Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Nous en arrivons, à l’issue de la discussion de cette première partie du PLF, à l’examen des versions adaptées de l’article liminaire et de l’article d’équilibre. Ce dernier peut être considéré comme la facture des débats que nous avons eus en première partie, puisque les effets sur le solde public, sur la dépense publique et sur la dépense fiscale des nombreux amendements adoptés, y compris ce matin, doivent être intégrés aux données chiffrées qui y sont présentées.

Les services de Bercy – je veux leur rendre hommage – ont travaillé pendant toute l’heure du déjeuner pour actualiser l’article d’équilibre et le rendre conforme aux votes de cette assemblée.

Le résultat de ce travail a été envoyé voilà seulement quelques minutes à la commission des finances, ce qui explique l’absence tant de son président que de son rapporteur général, qui sont encore en train de l’examiner.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de m’excuser pour ce délai, mais, faute d’un tel travail, vos votes ne seraient pas respectés.

Mme la présidente. Mes chers collègues, le Gouvernement ayant déposé un amendement que la commission des finances est en train d’étudier, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Mes chers collègues, la commission n’ayant pas achevé l’examen de l’amendement du Gouvernement, nous allons de nouveau interrompre nos travaux.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à dix-sept heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je voudrais dire un mot d’excuse, à l’attention particulière des collègues qui ne sont pas membres de la commission des finances, pour la durée de cette suspension. Il s’agissait de nous donner le temps d’une bonne lecture de l’article d’équilibre, qui nous a été transmis à quatorze heures quarante-cinq par le Gouvernement, et de permettre au rapporteur général d’en faire l’analyse avant de déposer un certain nombre d’amendements.

Au nom de la commission, je vous prie donc, mes chers collègues, de bien vouloir nous excuser.

J’ajoute qu’avec un peu de réussite et de maîtrise du débat nous serions susceptibles de démarrer l’examen d’une première mission à dix-huit heures trente – mais c’est l’heure ultime pour pouvoir le faire. J’engage donc chacun, comme d’habitude, à bien respecter son temps de parole.

Mme la présidente. L’amendement n° I-581, présenté par MM. Breuiller, Parigi, Gontard, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Pour 2023, les investissements qui contribuent directement au financement de la transition écologique sont déduits à titre indicatif du solde général au sein du tableau indiquant les ressources affectées au budget, évaluées par les lois de finances, les plafonds des charges et l’équilibre général du budget.

La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Cet amendement très intéressant vise à améliorer notre capacité à analyser les enjeux de la crise écologique et leur prise en compte dans le budget. Mais je le retire, car il me semble qu’après la longue interruption de séance qui vient d’avoir lieu il ne pourra pas être débattu dans les meilleures conditions.

Mme la présidente. L’amendement n° I-581 est retiré.

L’amendement n° I-1743 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Dans l’état A, les évaluations de recettes sont modifiées comme suit

(en euros)

(en euros)

N° de ligne

 

Évaluation pour 2023

Évaluation pour 2023

 

1. Impôt sur le revenu net

majorer de

+1 900 868 277

1101-Net

Impôt sur le revenu net

majorer de

+1 900 868 277

 

2. Autres impôts directs perçus par voie démission de rôles

majorer de

+77 134 417

1201

Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles

majorer de

+77 134 417

 

3. Impôt sur les sociétés net

minorer de

-8 000 000

1301-Net

Impôt sur les sociétés net

minorer de

-8 000 000

 

3bis. Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

minorer de

-320 000 000

1302

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

minorer de

-320 000 000

 

3ter. Contribution de la Caisse des dépôts et consignations représentative de limpôt sur les sociétés

minorer de

-334 000 000

1303

Contribution de la Caisse des dépôts et consignations représentative de l’impôt sur les sociétés

minorer de

-334 000 000

 

4. Autres impôts directs et taxes assimilées

minorer de

-4 799 742 309

1402

Retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes

minorer de

-200 000 000

1406

Impôt sur la fortune immobilière

majorer de

+100 000 000

1427

Prélèvements de solidarité

majorer de

+655 257 691

1497

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (affectation temporaire à l’État en 2010)

minorer de

-5 340 000 000

1499

Recettes diverses

minorer de

-15 000 000

 

5. Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques nette

minorer de

-1 002 800 000

1501-Net

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques nette

minorer de

-1 002 800 000

 

6. Taxe sur la valeur ajoutée nette

majorer de

+7 846 587 870

1601-Net

Taxe sur la valeur ajoutée nette

majorer de

+7 846 587 870

 

7. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

minorer de

-2 941 000 000

1706

Mutations à titre gratuit par décès

minorer de

-2 000 000 000

1752

Contribution sur la rente infra-marginale de la production d’électricité

minorer de

-700 000 000

1753

Autres taxes intérieures

minorer de

-8 000 000

1756

Taxe générale sur les activités polluantes

minorer de

-233 000 000

 

8. Remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat non ventilés

minorer de

-800 000 000

200NR

Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, autres que ceux s’appliquant à l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et la taxe sur la valeur ajoutée

minorer de

-800 000 000

 

1. Prélèvements sur les recettes de lÉtat au profit des collectivités territoriales

majorer de

+1 452 141 240

3101

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation globale de fonctionnement

majorer de

+798 326 240

3106

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

majorer de

+250 000 000

3108

Dotation élu local

majorer de

+13 815 000

3183

Fonds de sauvegarde au profit des communes au titre de l’énergie (nouveau)

majorer de

+150 000 000

3184

Prolongation au titre de l’exercice 2023 de la compensation aux départements de la revalorisation du revenu de solidarité active (nouveau)

majorer de

+240 000 000

 

2. Prélèvement sur les recettes de lÉtat au profit de lUnion européenne

majorer de

+408 163 000

3201

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne

majorer de

+408 163 000

Récapitulation des recettes du budget général

(en euros)

(en euros)

N° de ligne

Intitulé de la recette

Évaluation pour 2023

Évaluation pour 2023

1. Recettes fiscales

minorer de

-380 951 745

1

Impôt net sur le revenu

majorer de

+1 900 868 277

2

Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles

majorer de

+77 134 417

3

Impôt net sur les sociétés

minorer de

-8 000 000

3bis

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

minorer de

-320 000 000

3ter

Contribution de la Caisse des dépôts et consignations représentative de l’impôt sur les sociétés

minorer de

-334 000 000

4

Autres impôts directs et taxes assimilées

minorer de

-4 799 742 309

5

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques nette

minorer de

-1 002 800 000

6

Taxe sur la valeur ajoutée nette

majorer de

+7 846 587 870

7

Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

minorer de

-2 941 000 000

8

Autres remboursements et dégrèvements d’impôts d’État

minorer de

-800 000 000

Total des recettes fiscales et non fiscales (I)

minorer de

-380 951 745

3. Prélèvements sur les recettes de lÉtat

majorer de

+1 860 304 240

1

Prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales

majorer de

+1 452 141 240

2

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne

majorer de

+408 163 000

Total des recettes (I), nettes des prélèvements

minorer de

-2 241 255 985

 

I. – Rédiger ainsi le tableau de l’alinéa 2 :

(En millions deuros*)

RESSOURCES

CHARGES

SOLDE

 

dont fonctionnement

dont fonctionnement

 

 

dont investissement

dont investissement

 

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recettes fiscales** / dépenses***

324 139

324 139

0

441 598

414 264

27 334

 

Recettes non fiscales

30 933

23 761

7 172

0

0

0

 

Recettes totales nettes / dépenses nettes

355 073

347 901

7 172

441 598

414 264

27 334

 

 

 

 

 

 

 

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de lUnion européenne

72 006

72 006

 

 

 

 

Montants nets pour le budget général

283 066

275 895

7 172

441 598

414 264

27 334

-158 531

 

 

 

 

 

 

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

5 238

3 584

1 655

5 238

3 584

1 655

 

 

 

 

 

 

 

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

288 305

279 478

8 827

446 836

417 847

28 989

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens

2 232

2 232

0

2 122

1 800

322

+111

Publications officielles et information administrative

167

167

0

153

137

15

+15

Totaux pour les budgets annexes

2 400

2 400

0

2 274

1 937

337

+125

 

 

 

 

 

 

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

 

 

 

 

 

Contrôle et exploitation aériens

19

12

7

19

12

7

 

Publications officielles et information administrative

0

0

0

0

0

0

 

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

2 419

2 412

7

2 294

1 950

344

 

 

 

 

 

 

 

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

83 281

66 164

17 117

83 944

66 538

17 406

-663

Comptes de concours financiers

138 204

0

138 204

140 856

0

140 856

-2 652

Comptes de commerce (solde)

 

 

 

 

-402

Comptes d’opérations monétaires (solde)

 

 

 

 

+98

Solde pour les comptes spéciaux

 

 

 

 

-3 618

 

 

 

 

 

 

Solde général

 

 

 

 

 

 

-162 024

* Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au million deuros le plus proche ; il résulte de lapplication de ce principe que le montant arrondi des totaux et sous-totaux peut ne pas être égal à la somme des montants arrondis entrant dans son calcul.

