M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à réduire à deux mois les délais de saisine et de réponse du centre de gestion. Notre collègue Philippe Bas proposait trois mois, mais le délai de recours contre une décision administrative est en principe de deux mois. L’alignement nous semble bienvenu, d’où un avis favorable de la commission sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis AB, modifié.
(L’article 1er bis AB est adopté.)
Article 1er bis A
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre VII du titre III du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1237-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1237-1-1. – Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence ou de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.
« L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.
« Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 68 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 104 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
Mme Monique Lubin. Nous sommes totalement opposés au durcissement de la réforme de l’assurance chômage adopté par l’Assemblée nationale, qui aboutit ici à considérer comme démissionnaire tout salarié présumé fautif d’un abandon de poste et ainsi à le priver de toute indemnisation au titre du chômage.
Les données manquent. Aucune donnée objective, a fortiori chiffrée, n’est avancée, y compris par les rapporteurs, pour justifier la nécessité de légiférer sur les abandons de poste.
Des conséquences dramatiques sont à craindre pour les salariés. Nous risquons de compliquer la mise au jour des raisons pour lesquelles abandon de poste il y a, raisons potentiellement liées aux caractéristiques inhérentes du management ou aux conditions de travail subies par le salarié qui abandonne son poste. Quid, par exemple, de celui qui ne serait plus payé par son employeur, mais toujours sous contrat de travail ?
Devant les prud’hommes, la charge de la preuve incomberait au salarié, ce qui rend la procédure de facto difficilement opérante, au vu des délais et des coûts qu’elle implique. Nous considérons par ailleurs qu’elle comporte en réalité plus de risque juridique pour l’employeur qu’elle ne le sécurise, à l’opposé de l’objectif des partisans de cette mesure.
L’adoption de cette mesure par l’Assemblée nationale m’a interpellée. Certes, l’abandon de poste par un salarié constitue un problème important pour l’entreprise. Avant de me faire un avis, j’ai consulté des avocats en droit du travail, qui m’ont indiqué que, une fois de plus, aucune statistique n’indique que ces abandons de poste sont en constante augmentation, comme j’ai pu l’entendre en commission des affaires sociales.
Certes, vous avez prévu des protections, mais que peut faire un salarié quand son employeur cesse de le payer ? Cela s’est vu ! Quelles solutions le salarié a-t-il à sa disposition ? Prenons garde à ne pas graver dans le marbre des mesures qui pénaliseront un grand nombre de salariés, en prenant pour prétexte les quelques-uns qui tirent sur la corde.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 68.
Mme Laurence Cohen. À l’Assemblée nationale, les députés des groupes Les Républicains, Renaissance et Rassemblement national ont voté cet article, qui crée une présomption de démission en cas d’abandon de poste, dans le but d’écarter de l’assurance chômage toutes les personnes qui n’ont d’autre choix que d’abandonner leur poste.
Mme Lubin vient d’exposer un certain nombre d’arguments en faveur de la suppression de cet article. L’abandon de poste est souvent contraint, il constitue un dernier recours pour le salarié ou la salariée et lui permet de se protéger, par exemple d’un employeur ou de collègues brutaux, ou encore d’une organisation de travail dangereuse. C’est aussi un dernier recours – dois-je le rappeler ici – pour échapper au harcèlement. Très souvent, l’abandon est même négocié entre l’employeur, qui refuse de signer une rupture conventionnelle, et le salarié, qui ne veut pas démissionner.
Comme je l’ai souligné dans la discussion générale, la procédure proposée est déséquilibrée, au détriment des salariés, et inadaptée à la réalité de la justice prud’homale. Il est illusoire de penser que les salariés qui souhaitent contester leur démission pourront obtenir, même en référé, une réponse dans un délai d’un mois. En supprimant l’indemnisation par l’assurance chômage, vous allez conduire les salariés à rester en poste malgré une situation conflictuelle. Avec cet article, vous allez aussi conduire ces salariés à déposer des arrêts maladie et, en quelque sorte, à déporter le problème vers l’assurance maladie.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 104.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article, ajouté à l’Assemblée nationale, trouve sa raison d’être dans le contexte de mise en place du dispositif de bonus-malus. En assimilant les abandons de poste à une démission, l’objectif est en fait d’exclure ces situations du décompte du taux de séparation.
