Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-40 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-625 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4 nonies (nouveau)
I. – Il est institué, au titre du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022, une contribution temporaire de solidarité.
II. – Sont redevables de la contribution temporaire de solidarité les personnes morales ou les établissements stables exerçant une activité en France ou dont l’imposition du bénéfice est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions et dont le chiffre d’affaires au titre de l’exercice mentionné au I provient, pour 75 % au moins, des secteurs de l’extraction, de l’exploitation minière, du raffinage du pétrole ou de la fabrication de produits de cokerie au sens du règlement (CE) n° 1893/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 établissant la nomenclature statistique des activités économiques NACE Rév. 2 et modifiant le règlement (CEE) n° 3037/90 du Conseil ainsi que certains règlements (CE) relatifs à des domaines statistiques spécifiques.
Le chiffre d’affaires mentionné au premier alinéa du présent II s’entend du chiffre d’affaires réalisé en France par le redevable de la contribution au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené, le cas échéant, à douze mois.
La contribution temporaire de solidarité est due par chaque membre d’un groupe formé en application des articles 223 A et 223 A bis du code général des impôts qui remplit individuellement la condition de chiffre d’affaires prévue aux deux premiers alinéas du présent II.
III. – A. – L’assiette de la contribution temporaire de solidarité est égale à la différence, si elle est positive, entre le résultat imposable constaté au titre de l’exercice mentionné au I et 120 % du montant défini au deuxième alinéa du présent A.
Le montant mentionné au premier alinéa du présent A est égal au quart de la somme algébrique des résultats imposables constatés au titre de l’ensemble des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018 et précédant l’exercice mentionné au I, multiplié par le rapport entre quatre ans et la durée cumulée de l’ensemble de ces exercices.
Lorsque le montant mentionné au deuxième alinéa du présent A est négatif, il est réputé être égal à zéro.
Les résultats servant de base au calcul de la différence mentionnée au premier alinéa du présent A s’entendent des résultats effectivement imposés à l’impôt sur les sociétés, avant imputation des réductions et des crédits d’impôt et des créances fiscales de toutes natures.
B. – Pour les redevables membres d’un groupe formé en application des articles 223 A et 223 A bis du code général des impôts, l’assiette de la contribution temporaire de solidarité est calculée en faisant application du A du présent III aux résultats qui auraient été imposables en leur nom à l’impôt sur les sociétés, si ces redevables avaient été imposés séparément.
C. – Pour les sociétés et groupements mentionnés aux articles 8, 239 quater et 239 quater C du code général des impôts, l’assiette de la contribution temporaire de solidarité est calculée en faisant application du présent III aux bénéfices déterminés dans les conditions prévues aux articles 60, 239 quater et 239 quater C du code général des impôts. L’assiette ainsi déterminée vient en diminution, à proportion des droits qu’ils détiennent chacun, de l’assiette de la contribution due, le cas échéant, par les associés ou les membres de ces sociétés ou groupements.
IV. – Lorsqu’une opération de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif a pour effet direct d’augmenter ou de réduire la différence mentionnée au A du III, l’assiette de la contribution temporaire de solidarité est corrigée à due concurrence.
V. – Le taux de la contribution temporaire de solidarité est fixé à 33 %.
VI. – Les réductions et les crédits d’impôt et les créances fiscales de toutes natures ne sont pas imputables sur la contribution temporaire de solidarité.
VII. – La contribution temporaire de solidarité est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
La contribution temporaire de solidarité est payée spontanément au comptable public compétent par le redevable mentionné au II, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
Pour les redevables de la contribution temporaire de solidarité qui ne sont pas redevables de l’impôt sur les sociétés, la contribution est acquittée au plus tard le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l’exercice, ou le 15 mai 2023 s’ils clôturent à l’année civile.
VIII. – La contribution temporaire de solidarité n’est pas admise dans les charges déductibles pour la détermination du résultat imposable.
Mme le président. L’amendement n° I-1170, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Sont redevables de la contribution temporaire de solidarité les personnes morales ou établissements stables exerçant une activité en France ou dont l’imposition du bénéfice est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions et dont le chiffre d’affaires au titre de l’exercice mentionné au I provient, pour 75 % au moins, d’activités économiques relevant des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage au sens du point 17 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie.
La parole est à M. le ministre délégué.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Favorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 4 nonies, modifié.
