M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 267, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Laure Darcos. Ma question s’adressait au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; je remercie Mme Firmin Le Bodo d’être présente !
Les chefs d’entreprise d’Île-de-France, en particulier ceux de l’Essonne, sont très inquiets : la mise en place progressive de la zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) est un véritable casse-tête pour les 100 000 sociétés des secteurs du bâtiment, des travaux publics et du transport routier qui exercent leur activité au sein de la métropole.
Ces entreprises sont déjà lourdement frappées par les restrictions d’accès aux communes situées dans le périmètre de l’autoroute A86. Elles le seront plus encore par la limitation de circulation qui s’appliquera aux véhicules classés Crit’Air 3 à partir du 1er juillet 2023, comme l’a décidé le conseil de la métropole du Grand Paris.
Comment desservir les chantiers en cours, assurer les livraisons ou répondre à des marchés avec des véhicules ne correspondant plus aux critères exigés ?
Ces entrepreneurs s’estiment d’autant plus pénalisés que les aides de l’État, même cumulées à celles de la région et de la Ville de Paris, sont nettement insuffisantes pour le renouvellement de leurs flottes et que les offres de véhicules à faibles émissions sont inexistantes chez les constructeurs.
C’est un véritable mur écologique et économique qui se dresse devant ces entreprises.
Le premier comité ministériel sur les zones à faibles émissions (ZFE), qui s’est tenu le 25 octobre dernier, est l’exemple même du défaut de concertation avec les organisations professionnelles : ces dernières ont pris connaissance a posteriori de nouvelles mesures coercitives adoptées à cette occasion.
Madame la ministre, mes questions sont les suivantes : allez-vous entendre la voix des chefs d’entreprise, qui vous demandent d’agir avec souplesse et pragmatisme ? Envisagez-vous de revoir, avec leurs organisations représentatives, le calendrier de déploiement de la ZFE d’Île-de-France, afin de tenir compte des évolutions technologiques en cours et des délais de mise sur le marché des nouveaux véhicules ?
Le Gouvernement envisage-t-il, en faveur des professionnels, des aides financières massives pour rendre les énergies alternatives plus compétitives et inciter durablement les entreprises à y recourir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, mon collègue Christophe Béchu regrette de ne pouvoir être présent ce matin et m’a priée de vous fournir les éléments de réponse suivants. D’ailleurs, étant chargée de la santé environnementale, je travaille beaucoup avec lui sur ce sujet. (Mme Laure Darcos acquiesce.)
La zone à faibles émissions mobilité fait partie des outils à la main des collectivités territoriales pour améliorer la qualité de l’air. Ces dernières définissent le périmètre d’application des ZFE, les critères et les échéances retenus. Les étapes de concertation et d’information permettent de prendre en compte les contraintes de l’ensemble des acteurs, en adaptant les horaires de restriction ou en instituant des dérogations ciblées en complément des exemptions prévues à l’échelle nationale.
L’État met à disposition des statistiques du parc de véhicules afin d’aider les collectivités territoriales à définir une trajectoire de restriction à la fois ambitieuse, réaliste et socialement acceptée.
Par ailleurs, pour ce qui concerne le transport routier de marchandises, une task force interministérielle, associant l’ensemble des parties prenantes depuis la fin de l’année 2020, vise à construire la trajectoire de transition énergétique de ce secteur.
Lors du premier comité ministériel de suivi des ZFE, qui, comme vous le signalez, s’est réuni le 25 octobre dernier, Christophe Béchu, Clément Beaune et moi-même avons annoncé la mise en place d’un comité de concertation chargé d’explorer les possibilités d’harmonisation.
Enfin, l’État apporte son soutien aux territoires souhaitant ou devant créer une ZFE au travers d’aides renforcées à l’acquisition de véhicules peu polluants, par le déploiement de mobilités douces ou encore, en 2023, avec la création du fonds vert, dont un volet sera spécifiquement dédié aux ZFE-m.
