la question des bâtiments. Or je peux vous assurer que c’est un sujet important. Ayons le courage de l’aborder et de lui apporter des réponses concrètes !
Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Moga. Le groupe Union Centriste regrette que nombre de ses amendements n’aient pas pu enrichir le texte, la commission ayant souvent émis des demandes de retrait ou des avis défavorables.
Néanmoins, dans la mesure où la proposition de loi garantit la protection des intérêts agricoles tout en permettant la production d’électricité par le développement d’un agrivoltaïsme respectueux de l’environnement, la grande majorité de notre groupe votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. Je remercie le rapporteur des avancées qui ont été apportées sur un certain nombre de sujets.
Toutefois, nous avons pointé des interrogations qui – je dois le dire – sont largement partagées dans le monde agricole, au sein de la population et parmi les élus.
Malheureusement, nous n’avons guère obtenu de réponses. J’ai l’impression que nous avons plus ouvert un chantier que trouvé des solutions, si bien que le problème reste entier, en particulier s’agissant du renouvellement générationnel, du maintien de notre souveraineté alimentaire ou encore du devenir de certains territoires qui seront davantage la cible de projets que d’autres.
Pour ces raisons, la grande majorité du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra sur cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 10 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 254 |
Pour l’adoption | 251 |
Contre | 3 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Je voudrais remercier la présidente de la commission des affaires économiques, le rapporteur, l’auteur de cette proposition de loi et l’ensemble des sénateurs qui sont intervenus dans ce débat.
Monsieur Redon-Sarrazy, vous disiez que, si nous avions ouvert un débat, nous n’avions pas vraiment avancé. Je crois que ce n’est pas le cas : nous avons avancé vers la fixation d’un cadre qui nous permettra de répondre à certaines questions.
Monsieur Gremillet, ne croyez pas que je ne défends pas l’agrivoltaïsme sur les toitures. Nous avons besoin, je le dis en tant qu’élu local comme en tant que ministre, de consolidation sur les zones artificialisées – c’est bien la priorité du Gouvernement – et de développement de l’agrivoltaïsme sur les terrains agricoles. Nous devrons simplement trouver un équilibre ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
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Meilleure valorisation de certaines externalités positives de la forêt
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la discussion de la proposition de loi visant à mieux valoriser certaines des externalités positives de la forêt, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 867 [2021-2022], texte de la commission n° 37, rapport n° 36).
Dans la discussion générale, la parole est Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi.
Mme Vanina Paoli-Gagin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps de la forêt nous oblige à placer la réflexion sur une autre échelle que la nôtre et à sortir des schémas habituels. Ce soir, nous devons travailler en conscience de l’urgence du long terme, pour reprendre l’expression d’Étienne Klein.
La forêt doit s’adapter plus rapidement aux changements que le climat déréglé lui impose. Tant qu’elle évolue, elle est vivante. Sera-t-elle assez rapide pour lutter contre les maux qui l’attaquent ? Nous proposons, avec cette proposition de loi, d’amorcer une réflexion différente et d’apporter une première réponse, certes partielle, mais opérationnelle, à cet enjeu.
Mes premiers remerciements vont à notre collègue Anne-Catherine Loisier, dont l’expertise et les conseils avisés ont fortement contribué au calage de ce texte.
Je remercie aussi notre rapporteur et les membres de la commission des finances, dont je salue le vote très largement favorable à cette initiative.
Nous sommes tous d’accord : la forêt apporte des bienfaits inestimables à notre environnement.
Seules certaines de ses externalités positives sont visées dans l’exposé des motifs. Bien entendu, j’ai pensé à la captation du carbone, à la contribution à la préservation de notre biodiversité ou encore à l’amélioration de la qualité de l’eau via le filtrage naturel qu’assure la forêt.
Au-delà, la forêt est essentielle : lutte contre l’érosion des sols ou leur déstabilisation ; amélioration de la qualité de l’air ; effet positif produit sur notre santé physique et mentale.
Partant, agir efficacement pour accompagner la forêt devient une priorité pour notre pays. De ce chef, sa gestion durable est primordiale.
Nous avons eu de nombreux échanges avec des acteurs clefs de la forêt et de ses filières amont et aval. Pour ma part, j’en ai également eu en ma qualité de présidente des communes forestières de l’Aube. Ce qui ressort de ces entretiens, c’est la complexité à embrasser et à traiter le sujet : c’est logique à l’aune des multifonctionnalités de la forêt.
Ce texte est comme la première pierre de l’édifice qu’il nous faut bâtir ensemble : une première étape que nous avons choisi de cibler sur les forêts communales, parce que nous sommes ici, au Sénat, les représentants des territoires.
Un tel fléchage était important à plusieurs égards.
D’abord, parce que le manque de moyens de la plupart des communes rurales est un fait.
