M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de retracer brièvement l’histoire qui nous a amenés à examiner ce texte un peu en urgence.
Tout a commencé lorsque le général de Gaulle a fait le choix du nucléaire et de la construction d’infrastructures hydroélectriques.
Les présidents qui se sont succédé l’ont suivi – après les présidents Pompidou et Giscard d’Estaing, même le président Mitterrand, passé un temps d’hésitation, a poursuivi les investissements dans le nucléaire, de même que les présidents Chirac et Sarkozy ensuite.
En raison de ce choix, la France a été sans le savoir le premier pays à disposer d’une énergie décarbonée à plus de 85 %, à raison de 75 % pour le nucléaire et de 13 % pour l’hydroélectrique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Telle est la réalité. Et cela va plus loin, car ce choix a également permis aux Français et à notre économie de disposer d’une énergie abondante et compétitive dans tous les territoires.
Les difficultés, les non-décisions ont commencé sous les présidences Hollande et Macron. (Protestations sur des travées des groupes SER et RDPI.) C’est la réalité ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) Il est peut-être gênant de l’entendre, mais la réalité est qu’on a décidé de ramener la part du nucléaire de 75 % à 50 %, et partant, de fermer quatorze réacteurs, dont les deux de Fessenheim, qui ne devaient être fermés que lorsque la centrale de Flamanville serait en capacité de produire… (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Mais ça ne marche pas !
M. Daniel Gremillet. On a aussi décidé d’abandonner le projet de réacteur de quatrième génération Astrid.
Cette histoire m’évoque la fable La Cigale et la Fourmi. Non contents de toutes ces décisions, nous avons également stoppé la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures sur notre territoire. Alors que nous nous lancions dans le « tout électrique », nous avons interdit l’exploitation des gaz de schiste, que d’autres pays développent.
Si nous examinons ce texte aujourd’hui, c’est parce qu’il n’y a pas eu d’« en même temps ». La décision de réduire notre production énergétique, responsable de la situation que nous connaissons, alliant une précarité et des coûts de l’énergie inédits, supérieurs de 100 euros par mégawattheure à ceux de l’Allemagne, ne s’est pas accompagnée du « en même temps », car nous n’avons pas été en mesure de produire d’autres énergies, y compris renouvelables.
Madame la ministre, j’ai lu l’entretien que vous avez accordé au journal Les Échos hier. Je vous renvoie aux difficultés incroyables que nous avons rencontrées pour inscrire dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, que l’on ne fermerait plus de réacteurs tant que l’on ne disposerait pas « en dur » d’une capacité de production énergétique équivalente.
Je vous renvoie aussi aux travaux du Sénat, en particulier aux propositions de la commission des affaires économiques, qui a eu le souci constant de garantir la souveraineté énergétique de notre pays, l’accessibilité de l’énergie à nos concitoyens et sa compétitivité pour notre économie. Le Sénat a voté de très nombreux textes en ce sens, mais vous ne l’avez pas entendu !
Aujourd’hui, c’est en quelque sorte une séance de rattrapage, car en dehors de l’augmentation des capacités de production nucléaire, qui n’interviendra que dans un horizon de dix ans, il y a urgence à agir pour garantir cette énergie à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous l’avons dit lors d’un récent débat avec le Gouvernement, SNBC et PPE auraient dû constituer le point d’entrée de la politique énergétique de la France. À défaut, nous débattons aujourd’hui, sans connaître vos objectifs précis, du déploiement de certaines énergies renouvelables, nous débattrons demain du nouveau nucléaire, et après-demain, peut-être, de l’hydraulique.
Dans ce contexte flou et pour le moins problématique, rarement projet de loi gouvernemental aura été autant modifié sur le fond par les commissions du Sénat et leurs rapporteurs – que je salue –, et à la suite des nombreuses observations du Conseil d’État.
Il fallait qu’il le soit, tant il nous est apparu comme approximatif et imprécis sur bien des points, et de surcroît, contrevenant aux libertés les plus fondamentales des élus locaux.
