M. le président. L’amendement n° 38, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le ministre chargé de l’énergie établit un rapport exposant en particulier un comparatif financier des pistes de gestion des déchets radioactifs de long terme énoncées par l’article 4 de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, et par l’article 3 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
Le rapport permet de chiffrer financièrement et distinctement l’ensemble des étapes concernées, dont :
1° La phase industrielle de réalisation des travaux préparatoires ;
2° La phase pilote du projet ;
3° Les coûts de gestion et de fonctionnement du site ;
4° Les coûts de la mise en œuvre de la réversibilité de ces dites pistes.
Sont également précisées les participations respectives des différents acteurs publics et privés à ces financements, les investissements réalisés en termes d’aménagement du territoire à visée socio-économique, notamment via des comparatifs internationaux.
Ce rapport propose une échéance sur l’actualisation de l’inventaire de référence de stockage notamment des quantités actuelles et prospectives de matières et de déchets – MOX et URE usés notamment.
Ce rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement avant le 1er janvier 2024.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Mesures relatives à la transparence financière et industrielle
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Laurent Duplomb. Cela faisait longtemps...
M. Daniel Salmon. Investir dans le nucléaire revient à aggraver un problème sans solution.
Selon M. Daniel Iracane, directeur général adjoint de l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN), « le stockage est, par définition, l’art de mettre des déchets quelque part pour les oublier ». Rien ne permet de s’en débarrasser et les déchets s’accumulent.
On compterait dans le monde environ 250 000 tonnes de combustible nucléaire usagé hautement radioactif, auxquelles s’ajoutent chaque année 12 000 tonnes. Tout cela, pour seulement 2,3 % de l’énergie mondiale !
À la fin de 2019, la France avait accumulé 1,67 million de mètres cubes de déchets nucléaires. La transparence doit être améliorée quant au détail des coûts de gestion de ces déchets, dont le stock ne cessera de croître avec les nouveaux projets de réacteurs.
De même, la question des critères de valorisation des matériaux nucléaires, dont la requalification aurait pour conséquence d’augmenter significativement les coûts de gestion des déchets, doit être clarifiée par la loi.
Il nous paraît primordial d’éclairer le débat public, et en premier lieu le législateur, afin d’orienter les choix scientifiques qui engageront collectivement le pays.
Tel est l’objet de cet amendement, qui reprend l’article 9 de notre proposition de loi.
Nous souhaitons donc disposer d’un rapport d’évaluation des coûts de chacune des pistes de gestion des déchets radioactifs, comme le stockage en subsurface ou la transmutation, dont nous entendons parler depuis des décennies, mais qui n’aboutit pas, avant que nous nous engagions dans le choix irréversible d’un stockage géologique profond.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Des obligations proches de celles que vous proposez s’appliquent déjà.
L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) publie un rapport financier annuel. Par ailleurs, madame la ministre, vous avez chargé cette même agence d’étudier les conséquences de la construction de six EPR 2 sur le cycle du combustible, et notamment sur les installations de stockage.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je partage l’avis du rapporteur.
L’Andra a déposé le dossier d’autorisation de création lundi dernier et nous venons de mettre à jour le plan national de gestion des déchets et matières radioactifs (PNGDMR). Le sujet est suivi de près et cet amendement est satisfait.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La gestion des déchets dans la filière du nucléaire est un vrai sujet que l’on ne saurait balayer d’un revers de main.
Actuellement, on envisage de stocker tous les déchets hautement radioactifs à Cigéo – le Centre industriel de stockage géologique –, c’est-à-dire de les enfouir au plus profond. Il faut espérer que tout se passe bien, parce que les puits dans lesquels on descendra ces matériaux seront sans doute ouverts pendant 150 ou 200 ans, ce qui ne garantit en aucune manière la sécurité.
Revenons sur les surgénérateurs à neutrons rapides. Ceux-ci ont bien été un fiasco, du même ordre que celui de l’EPR (M. Stéphane Piednoir s’exclame.) : il s’agissait de réacteurs sans cesse en panne et qui subissaient des incidents récurrents. Ils fonctionnaient en effet avec du sodium, un matériau qui a la fâcheuse habitude de s’enflammer ou d’exploser…
Ces installations étaient régulièrement arrêtées. Devant le désastre financier qu’elles représentaient, on a fini par mettre un terme à l’expérience. Il en est allé de même, d’ailleurs, en ce qui concerne Astrid.
Vous pouvez réécrire l’histoire tant que vous voulez, la réalité est que cela ne fonctionne pas.