Ensuite, parce que nous avons voulu notre dispositif incitatif en ce qu’il pose comme prérequis le régime forestier, assurant la sanctuarisation des forêts publiques et permettant une gestion planifiée.
En outre, car je crois beaucoup à l’alliance public-privé dans des causes aussi justes que cet impératif de gestion durable. C’est important dans la société dans laquelle nous vivons et aspirons à nous définir.
Enfin, parce que c’est, pensons-nous, une attente de nos concitoyens. Les événements récents, notamment les feux de forêt, qui ont ravagé près de 65 000 hectares cet été, ont suscité, à juste titre, de vives émotions. Les citoyens s’engagent, veulent participer à l’amélioration de leur environnement. Ils le prouvent en faisant des dons à des associations. Autant qu’ils puissent le faire, plus directement, auprès de leurs communes forestières, syndicats et groupements forestiers. Qu’ils le fassent en faveur de leur forêt de résidence ou de cœur, contribuant ainsi au financement du rachat de parcelles, de replantations, d’aménagements d’accès, etc.
Les maires et acteurs auditionnés ont montré leur enthousiasme pour les mécanismes de dons par des personnes physiques et morales proposés aux articles 1er et 2 du texte. Certains nous ont confié qu’ils attendaient, de longue date, un tel dispositif. Preuve en est, s’il le fallait, de l’utilité de notre démarche.
Nous apportons un supplément de clarté juridique, afin de lever tout flou et de permettre une pleine application de la loi au bénéfice des forêts communales. Si nul n’est censé ignorer la loi, vous conviendrez avec moi que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». La loi doit être simple, précise et applicable. C’est le rôle qui nous échoit, à nous, législateurs.
D’autres points requièrent notre attention. Il en est ainsi de la démarche éviter-réduire-compenser, que l’on pourrait réordonnancer en compenser-éviter-réduire, car l’urgence le commande. Des travaux sont en cours à l’échelon européen. Nous devons prendre part à ce débat.
Chacun doit se sentir concerné et disposer de moyens d’action. C’est en tout cas la vision que nous partageons au sein du groupe Les Indépendants. Nous pensons l’écologie libérale, où les forces en présence dégagent des solutions de progrès, n’opposant pas environnement, société et économie. Nous souhaitons, par notre approche holistique, tracer le chemin d’un possible pour les générations suivantes.
Pour contribuer à cet équilibre de la forêt, nous vous invitons, mes chers collègues, à participer à l’examen des articles du texte lorsqu’il aura lieu. Nous sommes à l’orée d’un champ de travail immense qui reste à labourer pour offrir un cadre d’évolution plus résilient à notre forêt communale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Vincent Segouin, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient ce soir d’examiner la proposition de loi de notre collègue Vanina Paoli-Gagin visant à mieux valoriser certaines des externalités positives de la forêt.
Déposée par le groupe Les Indépendants, ce texte a été examiné dans les conditions du gentleman’s agreement, en bonne entente avec son auteur. Il devait en être ainsi, car cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte lourd, que nous connaissons tous : l’augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes et des incendies qui y sont associés, ainsi que la crise sanitaire due aux scolytes.
Si cette gestion durable ne constitue pas la garantie d’une défense absolue contre tous les dangers qui assaillent une forêt, par définition vulnérable, elle permet de les contenir.
Havre de biodiversité et puits de carbone, la forêt constitue un bien qui n’est pas estimé à sa juste valeur par le marché. La proposition de loi vise ainsi à mieux valoriser certaines de ses externalités positives en incitant, par une réduction d’impôt, les particuliers et les entreprises à donner aux communes et syndicats forestiers pour financer certaines des opérations de gestion de leur forêt. Elle concerne donc à la fois une part importante de la forêt française, les forêts communales représentant près de 15 % de la surface forestière de France métropolitaine, et une part modeste, puisqu’elle ne permet pas de soutenir la gestion de la forêt guyanaise, vaste de 8,3 millions d’hectares, mais principalement domaniale, donc relevant de l’État.
Nul doute toutefois que la présente proposition de loi va dans le bon sens et apporte une pierre nécessaire à l’édifice. L’ensemble des questions soulevées par la gestion de la forêt nécessiterait sans doute à l’avenir une grande loi sur le sujet. Mais si l’on peut, en attendant, pousser les particuliers et les entreprises à réaffirmer par le mécénat le lien qu’ils entretiennent avec leur commune et avec leur forêt, on aura fait œuvre utile. C’est le sens de la proposition de loi.
Avant d’entrer dans l’examen du texte, j’aimerais rappeler brièvement comment sont gérées les forêts communales et comment est financée cette gestion.
Les forêts communales représentent 2,8 millions d’hectares sur les 17 millions que constitue la forêt métropolitaine française. Elles sont gérées, lorsque la loi est bien appliquée, dans le cadre du régime forestier. Celui-ci définit les grandes règles qui visent à assurer la conservation et la mise en valeur de ce patrimoine.
