M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Très bien ! Excellent ! (Sourires.)
M. Joël Guerriau. Il faut à la fois reconnaître le succès de l’apprentissage et poser la question de l’efficacité de la dépense publique.
Sur ce sujet, le Gouvernement a engagé des négociations avec les partenaires sociaux et la dynamique de dialogue me semble positive.
Je l’ai dit d’emblée : le seul emploi durable, c’est la création de valeur ajoutée par les entreprises. L’emploi aidé améliore les statistiques du chômage, mais il pèse sur les finances publiques et masque la compétitivité réelle du pays.
L’apprentissage ne doit donc pas être une nouvelle forme d’emploi aidé, qui serait source d’éventuels effets d’aubaine pour les entreprises.
J’espère cependant, monsieur le ministre, que Bercy ne cédera pas à la tentation d’une approche strictement budgétaire pour évaluer le dispositif de l’apprentissage.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Cela ne nous ressemble pas !
M. Joël Guerriau. Beaucoup d’effets positifs, notamment sur les plans de la cohésion sociale et de l’éducation des jeunes, n’apparaîtront jamais dans les comptes, mais sont extrêmement précieux.
J’ajouterai enfin un mot sur les mécanismes de soutien aux entreprises adaptées. Contrairement aux dispositifs, qui sont financés par la mission, permettent l’intégration par le travail et doivent répondre aux logiques du marché, ces crédits répondent à un impératif éthique.
Permettre aux personnes en situation de handicap de trouver leur place dans la société, d’y contribuer par leur travail, de se sentir utiles au quotidien, tout cela rend notre société plus humaine et plus équitable.
C’est pourquoi je tiens à saluer l’augmentation des dotations en faveur de l’emploi des personnes handicapées à hauteur de 467 millions d’euros, soit une progression de près de 9 % par rapport à 2022.
Comme l’an dernier, ces aides seront complétées par une contribution, à hauteur de 50 millions d’euros, de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).
Notre groupe votera les crédits de cette mission, sous réserve de l’adoption des amendements proposés par nos rapporteurs spéciaux.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Très bien ! Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, quelques semaines seulement après que le Gouvernement eut officialisé la contre-réforme de l’assurance chômage, nous nous trouvons face à un texte qui amorce sa mise en œuvre.
Ainsi, 20 millions d’euros sont alloués à l’expérimentation France Travail, dont les contours et missions restent flous, si ce n’est de répondre à l’injonction du « travailler plus ». Le projet se met progressivement en place, sans que ni le Parlement ni les partenaires sociaux soient pleinement saisis de son contenu.
Ce 49.3 de l’expérimentation vise peut-être à nous mettre, nous et les partenaires sociaux, devant le fait accompli, à l’occasion de la clôture prochaine et définitive des discussions sur la reconduction de la convention tripartite Pôle emploi-État-Unédic.
Cette convention prendra fin, d’ailleurs, sans que le Gouvernement ait été à la hauteur de ses promesses budgétaires. Lors de sa signature en 2015, un financement de 1,5 milliard d’euros avait été promis. Nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 1,2 milliard d’euros.
La hausse des crédits alloués cette année à Pôle emploi n’est qu’un rattrapage d’années consécutives d’austérité et de baisse des effectifs, l’État transférant peu à peu la charge de Pôle emploi sur l’Unédic, au détriment, donc, des prestations qu’il convient, alors, de diminuer.
La pérennisation des équivalents temps plein accordée à Pôle emploi pour la mise en œuvre du contrat d’engagement jeune en 2020 explique la hausse actuelle des crédits. Elle ne masque guère la dégradation constante des conditions de travail au sein de l’agence. Aussi les écologistes s’opposeront-ils aux réductions d’emplois.
Selon les syndicats, la proportion de personnels en contrat à durée déterminée (CDD) à Pôle emploi serait passée de 5 % environ en 2019 à 13 % en 2021, avec de fortes disparités locales, certains sites atteignant même un taux de 50 %. L’établissement chargé de l’emploi en France diffuse le CDD comme norme !
