M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Permettez-moi tout d’abord une petite digression pour répondre à M. Husson (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), qui me demande de me mettre au travail. Je vous rassure, monsieur le sénateur, je suis au travail. Je n’ai pas grand goût pour la fainéantise !
Madame Catherine Morin-Desailly, concrètement, la seule chose que nous demandons à nos amis boulangers, c’est de se rendre sur le site dédié ou sur impots.gouv.fr et de se déclarer comme très petite entreprise, car les fournisseurs d’énergies ne connaissent pas leur qualité. À ce sujet, je rassure encore M. Jean-François Husson : je reçois EDF au minimum toutes les semaines avec Agnès Pannier-Runacher et Olivia Grégoire. Nous sommes donc en contact très régulier.
Les commerçants intéressés doivent ensuite indiquer qu’ils souhaitent bénéficier du tarif garanti à 280 euros en moyenne. Nous venons de modifier le formulaire à cet effet.
Ainsi, tous les contrats qu’ils auraient signés à 500 euros, 600 euros ou 1 000 euros le mégawattheure sont résiliés, et ils bénéficieront automatiquement de ce tarif de 280 euros. Il s’agit bien d’une protection massive.
En outre, je le répète, ceux d’entre eux pour lesquels cela ne suffit pas peuvent s’adresser au guichet unique et bénéficier de l’amortisseur électricité, qui réduit de 20 % l’augmentation de la facture, ainsi que du décalage du paiement des charges lorsque c’est vraiment nécessaire. Le maximum a donc été fait.
Restent les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, lesquelles sont confrontées à la même augmentation des tarifs et sont exposées à la concurrence internationale. Pour citer un exemple très concret, j’étais il y a quelques jours à Charleville-Mézières, où j’ai visité une entreprise industrielle qui produit des plaques en aluminium pour refroidir les véhicules électriques. Or son acheteur, un constructeur automobile allemand, l’a menacé de se fournir ailleurs si elle augmentait ses prix.
Que peuvent faire ces entreprises confrontées à des acheteurs qui refusent de modifier leurs prix et à une augmentation des coûts de l’électricité ? Nous devons leur apporter des solutions et nous y travaillons. Nous n’entendons pas laisser cette crise énergétique affaiblir notre base industrielle. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
remise en cause du service universel de la poste
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, j’aurais pu vous envoyer ma question par la poste, mais j’aurais alors dû prendre mon mal en patience, faire le choix du timbre vert et de son délai de trois jours, désormais, ou payer une e-lettre rouge, que j’aurais dû scanner avant de l’importer sur un site internet, afin qu’un agent de La Poste l’imprime et la transporte jusque chez vous… Cet agent aurait ainsi eu accès à ma correspondance, aussi confidentielle soit-elle !
Le timbre rouge n’est plus, et vous entendez faire passer cela comme une lettre à la poste – une expression que vous vouez à la désuétude. Cette mesure, effective depuis le 1er janvier, est un pas de plus vers la désagrégation du service public qui devrait pourtant garantir l’égalité et l’équité.
Il n’y a pas de plan B. Cette dématérialisation, synonyme de déshumanisation, ignore la fracture numérique qui concerne, selon l’Insee, 13 millions de Français. Ceux-ci vont-ils devenir des sous-citoyens ?
En conséquence, vous lancez dans 68 communes l’expérimentation de la réduction de la fréquence du passage du facteur. Or, derrière la tournée du facteur, derrière l’accueil à un guichet, ce sont des liens humains qui se tissent, bien souvent avec les plus fragiles et les plus défavorisés.
Or, nous le savons, tout ce qui coupe les liens sociaux abîme la démocratie. Ce que nous dit de nouveau cette mesure, c’est que la machine à exclure tourne à plein régime.
Monsieur le ministre, quand allez-vous arrêter cette opération de casse du service public, qui est pourtant essentiel pour la population ? Quand le Gouvernement entendra-t-il qu’un service public n’a pas vocation à être rentable ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Varaillas, vous interrogez le Gouvernement sur les évolutions de la politique de distribution du courrier du groupe La Poste.
La Première ministre, le ministre de l’économie et des finances et moi-même y sommes très attentifs, et il ne nous a pas échappé que des modifications récentes ont suscité de la part de nos concitoyens certaines questions et inquiétudes légitimes.
Permettez-moi de rappeler les deux raisons pour lesquelles La Poste fait évoluer son offre de distribution du courrier.
La première raison est que les usages de nos concitoyens ont évolué. Alors qu’ils envoyaient 45 lettres prioritaires en 2010, ils n’en ont adressé que 5 en moyenne en 2021 – cela ne veut pas dire qu’ils ne doivent pas en envoyer !
