M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, je vais essayer, par des mots qui seront suivis d’actes, de vous convaincre.
S’agissant des assistants médicaux, l’objectif du Gouvernement est que leur nombre passe de 4 000 à 10 000. En effet, l’emploi d’un assistant médical engendre un gain de 15 % de temps médical que le médecin généraliste peut alors consacrer au suivi des patients et à la prise en charge de nouveaux malades.
Concernant le financement, il faut être très clair : il est annoncé et s’élève à 36 000 euros la première année, à 27 000 euros la deuxième année et à 21 000 euros à partir de la troisième année. Le financement est donc assuré après la troisième année.
Le médecin traitant doit demeurer la pierre angulaire de notre système de santé. Le Président de la République l’a clairement dit ; c’est une volonté affichée et assumée. Il peut être le chef d’orchestre, mais ne sera pas l’homme-orchestre. Le Président de la République l’a également affirmé, me semble-t-il, et vous l’avez certainement noté.
Quand le Président de la République souligne qu’il ne doit pas être un verrou, cela signifie que d’autres professionnels pourraient constituer une porte d’entrée permettant d’amener ces quelque 6 millions de nos concitoyens dépourvus de médecin traitant vers l’un d’entre eux.
À propos de la téléconsultation, la crise sanitaire a été un accélérateur de son usage ; nous avons gagné presque quinze ans s’agissant de son développement. Néanmoins, lorsque le Président de la République aborde la question du seuil maximal de 20 % de téléconsultations par an, il ne s’agit pas de déréguler le système, mais de tenir compte du caractère bloquant de ces 20 % pour certaines spécialités. Je pense notamment à la psychiatrie, pour laquelle ce seuil est clairement limitant.
Ce n’est donc pas déréguler le système, mais faire en sorte de l’utiliser au mieux pour certaines spécialités. L’usage de la téléconsultation – et nous partageons la même analyse – est aussi un complément, qui, dans certains territoires, peut être intéressant. C’est bien l’objectif fixé.
Concernant la T2A, le Président de la République n’a pas annoncé sa suppression totale. Je rappelle que cela figurait dans la feuille de route de 2018. Il était impossible – je l’affirme de nouveau – de réformer le financement de l’hôpital avec la crise sanitaire que nous avons traversée dès 2020.
L’objectif est de coconstruire, avec les professionnels, cette réforme de la tarification de l’hôpital, tout en tenant compte des enjeux en matière de populations, de qualité et de pertinence des soins – comment éviter certaines dépenses ? M. le sénateur Milon l’a évoqué tout à l’heure –, sans sortir complètement de la T2A, puisqu’une part pourra être conservée. Puisque vous avez été également attentive au discours, vous savez que le chantier de cette réforme sera lancé dès le PLFSS pour 2024.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer le travail des soignants, que ce soit en ville, en médico-social ou à l’hôpital. Ils réalisent un travail remarquable dans des conditions très difficiles.
Depuis de nombreuses années maintenant, le monde de la santé fait face à de graves difficultés. La pandémie a révélé et aggravé les contraintes qui pèsent sur notre système de santé, malgré une augmentation importante de l’Ondam de 4 % cette année et de 57 milliards d’euros depuis 2017.
Nous sommes maintenant à un tournant. Nous ne pouvons plus laisser notre système de santé se dégrader davantage. Avec vous, madame la ministre, nous devons trouver des solutions pour remédier à la situation.
À la croisée des nombreuses difficultés que connaît notre système de soins se trouvent les services d’urgence. Leur état d’engorgement est alarmant, comme le soulignera mon propos.
Alors que l’État doit pouvoir garantir de disposer de soins sur l’ensemble du territoire, les urgences sont aujourd’hui devenues le dernier rempart médical pour un nombre important de nos concitoyens.
Il est cependant essentiel que ces services restent focalisés sur les cas graves et qu’ils ne soient pas « embolisés » simplement par des soins non programmés, qui n’ont pas pu être prodigués faute de médecins.