Dans la perspective d’intérêt général du zéro carbone en 2050, les sénateurs du groupe socialiste se sont placés du point de vue des élus locaux pour améliorer votre texte. Madame la ministre, je souhaite rappeler notre opposition ferme à votre proposition d’ingérence des préfets dans les orientations des plans locaux d’urbanisme (PLU). La solution est ailleurs, dans le respect et le dialogue avec les élus locaux.
Pour faire avancer efficacement la production d’énergies renouvelables sur notre territoire, il faut définir et déployer une planification dans le sens État-collectivités territoriales et dans le sens collectivités territoriales-État.
Nous disposons dans la législation actuelle de tous les outils pour y parvenir : contrats de plan État-région, schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), schémas de cohérence territoriale (Scot), plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et PLU.
J’ajoute que bon sens et dialogue à tous les échelons nous permettront d’être au rendez-vous des objectifs fixés sur tous les territoires et dans les délais.
En ce qui concerne le développement de l’éolien, nous vous ferons des propositions réalistes inspirées par le vécu de terrain et de nature à diminuer l’impact des nuisances.
En revanche, nous estimons que le partage de la valeur doit s’opérer par l’intermédiaire des collectivités locales concernées. Nous tenons à ce que le principe de péréquation tarifaire perdure pour tous les consommateurs et sur l’ensemble du territoire national. Lois de Kirchhoff obligent, la consommation ne se fait pas obligatoirement à proximité immédiate du lieu de production.
Nous tenons aussi à vous rappeler la nécessité de restructurer le marché européen et les tarifs de l’électricité.
Dans ce cadre, les tarifs régulés doivent être maintenus et développés. Le texte permet l’accès des collectivités locales aux contrats de long terme de type PPA (Power Purchase Agreements). Ils doivent être encadrés pour être protecteurs et pour éviter les situations que subissent de nombreuses collectivités locales dans le contexte énergétique actuel.
Je rappelle aussi que mon groupe est réservé sur le nombre de critères à retenir pour qualifier l’agrivoltaïsme. Parmi les quatre critères proposés, un seul nous paraît insuffisant. Il y a un risque certain de dérive vers l’« énergie-culture », alors que la préservation des terres nourricières doit l’emporter sur toute autre considération.
Ayons conscience que c’est notre modèle agricole qui est en question, tout en gardant en tête que les agriculteurs, comme tous les Français, peuvent être des contributeurs du mix énergétique national.
Nous vous présenterons un amendement visant à déployer des programmes de contrôle des installations photovoltaïques sur cultures.
Pour terminer, nous souhaiterions savoir comment les communes devront prendre en compte l’objectif « zéro artificialisation nette » dans les projets d’énergies renouvelables. À cet égard, il est nécessaire d’inscrire la comptabilisation du ZAN dans un dispositif de solidarité ou de péréquation territoriale nationale. Quelle est votre position à ce sujet, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Daphné Ract-Madoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Denise Saint-Pé s’étant prononcée sur les articles relevant de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mon intervention ne portera que sur les articles délégués au fond à la commission des affaires économiques.
Je ne peux commencer qu’en félicitant notre collègue rapporteur pour avis Patrick Chauvet pour l’excellence de son travail et pour l’attention particulière avec laquelle il s’est efforcé de trouver des solutions de synthèse, quelle que soit la technicité des sujets abordés.
Les apports de notre commission des affaires économiques sont nombreux : insertion du stockage de l’électricité dans le dispositif de la loi, facilitation de la production du biogaz, encouragement à la production d’hydrogène vert, possibilité de renforcer les capacités des installations hydroélectriques, etc.
Le temps qui m’est imparti ne me permettant pas de tout traiter, je me concentrerai sur trois points.
Le premier, sans doute le plus préoccupant pour les territoires, est bien sûr l’objectif de « zéro artificialisation nette » – le fameux ZAN –, qui inquiète. Du fait de la transition énergétique, les territoires se trouvent confrontés à un conflit d’impératifs écologiques. D’un côté, il faut limiter l’artificialisation pour préserver les milieux naturels ; de l’autre, il faut construire et développer des infrastructures énergétiques pour décarboner notre mix.
