compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Karoutchi
vice-président
Secrétaires :
Mme Martine Filleul,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que deux candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Production d’énergies renouvelables
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (projet n° 889 [2021-2022], texte de la commission n° 83, rapport n° 82, avis nos 80, 70).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le président, madame, monsieur les présidents de commission, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, deux tiers, c’est aujourd’hui la part d’énergies fossiles dans notre consommation d’énergie – du pétrole et du gaz, importés, pour l’essentiel, du reste du monde. Le nucléaire et les énergies renouvelables ne représentent donc qu’un tiers de la totalité de notre consommation d’énergie. Cela signifie que, à consommation égale, il faudrait multiplier par trois notre production d’énergie bas-carbone pour compenser la sortie des énergies fossiles.
2035, c’est la date à laquelle 26 de nos 56 réacteurs nucléaires arriveront au terme de cinquante années d’exploitation. Tous devront alors passer le cap d’une visite de sécurité exigeante pour être prolongés dix années de plus. Or, en matière énergétique, 2035, c’est demain !
Plus 60 %, c’est, selon Réseau de transport d’électricité (RTE), la proportion d’électricité que nous devrons produire en plus à l’horizon de 2050, si nous voulons enfin sortir des énergies fossiles, atteindre la neutralité carbone et répondre à nos besoins croissants d’électrification pour l’industrie, les transports et les bâtiments.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces trois éléments montrent bien que nous sommes à un tournant historique. Si nous voulons atteindre la neutralité carbone, si nous voulons enfin devenir maîtres de notre destin énergétique, nous ne pourrons nous passer d’aucune énergie décarbonée – nucléaire comme renouvelable – tant la marche à franchir est haute.
Soyons clairs : lorsque je dis « renouvelables », je parle bien de toutes les énergies renouvelables – je sais que vous y êtes sensibles –, celles qui produisent de l’électricité, mais également de la chaleur – géothermie, biomasse, biométhane, éoliennes terrestres et marines, hydraulique, etc.
Ce que nous vivons aujourd’hui donne un avant-goût de ce qui nous attend demain si nous n’agissons pas. Je pense d’abord à la crise climatique, qui provoque les dérèglements que nous constatons tous : sécheresses, canicules et feux. Du reste, nous venons de vivre en France le mois d’octobre le plus chaud que l’on ait jamais connu. L’urgence est là, devant nous.
Ensuite, je pense à la crise énergétique, qui est la plus grave depuis les années 1970. Devoir importer des énergies sans en maîtriser le coût, c’est affaiblir le pouvoir d’achat des Français, c’est peser sur la compétitivité de nos entreprises et c’est réduire les capacités d’action des collectivités locales.
Pour répondre à ces enjeux, nous ne sommes pas sans solutions. Nous connaissons les leviers que nous devons actionner pour être à la hauteur du défi.
Le premier, ce sont les économies d’énergie, grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétiques. Je ne reviendrai pas sur le plan de sobriété que nous avons annoncé avec la Première ministre. Il s’ajoute aux actions menées en matière d’efficacité énergétique. Retenons que, d’ici à 2050, nous devons réduire de 40 % notre consommation d’énergie pour atteindre la neutralité carbone.
Le deuxième est la production massive d’énergies renouvelables. C’est l’enjeu du plan pour accélérer le développement de la production d’énergies renouvelables que j’ai lancé en juin dernier. Il a permis de débloquer la production de 10 gigawatts d’électricité et d’un 1 térawatt de biométhane. Il a aussi permis de mobiliser les services de l’État, de renforcer les équipes d’instruction sur le terrain et d’accélérer les raccordements – je sais que vous êtes également sensibles à ces enjeux. Le texte qui vous est présenté aujourd’hui constitue le volet législatif du plan en faveur des énergies renouvelables que nous allons continuer de déployer.
Le troisième est le lancement d’un ambitieux programme nucléaire. C’est la proposition du Président de la République. Elle est désormais soumise à une large consultation publique. Nous travaillons à simplifier les procédures administratives afin d’anticiper la construction de nouveaux réacteurs à proximité des sites qui en accueillent déjà.
Tels sont les grands chapitres de notre stratégie énergétique. Il nous appartient maintenant de les décliner dans une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui tienne compte de la nécessité de rehausser notre ambition climatique et d’accélérer notre sortie des énergies fossiles. Nous avons commencé ce travail par le lancement, conformément à la loi, d’une grande consultation publique en octobre dernier. Elle est inédite par son ampleur, car l’enjeu est de taille. Ce travail, qui vous sera intégralement restitué, nourrira vos réflexions dans le cadre du projet de loi qui vous sera soumis en 2023 visant à mettre à jour notre mix énergétique.