M. Stéphane Piednoir. Mais non !
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par Mme de Marco, MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 593-24 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 593-24-… ainsi rédigé :
« Art. L. 593-24-…. – Pour protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1, un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et après que l’exploitant a été mis à même de présenter ses observations, ordonne la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire située dans une zone inondable ou ayant subi des inondations ou des submersions marines, telles que définies à l’article L. 566-1.
« À compter de la notification de ce décret, l’exploitant de l’installation n’est plus autorisé à la faire fonctionner.
« Il porte la déclaration prévue à l’article L. 593-26 à la connaissance de la commission locale d’information prévue à l’article L. 125-17 et la met à disposition du public par voie électronique.
« Les articles L. 593-27 à L. 593-31 s’appliquent, le délai de dépôt du dossier mentionné à l’article L. 593-27 étant fixé par décision de l’Autorité de sûreté nucléaire.
« Jusqu’à l’entrée en vigueur du décret de démantèlement mentionné à l’article L. 593-28, l’installation reste soumise aux dispositions de son autorisation mentionnée à l’article L. 593-7 et aux prescriptions définies par l’Autorité de sûreté nucléaire, ces dernières pouvant être complétées ou modifiées en tant que de besoin. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Certains réacteurs nucléaires français sont particulièrement menacés par le risque d’inondation ou de submersion marine. J’ai notamment à l’esprit les sites du Blayais, en Gironde, ou de Gravelines, dans le Nord.
Ces installations nucléaires sont vulnérables et présentent des risques majeurs pour la sécurité de nos concitoyens. Or les modèles employés pour estimer ces risques comportent des failles et les conséquences du dérèglement climatique demeurent imprévisibles. La catastrophe du Blayais, en 1999, nous rappelle que la menace est constante.
Aussi cet amendement vise-t-il à renforcer la sûreté de notre parc nucléaire en fermant les installations les plus vulnérables aux inondations et aux submersions marines. Il tend simplement à préciser les dispositions contenues à l’article L. 593-23 du code de l’environnement, lequel prévoit la fermeture des installations présentant des risques graves pour la sécurité et la santé de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Aller dans votre sens reviendrait à minorer les autres risques pris en compte dans ce texte, lequel apporte des garanties supplémentaires en matière de sûreté, bien au-delà de la seule question des inondations et des submersions. Gardons-nous de dresser une hiérarchie des dangers.
Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement est déjà satisfait.
En outre, comme vous le soulignez, les centrales de Gravelines et de Penly pourraient être concernées par la submersion marine. Toutefois, vous venez de voter l’impossibilité de construire de nouvelles installations sur ces sites, et donc d’empêcher la construction de quatre nouveaux réacteurs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Stéphane Piednoir proteste.) Je tenais à le rappeler.
Je recommande, quant à moi, de ne pas mettre à l’arrêt définitif les installations nucléaires situées en zone inondable. Les sites proches d’un cours d’eau ou de la mer sont en effet plus concernés par les inondations que ceux qui en sont éloignés – rien que de très classique !
Dans les dossiers d’autorisation, qui sont régulièrement mis à jour, ces risques sont bien évidemment pris en compte et des mesures de protection sont prévues, ne serait-ce que la surélévation des installations.
Ces questions sont donc gérées, les risques sont sous contrôle et votre préoccupation est satisfaite, madame de Marco. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche et Breuiller, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6…. ainsi rédigé :
« Art. 6…. – I. – Est constituée une délégation parlementaire au nucléaire civil commune à l’Assemblée nationale et au Sénat composée de quatre députés et de quatre sénateurs, ainsi que du président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« II. – Les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, chargées respectivement du développement durable et de l’aménagement du territoire, de la défense, des affaires économiques et des finances publiques, ainsi que le président et le premier vice-président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sont membres de droit de la délégation parlementaire au nucléaire civil. Un député et un sénateur, issus de l’opposition, complètent la délégation parlementaire au nucléaire civil.
« La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit.
« Les députés sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« Deux agents par assemblées parlementaires sont désignés pour assister les membres de la délégation.
« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, la délégation parlementaire au nucléaire civil a pour mission de suivre l’organisation et le déroulement des activités nucléaires civiles sur le territoire national, sur le plan de la sûreté et de la sécurité. Ses compétences s’étendent aux organismes et aux entreprises publics ou privés, français ou étrangers, propriétaires ou gestionnaires d’au moins une installation nucléaire de base, en activité ou en démantèlement, ainsi qu’à ceux utilisant des sources ou des matières radioactives ou chargés d’effectuer l’entreposage, le stockage, la surveillance ou le transport de ces matières.