Il est donc nécessaire d’articuler ces deux impératifs pour que l’artificialisation énergétique ne phagocyte pas tout le potentiel, au détriment de l’aménagement local. Compte tenu du décret en vigueur concernant la nomenclature du ZAN, il faut impérativement en exclure les infrastructures énergétiques.
C’est précisément ce qu’a fait la commission sous la houlette de son rapporteur, qui a ouvert la boîte de Pandore, en procédant au premier aménagement de l’objectif ZAN depuis son adoption dans la loi Climat et résilience. Madame la ministre, il y en aura d’autres – le Gouvernement s’y est déclaré favorable. Nous les accompagnerons attentivement en gardant pour ligne directrice de rendre l’objectif ZAN applicable sur tous les territoires sans le vider de sa substance.
Le deuxième sujet que je souhaite aborder porte sur le partage de la valeur, qui est un élément clé en matière d’acceptabilité des projets d’énergies renouvelables. Dans le dispositif initial, en fléchant l’intéressement sur les riverains, on donnait l’impression de vouloir acheter leur silence. On pouvait, de plus, craindre que ce partage ne soit en réalité qu’anecdotique. Nous avons donc adopté en commission un amendement visant à réorienter le dispositif en augmentant le montant du partage : ce dernier est ainsi étendu à toutes les EnR et le versement forfaitaire est complété par une contribution territoriale servant à financer des projets locaux de transition écologique. De plus, notre commission l’a rendu collectif et public, ce qui semble plus logique.
Le dernier sujet que j’aborderai est plus problématique. Il porte sur la déclinaison territoriale des objectifs de production d’énergie décarbonée.
Comment satisfaire nos besoins nationaux si les projets ne sont ni voulus ni acceptés dans les territoires ? Concernant les éoliennes terrestres, la problématique est caricaturale et clivante. Elle l’est aussi en réalité pour toutes les énergies bas-carbone, depuis les centrales jusqu’aux panneaux photovoltaïques, en passant par la production de biogaz.
Nous devons trouver un système de gouvernance de la transition énergétique qui parvienne à conserver un équilibre entre objectifs de production et soutien territorial. Or nous en sommes loin.
Notre commission a néanmoins commencé à poser des jalons en permettant aux collectivités qui le souhaitent d’améliorer leur planification énergétique via le Scot et de manière simplifiée.
La programmation pluriannuelle de l’énergie devrait nous apporter un cadre global. C’est du moins ce que nous appelons de nos vœux. Madame la ministre, nous serons à vos côtés pour l’élaborer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment d’examiner ce projet de loi, nous sommes nombreux à nous interroger tant sur sa finalité que sur les moyens envisagés. Accélérer, mais pour quoi faire, dans quel but et avec quelle visibilité ?
Madame la ministre, votre objectif primordial est-il de limiter drastiquement nos émissions de carbone ? Dans ce cas, nous ne pouvons que pointer l’incohérence d’une démarche qui consiste à isoler une thématique particulière, celle des seules énergies renouvelables, au lieu d’envisager le sujet du mix énergétique dans sa globalité.
Certes, dans une sorte de parallélisme des formes, le Gouvernement nous proposera d’examiner prochainement un texte analogue concernant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Or ce texte aurait très bien pu être intégré au débat du jour, ce qui aurait eu le mérite de nous conduire à considérer globalement les forces et les faiblesses de notre production électrique.
Nous ne mesurons toujours pas la réalité concrète de la politique du Gouvernement dans le domaine du nucléaire. Quelle est la stratégie du président Macron en la matière ? Est-ce celle des années 2017 à 2019, qui a conduit à la fermeture des réacteurs de Fessenheim et à l’arrêt du programme de recherche Astrid, ou bien celle des années 2020 à 2022 où les annonces de relance du nucléaire se sont succédé sans jamais aboutir à la signature de commandes ? Quand le « en même temps » se traduit par le stop and go, les effets sont catastrophiques.