Alors, pourquoi présenter ce projet de loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables sans attendre 2023 ? Parce que nous constatons aujourd’hui que nous devrons être encore plus ambitieux pour la production énergétique. Nous ne pouvons que nous rendre compte de notre retard dans la production des énergies renouvelables. Nous devons donc le rattraper.
Vous l’avez compris, le combat à mener est celui des énergies bas-carbone contre les énergies fossiles. Ce choix s’inscrit, je pense, dans la continuité de la position de notre pays depuis le cri d’alarme poussé à Johannesburg par le président Jacques Chirac jusqu’à aujourd’hui, en passant par le Grenelle de l’environnement conduit par Nicolas Sarkozy et Jean-Louis Borloo ou par les accords de Paris portés par le président François Hollande et Laurent Fabius.
Le texte qui vous est présenté est le fruit des échanges que j’ai eus, depuis plusieurs mois, avec des acteurs associatifs et économiques, des élus locaux et des associations, ainsi qu’avec vous, très en amont, mesdames, messieurs les parlementaires des différents groupes du Sénat et de l’Assemblée nationale. À cet égard, je souhaite souligner la qualité des échanges et du travail conduit par les deux rapporteurs, Didier Mandelli et Patrick Chauvet, et par les présidents des commissions du développement durable et de l’aménagement du territoire et des affaires économiques, Jean-François Longeot et Sophie Primas. Je tiens aussi à souligner la mobilisation de la commission de la culture et le travail qui a été mené par la rapporteure pour avis, Laurence Garnier.
Comme vous le savez, je n’y reviens pas, ce projet de loi vise quatre objectifs : accélérer les procédures administratives sans rien enlever à nos exigences environnementales ; libérer du foncier dégradé ; permettre une planification par grande façade maritime pour les éoliennes marines ; améliorer le partage de la valeur de ces projets et sécuriser les coûts de l’énergie au profit des habitants, des collectivités locales et des entreprises.
Le texte qui a été adopté par la commission montre qu’il existe de fortes convergences au sein des différents groupes pour aboutir à une loi facilitant le déploiement des projets d’énergies renouvelables, remettant les collectivités locales au cœur de la planification énergétique et visant un haut niveau d’exigence en ce qui concerne le nombre de projets réalisés.
Des enrichissements ont été apportés, pour élargir certaines mesures au biométhane ou ajouter un article sur l’agrivoltaïsme reprenant une proposition de loi largement votée sur ces travées par exemple ; nous les soutiendrons bien volontiers.
Reste toutefois à résoudre la question la plus difficile : celle de savoir comment l’État, les élus locaux et les porteurs de projet travailleront ensemble pour permettre le développement – certes rapide, mais raisonné et équilibré – des énergies renouvelables. Du reste, l’implantation des projets au cœur des territoires suscite plusieurs questions : comment les projets répondent-ils aux besoins énergétiques des territoires ? Comment mobiliser et associer les acteurs locaux à leur élaboration ? Comment minimiser autant que possible leurs effets sur la biodiversité et leurs nuisances sur les communes voisines ? Comment ces projets se fondent-ils dans le paysage et comment les faire bien cohabiter avec les riverains ?
Au regard des retours d’expérience en la matière, certains projets sont incontestablement des succès, d’autres ne le sont guère – nous devons le reconnaître. Ces échecs expliquent les réticences manifestes, à raison, de territoires qui ne souhaitent pas connaître les mêmes difficultés. Cela doit nous faire réfléchir sur une nouvelle méthode de conduite de ces projets. Je crois pouvoir dire, au regard de mes nombreux échanges avec vous, ainsi qu’avec des élus locaux et des associations d’élus, que nous partageons unanimement ce diagnostic.
Le constat d’un indispensable changement de méthode est à l’origine de nombreux amendements – nous allons les examiner – qui encadrent plus fortement les projets d’énergies renouvelables, mais, je le crains, au risque de les freiner.
Dans ce contexte, notre responsabilité commune est bien de prendre en compte ces réticences, tout en veillant à ne pas céder à la tentation de l’immobilisme, mais encore faut-il savoir comment.
Notre vision de la planification énergétique n’est pas descendante, bien au contraire. Nous appelons de nos vœux une planification remettant les collectivités locales et les territoires au centre des décisions. À cet égard, je serai très claire, le Gouvernement ne reviendra pas sur la suppression de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme par le préfet.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je m’y étais engagée auprès de vous, monsieur le rapporteur, et auprès des associations d’élus.
La planification que j’appelle de mes vœux fait des élus des partenaires et leur donne les leviers pour agir.
