M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis des années, la France figure parmi les premiers pays contributeurs à l’aide au développement dans le monde. Elle y consacre des sommes importantes, pour améliorer le sort des pays les moins avancés.
Cette aide fait une énorme différence pour ceux qui la reçoivent. C’est évidemment le cas de l’aide d’urgence : délivrée dans un contexte de crise humanitaire, elle permet de sauver des vies. Dans des contextes moins tendus, l’aide permet à des populations d’améliorer leurs conditions de vie en construisant des infrastructures essentielles. Enfin, l’aide de la France permet à de nombreux pays de développer leur économie en encourageant la création d’entreprises.
Cette aide est bien plus que de la philanthropie, dans la mesure où elle contribue à la sécurité des populations. Les zones les plus défavorisées sont en effet les plus sujettes au développement de conflits armés. Ceux qui n’ont rien n’ont rien à perdre !
Si cette action est utile et si elle est tout à l’honneur de notre pays, elle a un coût. En 2022, la France lui a consacré 13 milliards d’euros, soit 0,51 % de son revenu national brut. Il s’agit d’un effort important, particulièrement dans un contexte économiquement difficile.
Si la France, je le répète, est le cinquième contributeur mondial à l’aide au développement, elle n’est plus la cinquième puissance économique. Devancés par l’Inde, nous sommes à présent septièmes.
Alors que nous visons toujours l’objectif de consacrer 0,7 % de notre RNB à l’aide au développement, la question des moyens se pose. Comme l’a rappelé notre rapporteur spécial Michel Canévet, il sera très difficile d’atteindre cet objectif. La plupart des économistes s’accordent à dire que la croissance mondiale sera faible dans les années à venir. La France sera, elle aussi, confrontée à de sérieuses difficultés économiques : très endettée, elle est particulièrement affectée par la remontée des taux d’intérêt.
La question de la soutenabilité de cette aide se pose donc, mais on peut aussi s’interroger sur les objectifs de l’aide apportée par la France.
Nous avons été plusieurs à souligner que cette aide doit être destinée aux pays qui en ont le plus besoin. Elle doit aussi être orientée vers des projets qui servent nos intérêts. Au cours des dernières années, la France a fait l’objet de campagnes hybrides visant à nuire à son image. Force est de constater que ces campagnes ont eu un certain effet…
Il nous paraît essentiel que l’aide publique au développement financée par le contribuable français fasse l’objet d’un contrôle strict et n’aille pas renforcer la gouvernance de pays qui font montre d’hostilité à l’égard de la France.
Au côté de l’État, nos collectivités territoriales contribuent de plus en plus à l’aide publique apportée par notre pays. Elles le font, notamment, au travers de projets centrés sur leurs compétences, comme la gestion de l’eau. Les collectivités consacrent également plusieurs dizaines de millions d’euros à l’aide apportée aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, qui s’ajoute à l’aide médicale de l’État (AME) qui permet à toute personne présente sur le sol français de bénéficier de soins gratuits.
La France, dans toutes ses composantes, contribue donc beaucoup à l’aide au développement. Elle doit continuer de le faire, selon ses moyens et au bénéfice de projets qui servent ses intérêts.
C’est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de l’adoption des crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous concluons ce marathon budgétaire sur une note plus positive.
La mission « Aide publique au développement » enregistre une des plus fortes hausses de ce projet de budget, avec près de 17 % de crédits supplémentaires.
Certes, l’effort ne permet pas d’atteindre l’objectif consistant à consacrer 0,61 % du RNB à l’aide au développement, ainsi que le prévoyait la trajectoire inscrite dans la loi de programmation du 4 août 2021. Certes, l’objectif d’atteindre – enfin ! – le niveau de 0,7 % du RNB en 2025 semble largement compromis.
Néanmoins, je ne partage pas le choix de nos rapporteurs spéciaux de réviser dès à présent cette trajectoire. Même si la marche est haute, la France doit tout faire pour tenir cet objectif qui, rappelons-le, est une promesse non tenue depuis plus d’un demi-siècle ; il convient, à tout le moins, de s’en approcher au plus près.