En outre, la programmation pluriannuelle de l’énergie est intenable. La multiplication d’objectifs plus ambitieux les uns que les autres, fixés à un horizon très lointain, n’y change rien. Comme l’a souligné le rapporteur Didier Mandelli, sa redéfinition aurait dû être un préalable à toute discussion sur les orientations à prendre pour les prochaines décennies. Madame la ministre, c’est encore une occasion ratée de mener un débat de fond qui aurait pu être dépassionné.
Pour accélérer, il faut avoir une certaine visibilité. Du point de vue méthodologique, l’idéal serait d’avoir une feuille de route et un itinéraire clair avant de s’engager sur une voie d’accélération. A minima, connaître la direction de son déplacement est d’une utilité certaine pour quiconque envisage de prendre la route.
Madame la ministre, l’initiative du Gouvernement ne satisfait aucun de ces critères. Il n’y a ni visibilité, ni feuille de route, ni direction bien identifiée ; en définitive même la boussole fait défaut !
Mes chers collègues, sommes-nous certains de vouloir accélérer dans le brouillard, quand il s’agit d’une politique publique essentielle tant pour le développement économique que pour la souveraineté de notre pays ?
D’un point de vue très personnel, tout cela me fait penser à la copie d’un mauvais élève en mathématiques, que le ministre de l’éducation nationale essaierait de nous dissimuler et dans laquelle on trouverait pêle-mêle, sans aucune logique, un tas de théorèmes inappropriés, censés mener à une conclusion dont on ne discernerait plus du tout les contours.
Aussi, dans la grande sagesse du Sénat, que votre Gouvernement reconnaît désormais régulièrement et souligne même tout particulièrement depuis quatre mois, les commissions saisies de ce texte ont tenté de le remodeler pour mieux encadrer certaines dispositions.
Je citerai notamment les simplifications envisagées en matière de droit de l’urbanisme, dont les rapporteurs ont voulu qu’il relève davantage de l’initiative des élus locaux, et le régime de partage de la valeur prévu à l’article 18, qui privilégie une redistribution publique et collective plutôt que celle, privée et individuelle, dont on peut soupçonner qu’elle vise surtout à éteindre le feu des contestations grâce à quelques piécettes empruntées au budget de la Nation.
Je salue donc le travail des rapporteurs qui ont réussi, malgré la confusion des intentions et l’absence de rigueur du Gouvernement dans son approche méthodologique, à produire un texte pragmatique et proche des réalités de terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord saluer les apports des différents groupes dans l’examen de ce texte. Ces avancées contribueront à tenir l’objectif d’une production amplifiée d’électricité bas-carbone dans les années à venir.
Toutefois, des sénateurs issus de plusieurs groupes ont mentionné le droit de veto préalable des maires, le terme « préalable » se justifiant par le fait que ce veto interviendrait très en amont des projets sans qu’on ait pu en analyser l’impact économique, énergétique, environnemental et paysager. Il faut nommer ce droit tel qu’il est, en reconnaissant donc qu’il consiste à bloquer certains projets. Or je ne crois pas que ce soit là l’ambition qu’ont défendue les représentants des groupes qui se sont exprimés.
Je renouvelle donc la proposition que j’ai faite au rapporteur, celle de trouver un dispositif équilibré qui concilie l’accélération des énergies renouvelables et la participation des élus, qui doivent avoir le dernier mot.
J’ai aussi entendu les réflexions que vous avez fait remonter au sujet du traitement des dossiers et des ressources humaines. Je veux donc redire ici que l’État doit en effet mieux s’organiser pour permettre le déploiement des énergies renouvelables. Nous l’avons fait puisque, comme vous le savez, nous avons renforcé les moyens de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), grâce à 37 ETP supplémentaires, ce qui est inédit dans l’histoire du budget du ministère de la transition énergétique et de celui de la transition écologique et solidaire. Jamais, en effet, depuis vingt ans, on n’a vu un tel renforcement des équipes.
M. François Bonhomme. Cela ne fait pas une politique !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’y reviendrai, monsieur le sénateur.