Alors que, en 2017, les conseillers avaient en moyenne en portefeuille 46 demandeurs d’emploi en accompagnement global et 336 en accompagnement suivi, ils en ont aujourd’hui respectivement 54 et 406.
De l’avis général, les réformes successives ont porté atteinte à la sécurité des agents, provoqué des pertes de sens au travail et une gestion parfois erratique des dossiers, du fait de changements incessants dans le calcul des indemnités.
Malgré tout, le Gouvernement se réjouit de la baisse du chômage, qui est en partie en trompe-l’œil, et réduit en conséquence les crédits du programme 102, « Accès et retour à l’emploi ».
Or, de l’avis même de l’Insee, un tiers de la hausse du taux d’activité à la mi-2022 résulte des contrats en alternance, notamment en apprentissage, soit des emplois hautement subventionnés, profitant largement, selon la Cour des comptes aux plus diplômés et non aux 1,5 million de jeunes sans emploi ni formation.
Ces derniers dépendent en réalité des CEJ, qui, malgré un certain succès – 200 000 contrats en 2022 –, restent en nombre insuffisant en projection 2023.
Comme c’est le cas pour toute personne éloignée de l’emploi, ils dépendent beaucoup des emplois aidés, comme des parcours emploi compétences (PEC), qui, eux, diminuent de 20 000, passent de douze à six mois et voient leur durée totale maximale réduite à dix-huit mois, sans explication ni justification.
De plus, la baisse du chômage pour 2023 est une hypothèse assez hasardeuse. Elle ne tient pas compte des travaux de l’Unédic, qui prévoit un tassement de la progression des emplois salariés dès l’année prochaine, ni de ceux de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui table sur une remontée du chômage jusqu’en 2024.
Dans un contexte où la réforme de l’assurance chômage aura pour effet de rendre les fins de droits plus précoces et de permettre la réalisation de plusieurs milliards d’économies, la hausse des crédits de la mission est en trompe-l’œil.
Par exemple, la hausse du programme 103 s’explique très largement par le transfert des crédits dédiés à l’activité partielle, qui figuraient auparavant dans la mission « Plan de relance », passant de 11,9 milliards d’euros à 7 milliards d’euros au PLF pour 2023 en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.
Ces jeux budgétaires ne masquent pas les insuffisances d’une politique de l’emploi qui reste antisociale et tournée vers la baisse des droits des demandeurs d’emploi.
En conséquence, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de cette mission. (M. Daniel Breuiller, rapporteur spécial, applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur, madame les ministres, mes chers collègues, j’ai déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune : le plein emploi n’est pas une utopie. Le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, a baissé de 2,2 points depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée pour atteindre son niveau le plus bas depuis quinze ans.
Le Gouvernement porte l’ambition du plein emploi et les crédits dont la mission « Travail et emploi » est dotée le démontrent. Ils atteignent un montant total de 20,29 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 28 %, et de 20,88 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 42,57 %.
Cette hausse de près de 6,2 milliards d’euros en crédits de paiement s’explique majoritairement par des changements de périmètre : des dispositions jusque-là financées par le plan de relance, à l’instar de la prime à l’apprentissage et d’une partie de l’activité partielle, font désormais l’objet d’un financement de droit commun.
Notons qu’à périmètre comparable l’augmentation est de 1,1 milliard d’euros en crédits de paiement et d’environ 1 milliard en autorisations d’engagement, ce qui est largement dû à la dynamique de compensation des exonérations de cotisation. Cette augmentation se décompose ainsi : un peu plus de 600 millions d’euros pour la compensation des exonérations de cotisation des emplois créés en 2022, 350 millions d’euros au titre de la partie formation du fonds national pour l’emploi et 50 millions d’euros pour le financement de dispositifs de transition collective.
Afin de bien mesurer la portée de ces crédits, le moyen le plus efficace est d’en lister les principales modifications par rapport à l’année précédente.