Sa mise en œuvre est confiée à un opérateur unique, l’Office national des forêts (ONF), qui est chargé de garantir une gestion durable et multifonctionnelle de la forêt : économique, par la vente de bois ; écologique, notamment par la préservation de la biodiversité ; sociale, par l’accueil du public.
Ce régime repose sur un financement commun des communes et de l’État.
D’une part, les communes versent à l’ONF des frais de garderie, ainsi qu’une contribution annuelle de 2 euros par hectare de terrain relevant du régime forestier.
D’autre part, l’État octroie un versement compensateur, qui vise à couvrir la différence entre le coût pour l’ONF et les contributions des communes.
Le surcoût des actions d’aménagement excédant celles qui sont prévues par le régime forestier est assumé par les communes sur leurs ressources propres, avec le soutien éventuel d’autres collectivités ou de l’État.
Si certaines communes parviennent à se ménager des recettes substantielles, qui vont de pair avec des essences productrices et une culture forestière historique – on peut ici penser aux communes des Landes –, il faut avoir en tête que la gestion d’une forêt n’est pas toujours rentable, tant s’en faut, en particulier lorsque les surfaces sont plus petites et les essences moins productrices, comme en Bretagne ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Sur ce tableau de la forêt française vient s’ajouter la crise des scolytes. Elle a entraîné une chute des recettes forestières des communes au moment où elles en ont le plus besoin. On comprend alors que les Assises de la forêt et du bois aient mis en évidence, au mois de mars dernier, le besoin de financements supplémentaires.
Cette proposition de loi arrive ainsi à point nommé.
Elle vise à appliquer la réduction d’impôt au titre du mécénat des particuliers et des entreprises aux dons versés aux communes, syndicats intercommunaux de gestion forestière, syndicats mixtes de gestion forestière et groupements syndicaux forestiers, pour l’entretien, la reconstitution ou le renouvellement des bois et forêts présentant des garanties de gestion durable. Seraient également éligibles à la réduction d’impôt les dons venant financer l’acquisition des parcelles dont la gestion n’est pas nécessairement durable, mais a vocation à le devenir. Cela permettrait aux communes d’acquérir des forêts parfois laissées à l’abandon.
Par anticipation sur la discussion des amendements, je rappelle ici que l’entretien des forêts participe à la prévention et, finalement, à la lutte contre les incendies.
Si le dispositif prévu par cette proposition de loi paraît en partie satisfait, il est, dans les faits, peu utilisé. Il est peu ou pas connu des particuliers et des entreprises, qui préfèrent donner à des fonds de dotation bénéficiant d’une meilleure visibilité. De même, les communes forestières qui disposent de peu de moyens juridiques ne sont probablement pas en état de saisir que les opérations de gestion forestière qu’elles mènent sont susceptibles d’être financées par des dons éligibles à une réduction d’impôt.
La mise sur pied d’un système de financement pouvant s’appuyer sur ces dons serait d’ailleurs lourde et incertaine. Supposant le recours au rescrit fiscal, elle dépendrait alors de l’interprétation casuistique de l’administration fiscale. De ce point de vue, le texte présente une réelle utilité.
Avant d’en terminer, je souhaite lever tout malentendu quant à l’objectif. Il ne s’agit en aucun cas de mettre en place une « privatisation rampante» de la forêt, comme j’ai pu l’entendre ici ou là. La proposition de loi s’attache simplement à soutenir l’action des communes forestières, qui, pour certaines d’entre elles, peuvent se trouver financièrement en difficulté à l’heure où la gestion durable de la forêt constitue un défi sans précédent. Le cœur du financement de cette compétence doit demeurer une combinaison entre les contributions de la commune et le versement compensateur de l’État. En revanche, si les particuliers et les entreprises peuvent « mettre la main à la pâte » et contribuer davantage à la bonne gestion de la forêt, s’ils peuvent ainsi, modestement, ici éviter un incendie, là ralentir la propagation d’un parasite, il faut l’encourager.
Cette proposition de loi n’est pas le « grand soir » de la forêt, mais, je le répète, si l’on peut pousser les particuliers et les entreprises à réaffirmer par le mécénat le lien qu’ils entretiennent avec leur commune et avec leur forêt, on aura fait œuvre utile.
La commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi, sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires, s’inscrit dans un contexte particulier, après un été marqué par des incendies dévastateurs.
De tels événements, conjugués à d’autres phénomènes climatiques d’une intensité inédite ou encore à la crise sanitaire due aux scolytes, mettent en lumière les défis importants qu’il nous faut relever pour mieux gérer et préserver ce bien unique qu’est notre forêt. Unique, parce qu’il s’agit non seulement d’un élément constitutif de notre patrimoine, mais aussi parce que la forêt, comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi, est porteuse d’externalités positives.
Je pense en premier lieu à la captation de carbone, qui constitue un atout extraordinaire pour accélérer la transition écologique et lutter contre le changement climatique.
