M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, madame, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de mes collègues du Gouvernement et de Gabriel Attal, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, puisqu’il est retenu à l’Assemblée nationale pour l’examen du second projet de loi de finances rectificative pour 2022, permettez-moi d’abord d’exprimer une pensée pour nos professionnels de santé.
Aujourd’hui est une journée particulière pour moi, à titre personnel : en 1985, le 7 novembre, mon père a été victime d’un très grave accident ; depuis lors, je sais dans ma chair ce que nous devons à ces femmes et ces hommes. Au-delà de la considération que nous éprouvons, toutes et tous, pour eux, les épisodes extrêmement douloureux de la crise du covid-19 nous ont montré à quel point leur présence et leur engagement étaient absolument irréprochables.
L’État a bien évidemment répondu présent, à travers le « quoi qu’il en coûte », et a ainsi évité à notre pays un cortège de difficultés. C’est ensemble que nous avons pu traverser l’épreuve si difficile de la pandémie. Bousculée par le choc, notre société a su trouver les ressources et les ressorts nécessaires pour résister. La responsabilité qui nous incombe désormais est de poursuivre la reconstruction.
Dès lors, comme vient de l’exprimer mon collègue François Braun, il nous faut bâtir ensemble un système plus solide, plus accessible, plus efficace et plus juste.
Un système plus accessible, cela implique avant tout d’améliorer l’accès aux soins. L’effort ne débute pas aujourd’hui. Depuis 2017, nous avons investi 53 milliards d’euros supplémentaires dans notre système de santé, avec un Ondam passé de 191 milliards d’euros en 2017 à 244 milliards d’euros en 2023.
Nous avons mis fin aux baisses de tarifs hospitaliers, déployé l’offre 100 % Santé, supprimé le numerus clausus et soutenu l’aide à domicile et nos Ehpad. Nous allons poursuivre cet effort, conformément aux engagements pris devant les Français.
Voilà pourquoi, avec ce PLFSS, l’Ondam progressera en 2023 à un niveau historique de 3,7 %. C’est une progression plus rapide de 50 % qu’au cours de la décennie 2010.
Quant à l’Ondam hospitalier, son augmentation sera de 4,1 % en 2023. C’est deux fois plus qu’au cours de la décennie 2010. Cette augmentation finance notamment une enveloppe exceptionnelle de 800 millions d’euros en 2022, puis 800 millions d’euros supplémentaires en 2023, fruit d’une concertation de François Braun avec les fédérations hospitalières et médico-sociales.
En ville, nous encouragerons le cumul emploi-retraite des médecins proches de la retraite ou en retraite, comme durant la crise sanitaire. Cette incitation prendra la forme d’une exonération de cotisations vieillesse pour 2023, dans l’attente des conclusions du volet santé du CNR.
Renforcer l’accès aux soins, c’est aussi mieux prendre en charge nos aînés dépendants, comme vient de le rappeler mon collègue Jean-Christophe Combe. Avec un Ondam médico-social à +5,1 % en 2023, nous finançons le plein effet des augmentations de salaire, l’embauche de milliers de soignants et l’investissement pour les services à domicile. Rappelons que les augmentations salariales décidées depuis la crise sanitaire représentent un effort de 3,2 milliards d’euros par an pour la cinquième branche de la sécurité sociale, que nous avons créée en 2021.
Nous agissons pour faciliter l’accès aux modes de garde, parce que nous savons combien le destin de nos jeunes enfants se joue dès leurs 1 000 premiers jours.
Ce PLFSS pose la première pierre d’un véritable service public de la petite enfance en réduisant drastiquement le reste à charge des familles pour le recours aux assistants maternels : concrètement, un couple de classe moyenne, qui confie son enfant cinquante heures par semaine, économisera quasiment 2 000 euros sur une année – autant de pouvoir d’achat supplémentaire pour des dizaines de milliers de familles. Cette réduction s’ajoutera à la hausse du plafond du crédit d’impôt pour frais de garde des jeunes enfants que vos collègues députés ont relevé de 2 300 à 3 500 euros lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2023.