La mise en œuvre de la loi du 2 août 2021 conduit à renforcer les crédits dédiés à la prévention en santé au travail.
Une enveloppe de 350 millions d’euros – je viens de l’évoquer – est inscrite en droit commun au titre de la partie formation du fonds national pour l’emploi et de dispositifs de transition collective jusque-là financés dans le cadre du plan de relance.
Le plan d’investissement dans les compétences est financé à hauteur de 2,5 milliards d’euros, dont 1,6 milliard pour son volet régional.
Le budget de l’insertion par l’activité économique est augmenté afin de financer 7 000 ETP supplémentaires dans les structures d’insertion – l’objectif du Gouvernement est d’atteindre 240 000 bénéficiaires.
Les crédits pour l’accès des jeunes à l’emploi sont reconduits avec un objectif de 300 000 contrats d’engagement jeune.
Une aide aux missions locales est prévue avec un budget de plus de 630 millions d’euros.
Mes chers collègues, le travail mené à bien par les gouvernements qui se sont succédé depuis cinq ans porte ses fruits. Nous devons donc continuer selon les mêmes principes et non chercher à raboter arbitrairement certaines dépenses. Combattre le chômage pour atteindre le plein emploi n’est pas une charge ; c’est un investissement.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter l’amendement n° II-377 de Mme la rapporteure pour avis qui vise à réduire les crédits à hauteur de 800 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 550 millions d’euros en crédits de paiement.
Quant à l’amendement n° II-376, qui a également été déposé par la commission des affaires sociales, il est issu d’une proposition du rapport d’information France Compétences face à une crise de croissance, mais il en détourne en partie le sens.
Si l’idée d’un reste à charge pour certaines formations a été évoquée, c’est afin que les partenaires sociaux s’en emparent et proposent des solutions pertinentes. Cette démarche nous paraîtrait plus cohérente, même si cet amendement va dans la bonne direction.
Mes chers collègues, je le redis, dans ce nouveau contexte qui casse les habitudes de la gestion du chômage de masse, nous devons continuer à investir dans toutes les solutions pertinentes pour atteindre le plein emploi.
Avant de conclure, je rappellerai les huit chantiers identifiés comme prioritaires par le ministère au cours des prochaines années et sur lesquels il nous faudra travailler en bonne intelligence : la rénovation du service public de l’emploi par la création de France Travail ; la réforme de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA et une meilleure insertion des publics les plus éloignés de l’emploi ; la poursuite du déploiement du contrat d’engagement jeune ; le perfectionnement de l’assurance chômage ; l’amplification de la dynamique de l’apprentissage ; la préparation des actifs aux compétences de demain ; le soutien à l’emploi des seniors et la garantie de l’avenir de notre système de retraite.
Mes chers collègues, pour parvenir au plein emploi, l’État est pleinement mobilisé. Bien que très attentif à la maîtrise des dépenses publiques, il donne, au travers de ses budgets, de solides garanties et des moyens sans précédent pour que chacun puisse accéder à l’emploi ou s’y maintenir et que chaque entreprise ait les compétences nécessaires aux métiers de demain.
C’est donc bien naturellement que le groupe RDPI votera les crédits de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Édouard Courtial. Monsieur le président, monsieur, madame les ministres, mes chers collègues, le travail plutôt que l’assistanat, le sens de l’effort plutôt que le nivellement par le bas, le mérite, l’équilibre des droits et des devoirs : voilà les valeurs que le groupe Les Républicains porte et assume dans cet hémicycle et sur le terrain.
Cela se traduit dans l’analyse que nous faisons de cette mission et dans les propositions que nous faisons.
Ces crédits financent principalement des dispositifs concourant à la politique de l’emploi et enregistrent une très forte augmentation. Ils s’inscrivent dans un contexte particulièrement favorable qui doit être indéniablement salué. La situation de l’emploi s’est améliorée : par rapport à la fin de 2019, l’emploi salarié a progressé de 800 000 personnes et le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de près de 400 000.