Je pense également à la préservation ou à la restauration de notre biodiversité que permettent nos forêts et leurs sols.
Je pense aussi, et c’est un aspect sans doute moins évoqué, mais tout aussi essentiel, à l’apport de la forêt dans le domaine de l’eau, élément majeur de notre souveraineté alimentaire. La forêt est ainsi utile au filtrage et à la lutte contre les inondations.
J’ajoute enfin que la forêt constitue un secteur économique à part entière, employeur de premier plan, à travers la filière forêt-bois-biomasse, qui est créatrice de richesses et source d’innovations. D’une certaine façon, elle permet aux Français, sur un même arbre, et tout en addition, de construire, de se chauffer ou de produire de l’électricité.
Dans cet esprit, afin de construire une vision ambitieuse et partagée pour la forêt française de 2030, le Gouvernement a lancé voilà un an les Assises de la forêt et du bois. Vous en connaissez les tenants et les aboutissants. Avant ces assises, le Gouvernement a installé un certain nombre de chantiers concrets. Je pense au renouvellement forestier à travers le plan de relance, poursuivi par France 2030. Ces moyens avaient manqué depuis des années. Nous pouvons désormais faire face.
Votre proposition de loi, madame la sénatrice, s’inscrit dans cet esprit. Vous en préconisez de renforcer les capacités financières des collectivités propriétaires de forêts, qui représentent 10 % de la forêt française, afin de les aider à répondre à ces défis, par la mobilisation de dons.
Je voudrais le dire de la manière la plus claire qui soit : il ne s’agit ni dans notre esprit ni dans le vôtre de substituer des financements privés à des financements publics, qui demeurent nécessaires.
Il nous semble au contraire que les deux sont complémentaires, comme M. le rapporteur vient de le dire. Nous saluons l’idée de financements de proximité, par des citoyens ou des entreprises qui reconnaissent les externalités positives de leur territoire. C’est bien l’enjeu de ce texte.
Je me dois naturellement de souligner que ce débat devrait plutôt relever d’un projet de loi de finances. Mais c’est aussi l’intérêt de l’initiative parlementaire que d’ouvrir un débat pour faire avancer un sujet, puis d’essayer de le faire cheminer dans d’autres enceintes, à l’occasion de l’examen d’autres textes, afin qu’il puisse prospérer.
Je tiens à saluer le travail du Sénat, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la sénatrice Vanina Paoli-Gagin et du rapporteur Vincent Segouin.
Je tiens également à souligner le lien qui est fait, à l’issue des travaux de la commission, avec les documents de gestion durable prévus par le code forestier. Il s’agit effectivement de la pierre angulaire de la politique forestière nationale, dans le contexte du changement climatique et pour faire face au risque grandissant des incendies. Je sais le Sénat particulièrement mobilisé sur cette question.
La rédaction choisie permet de répondre avec cohérence aux attentes légitimes de garantie d’une gestion durable et multifonctionnelle.
Par ailleurs, la condition est remplie pour les forêts publiques relevant déjà du régime forestier et d’une gestion par l’ONF. Il faut qu’elle le soit pour les forêts publiques, qui devraient relever du régime forestier et qui n’y sont pas encore.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement accueille votre proposition de loi avec bienveillance et s’en remettra à la sagesse du Sénat.
Je tiens enfin à insister devant vous sur l’engagement du Président de la République et de la Première ministre. Je pense au déploiement des Assises de la forêt et du bois, qui doit être notre perspective, mais aussi au grand chantier national de la reconstruction d’un certain nombre de forêts détruites par les incendies, qui va débuter.
Nous avons un intérêt collectif à expliquer ce que signifie gérer durablement la forêt et les sols forestiers. La forêt est un trésor à bien des égards : biomasse, ressources, biodiversité, services écosystémiques, mais aussi carbone. C’est un potentiel économique que nous devons restaurer. C’est aussi une matière première inscrite dans une filière productive.
Pour terminer, je résumerai ainsi les grands défis devant nous.
Il nous faut d’abord protéger et défendre la forêt contre l’incendie et inculquer cette culture du risque à tous les territoires forestiers, puisque ce risque, désormais, si vous me permettez cette expression, « monte en latitude ».
À cet égard, je salue l’engagement des acteurs de la défense de la forêt contre l’incendie, notamment les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), ainsi que le travail du Sénat, qui a lancé au mois de mai 2022 une mission d’information sur les feux de forêt, menée par les sénateurs Anne-Catherine Loisier, Jean Bacci, Pascal Martin, et Olivier Rietmann sur les feux de forêt.
Adopté le 3 août dernier par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques, le rapport formule soixante-dix recommandations, regroupées en huit axes, qui alimenteront nos politiques publiques.