(L’article 4 nonies est adopté.)
Après l’article 4 nonies
Mme le président. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune. Je précise d’ores et déjà que ces amendements ont fait l’objet d’une demande de scrutin public.
L’amendement n° I-1257 rectifié ter, présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Ract-Madoux, MM. Henno, Longeot et Duffourg, Mme Sollogoub et M. Le Nay, est ainsi libellé :
Après l’article 4 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 117 quater est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– le premier alinéa du 1 est complété par les mots : « sous réserve des dispositions du 1° bis » ;
– après le même 1, est inséré un 1 bis ainsi rédigé :
« 1 bis. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis par les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 1 200 000 000 euros et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A au titre de l’année 2022 et de l’année 2023 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2017 et 2021 sont assujetties pour la part excédant 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et des rachats annuels à un prélèvement au taux de 17,8 %.
« Sont exclues du calcul mentionné à l’alinéa précédent de la moyenne de la somme des revenus distribués et des rachats d’actions les années où cette somme est intérieure à trente points de pourcentage du résultat net de la société considérée.
« Toutefois, les personnes physiques appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence de l’avant-dernière année, tel que défini au 1° du IV de l’article 1417, est inférieur à 50 000 € pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et à 75 000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune peuvent demander à être dispensées de ce prélèvement dans les conditions prévues à l’article 242 quater. » ;
– au premier alinéa du 2, les mots : « au 1 » sont remplacés par les mots : « aux 1 et 1 bis » ;
b) À la première phrase du 1 du III, après les mots : « du 1 », sont insérés les mots : « et au premier alinéa du 1 bis ».
2° Après le 2° ter du B du 1 de l’article 200 A, il est inséré un 2° … ainsi rédigé :
« 2° … Par dérogation au 1 du présent B, le gain net au sens du 6 du II de l’article 150-0 A du présent code retiré par le bénéficiaire lors d’un rachat par une société émettrice de ses propres titres redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 1 200 000 000 euros et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A au titre des années 2022 et 2023 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2017 et 2021 sont assujetties pour la part excédant 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et des rachats annuels à un prélèvement au taux de 17,8 %.
« Sont exclues du calcul mentionné à l’alinéa précédent de la moyenne de la somme des revenus distribués et des rachats d’actions les années où cette somme est intérieure à trente points de pourcentage du résultat net de la société considérée. » ;
3° Le I de l’article 216 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au deuxième alinéa du présent I, la quote-part de frais et charges prévue au présent I est fixée pour les produits, crédit d’impôt compris, de participations perçus à raison d’une participation dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés qui réalise un chiffre d’affaires de plus de 1 200 000 000 euros et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A au titre des années 2022 et 2023 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2017 et 2021 pour la part excédant 1,20 fois la moyenne à 10 %.
« Sont exclues du calcul mentionné à l’alinéa précédent de la moyenne de la somme des revenus distribués et des rachats d’actions les années où cette somme est intérieure à trente points de pourcentage du résultat net de la société considérée. »
La parole est à Mme Daphné Ract-Madoux.
Mme Daphné Ract-Madoux. Cet amendement a été déposé sur l’initiative de M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Les situations exceptionnelles nées, notamment, de la pandémie de covid-19 à partir du printemps 2020 et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie au mois de février 2022 ont eu des conséquences socioéconomiques qui marquent durablement le quotidien des Françaises et des Français.
Ce contexte de crise a provoqué des déséquilibres sur les marchés économiques, une forte hausse des prix des matières premières et des perturbations de la production. Dans le même temps, certaines entreprises ont réalisé des profits très élevés, excédant la moyenne de leurs résultats historiques avant la crise du covid-19.
Plusieurs voix s’élèvent aujourd’hui pour taxer ces superprofits. En septembre 2022, lors de son discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission européenne a proposé d’instaurer un plafonnement des revenus des producteurs d’électricité inframarginaux et une contribution de solidarité temporaire obligatoire ciblant les entreprises actives dans les secteurs du pétrole brut, du gaz fossile, du charbon et du raffinage. Ce paquet de mesures a été approuvé le 30 septembre 2022 par les ministres de l’énergie des États membres.