« La délégation peut solliciter du Premier ministre des informations et des éléments d’appréciation relatifs à la sûreté et à la sécurité des installations nucléaires et des transports de matières radioactives. Elle peut procéder à des contrôles sur place et sur pièces.
« La délégation peut entendre le Premier ministre, les membres du Gouvernement, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, les responsables de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ainsi que toute personne exerçant des fonctions de direction au sein d’organismes ou d’entreprises en lien avec les activités mentionnées au premier alinéa du présent III qu’elle juge utile d’interroger.
« La délégation peut saisir pour avis l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
« IV. – Les membres de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation définis au III du présent article et protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal.
« Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation sont habilités, dans les conditions définies pour l’application du même article 413-9, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.
« V. – Les travaux de la délégation parlementaire au nucléaire civil sont couverts par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au IV du présent article sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en ces qualités.
« VI. – Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité, qui ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation protégés par le secret de la défense nationale ou relevant du secret industriel.
« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les transmet au président de chaque assemblée.
« VII. – La délégation parlementaire au nucléaire civil établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Les dispositions de cet amendement reprennent l’article 3 de notre proposition de loi.
Je rappelle que nous allons devoir vivre un certain temps encore avec le nucléaire existant, qui vieillit et qui va devenir de plus en plus calamiteux. Nous avons un intérêt commun à éviter un accident.
Nous proposons donc la création d’une délégation parlementaire au nucléaire civil, sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement, afin de mener un travail serein, dans le respect des exigences des secrets industriels et de défense. Cette disposition vise à plus de transparence et de démocratie, en respectant le cadre restreint de la démocratie représentative et des exigences de diffusion ciblée de l’information.
C’est, à notre sens, le minimum de transparence que l’on peut exiger d’une filière qui, pendant quarante ans, a fonctionné comme un État dans l’État et a conduit EDF à la faillite.
Nous avons suffisamment souffert de cette collusion entre EDF, l’administration centrale et le pouvoir exécutif, pour le résultat désastreux dont on fait le constat sur toutes ces travées. Il est temps de s’appuyer sur l’intelligence collective du Parlement pour engager les choix stratégiques du pays et assurer la sécurité de nos concitoyens.
Nous ne comprendrions pas que des parlementaires si désireux de participer aux choix stratégiques de la Nation en matière énergétique ne votent pas cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Une telle délégation serait redondante avec les missions de contrôle des commissions permanentes et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Il nous semble inutile de créer une instance supplémentaire.
Pour cette raison, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il n’appartient pas au Gouvernement d’organiser les travaux du Parlement, je me rallie donc à l’avis de M. le rapporteur.
Je précise simplement un point technique : pour que cette proposition voie le jour, il faudrait modifier l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires…
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Comme le rappelait M. le rapporteur à l’instant, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a été créé voilà tout juste quarante ans afin de permettre aux parlementaires d’exercer un contrôle, y compris en matière nucléaire.
Cette structure particulière, qui rassemble dix-huit sénateurs et dix-huit députés, se réunit tous les jeudis matin pour travailler sur des sujets scientifiques, notamment nucléaires. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.)
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la possibilité de créer au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques créé par la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 une section spécifiquement dédiée au suivi des questions nucléaires.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre III
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une commission nationale des provisionnements pour servitudes nucléaires est créée en lieu et place de la commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs mentionnée à l’article L. 594-11 du code l’environnement.
Cette commission est chargée, pour chaque exploitant d’installation nucléaire de base, de la supervision et du contrôle des trois provisionnements suivants :
1° Le provisionnement pour charges de démantèlement ;
2° Le provisionnement pour charges relatives à la gestion des déchets ;
3° Le provisionnement pour charges en prévision d’un éventuel accident.
Cette commission s’assure que les provisionnements pour démantèlement des exploitants aient un caractère suffisamment liquide pour qu’ils soient mobilisables.
Cette commission se réunit a minima quatre fois par an.
Un décret pris en Conseil d’État précise la composition de cette commission, au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Mesures relatives à la transparence financière et industrielle
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement tend à instaurer une commission nationale des provisionnements pour servitudes nucléaires.
La loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a créé une Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (Cnef) ayant pour mission de vérifier l’adéquation des provisions aux charges.
Cette commission peut demander aux exploitants communication de tout document nécessaire à l’accomplissement de ses missions et entendre l’autorité administrative qui instruit les dossiers.
La Cnef s’est réunie pour la première fois le 17 juin 2011, soit près de cinq ans après la publication de la loi. Quelle célérité ! Elle a remis son unique rapport en juillet 2012. Depuis, ses activités ont cessé.