Pour qu’ils puissent accomplir au mieux leur mission, les services d’urgence doivent tout d’abord être préservés, en amont, par une régulation efficace. En Corrèze, le nombre de personnes qui se sont rendues aux urgences au cours de l’année 2022 a augmenté de 10 %, soit un doublement en vingt ans. La régulation doit permettre de distinguer ce qui relève de l’urgence de ce qui n’en relève pas.
Une bonne régulation doit aussi réorienter. À cet égard, il me semble indispensable que les médecins de ville, qui auront à leur disposition des IPA et des assistants médicaux afin de libérer du temps médical, acceptent de réaliser davantage de soins non programmés, notamment ceux qui sont destinés aux patients qui auront été réorientés depuis les services d’accès aux soins, qui sont aux côtés du médecin régulateur.
Ces soins pourraient être assurés dans le cadre d’une communauté professionnelle territoriale de santé avec des maisons de santé pluriprofessionnelles, qui pourraient être de garde à tour de rôle afin de prendre en charge les soins non programmés.
Il convient ensuite de soulager les services d’urgence également en aval. Une fois la situation médicale du patient stabilisée, il doit être transféré hors des urgences. Un problème se pose alors. En effet, il est très fréquent que les autres services hospitaliers, devenus hyperspécialisés, refusent d’accueillir un patient qui ne relève pas de leur spécialité.
Les services d’urgence n’ont pourtant pas les moyens de conserver ces patients sans mettre en péril l’exercice de leur mission. Il faudrait mettre en place, en aval, des services de soins polyvalents destinés à accueillir les patients qui doivent être hospitalisés.
Pour cela, madame la ministre, il faudra trouver les moyens de rouvrir des lits. Ces dernières années, beaucoup de lits ont été fermés en raison d’un manque de personnel. Pour les médecins, la suppression du numerus clausus – je n’en parlerai pas – aura des effets seulement en 2030.
Actuellement, des mesures peuvent être prises afin de disposer de davantage d’infirmières et d’aides-soignantes. Ce besoin ne fera d’ailleurs que croître avec le temps, au fur et à mesure que la population deviendra de plus en plus dépendante, en raison notamment de son augmentation entre 2020 et 2030.
La prévention sera nécessaire, tout comme la prise en charge de nos aînés. Or, à ce jour, cette dernière est minutée dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ce qui décourage les soignants. Le plan Grand Âge doit être rapidement mis en place, avec les 50 000 emplois annoncés par le ministre Jean-Christophe Combe.
Un plan massif de formation est aussi nécessaire. La validation des acquis de l’expérience semble être une bonne piste.
Par ailleurs, aux termes du dernier PLFSS, les étudiants devront effectuer une quatrième année d’internat auprès d’un médecin maître de stage ; or il n’y en a pas partout. Je suggère que les six derniers mois puissent être réalisés auprès d’un médecin référent pour irriguer l’ensemble des territoires. Le médecin référent connaît bien la patientèle et est apte à conseiller ainsi qu’à orienter. Un médecin senior, en dixième année et détenteur d’une thèse, doit être payé comme un remplaçant, c’est-à-dire dix consultations par jour minimum.
Les défis que nous devons relever sont nombreux. Madame la ministre, nous devons ensemble, le plus rapidement possible, résoudre les problèmes situés en amont et en aval des urgences, ainsi qu’embaucher massivement des infirmières et des aides-soignantes, afin de prendre en charge les personnes arrivant dans ces services.
Un aménagement de la quatrième année est obligatoire pour irriguer tout le territoire, mais aussi, comme cela a été dit, pour aider les collectivités à embaucher des médecins salariés. La téléconsultation peut également rendre quelques services. (Mme Colette Mélot et M. Jean-Claude Requier applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les défis devant nous sont nombreux. Ensemble, nous trouverons les solutions à mettre au service de notre système de santé.
Je partage pleinement la nécessité d’assurer une gradation du recours aux différents niveaux de soins. Les services d’urgence sont aujourd’hui trop souvent la seule solution identifiée, par défaut, par nos concitoyens. Le manque de médecins de ville en est sans doute le meilleur des exemples.