Toutefois, en plus de ces dispositifs européens, il apparaît nécessaire d’encourager ces entreprises, notamment celles du secteur énergétique, mais aussi les transporteurs, ainsi que les banques et assurances, à mettre à profit ces résultats exceptionnels pour investir, plus particulièrement pour faire face aux défis très importants que pose et que continuera de poser à moyen terme le changement climatique, qu’il s’agisse de la planète, de nos modes de vie, ou encore de manière plus concrète du modèle d’affaires de ces entreprises.
Pour désinciter à la distribution de ces résultats exceptionnels par des superdividendes et des super-rachats d’actions, nous proposons de mettre en place une majoration temporaire de 5 points du prélèvement forfaitaire unique – le portant à 35 % – sur les revenus distribués par les grandes entreprises ayant un chiffre d’affaires de plus de 1,2 milliard d’euros, lorsque le montant de ces revenus est supérieur de 20 % à la moyenne de ceux distribués entre 2017 et 2021.
Mme le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° I-614 rectifié est présenté par MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° I-682 rectifié est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes Jasmin et G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° I-817 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4 nonies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 117 quater est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– le premier alinéa du 1 est complété par les mots : « sous réserve des dispositions du 1 bis » ;
– après le même 1, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :
« 1 bis. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis par les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 750 000 000 euros et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A au titre des années 2022 et 2023 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2017 et 2021 sont assujetties à un prélèvement au taux de 17,8 %.
« Toutefois, les personnes physiques appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence de l’avant-dernière année, tel que défini au 1° du IV de l’article 1417, est inférieur à 50 000 € pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et à 75 000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune peuvent demander à être dispensées de ce prélèvement dans les conditions prévues à l’article 242 quater. » ;
– au premier alinéa du 2, les mots : « au 1 » sont remplacés par les mots : « aux 1 et 1 bis » ;
b) À la première phrase du 1 du III, après les mots : « du 1 », sont insérés les mots : « et au premier alinéa du 1 bis ».
2° Après le 2° du B du 1 de l’article 200 A, il est inséré un 2° …. ainsi rédigé :
« 2° … Par dérogation au 1° du présent B, le gain net au sens du 6 du II de l’article 150-0 A du présent code retiré par le bénéficiaire lors d’un rachat par une société émettrice de ses propres titres redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 750 000 000 euros et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A au titre des années 2022 et 2023 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2017 et 2021 sont assujetties à un prélèvement au taux de 17,8 % ; ».
La parole est à M. Daniel Breuiller, pour présenter l’amendement n° I-614 rectifié.
M. Daniel Breuiller. Il faut rendre à César ce qui est à César : nous nous inspirons de l’amendement déposé par Jean-Paul Mattei, adopté le 12 octobre dernier à l’Assemblée nationale. Ce n’était pas la nuit du 4 août, mais bien la manifestation d’une volonté de justice sociale. Il s’agissait de rechercher les solutions les plus adaptées dans une période de crise. Nous voulons reprendre cet amendement, qui a fini dans les poubelles ministérielles après le passage du 49.3.
Rendre à César ce qui est à César : je précise que l’expression renvoie à une phrase tirée des Évangiles synoptiques, qui est une réponse positive faite aux pharisiens qui posaient la question « Faut-il payer l’impôt ? » Nous aussi, nous répondons : « Oui ! ». (Sourires.)
Mme le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° I-682 rectifié.
M. Thierry Cozic. Nous proposons de reprendre l’amendement qui a été voté à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du groupe MoDem, avant de passer sous les fourches caudines de l’article 49.3. Le groupe SER souhaite que le Sénat se prononce sur ce dispositif, qui est une mesure de justice sociale. Il importe que chacun participe à l’effort national.
Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° I-817 rectifié.
M. Éric Bocquet. Cet amendement, qui constitue pour nous un repli total, un infime geste, reviendrait en revanche pour le Sénat et le Gouvernement à dire : « Je vous ai compris ! ». (Sourires.)
Le dispositif un peu alambiqué est finalement simple : l’imposition des bénéficiaires de dividendes est majorée de 5 points au titre du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Voyez un peu l’effort que nous faisons, nous qui voulons abroger le PFU et revenir à un régime d’imposition équivalent entre le capital et le travail !
Nous voulons dissuader les entreprises qui versent des dividendes. Ici, nous reprenons une proposition de la majorité relative à l’Assemblée nationale, via le MoDem, qui vise à augmenter de 5 points l’imposition des personnes physiques qui reçoivent des dividendes. Mais il ne s’agit même pas de tous les dividendes : seules sont visées les grandes entreprises qui versent plus de 20 % de dividendes supplémentaires par rapport à la moyenne des cinq années précédentes et les personnes qui reçoivent plus de 50 000 euros de dividendes sur une année. Ce n’est plus seulement un pas que nous faisons vers vous : cela relève du saut en longueur !