La seconde raison est que, selon les calculs du groupe, les évolutions prévues permettraient d’économiser 60 000 tonnes de CO2 par an, soit 25 % de la consommation du groupe, notamment par l’arrêt du transport aérien dans l’Hexagone. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Cela dit, si vous voulez bien me laisser terminer, mesdames, messieurs les sénateurs, j’évoquerai plusieurs points qui seront, je l’espère, de nature à vous rassurer.
Les timbres rouges qui ont été achetés avant la fin de l’année pourront évidemment être utilisés. (M. Jean-Pierre Sueur ironise.)
La présence du facteur six jours sur sept n’est pas remise en question…
M. Fabien Gay. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. … et tout usager – c’est un engagement du groupe La Poste – pourra se faire conduire au bureau de poste à tout moment par un facteur. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Par ailleurs, la lettre service plus, qui arrive après deux jours, et la lettre verte, qui arrive après trois jours, seront évidemment disponibles.
S’agissant enfin de l’expérimentation que vous avez évoquée, madame la sénatrice, elle ne remet en aucun cas en question la présence du facteur tous les jours sur les territoires et pour toutes les activités de distribution de La Poste.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. Après l’hôpital, le rail, l’énergie, la disparition du timbre rouge symbolise le démantèlement de nos services publics, qui sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, monsieur le ministre.
Avec l’attaque contre notre système de retraite, c’est l’ensemble du dispositif de solidarité qui est mis en cause sous les injonctions de Bruxelles. L’exaspération des Français est à son paroxysme en ce début d’année.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Claude Varaillas. Allez-vous enfin les entendre ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, GEST et SER. – Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
mesures de soutien aux tpe et pme face à la hausse du prix de l’énergie
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous changeons d’année, mais les défis liés à l’actualité, eux, demeurent.
En ce début d’année où les cérémonies de vœux rythment nos soirées et nos semaines, nous sommes tous ici interpellés par les élus locaux, les professionnels des TPE, des PME et nos concitoyens sur la crise énergétique – non seulement sur ses conséquences, mais aussi sur la réponse politique et économique du Gouvernement.
Être entrepreneur requiert du sang-froid et beaucoup d’abnégation. La période actuelle en exige encore davantage. En effet, à l’image des boulangers de notre pays, parfois rares survivants du commerce de proximité dans nos territoires et particulièrement affectés par la hausse des coûts de l’énergie, de nombreux professionnels des TPE et des PME ne parviennent pas toujours à identifier le niveau d’aide dont ils peuvent bénéficier, et ils ne disposent pas toujours du temps nécessaire pour décrypter les différents dispositifs mis en place par le Gouvernement.
Ces dispositifs inédits, pertinents et adaptés gagneront à être rappelés collectivement au plus grand nombre.
Face à la désinformation et aux approximations, voire à la démagogie, pour que tout artisan ou boulanger de notre pays puisse bénéficier des aides considérables en vigueur et continuer de travailler avec davantage d’optimisme, je souhaite profiter de cette séance, madame la ministre, pour vous interroger sur le travail qui a été mené pour les Françaises et les Français.
Au-delà des modalités les encadrant, ces dispositifs sont-ils efficaces ? Sont-ils suffisants ?
Les réponses apportées aux boulangers, symboles des professionnels affectés, ont-elles été entendues ?
M. Jacques Grosperrin. Question téléphonée…
M. Didier Rambaud. Enfin, comment l’État entend-il accompagner concrètement les professionnels pour faciliter leurs démarches et faire en sorte que chacune et chacun puisse bénéficier des aides ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Rambaud, nous nous adaptons à la situation, qui est difficile, en particulier pour nos artisans et pour nos boulangers.
Permettez-moi d’évoquer quelques points.
À cette heure, quelque 12 milliards d’euros sont mobilisés pour aider nos PME et nos TPE. Plus les entreprises sont petites et exposées, plus elles sont protégées.
Selon la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie, la consommation de 80 % des boulangers dépasse les 36 kilovoltampères. Au-delà de ce seuil, les boulangers bénéficient du tarif réglementé de vente, c’est-à-dire d’un prix garanti de 280 euros le mégawattheure.
Ils n’ont pour cela qu’une chose à faire : cocher la case indiquant que leur entreprise est une TPE sur l’attestation que nous mettons à leur disposition sur différentes interfaces, pour nous assurer qu’ils la trouveront : sur leur espace professionnel, auprès de leur fournisseur d’énergie, mais aussi, dès maintenant, sur la page d’accueil du site impots.gouv.fr. Il suffit de cocher cette case pour que, dès les semaines suivantes, les nouvelles conditions tarifaires soient mises en œuvre.