Il convient aussi de souligner l’insécurité juridique de cet article, ajouté à la va-vite pour des raisons opportunistes. La jurisprudence est constante : la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d’une volonté non équivoque du salarié. Ces dispositions entreraient en contradiction avec la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Le débat peut donc être déporté vers le bonus-malus, mais intéressons-nous aux abandons de poste. Leurs causes sont multiples. Ils peuvent résulter de situations professionnelles dégradées et, souvent, du refus d’une rupture conventionnelle. Qu’elle soit individuelle ou collective, les employeurs étaient bien contents que la rupture conventionnelle existe pour masquer des plans de licenciement ; certains salariés ont cru, eux aussi, pouvoir masquer des démissions. Cependant, le salarié n’a pas l’avantage, les situations ne sont pas comparables. De plus, la démission n’ouvre pas de droits. Emmanuel Macron avait annoncé qu’il allait élargir les cas de démission ouvrant des droits aux indemnités de chômage ; cela n’aura été qu’une vaste illusion !
Cette situation est vraiment délétère ; pour l’éviter, une solution durable consisterait à élargir les motifs légitimes de démission ouvrant droit aux allocations chômage, jusqu’à la formation d’une véritable sécurité sociale professionnelle tout au long de la vie. Du côté des employeurs, il faut résoudre le problème des secteurs sous tension et très peu attractifs, plutôt que de contraindre les salariés à les rejoindre ou à y rester.
Le problème est complexe, mais cet article ne résout rien ; notre amendement vise donc à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet article a été introduit dans le texte par nos collègues de l’Assemblée nationale ; nous n’avons fait que le sécuriser. Madame Lubin, je ne pense pas avoir dit que les cas d’abandon de poste augmentaient. Ne disposant pas de chiffres, si je me suis exprimée ainsi, je le regrette.
Mme Monique Lubin. Il ne s’agissait pas de vous, madame la rapporteure !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Merci, ma chère collègue ! Nous disposons de très peu de chiffres sur le sujet.
Quoi qu’il en soit, de quoi est-il question ? Nous parlons d’un salarié qui sera présumé démissionnaire parce qu’il aura abandonné volontairement son poste et n’aura pas repris le travail après avoir été mis en demeure de le faire ; en outre, une voie de recours devant le conseil de prud’hommes est prévue.
De quoi n’est-il pas question ? Il existe et il existera toujours, même après l’adoption de ce texte, des motifs d’absence justifiés ou légitimes, qui empêchent de qualifier cette absence d’abandon de poste. Le droit de retrait, le droit de grève, des problèmes de santé, des problèmes d’instructions contraires à la réglementation, voilà autant de cas qui ne relèvent pas de l’abandon de poste ni par conséquent du présent article.
Aujourd’hui, l’abandon de poste n’existe pas dans le code du travail. La jurisprudence considère que l’abandon de poste n’est pas une démission. Abandonner son poste et– si vous me passez l’expression – planter ses collègues n’est pas très élégant ! Or l’abandon de poste est aujourd’hui mieux traité que la démission. Est-ce juste ? La réponse est non.
Cet article, aux termes duquel l’abandon de poste fera l’objet d’une présomption de démission, est-il juste ? La réponse est oui.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Il est défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées lors de la discussion générale. Par ailleurs, les ajouts de votre commission des affaires sociales sécurisent le dispositif ; ils sont donc bienvenus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié, 68 et 104.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
1° Après le mot :
après
insérer les mots :
que l’employeur a démontré son absence de faute au sens du présent code et après
2° Après le mot :
employeur
insérer les mots :
et après une procédure contradictoire entre l’employeur, le salarié et le conseil des prud’hommes,
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Il s’agit d’un amendement de repli, déposé pour les mêmes raisons que notre amendement de suppression de l’article. Nous proposons ici que l’employeur ait à démontrer qu’il n’a commis aucune faute envers le salarié, et ce après une procédure contradictoire.
Cela nous semble l’encadrement minimal à apporter à une telle régression pour les travailleurs. De plus, avec cette présomption de démission, la procédure créée dans le but initial de sécuriser les entreprises risque d’introduire plus d’insécurité juridique pour l’employeur, en raison de ses modalités d’application. Sous prétexte de clarifier l’abandon de poste, le régime même de la démission devient équivoque.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Aux termes de cet amendement, pour que l’abandon de poste soit considéré comme une démission, l’employeur devrait démontrer n’avoir commis aucune faute envers le salarié, après une procédure contradictoire.