Il faut ensuite adapter notre gestion au changement climatique, car la forêt brûle aussi à petit feu, sécheresse après sécheresse, attaque après attaque. Les mesures de renouvellement forestier de France Relance et, à présent, de France 2030 visent à accompagner ces transitions sur le long terme et de façon pérenne.
Il faut enfin l’adosser à des filières résilientes, compétitives et rentables. Le secteur devra faire face à plusieurs enjeux : évoluer et s’adapter à la nouvelle donne des marchés, notamment de l’énergie, dans une vision de long terme, afin de contribuer à la décarbonation de notre économie. Il doit gagner en agilité dans son adaptation aux conditions du marché et de la demande, intégrer les fluctuations de récoltes liées aux impacts des aléas, comme les tempêtes, les incendies, les dépérissements, et adapter les essences aux besoins des massifs forestiers français. Il faut développer enfin ses capacités de transformation et de production de produits plus innovants pour lesquels la demande existe, au regard des tendances de marché, et à plus forte valeur ajoutée, pour décarboner notre économie, notamment dans la construction.
La planification est indispensable pour repenser l’écosystème forestier et fonder une politique forestière efficace. C’est d’autant plus fondamental dans ce contexte de rapide transformation et de changement climatique, où la plupart de nos référentiels techniques sont remis en cause. Je vous remercie de cette proposition de loi, qui permet de tracer un chemin sur l’un des volets de la politique forestière. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le texte présenté par notre collègue Vanina Paoli-Gagin dans un contexte où les conséquences du changement climatique sur la gestion des forêts sont de plus en plus perceptibles par l’opinion publique.
Je ne reviendrai pas sur les feux de forêt qui ont rythmé les actualités de notre pays tout au long de la période estivale, mais il est important de noter que nous sommes, sans mauvais jeu de mots, dans une actualité brûlante en la matière.
Des Cévennes aux Bouches-du-Rhône en passant par la Gironde, des feux importants, considérés par la communauté scientifique comme des « mégafeux », ont détruit plus de 11 000 hectares de forêt cet été. À l’échelon mondial, les prévisions de l’ONU, comme celles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), ne sont guère plus optimistes.
Ces incendies ont des conséquences importantes, dans la mesure où ils entraînent la disparition de plusieurs espèces animales et végétales. L’exemple australien est révélateur : les « mégafeux » de brousse de 2020 auraient causé la disparition de milliards d’animaux domestiques et sauvages, ainsi que de 832 espèces différentes.
Cette proposition de loi, qui a trait au régime des dons octroyés à des communes ou établissements publics de coopération intercommunale dans le cadre de la gestion de la forêt, s’insère donc dans un moment décisif. Elle vise ainsi, par un accroissement des dons, à mieux financer l’entretien de la forêt publique, qui représente – rappelons-le – seulement un quart environ de la forêt française.
Plusieurs remarques me viennent à la lecture du texte.
Tout d’abord, le ciblage nous paraît très largement imparfait par rapport à l’ambition développée dans l’intitulé et dans l’exposé des motifs.
Ensuite, le texte vise à faire supporter le financement de l’action publique par les dons, et non par la puissance publique. Je reviendrai plus longuement par la suite sur les raisons qui me poussent à penser que cela n’est pas la bonne doctrine.
Enfin, la réduction d’impôt, qui est le véhicule fiscal utilisé, est génératrice d’inégalités, car elle n’est, par construction, ouverte qu’aux personnes qui s’acquittent de l’impôt en question. Cela n’est pas sans soulever des interrogations sur l’article 1er du texte. (Mme Anne-Catherine Loisier manifeste son désaccord.)
Cette proposition de loi intervient à un moment où la forêt française est à la croisée des chemins, comme l’a été l’agriculture dans les années 1950. Nous allons devoir collectivement prendre des décisions. Dans les années à venir, il va falloir choisir entre un modèle industriel d’exploitation et un modèle pérenne de sylviculture douce qui respecte la multifonctionnalité des forêts.
Alors que nous n’avons de cesse de parler de décarbonation de notre économie afin de baisser nos émissions de CO2, il n’est pas inutile de rappeler que les arbres séquestrent et stockent du carbone grâce à la photosynthèse, et libèrent en retour de l’oxygène. En un an, un arbre peut absorber entre 10 et 20 kilogrammes de CO2.
Au-delà de la fonction écologique, c’est aussi la fonction sociale de la forêt qui doit être mise en exergue, car nos forêts accueillent chaque année près de 700 millions de visites.
Pour protéger ces vecteurs sociaux et écologiques, il faut un État fort et présent.
Or la situation de l’ONF est plutôt révélatrice du désengagement de l’État en la matière. En vingt ans, cet organisme a connu près de 5 000 suppressions de postes. Et il semble que le mouvement soit bien parti pour durer, le Gouvernement ayant décidé l’an dernier de supprimer 500 emplois supplémentaires sur cinq ans. De fait, en 2025, l’ONF comptera 8 000 fonctionnaires, contre 16 000 en 1986.