Si cela ne suffit pas, le dispositif de l’amortisseur électricité permet aux TPE, mais aussi aux PME, de bénéficier de 15 % à 20 % de baisse directement sur leur facture. Il n’y a pour cela rien d’autre à faire que de cocher une case indiquant que l’entreprise est une TPE ou une PME.
Si cela ne suffit pas, et permettez-moi de répondre en même temps à M. Husson…
M. le président. Je vous remercie de vous en tenir à la question sur laquelle vous avez été interrogée, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Les formulaires d’aide sont téléchargeables sur le site impots.gouv.fr depuis six mois.
M. Jean-François Husson. Expliquez cela aux boulangers !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je ne fais que cela, monsieur le sénateur ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que les aides consenties au titre des mois d’octobre, de novembre et de décembre dernier pourront être obtenues dès le 16 janvier en allant sur le site impots.gouv.fr.
J’ajoute que je travaille également avec les experts-comptables pour mieux accompagner les artisans et les boulangers. Ces derniers ont confiance en leur expert-comptable, auquel ils confient chaque mois leur déclaration de TVA. En cas de doute, je les invite donc à se rapprocher de leur expert-comptable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
réforme des retraites (iii)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, hier soir, en écoutant les annonces de Mme la Première ministre, j’ai pensé à des amis ou connaissances – Isabelle, Jean-Marc, Philippe.
La première travaille dans l’agroalimentaire depuis quarante ans, et elle devait prendre sa retraite à 62 ans. Elle devra travailler un an et trois mois de plus.
Le deuxième est charpentier. Il peut bénéficier du dispositif carrière longue, mais, en raison du report de l’âge de départ à la retraite prévu dans le cadre de celui-ci, il devra travailler plusieurs mois de plus.
Le troisième vient de perdre son emploi. À 60 ans, il a peu d’espoir d’en retrouver un. Vous venez généreusement de réduire la durée d’indemnisation du chômage, et voilà que la perspective d’un meilleur revenu produit par la retraite s’éloigne…
Vous allez faire payer votre réforme idéologique par ceux qui travaillent depuis longtemps déjà, qui cotisent depuis longtemps déjà et qui ont les métiers les plus difficiles et les moins bien rémunérés, ainsi que par les personnes précaires.
Dans le même temps, vous ne demandez aucune contrepartie aux employeurs et vous refusez obstinément de mobiliser les gains, parfois faramineux, engrangés par certains depuis quelques mois.
Monsieur le ministre, vous qui ne cessez de mettre en avant la valeur travail, pourquoi maltraitez-vous à ce point les travailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Lubin, la réforme est nécessaire. J’ai évoqué la raison pour laquelle il nous fallait la faire – sauver le système par répartition – et j’ai indiqué qu’il fallait la faire avec le plus de justice possible.
Plusieurs éléments répondent très précisément à votre question.
Dans le cadre de la concertation que j’ai menée pendant plusieurs mois et durant laquelle nous avons travaillé avec tous les partenaires sociaux, tous les syndicats, toutes les organisations patronales et avec les groupes politiques que nous avons consultés, nous avons abouti à un certain nombre de convergences. Cela n’efface pas les désaccords sur l’âge, mais ces convergences ont été trouvées. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Pour ce qui concerne la pénibilité, nous modifions le compte personnel de prévention, de manière à faciliter l’acquisition de points au travers des six critères.
Nous créons la possibilité d’un véritable congé de reconversion.
Nous faisons en sorte de mieux protéger ceux qui travaillent de nuit ou en équipe, c’est-à-dire de manière postée.
Nous allons retravailler sur les questions relatives au port de charges, aux postures pénibles, aux vibrations, pour faire en sorte que des accords de prévention soient signés.
Au total, un milliard d’euros sur cinq ans seront consacrés au financement de la prévention, et la possibilité de partir de manière anticipée dans le cadre d’un suivi médical renforcé sera confortée.
J’en viens aux carrières longues. Nous maintenons bien évidemment le départ à 58 ans pour tous ceux qui ont cotisé cinq trimestres avant 16 ans.
Nous maintenons le dispositif existant, qui permet de partir avec deux ans d’avance, pour ceux qui ont cotisé cinq trimestres avant 20 ans. Et nous créons un nouveau dispositif, qui s’appliquera très certainement aux personnes que vous avez évoquées, permettant à ceux qui ont cotisé cinq trimestres avant 18 ans – je pense tout particulièrement aux apprentis – de partir avec quatre ans d’avance et à 60 ans sans qu’il y ait de décalage de l’âge pour ceux qui ont commencé à travailler plus tôt.