Rappelons que la présomption de démission prévue à cet article est une présomption simple : il suffira au salarié de démontrer que son absence est justifiée ou légitime pour empêcher la qualification de démission. Lorsque l’absence injustifiée du salarié résulte d’une faute de l’employeur, la jurisprudence considère déjà qu’elle ne peut être qualifiée d’abandon de poste. Il ne paraît donc pas souhaitable que l’employeur soit contraint de démontrer son absence de faute.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par Mme Puissat et M. Henno, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer la première occurrence du mot :
ou
par le mot :
et
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Pellevat, Calvet et Tabarot, Mme M. Mercier, M. Chasseing, Mme Lassarade, MM. Charon et Burgoa, Mme Demas, MM. Cambon, Guerriau et Sol, Mme Goy-Chavent, MM. Laménie, Longeot et Anglars et Mmes Joseph, Borchio Fontimp et Jacquemet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
démissionné
insérer les mots :
et avoir rompu abusivement son contrat au sens des articles L. 1237-2 et L. 1243-3
La parole est à Mme Florence Lassarade.
Mme Florence Lassarade. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Aux termes de cet amendement, une rupture du contrat de travail résultant de la présomption de démission pour abandon de poste serait systématiquement considérée comme abusive et imputable au salarié. Sur ce fondement, le salarié devrait donc payer des dommages et intérêts à l’employeur. C’est aller un peu trop loin, dans un autre sens que les amendements précédents…
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Après l’article 1er bis A
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Noël, MM. Pellevat, D. Laurent et Chatillon, Mmes Jacques et Joseph, MM. Frassa et Bouchet, Mmes Dumont, Muller-Bronn, Drexler et Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Cuypers et Houpert et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – En application des dispositions de l’article 1er bis A de la présente loi, les sommes provisionnées afin de répondre au passif social des entreprises font l’objet d’une déduction fiscale.
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir la possibilité, pour une entreprise, de déduire fiscalement les sommes provisionnées afin de faire face aux potentielles indemnités de licenciement, dans le cas de procédures liées à l’abandon de poste. Le code général des impôts autorise déjà les entreprises à déduire de leur résultat fiscal des provisions destinées à faire face à un certain nombre de pertes ou de charges.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
I. – L’article L. 5422-12 du code du travail est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au deuxième alinéa, après le mot : « majoré », sont insérés les mots : « , dans la limite de 0,5 point de pourcentage, » ;
2° (nouveau) Le 1° est ainsi modifié :
a) Les mots : « et de contrats de mise à disposition mentionnés au 1° de l’article L. 1251-1 » sont remplacés par les mots : « à durée déterminée dont la durée totale est inférieure ou égale à un mois » ;
b) Le mot : « démissions » est remplacé par les mots : « contrats de travail conclus dans les cas prévus au 1° de l’article L. 1242-2 » ;
c) Les mots : « et des contrats de mise à disposition » sont supprimés ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les données nécessaires à la détermination de la variable mentionnée au 1° du présent article, y compris celles relatives aux personnes concernées par les fins de contrat prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, peuvent être communiquées à l’employeur par les organismes chargés du recouvrement des contributions d’assurance chômage, dans des conditions prévues par décret. »
I bis (nouveau). – Les 1° et 2° du I sont applicables aux taux modulés pour les périodes courant à compter du 1er septembre 2023.
II. – Le 3° du I est applicable aux taux notifiés aux employeurs pour les périodes courant à compter du 1er septembre 2022.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 17 rectifié est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, M. Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 72 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 105 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à supprimer l’article 2. Cette autorisation de communiquer aux employeurs les données personnelles liées au malus sur les contrats courts pose question au regard du règlement général sur la protection des données (RGPD) et du respect de la vie privée. Des effets pervers ont ainsi été observés aux États-Unis lors de la mise en place d’un bonus-malus similaire.
En effet, si les employeurs ont accès aux données personnelles liées aux fins de contrats générant le paiement d’un malus, ils pourront alors demander aux salariés en question de ne pas s’inscrire à Pôle emploi et leur promettre une réembauche afin de minimiser le montant du malus. L’objectif initial de l’assurance chômage serait alors contourné.
Nous proposons de répondre à cet effet pervers par la suppression de cette autorisation de communication.
Nous entendons également revenir sur la minoration du bonus-malus visant à lutter contre les abus de contrats courts, minoration introduite par les rapporteurs. Les modalités d’application et les taux de contribution fixés n’ont aucun effet désincitatif contre l’usage des contrats courts. Il convient donc de renforcer ce dispositif plutôt que de l’alléger.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 72.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le Gouvernement a fait beaucoup de tapage publicitaire autour du bonus-malus des entreprises qui ont recours aux CDD.