De telles suppressions sont un non-sens, car le dérèglement climatique et le dépérissement des forêts vont nécessiter de plus en plus de travail, comme le suivi sanitaire et le renouvellement des peuplements forestiers.
Derrière ces suppressions de postes se cache aussi un malaise bien plus profond et dramatique chez ceux qui, par leur passion, entretiennent et protègent nos forêts.
Entre 2005 et 2020, cinquante et un agents de l’ONF ont mis fin à leurs jours. Ce taux est deux fois plus élevé que dans le reste de la population française. Le malaise est révélateur de l’état de la profession. Les suicides ne peuvent pas s’expliquer par la seule solitude du forestier isolé dans les bois.
La profession a le sentiment que la mutation dont elle fait l’objet l’aliène. En ce sens, l’évolution de la sémantique est éloquente : le terme de « garde forestier » a été remplacé par celui d’« agent patrimonial ». À la base, les gardes forestiers étaient là pour garder la forêt, afin de tout gérer de manière généraliste sur un territoire donné.
Désormais, l’agent patrimonial est spécialisé sur le terrain, divisé, branche par branche, et soumis à l’objectif permanent de rendement. C’est précisément cela qui crée une perte d’identité significative.
C’est donc cette logique comptable, poussant au demeurant éternellement aux rendements toujours plus considérables et à la financiarisation de l’exploitation forestière, qui est permise par une ouverture toujours plus grande aux entités privées dans ce domaine pourtant commun.
Pour conclure, bien que le sujet, ainsi que le principe qui le sous-tend semblent bons, je déplore le manque d’ambition de la proposition de loi, dans la mesure où le texte se cantonne à une part réduite de la forêt française et ne retient pour seul mécanisme que la réduction fiscale. Réduction qui s’inscrit dans un contexte où le Gouvernement organise perpétuellement l’attrition des finances publiques.
Le désarmement fiscal ne saurait être une réponse satisfaisante aux limites de financement des politiques publiques, quand celles-ci devraient investir massivement dans certains pans de la société.
Pour toutes ces raisons, et en dépit d’une initiative bienvenue, le groupe SER votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous parlons cet après-midi de la forêt. La forêt, en l’an 500 de notre ère, représentait 46 % du territoire contre 31 % aujourd’hui, avec ses 16,9 millions d’hectares en France métropolitaine. La déforestation est à l’œuvre en France, même si le patrimoine forestier est davantage préservé qu’ailleurs sur la planète. Il a été préservé, entre 1990 et 2020, par la régénération naturelle. Mais l’intervention humaine est défaillante dans la sauvegarde de nos forêts, qu’elles soient en plantation ou plus anciennes.
Cet inquiétant phénomène s’est renforcé sur la période récente. Le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) estime l’évolution de l’occupation des sols par de la forêt à 5 % entre 1990 et 2019, contre seulement 1 % entre 2010 et 2019.
La situation est paradoxale. Dans son dernier rapport annuel, le Haut Conseil pour le climat relève que « la dégradation significative de la capacité des forêts à capter du carbone a réduit les absorptions de CO2 de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) à leur niveau de 1990 ». En 2017, la capacité d’absorption des puits de carbone s’est effondrée entre 3 % et 4 %, soit trois fois moins qu’en 2005. On recule à une telle allure que l’objectif de 9 % en 2020 est caduc, et celui de 13 % en 2030 est hors d’atteinte. Le législateur est dès lors bien fondé à intervenir pour enrayer ce phénomène annonciateur d’un désastre climatique. La proposition de loi que vous nous soumettez entendait, avant son passage en commission, se focaliser sur les communes forestières, soit à 15 % des hectares forestiers.
Il n’y a rien dans ce texte sur les forêts domaniales ni, plus grave, sur les forêts privées, qui représentent les trois quarts du domaine forestier français.
Nous voterons contre ce texte, qui s’inscrit dans la plus stricte idéologie néolibérale, sans aucune solution nouvelle.
L’exposé des motifs a le mérite d’être clair : « En la matière, l’État ne peut pas tout. Cette proposition de loi répond d’une écologie libérale de progrès, basée sur les innovations et la recherche, ainsi que sur une implication collaborative des secteurs public et privé. » Sans surprise, le texte se borne à envisager deux dispositifs de mécénat, l’un pour les particuliers, l’autre pour les entreprises, le tout payé par le contribuable via les réductions d’impôt prévues. Franchement, pensez-vous qu’il soit possible de sauver les communes forestières en grignotant les recettes de l’État ? Nous ne devrions pas avoir à choisir entre les coupes rases forestières et les coupes rases de nos finances publiques. Vous créez une niche fiscale de plus. Il en existait déjà 180 ; en voilà une nouvelle !