** Recettes fiscales brutes, minorées des remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat (cf. État B, mission « Remboursements et dégrèvements », programme 200).

*** Dépenses budgétaires brutes, minorées des remboursements et dégrèvements dimpôts dÉtat (cf. État B, mission « Remboursements et dégrèvements », programme 200).

 

II. – Rédiger ainsi le tableau de l’alinéa 5 :

(en milliards deuros)

Besoin de financement

Amortissement de la dette à moyen et long termes

149,5

 Dont remboursement du nominal à valeur faciale

144,6

 Dont suppléments dindexation versés à léchéance (titres indexés)

4,9

Amortissement de la dette reprise de SNCF Réseau

2,2

Amortissement des autres dettes reprises

0,9

Déficit budgétaire

162,0

Autres besoins de trésorerie

-12,6

 Total

302,0

Ressources de financement

Émissions de dette à moyen et long termes nettes des rachats

270,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

6,6

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

10,4

Variation des dépôts des correspondants

0,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

14,5

Autres ressources de trésorerie

0,5

 Total

302,0

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Classique dans un PLF, cet amendement à l’article d’équilibre vise, à l’issue de l’examen de la première partie du PLF – la partie relative aux recettes –, à prendre en compte l’ensemble des décisions qu’a prises la Haute Assemblée dans le courant de cet examen, c’est-à-dire les amendements qu’elle a votés tout au long du débat.

Sans revenir en détail sur ces différents votes – nous avons eu plus d’une semaine de débats –, je mentionnerai néanmoins un certain nombre de mouvements significatifs, à commencer par le choix de revenir sur la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) proposée par le Gouvernement au bénéfice des entreprises, notamment de l’industrie. Cette suppression devait nous faire « perdre » l’an prochain 4 milliards d’euros de recettes. Cette dégradation n’étant pas intégrée au solde, on obtient +4 milliards d’euros de recettes par rapport à la copie initiale du Gouvernement.

Parallèlement, certains amendements entraînant des pertes de recettes ont été adoptés ; je citerai en particulier le relèvement de la limite d’exonération des droits de succession : –3 milliards d’euros.

S’y ajoute un certain nombre d’amendements ayant pour objet une baisse du taux de TVA : TVA à 5,5 % sur la margarine, –115 millions d’euros ; TVA à 5,5 % sur la filière équine, –190 millions d’euros ; TVA à 5,5 % sur les transports de voyageurs, –350 millions d’euros. Ce « paquet TVA » coûte aux finances publiques 700 millions d’euros environ.

Par ailleurs, décision a été prise, toujours par amendement, de rehausser le plafond du crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants, pour un coût de 250 millions d’euros, et de relever le plafond d’application aux PME du taux réduit d’impôt sur les sociétés (IS-PME), pour un coût de 320 millions d’euros, tout cela sans compter le sous-amendement qui fut défendu avec succès par Mme Lavarde…

Mme Christine Lavarde. Les torts sont partagés ! (Sourires.)

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Souvenez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai défendu un amendement du Gouvernement visant à élargir la contribution sur la rente inframarginale (CRI) de la production d’électricité, afin que nous puissions capter davantage des superprofits engrangés par les énergéticiens et ainsi accroître le rendement de ce mécanisme européen de 7 milliards à 11 milliards d’euros. Cet amendement, je le concède, est arrivé tardivement, mais il s’agit d’un mécanisme récent, qui a été conçu, je l’ai dit, au niveau européen.

Des sous-amendements à cet amendement du Gouvernement ont été déposés et débattus. Compte tenu de leur dépôt très tardif, je n’ai pas pu, au moment d’émettre un avis, vous communiquer le coût des mesures proposées – la question, par ailleurs, ne m’a pas été posée.

Il se trouve que, parmi les sous-amendements du groupe Les Républicains qui ont été adoptés à cet article, il en est un, sur lequel le rapporteur général et moi-même avions émis un avis défavorable, qui coûte – nous l’avons constaté hier soir, à l’issue du chiffrage – 6 milliards d’euros (Exclamations amusées sur des travées des groupes Les Républicains et UC.), ce qui en fait l’un des sous-amendements les plus chers de l’histoire des PLF.