Les collectivités territoriales sont invitées à prendre des mesures complémentaires. Ainsi, la région d’Île-de-France propose quatre aides à l’achat d’un véhicule propre pour les professionnels et l’aide « Métropole roule propre ! » du Grand Paris vient compléter la prime à la conversion accordée par l’État.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais les problèmes que j’évoque vont sans doute encore s’accentuer dans les prochains mois.
Quand on parle des entreprises, on parle notamment des petits artisans qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule : c’est aussi à eux que je pense.
conséquences de la réforme du master sur les concours de niveau bac+4
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 264, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Pierre-Antoine Levi. Ma question porte sur les conséquences de la réforme du master sur les concours de niveau bac+4.
Madame la ministre, comme vous le savez, dans les facultés de droit et de sciences politiques, la sélection de nos étudiants en master intervient, depuis la rentrée de septembre 2020, dès le master 1.
Cette réforme est bénéfique pour les étudiants qui, dans l’ancien système, seraient passés en master 1 sans obtenir un master 2. En effet, si le passage en master 1 était automatique dès lors que vous validiez votre licence, le passage en master 2 se révélait compliqué, car c’était le moment où survenait la sélection. L’étudiant qui n’avait pas été retenu, malgré l’obtention de son master 1, devait trouver un master 2 loin de chez lui, accepter un master dans une spécialité qui n’était pas la sienne ou tout simplement abandonner l’université.
Certes, avec la sélection, nous pouvons nous réjouir que les étudiants admis en master 1 aillent automatiquement en master 2 après validation de leur quatrième année. Mais ce système a aussi ses travers.
C’est une réforme qui touche principalement les facultés de droit. Il faut bien avoir à l’esprit que, dans cette discipline, les étudiants choisissent aussi la voie des concours. Or, en resserrant l’accès au master 1, cette réforme pénalise de nombreux étudiants qui souhaiteraient passer un concours ou un examen de niveau bac+4.
Je pense tout d’abord au célèbre certificat d’aptitude à la profession d’avocat (Capa) : un étudiant qui n’a pas de bac+4 ne pourra pas passer cet examen et ne deviendra donc jamais avocat. Dès lors, il subira la double peine : pas de master 1 en raison de la sélection et pas de concours qui nécessite une qualification à bac+4. Et, dans le domaine du droit, il y en a beaucoup.
Voici quelques exemples de professions : commissaire contrôleur des assurances, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, inspecteur de la jeunesse et des sports ou encore puéricultrice de catégorie A. Bien entendu, je n’oublie pas non plus le concours de l’École nationale de la magistrature (ENM).
Ainsi, ma question est la suivante : que compte faire le Gouvernement pour remédier à cette conséquence négative de la réforme des masters ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser ma collègue Sylvie Retailleau, en déplacement en Guyane.
La réforme instituée par la loi du 23 décembre 2016 a adapté le deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat (LMD), conformément au processus de Bologne. Il s’agissait d’harmoniser les systèmes nationaux européens d’enseignement pour permettre une reconnaissance des diplômes nationaux dans tout l’espace européen d’enseignement supérieur.
L’objectif était double : permettre à chaque étudiant inscrit en première année de master d’achever son cursus sans subir de sélection entre la première et la seconde année ; et offrir à chaque titulaire du diplôme national de licence une poursuite d’étude, via notamment le dispositif de saisine du recteur.
Vous appelez notre attention sur les conséquences de cette réforme sur les concours. À la demande des ministères employeurs ou des ordres professionnels concernés, nombre d’entre eux exigent déjà un niveau master : c’est le cas des concours de l’enseignement, des concours de commissaire de police et de commissaire de justice.
Pour l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats (CRFPA), la profession souhaite également que le master devienne le diplôme requis.
Par ailleurs, s’il est important de mettre en adéquation le niveau de formation requis avec la nouvelle architecture des diplômes, en réalité, la plupart des candidats aux concours ont déjà un master.
Enfin, un certain nombre de concours de catégorie A, voire A+, restent accessibles au niveau licence. C’est notamment le cas du concours d’entrée à l’Institut national du service public (INSP).
