compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
M. Pierre Cuypers,
Mme Victoire Jasmin.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission d’enquête
Mme le président. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.
En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Candidatures à une mission d’information
Mme le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème : « Le développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert ».
En application de l’article 8 du règlement, les listes des candidats remises par les groupes politiques ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées s’il n’y a pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Construction de nouvelles installations nucléaires
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (projet n° 100, texte de la commission n° 237, rapport n° 236, avis n° 233).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Mes chers collègues, avant d’ouvrir la discussion de ce texte, je vous informe que, en accord avec la commission et le Gouvernement, nous suspendrons nos travaux en fin d’après-midi, un peu avant dix-neuf heures, pour les reprendre à vingt et une heures en raison de la cérémonie des vœux du président Gérard Larcher.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après l’examen du projet de loi d’urgence relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, je poursuis la feuille de route que je vous ai exposée avec l’examen de ce projet de loi d’urgence relatif à la construction de nouvelles installations nucléaires.
Ce texte est important, car il permettra d’accélérer les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires dans notre pays, avec deux objectifs : raccourcir de plusieurs années les délais de réalisation de ces projets et contribuer à en réduire le coût pour les consommateurs.
Avant d’entrer plus concrètement dans le contenu de ce texte, je souhaite évoquer le contexte dans lequel il s’inscrit.
Ce contexte, c’est d’abord celui de l’urgence d’une crise climatique qui menace nos écosystèmes, nos sociétés et l’avenir de nos enfants ; une crise qui doit nous conduire à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Ce contexte, c’est ensuite celui de la crise énergétique que connaissent l’Europe et une grande partie du monde depuis l’année dernière. La guerre qui se déroule en ce moment aux portes de notre continent, en Ukraine, remet profondément en cause notre approvisionnement et fragilise notre économie du fait de l’envolée des prix de l’énergie en 2022.
Ces deux crises ont une même origine : notre dépendance aux énergies fossiles pour environ deux tiers de notre consommation finale d’énergie, qu’il s’agisse du gaz, du pétrole et, de manière minoritaire, du charbon.
C’est la raison pour laquelle l’ambition du Président de la République et du Gouvernement, conduit par la Première ministre, est que la France devienne le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles.
C’est un impératif pour le climat, bien sûr, mais aussi pour le pouvoir d’achat des Français, pour la capacité d’investissement de nos collectivités et la compétitivité de nos entreprises à long terme, ainsi que, plus profondément, pour notre indépendance politique.
Notre stratégie pour sortir des énergies fossiles repose, vous le savez bien, sur quatre grands et indissociables piliers.
Il s’agit, d’une part, de la réduction de la consommation d’énergie, grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétiques. En effet, si nous voulons atteindre la neutralité carbone, l’objectif que nous assignent les experts, notamment ceux de RTE (Réseau de transport d’électricité), est de réduire de 40 % notre consommation d’énergie à l’horizon 2050.
Le plan de sobriété que, avec la Première ministre, j’ai présenté au début du mois d’octobre dernier est la première brique de cette trajectoire de long terme. Il produit déjà des effets importants dans tous les secteurs de l’économie, grâce à la mobilisation des entreprises, des collectivités locales et des administrations, ainsi que, plus largement, grâce à la mobilisation des Français, que je veux remercier ici.
De ce fait, nous sommes dans les meilleures conditions pour passer cet hiver, mais, surtout, nous continuons à diminuer nos émissions de gaz à effet de serre alors même que la crise fait rage.
Notre stratégie énergétique repose, d’autre part, sur l’augmentation drastique et durable de notre production d’énergie décarbonée.
Sur ce point, nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de faire des choix idéologiques. L’enjeu, ce n’est pas le nucléaire contre les énergies renouvelables – le projet de loi relatif à l’accélération de leur développement, que vous avez voté à la quasi-unanimité, fera l’objet d’une commission mixte paritaire la semaine prochaine –, car il s’agit dans les deux cas d’énergies bas-carbone. L’enjeu, ce sont les énergies décarbonées renouvelables contre les énergies fossiles.
Notre stratégie implique, ensuite, la relance d’un programme nucléaire dans le contexte d’un parc vieillissant. Ce sont vingt-huit réacteurs qui atteindront plus de cinquante années d’exploitation d’ici à 2035. Vous le savez, le Gouvernement fait le choix de la relance de la construction de réacteurs et de la poursuite de l’exploitation des réacteurs en exercice, aussi longtemps que les enjeux de sûreté nous le permettront.