Comprenons-nous bien : monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur le fait que les maires doivent avoir le dernier mot sur des projets structurants pour leur territoire. Mais cette possibilité doit être précédée par une volonté de planifier le déploiement de ces projets d’énergies renouvelables – et cela peut se faire en s’appuyant sur les documents d’urbanisme. Nos élus peuvent davantage pour nos énergies. Planifier, c’est plus orienter qu’interdire.
Les élus nous demandent de les accompagner dans le déploiement des projets – nous voulons le faire ! disent-ils. Selon eux, l’État doit donner le cap pour l’ensemble du pays et être facilitateur auprès de chaque territoire.
Eh bien, c’est le sens de l’amendement n° 647 du Gouvernement. Il vise à permettre aux élus de définir des zones prioritaires pour les énergies renouvelables au niveau des schémas de cohérence territoriale (Scot), tout en maintenant les dispositions de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, dont les sénateurs Darnaud et Gatel ont été rapporteurs, en permettant de prévoir des zones où le développement des éoliennes terrestres serait encadré. Afin d’inciter les porteurs de projet à se porter candidats dans ces zones, l’État pourra prévoir des bonifications dans ses appels d’offres ou organiser des appels d’offres dédiés à ces zones prioritaires.
De plus, cet amendement donnera également la possibilité au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de s’opposer à une zone d’implantation prioritaire sur son territoire. Le maire aura ainsi le dernier mot dans un processus de planification réfléchi et volontaire. Au regard de cette proposition complète et équilibrée, le Gouvernement demandera la suppression des articles 1er A et 1er C.
Par ailleurs, en ce qui concerne les éoliennes en mer, se pose la question des zones d’implantation et de leur distance de la côte – cela soulève, au fond, un débat du même type que pour les éoliennes terrestres. En tant que ministre responsable de notre transition énergétique, je me dois de vous dire que, à ce jour et au regard des avancées technologiques, une distance d’implantation des éoliennes en mer à plus de 40 kilomètres des côtes réduirait significativement notre potentiel de développement.
M. Jean-Michel Houllegatte. C’est vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Elle nous priverait d’un levier majeur, alors qu’un parc éolien en mer de 2 gigawatts produit l’équivalent de la puissance d’un réacteur nucléaire. À cause de cette disposition, nous ne pourrions plus lancer de projets, même flottants, en mer du Nord et dans la Manche – c’est évident – et en Méditerranée, en raison des canyons. Seul l’océan Atlantique pourrait accueillir des projets, notamment au large des régions Bretagne et Pays de la Loire.
C’est également, je crois, un très mauvais signal envoyé à des filières industrielles qui sont aujourd’hui les plus compétitives au plan mondial – c’est une chance pour notre pays ! – et qui sont largement exportatrices vers les États-Unis et l’Écosse. Elles représentent près de 6 600 emplois directs, notamment à Cherbourg, au Havre ou encore à Saint-Nazaire. Nous disposons de peu de filières d’énergies renouvelables aussi puissantes, prenons garde à les ménager !
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement proposera de revenir à la rédaction initiale du texte dans son amendement n° 584 à l’article 12.
Au-delà de ces deux éléments, je tiens à saluer le travail qui a été mené en commission afin d’enrichir le texte. Les nombreux apports effectués concourent pleinement à l’objectif du texte qui est d’accélérer la production des énergies renouvelables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis confiante sur le fait que nous trouverons le chemin du consensus avec tous ceux – ils sont nombreux dans cet hémicycle et sur le terrain – qui défendent la souveraineté énergétique et politique de notre pays, avec tous ceux qui veulent défendre le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises et avec tous ceux qui veulent lutter contre le dérèglement climatique.
Vous le savez, pour sortir des énergies fossiles, nous n’avons pas le luxe d’attendre. Les Français nous regardent. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Mandelli, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une semaine après son examen en commission, l’heure est venue d’examiner, dans cet hémicycle, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
En préambule, je remercie les administrateurs de la commission de leur travail, mes collègues de la commission de leur participation aux auditions et vous-même, madame la ministre, de la qualité des échanges que nous avons eus depuis plusieurs semaines.
Comme la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable l’a noté, c’est la première fois qu’un projet de loi est intégralement consacré aux énergies renouvelables : c’est un signal politique fort, dont nous nous réjouissons.
Rappelons avec fermeté et sans ambiguïté que ces énergies sont indispensables à la préservation de notre souveraineté et à l’atteinte de nos objectifs climatiques. Constatons également, avec lucidité, que la France est très en retard dans leur déploiement ; elle est du reste le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir atteint en 2020 les objectifs fixés par la PPE que nous avons votée. Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de ce retard, qui affaiblit notre pays.