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la ministre, j’entends votre réponse. Il n’en est pas moins vrai que la réforme des masters provoque la détresse de milliers d’étudiants : les intéressés nous sollicitent sans cesse et j’espère également que vous les entendez.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que trois candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Adaptation au droit de l’Union européenne dans divers domaines
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (projet n° 140, texte de la commission n° 187, rapport n° 186, avis nos 178, 179,182 et 183).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Demande de priorité
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement sollicite l’examen par priorité des articles 20, 23 et 24 au début de la discussion des articles.
M. le président. Y a-t-il un orateur contre cette demande de priorité formulée par le Gouvernement ?...
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je consulte le Sénat sur la demande de priorité présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.
Il n’y a pas d’opposition ?…
La priorité est ordonnée.
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi afin d’examiner le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, dans la version issue de vos travaux en commission.
Le droit français s’enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres. La création d’un cadre européen unifié sur de nombreux sujets permet de mieux protéger et de mieux accompagner nos industries, nos opérateurs et nos concitoyens partout dans l’Union européenne.
Ce projet de loi a pour objet de transposer et mettre en œuvre un certain nombre de directives et règlements que l’Union européenne a adoptés ces trois dernières années. Il tend également à mettre en conformité des dispositions du droit national avec le droit de l’Union européenne – procédure rendue nécessaire par les évolutions réglementaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que le texte aborde un nombre très varié de sujets, sur lesquels je ne me prononcerai pas de manière exhaustive à la tribune. Je laisserai plutôt le débat que nous aurons dans cet hémicycle nourrir les discussions portant sur les nombreux points qui ont suscité votre mobilisation par voie d’amendements.
Je veux néanmoins évoquer dès la discussion générale plusieurs sujets qui revêtent une importance particulière.
Il est prévu par l’article 2 de renforcer l’attractivité de l’épargne retraite et de désigner les autorités compétentes pour la supervision et le contrôle du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle (Pan European Personal Pension Product ou Pepp). Le Gouvernement vous propose, par un amendement après ce même article, d’aller au-delà en définissant les règles de fonctionnement ainsi que le régime fiscal et social du sous-compte français de ce produit, afin de le rendre pleinement effectif, conformément aux dispositions du règlement 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 et au règlement délégué de la Commission du 18 décembre 2020. L’objet de cette mesure est de préserver les acquis de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.
Je défendrai également devant vous, en tant que ministre délégué chargé de la transition numérique, l’article 5 relatif au régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, appelée plus communément blockchain.
Figurant parmi les mesures relatives à la finance numérique pour stimuler l’innovation, proposées en septembre 2020 par la Commission européenne, le règlement européen portant sur un régime pilote pour les infrastructures de marché qui reposent sur la technologie des registres distribués (Distributed Ledgers Technology ou DLT), entrera en application en mars 2023.
Visant à tirer parti des possibilités offertes par l’émergence des crypto-actifs qualifiables d’instruments financiers, le régime pilote sera mis en place pour une durée de trois ans, qui pourra être prolongée de trois années supplémentaires.
La création de ce régime est innovante puisque, pour la première fois, un texte européen d’application directe autorise des acteurs de marché à déroger à des exigences de la réglementation de droit commun, sous certaines conditions.
La France s’est battue pour obtenir un régime pilote ambitieux permettant de conduire des expérimentations à l’échelle industrielle sur les usages de la blockchain.
Le Gouvernement se réjouit ainsi de disposer d’un régime créant une zone d’expérimentation pour l’utilisation de la technologie blockchain dans le domaine des instruments financiers, ce qui est déterminant pour rester dans la course mondiale aux innovations financières.
Du reste, avec l’entrée en application de ce régime, la place de Paris disposera d’une occasion unique pour répondre à nombre de questions relatives au potentiel de la blockchain, ainsi qu’à ses utilisations et aux synergies qu’elle pourrait engendrer. Cette étape est donc cruciale.
La place de Paris pourrait donc devenir la place financière de la mise en œuvre de ce régime pilote, ce qui lui permettrait d’en tirer un avantage comparatif substantiel.
Le Gouvernement vous proposera à cet article deux amendements.