Le déploiement du service d’accès aux soins constituera une véritable solution pour les patients afin que chacun soit orienté, en cas d’indisponibilité de son médecin traitant, vers une solution de soins non programmés, adaptée à son état de santé.
C’est ce que nous allons réaliser, puisque les services d’accès aux soins, après avoir été mis en place cet été dans le cadre de la mission d’urgence, seront développés, car ils apportent une réelle réponse aux besoins des territoires.
En amont des urgences, nous sommes résolument engagés à soutenir les services de régulation grâce à un plan massif afin d’attirer des candidats et de former des assistants de régulation médicale, mais aussi en faveur des médecins régulateurs, dont nous avons déjà revalorisé financièrement la mission depuis l’été 2022.
Vous avez raison, il nous faut aussi agir en aval des urgences pour fluidifier les parcours. Pour cela, nous avons réactivé les cellules de gestion territoriale des lits qui ont fait leurs preuves durant la crise sanitaire et qui permettent d’avoir une vision complète des capacités d’accueil de l’ensemble des établissements d’un territoire.
Nous avons aussi autorisé, face aux tensions induites par la triple épidémie, des mesures dérogatoires pour disposer de davantage de véhicules susceptibles d’assurer des transports, grâce au possible remboursement par l’assurance maladie des trajets de taxi effectués à la sortie des services d’urgence ou grâce au recours à des équipages d’auxiliaires ambulanciers pour des transports ne nécessitant pas de surveillance médicale.
La clé, vous le soulignez, réside dans les ressources humaines, qu’il s’agisse de former de nouveaux professionnels ou de convaincre ceux qui ont quitté le système de revenir.
C’est sur les enjeux d’attractivité et de prise en compte de la pénibilité que nous sommes en train de travailler, travail qui doit produire des effets très rapidement.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la crise du système de santé.
Je crains, malheureusement, que cette question ne soit déjà obsolète.
Notre système de santé n’est plus en crise. Une crise, c’est soudain, une crise, c’est brusque et momentané, et puis une crise, cela passe.
Notre système de santé n’est plus en crise. Notre système de santé n’est même plus au bord de l’effondrement : notre système de santé s’effondre, sous nos yeux.
Qui aurait pu le prévoir ? Toute personne s’étant renseignée sur le sujet !
Si notre système de santé s’effondre, c’est la conséquence mécanique, logique et implacable de choix politiques, de mauvais choix politiques, qui ont déjà coûté des vies parmi, comme toujours, les populations les plus précaires et qui maltraitent, chaque jour, des soignantes et des soignants.
Trente-six des trente-huit infirmiers et infirmières ou soignants du service des urgences de l’hôpital de Saint-Avold sont en arrêt maladie. Résultat : l’absence d’accueil la nuit à partir de dix-neuf heures.
À l’hôpital de Pontoise, en région parisienne, 90 % des effectifs des urgences sont en arrêt maladie.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Je ne peux plus entendre dire que c’est la faute du covid-19, de la grippe, des bronchiolites ou, comme on nous le rabâche tous les matins depuis des mois, des trois à la fois.
Un système de santé existe pour éviter que les gens ne tombent malades et pour les soigner quand ils le sont.
Un système de santé ne s’effondre pas à cause des maladies, comme un système éducatif ne s’effondre pas à cause de l’illettrisme, comme un système judiciaire ne s’effondre pas à cause des crimes, comme un système électoral ne s’effondre pas à cause des élections.
Le système de santé est là parce que la maladie existe, parce que la prévention est nécessaire et parce que la guérison est possible. C’est son objet, le sens même de son existence.
S’il s’effondre parce que les gens tombent malades, c’est qu’il s’effondre de lui-même. Et s’il s’effondre de lui-même, c’est parce qu’il a été sous-financé au point qu’il ne puisse simplement plus tenir.
Je ne peux pas entendre, non plus, que c’est la faute des 35 heures.