Tous ces progrès ne sont possibles que si nous continuons à donner la priorité au travail et à la production.
Les cotisations, socle du financement de notre sécurité sociale, vont passer de 391 milliards d’euros en 2022 à 407 milliards d’euros en 2023. Nous devons cette progression aux 310 000 créations d’emplois prévues en 2022, dont 220 000 ont déjà été réalisées lors du seul premier semestre et alors que 117 000 créations supplémentaires sont attendues en 2023. Au total, de 2020 à 2023, malgré la crise, notre pays pourrait créer 1,2 million d’emplois. Ne l’oublions jamais : c’est le travail qui finance notre système social.
Voilà pourquoi nous entendons, par ce PLFSS, rendre notre système social plus efficace. Les besoins sont immenses, aussi ne devons-nous ménager aucun effort pour trouver des marges d’efficience et pour réaliser des économies là où elles sont pertinentes – et elles peuvent être substantielles.
Gouverner, c’est choisir, vous le savez comme moi. C’est la raison pour laquelle nous assumons de demander des efforts à certains acteurs, qui peuvent contribuer à l’effort commun.
Nous assumons ainsi de demander des efforts aux laboratoires de biologie, qui ont réalisé 7,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en commercialisant des tests covid en 2020 et 2021 – même si nous saluons évidemment leur mobilisation sans faille durant la crise sanitaire. Leur rentabilité était par ailleurs déjà très élevée avant la crise, à un taux de près de 30 %. La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) négociera dès 2023 une baisse de prix avec le secteur, au moins à hauteur de 250 millions d’euros.
Nous assumons aussi de demander des efforts au secteur de l’imagerie médicale, qui représente près de 5 milliards d’euros de dépenses. Nous pouvons limiter les examens redondants, inappropriés ou parfois inutiles. Nous demanderons à la Cnam de négocier un nouveau protocole pour juguler la dépense de 150 millions d’euros en 2023.
Nous assumons enfin de demander des efforts aux fabricants de médicaments. Les dépenses dans ce secteur sont dynamiques du fait du vieillissement démographique et de l’arrivée de nouvelles molécules sur le marché. Nous devons redoubler l’effort sur la pertinence des prescriptions et les baisses de prix ciblées sur les médicaments les plus anciens afin de mieux récompenser l’innovation. Ces baisses de prix s’élèveront à 800 millions d’euros en 2023.
Ces efforts, nous ne les demandons pas par plaisir de faire des économies, mais parce qu’ils sont indispensables pour dégager des marges de manœuvre budgétaires et mieux investir dans l’hôpital, en ville comme dans le médico-social. Soyons très clairs : lorsque nous parlons d’économies, il s’agit d’efforts de maîtrise par rapport à des dépenses qui continueront d’augmenter. C’est la condition indispensable pour garantir la soutenabilité et la résilience de nos comptes sociaux.
Je rappelle, à l’intention de ceux qui l’oublieraient, que les taux d’intérêt à 10 ans sur la dette française frôlent les 3 %, alors que ceux du Royaume-Uni dépassent les 4 % et que ceux de l’Italie approchent les 5 %. La parenthèse de l’argent gratuit sur les marchés s’est bel et bien refermée. Retrouver une trajectoire maîtrisée de nos comptes publics est la condition sine qua non de notre indépendance financière. (Mme Laurence Cohen s’en émeut.)
Nous voulons, par ce PLFSS, construire un système plus juste. Or assurer la justice, c’est aussi adresser un message de fermeté à l’égard de tous les fraudeurs, sujet auquel je vous sais attentifs depuis longtemps, qu’il s’agisse de la fraude aux cotisations ou de celle aux prestations.
Puisque les fraudes se perfectionnent, nous allons également nous perfectionner en améliorant nos outils.
Des pouvoirs d’enquête cyber seront ainsi confiés à plus de 400 contrôleurs des caisses de sécurité sociale pour mieux repérer et réprimer les fraudes à enjeux.
Les échanges d’informations seront renforcés, notamment entre greffiers des tribunaux de commerce et caisses de sécurité sociale.