Nous avons également adressé une circulaire aux préfets afin qu’ils puissent non seulement animer leurs propres équipes, mais aussi aller chercher des solutions, accompagner les élus locaux et mettre à leur disposition des cartographies pour déterminer plus rapidement avec eux les zones les plus propices au développement des énergies renouvelables. La dynamique est lancée et nous avons tenu compte des retours du Conseil national de la transition écologique (CNTE), auquel participent des associations d’élus, des associations environnementales, des organisations syndicales et des représentants d’entreprises.
Nous avons signé, le 29 octobre dernier, le décret relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables, hors énergie éolienne, et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, qui réduit à dix mois les périodes de contentieux devant le tribunal administratif et devant la cour administrative d’appel, entraînant en l’absence de décision du juge un passage automatique à l’instance supérieure.
Ces décisions très pragmatiques montrent que nous abordons le sujet de la production des énergies renouvelables de la manière la plus analytique possible. À quels blocages se heurtent les projets ? Comment les lever ou, autrement dit, comment faire pour que les Français disposent d’une énergie bas-carbone en abondance et à un prix compétitif ?
Quant à la stratégie énergétique du Gouvernement, il me semble que vous la connaissez déjà, puisque lors d’un débat de trois heures, organisé le 12 octobre dernier, la Première ministre – j’étais malheureusement absente, souffrant de la covid-19 – est venue devant vous répondre à toutes les questions sur le sujet.
Vous la connaissez d’autant mieux qu’elle étaye les différents scénarios envisagés par RTE, dont vous auditionniez les représentants, hier encore, sauf erreur de ma part. La construction de ces scénarios est l’aboutissement d’un travail de deux ans sans équivalent dans les autres pays européens et qui n’existe pas de manière aussi approfondie dans les autres pays de l’OCDE. Ce travail a permis d’élaborer pas à pas une perspective de production énergétique sur la base du nucléaire et des énergies renouvelables, en fixant des objectifs potentiels et en traçant des scénarios qui peuvent aussi être de réduction de la consommation, puisque – vous l’avez compris – la sobriété et l’efficacité énergétique sont au cœur des enjeux énergétiques.
Je veux aussi rappeler que, en plus de nous orienter selon cette boussole qui existe bel et bien et que vous connaissez, nous avons aussi respecté la décision du Parlement selon laquelle le Gouvernement devait s’appuyer sur un débat public très large. Lancé en octobre dernier, celui-ci a déjà permis de recueillir 8 000 contributions en moins de deux semaines, ce qui témoigne de l’intérêt des Français pour le sujet.
Par conséquent, nous ne forçons pas le processus, mais nous nous appuyons sur l’acquis de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie. Comme vous avez été nombreux à le signaler, nous sommes en retard sur les énergies renouvelables. Faut-il donc attendre encore, alors que nous sommes tous d’accord – vous l’avez dit unanimement – sur la nécessité d’accélérer ? Bien entendu, nous construirons ensemble la trajectoire de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Il me semble important de revenir sur un point. À aucun moment depuis le lancement du programme électronucléaire, la part du nucléaire n’a dépassé 20 % de notre consommation d’énergie. Il est nécessaire de le rappeler parce qu’il y a souvent une confusion, dans les débats en matière énergétique, entre électricité et énergie. Or l’énergie, c’est aussi la chaleur et le carburant. L’enjeu de la transition énergétique consiste précisément à pouvoir se passer de carburant pour se déplacer et de gaz pour se chauffer. Nous aurons besoin pour cela non seulement de réduire notre consommation, mais aussi de développer le nucléaire.
Le chiffre pourra vous surprendre, mais, depuis l’an 2000, nous avons renforcé notre résilience énergétique de sorte que nous sommes moins dépendants de l’extérieur. Alors que, en 2000, nous dépendions à 72 % des importations pour notre consommation d’énergie, en 2020, nous n’en dépendons plus qu’à 65 %. Il ne s’agit pas de se féliciter d’un tel chiffre, mais de constater que, contrairement aux idées reçues, nous avons réduit notre dépendance aux importations d’énergie. Il est essentiel de le préciser dans ce débat et de ne pas confondre électricité et énergie pour éviter d’entretenir de fausses idées auprès des Français.