Quel déshonorant mépris à l’encontre de celles et de ceux qui, à bout de souffle, s’épuisent chaque jour et chaque nuit, et qui persistent à le faire, malgré tout, afin de remplir la mission qu’ils ont acceptée : soigner.
Si, pour soigner, il faut soi-même être malade et épuisé, si, pour guérir les autres, il faut se tuer à la tâche, si notre système de santé doit reposer sur des personnes condamnées à en avoir besoin, car elles ne sont pas en bonne santé, tout cela n’a plus aucun sens.
Alors non, la responsabilité de l’effondrement de notre système public de santé n’est celle ni des maladies ni des 35 heures.
La responsabilité incombe à celles et à ceux qui ont organisé le désinvestissement dans l’hôpital public, le forfait patient urgences, les salaires de misère, les conditions de travail indignes, la tarification à l’acte, les fermetures de lits et de services, les déserts médicaux.
Notre système de santé subit l’enchaînement, depuis plusieurs décennies, de décisions politiques à courte vue, dominées par une idéologie mortifère, qui consiste à considérer que les services publics doivent coûter le moins cher possible ainsi qu’à ne pas reconnaître la santé comme un bien commun et que le service public qui s’en occupe doit – nous le répétons depuis tellement d’années ! – être organisé uniquement en fonction des besoins.
Cependant, il y a sans doute plus grave encore. Permettez-moi de vous lire quelques phrases.
« Selon un rapport de l’OMS de 2016, 23 % des décès dans le monde sont directement liés au fait d’avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre. […] Ce sont les plus défavorisés qui supportent la plus forte charge de morbidité liée à l’environnement. Le changement climatique et l’appauvrissement de la biodiversité provoqueront des chocs écologiques de forte amplitude sur notre économie et la société, dont la pandémie actuelle, d’origine zoonotique » – ce texte date quelque peu – « n’est qu’une des premières manifestations. […]
« […] Notre protection sociale n’est pas suffisamment résiliente face aux risques environnementaux et l’État ne s’est pas doté des outils prospectifs pour faire face à la survenance plus fréquente et plus aiguë d’événements climatiques et de crises imprévues, dont les effets sur les finances publiques seront lourds de conséquences. La pandémie […] l’a démontré avec force. Les chocs futurs risquent d’être encore plus violents. Il est donc urgent de changer de paradigme, avec des politiques publiques dont l’impact environnemental est pris en compte dès la conception et en développant une culture de prévention, d’adaptation et de résilience de notre système de protection sociale. »
Ce n’est pas moi qui ai écrit ces quelques lignes, en tout cas pas directement ; elles viennent du rapport adopté par notre chambre sur la sécurité sociale écologique, dont j’avais l’honneur d’être la rapportrice.
Qui peut prévoir l’impasse vers laquelle nous fonçons ? Ici, tout le monde ; simplement, tout le monde ici n’est pas au pouvoir pour l’éviter… (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
(Mme Pascale Gruny remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, ce n’est effectivement pas une crise que traverse notre système de santé et, ce que nous devons accomplir, c’est sa réforme structurelle. C’est bien pourquoi nous parlons de refondation.
Comme toute activité humaine, le système de santé est bien sûr sensible aux enjeux climatiques. Le Gouvernement fait de la santé environnementale une de ses priorités dans la politique de santé : ce sujet figure ainsi dans ma feuille de route. À ce titre, j’ai pris part ce matin aux travaux du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), au cours desquels nous avons pu poser quelques briques d’un projet de santé environnementale dont j’aurai sans doute l’occasion de venir vous parler dans les semaines à venir.
La France fait partie des États européens les plus engagés en matière de santé environnementale. Elle élabore tous les cinq ans un plan national santé environnement (PNSE) décliné en région.
Inscrits dans le code de la santé publique, les plans successifs ont permis des avancées notables pour réduire l’impact de l’environnement sur la santé, mieux prendre en compte la santé environnementale à toutes les échelles du territoire et développer des programmes de recherche structurés.