Dans le prolongement des orientations que le Président de la République a fixées pour EDF au mois de novembre 2018 – cette entreprise doit travailler à l’élaboration du programme du nouveau nucléaire – et de ses déclarations du 10 février 2022 à Belfort, le projet de loi qui nous rassemble aujourd’hui marque une nouvelle phase de notre politique nucléaire, en introduisant un cadre visant à l’accélération du processus des autorisations administratives pour les projets nucléaires.
Je veux véritablement y insister : ce texte ne vise pas à décider de la place de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français, pas plus que des détails du programme de nouveau nucléaire, de la politique en matière de traitement et de recyclage des déchets nucléaires ou de la recherche et du développement (R&D) relative à cette énergie.
M. Stéphane Piednoir. C’est vrai !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. D’autres textes le feront ; d’autres textes l’ont déjà fait.
Certaines dispositions isolées, introduites en commission la semaine dernière, concernent ces aspects de la programmation énergétique. Nous aurons l’occasion d’y revenir pendant l’examen des amendements, mais, vous le savez parfaitement, il ne s’agit pas d’un texte de programmation énergétique.
En effet, la loi de programmation énergétique doit être précédée d’une grande concertation sur l’avenir de notre mix énergétique, afin de recueillir l’avis des Français sur ce nouveau texte, qui sera soumis au Parlement en 2023.
Cette concertation, utile et nécessaire, a commencé en octobre dernier et compte à ce jour plus 25 000 contributions. Elle sera conclue, du 19 au 22 janvier 2023, donc d’ici à la fin de cette semaine, par un forum des jeunesses – nous y avons d’ailleurs invité les membres de la commission des affaires économiques, ainsi que ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable –, qui réunira deux cents jeunes âgés de 18 à 35 ans.
Son résultat vous sera intégralement communiqué dans la perspective du débat parlementaire sur le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui conduira à mettre à jour la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le présent texte n’en est pas moins très important. En effet, les dispositions prévues préparent l’avenir et sécurisent les délais des décisions que vous pouvez prendre dans les mois qui viennent. Elles auront des effets sur le délai de mise en service et, en conséquence, sur le coût des éventuels futurs nouveaux réacteurs nucléaires en France.
Je veux également être très claire : en votant ce texte, vous n’allez pas acter un quelconque affaiblissement des exigences en matière de sûreté nucléaire, de protection de la biodiversité ou encore de participation du public.
Le texte ne modifie ni le processus d’autorisation environnementale ni le processus d’autorisation de création, qui traite des enjeux de sûreté nucléaire. Ces deux autorisations demeurent, tout aussi rigoureuses que par le passé, tout comme les deux enquêtes publiques préalables ou encore le processus de débat public conduit en ce moment même, sous l’égide de la Commission nationale du débat public, en vue de la construction d’une première paire de réacteurs à Penly, et qui s’achèvera le 27 février prochain.
Enfin, il est important de le préciser, ce cadre d’accélération est borné dans le temps et dans l’espace, de manière à être proportionné et compatible avec l’ambition fixée par le Président de la République, à savoir, dans un premier temps, construire six réacteurs et lancer les études pour huit autres.
Il s’applique uniquement aux projets de construction de réacteurs nucléaires localisés à proximité du périmètre de sites nucléaires existants et dont la demande d’autorisation de création est déposée dans les vingt ans suivant la promulgation de la future loi. En effet, vingt ans, c’est le délai qui a été défini par la commission lors de l’examen du texte.
Enfin, ce texte ne préempte pas la technologie des réacteurs et peut donc s’appliquer à des EPR (European Pressurized Reactors, ou réacteurs pressurisés européens) tout aussi bien qu’à des SMR (Small Modular Reactors, ou petits réacteurs modulaires). Je sais que beaucoup ici sont attachés à cette ouverture et à ce principe de neutralité technologique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces précisions étant apportées, je tiens maintenant à vous exposer brièvement ce que prévoit ce projet de loi.