Au vu du contexte géopolitique et économique qui succède à la pandémie, ne tenons pas rigueur au Gouvernement de ne pas avoir respecté cette trajectoire. En effet, l’augmentation brute de 1,4 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 819 millions d’euros en crédits de paiement constitue déjà un signal positif.
Dans le détail, le programme 110 augmente de 390 millions d’euros, l’État ayant fait le choix de bonifier les prêts de l’AFD pour faire face à la remontée des taux d’intérêt. C’était nécessaire, mais cela soulève encore et toujours les mêmes questions sur le recours trop important, au sein de notre APD, aux prêts au détriment des dons.
Le programme 209 relatif à la solidarité avec les pays en développement augmente de 433 millions d’euros, dont 270 millions d’euros consacrés à la création d’un fonds d’urgence pour faire face aux crises : cela semble particulièrement opportun dans le climat actuel.
Si d’aventure ces crédits n’étaient pas consommés, je ne verrais pas de difficulté, contrairement à nos rapporteurs spéciaux, à ce qu’ils constituent une réserve budgétaire pour d’autres actions du programme. Je m’oppose d’ailleurs avec force à leur amendement visant à réduire de 200 millions d’euros les crédits du programme 209. Nous sommes déjà en retard par rapport à la trajectoire budgétaire que la Haute Assemblée a adoptée à la quasi-unanimité : il serait totalement incohérent de réduire l’enveloppe aujourd’hui.
Je salue, en revanche, la priorité accordée, dans les actions de la mission, aux besoins prioritaires que sont l’éducation et la santé, avec des augmentations de crédits de 122 millions et 336,4 millions d’euros destinées à respecter les engagements de la France pour le partenariat mondial pour l’éducation et à reconstituer le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Seulement 18 % de notre APD sont aujourd’hui tournés vers les services sociaux de base ; cet effort est appelé à être massivement amplifié.
Le présent projet de budget affecte près de 1 milliard d’euros au Fonds vert pour le climat, afin de permettre à la France de tenir, à la dernière minute, la promesse formulée par Emmanuel Macron en 2019 au G7 de Biarritz d’abonder ce fonds de 1,5 milliard d’euros sur la période 2019-2023. C’est un pas en avant ; il faudra poursuivre sur cette lancée.
COP après COP, les discussions achoppent sur la solidarité des pays industrialisés avec les pays en développement. Nous nous apprêtons enfin, en 2023, à tenir la promesse de 100 milliards par an faite à Copenhague en 2009. Alors que la COP27 a accouché dans la douleur d’un petit dernier, un judicieux fonds « pertes et préjudices » à destination les pays vulnérables, mais qui demeure intégralement à construire – il faut le faire rapidement –, nous espérons que la France sera motrice, dès le prochain projet de loi de finances, pour donner une consistance sonnante et trébuchante à ce fonds.
Madame la ministre, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera les crédits de cette mission, en appelant le Quai d’Orsay à la plus grande vigilance sur les projets financés par l’AFD et Proparco, afin d’éviter, comme nous avons failli le faire à Kahuzi-Biega en République démocratique du Congo (RDC), de nous rendre complices d’atrocités, et en continuant de plaider pour que notre aide publique prenne davantage la forme de dons, priorise les pays cibles, les services sociaux de base, la lutte contre le réchauffement climatique et respecte les populations locales, notamment les peuples autochtones. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur la situation internationale que j’ai évoquée lors de mon intervention sur la mission « Action extérieure de l’État ».
Je me félicite que l’augmentation de nos moyens budgétaires se concentre largement sur la mission « Aide publique au développement ». Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, cette mission se compose de deux programmes : le programme 110, « Aide économique et financière au développement », porté par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », qui relève du Quai d’Orsay.
Le programme 209 bénéficierait d’une augmentation de 383,1 millions d’euros et atteindrait 3,436 milliards d’euros ; il deviendrait donc prépondérant dans le budget du ministère : c’est une bonne chose.
Les deux programmes cumulés de la mission « Aide publique au développement », qui est pilotée par mon ministère et regroupe les programmes 209 et 110, atteindraient 5,77 milliards d’euros. Cela représente une hausse de 17 % par rapport à 2022, soit un doublement des crédits budgétaires de cette mission par rapport à 2017. C’est une source de fierté pour notre pays.