La dépense budgétaire portée par cette mission s’est alourdie, mais d’autres dépenses ont diminué, notamment l’indemnisation du chômage. L’Unédic sera en excédent cette année pour la première fois depuis 2008. Quant à la progression de la masse salariale, elle se répercute évidemment sur les recettes de l’État et des organismes de protection sociale.
En outre, des moyens très importants ont été consacrés ces trois ou quatre dernières années à des dispositifs dont beaucoup étaient antérieurs à la crise. D’autres ont été mis en place durant la crise, mais ils sont destinés à être en partie pérennisés, notamment en direction des jeunes ou des chômeurs de longue durée. Ainsi, les moyens qui leur sont alloués progressent de plus de 15 %.
Il est à noter la montée en charge du contrat d’engagement jeune avec un objectif de 300 000 contrats pour 2023. Les premières données sur le déploiement de ce dispositif sont d’ailleurs encourageantes, même s’il est encore trop tôt pour mesurer son effet sur l’insertion professionnelle des jeunes.
Les objectifs fixés paraissent cohérents et exigeront d’assurer la bonne articulation des CEJ avec les autres dispositifs d’insertion des jeunes, en particulier dans le cadre du projet France Travail, dont l’objectif est d’harmoniser les actions d’accompagnement vers l’emploi.
L’inclusion par le travail des personnes en situation de handicap est une absolue nécessité. Comme nos deux commissions, j’appelle à l’adoption de l’article 47 permettant de prolonger les expérimentations favorisant l’emploi de travailleurs handicapés par des entreprises adaptées.
Je partage également les réserves du rapporteur pour avis quant à l’opportunité de maintenir les emplois francs, dont les premières évaluations n’ont pas permis de mesurer l’impact sur l’emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Je suis particulièrement favorable à la hausse des compensations des exonérations de cotisations sociales sur les entreprises, particulièrement en faveur des services d’aide à domicile et de la déduction des heures supplémentaires, dispositif aussi appelé Tepa, dont Les Républicains sont à l’origine.
Sur ces deux sujets, les enjeux pour nos compatriotes sont majeurs : le premier en raison du vieillissement de la population, le second dans le contexte économique que nous connaissons.
Enfin, je tiens à me féliciter du succès de l’apprentissage, qui est essentiel malgré le poids financier qu’il représente. Il enregistre une dynamique très positive avec une hausse de 38 % des contrats entre 2020 et 2021. C’est un atout pour notre jeunesse et un dispositif plébiscité par nos entreprises, surtout dans les territoires ruraux.
Néanmoins, il est indéniable qu’il nous faut réfléchir à la soutenabilité de son financement – c’est un enjeu majeur. Il repose sur la prise en charge des contrats selon un niveau déterminé par les branches professionnelles. Il est assuré par France Compétences, dont les ressources sont principalement issues des contributions des employeurs à la formation professionnelle et à l’apprentissage.
Or, depuis 2020, ces dépenses de guichet dépassent largement le produit des contributions des employeurs. Face à ce déséquilibre chronique, France Compétences doit régulièrement recourir à des emprunts de court terme pour faire face à ses besoins de trésorerie. Ainsi, le PLF pour 2023 prévoit une enveloppe de 1,68 milliard d’euros pour l’établissement ; à cette dotation s’ajoute un ensemble de mesures qui permettraient de limiter les dépenses de l’opérateur.
Pour conclure, permettez-moi deux observations.
La première concerne le CPF, dont la lisibilité et l’efficacité doivent être améliorées. Des mesures de régulation dans l’offre de formations éligibles ont été engagées fort justement par le contrôle des certifications professionnelles. La lutte contre la fraude au CPF, qui serait renforcée par une proposition de loi en cours de discussion, constituerait un levier supplémentaire, dont les effets sont toutefois difficiles à évaluer.
En outre, l’article 49 de ce PLF, introduit à l’Assemblée nationale, prévoit que la mobilisation du CPF par son titulaire pour le financement d’une action de formation fasse l’objet d’un mécanisme de régulation dont les modalités seraient définies par décret. Il est souhaitable de réguler les dépenses liées au CPF afin de recentrer le dispositif sur l’employabilité des utilisateurs et sur le développement des compétences à finalité professionnelle.