Peut-être l’ignoriez-vous, mais votre dispositif existe déjà : les communes peuvent déjà recevoir des dons des particuliers et des entreprises dans les conditions que vous prévoyez. Le donateur, c’est d’ailleurs une condition sine qua non, indique que son don doit être strictement affecté à l’objet souhaité. En l’occurrence, ici, ce serait le renouvellement et l’entretien des forêts.
J’ai vérifié, c’est une mesure sans contrôle fiscal et démocratique. Il est donné 1,6 milliard d’euros par des particuliers. Sur cette somme, on ne sait pas quel montant est parvenu à des collectivités territoriales ou à l’État. Par ailleurs, seuls 5 % des entreprises ont consenti à profiter de la niche fiscale de l’article 238 bis du code général des impôts, pour un montant d’un peu plus de 1 milliard d’euros. Il y a donc peu de raisons de croire à un ruissellement nouveau pour les forêts.
Je crois que les fondements idéologiques sur lesquels repose ce texte sont incompatibles avec l’ambition affichée.
C’est toujours le même récit, où les agents économiques seraient mieux à même que la puissance publique de décider ce dont la société a besoin. Il conviendrait pour eux d’arbitrer entre différentes causes. En somme, le capital choisirait ses engagements.
Des gestes librement consentis constitueraient une alternative vertueuse à l’impôt tant décrié, pour mener les défis qui se posent à la biodiversité et au patrimoine forestier. La contribution serait volontaire, au lieu d’être une collecte subie.
Croyez-vous vraiment que les communes forestières manquent de moyens parce qu’elles manquent de dons privés ? Non ! Les communes forestières pâtissent, comme les autres, peut-être plus encore, de la baisse des concours financiers de l’État par la DGF.
Cette baisse, monsieur le ministre, a été de 23,4 % en moyenne sur la période 2013-2017, mais de 5,7 % entre 2017 et 2021. (M. Emmanuel Capus manifeste son impatience.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. La situation s’est encore détériorée en 2021.
Mes chers collègues, nous voterons contre ce texte. Pour incendier les forêts, il faut l’aide du vent, mais, pour les sauver, il faut l’aide de l’État. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dernière loi d’orientation sur la forêt remonte à 2001, bien que je n’oublie pas la prise en compte de tels enjeux dans les grandes lois agricoles ou environnementales adoptées depuis.
Cependant, au regard de certaines difficultés structurelles persistantes et des terribles incendies de cet été, il est urgent d’y consacrer du temps, pour ne pas dire de l’argent.
Aujourd’hui, il s’agit avant tout de contribuer à la préservation des externalités positives de la forêt : puits de carbone, sanctuaire de la biodiversité et refuge d’une eau à la qualité préservée… Les nombreux atouts de la forêt nous imposent des devoirs. La gestion durable de la forêt est, bien entendu, le premier d’entre eux, sans quoi les autres, c’est-à-dire son exploitation économique ou son usage social, seraient irrémédiablement hypothéqués.
La proposition de loi va dans ce sens, à travers l’incitation fiscale. Mon groupe est favorable à tout ce qui pourrait encourager le mécénat des particuliers et des entreprises, sous réserve que cela ne conduise pas l’État à se désengager de ses propres responsabilités.
La forêt, bien qu’elle se divise entre statut domanial, public ou privé, est un bien commun. L’action publique doit donc veiller à la cohésion de sa gestion sur l’ensemble du territoire, avec, d’un côté, des moyens financiers à la hauteur des enjeux, et, de l’autre, les bonnes réponses à ses handicaps, dont le problème du morcellement ; j’y reviendrai.
J’en viens à la question du financement. Le régime forestier est-il suffisant à soutenir toutes les opérations nécessaires à la gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques ? Visiblement non, puisqu’il faut faire appel aux dons. Nous constatons en effet qu’une partie des communes forestières ont des dépenses supérieures aux recettes.
L’ONF est toujours endetté, et je m’inquiète du plan de suppression de postes d’agents en son sein alors que les défis s’amplifient.
Les incendies sont également une préoccupation majeure des gestionnaires de forêts. Depuis cet été, les retours de terrain, en Gironde ou dans des départements éprouvés depuis longtemps par les feux, tels que l’Hérault et la Lozère, font état de nouvelles dépenses induites par la lutte contre les incendies et de nombreux investissements à prévoir pour les collectivités locales, par exemple sur la gestion des espaces et des essences adaptés au risque incendie.
Le groupe RDSE a ainsi déposé deux amendements visant à faire en sorte que la prévention contre les incendies soit bien identifiée dans le dispositif fiscal proposé aujourd’hui.
Je profite par ailleurs de ce débat pour évoquer la question du morcellement, une caractéristique bien connue de la forêt française qui crée des surcoûts en matière de gestion. Les contrats d’objectifs incitent aux regroupements, mais nous sommes loin d’avancer sur ce terrain.
Il faudrait promouvoir davantage les instruments existants tels que les groupements forestiers, les organismes de gestion en commun ou encore les organisations syndicales.