Avec ces moyens supplémentaires, le Quai d’Orsay va pouvoir poursuivre deux objectifs majeurs : la participation de la France à la gestion des enjeux globaux et sa contribution à la réduction des fractures qui déstabilisent le monde.
Pour ce qui concerne les enjeux globaux, la France entend continuer de contribuer activement à la définition et à la mise en œuvre des réponses internationales à leur apporter.
Évoquons d’abord le climat, défi absolu comme l’a montré la COP27 qui s’est achevée il y a quelques jours. La France devrait y consacrer 6 milliards d’euros par an sur la période 2021-2025, dont un tiers pour l’adaptation au changement climatique.
Dans le cadre de cet effort, la France a augmenté massivement sa contribution au Fonds pour l’environnement mondial, passant de 217 millions à près de 300 millions d’euros par an sur le prochain cycle 2023-2026. Comme l’a annoncé le Président de la République au G20, nous accueillerons aussi en juin 2023 un sommet sur le nouveau pacte financier avec le Sud, qui sera très largement consacré à la question de la finance climat.
En outre, alors que se tiendra dans quelques jours la COP15 consacrée à la biodiversité à Montréal, la France souhaite renforcer sa mobilisation pour la protection de la nature. D’ici à 2030, 30 % de l’ensemble des financements bilatéraux français pour le climat auront aussi un impact bénéfique sur la biodiversité : le Président de la République s’y est engagé lors du One Planet Summit de janvier 2021.
Je signale, enfin, que la deuxième reconstitution du Fonds vert pour le climat interviendra en 2023. Une nouvelle hausse de notre contribution permettrait de préserver le rang de la France et de marquer la priorité donnée à l’action climatique. Des moyens ont d’ores et déjà été prévus sur le programme 110.
J’en viens à la santé, qui reste le premier poste de l’APD française. La France est résolument engagée dans le renforcement de l’architecture multilatérale de la santé avec ses partenaires européens, que ce soit dans un cadre multilatéral, en particulier avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ou dans un cadre bilatéral, principalement en Afrique.
Sur ce point, je signale que la nouvelle contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s’élève pour 2023-2025 à 1,6 milliard d’euros, soit une hausse de 23 % par rapport à 2019.
Pour ce qui a trait à l’alimentation, le problème de la faim, qui touche 10 % de la population mondiale, est aggravé par l’invasion de l’Ukraine. En 2022, 205 millions de personnes seraient en situation de crise alimentaire dans quarante-cinq pays, en particulier en Afrique de l’Ouest. Afin de répondre à cette situation, la France compte mobiliser en 2023 des moyens supplémentaires, via le canal de l’aide alimentaire programmée, laquelle passerait de 118 millions d’euros en 2022 à 160 millions d’euros en 2023. Nous souhaitons également renouveler notre contribution à l’initiative Food and Agriculture Resilience Mission (Farm).
Notre contribution à la réduction des fractures passera largement par l’aide humanitaire. Notre capacité à répondre aux crises humanitaires, rendues encore plus graves par la guerre en Ukraine, est aujourd’hui un enjeu majeur.
Notre aide humanitaire pourrait atteindre 642 millions d’euros au travers de trois canaux principaux : outre l’enveloppe d’aide alimentaire programmée et le soutien à hauteur de 75 millions d’euros à l’initiative Farm, que je viens de mentionner, 200 millions d’euros passeraient par le fonds d’urgence et de stabilisation piloté par le centre de crise et mis en place par des ONG, et 200 millions d’euros seraient consacrés aux contributions volontaires humanitaires, aux organisations internationales et aux Nations unies, soit une hausse de 19,5 millions d’euros.