Cette mesure entraîne une dégradation très forte du solde à l’issue de l’examen de la première partie, le déficit public atteignant, au lieu des 5 % affichés dans le texte initial, 5,2 % du PIB l’an prochain.

Voilà donc l’article d’équilibre tel qu’il est immédiatement – mathématiquement – issu des votes de cette assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je propose, mes chers collègues, que nous prenions acte de ces modifications ; je m’en remettrai donc à la sagesse de notre assemblée.

Mais je veux à la fois revenir sur le déroulement de nos travaux et compléter les précisions qu’a données le président de la commission à la reprise de la séance.

Dans le cadre de ce débat budgétaire, portant sur un PLF qui, je le rappelle, a été présenté en conseil des ministres le 26 septembre dernier, nous avons encore des difficultés, à cette heure, à obtenir des estimations précises sur certains articles. Nous n’allons pas nous renvoyer la balle, monsieur le ministre – tel n’est pas l’objet unique de mon intervention –, mais je tiens à le signaler, car cela nuit à la qualité de nos travaux.

Je vais présenter au nom de la commission, je le dis tout de suite, une demande de seconde délibération sur trois articles : les articles 3 octodecies E, 3 novodecies A et 4 duovicies. Ensuite, pour tirer les conséquences de cette seconde délibération, nous examinerons les amendements qui seront déposés par le Gouvernement à l’article d’équilibre et à l’article liminaire.

Pour au moins deux des trois articles que j’ai cités, nous n’avons pas eu de communication de votre part, monsieur le ministre, tant et si bien que nous nous retrouvons devant une réelle difficulté, avec un sous-amendement dont le coût est estimé – depuis hier soir, vous l’avez dit vous-même ! – à 6 milliards d’euros.

Sur ce sujet, vos services ont envoyé, voilà quinze jours ou trois semaines, un premier document de plus de trente pages, puis, une bonne dizaine de jours plus tard, le document est passé de trente à quinze pages. Il a donc fallu retravailler et, comme vous l’avez indiqué, tout n’est pas encore stabilisé. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, au moment de la première délibération, j’avais demandé l’avis du Gouvernement, et c’est la raison pour laquelle, comme vous venez de le reconnaître, vous n’aviez pas répondu ou pas pu répondre – peu importe, ce n’est ni un jugement ni un reproche.

Convenez qu’à nous être fiés ainsi au Gouvernement, en sorte qu’il puisse travailler sans que la machine soit bloquée, nous subissons en définitive une sorte d’effet boomerang. Cela a quelque chose de désagréable – pour tout le monde, d’ailleurs, me semble-t-il.

La difficulté dans laquelle nous sommes est la suivante : nous n’avons d’autre choix, sinon celui de bloquer, que de prendre une décision en se fondant sur la seule confiance, sans disposer des chiffres. Que n’eût-on dit, monsieur le ministre, si nous avions choisi de bloquer ? On nous aurait probablement accusés de ne pas vouloir, de faire un refus d’obstacle ou de l’obstruction. Or tel n’est pas l’esprit dans lequel travaille notre assemblée, toutes tendances confondues – je pense pouvoir le dire –, comme vous avez pu le constater, hier encore, sur des sujets aussi importants que le filet de sécurité.

Cela étant, je tiens à le dire, il est difficile de bien travailler et, quelque part, de légiférer correctement dans ces conditions. C’est une difficulté contre laquelle, à l’avenir, il faudra se prémunir. En tout cas, je vous le dis, si cela venait à se reproduire alors que je suis dans l’exercice de ma fonction, nous prendrions des précautions.

Au passage, monsieur le ministre, je vous indique que le président Claude Raynal et moi-même, au nom de la commission des finances et du Sénat dans son ensemble, souhaitons être associés le plus tôt possible à la mise en place de l’amortisseur électricité, autre dossier sur lequel aucun élément ne nous a été communiqué, alors que ce dispositif aura des effets sur nos collectivités, mais aussi sur nos entreprises.

Je vous annonce que nous procéderons chaque trimestre à des contrôles sur pièces et sur place. Mon intuition me faisant craindre de réelles difficultés, c’est une précaution que nous voulons prendre. Le Sénat doit pouvoir disposer d’un maximum d’éléments et du meilleur niveau d’information possible dans l’hypothèse où, pour des raisons que vous comme moi ignorons, monsieur le ministre, des difficultés devaient survenir, ce que je ne souhaite évidemment pas.