Le premier a pour objet de permettre aux titres nominatifs, en plus des titres aux porteurs, d’entrer dans le périmètre d’application du règlement 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022. Cette évolution permettra de répondre à une demande des acteurs de la place financière que nous jugeons pertinente.
Nous vous proposerons, par le second amendement à cet article 5, de modifier la réglementation applicable, afin d’organiser la répartition des compétences entre les autorités nationales, et de permettre aux différents types d’acteurs concernés de candidater aux exemptions ouvertes par le régime pilote.
J’évoquerai également l’article 8 de ce texte, qui a fait débat, je le sais, pour des raisons qui honorent le Parlement ! Je rappelle toutefois que les orientations politiques européennes qui en sont à l’origine ont été fixées. Il n’est donc pas question pour le Gouvernement de revenir aujourd’hui sur ces arbitrages politiques.
En revanche, l’opérationnalisation de ces objectifs requiert un très important et fastidieux travail technique pour modifier plusieurs dizaines de pages de codes. Ce travail technique visera le plus haut niveau d’ambition en matière de durabilité, tout en assurant la lisibilité des futurs reportings, tant pour les entreprises que pour les investisseurs ou les associations souhaitant avoir une vision consolidée des pratiques de telle entreprise. Une habilitation à légiférer par ordonnances est donc une étape nécessaire pour la bonne mise en œuvre des mesures de publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement espère que les auditions que vous avez pu conduire en la matière vous auront convaincus de la pertinence du véhicule retenu, afin d’aboutir au complet déploiement de ces mesures. Nous nous engageons à mener ce travail technique en associant pleinement les parlementaires qui le souhaiteront.
Je m’arrêterai un moment sur l’article 12, qui vise à habiliter le Gouvernement à transposer la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.
La France, à l’instar de nombreux autres pays européens, a été mise en demeure de transposer cette directive, qui fixe, de manière détaillée, les obligations que devront respecter les fabricants, importateurs, distributeurs de certains produits ou prestataires de services, à compter du 28 juin 2025.
La directive du 17 avril 2019 vise à harmoniser les législations des États membres pour rendre accessibles certains produits et services comme les sites internet, les billetteries, les systèmes et équipements informatiques grand public, les services bancaires, les livres numériques et le commerce électronique.
Sur ce sujet important pour nos concitoyens en situation de handicap, et pour toute la société à vrai dire, nous accusons un retard collectif qui n’est plus acceptable. Le travail technique exigeant qui est impliqué par cette transposition nécessite de poursuivre le travail interministériel déjà engagé. Une habilitation de quatre mois est prévue par cet article.
Je veux toutefois préciser qu’un groupe de travail interministériel est en train d’intégrer dans l’écriture du projet de loi les modifications que cette transposition implique, afin qu’elles puissent être intégrées par amendement, au cours de la navette parlementaire.
Le texte contient par ailleurs de nombreuses dispositions relatives aux prérogatives des ministères sociaux. Je pense notamment à l’article 14, où sont prévues des mesures concernant le congé parental d’éducation, le congé de paternité, le congé de solidarité familiale et le congé de proche aidant. Je sais que vous vous êtes investie sur cet article en commission, madame la rapporteure.
L’article 23, quant à lui, a pour objet de ratifier des ordonnances désignant l’autorité administrative chargée de prononcer des sanctions financières dans le cadre de la surveillance du marché des dispositifs médicaux, des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, de leurs accessoires et des produits de l’annexe XVI du règlement 2017/745 de l’Union européenne.
Sur ce point aussi, je sais que la commission des affaires sociales a travaillé à l’amélioration des outils de lutte contre les risques de rupture de dispositifs médicaux et à la possibilité de publier les éventuelles sanctions financières prononcées par l’autorité administrative en la matière.