Notre commission souscrit donc pleinement à l’objectif d’accélération du déploiement des énergies renouvelables.
Une fois le constat dressé, nous devons, dans un second temps, nous poser la question de l’adéquation de ce texte aux enjeux énergétiques et climatiques : le projet de loi qui nous a été proposé est-il suffisant ? Nous pouvons en douter, car ce texte semble tout d’abord précipité. Nous ne pouvons que regretter la méthode consistant à aborder, par ce projet de loi, l’exception et le particulier avant le cadre général : il eût été préférable, pour la clarté du travail parlementaire, de débattre, au préalable, des objectifs de développement, filière par filière, dans le cadre de la loi quinquennale que nous aurons à examiner en 2023.
M. Stéphane Piednoir. Bien sûr, c’est évident !
M. Didier Mandelli, rapporteur. Nous regrettons ensuite que le projet de loi proposé soit décevant et inabouti dans son ambition simplificatrice : peu de mesures du texte initial sont de nature à accélérer substantiellement les projets, en particulier sur le plan des procédures administratives. Même si l’on supposait que le texte proposé ainsi que son volet réglementaire lancé parallèlement cet été permettent de simplifier ponctuellement les procédures, des doutes majeurs persisteraient quant à la capacité des services déconcentrés de l’État à répondre aux besoins et à instruire l’ensemble des dossiers, à effectifs constants. Enfin, notre commission déplore de nombreux oublis et sujets non traités dans le texte initial.
Forte de ces constats, notre commission a souhaité relever l’ambition du texte proposé, ce qu’elle a fait indiscutablement en le complétant et en l’améliorant substantiellement.
Le premier axe de travail sur lequel nous avons avancé porte sur la planification territoriale et l’amélioration de la concertation autour des projets d’implantation d’énergies renouvelables. Il s’agissait d’un véritable angle mort du texte initial. Nous savons pourtant que le manque d’acceptabilité est ce qui empêche véritablement le déploiement des projets d’énergies renouvelables.
Notre commission a donc proposé l’instauration d’un dispositif global de planification territoriale du déploiement des énergies renouvelables. Je dis bien « global », car l’enjeu est moins de déterminer quel document identifierait les zones de développement des énergies renouvelables que d’instaurer une méthode de concertation permettant leur identification, en cohérence avec les objectifs nationaux.
Nous avons donc proposé que d’abord les maires, puis les établissements publics de coopération intercommunale, en lien avec les syndicats d’énergie et les départements, enfin les comités régionaux de l’énergie soient à la manœuvre pour définir des zones propices à l’implantation des installations de production d’énergies renouvelables. Pour ce faire, ils pourront s’appuyer sur une estimation du potentiel de production de leur territoire, qui leur sera transmise par l’État. Une fois ces zones définies, il reviendra ensuite, et seulement ensuite, à l’État de les avaliser par décret. Ces zones pourront alors bénéficier de souplesses qui permettront d’accélérer substantiellement le développement des projets concernés. (M. Jean-Michel Houllegatte manifeste sa désapprobation.)
À côté de cette planification générale, nous avons souhaité établir une planification spatiale et temporelle particulière pour le développement des projets éoliens en mer. Nombre d’acteurs critiquent la méthode actuelle, qui consiste à développer les projets par à-coups, sans visibilité quant au nombre de projets envisagés à moyen terme sur une même façade maritime ou aux zones précises dans lesquelles ces projets pourront – ou pourraient – s’implanter.
Afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets éoliens en mer, nous avons souhaité que soient prioritairement ciblées – j’insiste sur ce point –, pour les futurs appels d’offres, des zones d’implantation situées dans la zone économique exclusive (ZEE). Afin d’orienter l’État et les porteurs de projet vers la technologie prometteuse de l’éolien flottant, qui devrait atteindre leur maturité commerciale à l’horizon de 2030-2035, j’ai également proposé que soient privilégiées – là encore, j’insiste sur ce terme – des implantations au-delà d’une distance de 40 kilomètres du rivage. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une obligation ; cette règle devra être mise en œuvre en tenant compte des contraintes existantes sur chaque façade. L’idée est d’encourager la tendance à éloigner les parcs éoliens des côtes, lorsque c’est possible, en laissant au Gouvernement toute la latitude nécessaire.
L’une de nos autres propositions fortes est de renforcer la voix des élus locaux en leur permettant de s’exprimer favorablement ou défavorablement sur l’implantation d’une série de projets d’énergies renouvelables. Les élus sont les mieux placés pour savoir quels sont les projets les plus pertinents pour leur territoire.