Afin d’accélérer les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, il rend tout d’abord possible la mise en compatibilité des documents locaux d’urbanisme. En effet, les procédures existantes en matière d’urbanisme sont incompatibles avec la complexité d’un projet de réacteur électronucléaire, et la nécessité de les mettre à jour conduirait à augmenter de plusieurs années la durée de construction.
Il permet ensuite de garantir le contrôle de la conformité au respect des règles d’urbanisme, tout en dispensant de permis de construire les installations et les travaux portant sur la création d’un réacteur électronucléaire, ainsi que sur des équipements et installations nécessaires à son exploitation.
À compter de l’obtention de la première autorisation environnementale, le texte permet de mener en parallèle l’instruction de l’autorisation de création et les activités relatives aux constructions, aménagements, installations et travaux préalables. En bref, on ne perd pas de temps !
Ce texte rend également possible la construction de réacteurs nucléaires à proximité des réacteurs existants localisés en bord de mer. C’est une mesure d’importance, puisque, vous le savez, les deux premiers sites envisagés pour l’implantation des deux premières paires de réacteurs sont ceux de Penly et de Gravelines.
Au regard de l’intérêt particulier pour la Nation de ces projets nucléaires, ce texte prévoit des mesures de sécurisation de l’accès au foncier, mobilisables en dernier recours et en cas de blocage, en s’inspirant de ce qui existe déjà pour d’autres projets d’ampleurs, comme le projet Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor).
Au total, ce texte permettra de ne pas allonger de deux à trois années le délai de construction de nouveaux réacteurs. La durée de construction du réacteur doit être un temps industriel ; les procédures administratives doivent donc être réalisées en temps masqué par rapport à ce temps industriel. Dans le contexte dans lequel nous nous trouvons, cela compte.
Proposer un cadre conciliant les impératifs d’accélération et de sécurisation des projets de nouveau nucléaire, ainsi que les plus hautes exigences en matière d’association des parties prenantes, de protection de la biodiversité et de sécurité, voilà l’ambition de ce texte.
Ce projet de loi s’insère dans un ensemble de mesures mises en œuvre visant à poser les rails juridiques, organisationnels, industriels, financiers et procéduraux de la relance d’une politique ambitieuse en matière de nucléaire civil.
Il est un maillon d’une stratégie d’ensemble, engagée depuis plusieurs années, pour construire notre indépendance énergétique et mener la bataille du climat en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles.
Je souhaite conclure en vous indiquant que ce texte est aussi important qu’il est technique. L’enjeu sera d’éviter que de petits grains de sable ne viennent compliquer, ralentir ou fragiliser juridiquement des projets déjà très complexes par nature.
C’est pourquoi je défendrai aujourd’hui des amendements qui viseront à compléter le travail, très significatif et très complet, mené la semaine dernière par la commission des affaires économiques, ainsi que par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à les en remercier.
Je salue tout particulièrement le rapporteur Daniel Gremillet et le rapporteur pour avis, Pascal Martin, ainsi que les présidents de commission Sophie Primas et Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 1971, le Président de la République Georges Pompidou s’exprimait en ces termes au sujet du premier plan nucléaire civil : « Il nous appartient de concevoir une politique de l’énergie, politique d’autant plus importante pour la France que nos ressources propres sont modestes. […] Nous avons décidé d’accélérer notre programme d’utilisation de l’énergie nucléaire, considéré comme un facteur important d’indépendance énergétique. »
Cinquante ans plus tard, ce constat n’a rien perdu de son acuité. Oui, l’énergie nucléaire est centrale. Et oui, une politique énergétique est indispensable.
Or le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, s’il revalorise utilement l’énergie nucléaire, n’offre aucune réponse s’agissant de notre politique énergétique. Je veux le dire solennellement ici : la relance du nucléaire ne peut se résumer à un texte de simplification. Pour réussir, il faut une vision politique cohérente, au-delà de procédures techniques disparates.
De plus, le texte manque de perspective et de profondeur, alors qu’il nous est demandé de légiférer jusqu’en 2038, au moins.
Le nucléaire de demain ne sera pas celui d’hier. Au-delà de notre indépendance énergétique, il contribuera à notre transition énergétique, car l’enjeu sera d’électrifier pour décarboner, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Le nucléaire de demain sera confronté à de nouveaux risques, climatiques et numériques. Nos réacteurs devront donc être plus résilients.