Enfin, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives au secteur des transports, qui ont suscité – je l’ai noté – une mobilisation particulière de la chambre haute, ainsi que de nécessaires mesures d’adaptation du code rural et de la pêche maritime à la mise en œuvre de la programmation 2023-2027 de la politique agricole commune (PAC), qui est un outil vital pour nos agriculteurs, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les dispositions très diverses de ce texte, qui n’ont pour point commun que d’assurer la mise en conformité du droit national au droit européen, la commission des affaires sociales s’est penchée sur les articles relatifs au handicap, au travail et à la santé publique.
Concernant le handicap, l’article 12 vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.
Les premiers jalons de cette exigence d’accessibilité ont été posés par la loi du 11 février 2005. Au regard de la réglementation existante, la directive procède à un double élargissement, puisqu’elle rend obligatoires les exigences d’accessibilité à un plus grand nombre de produits, d’une part, à un plus grand nombre d’acteurs économiques, d’autre part, et ce à compter du 28 juin 2025. L’article 2 de la directive en énumère la liste.
Au regard de la technicité des mesures et de la nécessité d’harmoniser les réglementations qui concernent aussi bien le secteur bancaire que les transports ou la culture, le recours à l’habilitation me semble justifiable. Compte tenu des retards rencontrés dans l’application des mesures d’accessibilité physiques, nous devrons être attentifs au calendrier de la mise en œuvre de ces nouvelles obligations par les opérateurs économiques.
Concernant les dispositions relatives au travail, la commission a approuvé l’article 14, qui vise à sécuriser les droits des salariés prenant des congés familiaux, en ajustant notre droit aux exigences qui découlent de la directive du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants.
À l’issue d’un congé de paternité, d’un congé parental ou d’un congé de présence parentale, le salarié conservera le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. Les salariés du particulier employeur, les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des personnes privées pourront bénéficier des congés de proche aidant et de solidarité familiale. En outre, l’ancienneté d’un an, requise pour bénéficier d’un congé parental d’éducation, sera comptabilisée à compter non plus de la date de naissance de l’enfant ou de son arrivée dans le foyer, mais de la date de la demande du congé par le salarié.
Dans le prolongement de ces mesures, la commission a ajouté les périodes de congé de paternité aux périodes de congé assimilées à une présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation entre salariés.
La commission a également adopté les articles 15 et 16, qui ont pour objet d’adapter le droit du travail à la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.
Cette directive impose aux employeurs d’informer les salariés sur les éléments principaux de la relation de travail en leur transmettant quinze types d’information dans un délai de sept à trente jours. La précision de la directive européenne ne laisse presque aucune marge de manœuvre au législateur pour transposer ces exigences dans le droit national. Nous avons donc approuvé l’article 15, qui prévoit que l’employeur remette au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.
J’attire toutefois l’attention du Gouvernement sur le fait que ces démarches supplémentaires, imposées aux employeurs, doivent être applicables et simples. Il conviendra d’accompagner les entreprises, notamment les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), dans la mise en œuvre de cette obligation, au moyen de l’élaboration de documents types à remettre aux salariés.
Nous avons approuvé la suppression de la possibilité de fixer, dans des accords de branche conclus avant 2008, des durées de période d’essai plus longues que la durée légale. Nous avons également entériné le renforcement de l’information des salariés en CDD ou en contrat d’intérim sur les postes en CDI à pourvoir au sein de l’entreprise. L’exclusion des dispositions de la directive aux salariés employés par le chèque emploi service pour de courtes durées ou par l’intermédiaire du guichet unique du spectacle occasionnel nous a semblé justifiée. Ces ajustements sont nécessaires et suffisants pour que notre droit du travail soit conforme au droit européen.
Concernant les dispositions relatives à la santé, la commission a globalement pris acte des adaptations ou des mises en conformité de notre droit.
L’article 19 a pour objet de tirer les conséquences pour les installations de chirurgie esthétique de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne établie par l’arrêt Vanderborght du 4 mai 2017 relative à la publicité dans le domaine de la santé. Depuis lors, un régime d’autorisation de principe, en la matière, est postulé ; il est toutefois encadré pour des motifs de santé publique et de dignité de la profession. Sur ce sujet, j’estime que l’enjeu est aujourd’hui celui de l’effectivité des contrôles, notamment sur les réseaux sociaux.