Les contrats courts ont pourtant été encouragés par la majorité en 2017, lors de la réforme du droit du travail qui a singulièrement accru les possibilités de recours aux formes précaires de travail.
Nous nous sommes toujours montrés favorables au malus, pour inciter les entreprises à recruter en CDI, mais nous ne comprenons pas qu’il existe un bonus, dès lors qu’il s’agit non d’un comportement vertueux, mais du simple respect des règles. C’est comme si nous félicitions les entreprises de ne pas avoir recours au travail dissimulé !
De plus, les contrats courts bénéficient toujours d’exonérations massives de cotisations sociales. Selon la Cour des comptes, en quarante ans, la part des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale est passée de 90 % à 38 %, ce qui pose un réel problème de financement de notre système social.
Le dispositif de bonus-malus est particulièrement restrictif : sur le million d’entreprises présentes en France, seulement 18 000 ont été concernées par le bonus-malus et seulement 6 000 par un malus.
Voilà qui est déjà trop pour la majorité sénatoriale, qui a limité le bonus-malus aux CDD de moins d’un mois et limité la majoration de la cotisation des entreprises à 0,5 point. En clair : peanuts ! La droite sénatoriale a enlevé toute efficacité au système et restreint le périmètre du bonus-malus, de sorte qu’il ne concerne quasiment plus aucune entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 105.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent article a été complété en commission des affaires sociales par des dispositions qui modifient sensiblement le système de bonus-malus afin d’en limiter la portée.
L’article limite la majoration de cotisations sociales pour les employeurs abusant des contrats courts à 0,5 point. La faiblesse du montant des majorations privera le dispositif de son effet dissuasif, a fortiori sur les grandes entreprises. Cela revient à aggraver le coût pour l’Unédic du comportement des entreprises visées par le malus, dont le taux de séparation, du fait de leur comportement d’employeur, est supérieur à la médiane de sept secteurs déjà caractérisés par un taux élevé.
De plus, pour le calcul du malus, seuls les CDD de moins d’un mois seraient pris en compte aux termes de cet article. Cette restriction, visant à sortir du dispositif tous les CDD dès un mois et un jour, fait peu de cas de la définition d’un emploi dit « durable », c’est-à-dire un CDI ou un CDD d’au moins six mois.
Au moment du calcul des six mois d’affiliation, les périodes d’inactivité des salariés entre des contrats de si courte durée seront, elles, bien prises en compte et feront chuter le montant de leur allocation. Il est vrai que, grâce à la réforme, ils seraient à même d’exiger des CDD d’une durée plus longue.
Alors que la réforme durcit l’accès à l’assurance chômage pour les demandeurs d’emploi, cet article dévitalise le dispositif, et ce d’autant plus après sa modification par la commission.
Cet amendement vise donc à supprimer l’article 2, afin de rendre au malus un semblant de pertinence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Ces trois amendements visent à supprimer l’article 2, dont le but est d’éclairer les employeurs frappés par le bonus-malus – ceux qui sont frappés par le malus seront sans doute les plus intéressés – en leur apportant les données nécessaires, y compris la liste des personnes concernées par la fin d’un contrat.
Monsieur le ministre, nous aurions pu le prévoir en 2018 ! Que se passe-t-il aujourd’hui ? Nous l’avons constaté en audition : peanuts, c’est parfois 150 000 euros ! Ce n’est pas rien. Qui plus est, l’entreprise en question ne sait même pas pourquoi elle paie ; or rien ne justifie d’avoir à payer à l’aveugle. Il est logique que l’entreprise puisse disposer des éléments justificatifs.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Il s’agit de nouveau d’amendements de suppression de la totalité de l’article. Or nous sommes favorables au maintien de l’article 2 dans sa rédaction initiale, même si nous nous opposons aux restrictions apportées par la commission des affaires sociales au dispositif du bonus-malus, tant sur la nature des contrats pris en compte que sur l’ampleur de la variation de cotisation. Au-delà de ce désaccord, que j’exposerai lors de la défense de notre amendement n° 96, je ne peux pas être favorable à la suppression de l’article entier. J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Les débats portent sur le bonus-malus et l’on entend employer l’expression « peanuts » ; mes chers collègues, si vous me permettez ce trait d’humour, ne risquons-nous pas de perdre de vue l’article 2 de la Constitution, aux termes duquel « la langue de la République est le français » ? (Sourires.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Pardon, monsieur le président !
M. Martin Lévrier. Sorry !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié, 72 et 105.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)