Reprenant une proposition émise par votre chambre, nous interdirons également le versement de prestations sociales, hors pensions, sur des comptes bancaires qui ne seraient pas situés dans l’espace unique de paiement en euros (Sepa), ces prestations étant soumises à la condition de résider sur notre territoire. Je sais que ce sujet a fait l’objet d’un rapport de votre commission des affaires sociales dont je salue le travail.
Le texte qui vous est soumis comporte des dispositions sur le transfert Agirc-Arrco. Je veux à cet égard formuler trois rappels.
Premièrement, le texte répond précisément aux recommandations du rapport que j’évoquais à l’instant de M. Savary et Mme Apourceau-Poly, en reportant à 2024 le transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire aux Urssaf, comme le réclamaient également les syndicats et le patronat.
Deuxièmement, nous demandons à l’Agirc-Arrco et aux Urssaf de conclure une convention pour inscrire leur partage de responsabilités noir sur blanc. Soyons très clairs : le rôle des Urssaf est de recouvrer des cotisations, pas de verser des retraites. Ni aujourd’hui ni demain, les Urssaf ne verseront les retraites complémentaires. L’Agirc-Arrco continuera de fiabiliser les données personnelles des salariés.
Troisièmement, ce transfert s’inscrit dans le mouvement d’unification du recouvrement social au sein des Urssaf et du recouvrement fiscal à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Il s’agit d’une démarche de simplification pour les entreprises, avec un objectif de gain de recouvrement pour le régime de l’Agirc-Arrco.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que nous allons enrichir ensemble ce PLFSS au cours de nos débats. Sur ces travées, il me semble que vous partagez l’objectif de refondation et de consolidation de notre système social. Chacun d’entre vous est force de proposition sur ces enjeux, comme vous l’avez démontré.
Au-delà de nos clivages légitimes, sachons bâtir, avec confiance, mais aussi responsabilité, un PLFSS qui soit une brique importante d’un système social plus efficace, plus juste, et plus solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Laurence Rossignol. Cela fait du bien quand ça s’arrête !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure générale, madame, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est l’effort collectif consacré par notre nation pour protéger la collectivité face aux aléas de la vie.
Aux côtés de mes collègues, la ministre en charge de l’organisation territoriale et des professions de santé que je suis est honorée de présenter aux spécialistes des territoires que vous êtes les engagements forts de ce PLFSS.
Alors que notre système de santé a été fortement sollicité et qu’il a su relever le défi de la crise sanitaire, grâce à l’engagement sans faille de l’ensemble des acteurs de santé, que je tiens une nouvelle fois à saluer, la ligne de ce PLFSS est claire : défendre les préoccupations essentielles de nos concitoyens à travers plus de prévention, un accès renforcé aux soins et un système plus juste et plus éthique.
Ce PLFSS comporte ainsi des mesures fortes en matière de prévention, telles que la création de nouveaux rendez-vous aux âges clés de la vie ou pour améliorer la santé des femmes.
Il s’agit d’un PLFSS de défense de l’hôpital, très éprouvé par la pandémie et porté à bout de bras par l’ensemble du personnel soignant, comme François Braun l’a déjà longuement souligné.
Le Gouvernement a pris ses responsabilités en reprenant une partie de la dette hospitalière pour redonner de l’air aux établissements et leur permettre d’investir. Les engagements inédits pris lors du Ségur de la santé ont apporté une réponse forte à la demande légitime de reconnaissance et de valorisation de l’engagement des soignants. Ces efforts se prolongent dans ce PLFSS.
Nous créons également des outils pour encadrer l’intérim, qui fragilise les équipes et pèse sur les comptes des hôpitaux.
Par ailleurs, nous prenons à bras-le-corps la question de l’intégration des personnels de santé étrangers – c’est une priorité pour mon ministère.
Par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a souhaité décaler au 30 avril prochain la date butoir de régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) soumis au cadre légal de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de 2019. En effet, la pandémie a porté un coup d’arrêt au processus d’évaluation et de reconnaissance de leurs compétences. En responsabilité, cette date limite avait été reportée une première fois au 31 décembre 2022.