L’inquiétude que le sujet soulève parmi la population commence en effet à prendre une certaine ampleur. Notre rôle, dans ce contexte, doit être celui de modérateurs : nous sommes là pour faire le lien avec les élus, avec les entreprises et avec nos concitoyens.

Telle est donc la proposition que nous formulons d’ores et déjà sur cette question particulière de l’amortisseur électricité ; j’espère, monsieur le ministre, que vous comprenez bien quel est le sens de notre démarche.

Je confirme l’avis de sagesse de la commission sur l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Je m’associe aux remarques du rapporteur général. J’avoue avoir beaucoup de mal à suivre, comme tous mes collègues, compte tenu des informations qui sont mises à notre disposition.

Mme Nadine Bellurot. On ne comprend rien !

M. Vincent Delahaye. Je ne vous vise pas spécifiquement, monsieur le ministre : depuis que je siège dans cette assemblée, je constate que nous peinons à obtenir le détail des informations indispensables au bon suivi des débats.

Prenons l’exemple de mon amendement, qui a été adopté, sur les plus-values immobilières. Vous m’aviez annoncé que la disposition proposée coûtait 4 milliards d’euros. J’ai beau chercher dans les chiffres qui nous sont présentés, je ne vois nulle part ces 4 milliards que, d’ailleurs, j’avais contestés. D’après mes estimations, qui étaient certes un peu sommaires, la mesure ne coûte rien !

En tout état de cause, il est compliqué de bien légiférer avec aussi peu d’informations.

Concernant la taxation de la rente inframarginale des électriciens, nous avons compris que de nombreuses sociétés dénonçaient les contrats. On ne sait pas trop jusqu’où tout cela ira : si elles sont quelques-unes à les dénoncer, pourquoi ne le feraient-elles pas toutes ? Or le produit des contributions liées à ces contrats est tout de même assez élevé : cette taxation a rapporté 17 ou 19 milliards d’euros cette année, compte tenu du prix très élevé de l’électricité. Mais, si toutes les sociétés dénoncent les contrats, les recettes disparaissent !

L’impression que cela donne, c’est que l’on substitue la taxation de la rente inframarginale aux recettes que l’on perd !

La vérité, monsieur le ministre, est qu’on ne s’y retrouve pas du tout : on nous parle d’une dégradation de 6 milliards d’euros du produit de cette taxation ; mais où sont ces chiffres dans le tableau ?… Dans ces conditions, compte tenu du niveau d’information dont nous disposons, je ne vois pas, à titre personnel, comment je voterais cet article d’équilibre. Je comprends l’avis de sagesse émis par le rapporteur général, mais, eu égard au flou artistique qui entoure nos discussions, il me paraît extrêmement difficile de se prononcer.

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

M. Emmanuel Capus. Je serai très bref pour ne pas allonger les débats, car nous sommes tous un peu fatigués et, en effet, nous avons tous travaillé dans des conditions d’urgence particulières.

Pour ma part, je voterai cet amendement. Mais je partage les propos de Vincent Delahaye sur le côté obscur des éléments fournis. Par exemple, je ne vois pas dans le tableau qui nous est soumis de mention du coût de l’amendement de la commission sur l’élargissement du filet de sécurité. Or une telle mesure a manifestement un coût relativement élevé. En tout cas, c’est l’argument qui a été invoqué par le Gouvernement pour émettre un avis défavorable sur l’amendement du rapporteur général et sur les sous-amendements que nous avions déposés.

Je suis donc surpris qu’il ne soit pas fait référence à ce surcoût dans l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je vais tout d’abord essayer de répondre sur la méthode.

Au moment où débute la discussion du PLF en séance, plus de 1 700 amendements ont été déposés. Dès lors, ce que cherchent à faire les services de Bercy, c’est chiffrer autant que possible le coût de ces amendements pour que, en tant que ministre au banc, je puisse en informer le Sénat. Vous l’imaginez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, 1 700 amendements à chiffrer en quelques jours, cela demande un travail colossal.

Comment procède-t-on ? On chiffre en priorité les amendements sur lesquels on pressent que la commission va émettre un avis favorable, donc dont on se dit qu’ils ont a priori beaucoup de chances d’être adoptés par le Sénat. Reste que, bien que nous fassions le maximum, certains amendements n’ont pu être intégralement chiffrés lorsque s’ouvre leur examen.