Le nucléaire de demain sera plus divers. Outre les EPR 2, se développeront des réacteurs de taille ou de technologie différentes, pour réduire les risques et les déchets, ainsi qu’un couplage entre les productions d’électricité et d’hydrogène, utile à l’industrie et aux transports.
Enfin, le nucléaire de demain s’inscrira dans une nouvelle société : une société plus décentralisée, où la voix des collectivités et celle des citoyens porteront encore plus, aux côtés de celle de l’État ; une société plus exigeante aussi, où la sûreté des réacteurs et la gestion des déchets devront être assurées, au-delà de la phase de production.
C’est cette vision résolument moderne de l’énergie nucléaire, fondée sur la science et la raison, inscrite dans le monde actuel, ouverte aux technologies futures, que notre commission a souhaité porter, car seule cette vision est à la hauteur des grands défis économiques et énergétiques. Le nucléaire est notre héritage et notre horizon ; sachons le relancer, en tenant compte de ce changement d’époque.
Notre commission est très attachée à l’énergie nucléaire. Nous l’avons démontré dans nos travaux législatifs, avant et bien souvent contre le Gouvernement. Ce ne fut pas simple de décaler de dix ans le calendrier de fermeture des réacteurs dans le cadre de la loi Énergie-climat de 2019. Ce ne fut pas simple, non plus, de conditionner toute autre fermeture à la prise en compte de ses conséquences sur notre sûreté, notre approvisionnement et nos émissions lors de la loi Climat et résilience de 2021.
Notre commission a aussi démontré cet attachement à l’occasion de ses travaux de contrôle. La mission d’information transpartisane, conduite avec mes collègues Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a ainsi plaidé en faveur de la construction de quatorze EPR 2 et de quatre gigawatts de SMR, afin de maintenir un mix majoritairement nucléaire d’ici à 2050.
Lors de mes travaux préalables, j’ai entendu une centaine de personnalités au cours d’une cinquantaine d’auditions.
Je remercie vivement le rapporteur pour avis, Pascal Martin, des excellentes relations de travail que nous avons nouées ; elles nous ont permis d’organiser des auditions communes et de présenter des rédactions communes. Cela confère au Sénat une voix forte et unique sur ce sujet essentiel.
Je retiens de ces travaux préalables l’existence d’un large consensus autour de l’objectif du texte, mais aussi de lourdes critiques portant sur la méthode.
S’agissant de son objectif, le texte doit permettre d’accélérer la construction de nouveaux réacteurs : d’une part, certaines procédures sont simplifiées, notamment en matière d’urbanisme, de construction ou d’expropriation ; d’autre part, certains actes voient leur nombre réduit et sont élevés au rang du décret, afin de concentrer le contentieux devant le Conseil d’État. Dans l’ensemble, le gain de temps pourrait être de cinquante-six mois pour EDF.
Concernant la méthode, elle est perfectible, et cela à plus d’un titre.
Tout d’abord, le Gouvernement légifère dans le désordre, car il aurait fallu – je vous prie de m’excuser, madame la ministre – soumettre à l’examen parlementaire le projet de loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, puis celui sur le nucléaire et enfin celui sur les énergies renouvelables. Or nous faisons les choses complètement à l’envers.
M. Ronan Dantec. Nous sommes d’accord !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Plus encore, le Gouvernement légifère dans la précipitation, le Sénat ayant été informé mi-décembre de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et de la tenue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ce mois-ci.
Autre difficulté, le Gouvernement omet les consultations en cours, la Commission nationale du débat public ayant été chargée du débat portant sur l’évolution du mix énergétique et sur le programme du nouveau nucléaire, dont le site de Penly.
Enfin, le Gouvernement se focalise sur la simplification, éludant les questions cruciales de la révision de la planification énergétique, de la décision de construction des réacteurs, ainsi que des moyens financiers et humains nécessaires, avec en filigrane le devenir de la régulation du nucléaire et du groupe EDF.
Surtout, ce texte ne doit pas faire oublier la responsabilité du Gouvernement dans le déclin de la filière du nucléaire. Jusqu’en 2022 et le tournant du discours de Belfort, il a appliqué une politique d’attrition du nucléaire existant et d’indécision s’agissant du nouveau nucléaire. Or, pour notre commission, il faut renverser la tendance ; il faut non pas se limiter aux annonces du discours de Belfort, mais construire davantage d’EPR 2.