Notre objectif est de ne pas pénaliser les hôpitaux – et donc les patients – au sein desquels ces praticiens jouent souvent un rôle essentiel dans la continuité des soins tout en conservant toutes les exigences nécessaires sur le niveau de compétence requis. Gardons toujours à l’esprit que les femmes et les hommes que l’on appelle « Padhue » participent pleinement au bon fonctionnement de notre système de santé.
Enfin, ce PLFSS traduit notre engagement en matière d’accès aux soins et de lutte contre les déserts médicaux à travers une simplification des aides à l’installation via le guichet unique, de nouvelles mesures pour favoriser le maintien en activité des médecins ou encore l’introduction de la notion de responsabilité collective en matière de permanence des soins.
Protéger notre modèle de protection sociale, c’est aussi agir avec responsabilité contre toutes les formes de fraudes, comme l’a rappelé à l’instant Olivia Grégoire.
La fraude, je le dis nettement, est un coup bas porté à notre pacte républicain et à la justice sociale. Parce qu’elle sape le consentement à l’impôt, elle pénalise en priorité les Français les plus modestes, c’est-à-dire tous ceux qui bénéficient légitimement de nos filets de sécurité.
Lutter contre les fraudes est aussi une exigence forte pour garantir la pérennité de notre modèle. Avec mon collègue Gabriel Attal, nous avons souhaité introduire plusieurs mesures dans ce PLFSS en nous appuyant sur de nouveaux outils. Il s’agit à la fois de mieux prévenir et mieux détecter les fraudes. Je pense notamment à l’élargissement des possibilités de déconventionnement d’urgence des professionnels de santé en cas de violation grave des engagements conventionnels ou à la mise en place d’un nouveau barème de pénalités financières en cas de fraude.
À cet égard, l’article 44 relatif à l’extrapolation a peut-être été mal compris : il s’agit d’une mesure visant avant tout à chiffrer au plus près le préjudice de l’assurance maladie, laquelle ne peut aujourd’hui contrôler qu’une fraction limitée des factures. Cette mesure avait été proposée par la Cour des comptes en 2020.
Parce que ce PLFSS est ambitieux, je me réjouis de l’ouverture de ces débats devant votre assemblée. Je sais le Sénat attentif à l’équilibre des comptes sociaux, condition essentielle à la pérennité de notre modèle. Je vous sais aussi particulièrement attachés à la prise en compte des réalités des territoires.
Ce PLFSS est une première étape ; elle sera complétée par le volet santé du CNR, qui se déploie en ce moment sur l’ensemble du territoire avec pour objectif non seulement de mettre en valeur toutes les initiatives locales déjà existantes, mais également de trouver des solutions nouvelles pour notre système de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous nous apprêtons à examiner le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature.
L’examen du texte par l’Assemblée nationale a été réalisé dans des conditions particulières – vous ne me contredirez pas. Les députés ont tout d’abord rejeté les première et deuxième parties du texte relatives, respectivement, aux comptes du dernier exercice clos et à la rectification des prévisions de recettes et aux objectifs de dépenses de l’année 2022.
Le Gouvernement a ensuite engagé à deux reprises sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution : une première fois sur la troisième partie du texte, relative aux recettes de l’année à venir, avant même d’avoir commencé l’examen de cette partie ; une seconde fois sur la quatrième partie, relative aux dépenses de l’année à venir et sur l’ensemble du PLFSS, après avoir examiné quelques articles concernant, pour l’essentiel, la branche autonomie.
Il en résulte que le PLFSS pour 2023 nous arrive tronqué, vidé de ses deux premières parties, ce qui est assez inédit, que le Gouvernement n’a pu rétablir lorsqu’il a engagé sa responsabilité sur les parties suivantes. Surtout, le débat parlementaire lui-même a jusqu’à présent été tronqué.
Au regard des enjeux financiers et politiques particulièrement importants des projets de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons la responsabilité de faire vivre, au Sénat, des débats complets sur le PLFSS pour 2023.
Soyez sûrs, mesdames, messieurs les ministres, que ces débats seront à l’image du Sénat, c’est-à-dire sérieux et respectueux, mais aussi exigeants et parfois en contradiction avec votre approche.