Malgré toutes ces restrictions et le sens de la mesure bien connu de l’auteur de cet amendement, Jean-Paul Mattei, quand il s’agit de taxer le capital, la proposition adoptée sur tous les bancs de l’Assemblée nationale a été malheureusement enterrée par le 49.3.
Il faut s’arrêter sur la raison qui préside à la disparition de cet amendement. J’ai mené l’enquête ; j’ai écouté RMC – voyez ce qu’il m’en coûte ! (M. Jérôme Bascher s’esclaffe.) Bruno Le Maire estime que cette mesure est « profondément injuste ». Pourquoi ? « Elle touche les personnes physiques, par exemple un salarié qui a des actions » – je n’en connais pas beaucoup –, « et pas les personnes morales, comme les entreprises ou les holdings ».
Monsieur le ministre, combien de salariés touchent plus de 50 000 euros de dividendes sur une année ? Pas ceux que je côtoie, en tout cas !
Nous proposons donc deux dispositifs : l’un concerne l’entreprise qui verse les dividendes ; l’autre, les particuliers qui les reçoivent.
Comme vous l’avez fait pour 117 amendements adoptés par l’Assemblée nationale, dont 97 amendements issus de la majorité, monsieur le ministre, choisissez ce que vous préférez !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements se distinguent par le seuil que leurs auteurs ont retenu pour l’imposition des superdividendes : dans les trois derniers, le mécanisme serait déclenché à partir de 750 millions de chiffre d’affaires ; dans le premier, ce seuil serait fixé à 1,2 milliard d’euros.
Le mécanisme proposé consiste à imposer davantage les détenteurs de participations dans des entreprises qui distribuent des dividendes supérieurs de 20 % à la moyenne des années 2017 à 2021.
Tout a été dit. La question qui se pose est la suivante : comment un tel mécanisme peut-il trouver une juste place dans le fonctionnement de notre économie, sachant qu’une partie de la période de référence retenue a connu la crise sanitaire, pendant laquelle l’État a apporté des aides publiques aux entreprises ?
Nous devons déterminer où il convient de placer le curseur entre un modèle où les entreprises financent leur développement par le marché, en plus du système bancaire, et un autre où l’économie n’est peut-être pas administrée, mais connaît du moins une forme de tutelle. Nous devons être attentifs à cet aspect du fonctionnement de notre économie, en période de crise comme en période normale.
Voilà les éléments qui me conduisent à émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous abordons ici une série d’amendements qui touchent à la juste contribution de chacune et de chacun dans le cadre de la crise que nous traversons.
En réalité, nous avons déjà commencé à traiter de ce sujet, sans le dire explicitement, parce que l’article 4 nonies, qui a été adopté par votre assemblée sans aucune prise de parole, constitue le premier volet de la transcription dans ce projet de loi de finances du mécanisme européen que nous avons mis en place pour capter les superprofits dans le domaine de l’énergie, cet article portant plus précisément sur les énergies fossiles.
Je le mentionne, parce que je me souviens que nous avions eu ce débat l’été dernier, lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 ; il s’agissait déjà des superprofits, mais pas encore des superdividendes. Bruno Le Maire et moi-même avions alors renvoyé cette question à une prochaine discussion européenne ; certains nous avaient accusés de le faire d’une façon quelque peu dilatoire, pour gagner du temps et enjamber ce texte, et prédisaient qu’il n’en sortirait rien.
Or il en est finalement sorti une taxe, un mécanisme européen qui nous permet, comme cela figure dans le texte initial, de récupérer 7 milliards d’euros de « superprofits », comme les appelleront certains, ou de « rente inframarginale », comme diront d’autres, en tout cas de profits indus directement liés à l’inflation des prix de l’énergie.
Le Gouvernement vous proposera même, par amendement, d’aller plus loin en renforçant ce mécanisme, de manière à faire passer son rendement de 7 milliards à 11 milliards d’euros. Ce sont bien 11 milliards d’euros de superprofits qui seraient ainsi captés dans le secteur de l’énergie !