Dans ce contexte, j’ai fait adopter une quarantaine d’amendements en commission, afin de compléter le texte selon quatre axes majeurs.
Le premier axe vise à en combler les angles morts. À cette fin, j’ai proposé d’allonger à vingt ans la durée des mesures de simplification et d’y intégrer, aux côtés des EPR 2, les projets de SMR et d’hydrogène.
J’ai également voulu clarifier la notion de « proximité immédiate », selon les préconisations de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
J’ai aussi prévu que l’État rende compte au Parlement de la mise en œuvre des mesures et des chantiers, afin que celui-ci soit informé sans omission des éventuels dépassements de délais et de coûts. L’État devra nous indiquer les sites retenus par EDF. Une clause de rendez-vous permettra d’inclure de nouveaux sites et de nouvelles technologies.
De plus, j’ai proposé de réviser la planification énergétique, en levant les verrous issus de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Il faut abroger l’objectif de réduction à 50 % de l’énergie nucléaire d’ici à 2035 et le plafonnement a priori à 63,2 gigawatts des autorisations d’exploitation.
Il faut aussi procéder à une révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), afin d’en retirer la trajectoire de fermeture des douze réacteurs, qui existe toujours alors que nous légiférons sur un projet de loi d’urgence. Il faut enfin prévoir que la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, attendue d’ici à juillet prochain, acte la construction des nouveaux EPR 2 et SMR d’ici à 2050 et précise les moyens financiers et humains requis.
Le deuxième axe vise à garantir la sûreté et la sécurité. Dans cette perspective, j’ai proposé d’intégrer la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, au stade tant de leur autorisation que de leur réexamen, ainsi que la cyberrésilience à la protection des réacteurs contre les actes de malveillance.
J’ai aussi voulu conditionner l’octroi des concessions d’utilisation du domaine public maritime à la prise en compte des risques de submersion, d’inondation et de recul du trait de côte.
Par ailleurs, j’ai entendu maintenir le rapport quinquennal sur la sûreté, encadrer le recours à la simple déclaration préalable dans le cadre du réexamen des réacteurs et clarifier les délais de la procédure de mise à l’arrêt définitif.
Enfin, j’ai voulu moderniser le fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire, en renforçant les attributions de sa commission des sanctions et en actualisant les règles, les évaluations, les prescriptions ou les infractions applicables.
Le troisième axe vise à associer les collectivités territoriales et le public. Pour ce faire, j’ai souhaité garantir que les réacteurs ne puissent être qualifiés d’intérêt général qu’après la tenue du débat public. J’ai aussi voulu que les collectivités puissent amorcer un dialogue avec l’État s’agissant de la modification de leurs documents d’urbanisme.
J’ai également proposé d’exclure les réacteurs du décompte « zéro artificialisation nette » (ZAN), car il s’agit d’un projet d’ampleur nationale. Un autre enjeu a été de garantir la perception par les collectivités de la taxe d’aménagement.
Le quatrième et dernier axe vise à renforcer la sécurité juridique des procédures.
Tout d’abord, j’ai proposé que les travaux pouvant être anticipés le soient, aux frais et aux risques de l’exploitant et après information du public. J’ai également voulu qu’un décret détermine ces travaux après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). J’ai aussi garanti le contenu de l’étude d’impact, les modalités de l’enquête publique ou encore les consultations de l’ASN.
De plus, j’ai suggéré que la dérogation à la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Littoral, soit attribuée au cas par cas s’agissant des ouvrages de raccordement, dans la continuité des travaux du Sénat menés à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
Par ailleurs, j’ai proposé de réduire à six ans le délai de la procédure d’expropriation, d’en exclure les ouvrages de raccordement et les équipements de fonctionnement, ainsi que de prévoir des garanties, notamment de relogement des habitants ou d’indemnisation des professionnels.
Enfin, j’ai ajouté deux procédures manquantes : une procédure de régularisation de l’instance, pour les litiges liés aux nouveaux réacteurs, et une dispense de permis de construire, pour les travaux d’adaptation des réacteurs existants.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Finalement, le texte issu de la commission est équilibré, entre effort de simplification et exigences renforcées de sûreté et de sécurité.