Madame la sénatrice, je souhaite que les amis que vous évoquiez soient des amis imaginaires, car le décalage de leur âge de départ à la retraite est principalement imputable à la hausse de la durée de cotisation que vous avez votée en 2013…
Vos propos rappellent ceux du premier secrétaire du parti socialiste, qui s’est converti à la doctrine de Jean-Luc Mélenchon. Ils montrent que vous avez perdu le sens de la raison et de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Vives protestations sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Que vos remarques sur les dispositions votées par ma famille politique sont douces à mes oreilles, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Puisque vous me tentez, je rappellerai seulement que j’ai quelques souvenirs, dans le département des Landes, d’un certain Henri Emmanuelli, que vous appréciiez beaucoup, à l’époque ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Monsieur le ministre, le Conseil d’orientation des retraites indique que la part des retraites dans le PIB s’établit à 14 % et qu’elle est stable. Le système n’est donc pas en danger.
Les critères de pénibilité que vous venez d’évoquer ont été supprimés par vos soins en 2018, lorsque vous êtes entré au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Et vous pouvez le présenter comme vous voulez, monsieur le ministre, mais vous faites payer cette réforme uniquement par les salariés les plus modestes !
Enfin, soyez assuré que mes amis ne sont pas imaginaires. Croyez bien que, quand on a travaillé quarante-deux ans, un an de plus, c’est un an de trop ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
marché de l’électricité dans l’union européenne
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique.
Depuis un an, notre pays traverse une crise énergétique effroyable. Le Gouvernement allume bien sûr des contre-feux – bouclier tarifaire, amortisseur, filet de sécurité… –, dont le coût, d’un montant de 24 milliards d’euros en 2022, s’élèvera à 43 milliards d’euros en 2023.
Il est très dangereux de gouverner à coups de chèques, d’autant plus lorsque ces derniers sont financés par de la dette et qu’ils sont en outre mal calibrés, complexes dans leur exécution et toujours insuffisants. À défaut de solution structurelle, vous arrosez le sable avec de l’eau, madame la ministre.
La solution structurelle est européenne, car nous sommes aujourd’hui prisonniers de l’architecture européenne du prix de l’électricité liant électricité, gaz et charbon.
Madame la ministre, l’état de guerre a pulvérisé le marché énergétique. La disparition du gaz russe l’a déséquilibré profondément et probablement définitivement. Il faut donc tirer les conséquences de cet état de fait et abolir immédiatement les mécanismes de concurrence qui sous-tendent l’architecture du prix.
De Conseil européen en Conseil européen, nous ne voyons rien venir, nous ne voyons rien bouger. Si la France n’a désormais plus suffisamment d’influence au sein de l’Union européenne pour faire bouger les choses, demandez des dérogations immédiates, madame la ministre. D’autres pays l’ont fait, y compris ceux où l’interopérabilité est forte.
Le temps presse, madame la ministre ! On ne peut plus attendre les prochaines réunions du Conseil européen. Notre économie ne le supportera pas. Je vous remercie de nous indiquer votre action. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Primas, vous l’avez dit, nous avons d’abord agi au service des ménages, des entreprises et des collectivités locales, en prenant le plus rapidement possible des mesures. Ainsi, aujourd’hui, ces différentes catégories de consommateurs bénéficient du prix de l’électricité le plus bas d’Europe.
Il ne s’agit pas d’une politique du chèque, car elle repose sur une contribution sur la rente inframarginale, c’est-à-dire sur le surplus de bénéfices que cette situation particulière de crise énergétique suscite pour nos producteurs d’électricité. Nous gérons le budget de l’État à des fins utiles, en allouant des aides proportionnées, et les ménages et les TPE sont les mieux protégés.
Avec Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, j’ai notamment obtenu le plafonnement du prix de l’électricité des contrats à 280 euros du mégawattheure.
Vous soulignez à juste titre que notre action doit aussi être menée à l’échelon européen, car nous subissons un acte de guerre. En Europe, 40 % de l’approvisionnement de gaz sont d’origine russe et 22 % de la production d’électricité européenne reposent sur le gaz. C’est une réalité qu’il nous faut prendre en compte.
Vous savez également – nous l’avons évoqué ce matin en commission lors de la présentation du projet de loi sur l’énergie nucléaire – que la situation de notre parc nucléaire nous rend aujourd’hui dépendants d’autres pays européens pour notre approvisionnement en électricité. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est une réalité que nous devons également prendre en compte.