Comme l’ont souligné les ministres, les comptes de la sécurité sociale s’améliorent depuis le trou d’air historique de l’année 2020, pic de la crise sanitaire, économique et sociale provoquée par l’épidémie de covid-19. De ce point de vue, le Gouvernement considère que l’année à venir devrait de nouveau marquer une progression, avec un déficit réduit à 7,2 milliards d’euros. Cela reste significatif pour des comptes censés être équilibrés, mais nous sommes loin des quelque 39,8 milliards d’euros de 2020, record historique de déficit des comptes sociaux. Nous en acceptons l’augure.
Toutefois, notre commission a exprimé son inquiétude face aux chiffres que vous nous présentez.
Inquiétude, tout d’abord, quant à la crédibilité des comptes pour 2023. Le tableau d’équilibre repose en effet sur des hypothèses que le Haut Conseil des finances publiques qualifie d’optimistes : d’une part, le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1 % et une nouvelle progression de la masse salariale de 5 % ; d’autre part, il prévoit une quasi-disparition des dépenses liées au covid-19, la provision correspondante ne s’élevant qu’à 1 milliard d’euros, ce qui nous semble un peu faible. Nous avons l’intention de vous donner les moyens de vérifier ce dernier point.
Vous comptez d’ailleurs uniquement sur cette vision optimiste de la conjoncture économique et sanitaire pour « tenir » les comptes et non sur les mesures que vous prendrez. À cet égard, il est significatif que le solde transmis par l’Assemblée nationale soit égal au solde tendanciel, c’est-à-dire à celui que l’on constaterait si aucune mesure n’était prise dans le cadre de ce PLFSS.
Notre inquiétude vaut aussi pour l’avenir. En effet, si l’on se projette au-delà de 2023, au travers de l’annexe B, quadriennale, de ce PLFSS, on peut observer que le déficit relativement modeste espéré pour 2023 devrait être, non pas une étape sur le chemin du retour à l’équilibre, mais seulement une embellie avant un nouveau creusement des déficits : selon vos propres prévisions, la situation des comptes de la sécurité sociale devrait se dégrader dès 2024, avec un déficit de 8,8 milliards d’euros, jusqu’à atteindre un niveau plus inquiétant encore, autour de 12 milliards d’euros par an en 2025 et 2026.
Or ce scénario repose, là encore, sur des hypothèses de croissance optimistes et des perspectives de maîtrise des dépenses, notamment en ce qui concerne l’Ondam, dont nous ne savons rien.
L’annexe B, qui vise également à donner une visibilité et une stratégie pour l’avenir, n’apporte aucun détail sur les moyens que le Gouvernement envisage de se donner pour maîtriser les comptes. Il y est tout juste précisé, par exemple, que le solde de la branche vieillesse « bénéficierait de l’objectif d’élévation progressive de l’âge effectif de départ sur le quinquennat ».
Le Haut Conseil des finances publiques déplore également que vos prévisions supposent des « effets importants et immédiats de réformes » dont « ni les modalités, ni les impacts, ni le calendrier ne sont documentés ».
En somme, cette trajectoire, qui devrait se dégrader dès 2024, n’est, hélas ! qu’une version optimiste de l’avenir des comptes sociaux. Il est donc à craindre que les déficits ne continuent de s’accumuler et que de nouveaux transferts à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ne doivent être envisagés à l’avenir.
Dans ce contexte, la commission des affaires sociales a adopté une approche responsable. Nous proposerons tout d’abord de rétablir les parties de loi de financement de la sécurité sociale qui doivent exister, quitte à les corriger, comme en première partie.
Nous marquerons ensuite notre refus de la vision que le Gouvernement présente de l’avenir de la sécurité sociale à l’annexe B, à la sincérité douteuse et dépourvue de dimension stratégique.
Nous poserons nous-mêmes les jalons de véritables mesures d’équilibre, en particulier sur les retraites, mais aussi en proposant quelques recettes supplémentaires.
Nous renforcerons, enfin, le contrôle du Parlement, notamment dans le cas où les hypothèses optimistes du Gouvernement ne se vérifieraient pas – par exemple, en cas de dépassement significatif de l’Ondam et des dépenses d’urgence.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les ministres, nous serons, tout au long de ce débat que nous espérons riche, des interlocuteurs à la fois exigeants et constructifs, mais aussi, le cas échéant, des contradicteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce budget de l’assurance maladie est le troisième depuis le déclenchement de l’épidémie de covid-19 et le premier de la nouvelle équipe gouvernementale.
La première circonstance pourrait commander une certaine prudence dans le cadrage financier ; la seconde un peu d’audace dans les mesures nouvelles. Hélas, nous n’avons trouvé ni l’une ni l’autre.
Tout d’abord, la trajectoire financière est improbable. Le redressement annoncé est spectaculaire, mais il résulte d’un « effet recettes » anticipé sur la base, non de mesures nouvelles, mais d’hypothèses tant macroéconomiques qu’épidémiologiques très optimistes.
Les dépenses dans le champ de l’Ondam seraient en baisse en tenant compte des dépenses covid, mais elles augmenteraient de 3,7 % hors covid, selon un rythme de progression soutenu dans tous les sous-objectifs : 2,9 % pour les soins de ville, 4,1 % pour les établissements de santé…
On peine toutefois, derrière ces dynamiques de dépenses, à distinguer une grande politique de soutien au système de santé. L’Ondam hospitalier, par exemple, n’est renforcé que par la revalorisation du point d’indice et la forte inflation. Dans cinq ans, l’Ondam atteindrait ainsi 270 milliards d’euros, alors qu’il dépassait à peine 200 milliards d’euros en 2019, progressant ainsi de plus de 6,5 milliards d’euros par an. C’est impressionnant, mais à quoi correspondent ces montants ? Ni les professionnels de santé ni ceux qui cherchent à les consulter ne sauraient le dire. La crédibilité de ce budget est ainsi mise en cause tout comme la sincérité de la discussion parlementaire quand de généreuses annonces médiatiques interviennent durant son examen même.
Les mesures nouvelles n’ont pas le niveau d’ambition qu’exige notre système sanitaire. En ce qui concerne la prévention, l’article 17 constitue, à lui seul ou presque, l’emblème du nouvel intitulé du ministère, rebaptisé « de la santé et de la prévention ». Or il est peint en trompe-l’œil : s’agissant des trois rendez-vous de prévention tout au long de la vie, entre 20 ans et 25 ans, 40 ans et 45 ans et 60 ans et 65 ans promis dans le dossier de presse, le troisième est déjà en cours de déploiement et le deuxième ne prendra la forme que de « rendez-vous » ou de « séances » assez indéterminés.
La prévention est une chose trop sérieuse et, dans notre pays, trop urgente pour creuser à ce point l’écart entre promesses et réalisations.
En matière d’accès aux soins de ville, les mesures existent, mais elles sont timides ou brouillonnes – les deux qualificatifs n’étant pas mutuellement exclusifs.
À l’heure où tout semble prêter le flanc à la refondation, l’article 22 vise, plus modestement, à « rénover la vie conventionnelle ». En réalité, cet article ne modifie qu’à la marge les règles encadrant les conventions conclues entre les organisations représentatives des professions de santé et l’assurance maladie.
Le texte nous est, en outre, parvenu bardé d’articles additionnels, parfois à la limite de la recevabilité, et composant, davantage qu’une loi de financement, une espèce de loi Santé en costume d’Arlequin, avec accès direct aux infirmiers en pratique avancée, élargissement de la permanence des soins, dépistage de la drépanocytose, expérimentation de consultations avancées, certificats de décès…
Tous ces sujets sont bien sûr importants, mais ils gagneraient à être examinés de manière cohérente à l’abri des contraintes pesant sur le calendrier budgétaire.
M. Alain Milon. Tout à fait !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Sur ces thématiques, comme sur celle de la téléconsultation, que le Gouvernement entend mieux encadrer, nous proposerons des améliorations. De même, nous souhaitons rétablir le dispositif de la proposition de loi du président Retailleau sur la quatrième année de médecine générale.