Le quatrième plan a été lancé en 2021. Il comporte plusieurs axes pour réduire les expositions environnementales affectant la santé humaine ou encore mieux connaître les expositions et les effets de l’environnement sur la santé des populations et des écosystèmes.
De même, nous prenons en compte les impacts environnementaux des activités de santé. L’évacuation des déchets d’activités de soins à risques infectieux sans atteinte de l’environnement ou le développement des possibilités de recyclage font ainsi l’objet de travaux associant l’ensemble des professionnels de santé.
De tels enjeux concernent beaucoup de ministères : soyez convaincue que le Gouvernement met tout en œuvre pour que ce dossier soit traité à l’échelle interministérielle. Je suis systématiquement aux côtés de Christophe Béchu et de Bérangère Couillard lorsqu’il s’agit de parler des problèmes relatifs à l’air ou à l’eau. La santé environnementale figure bien parmi nos sujets de préoccupation.
Enfin, prévenir, c’est guérir : voilà pourquoi la prévention est aussi un enjeu majeur de la politique que nous avons l’intention de mener. C’est tout le rôle du ministre de la santé et de la prévention et, dans le cadre du dernier PLFSS, nous avons déjà pris des mesures en ce sens.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tous les secteurs de la santé dans notre pays traversent une crise profonde, qu’il s’agisse de la médecine de ville, de l’hôpital ou des professions paramédicales. Tous les acteurs de santé font état de leur épuisement et de leur découragement.
La santé est un bien commun. Chaque citoyen devrait pouvoir se faire soigner de manière optimale, ce qui n’est plus le cas, loin de là, depuis de nombreuses années.
La crise actuelle renforce ma conviction profonde : il est absolument nécessaire de créer un nouveau service public de la santé et il est indispensable que ce dernier soit fort.
Rappelons une évidence : le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
Les réactions des différents acteurs de la santé à l’intervention présidentielle de vendredi dernier sont majoritairement marquées par un sentiment de déception.
Le président Macron est fidèle à sa ligne politique avec, par exemple, la remise en cause des 35 heures à l’hôpital, vieille lune de la droite. La réponse au malaise actuel de l’hôpital serait de faire travailler plus les personnels hospitaliers sans que ces derniers gagnent plus.
Rappelons que, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, la majorité présidentielle a voté la possibilité pour les médecins et les infirmières de travailler jusqu’à 72 ans : quel cynisme !
Il est urgent de dégager des vraies solutions pour répondre à la pénibilité des métiers. Beaucoup d’infirmières, par exemple, abandonnent leurs fonctions moins de cinq ans après leur diplôme.
Certaines solutions préconisées peuvent sembler aller dans le bon sens, comme la remise en cause de la T2A à l’hôpital ; mais prenons garde aux modalités d’application.
En outre, madame la ministre, pouvez-vous nous préciser ce que sont « les objectifs de santé à l’échelle d’un territoire » évoqués par le Président de la République ?
Le chef de l’État a aussi mentionné les conseils d’administration des hôpitaux, qui, semble-t-il, sont censés se substituer aux conseils de surveillance actuels. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Il vous appartiendra de mettre en application les annonces présidentielles, mais – force est de le constater – vous paraissez affaiblie par la nécessité, éprouvée par le Président de la République, de monter en première ligne.
La réorganisation de la médecine de ville a peu été abordée, alors qu’elle constitue le cœur du problème. Les dispositifs d’incitation ont échoué : même l’ancienne ministre de la santé Roselyne Bachelot le dit, alors qu’ils ont été créés sur son initiative.
Au titre des gardes, on ne prévoit pas de mesure contraignante pour les médecins libéraux. L’obligation de garde permettrait pourtant de décharger les urgences hospitalières des « petites urgences ».
En parallèle, les conditions d’exercice, pourtant difficiles, des internes en médecine hospitalière ne font l’objet d’aucune réflexion.