Je suis donc favorable à la disposition proposée par nos deux commissions à l’article 49 instaurant un plafonnement de la prise en charge du coût de certaines formations pour recentrer le dispositif et le rendre plus efficace.
Je défends aussi, dans une proposition de loi que j’ai déposée et qui a été cosignée par de nombreux collègues, l’idée de mieux lutter contre le démarchage téléphonique abusif, qui touche spécialement le CPF.
Ma seconde observation vise à rappeler que l’argent public n’est pas gratuit : c’est le fruit du travail des Français – du bon sens, me direz-vous, et vous aurez raison.
Cette observation justifie que nous adoptions l’amendement n° II-377 de notre collègue rapporteur pour avis, Frédérique Puissat. Dans le contexte économique et financier actuel, l’État doit faire preuve d’exemplarité et d’efficacité dans l’engagement des dépenses. À ce titre, il serait sage qu’il s’applique à lui-même les efforts qu’il exige des collectivités locales. Mieux faire avec moins est devenu, année après année, le leitmotiv forcé des collectivités que les élus qui sont en première ligne, sur le terrain, appliquent avec détermination et courage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget que nous vous présentons, avec Carole Grandjean, augmente de 4,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 6,2 milliards d’euros en crédits de paiement par rapport au budget initial pour 2022.
Mais cette évolution est peu significative pour deux raisons.
Plusieurs dispositifs étaient financés au titre des mesures d’urgence ou du plan de relance, comme les aides à l’apprentissage, que nous maintenons. La mission « Travail et emploi » a bénéficié de plus de 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,7 milliards en crédits de paiement à l’occasion de la loi de finances rectificative du mois d’août dernier.
Au total, le budget du ministère bénéficiera donc de 20,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 20,9 milliards en crédits de paiement. Un seul objectif derrière ces chiffres : l’atteinte du plein emploi.
Ce budget est un budget de plein emploi, d’abord parce qu’il traduit les effets de la baisse du chômage. Ainsi, les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique, financée par l’État, sont 80 000 de moins que ce que nous redoutions l’année dernière, ce qui nous permet d’économiser 492 millions d’euros. Cela se traduit par une baisse des crédits de cette action.
C’est une bonne nouvelle, parce que cette baisse du nombre d’allocataires n’a pas été accompagnée d’une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA. Ce sont bien des personnes qui retrouvent un emploi : ainsi, 156 000 demandeurs d’emploi de très longue durée ont retrouvé le chemin de l’emploi au cours de la dernière année.
C’est aussi un budget de plein emploi, parce qu’il encourage l’emploi des jeunes. L’alternance voit ses crédits augmenter de 3,5 milliards d’euros, en particulier pour l’aide à l’embauche d’alternants.
C’est pour cette raison, et parce que nous connaissons cette dynamique en matière d’apprentissage et d’alternance, que le Président de la République et le Gouvernement se sont fixé un objectif d’un million d’apprentis en 2027. C’est ce qui explique la mobilisation du Gouvernement, des services et des opérateurs d’emploi.
Certains considèrent que l’apprentissage coûte très cher. Pour notre part, nous pensons que le plein emploi rapporte et que l’apprentissage est un levier majeur pour atteindre cet objectif.
De la même manière, le budget initial de l’État soutient pour la première fois la trésorerie de France Compétences par l’octroi d’une subvention de 1,7 milliard d’euros. Le soutien est même supérieur à 2 milliards d’euros lorsque l’on intègre la prise en charge par l’État du versement aux régions des crédits nécessaires au financement des pactes régionaux dans le cadre du PIC.
Je veux saluer le rapport sénatorial sur France Compétences, dont Mme la rapporteure pour avis est l’un des auteurs. Même si nous ne partageons pas la méthode consistant à diminuer les crédits, comme le propose aujourd’hui la commission des affaires sociales, ce rapport peut utilement nous aider sur le chemin du rétablissement des comptes de cet organisme.