Je souhaite moi aussi que nous ayons un débat de fond, dépassionné, sur l’énergie. Il interviendra en 2023 à l’occasion de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, mais vous connaissez déjà les grands axes de ce que nous proposerons, puisque le Président de la République, il y a déjà huit mois, a annoncé très clairement sa volonté de relancer la construction de six nouveaux EPR. Il a également exprimé son souhait de mettre à l’étude le projet de huit EPR additionnels et il a signifié que nous nous engagerions dans une stratégie de réduction de la consommation en nous calant sur les scénarios de RTE. Il a enfin précisé la trajectoire qu’il recommandait en matière d’énergies renouvelables, soit la multiplication par dix d’ici à 2050 de notre production photovoltaïque et l’installation de 40 gigawatts d’éoliennes marines. Nous aurons un débat sur tous ces sujets.
Le Président de la République a également indiqué que nous prolongerions les centrales nucléaires pour une durée maximale, en tenant compte des impératifs de sécurité.
Enfin, lorsque nos prédécesseurs ont lancé le programme électronucléaire, ils l’ont fait pour quarante ans. Personne n’ignorait, lorsque les centrales nucléaires ont été mises en service entre 1977 et le début des années 1980, que, quarante ans plus tard, c’est-à-dire aujourd’hui, nous devrions faire des visites de contrôle qui dureraient plus de six mois. Personne ne l’ignorait, tout comme personne n’ignore que, dans dix ans, il faudra répéter le même exercice dans des conditions plus difficiles encore, puisque les centrales auront dix ans de plus et qu’elles sont soumises comme tout équipement à une forme d’obsolescence liée à leur utilisation. Une partie des composants est remplaçable et cela autant de fois que nécessaire, mais une autre ne l’est pas, c’est notamment le cas des cuves.
Toutes ces évolutions sont connues et sans surprise. La crise énergétique que nous traversons nous montre que les importations sur lesquelles nous avons compté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – pour ne pas remonter à des temps antédiluviens – ne sont pas acquises, que ce soit à cause d’arrière-pensées géopolitiques, notamment dans le cas de la Russie, ou parce que la transition énergétique dans laquelle nous sommes engagés a pour conséquence d’augmenter les prix. Ces importations ne sont pas non plus acquises à un prix compétitif, parce que nous payons – c’est bien légitime – le prix de l’empreinte carbone du pétrole et du gaz. L’enjeu auquel nous devons faire face est celui du dérèglement climatique, dont plus personne ne peut minorer l’impact. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables
TITRE Ier A
MESURES VISANT À RENFORCER LA PLANIFICATION TERRITORIALE DU DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES, À AMÉLIORER LA CONCERTATION AUTOUR DE CES PROJETS ET À FAVORISER LA PARTICIPATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À LEUR IMPLANTATION
(Division nouvelle)
Article 1er A (nouveau)
I. – Les zones propices à l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables et de production d’hydrogène renouvelable ou bas carbone, ainsi que de leurs ouvrages connexes, identifiées dans les conditions et selon les modalités prévues au II du présent article, répondent aux critères suivants :
1° Ces zones présentent un potentiel pour le développement des énergies, mentionnées au présent I, permettant de maximiser la production d’énergie sur le territoire concerné au regard des objectifs mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, dans la loi mentionnée au I de l’article L. 100-1 A du même code et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-3 dudit code ;
2° Ces zones sont définies dans l’objectif de prévenir et de maîtriser aisément les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l’environnement, qui résulteraient de l’implantation d’installations de production d’énergies mentionnées au présent I ;
3° Ces zones ne doivent pas présenter d’enjeux sensibles pour le patrimoine commun de la Nation.
Les collectivités territoriales et leurs groupements mentionnés au II du présent article prennent en compte ces éléments lorsqu’ils identifient ces zones et qu’ils adressent leurs listes à l’autorité compétente de l’État.