Je forme le vœu que ce texte contribue à la relance du nucléaire. Dans la crise énergétique que nous traversons, l’énergie nucléaire est un atout pour offrir un coût de l’électricité attractif.
Mme le président. Il faut vraiment conclure !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Enfin, je voudrais remercier l’ensemble des membres de la commission, ainsi que nos collaborateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au nom de laquelle je m’exprime aujourd’hui, salue le signal sans équivoque que constitue le texte soumis à l’examen du Sénat.
Après de trop nombreuses années d’atermoiements, ayant conduit à un délaissement de la filière nucléaire, préjudiciable pour le climat, mais aussi pour la préservation de notre souveraineté, la nouvelle impulsion énergétique et industrielle est bienvenue. Elle est même indispensable au maintien de la France à sa place de numéro un de l’électricité décarbonée et au soutien de l’électrification des usages prévue par la stratégie nationale bas-carbone, grâce à une production pilotable, en parallèle du développement des énergies renouvelables et de la réduction massive de notre consommation énergétique.
Notre commission a toutefois regretté la méthode consistant à aborder le particulier avant le cadre général : il eût été préférable, pour la clarté des débats politiques, de définir au préalable les objectifs de la politique énergétique dans le cadre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui doit être adoptée au Parlement dans le courant de l’année 2023.
En dépit des réserves et des remarques que je vous présenterai ici succinctement, notre commission a donné un avis favorable au présent projet de loi.
Compte tenu du champ très restreint du texte, de sa grande technicité et du calendrier des consultations actuellement à l’œuvre concernant les projets des six premiers EPR 2, ainsi que de l’élaboration de la stratégie française pour l’énergie et le climat, notre commission a souhaité apporter au texte des ajustements essentiellement juridiques, avec un double objectif : premièrement, améliorer la sécurité juridique et la lisibilité du texte, afin de limiter les risques contentieux qui affaibliraient la relance souhaitée du nucléaire français ; deuxièmement, encadrer les marges laissées au pouvoir réglementaire.
S’agissant du premier objectif, notre préoccupation principale a été de mieux définir la notion de proximité immédiate, telle qu’elle est proposée par le Gouvernement à l’article 1er.
Nous pensons que cette notion pourrait correspondre à toute implantation ne nécessitant pas de modification de la zone d’application et du périmètre du plan particulier d’intervention, aussi appelé PPI, des centrales nucléaires existantes.
À l’article 4, nous avons également souhaité définir plus précisément par voie réglementaire les bâtiments sensibles dont la construction ne pourra être entreprise qu’après la délivrance de l’autorisation de création et ceux, à moindres enjeux de sûreté, qui pourront commencer dès l’octroi de l’autorisation environnementale.
En ce qui concerne le second objectif visant à encadrer les marges laissées au pouvoir réglementaire, notre commission a souhaité que ce dernier soit contraint d’ordonner la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans, dès lors que l’absence de volonté ainsi que l’incapacité de l’exploitant de remettre son installation en service dans des délais raisonnables sont constatées par la puissance publique.
Cette option nous semblait équilibrée et offrait une opportune valeur ajoutée : elle évitait les instructions inutiles, comme le souhaitent les auteurs du projet de loi, sans pour autant affaiblir le principe d’un démantèlement des installations, le plus tôt possible, après leur arrêt. Elle n’a pas été retenue lors de nos débats en commission.
Avant de conclure, j’aimerais rappeler que ce projet de loi, aussi bienvenu soit-il, aura un impact limité sur la relance du nucléaire français : l’accélération des procédures et la réduction du risque contentieux ne constituent que des leviers mineurs pour s’assurer du développement dans les délais souhaités d’un nouveau parc et de la prolongation du parc existant dans les conditions de sûreté adaptées.
Les défis à relever dépassent en réalité largement le périmètre du texte et sont de deux ordres, ayant trait à la capacité des pouvoirs publics et du secteur, d’une part, à opérer une indispensable montée en compétences de la filière, et, d’autre part, à assurer une acceptabilité locale et nationale autour de la relance du nucléaire.
En résumé, il conviendra en 2023 de donner une visibilité suffisante aux acteurs du nucléaire : l’anticipation, indispensable à la fois à la montée en compétences de la filière et à l’acceptabilité du nouveau programme, constitue sans aucun doute la meilleure réponse aux défis qui s’annoncent pour le nucléaire français. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)