Ce budget encourage aussi le plein emploi, parce qu’il favorise les compétences pour développer l’emploi d’aujourd’hui comme celui de demain.
Nous prévoyons ainsi 300 millions d’euros au titre du FNE-formation et 50 millions d’euros au titre du dispositif Transitions collectives. Nous sommes convaincus qu’il faut former pour réduire les tensions qui existent actuellement sur le marché du travail en matière de recrutement, mais aussi pour développer les compétences indispensables pour accompagner les transitions de fond de notre économie – je pense au secteur de la santé, mais aussi aux transitions énergétiques et numériques.
Je veux aussi souligner que ce budget est le budget de l’emploi pour tous, en particulier pour celles et ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi. L’année 2023 sera à ce titre une année de transition, marquée par l’installation progressive de France Travail.
Vous avez été nombreux à souligner votre curiosité, voire votre impatience, de connaître la maquette, les détails, de la création de France Travail. Sans répéter ce que j’ai déjà dit, cette réforme ne consistera pas en une opération de fusion ou de rapprochement de structures ; nous ne voulons pas connaître l’embolie connue au moment de la création de Pôle emploi il y a maintenant plus de dix ans.
M. Jérôme Bascher. Cela avait surtout coûté moins cher !
M. Olivier Dussopt, ministre. En tout cas, sachez que les détails de cette réforme seront présentés à l’occasion de la fin de la phase de préfiguration, que nous avons confiée à Thibaut Guilluy, entre la fin du mois de décembre et le milieu du mois de janvier.
Dans ce contexte, nous avons préservé les moyens de Pôle emploi, alors même que le chômage a diminué. En 2023, nous accordons ainsi une subvention de 1,25 milliard d’euros à Pôle emploi – c’est un niveau de subvention qui n’avait pas été atteint depuis 2019.
Cela permet de pérenniser les effectifs accordés à l’opérateur pour la mise en œuvre du contrat d’engagement jeune et de poursuivre le déploiement du parcours de remobilisation des demandeurs d’emploi et la mobilisation au service des entreprises dans un contexte de fortes tensions de recrutement.
C’est la raison pour laquelle les effectifs de Pôle emploi resteront globalement stables : la baisse sera limitée à 31 ETP sur un total de 48 850 ETP, 52 900 si l’on prend en compte les emplois hors plafond qui sont pour l’essentiel des contrats à durée déterminée.
Ainsi, Pôle emploi est armé pour la bataille du plein emploi. En 2017, les recettes de Pôle emploi s’élevaient à 5,3 milliards d’euros, hors pactes régionaux, et ses effectifs à 49 918 personnes. En 2023, les ressources de Pôle emploi seront de 6,5 milliards d’euros et ses effectifs globaux de 52 840 ETP.
Pourquoi maintenons-nous les moyens de Pôle emploi ? Pourquoi augmentons-nous la subvention en sa faveur ? Parce que nous croyons au renforcement de l’accompagnement pour le plein emploi.
C’est d’ailleurs pour cela que nous avons aussi préservé les crédits destinés à lutter contre la pauvreté et ceux qui sont destinés à accompagner les expérimentations du service public de l’insertion et de l’emploi. En 2023, nous aurons ainsi 29 millions d’euros en autorisations d’engagement et 39 millions en crédits de paiement.
En matière d’accompagnement dans l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées, je veux dire quelques mots sur l’insertion par l’activité économique.
Je veux d’abord rappeler que, ces trois dernières années, le budget de l’IAE a fortement augmenté – de plus de 400 millions d’euros – dans le cadre du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique.
L’année 2023 sera là aussi une année de consolidation. Nous prévoyons néanmoins un budget en hausse qui atteindra 1,3 milliard d’euros, un chiffre qui n’a jamais été atteint et qui marque une augmentation des crédits par rapport à ce qui sera réalisé en 2022.