Vous m’avez interrogé, monsieur Delahaye, sur le chiffrage de votre amendement relatif aux plus-values immobilières : pourquoi ne figure-t-il pas dans l’article d’équilibre ?

Il se trouve que cet amendement aura des conséquences budgétaires en 2024, et non en 2023, du fait des modalités d’entrée en vigueur du dispositif proposé.

Pour autant, s’agissant de ce que j’ai qualifié de big-bang du marché de l’immobilier, vous imaginez bien qu’un chiffrage nourri est indispensable. Je peux donc vous communiquer quelques premières informations, si vous le souhaitez, pour vous donner un ordre de grandeur de l’impact financier de votre amendement et permettre au Sénat d’apprécier les effets de son vote.

La seule baisse des taux d’impôt sur le revenu représente un coût de l’ordre de 600 millions d’euros. La baisse des prélèvements sociaux pourrait représenter une perte de 1 milliard d’euros pour la sécurité sociale. Cela fait déjà 1,6 milliard d’euros. La suppression de la taxe sur les plus-values exceptionnelles ajouterait, pour les finances publiques, un coût additionnel de 100 millions d’euros, soit un total de 1,7 milliard d’euros.

Votre amendement, monsieur Delahaye, tend également à remplacer les abattements pour durée de détention par un coefficient d’érosion monétaire. Le chiffrage de cette mesure est complexe, car il dépend notamment de l’inflation : plus celle-ci est élevée, plus la mesure est coûteuse. Comme sa mise en œuvre est prévue pour 2024, il faut se projeter sur les prévisions d’inflation à deux ans, or de telles anticipations sont par définition assez hypothétiques.

Toutefois, pour vous donner un ordre de grandeur, des estimations réalisées en 2019 nous avaient amenés à la conclusion suivante : avec une inflation stable à 2 %, beaucoup moins élevée que les niveaux que nous connaissons actuellement, la mesure coûtait déjà 700 millions d’euros.

Le total s’élèverait donc à 2,4 milliards d’euros, avec des aspects encore non chiffrés. Mais, je le répète, il n’y aurait pas d’impact sur 2023, puisque la mesure entrerait en vigueur en 2024.

Pour ce qui est de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, je vous confirme que, dans le cadre du mécanisme actuel de contribution au service public de l’électricité (CSPE), qui nous permet de récupérer la rente inframarginale des énergéticiens du renouvelable, nous évaluons à 4 milliards d’euros le coût de la situation actuelle, qui voit des fournisseurs d’électricité résilier unilatéralement leurs contrats et se retirer du marché pour ne pas avoir à rendre à l’État ce qu’ils lui doivent en application desdits contrats. Mais tous ces énergéticiens seront rattrapés par la nouvelle CRI ; d’où une partie de l’élargissement des recettes y afférentes.

Les pertes pour l’État sont donc en définitive très faibles, puisque ceux qui sortent du mécanisme du CSPE seront rattrapés via la contribution européenne sur la rente inframarginale.

Enfin, monsieur Capus, l’adoption de l’amendement relatif au filet de sécurité ne dégrade pas le solde public, puisque celui-ci est calculé toutes administrations publiques confondues. Dès lors, comme ce calcul intègre l’État, les collectivités locales et la sécurité sociale, un transfert de l’État vers les collectivités locales n’a facialement pas d’impact sur le déficit.

Au-delà de ces réponses, j’insiste sur le fait que l’amendement n° I-1743 rectifié du Gouvernement – raison pour laquelle le rapporteur général a parlé d’en « prendre acte » – a pour seul objet de récapituler, sur un strict plan mathématique, l’incidence de vos votes, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est possible de revenir sur ces votes ; il y aura d’ailleurs une seconde délibération et, par coordination, un nouvel article d’équilibre sera présenté. Mais, de nouveau, il ne s’agit que de tenir compte de ce qui a été voté.

Il est très important que l’article d’équilibre soit cohérent avec les mesures adoptées, sans quoi un risque constitutionnel pèse sur le projet de loi de finances. Il est arrivé une fois, me semble-t-il, dans l’histoire de la Ve République, qu’un PLF soit censuré ; en pareil cas, les dispositions du projet de budget peuvent être mises en vigueur par ordonnance… J’imagine que tel n’est pas le souhait des sénatrices et des sénateurs ! D’où l’importance de veiller à la cohérence de l’article d’équilibre avec le reste du texte.