II. – Pour l’identification de ces zones, les dispositions suivantes sont applicables :
1° Les maires du département, les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés à l’article L. 229-26 du code de l’environnement et les régions reçoivent, de la part de l’autorité compétente de l’État, un document identifiant des objectifs indicatifs de puissance à installer, pour chaque territoire concerné et pour chaque région concernée, par catégories d’énergies mentionnées au premier alinéa du I du présent article, en s’appuyant sur les potentiels de développement territorial et en tenant compte des objectifs nationaux définis par la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-3 du code de l’énergie ;
2° Dans un délai de quatre mois après la réception du document mentionné au 1° du présent II, les maires des communes de chaque département proposent aux établissements publics de coopération intercommunale mentionnés à l’article L. 229-26 du code de l’environnement une liste de zones répondant aux critères définis au I du présent article ;
3° Dans un délai de six mois à compter de la réception des listes mentionnées au 2° du présent II et sur le fondement des propositions formulées par les communes dans ces listes, les établissements publics de coopération intercommunale mentionnés à l’article L. 229-26 du code de l’environnement arrêtent une liste des zones répondant aux critères définis au I du présent article, et la transmettent au comité régional de l’énergie mentionné à l’article L. 141-5-2 du code de l’énergie.
Les autorités organisatrices de la distribution d’énergie, mentionnées à l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, et les départements sont associés à l’élaboration des listes mentionnées au 3° du présent II ;
4° Le comité régional de l’énergie dispose alors d’un délai de trois mois pour formuler des observations sur les listes mentionnées au 3° du présent II, pour demander, le cas échéant, des évolutions de ces listes au regard des objectifs indicatifs régionaux mentionnés au 1°, et pour établir une liste régionale des zones répondant aux critères définis au I du présent article, qu’il transmet à l’autorité compétente de l’État mentionnée au 1° du présent II.
La liste régionale mentionnée au 4° ne peut identifier de zones qui ne figureraient pas dans les listes mentionnées au 3°.
III. – Pour l’établissement des listes mentionnées aux 2° et 3° du II du présent article, les collectivités territoriales et leurs groupements concernés recourent à une procédure de concertation préalable du public, selon des modalités qu’ils déterminent librement et permettant au public de présenter ses observations et propositions dans un délai raisonnable avant la transmission des listes concernées.
IV. – Sur la base des listes régionales mentionnées au 4° du II du présent article, un décret en Conseil d’État identifie, pour l’ensemble du territoire métropolitain, les zones mentionnées au I du présent article. Ce décret ne peut identifier de zones qui ne figureraient pas dans les listes régionales mentionnées au 4° du II.
V. – Le huitième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette carte identifie notamment des zones propices à l’implantation d’installations de production mentionnées au I de l’article 1er A de la loi n° … du … relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. »
VI. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 222-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie contient une carte indicative qui identifie des zones propices à l’implantation d’installations de production mentionnées au I de l’article 1er A de la loi n° … du … relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. »
VII. – Après le 2° du II de l’article L. 229-26 du code de l’environnement, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Une carte qui identifie des zones propices à l’implantation d’installations de production mentionnées au I de l’article 1er A de la loi n° … du … relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ; ».
VIII. – Dans la stricte limite des périmètres définis en application du I du présent article, sont réputés ne pas méconnaître le principe mentionné au 9° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement les décrets pris pour l’application du 1° du II de l’article L. 122-3 du même code, dès lors que les seuils et critères qu’ils modifient ne sont adoptés que pour une durée de quarante-huit mois et uniquement pour les installations mentionnées au I du présent article.
IX. – Un décret, pris après avis du Conseil national de la transition écologique, précise les conditions d’application du présent article.
X. – Les II et III entrent en vigueur dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi.
XI. – Le IV entre en vigueur à une date fixée par le décret mentionné au IX, qui ne peut intervenir avant la publication de la loi mentionnée au I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie.
XII. – Les V à VIII entrent en vigueur à une date fixée par le décret en Conseil d’État mentionné au IV du présent article.
XIII. – Le III de l’article L. 141-5-2 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il associe également des personnalités qualifiées ainsi que des représentants d’associations agréées de protection de l’environnement de chaque région concernée, qui disposent d’une voix consultative. »