L’article 20 concerne les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS). Il s’agit de transcrire en droit français la dénomination apportée à l’échelon européen à ces produits très encadrés sur leur composition et l’information qui est jointe. Cependant, cet article va au-delà du seul changement de termes, puisqu’une distinction est faite selon les risques présentés par les denrées. Sur ce point, la commission a souhaité prévoir un encadrement plus strict des modes de délivrance et renforcer les exigences de contrôle médical.
Le Gouvernement, profitant de cette adaptation, a en outre prévu un changement de la distribution d’une partie de ces aliments. Les produits distribués aujourd’hui principalement par la pharmacie centrale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pourraient désormais être délivrés en officine. Cette modification, qui me semble recevable, a cependant fait naître de vives inquiétudes auprès de patients atteints de pathologies du métabolisme.
Je souhaite que le Gouvernement puisse, au cours de la discussion du texte, apporter des garanties sur les capacités de distribution de l’ensemble des spécialités, mais également nous rassurer sur les conditions de prise en charge, qui n’ont pas vocation à être modifiées.
L’article 21 vise à adapter le dispositif national de déclaration de la composition des mélanges dangereux par les industriels au système européen de déclaration unique, instauré en application des dernières modifications du règlement européen de 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, dit règlement CLP.
L’avantage de ce portail est de dispenser les industriels de remplir autant de déclarations qu’il existe de pays où se déploie leur activité, mais il a vocation à remplacer notre portail national, qui alimente depuis douze ans la base de données des centres antipoison qui peuvent avoir à connaître de ces produits à des fins préventives ou curatives. L’article 21 a pour objet de réécrire en conséquence les dispositions adéquates du code de la santé publique et du code du travail.
L’article 22, quant à lui, vise à adapter le droit français au « paquet médicaments vétérinaires », adopté en janvier 2019. Il s’agit, d’une part, de ratifier l’ordonnance du 23 mars 2022, qui a récemment adapté notre droit à ces nouvelles règles européennes, d’autre part, de tirer les conséquences d’une nouvelle répartition des compétences entre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et les directions départementales de la protection des populations, lesquelles récupèrent la gestion des établissements de fabrication d’aliments médicamenteux.
L’article 23 vise à adapter le droit national aux règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, entrés en vigueur récemment. À cet égard, il tend à ratifier deux ordonnances prises par le Gouvernement en 2022 pour apporter au code de la santé publique les modifications nécessaires, et inclut des dispositions directement relatives aux pouvoirs de sanction de l’administration des douanes notamment, qui n’avaient pu être introduites dans les ordonnances.
Les mesures de ces règlements ont permis d’harmoniser les normes applicables aux dispositifs médicaux, d’améliorer leur sécurité et de renforcer la transparence du marché. C’est pourquoi la commission a adopté l’article 23, en y ajoutant toutefois des dispositions qui visent à nous permettre de lutter plus efficacement contre les pénuries de dispositifs médicaux et de mieux anticiper les ruptures.
Enfin, l’article 24 soumet les pharmacies d’officine à une pénalité financière en cas de manquement à leur obligation de sérialisation des médicaments. Cette opération, qui garantit l’usage unique des boîtes de médicament, est une obligation européenne depuis février 2019, mais le taux de pharmacies connectées au système qui permet de la réaliser vient tout juste de dépasser 50 %, alors qu’il est plus proche de 80 % en moyenne dans le reste de l’Union européenne.
En conséquence, la Commission européenne fait peser sur l’État français la menace d’une sanction pour manquement de l’ordre de 300 millions d’euros à 400 millions d’euros.
L’article reprend le dispositif que nous avions voté dans le PLFSS pour 2022, mais qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel, à la différence près que la pénalité est rendue forfaitaire. Sans doute est-ce une bonne solution pour rendre la menace claire et facile à prononcer par les équipes de l’assurance maladie et inciter ainsi davantage d’officines à se mettre en conformité avec la réglementation.
Au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite donc à adopter le projet de loi dans la rédaction résultant des travaux de nos différentes commissions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Stéphane Artano applaudit également.)