Les auteurs des amendements dont nous discutons ont repris le dispositif de celui qui avait été défendu par Jean-Paul Mattei à l’Assemblée nationale. Nous avions alors émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. Rémi Féraud. Mais il a été adopté !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet avis se justifiait par plusieurs raisons.
Tout d’abord, le prélèvement forfaitaire unique est une réussite et un succès. Nous avons eu ce débat plus tôt au cours de l’examen du texte. M. le rapporteur général a notamment rappelé les études qui montrent que la réforme du PFU est autofinancée : en créant cette flat tax, l’État ne s’est pas appauvri en recettes.
Le choix de baisser cette fiscalité sur le capital avait justement pour objet de renforcer l’attractivité économique de notre pays, de manière à augmenter le volume de l’activité économique et à élargir de la sorte la base taxable. C’est précisément ce qui s’est passé : le taux a baissé, mais l’assiette s’est élargie. Là était toute la cohérence de l’ensemble de nos réformes fiscales : refaire de la France le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers. C’est le cas depuis trois ans ; c’est le baromètre EY qui le dit et non pas seulement le Gouvernement. Cette réforme a permis de développer l’activité économique dans notre pays. De même, depuis que le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 33 % à 25 %, on collecte davantage ! On est bien en train de faire la démonstration qu’il rapporte plus de taxer moins un gâteau qui grossit que de taxer plus un gâteau qui se rétrécit : à force de surtaxer, on fait partir l’activité.
Il faut donc être prudent quand on propose de revenir sur cette réforme fiscale, même temporairement, comme certains le font.
C’est d’autant plus vrai que – cela constituera mon deuxième argument contre ces amendements –, si cette contribution devait être temporaire, comme vous l’affirmez, rien n’empêcherait une entreprise de garder ses fonds en attendant la fin de l’application de la taxe pour verser des dividendes une fois que le taux sera revenu à 30 %. Je ne suis donc pas certain de l’effectivité de la mesure que vous proposez.
La troisième raison qui justifie mon opposition à ces amendements tient au problème juridique que poserait leur adoption : une telle disposition serait probablement censurée par le Conseil constitutionnel, pour rupture d’égalité devant l’impôt. En effet, ces amendements tendent à faire varier le taux d’imposition des actionnaires selon la taille de l’entreprise dans laquelle ils détiennent une participation, de sorte que deux personnes physiques recevant des dividendes similaires subiraient des taux d’imposition différents suivant la taille de l’entreprise qui les leur verse. Cela serait très vraisemblablement qualifié de rupture d’égalité devant l’impôt. Pour cette raison juridique, le mécanisme proposé ne peut pas fonctionner.
Enfin, comme cela a déjà été mentionné, nous voulons aussi développer l’actionnariat salarié. On peut se donner pour objectif de taxer davantage les actionnaires ; le nôtre, c’est plutôt de faire en sorte qu’il y ait plus d’actionnaires dans l’entreprise. (M. Éric Bocquet s’exclame.)
Oui, monsieur Bocquet, c’est possible ! D’ailleurs, l’actionnariat salarié a déjà commencé à se développer ; si je ne m’abuse, chez Total, entre 12 % et 15 % des salariés sont désormais actionnaires de leur entreprise. Les seuils au-dessus desquels les dividendes seraient taxés diffèrent selon les amendements, mais des salariés actionnaires pourraient être concernés, alors qu’il en existe à présent à tous les niveaux de rémunération de l’entreprise.
Pour notre part, comme Bruno Le Maire l’a bien dit, nous voulons développer l’actionnariat salarié ; nous entendons porter une réforme sur ce sujet en 2023, pour que, quand des dividendes sont versés aux actionnaires d’une entreprise, ses salariés puissent en profiter également via des mécanismes d’intéressement, de participation, ou d’actionnariat salarié.
Il apparaît donc, en conclusion de ces arguments, que l’adoption de ces amendements enverrait un mauvais message en matière d’attractivité de notre place économique, alors même que l’on constate les premiers résultats positifs de la création de la flat tax qu’est le PFU – cela a été souligné sur de nombreuses travées de votre hémicycle lors des débats d’hier. De profondes raisons juridiques s’y opposent également ; le mécanisme proposé ne pourrait pas fonctionner et serait très probablement anticonstitutionnel.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous invite à retirer ces amendements ; à défaut, son avis sera défavorable.