J’ajoute que la réalisation 2022 sera inférieure à la prévision, puisque même ces structures connaissent des difficultés de recrutement, ce qui explique que tous les crédits ne seront pas consommés. En 2023, nous financerons donc plus de postes que ce qui se sera réellement passé en 2022.
Je veux aussi souligner que le PIC IAE destiné à favoriser la formation des salariés en insertion non seulement est prolongé, mais que ses crédits augmentent de 25 % en 2023 – ils passent de 80 à 100 millions d’euros.
Toujours pour aller vers le plein emploi et permettre l’emploi de tous, je tiens à souligner devant vous le fait que les entreprises adaptées bénéficieront de plus de 500 millions d’euros, dont 15 millions au titre du fonds d’accompagnement à la transformation des entreprises adaptées.
Nous allons, dans le même temps, poursuivre les efforts pour les jeunes éloignés du marché du travail et nous reconduisons en 2023 l’objectif de 300 000 bénéficiaires du contrat d’engagement jeune avec l’accompagnement nécessaire, soit une enveloppe de 1,76 milliard d’euros.
Enfin, je tiens à souligner que les contrats aidés restent un outil traditionnellement utilisé dans les politiques de l’emploi.
En 2023, le nombre de contrats aidés diminuera pour le secteur marchand ; nous assumons cette décision, parce que le marché du travail va mieux et que d’autres dispositifs de soutien à l’emploi se développent par ailleurs. Ainsi, nous prévoyons 31 150 contrats initiative emploi (CIE) pour 2023 contre 53 200 en 2022.
En revanche, nous prévoyons un total de 80 000 places en parcours emploi compétences, les contrats aidés dans le secteur public, contre 77 700 en 2022 – nous savons que ces contrats sont particulièrement utiles aux collectivités locales.
Au-delà de ces grandes priorités et lignes d’action, je souhaite souligner que le plein emploi doit aussi être le bon emploi.
C’est la raison pour laquelle le programme 111, « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail », sera augmenté de 16 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 18 millions d’euros en crédits de paiement, notamment pour accompagner la modernisation des services de prévention et de santé au travail.
Enfin, pour mettre en œuvre ces politiques, le ministère peut compter sur des agents dévoués, engagés et de grande qualité.
En 2023, pour la première fois depuis plus de dix ans, les effectifs du ministère augmenteront avec un schéma d’emplois en hausse de 60 ETP, ce qui permettra, d’une part, de renforcer les services du ministère, notamment au titre du renforcement du pilotage des politiques publiques et de la réinternalisation de missions réalisées aujourd’hui par des prestataires externes, d’autre part, d’accompagner la préparation des jeux Olympiques et de gérer en particulier les demandes de dérogations au droit du travail. (M. Jérôme Bascher ironise.) Cela permettra aussi d’accorder des moyens nécessaires au délégué ministériel à l’encadrement supérieur de l’État.
Entre 2011 et 2021, le schéma d’emplois était négatif d’environ 180 ETP par an en moyenne. Il a été stabilisé en 2022.
Je dois cependant souligner, pour la clarté de nos débats, que le plafond d’emplois est en baisse de 188 ETP par rapport à 2022 pour s’établir à 7 773 ETP. Cela s’explique par le maintien des renforts exceptionnels dans les services déconcentrés qui devaient disparaître en 2023 et que nous maintenons pour partie. La décrue sera donc progressive, ce qui permettra aux services du ministère du travail de l’absorber plus facilement. Ainsi, 105 ETP sur les 210 sont conservés au titre de l’accompagnement des restructurations économiques et 120 ETP sur 160 le sont au titre des mesures de correction en matière de mise en œuvre de la nouvelle organisation territoriale de l’État.
Pour conclure, je veux remercier les deux rapporteurs spéciaux et la rapporteure pour avis du Sénat, ainsi que l’ensemble des sénateurs membres des deux commissions pour la qualité de leurs travaux, de même que pour la richesse et la sincérité de nos échanges. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial, applaudit également.)