Rappelons que 30 % de nos concitoyens vivent dans un désert médical, que 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant et que 600 000 d’entre eux souffrent d’une affection de longue durée. Sur ce point précis, les mesures annoncées vendredi dernier ne rassurent pas.
La délégation de soins et, donc, la possibilité pour les paramédicaux de prescrire est une orientation intéressante, mais dangereuse, si elle n’emporte pas l’adhésion des professionnels de santé et si elle ne s’inscrit pas dans un projet global.
Le Président de la République semble avoir totalement renoncé au volontarisme politique dans le domaine de la santé : pas de moratoire sur les fermetures de lits ; incertitudes quant aux moyens ; pas d’annonce sur les déserts médicaux.
La santé a besoin d’un plan global et cohérent, loin des annonces à l’emporte-pièce. C’est pourquoi nous, sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, sommes favorables à un plan massif d’investissement dans le domaine de la santé.
En conclusion, j’insiste sur l’importance d’associer l’ensemble des parlementaires, notamment les sénateurs, à la construction d’un projet global de santé pour notre pays, seul à même de garantir le droit à la santé pour tous nos concitoyens.
Mme le président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Jean-Luc Fichet. Dans le cadre des réflexions et des travaux à venir, il nous faudra saisir l’occasion de mettre un coup d’arrêt à la gestion privée…
Mme le président. Cher collègue, vous avez épuisé votre temps de parole et je vous rappelle qu’un autre débat doit suivre.
M. Jean-Luc Fichet. Merci ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et CRCE.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, nous sommes d’accord au moins sur un point : la santé est un bien commun.
C’est bien parce que les différents secteurs de la santé et leurs acteurs vont mal qu’il nous faut – je le répète – refonder l’ensemble de notre système de santé, qu’il s’agisse de l’hôpital ou de la médecine de ville.
Le Président de la République n’a pas remis en cause les 35 heures à l’hôpital. Il a simplement dit qu’il fallait donner plus de souplesse et d’autonomie au système hospitalier pour organiser les emplois du temps à l’échelle d’un service. Ce sera le moyen d’accroître la qualité de vie au travail et de redonner du sens à celui-ci. Il faut permettre aux soignants de rester dans le service qu’ils ont choisi au lieu d’aller de service en service, comme c’est trop souvent le cas actuellement.
La réforme de la T2A doit être programmée par le prochain PLFSS ; cette réflexion sera lancée prochainement. À cet égard, nous devons coconstruire différents objectifs de santé publique, y compris à l’échelle des territoires. En effet, ces objectifs ne peuvent pas être les mêmes partout ; ce n’est pas possible, même si nous devons assurer un socle national.
Pour ce qui concerne les médecins généralistes, la nouvelle convention médicale est en cours d’élaboration : les discussions doivent se poursuivre jusqu’au mois de mars prochain.
Nous souhaitons que la médecine de ville s’inscrive dans une logique de gagnant-gagnant et le médecin traitant doit rester la pierre angulaire de notre système de santé.
Je rappelle que 650 000 de nos concitoyens en ALD sont actuellement sans médecin traitant. Pour ce qui les concerne, nous nous sommes fixé un objectif ambitieux et je suis sûre que nous arriverons, avec les médecins, à répondre à leurs besoins.
Enfin, la délégation de tâches ne se fera pas contre les professionnels, bien au contraire : elle se coconstruira avec eux, et avec eux tous. C’est tout l’enjeu du comité de liaison des institutions ordinales (Clio), lesquelles ont exprimé une volonté unanime en ce sens ; c’est ce que nous allons mettre en œuvre avec les professionnels de santé.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique. (Mme Catherine Deroche proteste.)
M. Jean-Luc Fichet. Cette réplique me permettra de conclure mon propos, madame la présidente.
Il est temps de mettre un coup d’arrêt à la gestion privée lucrative des établissements de santé. Le scandale Orpea a révélé ce qui peut se passer dans les maisons de retraite : à la lumière de cette affaire, il est grand temps de s’orienter davantage vers le public et le privé non lucratif.
Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)