Afin de nous permettre d’être le plus réactifs possible, cette programmation s’est doublée de la constitution d’une « provision pour crises majeures », que nous proposons de décupler – c’est un geste fort – en la portant de 23 millions d’euros en 2022 à 270 millions d’euros en 2023. Au total, ce sont donc potentiellement 912 millions d’euros qui pourraient être consacrés à l’aide humanitaire en 2023. Il s’agit là aussi d’une source de fierté pour notre pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous votez ce projet de budget, notre diplomatie aura les moyens de ses ambitions. Ce budget reflète les fortes attentes à l’égard de notre diplomatie, mais aussi la confiance que lui témoignent nos plus hautes autorités. C’est une confiance qui doit beaucoup, pour ne pas dire tout, au sens de l’intérêt général que les agents de mes services ont chevillé au corps, ce dont ils apportent chaque jour la preuve, en France comme à l’étranger. Qu’il me soit permis aujourd’hui de les en remercier dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. André Guiol applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous avons l’honneur de vous présenter souligne une chose : notre politique de développement constitue une véritable priorité politique du Gouvernement.
En cinq ans, nous avons doublé les crédits de la mission « Aide publique au développement ». Cela représente une hausse historique de 2,5 milliards d’euros. Surtout, nous allons tenir l’engagement pris par le Président de la République en 2018, en consacrant 0,55 % de notre revenu national à l’APD en 2022.
Comme vous le voyez, nous investissons donc plus, mais surtout nous investissons mieux.
Notre APD comprend désormais davantage d’aides bilatérales et de dons. Ces dons sont dirigés vers les pays les plus vulnérables – particulièrement les pays du continent africain – et ils sont concentrés sur les secteurs du développement humain, tels que l’éducation et la santé.
Nous investissons aussi mieux. En renforçant l’expertise technique, nous renforçons en même temps les liens humains entre notre pays et les pays partenaires. En donnant plus de moyens à nos ambassades, nous leur permettons de promouvoir des projets concrets et visibles, au plus près des besoins des populations.
Depuis cinq ans, nous ne faisons pas seulement plus et mieux, nous employons surtout une nouvelle méthode. Désormais, nous veillons à travailler avec les pays du Sud pour soutenir leurs initiatives et répondre à leurs besoins. Il s’agit pour nous d’accompagner ces pays pour relever ensemble les grands défis globaux qu’évoquait Mme la ministre Colonna.
Je pense, par exemple, à ce que nous avons fait durant la pandémie pour la vaccination des pays du Sud. Nous avons su nous réunir, en Européens, pour appuyer le renforcement des capacités africaines de production de vaccins. Je pense, aussi, au projet de la « grande muraille verte », soutenu par les pays du Sahel pour renforcer leur résilience climatique et agricole face au changement climatique.
Nous demandons à chacun de nos opérateurs, notamment à l’Agence française de développement, de mettre en œuvre cette approche.
Pour chaque Français, cette politique de développement doit être une fierté. Elle fait rayonner nos idéaux de solidarité.
Toutefois, au-delà de cette fierté, mesdames et messieurs les sénateurs, cette politique de développement nous permet directement de protéger les Français et leurs intérêts.
Nous vivons dans un monde interdépendant. Lorsque nous renforçons les systèmes de santé des pays du Sud, c’est la santé de nos concitoyens que nous protégeons. Lorsque nous protégeons les forêts du bassin du Congo, c’est notre climat aussi que nous préservons.
Investir dans le développement, trouver de nouveaux alliés est la meilleure manière de faire peser notre vision du monde : celle de la coopération, du multilatéralisme, du respect de la souveraineté de chacun. Cette vision, c’est celle de la France, c’est celle de l’Europe, mais c’est aussi la vision que le Parlement a approuvée à l’unanimité en adoptant la loi du 4 août 2021.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en votant ce budget, nous renforcerons les moyens de cette ambition collective. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – MM. Christian Cambon, Pascal Allizard et Bruno Sido applaudissent également.)