Nous avons agi en Européens : c’est ce qui nous permet de passer cette crise et cet hiver en bénéficiant d’un prix de l’électricité qui n’est certes pas satisfaisant, mais qui est en baisse par rapport à son niveau du début de l’année dernière, grâce au stockage du gaz et au plafonnement du prix du gaz.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’ajoute que, grâce à l’action du Gouvernement, la Commission européenne présentera au premier trimestre une proposition d’évolution du marché de l’électricité allant dans le sens que vous appelez de vos vœux, madame la sénatrice. (MM. Julien Bargeton et Martin Lévrier applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.
Mme Sophie Primas. Madame la ministre, nous étions un pays fort, capable d’imposer des décisions à l’Europe.
Il y a urgence, car à la fin du premier trimestre, quand l’Europe aura peut-être pris une décision, nous aurons dépensé des milliards d’euros au travers de chèques et nous n’aurons toujours pas de solution structurelle.
Je rêve d’un pays fort, capable de faire bouger l’Europe et de prendre des décisions au bénéfice de son économie, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
décision de justice dans l’enquête sur le chlordécone aux antilles
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, mes chers collègues, compte tenu de la gravité du sujet et de son caractère interministériel, ma question s’adresse à Mme la Première ministre. J’y associe mes collègues Catherine Conconne et Victoire Jasmin.
Elle porte sur le non-lieu, prononcé le 2 janvier dernier, dans l’enquête sur la contamination et la pollution au chlordécone. Je respecte les décisions de justice, mais en l’espèce, personne ne pourrait s’en satisfaire.
Cette décision est un indéniable déni, susceptible d’allumer des brasiers. Il n’y aurait en effet ni coupable ni responsable.
Bien qu’elle fût attendue, cette décision ajoute au scandale d’État un scandale judiciaire, madame la Première ministre.
Au-delà des actions menées par tous les gouvernements et par le vôtre, des plans mis en place et de la reconnaissance de la carence fautive des pouvoirs publics, je considère que l’État est un coresponsable majeur de cette tragédie, dont il demeure, de ce fait, comptable. Quelque quarante-six ans après les premières alertes et seize ans après la première plainte, vous ne pouvez rester indifférente.
Je formulerai quatre interrogations, madame la Première ministre.
Au-delà des suites que les parties civiles ne manqueront pas d’intenter, comptez-vous tout faire, dans le respect du droit, pour que le parquet rouvre ce dossier ?
Êtes-vous prête à créer un fonds d’indemnisation pour toutes les victimes ?
Êtes-vous prête à faire pour les victimes du chlordécone ce qui a été fait pour les victimes de l’amiante ?
Êtes-vous prête à renforcer l’action de l’État en faveur de la recherche fondamentale et de la dépollution des eaux et des sols ?
J’attends de vous une réponse humaine, débarrassée de toute vaine polémique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Catherine Conconne. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, je constate comme vous – j’ai eu l’occasion de le dire hier à l’Assemblée nationale – la décision prise librement par les autorités judiciaires. Un membre du Gouvernement ne peut qu’en prendre acte.
J’ai bien lu les attendus de l’ordonnance : ils pointent une responsabilité collective dans ce scandale sanitaire. Mais comme vous l’avez indiqué, cela n’amoindrit en rien la responsabilité de l’État face à ce scandale. Celui-ci a d’ailleurs été reconnu pour la première fois par le Président de la République en 2018, et nous devons continuer d’avancer sur ce chemin.
Notre priorité commune est de protéger la santé de nos concitoyens, d’aider les secteurs économiques affectés et de renforcer la recherche. Avec Gérald Darmanin et le ministre de la santé et de la prévention, le Gouvernement s’est engagé et s’engage encore à répondre à ces enjeux.
Plusieurs avancées fortes, j’y insiste, ont déjà été obtenues : la reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle ouvrant droit à indemnisation, l’analyse gratuite du taux de chlordécone dans le sang, l’analyse des sols ou encore les importants de travaux de recherche engagés pour la dépollution des sols.
Le colloque scientifique Chlordécone, connaître pour agir et les rencontres de terrain organisées au mois de décembre dernier ont été l’occasion de porter à la connaissance de tous ces nombreuses avancées, mais ils ont également montré qu’il y avait encore beaucoup à faire.
Je prends donc note de vos propositions, monsieur le sénateur. Nous les étudierons avec attention et avec la volonté d’aboutir.
Si l’ordonnance est le droit et la chose jugée, nous continuerons d’avancer. Je me rends en Martinique dès demain, en partie pour cela. La coordonnatrice du plan chlordécone m’accompagnera à cet effet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)