À la suite des travaux menés en 2016 et 2017 par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des centrales nucléaires, la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires créée le 1er février 2018, dont la rapporteure était la députée Barbara Pompili, a constaté que le provisionnement pour charge de démantèlement réalisé par EDF se révèle largement « illiquide ».
Elle a considéré qu’il ne peut revenir à l’exploitant, juge et partie, de fixer le montant des sommes à provisionner. Il conviendrait de s’inspirer du modèle de la commission des provisions nucléaires instituée en Belgique en 2003, qui a fait ses preuves.
Telles sont les raisons pour lesquelles il semble nécessaire de créer une commission permanente, se réunissant trois à quatre fois par an.
Cet amendement vise donc à insérer dans le présent projet de loi l’article 6 de la proposition de loi portant diverses mesures visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire déposée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires le 2 février 2022 au Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Il ne me paraît pas opportun de supprimer la Cnef au profit d’une énième instance dont les attributions, la composition et le fonctionnement ne sont pas pleinement précisés.
Je rappelle que les statuts de la Cnef prévoient la présence de parlementaires en son sein, ainsi que la possibilité de rendre des avis au Parlement, au Gouvernement et au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN).
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le démantèlement est un enjeu majeur pour le Gouvernement qui en assure un suivi et un contrôle attentifs. L’analyse en est réalisée, non par l’opérateur, mais bien par le Gouvernement.
Les charges nucléaires de long terme, les provisions afférentes et le montant des actifs dédiés à leur couverture font l’objet d’un contrôle permanent du Gouvernement, qui publie les principaux résultats de son contrôle sur le site internet de mon ministère.
Pour ce qui concerne plus particulièrement les inquiétudes que vous avez exprimées, monsieur le sénateur, le niveau de liquidité des actifs est vérifié par le Gouvernement.
Par ailleurs, je ne reviendrai pas sur les propos du rapporteur relatifs à la Cnef, que je partage.
J’ajoute enfin que le Gouvernement est amené à répondre aux enquêtes de la Cour des comptes sur ces sujets, comme il l’a fait en 2019 et en 2020.
L’ensemble de ces éléments me paraissant satisfaire votre intention, monsieur le sénateur, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Nous avons un souci, madame la ministre, car Mme Pompili, qui fut ministre voilà quelques mois seulement, tenait des propos inverses.
En tout état de cause, le problème est bien connu. Au début des années 2010, l’une des premières commissions d’enquête constituée sur l’initiative du premier groupe écologiste du Sénat s’était déjà penchée sur cette question. Les travaux avaient rapidement permis de souligner que jouer sur les taux d’actualisation – il faut le dire clairement – permettait d’inventer des provisions qui n’existaient pas.
Si la Cnef ne se réunit pas, c’est parce que nous sommes à ce jour incapables de financer le démantèlement du parc nucléaire français. Tout le monde sait qu’il n’y a pas d’argent ! On ne réunira donc jamais cette commission et le travail d’évaluation sera, de fait, mené par des commissions d’enquête qui aboutiront toutes à la même conclusion : il n’y a pas d’argent, parce que le coût du démantèlement mettrait en échec le modèle économique du nucléaire français.
Ces coûts porteraient en effet le prix de l’électricité nucléaire, y compris lorsqu’elle est produite par des centrales qui fonctionnent depuis plus quarante ans, à un niveau supérieur à celui du photovoltaïque et de l’éolien. C’est la raison pour laquelle on a menti sur les taux d’actualisation.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. L’exploitant dispose de données totalement fantaisistes pour ce qui est du financement du démantèlement. Lorsqu’on provisionne 1 milliard d’euros pour le démantèlement d’une centrale nucléaire en Allemagne, ce montant n’est que de 300 millions d’euros en France. Je sais bien que nous sommes brillants et productifs, mais il est tout de même surprenant de provisionner trois fois moins…
Il me semble donc nécessaire d’étudier cette question de près afin d’établir des provisionnements sincères, car nous léguerons cette dette aux générations futures.
Parmi les sept réacteurs de la centrale de Chinon, que j’ai visitée, quatre sont en fonctionnement. Les trois autres, à l’arrêt, ne sont toujours pas démantelés.
En Bretagne, la petite centrale de Brennilis, arrêtée depuis 1985, n’est toujours pas démantelée non plus. Depuis lors, le coût du démantèlement a été multiplié par six !
Nous souhaitons connaître la vérité des prix. Cessons d’avancer masqués et de reporter à plus tard. Mes collègues de droite évoquent souvent la dette de l’État. Cette dette-ci ne se comptera pas seulement en euros sonnants et trébuchants, mais aussi en tonnes de déchets radioactifs que nous laisserons aux générations futures.