aide publique au développement
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Aide publique au développement |
8 041 706 700 |
5 923 925 612 |
Aide économique et financière au développement |
3 836 895 132 |
2 337 910 235 |
Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement |
150 000 000 |
150 000 000 |
Solidarité à l’égard des pays en développement |
4 054 811 568 |
3 436 015 377 |
Dont titre 2 |
161 428 965 |
161 428 965 |
Restitution des “biens mal acquis” |
0 |
0 |
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-4 est présenté par MM. Canévet et Requier, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-499 rectifié est présenté par MM. Bascher, Retailleau, Allizard, Babary, Bacci, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc, Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet et Bouloux, Mme V. Boyer, MM. Brisson et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mmes Chauvin et de Cidrac, MM. Courtial et Cuypers, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Dumas et Dumont, M. Duplomb, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Favreau et Frassa, Mmes F. Gerbaud, Gosselin, Gruny, Imbert et Joseph, MM. Karoutchi, Klinger et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Longuet, Mme Malet, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Milon, Mouiller, Nougein et Paul, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Rojouan, Sautarel, Savary, Savin, Somon et Tabarot, Mmes Thomas et Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Aide économique et financière au développement |
|
|
|
|
Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement |
|
|
|
|
Solidarité à l’égard des pays en développement dont titre 2 |
|
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200 000 000 |
Restitution des « biens mal acquis » |
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TOTAL |
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|
|
200 000 000 |
SOLDE |
- 200 000 000 |
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-4.
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. Cela a été rappelé par plusieurs orateurs pendant la discussion générale, les crédits de l’aide publique au développement augmentent assez significativement. On le constate, bien sûr, depuis l’année dernière, mais aussi en examinant les crédits pour 2022 ainsi que l’évolution proposée pour 2023.
Il ne vous aura néanmoins pas échappé, mes chers collègues, que la commission des finances du Sénat est sensible à l’état des finances publiques. Nous l’avons rappelé lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, mais nous l’avons répété également en différentes circonstances lors de l’examen du présent projet de loi : il est nécessaire, à notre sens, de réaliser un effort important pour essayer de réduire nos dépenses publiques.
Il nous paraît ainsi logique qu’une mission augmentant significativement ses moyens participe également à cette volonté de maîtrise de la dépense publique. C’est la raison pour laquelle la commission des finances vous propose un amendement visant à réduire de 200 millions d’euros les crédits dédiés à l’aide publique au développement.
Plus particulièrement, il tend à réduire de 100 millions d’euros les crédits de l’aide-projet, ce qui maintiendrait toutefois ses crédits à 930 millions d’euros, car ils ont augmenté significativement entre 2021 et 2022. Par ailleurs, il tend également à réduire de 100 millions d’euros les crédits dits « d’urgence », dotés néanmoins de 170 millions d’euros à mettre en regard des 630 millions d’euros de crédits demeurant ouverts au total pour pouvoir faire face aux différentes crises.
Nous devons avoir une maîtrise la plus proche possible des perspectives budgétaires, comme nous le proposons au travers de cet amendement, tout en conservant une politique volontariste en matière d’aide publique au développement.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour présenter l’amendement n° II-499 rectifié.
M. Jean-François Rapin. Cet amendement est identique au précédent. La commission des finances s’est fixé un objectif de réduction du déficit public à 3 % du PIB dès 2025. Cet effort doit commencer dès maintenant.
Pour les raisons qui ont été avancées par M. le rapporteur spécial, nous proposons de diminuer de 200 millions d’euros les crédits de cette mission. Cela grève certes nos ambitions en matière d’APD, mais pas tant que cela, puisque, malgré l’effort demandé, les crédits resteront en augmentation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Colonna, ministre. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cet amendement. Cette baisse des crédits irait à contre-courant de la dynamique d’augmentation de la part du RNB consacré à l’APD.
De plus, remettre en question dès 2023 l’objectif fixé, notamment avec l’assentiment de la Haute Assemblée, serait contradictoire avec la loi du 4 août 2021.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. Nous vivons ce soir un moment assez particulier, car nous avons adopté à la quasi-unanimité la loi du 4 août 2021. Je crois, d’ailleurs, que tout le monde en était fier puisque la France, même si nous aurions pu faire davantage, retrouvait ainsi sa place au niveau international.
Je rappelle qu’être une grande puissance, cela passe certes par la politique de défense – on l’a vu ce matin –, mais cela passe aussi par la promotion du développement, dans l’esprit de la stratégie défense-diplomatie-développement (3D).