Je rappelle également que l’ancien code forestier invitait à lier les aides publiques à la condition de ne pas démembrer. Cette piste doit être étudiée à nouveau, de même que celle des successions qui alimentent le démembrement.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait lancé les Assises de la forêt et du bois afin de « construire une vision ambitieuse et partagée pour la forêt française de 2030 ». J’espère que des propositions seront rapidement sur la table. En attendant, le groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos forêts sont une composante à part entière de nos paysages et de notre patrimoine national. Elles couvrent 31 % de notre territoire, soit 17 millions d’hectares en métropole, et 8,7 millions d’hectares en outre-mer. Elles abritent évidemment une incroyable biodiversité, mais sont aussi de véritables puits de carbone, captant et stockant au moins 12 % des émissions de gaz à effet de serre en France chaque année.
La France a su instaurer très tôt une gestion durable et équilibrée de la forêt, en favorisant le développement d’une filière bois compétitive et créatrice d’emplois. Nous disposons ainsi d’une production nationale en bois à l’heure où les prix sur le marché ne cessent de grimper.
Mais ces espaces, si indispensables pour notre pays, ont été extrêmement fragilisés par le réchauffement climatique. Les forêts du Grand Est et de la Bourgogne-Franche-Comté sont particulièrement touchées par le scolyte, un insecte qui creuse sous l’écorce de l’arbre jusqu’à le tuer. Au total, 50 000 hectares ont officiellement périclité depuis 2018, et d’autres régions sont également touchées en raison des sécheresses.
L’autre effet, plus visible, du réchauffement climatique, ce sont les incendies. L’année 2022 a été particulièrement marquée par des épisodes de sécheresse ayant entraîné d’importants feux de forêt. Au total, 62 000 hectares de forêts ont brûlé, soit environ six fois la moyenne des quinze dernières années.
Comme l’a rappelé le rapport conjoint de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques sur la prévention des incendies, la surface brûlée pourrait ainsi augmenter de 80 % d’ici à 2050.
En France, 15 % des forêts sont gérées par des collectivités locales, ce qui représente 14 000 forêts communales pour une surface de 2,8 millions d’hectares. Les dépenses du bloc communal pour l’entretien des forêts s’élèvent à environ 110 millions d’euros en 2021.
En raison des incendies et du scolyte, les recettes des communes forestières sont en nette diminution. Elles sont passées de 178 millions d’euros en 2019 à 153 millions d’euros en 2020, conduisant 30 communes à enregistrer en 2021 une épargne nette négative.
Certaines forêts communales, notamment dans le sud de la France, nécessitent d’importantes dépenses pour la défense contre les incendies. Près de 35 millions d’euros sont ainsi financés chaque année par les départements et les communes.
La proposition de loi que nous examinons intervient dans ce contexte et vise à renforcer la faculté des personnes physiques et morales à participer à la gestion durable des forêts gérées par les collectivités.
La commission des affaires économiques, dont je salue le travail, a conservé et renforcé les articles 1er et 2, visant à appliquer la réduction d’impôt au titre du mécénat des particuliers et des entreprises aux dons versés aux communes et syndicats intercommunaux de gestion forestière, et destinés à l’entretien, à la restauration et à l’acquisition de domaines forestiers disposant de certificats pour leur gestion durable.
Si ce dispositif semble satisfait – la réduction d’impôt s’applique déjà –, il est peu connu et donc peu utilisé par les particuliers comme par les entreprises ainsi que l’a mis en évidence le rapport de notre collègue Vincent Segouin.
Les petites communes qui disposent de peu de moyens juridiques ne sont probablement pas de saisir qu’elles peuvent financer leurs opérations de gestion forestières par des dons éligibles à une réduction d’impôt.
La commission des affaires économiques a d’ailleurs choisi d’élargir le dispositif présenté dans la proposition de loi en étendant la réduction d’impôt aux dons versés aux syndicats mixtes et groupements syndicaux forestiers, ces derniers pouvant respectivement comprendre une commune ou avoir été constitués avec l’accord d’une commune. L’acquisition de forêts gérées non durablement, mais ayant vocation à le devenir est également incluse dans le périmètre du dispositif.
Mes chers collègues, la gestion de nos forêts est un enjeu stratégique pour notre pays. Les dispositions qui permettront de renforcer la participation de nos concitoyens et de nos entreprises à leur gestion et au soutien des collectivités ne peuvent qu’être saluées. C’est pourquoi je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. Mes chers collègues, je vais interrompre la discussion de la présente proposition de loi, les quatre heures réservées au groupe Les Indépendants – République et Territoires étant écoulées.
La suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure.
7
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, lors du scrutin n° 10, portant sur l’ensemble de la proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme, Mme Vogel et moi-même souhaitions nous abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 25 octobre 2022 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (texte de la commission n° 62, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER