compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Karoutchi

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour une mise au point au sujet d’un vote.

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, lors du scrutin n° 29 sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, intervenu au cours de la séance du 4 novembre 2022, ma collègue Christine Herzog souhaitait ne pas prendre part au vote et non voter pour.

M. le président. Acte est donné de votre mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2023

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2023 (projet n° 96, rapport n° 99, avis n° 98).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Question préalable

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, monsieur les ministres, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, c’est avec engagement, confiance et détermination que je viens débattre dans cet hémicycle du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Dans l’intitulé même de ce projet de loi figure le mot « sécurité ».

Cette sécurité, nous la devons d’abord à nos concitoyens, pour qu’ils puissent accéder facilement à la santé, d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur situation. L’universalité de l’accès à la santé, voilà le moteur de mon engagement et de mon action en tant que ministre.

Cette sécurité, nous la devons aussi à ce même système de santé qui se met chaque jour au chevet des Françaises et des Français, en ville comme à l’hôpital, avec abnégation et dans des conditions que je sais difficiles.

Prendre soin de ceux qui prennent soin de nous, c’est une de mes priorités en tant que ministre de la santé et de la prévention, c’est tout l’engagement de ce gouvernement et de cette majorité.

Avec ce PLFSS, nous faisons le choix d’un système de santé renforcé et plus juste, pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de nos professionnels de santé.

Comment, concrètement, se traduit cette ambition ?

Elle passe d’abord par un investissement en rapport avec les enjeux de la santé.

Pour 2023, nous vous proposons de porter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à un niveau historique de +3,7 % hors dépenses de crise sanitaire – c’est important de le redire.

Cette augmentation s’inscrit dans la droite ligne de l’effort d’investissement que nous avons réalisé ces dernières années, notamment avec le Ségur de la santé.

Au-delà de cet investissement soutenu, ce PLFSS porte aussi des mesures fortes.

Notre ambition est avant tout d’offrir à nos concitoyens un pays où chacun peut accéder facilement aux soins, peu importe l’endroit où il vit ou ses revenus.

C’est pour cette raison que nous menons, avec ce PLFSS, une lutte déterminée contre toutes les inégalités d’accès à la santé, qu’elles soient territoriales, financières ou sociétales.

C’est tout simplement un enjeu de justice sociale, à l’heure où près de 4 millions de Français vivent dans un territoire sous-doté et où 6 millions de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant.

Cette situation est l’effet des décisions passées, qui nous conduisent à enregistrer aujourd’hui un système de santé à bout de souffle avec, en particulier, une baisse sans précédent de nos ressources, notamment médicales.

Pour faire face, nous devons agir sur tous les fronts.

Pour mieux inciter les professionnels de santé à s’installer dans les zones sous-dotées, ce PLFSS vise à renforcer les effets des aides à l’installation. Ces dernières sont complexes et multiples ; elles sont aussi mal connues et mal comprises des professionnels, qui ne s’y retrouvent plus. Nous proposons donc de les simplifier.

Autre enjeu important, nous voulons mieux accompagner les médecins proches de la retraite, afin qu’ils poursuivent leur activité, et faire revenir des médecins retraités actifs qui en auraient l’envie. Le Président de la République a annoncé une mesure forte face aux territoires sous-dotés : nous exonérerons de cotisations de retraite les médecins retraités qui souhaiteraient prolonger ou reprendre leur engagement au service de nos concitoyens.

À l’heure où s’ouvrent les négociations conventionnelles, nous proposons aussi de créer un cadre plus adapté, pour que ces dernières soient pleinement fondées sur une logique d’engagements réciproques, particulièrement vis-à-vis des territoires et de la permanence des soins.

Enfin – et je sais le soutien de votre assemblée à cette réforme –, nous formerons mieux les futurs médecins généralistes, notamment pour mieux les préparer à une installation plus rapide en sortie d’études, grâce à la quatrième année d’internat.

Si celle-ci a pleinement vocation à se faire en médecine ambulatoire, j’ai entendu que, dans quelques situations très ciblées et exceptionnelles, il était important pour les étudiants de pouvoir déroger à ce principe. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, de manière à tenir compte des échanges qui se tiennent actuellement dans le cadre de la mission en cours sur les conditions de mise en œuvre de cette quatrième année d’internat. Même si nous favoriserons cet exercice en zone sous-dense, je tiens à redire qu’il ne s’agira pas d’une obligation.

Ce PLFSS a aussi pour ambition de renforcer notre hôpital, avec des moyens et une reconnaissance à la hauteur du service qu’il rend aux Français.

Trop longtemps, nos soignants ont dû mettre les bouchées doubles pour compenser des décennies d’économies réalisées sur l’hôpital, au prix d’un désespoir grandissant chez certains de nos professionnels. Ces choix passés et répétés nous obligent aujourd’hui à gérer des urgences successives.

Ainsi, j’étais la semaine dernière avec les représentants du secteur de la pédiatrie, pour mettre en place des mesures rapides face à une épidémie de bronchiolite précoce qui fait peser une pression accrue sur des services déjà fragilisés.

Si j’assume totalement de devoir gérer des situations de tension, j’assume aussi d’accélérer les transformations plus profondes, structurelles, qui seules nous permettront de retrouver de la sérénité, de la confiance en l’avenir et de l’excellence pour notre hôpital.

J’ai notamment la conviction qu’il est temps de régler la question de l’intérim, qui est un poison pour nos équipes et pour la stabilité de nos établissements lorsqu’il devient mercenaire. Ce PLFSS prévoit ainsi de ne pas autoriser cette pratique en début de carrière. C’est bon pour les hôpitaux ; c’est sécurisant pour les jeunes professionnels.

Au total, le soutien à l’hôpital se traduit par un Ondam hospitalier en progression de 4,1 %. C’est un effort de plus de 100 milliards d’euros, en augmentation de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2022. Des travaux sont par ailleurs en cours afin de rectifier l’Ondam 2022 à la suite des annonces récentes de soutien à l’hôpital pour l’hiver, dont la prolongation de la majoration de nuit jusqu’à la mise en œuvre de travaux plus structurels. Nous le faisons tout en maintenant notre effort en faveur des soins de ville, à l’aube de l’ouverture des négociations conventionnelles avec les médecins libéraux.

Le choix de ce PLFSS, c’est enfin d’offrir à nos concitoyens un pays où les maladies sont prévenues avant d’être soignées. C’est une clé essentielle de l’avenir de notre santé, j’en ai la conviction profonde.

Oui, avec ce texte, nous faisons un grand pas en avant pour rendre la prévention bien réelle et présente dans notre société. Ma philosophie est de donner toutes les clés à nos concitoyens pour prendre soin de leur santé, en sortant des messages de culpabilisation et en rendant la prévention attractive.

Nous proposons ainsi de mettre en place des rendez-vous de prévention, qui prendront la forme de bilans de santé aux âges clés de la vie, pris en charge à 100 % par l’assurance maladie.

Cette mesure a deux vocations : d’une part, aller chercher les patients les plus éloignés du système de santé, qui ne voient pas souvent leur médecin ; d’autre part, agir sur la durée en proposant des parcours de santé autour de ces rendez-vous, ce qui permettra d’éviter des maladies et de mieux prendre en compte certains enjeux essentiels, comme la santé mentale, la santé des femmes, ou la prévention des cancers.

Le Gouvernement s’engage également dans ce PLFSS pour la santé sexuelle et pour la santé des femmes, à travers des mesures concrètes.

Nous proposons ainsi d’élargir à d’autres infections sexuellement transmissibles que le VIH le dépistage sans ordonnance et gratuit, pris en charge à 100 %, pour les moins de 26 ans.

Par ailleurs, alors que seulement 10 % des contraceptions d’urgence sont actuellement remboursées, nous voulons élargir la délivrance gratuite de la contraception d’urgence à toutes les femmes, peu importe leur âge.

Enfin, la crise sanitaire récente a montré à quel point se faire vacciner est essentiel pour se protéger et protéger les autres.

Nous proposons donc d’élargir la prescription et la réalisation de vaccins aux pharmaciens, aux sages-femmes et aux infirmiers, ce qui est d’autant plus essentiel que nous lançons actuellement une campagne de vaccination à la fois contre la grippe et contre le covid-19. À cet égard, nous avons souhaité conserver, à l’issue des débats à l’Assemblée nationale, les amendements visant à autoriser les étudiants en troisième cycle en médecine et en pharmacie à vacciner.

En un mot, ce PLFSS concrétise notre ambition de faire rapidement de la prévention un pilier à part entière de notre système de santé.

Ce PLFSS est enfin un texte de responsabilité, qui tient compte de l’enjeu majeur de soutenabilité de notre système de santé.

J’assume le fait que ce redressement se fera par le renforcement de la pertinence et de la qualité de la réponse aux besoins de santé. Nous travaillerons d’ailleurs aussi dans le cadre du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR) sur ce pacte de soutenabilité à conclure avec les Français et tous les professionnels.

D’ores et déjà, ce budget de la sécurité sociale prévoit des mesures que nous pensons justes et proportionnées, pour que nos déficits ne pèsent pas sur les générations futures et que nous puissions respecter l’engagement du Gouvernement de ne pas baisser les droits ni augmenter les impôts.

Nous allons ainsi exiger du secteur de la radiologie qu’il renforce la transparence et l’information sur le coût de ses équipements matériels.

Nous allons également demander une contribution à la biologie, en ouvrant une négociation avec ce secteur, parallèlement au lancement d’une mission pour mieux préparer son avenir.

Nous allons aussi réguler la trajectoire très dynamique de dépenses sur les médicaments, tout en préservant les engagements pris pour soutenir nos capacités d’innovation et de production de nos plus vieux médicaments, qui restent nécessaires dans le quotidien des Français, ainsi que notre souveraineté nationale et européenne.

Nous travaillerons également avec les complémentaires santé sur de multiples chantiers, notamment pour élaborer un partage équitable des remboursements dans le champ de la santé.

Enfin, ce PLFSS adresse aussi un message de fermeté à l’égard de tous les types de fraudes.

Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, vous le voyez, notre ambition pour la santé de nos concitoyens s’incarne pleinement dans le PLFSS que je vous présente aujourd’hui.

Notre engagement pour la santé des Françaises et des Français n’est pas fait de mots : il est fait de moyens, de propositions nouvelles et de réformes courageuses.

Ce PLFSS pour l’année 2023, c’est une première pierre à l’effort de refondation que nous voulons mener, pour que la devise de notre République – « Liberté, Égalité, Fraternité » – soit une réalité en matière de santé comme dans tous les autres aspects de la vie de nos concitoyens.

Je le dis aussi avec franchise : ce PLFSS est une première page, une page importante, mais il n’achève pas l’ensemble des réponses que nous devons à nos concitoyens.

Cela sera notamment le rôle des négociations conventionnelles, pour lesquelles j’ai rendu publiques mes orientations voilà quelques jours, et celui du volet santé du CNR, que j’ai lancé le mois dernier, au Mans, et qui crée une dynamique importante dans les territoires, en lien notamment avec les élus.

Bien sûr, ces travaux n’ont pas vocation à remplacer le débat au sein de la représentation nationale ; ils en sont complémentaires. Malgré le contexte, le débat fut fécond à l’Assemblée nationale. Nous avons pu, en lien avec les députés de l’arc républicain,…

Mme Annie Le Houerou. C’est quoi, l’arc républicain ?

M. François Braun, ministre. … progresser sur des sujets importants comme le cumul emploi-retraite des médecins, le contenu des rendez-vous de prévention, l’encadrement de la quatrième année d’internat de médecine générale ou encore la permanence des soins. Nous avons pu également progresser sur la mise en place d’expérimentations, par exemple pour le dépistage de la drépanocytose ou la réalisation de certificats de décès par les infirmiers.

Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, construisons ensemble des apports utiles au service des Français ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de lautonomie et des personnes handicapées. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, en ouvrant avec vous la discussion du budget de la sécurité sociale pour 2023, je veux avoir une pensée pour tous les professionnels du soin et tous les professionnels du lien qui, cette année encore, ont accompagné nos compatriotes, malgré la crise, malgré les doutes et malgré la pression.

Épidémie de covid-19, été de canicule, manque de personnels : sur toutes les travées, on connaît la situation ; sur toutes les travées, on salue le rôle décisif de ces femmes et de ces hommes.

En cette période de difficultés et d’incertitudes, le choix que nous vous proposons pour l’année prochaine est d’augmenter les moyens que la Nation consacre aux personnes âgées en perte d’autonomie, aux personnes en situation de handicap et aux familles.

Nous octroyons 1,5 milliard d’euros supplémentaires à la branche autonomie et 1,6 milliard à la branche famille. C’est inédit, c’est du concret. Cela marque aussi la volonté du Gouvernement de protéger les Français qui en ont le plus besoin tout en poursuivant la réforme de notre modèle social pour qu’il soit plus performant.

Ces 3 milliards d’euros supplémentaires, nous proposons de les engager pour régler des problèmes du quotidien.

Il s’agit, d’abord, de restaurer la confiance dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et d’augmenter le nombre de soignants pour que les enfants ne s’inquiètent pas pour leurs parents âgés et que nos aînés soient dignement accompagnés.

Nous entendons, ensuite, soutenir les services à domicile pour que chacun puisse avoir le choix de rester chez soi et d’y bien vieillir.

Nous voulons aussi faciliter l’accès à des solutions d’accueil pour les jeunes enfants, afin de permettre à leurs parents de travailler ; je pense notamment aux femmes et aux familles monoparentales.

Enfin, il faut offrir aux parents la possibilité de scolariser dans de bonnes conditions leur enfant en situation de handicap.

Voilà quelques exemples de sujets sur lesquels ce budget va nous permettre d’avancer.

Ces 3 milliards d’euros supplémentaires sont aussi là pour protéger de l’inflation le secteur médico-social, déjà fragilisé par les tensions de recrutement. Nous faisons, par exemple, le choix de compenser l’impact de l’inflation sur les charges non salariales des dotations de soin des Ehpad et de faire bénéficier ces établissements du bouclier tarifaire sur l’énergie.

Ce secteur économique est précieux en matière d’emploi et indispensable par les services qu’il rend à un grand nombre de Français. Nous assumons donc ce soutien, qui est d’intérêt général.

Ce soutien à la consolidation du secteur, nous l’apportons face à l’urgence, mais également dans la durée, avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’ensemble des acteurs. Ce budget est un nouveau signe fort de la volonté de l’État.

La question des moyens est importante, mais celle de la méthode l’est tout autant. C’est pourquoi je fais clairement le choix du dialogue avec les secteurs concernés et de la coconstruction avec les collectivités, notamment les départements.

J’étais ce matin avec les aidants et je serai demain avec les assistantes maternelles ; j’étais en fin de semaine dernière dans la Marne avec les élus et tous les acteurs du grand âge, toujours dans cet esprit d’écoute et de recherche de solutions.

En effet, les solutions ne peuvent pas attendre ; c’est notamment le cas en matière d’autonomie. Comme je le disais, nous devons restaurer la confiance dans les Ehpad, ce qui passe notamment par davantage de contrôles et de sanctions.

Sur ce sujet, nous nous sommes appuyés sur les travaux parlementaires. Je salue à cet égard la sénatrice Michelle Meunier et le sénateur Bernard Bonne, auteurs d’un rapport dont de nombreuses recommandations ont déjà été reprises et dont d’autres se retrouvent dans le présent texte.

L’article 32, renforcé par l’Assemblée nationale, nous permettra d’intensifier les contrôles et de durcir les sanctions contre les établissements fautifs. Je pense aussi au financement des moyens humains nécessaires pour contrôler l’intégralité des établissements dans les deux ans à venir, comme nous l’avons annoncé. Ces contrôles ont déjà commencé et j’en rendrai compte régulièrement et en toute transparence devant la représentation nationale. Cette transparence, nous la devons aux familles et aux professionnels eux-mêmes.

Restaurer la confiance dans les Ehpad, c’est aussi soutenir leurs professionnels. Notre objectif est clair : 50 000 soignants de plus dans les prochaines années et 3 000 dès 2023. J’entends les critiques de celles et ceux qui considèrent que nous n’allons pas assez vite, mais j’étais il y a encore quelques mois directeur général de la Croix-Rouge française et c’est précisément parce que je connais la réalité de la situation que je veux tenir devant vous un discours de vérité : il est bien trop facile de promettre des centaines de milliers de postes si nous ne sommes pas capables de former, d’attirer et de fidéliser les professionnels.

C’est donc bien sur l’ensemble du problème que nous agissons : la question de la rémunération – sur laquelle aucune majorité n’a autant fait que la nôtre – se pose, mais il faut aussi s’intéresser aux questions de formation, de management, de parcours, de reconnaissance et de santé de nos professionnels.

Dans la droite ligne de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Gouvernement propose de poursuivre et d’accélérer le développement de l’aide à domicile.

Nous le ferons, d’abord, en renforçant les services de soins infirmiers à domicile, avec le financement de 4 000 nouvelles places, qui nous mettent sur la trajectoire d’augmentation de 20 % dont nous avons besoin d’ici à 2030. Pour mieux les financer, nous proposons également d’adapter leur tarification de manière à mieux prendre en compte le profil des personnes accompagnées.

Ensuite, nous entendons renforcer la lisibilité de l’offre pour les Français. En 2022, nous nous sommes engagés dans une logique de guichet unique en regroupant les différents services. Pour 2023, nous vous proposons d’accélérer en incitant financièrement les services à dispenser des activités à la fois d’aide et de soins avec le forfait coordination.

Développer l’aide à domicile, c’est aussi permettre aux professionnels de passer plus de temps auprès des personnes qu’ils accompagnent. Trop souvent, les intervenants ont tout juste le temps de faire les gestes élémentaires pour assurer le lever, le coucher et le repas. Trop souvent aussi, les personnes qui les accueillent vivent ces interventions comme des temps mécaniques, minutés et déshumanisés.

Nous avons ouvert la discussion avec les départements pour pouvoir ajouter deux heures de présence supplémentaire chaque semaine auprès des 780 000 personnes qui bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile : deux heures dédiées à la convivialité et à la prévention, deux heures qui permettront aussi d’améliorer les conditions de travail de professionnels qui, trop souvent, subissent des temps partiels ou du travail fractionné.

Dans la continuité des travaux engagés à l’Assemblée nationale, le Gouvernement présentera par ailleurs un amendement visant à introduire davantage de souplesse pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), afin qu’ils puissent mobiliser davantage d’interventions à domicile.

Développer l’aide à domicile, c’est enfin faire en sorte que l’inflation ne pèse pas sur le reste à charge des bénéficiaires.

L’année dernière, nous avions instauré un tarif horaire plancher de 22 euros ; cette année, nous faisons le choix non seulement de l’augmenter à 23 euros, mais aussi de l’indexer, pour les années suivantes, sur la majoration pour tierce personne, c’est-à-dire sur un indice proche de l’inflation.

Ces mesures permettent de diversifier l’offre de services sur nos territoires. Tel est également le sens de la priorité donnée au développement de l’habitat inclusif et à toutes les formes alternatives et innovantes qui permettent de s’adapter aux parcours de vie des personnes.

Toutes ces mesures, nous les bâtissons avec les structures et avec leurs financeurs, en premier lieu les départements. Avec l’Assemblée des départements de France, nous avons réuni, la semaine dernière, un comité des financeurs, qui se réunira de nouveau ce soir. Nous y discutons des deux heures hebdomadaires supplémentaires, dont j’ai déjà parlé, mais aussi du soutien aux conditions de travail dans les services d’aide à domicile, via notamment les concours financiers de la CNSA, qui méritent d’être réformés, aux conseils départementaux.

J’en viens aux moyens que nous consacrons aux personnes en situation de handicap, pour lesquels le Gouvernement fait le choix d’une augmentation sans précédent de 5,2 %. C’est à la hauteur des ambitions que nous portons, avec ma collègue Geneviève Darrieussecq, pour tenir les engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap et préparer la prochaine, qui se tiendra au tout début de l’année 2023.

Nous amplifions notamment la mise en œuvre de grands objectifs : pour l’école inclusive et la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap ; pour l’accompagnement des adultes en situation de polyhandicap et des personnes handicapées vieillissantes ; enfin, avec 80 millions d’euros supplémentaires, pour des mesures concernant l’autisme et les troubles du neuro-développement.

Nous prévoyons ainsi d’étendre aux 7-12 ans la politique de détection précoce, l’une des réussites majeures de la stratégie nationale, qui a permis depuis trois ans à près de 30 000 enfants d’être détectés à temps et correctement accompagnés.

Cet investissement prioritaire dans l’enfance se retrouve également dans la branche famille, pour laquelle nous proposons une augmentation exceptionnelle de 1,6 milliard d’euros. Ce choix fort du Gouvernement rejoint deux objectifs placés au cœur du projet du Président de la République : le plein emploi et l’égalité des chances.

Pas de plein emploi dans une société où, trop souvent, des femmes doivent renoncer à travailler faute de mode d’accueil adapté pour leurs enfants.

Pas d’égalité des chances non plus dans une société qui reproduit les inégalités en ne soutenant pas les familles les plus fragiles.

Concrètement, nous proposons de réformer l’aide à la garde individuelle d’enfant, le complément de libre choix du mode de garde (CMG), dont les familles connaissent bien l’importance, suivant deux axes : d’une part, en modifiant le barème pour permettre aux familles qui ne recourent pas à la crèche de faire garder leur enfant au même coût par une assistante maternelle ou une garde à domicile en emploi direct ; d’autre part, en rallongeant son bénéfice au-delà de 6 ans et jusqu’à l’entrée au collège pour les familles monoparentales.

Nous assumons ce choix fort d’apporter une attention toute particulière aux familles monoparentales, dont 30 % vivent dans la pauvreté et 90 % sont des femmes. C’est ce même engagement aux côtés des familles monoparentales qui nous a conduits à augmenter voilà quelques jours la pension alimentaire minimale de 50 %, pour la porter de 123 à 185 euros par mois et par enfant.

Voilà mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, les grandes mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ces mesures vont changer concrètement la vie de millions de femmes et d’hommes. Elles vont permettre de soutenir des professionnels éprouvés par la crise, que nous devons accompagner dans les grandes transformations. Elles contribuent aux réformes structurelles du quinquennat, pour que notre modèle social réponde mieux aux besoins des Français.

C’est le cas des mesures de la branche famille, qui s’inscrivent dans la droite ligne de la politique des 1 000 premiers jours. Elles sont une brique du service public de la petite enfance. Cette grande réforme, nous allons la construire avec les collectivités locales tout au long du quinquennat, pour que chaque famille puisse avoir une solution d’accueil de qualité pour ses enfants.

C’est aussi le cas des mesures de la branche autonomie, qui s’inscrivent dans le chantier plus global que nous avons ouvert pour préparer la société, dans toutes ses dimensions, au vieillissement de la population.

J’étais, vendredi dernier, à Châlons-en-Champagne, pour animer le premier atelier territorial du Conseil national de la refondation, dédié au bien vieillir. Autour de cette question si fondamentale, l’une des plus cruciales auxquelles nous devons répondre dans les prochaines années, nous avons réuni des élus, des professionnels de tous les secteurs, des personnes âgées et leurs familles, ainsi que des acteurs associatifs et privés pour construire des solutions opérationnelles directement sur les territoires.

C’est ce même esprit de pragmatisme et d’ambition que porte ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est dans cette même méthode d’écoute et de coconstruction que je vous propose d’en discuter ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)