La France a pris des engagements internationaux bilatéraux. Les sous-entendus de notre collègue Stéphane Ravier étaient clairs : on a suffisamment à faire chez nous, donc n’aidons pas les autres. C’est un vieux débat, qui est d’ailleurs assez dangereux et je trouve inquiétant que certains invoquent cet après-midi la situation des finances publiques françaises pour moins aider les autres…
Vous proposez aujourd’hui un coup de rabot de 200 millions d’euros au motif que nous aiderions déjà suffisamment les autres. Mais c’est oublier un peu vite que nous nous sommes engagés à alimenter un certain nombre de fonds et que nous avons signé des accords bilatéraux ! Pour ma part, je plaide même pour l’accroissement de la part des dons !
Je trouve donc ces deux amendements très dangereux.
Par ailleurs, j’aurais aimé – je me permets de le dire – que la commission des finances et la commission des affaires étrangères puissent dialoguer entre elles à leur sujet. Il est un peu déconcertant de découvrir à la dernière minute ces amendements alors qu’Hugues Saury et moi-même, en tant que rapporteurs pour avis, travaillons depuis longtemps sur ces sujets, que nous avons fait notre maximum pour avancer sur les questions d’APD et que nous avons appuyé une commission d’évaluation et de contrôle !
Enfin, j’ai le sentiment que des enjeux autres que ceux qui sont liés à l’APD cherchent à primer ce soir. J’appelle donc au retrait ou au rejet de ces amendements. Nous ne sommes pas opposés à un débat sur la trajectoire financière de la France, même si, pour ma part, je plaide en faveur du maintien de l’objectif fixé à 0,7 % du revenu national brut. Vous voulez tout faire pour réduire ce seuil, mais il faut savoir raison garder. Votre famille politique est en train de vivre une période particulière, mes chers collègues, mais je vous invite à ne pas voter cet amendement. (M. Jean-François Rapin proteste. – MM. Jean-Marc Todeschini et Guillaume Gontard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Alain Joyandet. J’avoue être très gêné par ces amendements identiques, soutenus par une grande partie de mes collègues de la majorité. En tout état de cause, je n’y suis pas favorable, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, on ne peut pas dire tout et son contraire en si peu de temps. On ne peut pas regretter de ne pas atteindre les objectifs en pourcentage et ensuite gratter 200 millions d’euros proposés par le Gouvernement.
Deuxièmement, on ne peut pas regretter de faire trop de prêts et pas assez de dons pour supprimer ensuite 200 millions prélevés sur les dons, pis : sur les projets ! Avec 200 millions d’euros en Afrique, mes chers collègues, on peut réaliser des choses colossales !
Je comprends que la commission des finances cherche à réaliser des économies. J’ai d’ailleurs suivi ses recommandations pour l’AME, qui concerne les immigrés en situation irrégulière et j’avais moi-même défendu il y a quelques années un amendement visant à réduire de 500 millions d’euros les crédits de l’AME. La commission a proposé une baisse de 350 millions d’euros : soit, mais trouvons ailleurs ces 200 millions d’euros que vous voulez supprimer aujourd’hui à l’APD.
Je le dis en conscience, j’aurais beaucoup de mal à voter de tels amendements, d’autant qu’il nous faudra à l’avenir dépenser beaucoup plus d’argent dans l’intérêt de l’Europe et de la France au vu de ce qui va se passer en Afrique. Dois-je rappeler que 80 % de ces 200 millions que vous voulez supprimer iront certainement à l’Afrique ?
J’anticipe un peu sur les amendements qui vous seront présentés ultérieurement, mes chers collègues, mais vous regrettez qu’il y ait trop de prêts et pas assez de dons et d’APD. Or les prêts comptent dans le pourcentage d’APD : vous imaginez-vous le nombre de prêts que 200 millions de dons permettront, puisqu’on ne compte dans les prêts que la bonification d’intérêts ?
J’ai beau chercher une cohérence dans toutes vos explications, je n’en trouve pas. Pour avoir beaucoup travaillé sur ces sujets, je suis au regret de ne pouvoir voter de tels amendements, qui sont contraires aux objectifs de la France !