Il faut leur redonner un pouvoir décisionnaire. Je l’assume, car je sais que la grande majorité des élus est en faveur du développement des énergies renouvelables. Faisons-leur confiance !
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. Didier Mandelli, rapporteur. Nous avons également souhaité associer plus étroitement les particuliers, les entreprises, les associations et les collectivités territoriales situés à proximité d’un site d’implantation, en demandant aux porteurs de projet de leur proposer une participation à l’investissement ou au capital, comme cela existe au Danemark.
Par ailleurs, nous avons considérablement avancé sur notre deuxième axe de travail, consacré à la simplification.
Sur ce volet, nous avons proposé un nouvel équilibre dans la législation environnementale, qui repose sur trois piliers : premièrement, davantage de concertation avec le public et les élus, en amont du dépôt formel des demandes d’autorisation des projets ; deuxièmement, établir une instruction plus rapide des projets avec des dossiers de meilleure qualité, dès leur dépôt ; troisièmement, garantir une simplification, en aval, pour la consultation du public, grâce à des ajustements pragmatiques.
Dans ce cadre, nous avons notamment suggéré de supprimer certains dispositifs qui ne sont plus pertinents à l’heure actuelle et qui sont sources de charges pour les services administratifs, à l’image du certificat de projet dans le cadre de l’autorisation environnementale. Nous avons également souhaité créer un référent unique, au sein de la préfecture de chaque département, pour faciliter l’instruction de tous les projets d’énergies renouvelables visés par le texte. Ainsi, nous aurons un guichet unique et un référent unique.
Nous proposons nombre d’autres mesures, telles que la création d’un fonds de garantie pour couvrir les risques contentieux et la création de nouvelles dérogations procédurales temporaires.
Notre troisième axe de travail porte sur la libération de surfaces de déploiement à faibles enjeux environnementaux ou fonciers, car nous sommes convaincus que notre politique de décarbonation ne nous permettra pas de relever les défis de demain si elle conduit, dans le même temps, au dépassement des autres limites planétaires que sont l’érosion de la biodiversité et le changement d’utilisation des sols.
Nous avons donc souhaité renforcer les obligations de couverture en énergie solaire des bâtiments non résidentiels existants et nouveaux, afin d’anticiper les orientations européennes consécutives au déclenchement de la guerre en Ukraine. En contrepartie de ces obligations, nous avons souhaité faciliter l’achat de procédés de production d’énergies renouvelables afin d’équiper ces bâtiments, notamment par l’introduction d’un suramortissement au bénéfice des entreprises.
Il nous faut également lever les contraintes réglementaires et techniques qui peuvent limiter l’installation d’ouvrages renouvelables sur les bâtiments. C’est pourquoi nous avons proposé de rendre les bâtiments neufs solarisables, c’est-à-dire prêts à accueillir des énergies renouvelables, en laissant la porte ouverte à toutes les nombreuses innovations de nos start-up et entreprises.
Dans un quatrième et dernier axe, nous avons souhaité sécuriser juridiquement les porteurs de projet et les autorités administratives compétentes en matière de projets d’énergies renouvelables. En la matière, nos ajouts sont divers et nombreux. Je citerai l’exemple des améliorations apportées à l’article 4 visant à garantir l’effectivité de la reconnaissance de raisons impératives d’intérêt public majeur. En l’état du texte initial, cette reconnaissance ne pouvait concerner que les plus gros projets d’énergies renouvelables, alors que nous devons entrer dans une logique décentralisée et d’autoconsommation.
En résumé, ces apports de bon sens jouent sur le ressort d’une plus grande intelligence collective et témoignent du souci d’une meilleure prise en compte des réalités du terrain. Formons le vœu que le travail en séance publique nous permette de poursuivre dans cette voie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Patrick Chauvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier les administrateurs de la commission des affaires économiques, car l’action publique n’est pas que le fait des élus.
Compétente en matière d’énergie et d’urbanisme, notre commission a veillé aux aspects économiques du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables que nous examinons aujourd’hui. Notre commission a reçu en délégation les articles 3 et 16 et les titres IV et V. Elle s’est saisie pour avis des autres dispositions.
Au cours de mes travaux, j’ai entendu 45 organismes, 100 personnalités et reçu 75 contributions. Leur constat est convergent : l’objectif du texte est partagé, mais la méthode est critiquée !
Nous déplorons ainsi un mauvais séquençage. Il aurait d’abord fallu commencer par l’examen de la loi quinquennale sur l’énergie, puis de celle qui porte sur le nucléaire, avant de nous pencher sur celle-ci, qui porte sur les énergies renouvelables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)